JA 3011 du 23 au 23 septembre 2018 GF L'Afrique réinvente ses villes

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L’AFRIQUE RÉINVENTE

N

GABO

ANGOLA Isabel dos Santos : chronique d’une chute annoncée

SES VILLES Spécial 18 pages

DOIN

INES G BUS

2019

AFR ICA S IN

GUIDE INVESTIR AU GABON

ités ortun d’opp Terre

ustriel, tures agro-ind infrastruc cole et t ses er, agri eloppan -région. eurs mini noir. En dév la sous dans ses sect de l’or e de centrale crise puissanc malgré la position tée en ré une sance la mon t assu la crois Avec es, il s’es min de le che nologiqu a pris tech et s le pays portuaire

GABON

2019

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL NO 3011 DU 23 AU 29 SEPTEMBRE 2018

Cinquante-six ans après la fin de la guerre, Emmanuel Macron souhaite établir des relations définitivement apaisées entre les deux pays. Vu d’Alger ou de Paris, le chemin qui mène à la réconciliation des mémoires n’est pourtant pas le même. Enjeux et perspectives d’un défi aussi audacieux que périlleux.

CAMEROUN

PRÉSIDENTIELLE 2018

Pourquoi Biya ira jusqu’au bout

ALGÉRIE-FRANCE

Enfin une nouvelle histoire ? ÉDITION INTERNATIONALE ET MAGHREB & MOYEN-ORIENT

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France 3,80 € Algérie 290 DA Allemagne 4,80 € Autriche 4,80 € Belgique 3,80 € Canada 6,50 $ CAN Espagne 4,30 € Éthiopie 67 birrs Grèce 4,80 €

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Guadeloupe 4,60 € Guyane 5,80 € Italie 4,30 € Luxembourg 4,80 € Maroc 25 DH Martinique 4,60 € Mayotte 4,60 € Norvège 48 NK Pays-Bas 4,80 €

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Portugal cont. 4,30 € Réunion 4,60 € RD Congo 6,10 $ US Royaume-Uni 3,60 £ Suisse 7 FS Tunisie 3,50 DT USA 6,90 $ US Zone CFA 2 000 F CFA ISSN 1950-1285


RCS Nanterre 433 466 570 - les ateliers devarrieux

pour avoir de l’eau même en cas de sécheresse, on peut réalimenter les nappes phréatiques.

êtes-vous prêts? Les nappes phréatiques sont la principale ressource en eau potable des villes. Pour en assurer le débit, même en cas de sécheresse, SUEZ peut les réalimenter avec de l‘eau des rivières et des eaux traitées, après en avoir soigneusement contrôlé le niveau de qualité. SUEZ veille également à ce que les nappes soient protégées et isolées de toute pollution. Ainsi l‘eau potable reste toujours disponible en quantité et en qualité. retrouvez-nous sur ready-for-the-resource-revolution.com

L’énergie est notre avenir, économisons-la !



COMMUNIQUÉ

AVIS D’EXPERTS

Martine VULLIERME

Directrice générale adjointe Veolia Afrique et Moyen-Orient

Le nouveau défi de l’urbanisation c’est de construire la ville durable L’urbanisation croissante des villes africaines est un enjeu capital pour un développement qui soit véritablement durable. Comment faire pour que plus de densité ne soit pas liée à plus de pollution ? L’Afrique change à grande vitesse. En à peine 10 ans, elle s’est imposée comme un continent de croissance et d’attractivité. Avec 1 milliard d’habitants de plus d’ici 2050, et avec 2 africains sur 3 qui vivront en ville, l’Afrique s’apprête à vivre une révolution urbaine sans précédent. Aujourd’hui, les villes africaines sont en pleine transition, il faut donc concevoir des solutions pour la cité de demain. Le rythme et l’ampleur des phénomènes d’urbanisation font de sa gestion un défi majeur. Cependant, des solutions techniques existent pour donner Des solutions accès aux ressources (eau-énergie) tout en techniques existent les préservant. pour donner accès

aux ressources (eauénergie) tout en les préservant.

