CÔTE D’IVOIRE
SÉNÉGAL Aliou Sall sort de l’ombre
MAURITANIE Aziz sans Aziz ? Spécial 20 pages
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL NO 2998 DU 24 AU 30 JUIN 2018
MALI PRÉSIDENTIELLE 2018
Soumaïla Cissé « Moi ou le chaos » Une interview du chef de file de l’opposition, candidat à l’élection du 29 juillet. ÉDITION INTERNATIONALE ET AFRIQUE SUBSAHARIENNE
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GRAND FORMAT
MAURITANIE
IN PICTURES LTD/CORBIS VIA GETTY IMAGES
Pour tout comprendre de l’évolution d’un pays
Bouffée d’air frais
Côté politique, fini le boycott des élections par l’opposition. Côté économique, la croissance est de retour. Le pays hôte du prochain sommet de l’UA respire un peu mieux. jeuneafrique no 2998 du 24 au 30 juin 2018
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Alain Faujas
Du vieux et du neuf n Mauritanie, les événements se répètent. Certains, comme la sécheresse, qui l’a déjà affectée à plusieurs reprises, sont douloureux. En 2017, elle a « brûlé » ses pâturages et appauvri encore un peu plus ses éleveurs, contraints de brader leurs troupeaux. D’autres sont heureux. Après l’organisation, il y a deux ans, du sommet de la Ligue arabe (qui ne fut cependant qu’un demi-succès), Nouakchott accueille cette année le 31e sommet de l’Union africaine. L’occasion pour la capitale de moderniser 22 km de voiries, de faire disparaître les ordures de son centreville (déjà privilégié) et de s’offrir un deuxième centre de congrès, non loin de son nouvel aéroport. Même si on se fait un peu de souci pour l’hébergement des quelque 3000 invités au sommet – on recense 1 500 lits hôteliers à Nouakchott –, la Mauritanie va être pendant plusieurs jours l’œil de l’Afrique.
E
Premier prix de la sécurité
« L’œil de l’Afrique »… C’est aussi le nom du phénomène géologique appelé « structure de Richat », un embryon de volcan finalement avorté il y a 100 millions d’années près de Ouadane (Adrar), dont les plissements concentriques sont parfaitement visibles depuis les stations spatiales. Ses 50 km de diamètre vont pouvoir à nouveau époustoufler les touristes, comme ils ont enchanté Théodore Monod au siècle dernier. En effet, il y a aussi du neuf dans le désert avec le retour des touristes dans le Nord. Premier prix de la sécurité dans le Sahel, la Mauritanie a été en partie retirée de la « zone rouge » dressée par
le ministère français des Affaires étrangères. Après neuf années d’abstinence, l’atterrissage des charters à Atar permet aux touristes de gravir les dunes ocre ou dorées, dans les pas du Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry.
Une fin d’année passionnante
Ce neuf d’ordre psychologique et économique s’accompagne de la promesse d’un renouveau politique. En effet, les élections législatives, régionales et municipales prévues au début de septembre réservent bien des surprises, le scrutin à la proportionnelle et le nomadisme politique des Mauritaniens aidant. Prélude à l’élection présidentielle de 2019, à laquelle le président Mohamed Ould Abdelaziz a confirmé – promis, juré – qu’il ne se présenterait pas, elles rebattront les cartes politiques comme jamais et, espérons-le, dans un climat relativement pacifié. La fin de l’année s’annonce passionnante. Pour le plus neuf encore, il faudra attendre 2021, quand le champ gazier offshore de Grand Tortue, sur la frontière avec le Sénégal, fournira ses premiers mètres cubes de gaz. Le projet avance sans blocage, le partage des gains est acté, et les responsables mauritaniens rêvent aux nombreux mégawattheures qu’il sera possible de produire et de vendre au Mali ou à la Guinée avec ce gaz. Ce qui serait encore plus neuf, ce serait que ce pactole soit géré de façon transparente, de telle sorte qu’il profite aux générations futures, mais aussi à tous les Mauritaniens. Et qu’il ne cannibalise pas une économie toujours majoritairement rentière, donc fragile et source d’inégalités.
100 ENJEUX
Aziz toujours maître du jeu
103 Événement
Nouakchott accueille l’Union africaine
108 Entretien
avec Bathia Mamadou Diallo Ministre de la Défense
111 Interview
de Mohamed Ould Maouloud Président de l’Union des forces de progrès
114 ÉCONOMIE
Il est temps d’investir dans l’humain
118 Hydrocarbures
Synergie pour l’énergie
125 Tourisme
Dans les pas du Petit Prince
126 SOCIÉTÉ
Promotion X-Men
129 Tribune
de Bios Diallo
Directeur du festival Traversées mauritanides
Suivez toute l’actualité de la Mauritanie sur www.jeuneafrique.com
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Grand format MAURITANIE
ENJEUX
En confirmant qu’il ne briguerait pas un troisième mandat en 2019, Mohamed Ould Abdelaziz rebat les cartes tout en gardant la main. Tandis que la classe politique s’agite à l’approche des élections législatives et locales de septembre. ALAIN FAUJAS, envoyé spécial
L
a Mauritanie est en effervescence, et pas à cause du sommet de l’Union africaine ou de la visite officielle du président Macron au début de juillet (lire pp. 103-
104). Ce sont les élections législatives, municipales et régionales, prévues pour le début de septembre, qui mettent le monde politique en transe, car l’heure des alliances et des trahisons a sonné pour affronter ces échéances déterminantes. La majorité est brinquebalante. Un certain nombre de ses membres inspirés, dit-on, par le Premier ministre,
Aziz toujours 100
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SEYLLOU/AFP
À Banjul, le 18 février 2017, lors de l’investiture du président gambien, Adama Barrow.
maître du jeu jeuneafrique no 2998 du 24 au 30 juin 2018
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Yahia Ould Hademine, ont inondé les rues de Nouakchott de panneaux appelant le président Mohamed Ould Abdelaziz à se présenter en 2019 à la présidentielle pour la troisième fois. Ce que la Constitution lui interdit et ce que lui-même a d’ailleurs assuré qu’il ne ferait pas. Une telle insistance fait désordre. L’Union pour la République (UPR), le parti majoritaire créé en 2009 pour soutenir Mohamed Ould Abdelaziz, est en pleine refonte en vue d’une mise en ordre de bataille (lire pp. 108-109). En fait, le chef de l’État a été furieux de la faible mobilisation de l’UPR pour défendre ses réformes constitutionnelles, adoptées par référendum le 5 août 2017. Il a décidé d’en changer les structures et d’en remplacer les cadres afin de lui donner la pugnacité qu’elle n’a jamais eue. En ce moment, des batailles font rage pour obtenir l’investiture UPR. Les caciques font de la résistance face à la volonté présidentielle de promouvoir des jeunes, et les partis de l’opposition « dialoguiste », qui vote avec l’UPR, entendent bien avoir leur part du gâteau.
Fin du boycott systématique
Mohamed Ould Abdelaziz n’a aucune intention de se retirer sous sa tente au terme de son mandat, en 2019, pensent ceux de ses partisans qui sont convaincus qu’il ne modifiera pas la Constitution en sa faveur, comme a pu le faire Paul Kagame au Rwanda. Il serait donc en train de se construire la machine toute-puissante dont il serait le capitaine et qui détiendrait la majorité de la future Assemblée nationale. Afin de contrôler son successeur. L’opposition est encore plus désorientée que la majorité. Après avoir longuement tergiversé, sa coalition la plus représentative, le Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU), veut mettre fin au boycott systématique décidé lors des derniers scrutins, qui l’a marginalisée (lire p. 111). Certes, la composition de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) ne garantit pas que les élections de septembre seront d’une honnêteté à toute épreuve. C’est pourquoi, avec d’autres opposants, Ahmed Ould Hamza, ancien président de la Communauté urbaine de Nouakchott et membre du bureau politique du Rassemblement des forces démocratiques (RFD), demande la mise en place d’une nouvelle Ceni, où l’opposition aura sa juste place, et un report des élections. « Attendre une élection transparente pour participer, ce serait rester à l’écart. Nous n’avons pas d’autre choix que de participer, mais en combattant l’utilisation des moyens de l’État et l’instrumentalisation des tribus par le pouvoir », déclare Mohamed Jemil Ould Mansour, ancien président et député du parti islamiste Tawassoul, principale composante du FNDU. Trois données fragilisent cette opposition dite radicale. La première s’appelle Ahmed Ould Daddah, opposant historique et président du RFD. Un jour, il marche avec
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le FNDU ; un jour, il fait bande à part. Il est actuellement tiraillé entre ses partisans, qui veulent persister dans le boycott, et ceux qui estiment que ce serait signer l’arrêt de mort de leur parti. Le boycott et l’absence de Daddah pénaliseraient assurément l’opposition. La deuxième donnée est que le trublion qu’est Biram Ould Abeid – président de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA), qui entend représenter les Haratines et les Négro-Mauritaniens – vient très étrangement de s’allier avec son contraire: le parti baasiste Essawab, présidé par Horma Abdoul Salem, qui ne porte ni les Noirs ni les descendants d’esclaves dans son cœur. Essawab fournit à Biram la structure politique qui lui permettra de se présenter légalement aux élections (l’IRA n’est pas un parti reconnu), et Biram donne à Horma la visibilité qui lui permettra enfin d’avoir des élus. Reste à savoir si leurs militants les plus virulents suivront. La troisième donnée est que l’on voit mal quel candidat unique de l’opposition – si elle veut avoir une chance de l’emporter – sera désigné pour affronter en 2019 le candidat que choisira Ould Abdelaziz. Les querelles d’ego, et parfois le racisme de castes, risquent d’empêcher l’émergence d’un nom qui fasse consensus. D’ailleurs, Biram a déjà annoncé qu’il serait candidat dans tous les cas, fracassant le regroupement de toutes les oppositions péniblement constitué il y a un an sous le nom de « G8 ».
DANS L’OPPOSITION, LES QUERELLES D’EGO RISQUENT D’EMPÊCHER L’ÉMERGENCE D’UN NOM QUI FASSE CONSENSUS.
Qui sera le candidat du pouvoir?