Le recyclage des eaux usées permet de « boucler la boucle » et de réutiliser ces eaux usées pour l’agriculture, pour l’arrosage des espaces verts et même pour produire de l’eau potable, comme Veolia le fait en Namibie. Nous savons aussi renouveler les ressources en donnant plusieurs vies aux déchets grâce au traitement et au recyclage. La matière redevient de la matière et son utilisation n’épuise plus les ressources. Nous pouvons réhabiliter des décharges et extraire le biogaz pour fournir de l’électricité et de la chaleur à partir des déchets, ou encore fabriquer pour les industries de nouvelles matières issues du recyclage des déchets.

Construire une croissance durable pour les villes L’expansion urbaine, la croissance des besoins conduisent les autorités publiques à s’engager dans une économie plus circulaire, à développer de nouveaux modèles de production et d’utilisation Remplacer le modèle qui remplacent le molinéaire « produire, dèle linéaire « produire, consommer, jeter » consommer, jeter ». C’est désormais possible. Pour cela, il faut des politiques publiques volontaristes, des financements sur le long terme et l’engagement, également à long terme, d’opérateurs experts. Construire une ville durable c’est aussi la rendre inclusive et apporter des solutions aux plus précaires en matière d’accessibilité aux services essentiels. En partenariat avec des associations et des entreprises de l’économie sociale et solidaire nous innovons pour rendre les services urbains accessible à tous. En Afrique, le rôle de Veolia est d’accompagner durablement les territoires qui lui font confiance sur les sujets d’infrastructures et de services urbains de long terme : eau – assainissement - déchets – énergie, pour contribuer à l’attractivité des territoires et à leur développement durable, au service des populations.

Veolia Africa 30 rue Madeleine Vionnet 93300 Aubervilliers

www.veolia.com/africa


Comment l’Afrique réinvente

JACQUES TORREGANO POUR JA

GRAND FORMAT

SES VILLES

Habitat, transports, business, loisirs… La modernisation des métropoles du continent constitue un énorme défi et un formidable levier de développement. Rencontre avec celles et ceux qui conçoivent aujourd’hui les cités de demain. jeuneafrique no 3011 du 23 au 29 septembre 2018

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COMMUNIQUÉ

Cameroun : Cimencam dans une nouvelle dynamique de croissance ! L’industrie cimentière camerounaise a connu un fort développement ces dernières années, avec une capacité de production qui est passée de 1 500 à 5 000 tonnes. Quelques facteurs clés observés comme la croissance de la population, le produit intérieur brut (PIB) expliquent cette dynamique. Développement Technologique, Ernest Gbwaboubou, en présence du Président du Conseil d’Administration, le Pr. Pierre Moukoko Mbonjo. Le PCA n’a pas manqué de préciser que « cette carrière contribuera à réduire la balance commerciale dans un contexte mondial de rareté des devises ».

J Inauguration de la carrière de Foumbot : Coupure du ruban symbolique par le Ministre des mines en présence du PCA de Cimencam

P

our maintenir son leadership dans ce contexte, Cimencam membre du groupe Lafargeholcim Maroc Afrique, valorise son savoir-faire international à travers des produits et services innovants, une meilleure implication dans les projets d’infrastructures d’envergure et une augmentation de ses capacités.

Cette carrière et le site de Nomayos donneront des opportunités de plus de 400 emplois directs et indirects au Cameroun. L’entreprise a également lancé en Mai 2018, des études techniques pour l’extension de son usine de Figuil dans le Nord-Cameroun. Un investissement de près de 40 milliards de F CFA pour augmenter la capacité de production de cette usine de 600 000 tonnes par an. Cette production supplémentaire de ciment lui permettra de servir largement les régions septentrionales du Cameroun et les pays voisins.

Une entreprise sociale

À travers son large réseau de distribution (3 500 points de vente), son laboratoire et la variété de ses produits, Cimencan reste le partenaire stratégique des projets d’infrastructures et ouvrages durables du Cameroun. Les logements sociaux, les stades de Yaoundé - Olembe et de Garoua (dans la perspective de l’organisation de la Coupe d’Afrique des Nations 2019), le barrage hydroélectrique de Lom Pangar, le second Pont sur le Wouri, les autoroutes Yaoundé-Nsimalen et Yaoundé-Douala sont autant d’exemple qui en témoigne.