Finalement, la Mauritanie est dans le brouillard. Elle ne sait pas qui sera le candidat du pouvoir, et les bookmakers continuent de parier au petit bonheur sur le général Ould Ghazouani, chef d’état-major des armées et frère d’armes du président Ould Abdelaziz, ainsi que sur Cheikh Ould Baya, maire de Zouerate et ami du président, qui semble prêt à entrer en campagne. Le pays ne sait pas non plus quelle Assemblée sortira des urnes, en septembre. Le scrutin à la proportionnelle garantit que tous les partis et tous les ténors y siégeront; les débats promettent donc d’être autrement plus animés que sous l’actuelle législature. Mais qui aura la majorité et qui s’alliera avec qui? Bien malin qui pourra le prédire, dans un pays où le nomadisme politique est solidement ancré dans les traditions. À l’UPR, on se dit confiant dans la victoire, car fort du bilan et de l’autorité du chef de l’État. Djemil Mansour, lui, pense que « le parti majoritaire n’aura plus la majorité absolue » et que « Tawassoul restera le premier parti d’opposition, car, à l’intérieur du pays, il n’y a que lui et le pouvoir ». Ces législatives constituent un tour de chauffe pour la course au palais présidentiel de l’an prochain. Quels que soient les rapports de force et les personnalités qui sortiront des urnes en septembre, une nouvelle ère s’annonce.
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Routes rénovées, trottoirs bitumés, éclairage public renforcé… Nouakchott a eu droit à quelques aménagements.
ÉVÉNEMENT
Sur le devant de la scène La capitale s’apprête à accueillir, les 1er et 2 juillet, le 31e sommet de l’Union africaine. Préparatifs, coulisses et petits à-côtés de ce grand rendez-vous. JUSTINE SPIEGEL
u milieu du désert, aux abords de l’aéroport de NouakchottOumtounsy, les pelleteuses s’activent depuis plusieurs mois. Afin d’être en mesure d’accueillir le 31e sommet de l’Union africaine les 1er et 2 juillet – ainsi que les réunions ministérielles, qui commenceront le 25 juin –, l’État mauritanien, qui n’a jamais organisé un tel événement, a dû engager des travaux. Il a fallu bâtir un centre de conférences, qui accueillera les 5000 participants, ainsi que 120 villas, destinées à l’hébergement des délégations des 35 présidents attendus. Un marché obtenu par le groupe mauritanien CDI, dirigé par Zine El Abidine Ould Mohamed Mahmoud. D’importantes mesures de sécurité sont également prises en prévision de ce grand
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CHAQUE JOUR, MOHAMED OULD ABDELAZIZ PILOTE UNE RÉUNION SUR LA SÉCURITÉ AVEC LES TROIS CORPS D’ARMÉE.
rendez-vous panafricain. Selon nos sources, au palais présidentiel, le chef de l’État, Mohamed Ould Abdelaziz, pilote quotidiennement une réunion conjointe des trois corps de l’armée sur ce sujet. La capitale, qui compte désormais le double de trottoirs et davantage d’éclairage public, sera quadrillée pendant quarante-huit heures. La Mauritanie veut à tout prix éviter de revivre le fiasco du sommet de la Ligue arabe qu’elle avait organisé en juillet 2016 et qui n’avait pas du tout eu le succès escompté. Seuls 6 chefs d’État sur 22 avaient fait le déplacement: un véritable camouflet pour « Aziz », qui avait pourtant déboursé 30 millions de dollars (près de 27 millions d’euros) pour financer les travaux de rénovation des routes de Nouakchott et du Palais des congrès.
Double enjeu diplomatique
L’enjeu diplomatique est double pour Mohamed Ould Abdelaziz, à un an de la fin de son mandat – réélu en juillet 2014, il a réitéré dans une interview à JA (n° 2981,
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du 25 février au 3 mars 2018, pp. 32-37) son engagement à ne pas être candidat en 2019. En effet, le président mauritanien accueillera également son homologue français, Emmanuel Macron, en visite officielle à Nouakchott les 2 et 3 juillet, la première d’un chef d’État français depuis celle de Jacques Chirac, en 1997.
Motifs de frustration
Depuis plusieurs années, la Mauritanie se sentait boudée par la France et ses plus hautes autorités, qui ne se bousculaient pas pour y faire un déplacement : l’ambassadeur Joël Meyer, en poste depuis septembre 2014, n’avait cessé d’alerter Paris à ce sujet. Il a également longtemps plaidé pour que la ville de Chinguetti sorte de la zone rouge du Quai d’Orsay – ce qui fut le cas en 2017 (lire p. 125) –, dont les conseils aux voyageurs étaient jugés trop stricts par le président mauritanien. Les relations entre Mohamed Ould Abdelaziz et François Hollande auront
EMMANUEL MACRON SERA À NOUAKCHOTT LES 2 ET 3 JUILLET… C’EST LA PREMIÈRE VISITE D’UN CHEF D’ÉTAT FRANÇAIS DEPUIS 1997.
donc été tendues jusqu’à ce que ce dernier reçoive son homologue à Paris, en avril 2017, un mois avant la fin de son mandat. Autre motif de frustration du président mauritanien: il s’agaçait de voir Paris attribuer tout le mérite de la lutte antiterroriste à son voisin sénégalais, Macky Sall, et sous-estimer les efforts du G5 Sahel, dont il est l’initiateur (lire « Humeur », p. 105). Or, en décembre 2017, Emmanuel Macron s’est engagé à débloquer 8 millions d’euros pour cette force conjointe, une implication appréciée par Aziz. Enfin, les patrons français s’intéressent à nouveau à la Mauritanie. Une délégation du Medef International – qui n’a pas envoyé de mission à Nouakchott depuis 2012 – y séjournera du 9 au 11 juillet. Elle sera présidée par Éric-Bastien Ballouhey, fondateur des Grands Moulins de Mauritanie, et y seront représentés essentiellement les secteurs des infrastructures, des télécoms, du BTP et du conseil.
DIFCOM/DF - PHOTOS : DR.
L’ÉNERGIE POUR L’ÉMERGENCE
> Les capacités de production de la SOMELEC ont été multipliées par sept en quelques années. Elle est ainsi passée d’une situation de déficit à une position d’acteur privilégié dans la sous région en matière d’énergie électrique.
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HUMEUR
DOM
concerne le deuxième volet du G5 Sahel cher au président Mohamed Ould Abdelaziz : le développement indispensable pour couper l’herbe sous le pied au jihadisme. L’AFD a cofinancé la centrale mixte solaire de Kiffa, mais ses autres projets ne sont pas nombreux, hormis la contribution à l’électrification de la wilaya du Hodh Ech Chargui.
G5 Sahel au goût amer ALAIN FAUJAS
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as sûr que, le 2 juillet, Emmanuel Macron arrive à Nouakchott les bras chargés de cadeaux. Certes, il apprécie le côté « cash » du président Ould Abdelaziz, qui est à l’origine du G5 Sahel. Mais il ne parvient guère à concrétiser les quelque 500 millions d’euros d’aides promises par le consortium des Amis du
Sahel aux cinq pays pour mettre en place les bataillons, embryons de la force conjointe, qu’il espère capables de se substituer aux troupes françaises de l’opération Barkhane. Nouvelle brigade spéciale L’ U n i o n e u ro p é e n n e semble avoir débloqué les primes pour les officiers en poste à l’état-major
de la force conjointe à Sévaré (Mali). C’est peu. En janvier, la France a donné à la Mauritanie dix véhicules tactiques légers tout-terrain de la société Acmat – à peine de quoi constituer une nouvelle brigade spéciale, fer de lance de l’armée en zone désertique. C’est déjà quelque chose. Même bilan maigrelet en ce qui
Victime de ses succès On comprend que la Mauritanie se sente mal récompensée pour ses efforts. Paradoxalement, à cause de ses succès : plus un seul attentat sur son sol depuis plus de huit ans, reprise du tourisme depuis décembre 2017, constitution d’un bataillon consacré au G5 et installation de son PC à Néma, accueil de militaires des quatre autres pays au Groupement interarmes d’Atar, ouverture en septembre de l’École de guerre du G5 (une fois ses enseignants formés par des militaires français)… Bien que la Mauritanie ait fait plus que sa part dans la sécurisation régionale, la France et l’Europe ne semblent avoir d’yeux que pour le Mali et le Niger, ou plus exactement pour la « zone des trois frontières » (Burkina Faso, Mali et Niger), où l’insécurité est permanente. Le bon élève n’est pas récompensé et en éprouve de l’amertume. Comme le dit un ministre, « tant qu’il n’y aura pas de force crédible, nous ne bougerons pas et nous n’irons pas nous battre à la place des Maliens ». jeuneafrique no 2998 du 24 au 30 juin 2018
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Grand format MAURITANIE ENJEUX
VIE DES PARTIS
Bathia Mamadou Diallo
Ministre de la Défense, président de la commission de réforme de l’Union pour la République (UPR)
« Plus de 1 million de Mauritaniens ont adhéré à l’UPR »
Jeune Afrique : Comment se fait-il que vous, qui êtes le ministre de la Défense, soyez chargé de la réforme du parti ?
Bathia Mamadou Diallo : C’est le président qui me l’a demandé, peut-être parce que j’aime concilier. Ceux qui s’étonnent de cette mission oublient que je suis juriste.
FRÉDÉRIC REGLAIN/DIVERGENCE
Pourquoi Mohamed Ould Abdelaziz veut-il réformer son parti ?
C’est lui qui l’a créé, en 2009, pour qu’il l’accompagne dans son action politique. Il le voulait centriste, modéré et fondé sur nos valeurs, sur l’islam, sur l’indépendance et sur le développement économique. L’UPR est devenue le premier parti de Mauritanie. Elle dirige la quasi-totalité des conseils municipaux et demeure largement majoritaire à l’Assemblée. Mais on s’est rendu compte que le parti ne prenait pas suffisamment en charge la politique présidentielle. Il s’est un peu endormi, ses dirigeants sont devenus une aristocratie. Le président a estimé qu’il ne s’était pas renouvelé, qu’il convenait de le redynamiser. Il a donc été décidé de créer la commission de réforme, que je préside.
Propos recueillis à Nouakchott par ALAIN FAUJAS
ans les salons nouakchottois, on se moque de l’Union pour la République (UPR), le parti présidentiel, qui prétend avoir obtenu, en quelques semaines, l’adhésion de 1,16 million de Mauritaniens – sur une population de moins de 4 millions d’habitants. En tant que président de la commission de réforme de l’UPR, le ministre de la Défense, Bathia Mamadou Diallo, certifie que cette campagne d’« enrôlement » a été un réel succès et précise les évolutions voulues par le président de la République pour son parti.
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Comment se concrétise cette « redynamisation » du parti ?
Après une large consultation à laquelle ont participé les jeunes et les femmes, le diagnostic que nous avons établi nous conduit à revisiter le discours et les structures du parti. Nous changeons ses statuts et nous revoyons son mode de financement pour que son budget soit financé par ses adhérents en proportion des moyens de chacun. Enfin, nous avons lancé une campagne grâce à laquelle 1,16 million de Mauritaniens ont adhéré à l’UPR.
Vraiment ? Plus de 1 million ?
Oui. Car il fallait être présent physiquement et apporter sa carte d’identité. Les gens sont venus faire la queue, et la mobilisation a dépassé nos espérances, y compris dans ma communauté négro-africaine, où l’engouement était grand. C’est justement l’« adhésion » à l’action et à la personne du président qui explique ce succès. L’approche de la fin de son mandat fait prendre conscience de tout ce qu’il a apporté à la Mauritanie. Nous sommes un pays dirigé par un vrai chef, un pays sûr où le tourisme repart. Beaucoup ont peur de l’inconnu qui va suivre les élections et comprennent qu’il faut être là. Comment améliorerez-vous la transparence de la vie du parti ?
Parmi les nouveaux adhérents, 750000, que l’on peut qualifier de militants, sont en train d’être installés dans 15 000 structures de base, sous-sections et sections, qui seront coiffées par des fédérations. Pour la première fois, la direction du parti – un président, un bureau exécutif,
un conseil national – sera élue. Par ailleurs, nous créerons un organe de coordination composé du Premier ministre, du président de l’Assemblée nationale, du président du parti et de son responsable des investitures – car, autre innovation, une cellule sera responsable des investitures. Mohamed Ould Abdelaziz pourrait-il devenir le président de cette UPR rénovée ?
C’est une idée dont on parle.
Serez-vous prêts pour les élections législatives, municipales et régionales de septembre ?
Notre congrès se tiendra dans les prochaines semaines, et la nouvelle direction y sera élue. Les structures seront donc en place avant ces scrutins, qui promettent d’être très ouverts, l’opposition ayant annoncé sa participation. Avez-vous désigné vos candidats à ces scrutins ?
Pas encore. Ce sera fait dans quelques semaines.
Que prévoit la nouvelle loi sur les partis politiques? Le pays compte plus de 100 partis reconnus. Il fallait élaguer. La loi prévoit que ceux qui ne participeront pas à deux élections successives et ceux qui recueilleront moins de 1 % des suffrages exprimés aux élections locales seront supprimés.
COMMUNIQUÉ
MODERNISATION EN PROFONDEUR La SNIM perpétue l’exploitation du minerai de fer en Mauritanie en renforçant ses capacités de production, de transport et de chargement sur le port minéralier de Nouadhibou.
le volume des ventes de la SNIM dans les exportations mauritaniennes
7%
La valeur des activités de la SNIM dans le PIB mauritanien
M. Mohamed Salem Ould Bechir
La Société nationale industrielle et minière (SNIM) a décidé de réviser son programme de développement, avec l’objectif de porter ses volumes de production annuels à 25 millions de tonnes de minerai de fer à l’horizon 2025. Ce « recadrage stratégique », a été confirmé par le Directeur Général de la Société, Mohamed Salem Ould Bechir, « pour permettre à la société de répondre aux évolutions récentes du marché et de faire face à la volatilité des prix du minerai de fer. En tenant bien sûr compte de l’état actuel des gisements et des installations, ainsi que des possibilités financières de l’entreprise ».
L’approfondissement et le prolongement du chenal d’accès au port minéralier, permettront à ce dernier de recevoir des navires minéraliers d’un tonnage maximum de 230 000 TPL. Prévus sur 25 km, les travaux porteront le tirant d’eau entre 20,3 m et 22,9 m. Ce vaste plan de rénovation est un pari sur le futur pour la SNIM. Il doit lui permettre de continuer à exploiter ses installations, en conformité avec ses options stratégiques et de pérenniser ses opérations grâce notamment à l’enrichissement du minerai de fer. La SNIM n’entend pas pour autant délaisser la recherche et l’exploration des gisements naturellement riches. Pour financer les travaux de réhabilitation de Guelb1, un accord a été conclu entre le Fonds Arabe pour le Développement Social et Économique et le Gouvernement mauritanien, pour un prêt d’un montant de 100 millions de dollars. La SNIM a également pu mobiliser 50 millions d’euros auprès de la Banque Européenne d’investissement (BEI) et 50 millions de dollars supplémentaires apportés par la Banque africaine de développement (BAD), pour financer le projet de dragage du port minéralier. PLUS DE 50 ANS D’HISTOIRE INDUSTRIELLE
SOCIÉTÉ NATIONALE INDUSTRIELLE ET MINIÈRE Siège Social, Mauritanie B.P. 42 - Nouadhibou Tél. : +222 574 10 21 Fax : +222 574 53 96 Succursale de Paris, France 7, rue du 4 Septembre 75002 PARIS Tél. : +33 01 42 96 80 90 Fax : +33 01 42 96 12 28/26 E-mail : contact@snim.com
snim.fr
Le port minéralier de la SNIM à Nouadhibou
Deux projets doivent largement contribuer à cette nouvelle stratégie d’augmentation progressive des capacités de production de l’entreprise. Il s’agit de la modernisation de l’usine Guelb1 (enrichissement du minerai de fer magnétique) et du dragage du chenal d’accès du port minéralier de Nouadhibou. En réhabilitant et en modernisant
La Mauritanie compte parmi les principaux producteurs de minerai de fer depuis la fin des années 50. L’aventure minière a commencé avec la Société Mines de Fer de Mauritanie (MIFERMA) qui a exploité les premiers gisements à Zouerate, dans le nord du pays. Héritière en 1974, de la MIFERMA, la SNIM commence, dans les années 1980, l’exploitation d’autres gisements et lance les projets Guelb1 en 1984 et Guelb2 en 2015 (enrichissement du minerai de fer magnétique), pour valoriser ses énormes réserves. La SNIM exploite également plus de 700 km de voie ferrée, pour transporter les minerais de fer jusqu’à Nouadhibou où elle possède un port en eau profonde.
©DIFCOM - PHOTOS : D.R.
30 %
ADMINISTRATEUR DIRECTEUR GENERAL DE LA SNIM
ainsi ses installations, la SNIM entend améliorer la compétitivité de ses produits, en diminuant ses coûts de production et en augmentant la productivité de ses usines d’enrichissement du minerai de fer.
Grand format MAURITANIE ENJEUX
Mohamed Ould Maouloud Président de l’Union des forces de progrès (UFP)
« C’est la majorité qui a rompu le dialogue » présenté un projet d’accord. Nous leur avons fait des contrepropositions : accord sur la composition de la Céni, libération des détenus politiques et invitation d’observateurs étrangers. Ils ont rompu le dialogue.
Propos recueillis à Nouakchott par ALAIN FAUJAS
résident en exercice du Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU), la coalition de l’opposition dite radicale, le leader de l’Union des forces de progrès (UFP) explique pourquoi les négociations engagées pour préparer des élections apaisées en septembre ont capoté. Et pourquoi, malgré tout, il exclut le boycott.
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JeuneAfrique:Participerez-vousauxlégislatives, aux municipales et aux régionales? Mohamed Ould Maouloud : Il est
impossible de boycotter des scrutins qui concernent la transition démocratique au moment où le dernier mandat du chef de l’État touche à sa fin. Ces élections constituent un tournant décisif pour l’avenir du pays, et il serait grave de les tenir dans la confrontation. Mais nous allons nous battre pour exiger un processus consensuel. Le pouvoir a voulu nous confisquer ce processus, il a limité le dialogue aux opposants qu’il s’est choisis.
Êtes-vous confiant dans le succès de l’opposition? « N’importe quel candidat de la majorité qui a mis ce pays à genoux sera rejeté en 2019. Depuis dix ans, l’exécutif s’attire des louanges pour sa politique sécuritaire, mais, si la communauté internationale et les pays intervenant au Sahel ne voient pas qu’il crée les conditions d’un basculement vers le terrorisme, ils porteront une lourde responsabilité. »
Le FNDU est-il uni?
Oui, il est uni autour de ses exigences concernant l’établissement d’un État de droit et le fait de garantir l’alternance. Il s’est même élargi, au sein du « G8 », aux autres forces démocratiques d’opposition. CeG8intègrel’Initiativepourlarésurgence du mouvement abolitionniste (IRA). Son leader, Biram Ould Dah Ould Abeid, ne joue-t-il pas en solo en se déclarant candidat à la présidentielle?
Nous préférons une stratégie d’union qui permette d’imposer la transparence. Il a droit à la sienne. Quand le FNDU choisira-t-il son candidat pour 2019?
Nous signerons bientôt un accord électoral qui concernera tous les scrutins jusqu’à la présidentielle.
Visez-vouslaCommissionélectoralenationale indépendante (Céni)?
Pourquoi les négociations secrètes avec la majorité ont-elles échoué?
Des réunions ont eu lieu entre, du côté de l’opposition, le président de Tawassoul et un ancien Premier ministre, et, du côté du pouvoir, le président de l’UPR [Union pour la République], le chef de file de la majorité présidentielle et le ministre de la Fonction publique. Ils ont
Vous êtes le seul leader politique à ne pas avoir accepté d’argent de Mohamed Ould Bouamatou. Pourquoi le défendez-vous quand il est accusé d’avoir corrompu des sénateurs? DR
La loi veut que la Céni soit composée de façon paritaire. Or l’opposition n’a pas été impliquée dans la désignation de ses membres. Nous allons donc nous battre sur le terrain, et nos candidats s’opposeront à toute tentative de fraude.
Toute cette histoire a été fabriquée pour discréditer les sénateurs qui ont osé voter contre la révision de la Constitution en 2017. Bouamatou a aidé le FNDU, dont je suis membre, ainsi que d’autres bonnes volontés. Il n’est pas interdit de recevoir des dons pour soutenir l’action politique, syndicale ou associative. Dans les semaines qui ont précédé le vote, le président a fait distribuer des terrains aux sénateurs. C’est lui qui devrait être poursuivi.
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UNION NATIONALE DU PATRONAT MAURITANIEN UNPM
- LA CONCERTATION ÉTAT/PRIVÉ :
ENTRETIEN AVEC MONSIEUR MOHAMED ZEINE EL ABIDINE OULD CHEIKH AHMED, Président de l’Union Nationale du Patronat Mauritanien (UNPM).