Augmentation des capacités de production Cimencam a entrepris début 2018, la construction d’une nouvelle station de broyage à Nomayos, près de Yaoundé. Cette usine équipée des dernières technologies dont le premier ciment est prévu pour le mois de Janvier 2019, produira 500 000 tonnes de ciment par an. La carrière de pouzzolane de Foumbot qui l’alimentera en ajouts a été inaugurée le 20 août 2018 par le Ministre Camerounais des Mines, de l’Industrie et du

Dans son déploiement, Cimencam mène une politique socio-responsable en intégrant les contraintes réglementaires, sociales et de protection de l’environnement. Ces valeurs sociétales ont été récompensées par la 3ème place sur plus d’une centaine d’entreprises, au classement des entreprises camerounaises ayant les meilleures pratiques RSE (par l’Association pour la Communication sur les Maladies Tropicales Ascomt) en juillet 2018. L’ensemble de ces investissements permettra à l’entreprise de livrer 2 600 000 tonnes de ciment par an, faisant de Cimencam un des acteurs majeurs du développement socio-économique du Cameroun.

J Lancement de la gamme de ciment Multix

Cimencam Z.I. Bonabéri B.P. 1323 Douala . Tél. : (+237) 654 900 000 . E-mail : serviceclient.cimencam@lafargeholcim.com

www.cimencam.com

©DIFCOM - PHOTOS : D.R.

Acteur stratégique des infrastructures au Cameroun


Alain Faujas

70 ENJEUX

Le changement en capitales

74 Stratégie

Dessine-moi une cité es métropoles sont la synthèse « des maux qui affligent l’Afrique, mais elles sont aussi un monde d’opportunités. » On ne peut mieux résumer la problématique urbaine du continent que ne l’a fait Rémi Maréchaux, directeur Afrique et océan Indien au Quai d’Orsay, à l’ouverture de la conférence « Les villes en Afrique », organisée par le patronat français (Medef International) le 10 septembre. Parce que les dangers que représenterait une croissance explosive de ces métropoles africaines exigent de tenter d’en maîtriser le développement ; parce que leur attractivité accrue en fait le moyen idéal pour dissuader les populations de prendre le chemin de l’émigration ; et parce que les firmes françaises maîtrisent toute la chaîne qui bâtit une cité, depuis sa planification jusqu’au traitement de ses déchets, Emmanuel Macron en a fait le sujet phare du sommet Afrique-France de 2020 sous le label « Des villes durables ». Faut-il rappeler le défi gigantesque que constitue le phénomène urbain africain ? Plus de 50 villes y ont dépassé le million d’habitants. Lagos comme Kinshasa croissent chaque jour de plus de 1000 nouveaux venus – comme si, chaque année, la population de la NouvelleOrléans, de Florence ou de Nice venait grossir leurs rangs. L’Afrique compte aujourd’hui 1,3 milliard d’habitants, dont près de 50 % sont des citadins ; en 2050, ils seront 2 milliards, dont 70 % d’urbains. Les Africains affrontent déjà ce grand bouleversement : treize villes nouvelles en Égypte (dont la nouvelle capitale administrative), des « oasis urbaines » au Sénégal (Diamniadio) et au Kenya (Konza), ou encore neuf villes « durables » au Maroc sont en cours de développement.

S

Au fait, qu’est-ce qu’une ville « durable »? Pour Gérard Wolf, président de la task force Ville durable au Medef International, cette sorte de cité idéale doit avoir plusieurs atouts. D’abord, elle doit être écologique, c’est-à-dire frugale, pour économiser les ressources naturelles, et résiliente, pour surmonter le réchauffement climatique. Ensuite, elle sera socialement inclusive et ne laissera pas de côté les 60 % d’Africains qui vivent dans les bidonvilles, slums et autres townships. Sa durabilité sera aussi économique, pour que la ville soit productive de richesses et donc d’emplois. Enfin, elle sera technique, avec des équipements conçus pour durer beaucoup plus longtemps qu’aujourd’hui grâce à un usage et à un entretien soigneux, avec le concours de personnels locaux dûment formés et motivés.