L’UNPM doit être un partenaire fiable et responsable des Pouvoirs Publics. A ce titre, l’UNPM sera une force de proposition qui apporte sa contribution dans le cadre de l’élaboration et du suivi des politiques publiques visant le développement économique et le progrès social. Dans le même esprit, l’UNPM s’impliquera activement dans la promotion du Partenariat Public Privé, dans tous les domaines ou le secteur privé a un rôle à jouer et appelle de ses vœux l’institutionnalisation d’un cadre de concertation État/Privé. De fait, notre organisation s’engage résolument dans la voie de la coopération tripartite, gouvernement, employeurs et travailleurs qui a donné des résultats probants partout où elle a été instaurée.
Mr le Président, vous avez été élu en Décembre dernier pour cinq ans, quelle est votre approche pour cette mandature ?
- LA PROMOTION DES RESSOURCES HUMAINES :
Tout d’abord, je remercie mes collègues pour la confiance dont ils m’ont investi bien que je mesure la difficulté de la mission qui m’incombe en raison de l’impératif de rendre l’UNPM, un véritable outil de développement inclusif. Ce qui exige comme préalable sa capacité d’être un partenaire sérieux et fiable des Pouvoirs Publics et un acteur engagé dans le dialogue social pour préserver le climat d’apaisement et de cohésion indispensable à toute action pérenne.
La valorisation du capital humain doit être une option fondamentale et représenter une composante de nos investissements parce que l’offre professionnelle est l’un des principaux leviers de la compétitivité de nos entreprises et aussi parce qu’il est de notre responsabilité de participer à la lutte contre le chômage et à la promotion de l’emploi des jeunes. Pour ces raisons, l’UNPM considère que la formation professionnelle constitue l’une de ses priorités.
- LES RELATIONS AVEC LES PARTENAIRES SOCIAUX :
C’est là un objectif qui découle de la vision du Président de la République, Son Excellence Monsieur Mohamed Ould Abdel Aziz, pour l’avènement d’une société moderne, développée et juste, une société qui privilégie le dialogue et la concertation à la conflictualité, l’innovation et le progrès à l’immobilisme et l’ouverture et le partenariat au repli.
C’est dans l’esprit de prévenir des situations conflictuelles évitables et de préserver un climat social serein, qu’une attention particulière a été accordée à nos relations avec nos premiers partenaires que sont les syndicats de travailleurs.
Quels sont les principaux axes de votre programme ?
L’ouverture de notre économie sur le Monde nous engage à participer activement aux instances de concertation tant au niveau régional qu’au niveau international et à assurer notre rôle de partenaire fiable des organismes internationaux.
Notre programme s’articule autour des principaux axes suivants :
- L’ASSISTANCE AUX MEMBRES DE L’UNPM : Aucun des membres de notre organisation ne doit se sentir isolé. La défense des intérêts de nos membres, individuellement et collectivement, est notre premier devoir et le ciment de notre solidarité qui doit être sous-tendue par l’assistance, l’encadrement et le conseil aux fédérations et aux entreprises qui le demandent.
- LES RELATIONS AVEC LES PARTENAIRES AU DÉVELOPPEMENT :
Peut-on parler d’un bilan ? Il est assez tôt pour parler d’un bilan au terme d’une période relativement courte. Toutes fois, nous avons effectivement engagé un certain nombre d’actions concrètes dont on peut citer notamment l’organisation réussie des journées de concertation État/secteur privé sous
COMMUNIQUÉ
Elle regroupe onze fédérations professionnelles : •
Fédération du Commerce
•
Fédération Nationale de Pêche
•
Fédération des Industries et Mines
•
Fédération Nationale des Transports
•
Fédération Mauritanienne de l’Agriculture
•
Fédération Nationale des Bâtiments et Travaux Publics
•
Fédération Mauritanienne des Boulangeries et Pâtisseries
•
Fédération des Services et Professions Libérales
•
Fédération des Institutions Financières
•
Fédération du Tourisme
•
Fédération Nationale de l’Élevage.
L’UNPM est représentée au niveau régional par les 28 sections des Fédérations Professionnelles qui sont réparties sur tout le territoire mauritanien
Nous avons participé activement au Forum des investissements organisé par la Zone Franche de Nouadhibou, engagé une réflexion et un certain nombre d’actions dans le domaine de la formation professionnelle en mettant l’accent sur l’adéquation de la formation avec les besoins du marché du travail et notre participation aux rencontres continentales et internationales organisées par les institutions dont nous sommes membres. Ces actions résultent évidemment de la redynamisation des structures de l’UNPM et de ses démembrements, ainsi que d’un développement notable de notre partenariat avec des organisations consœurs et les partenaires techniques et financiers de notre pays.
Un dernier mot, Mr le Président ? Je suis confiant que le secteur privé jouera pleinement son rôle dans une économie dont il est considéré comme l’un des principaux piliers où toutes les conditions sont réunies. En effet, la Mauritanie dispose maintenant de tous les atouts pour réussir son décollage économique grâce à une volonté politique clairement affirmée, des infrastructures de soutien à l’économie, un bon climat des affaires et des opportunités dans tous les secteurs de l’économie Je compte sur notre revue périodique et notre site WEB pour la meilleure circulation de l’information et des échanges entre nous, nos démembrements, notre environnement et nos partenaires.
www.unpm.mr Avenue du Roi Faiçal, Nouakchott, Mauritanie Tél. : +222 45 25 46 06
©D I F C O M - P H OTO S : D.R .
L’UNPM est le fruit de plusieurs fusions entre les organisations d’employeurs notamment le Syndicat des Commerçants Importateurs et Exportateurs (SCIMPEX) qui vit le jour en mai 1966, pour donner naissance à l’Union Nationale des Industriels, Commerçants et Entrepreneurs de Mauritanie (UNICEMA). Elle devint l’Union des Syndicats des Employeurs de Mauritanie (USEMA) après une nouvelle fusion puis la Confédération des Employeurs et Artisans de Mauritanie (CEAM). Elle devint ensuite CGEM, CNPM et enfin UNPM en 2008. L’organisation a pris l’appellation d’Union Nationale du Patronat Mauritanien le 24 mai 2008, date à laquelle elle devient l’unique organisation patronale reconnue en Mauritanie.
le Haut patronage du Président de la République. Cette concertation a été émaillée par une série de rencontres sectorielles sanctionnées par un forum général dont les travaux ont été clôturés par le Premier Ministre, le 13 Février 2018. Nous pouvons nous féliciter de la très prochaine institutionnalisation d’un cadre de concertation État/secteur privé. Il s’agit de la satisfaction d’une doléance de l’UNPM qui remonte à plusieurs décennies et il est certain que la mise en place de ce cadre contribuera fortement à l’amélioration de l’environnement des affaires qui a évolué positivement ces dernières années dans le Doing Business.
Grand format MAURITANIE
ÉCONOMIE
Des chiffres et L Maîtrise des dépenses, meilleur climat des affaires, la crise a été correctement gérée. Mais beaucoup reste à faire, notamment sur le plan social.
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ALAIN FAUJAS
a Mauritanie est un bon élève. Dans leurs rapports, le FMI et la Banque mondiale applaudissent les efforts que le gouvernement a réalisés depuis 2015 pour contrer la chute du prix du minerai de fer, principale source de revenus de l’État. Il a taillé dans les dépenses de fonctionnement comme dans celles concernant les investissements, fait la chasse au gaspillage – les emplois fantômes dans la fonction publique, par exemple –, et laissé la monnaie, l’ouguiya, perdre
environ 20 % de sa valeur. Le nouveau statut de la Banque centrale devrait lui assurer une plus grande indépendance qui rassurera les investisseurs. Les résultats de ce pilotage approprié sont là (voir tableau de bord). Les réserves en devises sont confortables. Le budget dégage désormais un surplus qui permettra de maîtriser une dette extérieure très importante, puisqu’elle représente 72 % du PIB, sans compter la vieille dette dormante à l’égard du Koweït (20 %). Avec ce surplus, le pays pourra commencer à rembourser la lourde dette, d’un montant de 350 millions de
JOE PENNEY/REUTERS
Siège de la Snim, au port de Nouadhibou. Tapis pour acheminer le minerai de fer depuis les parcs de stockage jusqu’aux navires minéraliers.
des êtres dollars contractée à l’égard de l’Arabie saoudite. Le déficit du compte courant se réduit lui aussi. Petite ombre au tableau, l’inflation devrait s’accélérer sous l’effet de la hausse des cours du pétrole et de l’instauration du nouvel ouguiya le 1er janvier. Cette opération, qui a consisté à enlever un zéro à la monnaie, a en effet donné aux commerçants un prétexte pour relever leurs prix; ceux du riz, du sucre ou de l’huile ont enflé parfois de 20 %. L’obligation d’ouvrir des comptes bancaires pour changer les sommes importantes en nouvelle monnaie a eu l’avantage d’améliorer
la bancarisation de la population : 10 000 comptes ont été ouverts. À l’évidence, l’économie repart. Après un petit recul en 2018 (+ 2,9 %, contre + 3,5 % en 2017) en raison de la sécheresse, qui a durement touché l’élevage dans certaines zones méridionales, la croissance pourrait atteindre, selon le FMI, 5,3 % en 2019 et 7,2 % en 2020.
Premier hôtel cinq étoiles
Les grues et les échafaudages se multiplient dans la capitale. La nouvelle aérogare de Nouakchott-Oumtounsy se remplit peu à peu. Les lampadaires solaires poussent comme des
champignons. Les touristes sont de retour dans l’Adrar (lire p. 125). Le prix du fer remonte. Les mines d’or tiennent leurs promesses. Et le gouvernement attend avec impatience que le champ gazier sénégalo-mauritanien Grand Tortue (lire p. 118) lui fasse oublier dès 2021 les années de vaches maigres (2014-2017). L’optimisme revient doucement. Un certain nombre de travers n’ont pas disparu pour autant. Le premier est l’étatisation de l’économie, qui l’empêche de créer des emplois. Malgré les grands progrès du pays en matière de climat des
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affaires – qu’a sanctionné un bond de 26 places en trois ans au classement Doing Business de la Banque mondiale (160e rang sur 190 pays étudiés dans l’édition 2018) –, la puissance publique étouffe l’initiative privée. Car c’est toujours l’investissement public qui tire la croissance, avec l’exécution des projets présidentiels en matière de routes, de transports, d’électrification, d’irrigation ou de laiteries. Un exemple parmi cent : la Société nationale industrielle et minière de Mauritanie (Snim), qui est le bras armé de l’État au même titre que la Sonatrach en Algérie ou Gazprom en Russie, va être de nouveau mise à contribution pour la construction – interrompue par la crise – de l’hôtel Sheraton, premier cinq étoiles de Nouakchott, dont la première pierre avait été posée par le président Ould Abdelaziz en novembre 2015. L’État et ses entreprises ne pouvant tout faire faute de moyens et de compétences, la diversification de l’économie et la transformation de ses produits d’exportation (poisson, minerais) ou de l’agriculture et de l’élevage (30 millions d’animaux) marquent le pas, sauf peut-être
Le cours du fer était tombé à
40 dollars
la tonne au début de 2016. Il est remonté à
72 dollars
la tonne sur les six premiers mois de 2018, en moyenne. dans la filière du riz. Environ 80 % des investissements étrangers sont déployés dans le secteur des mines. Cette économie de rente maintient la Mauritanie dans une situation d’extrême vulnérabilité par rapport aux fluctuations des prix des matières premières, qu’il s’agisse d’importations (pétrole, produits alimentaires de base) ou d’exportations (fer, or).
L’éducation sinistrée
Le second travers du pays est la grande précarité dans laquelle vit la majorité des Mauritaniens. Certes, le pourcentage de la population pauvre a reculé fortement,
Tableau de bord macroéconomique 2015
* Projections
2016
2017
2018*
2019*
PIB réel à prix constants Hors secteur extractif
0,4 1,4
1,8 2,0
Inflation
0,5
1,5
3,5 4,9
2,9 3,5
5,3 4,5
2,3
2,7
4,8
(en % du PIB)
Solde budgétaire global
– 3,4 32,6 20,8
– 0,5 31,7 32,3
0,0 31,7 31,8
0,5 32,7 32,1
0,1 32 31,8
Dont dette publique extérieure1
78,0 68,3
78,8 72,7
76,4 72,2
77,1 69,9
77,7 71,1
Solde des comptes courants
– 19,8
– 15,1
– 14,4
– 11,6
– 11,3
Réserves officielles2
16,9
17,2
17,9
18,8
19,9
Production de fer3
11,6
13,3
11,8
12,0
14,0
Total des recettes et dons Total des dépenses et prêts nets
Dette publique totale
(1) À l’exclusion de la dette passive envers le Koweït, en cours de négociation. (2) En mois d’importations hors secteur extractif. (3) En millions de tonnes.
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SOURCES : AUTORITÉS MAURITANIENNES ET FMI, MAI 2018
(variation annuelle en %)
passant de 44,5 % en 2008 à 33 % en 2014 (sur la base du seuil national de pauvreté). Cependant, selon le Rapport sur la situation économique en Mauritanie, publié en février dernier par la Banque mondiale, les estimations montrent que, si la réduction de la pauvreté s’est presque figée en 2017, paradoxalement, le nombre de pauvres continue d’augmenter. Cette situation s’explique par le fait que les dépenses en faveur de l’éducation – sinistrée – et de la santé – mal en point – ont souffert de la crise. « Le focus sur les infrastructures a laissé peu de marges au profit des secteurs clés comme l’éducation, la santé et les filets sociaux », souligne le rapport. Or « le développement de ces secteurs est impératif à la soutenabilité de la croissance et à la prospérité future du pays », poursuit le texte de la Banque mondiale. Autrement dit : « La Mauritanie est confrontée principalement à un problème d’optimisation et d’équité dans les allocations de ressources entre les infrastructures et le développement humain, conjugué avec un manque de gestion efficace et efficiente des investissements publics », conclut le rapport . Par exemple, la grève menée par les médecins hospitaliers pendant un mois et demi (suspendue à la mi-juin pour tenter d’organiser des négociations) met en évidence l’état de désorganisation du secteur public de la santé. Les praticiens demandent en effet une revalorisation de leur salaire et dénoncent l’écart de rémunération, de 1 à 4, avec les confrères étrangers qui travaillent à leurs côtés. Les malades aisés ne pâtissent ni de ce conflit ni des piètres conditions d’accueil dans les hôpitaux, car ils sont soignés dans le privé. Investir dans les routes et les centrales électriques, c’est bien. Miser un peu plus sur le développement humain, sur des services publics de qualité et, notamment, sur des enseignants et des médecins motivés, ce serait encore mieux.
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INDUSTRIES EXTRACTIVES
Synergie pour l’énergie
À cheval sur la frontière maritime avec le Sénégal, le projet Grand Tortue-Ahmeyim, piloté par British Petroleum, alimentera les deux pays en gaz dès 2021.
flottante de production, de stockage et de déchargement (FPSO). En avril, le géant britannique a attribué un autre Feed à son compatriote TechnipFMC pour la conception de cette unité FPSO. Dès juin 2016, les deux pays avaient opté pour cette solution d’unité flottante (déjà utilisée en Australie et en Malaisie) qui évite de négocier l’emplacement d’infrastructures à terre, réduit les délais de production et rend le projet beaucoup moins coûteux. À court terme, la Mauritanie disposera de gaz naturel domestique à un prix compétitif, ce qui lui permettra de produire de l’électricité à coût réduit. Le champ Grand Tortue-Ahmeyim, dont la durée de vie est de trente-cinq ans, va notamment venir alimenter la centrale hybride de 180 MW inaugurée à Nouakchott en 2015, qui ne fonctionne pour l’instant qu’au fuel, plus onéreux. Selon le ministère mauritanien de l’Énergie, la production de gaz naturel liquéfié devrait passer de 2,5 millions de tonnes par an (mtpa), au démarrage de GTA, à environ 10 mtpa à l’horizon 2026.
SAÏD AÏT-HATRIT
e 9 février, à Nouakchott, Mohamed Ould Abdelaziz et son homologue sénégalais Macky Sall ont signé un accord de coopération pour le développement et l’exploitation du champ gazier Grand Tortue-Ahmeyim (GTA). Les réserves de ce gisement offshore situé à cheval sur les eaux territoriales mauritaniennes et sénégalaises sont estimées à 450 milliards de m3 de gaz. Les deux États ont indiqué que le partage se ferait équitablement, à 50-50 – « une répartition qui pourra être révisée en fonction des données techniques accumulées dans les mois et les années à venir », estime Francis Perrin, directeur de recherche à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris), à Paris. La signature de cet accord permet à la junior américaine Kosmos Energy, qui a découvert le champ en 2015, et, surtout, au britannique British Petroleum (BP), devenu opérateur du projet, d’en préparer le développement. « Grâce à la signature, BP a pu lancer les appels d’offres et a mis en confiance les entreprises », explique Djibi Sow, conseiller du Premier ministre mauritanien et président du comité national de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie). L’objectif de BP, qui a racheté 62 % des intérêts de Kosmos en Mauritanie en décembre 2016, est de mettre le champ en production d’ici à 2021, pour un investissement estimé à environ 10 milliards de dollars (environ 8,6 milliards d’euros).
L
Bloc C-6 Bloc C-12
Océan Atlantique Bloc C-8
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MAURITANIE
Grand Tortue
SÉNÉGAL Saint-Louis
Saint-Louis Profond
Électricité à coût réduit
Frontière SOURCE : KOSMOS ENERGY
Dès le mois de mars, BP a ainsi choisi les américains McDermott et Baker Hughes (BHGE) pour réaliser l’avant-projet détaillé (Front-End Engineering Design [Feed]) de l’infrastructure sous-marine et les pipelines chargés de relier les premiers puits à l’unité
Nouakchott
Cayar Profond DAKAR 100 km
ASSOCIATION AVEC TROIS AUTRES ACTIONNAIRES Grand Tortue-Ahmeyim s’étend sur les blocs C-8, côté mauritanien, et Saint-Louis Profond, côté sénégalais. En Mauritanie, BP détient une participation de 62 % dans les blocs offshore C-6, C-8, C-12 et C-13, aux côtés de Kosmos Energy (28 %) et de la Société mauritanienne des hydrocarbures et de patrimoine minier (10 %). Au Sénégal, la part de BP dans les blocs Saint-Louis Profond et Cayar Profond est de 60 %, celle de Kosmos Energy, de 30 % et celle de la Société des pétroles du Sénégal (Petrosen), de 10 %.
Grand format MAURITANIE ÉCONOMIE
FINANCEMENT
PPP: mariage contrarié
SAM
L’aéroport de Nouakchott-Oumtounsy, inauguré en 2016.
Favorisés par l’État pour développer les infrastructures, les partenariats public-privé sont freinés par la méfiance entre le monde de l’administration et celui de l’entreprise. ALAIN FAUJAS
omme tous les pays en développement, la Mauritanie a un énorme besoin de fonds pour combler ses déficits en infrastructures, et ses capacités de financement autonome sont faibles. Son fort taux d’endettement (supérieur à 70 % de son PIB) l’empêche d’avoir recours aux marchés financiers. La Société nationale des industries minières, « vache à lait » de l’État, a souffert de la chute du prix du fer et n’est plus en état de financer tout et n’importe quoi…Legouvernementacomprisqu’ilétait temps de se tourner vers les capitaux privés pour accélérer la croissance et l’emploi. Avec le concours de la Banque mondiale (30 millions de dollars [25,9 millions d’euros]), une loi organisant les partenariats public-privé (PPP) a été adoptée, et ses décrets d’application ont été publiés en novembre 2017. Non seulement le cadre qui sécurise ce type de coopération sur le long terme (vingt à trente ans) est en place, mais la Mauritanie possède un début d’expérience en la matière. L’aéroport de NouakchottOumtounsy, inauguré en 2016, était un PPP avant l’heure puisque l’État a apporté les terrains, et la Banque nationale de Mauritanie (BNM), 80 millions de dollars. La même banque privée a épaulé financièrement de
C
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POURQUOI LES MINISTÈRES RESTENT-ILS ATTACHÉS À UN MONOPOLE QUI A POURTANT FAIT LA PREUVE DE SON INEFFICACITÉ ?
jeunes entrepreneurs dans l’équipement de villages en énergie solaire aux côtés de l’État et de l’AFD. Et ce ne sont pas les projets de PPP d’envergure qui manquent. Citons l’autoroute Nouakchott-Boutilimit (153 km), qui pourrait être concédée à la société privée chargée de la construire (pour quelque 200 millions d’euros) et de l’entretenir moyennant un péage pendant vingt ans, ou encore le port en eau profonde de Nouadhibou, d’un coût estimé à 300 millions d’euros, dont 40 % seraient apportés par le privé.