Des erreurs à ne pas reproduire

Il y aura quelques bêtises à ne plus commettre. Par exemple, ne plus privilégier à l’excès les infrastructures routières, comme à Dakar, où l’on compte seulement 30 véhicules pour 1 000 habitants. « Cela défavorise les 970 autres personnes qui n’ont pas de voiture, regrette Jérôme Chenal, directeur de la Communauté d’études pour l’aménagement du territoire de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). On oublie trop souvent qu’en Afrique on est majoritairement piéton… » Les trottoirs sont moins glorieux, mais plus utiles que bien des échangeurs. Il faudra aussi se souvenir que la croissance harmonieuse des mégalopoles dépend de la capacité des petites communes, bourgades et « villes secondaires » à offrir des services de base essentiels pour retenir les populations et ralentir l’exode rural. L’Afrique des villes sera bien avisée de se soucier de l’Afrique des champs!

Entretien avec Robert Beugré Mambé Gouverneur du district autonome d’Abidjan

76 Financement

Au Maroc, la banque des collectivités locales fait sa mue

77 Villes nouvelles

Douala regarde vers l’est

78 Mobilité

Avec Scania, Ouaga passe au collectif

80 MÉTIERS

Mariam Kamara, la Rolex des architectes

82 Matériaux

Sur les traces de Dakar la rouge

84 CULTURE

Cités cinés : les villes (re)font leurs cinémas

88 Patrimoine

En mode médina à Tunis

Suivez l’actualité et l’évolution des villes du continent sur www.jeuneafrique.com

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Grand format VILLES

ENJEUX

Révolution capitale

Les plans d’aménagement sont certes imparfaits, les financements souvent difficiles à boucler et les villes intelligentes encore en gestation. Pourtant, de Nairobi à Tunis en passant par Douala et Dakar, les métropoles du continent changent radicalement.


K

ilimani est un quartier chic de Nairobi prisé par les start-uppers kényans et étrangers. Les immeubles s’y multiplient, proposant des espaces de coworking à des centaines d’entrepreneurs du numérique et des appartements adaptés au goût de cadres venus des quatre coins du monde. On y croise l’ingénieur indien attiré par le haut débit du plus gros incubateur-accélérateur du pays, le cadre d’un groupe industriel marocain qui vient de s’implanter sur le marché kényan, le touriste néerlandais qui a loué un pied-à-terre par Airbnb… Mais, pour consolider son influence régionale en matière de high-tech, le Kenya a surtout lancé Konza Technology City, une ville intelligente située à 60 km de la capitale. Un projet de 400 millions de dollars qui vise à créer 200000 emplois d’ici à 2030. Au-delà de la plus-value économique escomptée, ces quartiers et projets kényans sont des précurseurs des villes africaines de demain telles qu’elles s’esquissent ces dernières années à travers le continent. Elles sont planifiées pour être durables (énergies renouvelables, ressources en eau rationnées, réseaux et flux de circulation rationalisés, etc.). Leur pensée architecturale est un syncrétisme, à l’image du cosmopolitisme qui caractérise les métropoles

continentales. Leur attractivité est telle que, parmi les « Gafa » (acronyme de Google, Apple, Facebook et Amazon), seul ce dernier est encore absent en Afrique. Et d’autres géants du numérique y sont en pleine expansion, comme l’américain Uber. Présent dans bon nombre de grandes métropoles – Kampala en Ouganda, Abuja et Lagos, au Nigeria… –, le groupe s’attaque déjà aux villes secondaires, comme Kumasi, au Ghana, et Mombasa, au Kenya.

Fini les ajustements et les bricolages

Ces évolutions bien réelles et cette révolution urbaine dynamique ne parviennent cependant pas à masquer la réalité peu reluisante des villes africaines aujourd’hui. Insalubrité, insécurité, insuffisance des services de base, inflation de l’informel… Des déficits et des dysfonctionnements consécutifs à une absence de vision et de planification stratégique. Les derniers plans d’urbanisme de la plupart des métropoles du continent dataient des années 1970, et, pendant les deux décennies suivantes, des ajustements et des bricolages à l’efficacité toute relative leur ont tenu lieu de plans de développement urbain. Pendant ce temps, sous la pression de la croissance démographique et de l’exode rural, le taux d’urbanisation du continent s’est accéléré à un rythme effréné et caracole encore à 4 % par an, selon l’ONU-Habitat. Les États et

Kigali, au Rwanda.