À chacun son rôle
Mais rien ne bouge. Est-ce parce que les investisseurs potentiels se souviennent des mésaventures que la puissance publique, très mauvaise payeuse, a fait subir aux entreprises de traitement des ordures de Nouakchott? Ou encore parce que les ministères restent méfiants à l’égard du privé et ne veulent pas abandonner un monopole qui pourtant a fait la preuve de son inefficacité en matière de services publics? Pour promouvoir ces projets, des entrepreneurs ont créé, en 2016, un Club PPP Mauritanie, dont ils ont confié la présidence d’honneur bénévole à Michel Sapin, ex-ministre français de l’Économie. « Les responsables du secteur public ne perdront pas leur pouvoir de contrôle en confiant la gestion de l’ouvrage au privé. Ils siégeront au conseil d’administration et participeront au management », explique Mohamed Ould Noueigued, délégué général du Club et PDG de la BNM. « Nos écoles publiques sont délabrées et seuls les pauvres les fréquentent, poursuit-il. Pourquoi l’Éducation nationale ne confierait-elle pas leur entretien au privé? Le public fournirait les locaux et y appliquerait les programmes officiels et le privé gérerait l’école. Les parents paieraient la scolarité en fonction de leurs revenus. Les locaux seraient entretenus et les professeurs seraient payés en temps et en heure. Et les enfants pauvres auraient enfin les mêmes chances que les enfants riches, qu’on envoie dans le privé! »
COMMUNIQUÉ
L
a Mauritanie a connu depuis dix ans un développement unique dans son histoire contemporaine. Entre 2008 et 2016, son PIB nominal a quasiment doublé en passant de 96 à 176 milliards de Ouguiya (MRU). Hors secteur extractif, le plus important en termes de recettes, ce chiffre est même passé de 71 à 155 milliards de MRU. Cela signifie que l’industrie minière, grâce au minerai de fer et bientôt à l’exploitation de gaz, continue d’être déterminante pour la Mauritanie, mais que le pays est bien engagé pour diversifier son économie.
Mohamed Ould Abdel Aziz Président de la République
Si la croissance économique s’est affaissée à environ 2% en 2016 en raison de la chute des cours mondiaux du fer, la reprise économique est survenue dès 2017, soutenue d’abord par la croissance de l’agriculture irriguée, des industries manufacturières, du BTP, de la pêche ou encore des services. Le PIB réel s’est affiché à 3,5% et même 4,9% hors secteur extractif ! Les recettes fiscales ont atteint 32,3 milliards MRU en 2017 contre 11,5 Milliards MRU en 2008, grâce à l’élargissement de l’assiette fiscale et à un meilleur taux de recouvrement. Les dépenses que celles-ci ont rendues possibles ont été prioritairement orientées vers l’investissement (4,4 milliards MRU en 2008 à 15,4 milliards MRU en 2017), afin de soutenir la croissance et de réduire l’incidence de la pauvreté, passée de 42% en 2008 à 31% en 2014. D’importants efforts restent à accomplir pour remporter définitivement la bataille de la diversification, de la croissance et de la lutte contre la pauvreté. Ils seront réalisés à travers la Stratégie de croissance accélérée et de prospérité partagée (SCAPP, 2016-2030), qui prévoit d’attirer encore plus d’investissements grâce aux réformes de l’environnement des affaires qui se poursuivent.
©DIFCOM - PHOTOS : D.R. SAUF MENTION
DIX ANS QUI ONT TRANSFORMÉ LA MAURITANIE
BRUNO LEVY POUR JA
RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE DE MAURITANIE
UN ENVIRONNEMENT ASSAINI POUR ATTIRER LES INVESTISSEMENTS La Stratégie de la Croissance accélérée et de prospérité partagée, mise en œuvre à travers un plan d’actions prioritaires 2016-2020, est la boussole politique, économique et sociale de la Mauritanie. Ses objectifs stratégiques sont triples :
gisement dans le guelb Mhaoudat
• promouvoir une croissance forte, inclusive et durable grâce à une économie diversifiée, au développement d’infrastructures de soutien à la croissance et à un secteur privé compétitif • développer le capital humain et l’accès aux services sociaux de base en réduisant les inégalités • renforcer la gouvernance dans toutes ses dimensions Elle s’articule autour de quinze chantiers qui bénéficient d’interventions prioritaires sous forme de réformes, programmes ou projets. Son financement s’élève à environ 10,5 milliards de dollars, dont 5,52 milliards doivent être mobilisés auprès des partenaires techniques et financiers et deux milliards de dollars dans le cadre de partenariats public-privé.
+ 26 places en trois ans au classement Doing Business De nombreuses réformes visant à assainir l’environnement des affaires permettent au pays de croire dans ses capacités à attirer les investissements dont il a besoin. Dans le rapport Doing Business 2018 de la Banque Mondiale, la Mauritanie gagne dix places par rapport à l’année précédente, en se classant 150e sur 190 pays, et même 26 places depuis le rapport 2015. Plusieurs réformes ont permis ce résultat, parmi lesquelles : • l’adoption d’une loi sur le partenariat publicprivé en 2017 afin de sécuriser et stimuler l’investissement privé dans certains secteurs • la réforme du système de passation des marchés publics afin de séparer les fonctions de passation, de contrôle et de régulation • la mise en place d’un guichet unique permettant de créer une entreprise en 48h maximum • la création d’un guichet unique à la Société Nationale d’Électricité
LE SECTEUR MINIER EN VOIE DE DIVERSIFICATION Producteur de minerai de fer depuis près d’un demi-siècle, la Mauritanie tire environ un quart de ses recettes de son industrie extractive. Son ambition est de développer et diversifier ce secteur, grâce aux ressources actuellement peu ou pas exploitées (or, terres rares, phosphate, gypse, zinc, manganèse…), afin de le rendre durable et pourvoyeur d’une croissance partagée. Pour attirer des investissements pérennes, responsables et durables, un cadre juridique moderne, transparent et offrant de nombreuses garanties aux investisseurs, a été mis en place, par rapport au code minier révisé en 2009, puis en 2012. Un cadastre fiable et une plateforme de données géologiques actualisés ont également été mis en place. En plus du fer exploité par la Société nationale industrielle et minière, plusieurs sociétés multinationales exploitent des mines d’or, de cuivre ou de quartz, tandis que d’autres s’activent dans la recherche minière. Quant au champ gazier offshore de Grand Tortue Ahmeyim, découvert en 2015 entre la frontière mauritanienne et sénégalaise, devrait être mis en production à partir de 2021 par Kosmos Energy et BP, alors que Total et Exxon ont récemment signé des contrats d’exploration/production sur plusieurs blocs.
• le développement d’un mécanisme unifié au port autonome de Nouakchott afin d’accélérer les procédures commerciales
• la création d’une Commission en charge des réformes de Doing Business et l’adoption d’une feuille de route annuelle de réformes
• la mise en place d’un cadre institutionnel de programmation des investissements publics
• la création de la Zone Franche de Nouadhibou en 2013
• l’opérationnalisation de la Stratégie nationale de lutte contre la corruption
• l’adoption d’un nouveau Code des investissements en 2012
COMMUNIQUÉ
PRODUCTION, EXPLORATION, TRANSFORMATION : le secteur primaire expose ses opportunités la récolte des tomates
fourragères, dattes, sucre, gomme arabique…). Le volume d’importation du riz est ainsi passé de 165 230 tonnes en 2014 à 46 778 tonnes en 2017. Le potentiel en terres cultivables en Mauritanie est d’environ 513 000 ha, dont 135 000 ha en agriculture irriguée.
Pêche Grâce à une côte de 720 Km qui comptent parmi les plus poissonneuses au monde, la pêche génère des retombées socio-économiques déterminantes en Mauritanie. La politique menée depuis quelques années, en respectant le développement durable des ressources, et les investissements dans les infrastructures, ont permis au secteur de contribuer à hauteur de 24,1 milliards de MRU dans les exportations du pays en 2016, soit 41 % du total, contre 13,8 milliards MRU en 2013. Le nombre des usines de transformation et de valorisation des produits de la pêche est passé de 63 en 2013 à 145 en 2018.
Agriculture Agriculture 60 % de la population du pays vit de l’agriculture, qui 60 % de lapour population de La l’agriculture, qui contribue plus dedu 4,7pays % auvitPIB. nouvelle stra4,7 au La stracontribue pour plus de % PIB. nouvelle tégie de développement du secteur, menée à l’horizon tégie du secteur, menée l’horizon 2025, de a développement déjà permis l’accroissement des àaménage2025, déjà permis l’accroissement aménagementsahydroagricoles, la réalisation dedes projets strucments de projets structurantshydroagricoles, dans l’irrigation,lalaréalisation diversification des cultures turants dans l’irrigation, la desdes cultures ou encore l’amélioration dediversification la compétitivité prinou encore l’amélioration de la compétitivité des principales filières porteuses (riz, blé, légumes, cultures cipales filières porteuses (riz, blé, légumes, cultures
L’élevage, principale activité économique en milieu rural, joue également un rôle déterminant dans la création d’emplois et la sécurité alimentaire. C’est pourquoi le secteur a été érigé en département ministériel depuis 2014, permettant des progrès dans l’actualisation du cadre règlementaire, la structuration des acteurs et des filières, le développement des bassins laitiers, l’amélioration de la santé animale, à travers une meilleure prise en charge, mais aussi de la productivité grâce à l’insémination artificielle et à des centres pilotes de recherche.
ZONE FRANCHE DE NOUADHIBOU, UN PÔLE D’EXCELLENCE INTERNATIONAL Lancée en 2013, la Zone Franche de Nouadhibou vise à faire de la capitale économique du pays un pôle d’excellence et un hub régional de classe mondiale. Pour devenir une destination privilégiée, elle capitalise sur ses atouts. Des atouts naturels, administratifs et infrastructurels : • Ces atouts, ce sont des ressources halieutiques et un hinterland minier riche, un potentiel éolien et solaire exceptionnel ou encore une situation géographique stratégique entre les ports méditerranées et atlantiques. • C’est aussi un cadre juridique attractif et propice à l’investissement, grâce à la levée des barrières douanières, aux exonérations fiscales, au régime spécifique de change permettant notamment l’installation de banques off-shore ou à la mise en place d’un Guichet unique performant.
• Ce sont enfin des infrastructures stratégiques existantes, telles que le port autonome de Nouadhibou (PAN), et à réaliser, tels que le port en eau profonde, un pôle touristique ou encore un éco-pôle halieutique.
Après sa modernisation, le port autonome de Nouadhibou en plein essor L’activité commerciale du PAN, principal centre de développement de la Zone Franche dans la pêche, le commerce et le transport, a connu un essor fulgurant ces dernières années, notamment grâce à la modernisation dont il a fait l’objet. Le volume des marchandises manipulées a atteint plus de 3 205 600 tonnes en 2017 contre 2 800 000 tonnes en 2016, pour près de 700 navires traités. Le trafic portuaire s’oriente de plus en plus vers une conteneurisation des marchandises, avec 140 000 EVP traités en 2017 contre 103 270 l’année précédente, et il a fortement augmenté en direction du Mali voisin.