VINCENT FOURNIER/JEUNE AFRIQUE-R

GEORGES DOUGUELI


Grand format VILLES ENJEUX

ATTRACTIVITÉ : LE TOP 15 Fin juillet, l’ONU-Habitat a publié « L’état des villes africaines », son quatrième rapport du genre depuis 2008. Sous-titrée « La géographie des investissements en Afrique », l’édition 2018 analyse la compétitivité des métropoles du continent, notamment leur capacité à attirer des investissements directs étrangers (IDE). Dirigé par le professeur Ronald Wall et par les équipes de l’Institut d’études pour l’habitat et le développement urbain (IHS) de l’université Erasmus de Rotterdam (Pays-Bas) et de l’université du Witwatersrand de Johannesburg (Afrique du Sud), le rapport montre, à travers l’évolution des principales agglomérations du continent, que le moyen le plus efficace pour les États de financer leurs stratégies

de développement est d’attirer des IDE dans leurs villes. Les 15 métropoles qui y parviennent le mieux et se hissent en tête du classement des 42 villes étudiées sont celles qui ont su améliorer leur accessibilité, leur connectivité et leurs marchés. Le rapport de l’ONU-Habitat suggère donc aux gouvernements d’adopter des politiques urbaines reposant sur une planification à long terme, ainsi que sur de bons systèmes financiers et juridiques. Il recommande cependant de veiller à ce que, dans une perspective de croissance inclusive, les IDE soient orientés vers des secteurs qui ont un impact sur la création d’emplois et ne deviennent pas une nouvelle source d’inégalités. CÉCILE MANCIAUX

* En volume d’IDE, de 2003 à 2016

Villes

Rang africain*

Le Caire - ÉGYPTE

1

64

Johannesburg - AF. DU SUD

2

69

Tanger - MAROC

3

82

Lagos - NIGERIA

4

101

Casablanca - MAROC

5

111

Alger - ALGÉRIE

6

114

Le Cap - AF. DU SUD

7

135

Nairobi - KENYA

8

146

Abidjan - CÔTE D’IVOIRE

9

155

Dakar - SÉNÉGAL

10

180

Rabat - MAROC

11

183

Marrakech - MAROC

12

201

Accra - GHANA

13

207

Dar es-Salaam - TANZANIE

14

244

Tunis - TUNISIE

15

248

SOURCE : ONU-HABITAT, WALL 2017

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Rang mondial

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les municipalités ont d’abord semblé impuissants face à la progression du phénomène, d’où une expansion urbaine non maîtrisée, avec une multiplication de quartiers précaires, non viabilisés, sans aménagements, sous-intégrés, où se sont anarchiquement étalés les logements et commerces informels. Heureusement, depuis une dizaine d’années, les gouvernements et les collectivités locales ont élaboré des documents de planification urbaine stratégique qu’ils sont en train de mettre en œuvre. Ces réflexions d’ensemble sur le sens à donner à la dynamique métropolitaine leur ont permis de dresser un état des lieux précis de leurs villes, afin d’élaborer un cadre général capable d’anticiper la croissance urbaine, les futurs besoins des populations comme de l’économie, de s’y adapter et, donc, de concevoir une « ville intelligente ».

Portes d’entrée de la croissance

Si les métropoles d’Afrique subsaharienne vont à elles seules accueillir plus de 300 millions d’habitants supplémentaires dans les vingt prochaines années, l’ambition des urbanistes africains ne se résume plus à courir derrière la croissance démographique. « Bien planifiées et dirigées, les métropoles et régions urbaines sont des sources dynamiques d’inclusion sociale et économique, et de prospérité. Elles sont les premières portes d’entrée de la croissance nationale et régionale en ce sens qu’elles attirent les investissements, les talents, le commerce et l’innovation », rappelle la Rwandaise Aisa Kirabo Kacyira, ancienne maire de Kigali et directrice exécutive adjointe de l’ONU-Habitat, qui, en juillet, a publié son rapport « L’état des villes africaines », le quatrième en dix ans (lire ci-contre). Nairobi, Kigali, Lagos, Ouagadougou, Abidjan et Dakar font désormais partie des villes dont la planification urbaine « vise à faire une promotion métropolitaine, dans le cadre d’un couple compétition-coopération assez improbable », analyse Jean-Fabien Steck, enseignant-chercheur en géographie et aménagement à l’université de Paris X-Nanterre. « Une ville est une métropole compétitive quand elle collabore avec d’autres. Ce qui induit un paradoxe, explique-t-il. Plus vous collaborez avec d’autres villes, qui sont aussi des concurrentes, plus vous allez être en concurrence avec elles. » En effet, la stratégie des grandes métropoles africaines est avant tout de se positionner dans une compétition régionale. Quelle agglomération sera le premier carrefour de sa sous-région, voire du continent, dans son domaine d’activité et d’attractivité ? Qui de Kigali ou de Nairobi sur le numérique ? Qui de Tanger, de Casa ou de Tunis, qui de Dakar ou d’Abidjan sur le créneau des transports et de la logistique ? La compétition est ouverte. Entre la capitale sénégalaise et la métropole ivoirienne, elle devient de plus en plus serrée dans le domaine portuaire et, désormais, aéroportuaire, avec, d’un côté, Air Côte d’Ivoire et les aménagements de l’aéroport Félix-Houphouët-Boigny et, de l’autre, Air Sénégal et le nouvel aéroport Blaise-Diagne