©DIFCOM - PHOTOS : (GAUCHE : S.LEFORT) (DROITE : P.MEUNIER)
Élevage
COMMUNIQUÉ
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Nouakchott, capitale résolument moderne
La moitié du réseau routier bitumé national réalisé en dix ans Près de 3200 kilomètres de route bitumées ont été réalisées entre 2008 et 2017, soit plus de 50 % du réseau bitumé national ! 89 % des Moughataas (subdivision administrative équivalent au département) sont reliées à leur capitale régionale par une route bitumée. Plus de 1500 km sont en cours de réalisation ou de préparation et près de 1400 km sont programmées dans ce cadre, alors que le pays s’apprête avec plusieurs bailleurs à construire un pont stratégique sur le fleuve Sénégal, en direction de ce pays, pour un coût estimé à 87,62 millions d’euros.
Un nouvel aéroport et une nouvelle compagnie aérienne Situé à 25 Km au Nord-Est de Nouakchott, l’aéroport International Oum Tounsy a été inauguré en juin 2016. D’une capacité annuelle de deux millions de passagers, il comprend deux pistes capables de recevoir les plus grands avions (Airbus A380 et Boeing 777). Société nationale à capitaux publics lancée en 2010, Mauritania Airlines International dessert plus d’une douzaine de destinations en Afrique, depuis cet aéroport, et assure des liaisons régulières vers le Maghreb et l’Europe. Sa flotte de six avions, dont deux Boeing neufs (un 737-800 et 737 MAX), sera renforcée dès 2019 par deux appareils court courrier neufs.
+ 360 Mégawatts en six ans Entre 2015 et 2017, Nouakchott a été dotée d’une nouvelle centrale Duale (fuel et gaz) de 180 MW, d’une centrale éolienne de 30 MW et d’une centrale solaire de 50 MW, dont la réalisation souligne la volonté des autorités d’intégrer les énergies renouvelables à leur mix. 19 autres centrales hybrides ont été réalisées à l’intérieur du pays. Au total, près de 360 MW de capacités additionnelles ont été installées entre 2009 et 2015. Des réalisations consolidées prochainement par la construction de la centrale éolienne de Boulenouar (100 MW) et le développement du projet Banda Gas Power (700 MW).
Des dizaines de milliers de parcelles aménagées Le département de l’Habitat a achevé en 2017 la construction de 600 logements économiques à Zouérate et 148 logements sociaux, en zone de recasement, au profit des familles sinistrées du bidonville du wharf. 31586 par-
celles d’habitation ont été ménagées et viabilisées. Le Programme de construction de bâtiments et d’équipements publics s’est poursuivi au profit des divers secteurs (50 hôpitaux, centres et postes de santé, 219 écoles primaires, collèges et lycées, 26 équipements marchands…).
Un taux d’accès à l’eau multiplié par deux Grâce à l’amélioration de la gouvernance et à la réalisation d’infrastructures, les taux d’accès à l’eau potable et à l’assainissement sont respectivement passés de 40 % et 20 % en 2008 à plus de 70 % et 40 % en 2018. Plusieurs projets structurants ont notamment permis de sécuriser l’approvisionnement en eau potable de Nouakchott jusqu’à l’horizon 2030, alors que les wilayas de l’est voient jaillir pour la première fois depuis quelques semaines l’eau du DHAR après que plusieurs dizaines de localités des wilayas du sud furent arrosées par l’eau du barrage Foum Legleita. Nouadhibou a vu son AEP réhabilité et renforcé par une usine de dessalement d’eau de mer dont la capacité atteindra à terme 15000 m3 par jour.
La santé, une priorité gouvernementale Les efforts pour améliorer la santé se sont dirigés depuis dix ans vers la réhabilitation et la réalisation d’infrastructures, l’acquisition de matériels biomédicaux, le renforcement des ressources humaines, la conduite de campagnes de vaccination, l’amélioration de la disponibilité des médicaments ou encore le renforcement de la gouvernance. Rien qu’entre 2015 et 2018, plus de mille soignants ont été recrutés, dont 218 médecins généralistes et 38 spécialistes. Dans le même temps, la capacité d’accueil des structures sanitaires a été accrue de plus 500 lits, grâce a la construction d’une dizaine d’hôpitaux et centres spécialisés dont cinq à Nouakchott et six à l’intérieur. Centre Al Mourabitoune des Conférences
©DIFCOM - PHOTOS : D.R. SAUF MENTION
DES INVESTISSEMENTS DÉTERMINANTS DANS LES INFRASTRUCTURES DE SOUTIEN À L’ÉCONOMIE
Grand format MAURITANIE ÉCONOMIE
TOURISME
Dans les pas du Petit Prince Six mois après la reprise des randonnées dans l’Adrar, le bilan est largement positif. Et la prochaine saison s’annonce déjà prometteuse.
MICHEL SETBOUN/CORBIS -GETTY
Trekking dans les dunes de l’erg Ouarane.
ALAIN FAUJAS
près neuf ans d’absence, les vols charters ont repris entre la France et Atar, de décembre 2017 à avril 2018, après que le ministère des Affaires étrangères français a reconnu la sécurité du désert mauritanien en le faisant virer du rouge à l’orange sur sa carte des dangers mondiaux. « Le bilan est très positif, déclare Lionel Habasque, président de Terres d’aventure. Nous avons vendu 1000 circuits du groupe Voyageurs du monde, soit bien plus que nos engagements. Nous repartons l’an prochain. » Maurice Freund, président de la coopérative de Point-Voyages et cheville ouvrière de la reprise des vols, est soulagé. « J’ai beaucoup stressé. En septembre 2017, personne n’y croyait, et j’avais vendu la totalité du patrimoine de Point-Voyages pour garantir l’opération, raconte-t-il. Mais nous avons attiré 1 580 touristes. Pas une plainte, et 96 % de félicitations ! » Il vient de signer avec Mauritania Airlines International un contrat pour faire passer de 14 à 26 le
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nombre de vols entre Paris et Atar. Ils seront effectués avec un Boeing 737 neuf chaque dimanche entre le 21 octobre 2018 et le 14 avril 2019. Le nombre de visiteurs devrait, lui, atteindre les 3000. « Avec le concours de la Snim, nous allons remettre en service le train du désert, qui emprunte la voie ferrée sur laquelle est acheminé le minerai de fer de la mine de Zouerate jusqu’à l’océan, explique Kadi Mehdi, cofondateur de la principale agence réceptive mauritanienne. Pour faire face à la multiplication des circuits, je forme une vingtaine de nouveaux guides, d’ex-cuisiniers qui peuvent évoluer et qui suivront une formation en français, en septembre, avec l’Alliance française. » Il disposera alors de 30 guides, 30 cuisiniers, 4 chefs de produit et 20 chameliers. Le ravitaillement sera effectué localement, et les 50 véhicules tout-terrain seront loués sur place. « La seule arme contre le terrorisme, c’est de donner à manger à ceux qui le méritent par leur travail », conclut Kadi.
Réserve ornithologique
À la demande du président Ould Abdelaziz, l’Adrar ne sera plus la seule wilaya à profiter de cette relance. « Tous les acteurs de la reprise des vols et des circuits sont satisfaits », commente Naha Mint Mouknass, ex-ministre du Tourisme (devenue ministre des Affaires sociales lors du remaniement du 11 juin), qui a beaucoup œuvré pour le retour des charters. « On assiste au vrai démarrage du tourisme mauritanien. Il va s’étendre au Tagant, riche en peintures rupestres et où la guelta de Matmata héberge des crocodiles. Il se renforcera avec le train du désert entre Atar et Zouerate. Et nous projetons de développer l’accueil dans le parc du banc d’Arguin – où nous voulons attirer les visiteurs pour un festival dans quelques mois –, mais aussi dans la réserve ornithologique de l’embouchure du fleuve Sénégal, ou encore dans le Sud, avec la chasse au phacochère. » Le secteur a été délaissé par les professionnels en raison des risques sécuritaires, aujourd’hui disparus. Les compétences comme les hébergements manquent. « Il faut amener les Mauritaniens à y croire, conclut Naha Mint Mouknass, mais j’ai la conviction que le tourisme pourrait être un des piliers de notre économie. Ce sera un travail de longue haleine. »
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Grand format MAURITANIE
SOCIÉTÉ
Promotion X-
L’École supérieure polytechnique de Nouakchott forme des ingénieurs et prépare ses élèves au concours d’entrée à son prestigieux pendant français. ALAIN FAUJAS
L
e colonel-ingénieur Mohamed Ould Mohamed Mahmoud n’est pas peu fier: sept élèves de l’École supérieure polytechnique (ESP) de Nouakchott, qu’il dirige, viennent d’être déclarés admissibles au concours d’entrée à Polytechnique (surnommée l’X), en France – un contingent supérieur à ceux du Maroc et de la Tunisie! C’est une consécration pour la politique élitiste voulue par le chef de l’État afin de contrebalancer la médiocrité du système éducatif mauritanien, qui obligeait les meilleurs à se former à l’étranger pour devenir ingénieurs. Créée par décret en 2011, l’ESP est placée sous la double tutelle de l’armée et du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, mais c’est le budget des armées qui l’a financée. Son objectif est de former les ingénieurs, les praticiens, les académiciens et les managers dont manque la Mauritanie. Pour cela, elle a reçu pour mission d’assurer une formation initiale débouchant sur le diplôme d’ingénieur d’État, sur le doctorat et sur des formations continues. En 2013, trois départements y ont été créés : génie mécanique, électrique et informatique. En 2015, l’Institut préparatoire aux grandes écoles d’ingénieurs (IPGEI) de Mauritanie, de France, du Maroc et de Tunisie lui a été rattaché. Sa troisième promotion en sortira en juillet. L’IPGEI voisine dans l’organigramme avec l’Institut supérieur des métiers de la mine et celui des métiers du bâtiment, des travaux publics et de l’urbanisme. Tous trois amènent leurs élèves au niveau bac +5, notamment via les départements de génie hydraulique, des télécoms et du pétrole. Certaines formations sont décentralisées à Aleg et à Zouerate. « Personne n’est perdu, se réjouit le colonel Mahmoud, car de nombreuses passerelles existent entre nos cursus.
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Sur le campus de l’établissement, dans le centre de la capitale.
Les élèves qui n’ont pas réussi aux concours intègrent la faculté des sciences en troisième année. » Les élèves intégrant l’ESP sont les meilleurs bacheliers C de toute la Mauritanie, en général formés dans les lycées « d’excellence », où l’on entre sur concours. « À leur arrivée, ils reçoivent une formation militaire de trois semaines où on leur enseigne le respect, les grades, mais aussi à vivre en communauté, explique le directeur, car leurs parents sont souvent illettrés et pauvres. Nous les éduquons. Il n’y a pas de grèves ici. »
Montée en puissance
Ils sont hébergés, nourris, habillés, soignés, et perçoivent une bourse de 1800 ouguiyas (42,70 euros) en classe préparatoire et de 2 500 ouguiyas (plus un ordinateur portable) quand ils préparent une spécialité. « Les filles ont un peu contesté quand nous leur avons imposé le treillis, mais elles ont fini par s’y habituer », explique Mohamed Ould Mohamed Mahmoud.
DOAUDA CORERA POUR JA
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Pas de luxe dans l’école, mais de l’ordre et de la propreté partout. Les laboratoires, les ateliers et la salle de dessin assisté par ordinateur sont bien équipés, l’internet à haut débit fonctionne et la bibliothèque est remplie de manuels. Mais aussi de nombreux dictionnaires, car, si les écoles étrangères reconnaissent l’excellent niveau des élèves mauritaniens en maths ou en physique, elles constatent leur faiblesse en langues. Pour y remédier, un programme de soutien de la première à la dernière année est organisé avec l’Alliance française. L’ESP emploie 37 enseignants permanents et 41 vacataires, « ce qui nous donne un très bon ratio, de 1 enseignant pour 6 étudiants », s’enorgueillit le directeur. L’encadrement administratif et technique compte 145 personnes. La montée en puissance de l’établissement se vérifie dans la hausse du nombre des diplômés dans les cinq spécialités : 40 en 2016, 64 en 2017 et 70 cette année. Sur les 472 élèves, 15 % sont des filles.
À leur sortie de l’école, 12 % des étudiants de la promotion 2016-2017 ont été recrutés par le secteur de la défense, 18 % par l’administration, 60 % par le secteur privé, et 10 % ont bénéficié de bourses pour préparer un doctorat en France afin de revenir enseigner à l’ESP.
Conventions et partenariats
Des conventions et des partenariats ont été contractés avec l’École polytechnique et les Écoles centrales françaises, l’université Al-Aasriya de Nouakchott, l’INSA EuroMéditerranée de Fès, l’école Hassania des travaux publics et l’école Mohammadia d’ingénieurs au Maroc, l’École militaire polytechnique algérienne, l’École supérieure polytechnique ivoirienne, l’École supérieure polytechnique sénégalaise ainsi qu’avec les entreprises BP, Cosmos (hydrocarbures) et Tasiast (or). Cerise sur le gâteau, une cellule d’« assurance qualité » a été mise en place. Pour que rien ne soit laissé au hasard dans la formation de l’élite de la nation.
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Zone Franche de Nouadhibou Investir pour le Présent et l’Avenir
Bénéficiez de nos atouts pour vos investissements Mohamed OULD DAF Président de l’Autorité de la Zone Franche de Nouadhibou
L’environnement exceptionnel de la Zone Franche de Nouadhibou (ZFN) Position stratégique privilégiée • Proximité avec l’Europe et les Amériques • Positionnement au carrefour des principales routes maritimes • Interface active entre l’Afrique et l’espace méditerranéen
Zone à fort potentiel • Péninsule d’une longueur de près de 45 km • Superficie de 132 000 ha, dont 60 000 de surface maritime • Façade maritime de 110 km • Côtes parmi les plus poissonneuses au monde (potentiel de captures de 1 800 000 tonnes/an) • Activité minière en plein développement (capacité d’exportation de près de 15 000 000 de tonnes/an) • Hinterland immense et à fort potentiel
Atouts compétitifs exceptionnels • Infrastructures portuaires et aéroportuaires • Réserve foncière disponible • Solutions énergétiques disponibles • Potentialités économiques exceptionnelles • Garanties aux investisseurs
Préparation des projets prioritaires Offre d’opportunités d’investissements structurants Pôle de Compétitivité Halieutique Valoriser nos ressources halieutiques à travers une gestion durable et compétitive Optimisation de la valeur ajoutée Son écosystème naturellement favorable et sa proximité des zones de pêche font de la ZFN le lieu par excellence pour la production halieutique.
Port en Eaux Profondes Optimisation du positionnement de la ZFN sur les principaux corridors de transport maritime Une infrastructure stratégique sur l’Atlantique Avec un tirant d’eau de - 18 m, l’objectif de ce projet de Port stratégique est de faire de la ZFN un pôle de développement dynamique et une plateforme d’échanges et de transit au niveau de la sous-région.
Aéroport International de Nouadhibou
Offre spéciale et attractive Un régime fiscal incitatif
Nouvel Aéroport aux normes internationales Outil stratégique pour le développement économique Le transfert intégral de l’activité aéroportuaire de Nouadhibou vers sa périphérie relève d’un impératif de rentabilité, de compétitivité, de préservation de l’environnement et d’aménagement urbain.
20 ans de régime fiscal avantageux et incitatif Délai confortable pour l’amortissement de vos investissements
Pôle Touristique
Des avantages douaniers exceptionnels
Zone aménagée et viabilisée pour les grands projets touristiques Valorisation des potentialités du secteur
Exonération totale à l’importation et à l’exportation Des conditions pérennes pendant toute la durée de vos investissements
Un régime de changes flexible
Avec ses sites pittoresques, ses plages merveilleusement ensoleillées et tant d’autres attributs, la presqu’île de Nouadhibou constitue un fort enjeu de développement touristique.
Un accès privilégié au foncier Offre foncière disponible et compétitive Zones d’activités viabilisées correspondant aux standards internationaux
Un guichet unique à votre service Accès centralisé pour l’ensemble de vos démarches et procédures Un interlocuteur unique pour vous accompagner
Autorité de la Zone Franche de Nouadhibou - P5 - 485 à 488 - Nouadhibou, Mauritanie Tél. : +222 45 74 41 67 - Fax : +222 45 74 41 69 - www.ndbfreezone.mr
DIFCOM/DF - PHOTOS : DR.
PUBLI-INFORMATION
Liberté de transférer des fonds à l’étranger Des facilitations pour vos opérations financières
Grand format MAURITANIE
TRIBUNE
Notes noires, notes blanches L
VINCENT FOURNIER/JA
a Mauritanie est comme le blanc et le noir de l’œil, qui Mais les événements de 1989, qui l’ont opposée au permettent la vue. C’est par cette métaphore que le Sénégal voisin, projettent sur la Mauritanie une tache président Moktar Ould Daddah définissait la nation dont il bien sombre. S’il y a eu des drames humains de part et prit la destinée à l’indépendance, en 1960. Sa « composid’autre du fleuve, de forts et douloureux cris proviennent tion bi-ethnique est une réalité qu’aucun dirigeant mauride Mauritanie, où la communauté noire se trouve stigtanien ne peut ignorer sans prendre le risque de mettre en matisée. Comme toute littérature est fille de son temps, cause l’existence même du pays », écrit-il nombre de textes reviennent sur ce triste dans La Mauritanie contre vents et marées épisode. Et ces écrits gagneraient à être lus [éd. Karthala, 2003]. Symbolique, l’image non comme une volonté de leurs auteurs relève de faits culturels, religieux, géograde rompre avec la mère, mais comme une phiques. Et géopolitiques au moment où volonté d’être rattachés à ce pays qui est la Mauritanie accueille le 31e sommet de leur. l’Union africaine. Ils sont nombreux, les signes et les vec le recueil de poèmes Les Pleurs de composants d’une Mauritanie arabe et l’arc-en-ciel [Éd. L’Harmattan, 2002], qui africaine. Madina Touré, chercheuse et fait écho aux multiples deuils, j’ai ainsi voulu bibliothécaire à l’université de Nouakchott, montrer que, compte tenu de tous les liens Bios Diallo en offre régulièrement de passionnants familiaux, religieux, fraternels et de couleurs Écrivain, directeur exemples dans ses écrits, photos à l’appui. entre les peuples, la Mauritanie tout entière du Livre, directeur Les métissages, à travers les mariages, a été touchée. Sans comptabilité comparadu festival littéraire traversent moult familles religieuses et tiste, c’est toute la nation qui a pleuré ! Traversées guerrières du Trarza au Cayor, en passant Depuis son arrivée au pouvoir, le prémauritanides par le Fouta, de part et d’autre du fleuve sident Mohamed Ould Abdelaziz multiplie Sénégal. Sur le plan religieux, on connaît la les gestes d’apaisement. Afin d’effacer la contribution des marabouts mauritaniens mémoire douloureuse, le 25 mars 2009, il au rayonnement de l’Islam dans la sous-répréside une prière « de l’absent », à Kaédi, gion, en particulier les régulières ziara (rendez-vous pieux pour les victimes militaires et civiles des événements de autour d’un marabout ou d’un lieu saint) des khadriyas, 1989, et met en place des indemnisations. Il porte un regard tidjanes, hamallahs et même mourides. vigilant sur les gestes pouvant compromettre la cohésion Dans l’est du pays, des vestiges archéologiques attestent sociale entre les différentes communautés. de la forte présence des communautés noires à Koumbi Saleh, Oualata, Ouadane, Tichitt et Chinguetti (« puits algré ses insuffisances, la Mauritanie reste une terre du cheval », en soninké), des sites classés au patrimoine de passage et d’accueil pour les Africains, mais aussi, mondial de l’Unesco et auxquels, chaque année, depuis et de plus en plus, pour les Arabes en quête d’un pays neuf 2011, est consacré le Festival des villes anciennes. où beaucoup est à faire. Après avoir accueilli, en 2016, le sommet de la Ligue a culture n’est évidemment pas en reste. La diva arabe, Ould Abdelaziz, en recevant ses pairs africains, Malouma Mint Meiddah construit l’essentiel de son poursuit une politique volontariste qui replace la répertoire musical à partir des métissages arabes et Mauritanie dans son ancrage « naturel », entre entité négro-africains, où les notes noires et les notes blanches arabe et entité africaine. « La politique, ce n’est pas un trouvent leur sens. Les plasticiens Mokhis, Amy Sow, Béchir mot, mais un comportement », disait Félix HouphouëtMaloum et Saleh Lô y puisent aussi la force de leurs toiles. Boigny. Alors, Perle des sables, on t’a à l’œil !
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