de Diass… Sans oublier que, dans le sillage de ses deux grandes rivales régionales francophones, Lomé ne se laisse pas distancer : un nouvel aéroport ultramoderne et une compagnie aérienne des plus compétitives, Asky, lui assurent un attrait supplémentaire.

Embouteillages récurrents

possible que si elle est dotée d’un plan de mobilité et de transports efficace. Comment prétendre jouer un rôle d’intégration à différentes échelles si on met trois heures pour aller de l’aéroport au quartier d’affaires ? À Douala par exemple, où, dès le petit matin, la circulation est complètement bloquée, le sous-équipement en transports en commun constitue l’un des plus grands freins à la productivité économique. Comme à Rabat et à Casa avec le tramway, à Abidjan avec les projets de métro et de navettes lagunaires, ou encore à Dakar avec le chantier du train express régional (TER), la planification et les investissements dans le domaine de la mobilité et, en particulier, des transports collectifs ont et auront évidemment un impact majeur sur l’environnement, sur la qualité de vie des habitants comme sur la croissance économique. Reste que, dans la plupart des villes du continent, les investissements sont encore insuffisants, faute de mobiliser les financements à la hauteur des ambitions. Les États y travaillent, mais le partenariat avec le secteur privé est le moyen le plus sûr d’y parvenir. Il n’y a plus qu’à !

ENTRE LES AÉROPORTS DE DAKAR, LOMÉ ET ABIDJAN, LA COMPÉTITION EST DE PLUS EN PLUS SERRÉE.

Au-delà de cette « promotion métropolitaine », la compétitivité des villes repose aussi sur les aspects d’aménagement urbain relatifs à l’inclusion des populations et à la gestion de la diversité économique et sociale. Ce que vise par exemple le schéma directeur du Grand Abidjan, avec des projets tels que l’aménagement de la baie de Cocody, qui sera une vitrine au niveau régional en matière d’amélioration du cadre de vie comme de promotion des emplois liés aux loisirs et au tourisme. Sur le modèle de ce qui a été fait au Maroc, avec l’aménagement de la vallée du Bouregreg, entre Rabat et Salé, ou de la Marina, à Casablanca. Autre enjeu majeur : la capacité des villes à assurer une bonne articulation entre le local, le national, le sous-régional, le continental et le mondial, qui n’est


Grand format VILLES ENJEUX

Robert Beugré Mambé Gouverneur du district autonome d’Abidjan

« Notre priorité, c’est l’environnement »

ISSAM ZEJLY - TRUTHBIRD MEDIAS

Êtes-vous deceux qui pensent que la démographie est un handicap majeur ?

Que fait Abidjan pour la mobilité et quel sera son dossier phare à l’avenir ?

Propos recueillis à Abidjan par BAUDELAIRE MIEU

ngénieur en travaux publics, Robert Beugré Mambé, 66 ans, connaît le développement urbain dans ses aspects à la fois humains, techniques et financiers. Chef de projet chargé des grands ouvrages de la ville d’Abidjan sous la présidence de Félix HouphouëtBoigny, il a été nommé gouverneur d’Abidjan en 2011 et est vice-président de l’Association internationale des maires francophones.

I

Jeune Afrique : Pourquoi la plupart des métropolesafricainescontinuent-ellesd’accuserdesilourdsdéficitseninfrastructures? Robert Beugré Mambé : La plupart ont

été dépassées par l’urbanisation et n’ont pas su se doter à temps de politiques d’infrastructures sociales et sanitaires en adéquation avec les masses de population, lesquelles continuent d’augmenter. Cela nous appelle à imaginer une politique de financement adaptée aux contraintes de chaque pays et à réfléchir à la création d’un fonds spécial.

74

jeuneafrique no 3011 du 23 au 29 septembre 2018

Les bénéfices d’une forte croissance démographique s’appréhendent sur le long terme. Une jeunesse nombreuse peut être un vrai atout pour notre continent à partir du moment où elle est formée, en bonne santé et trouve des débouchés sur le marché de l’emploi. Dans certaines agglomérations, il est en effet devenu crucial de mieux articuler dynamique démographique et mise à niveau des infrastructures de base pour ne pas freiner la croissance, mais nous estimons qu’une bonne politique de planification et de gestion urbaine permettrait d’y créer un cadre de développement harmonieux et durable.

Quelles sont les urgences ? Nos collectivités locales doivent améliorer la qualité de l’environnement urbain sur le plan sanitaire et sécuritaire, ainsi que sur le plan de la lutte contre la pauvreté et de l’équité sociale, en renforçant l’accès au logement et à l’emploi. Sans oublier la mobilité, qui a un fort impact dans tous les domaines.

En complément des plans gouvernementaux, de grands projets sont à l’étude, dont le train urbain. Nous envisageons aussi de mettre en service des ferries à grande vitesse sur le plan d’eau lagunaire, des bus rapides et d’aménager des gares de fret aux entrées nord, sud-est et ouest. Notre chantier prioritaire, c’est l’environnement : amélioration de la qualité de l’air, réduction de la consommation d’énergie, de l’émission de CO2… Il faudra donc encore diversifier l’offre de transports collectifs, étudier les possibilités d’utilisation des énergies propres et renforcer notre patrimoine vert, notamment à travers la création et la réhabilitation de parcs et la plantation de 4000 arbres le long des principales artères. D’où la mise en place d’un centre de gestion du trafic, avec à la clé un plan de mobilité urbaine durable pour limiter les émissions de gaz à effet de serre qui comprend la construction de 50 km de pistes cyclables et de voies piétonnes, et la mise en place d’une autorité organisatrice des transports. De quoi envisager l’avenir du Grand Abidjan avec plus de sérénité.


MESSAGE

D.R.

Performances publiques SÉNÉGAL

CHIFFRES CLÉS

MINISTÈRE DES TRANSPORTS AÉRIENS ET DU DÉVELOPPEMENT DES INFRASTRUCTURES AÉROPORTUAIRES

Exploitation de la ligne Dakar-Paris par la compagnie Air Sénégal S.A.

+6%

TRAFIC PASSAGERS

+1%

MOUVEMENTS DES AVIONS BUDGET 2018

9 643 337 880 F CFA

« Tout ce qui a été fait de grand en ce monde, l’a été au nom d’espérances exagérées ». Cette assertion de Jules Vernes traduit bien les ambitions des plus hautes autorités de l’État pour une transformation qualitative et irréversible du secteur des transports aériens.

Ministre des Transports Aériens et du Développement des Infrastructures Aéroportuaires

D

epuis quelques temps, certains groupes de pression cherchent à jeter le discrédit sur l’option stratégique de l’État du Sénégal de permettre à Air Sénégal SA d’assurer l’exploitation de la ligne Dakar-Paris-Dakar ; droit jusqu’ici accordé à Corsair, à sa demande, à titre exceptionnel et provisoire. Pour rappel, les relations aériennes entre le Sénégal et la France sont régies par un accord aérien signé le 16 septembre 1974 et révisé le 20 septembre 2012. Cet accord consacre le principe de l’équilibre des capacités à raison de sept fréquences par pavillon désigné sur la desserte Dakar-Paris. Dans ce cadre, la France a décidé d’attribuer à Air France ses sept fréquences en qualité de compagnie aérienne désignée.

De la même manière, le Sénégal a, pour sa part, décidé d’accorder ses fréquences à sa compagnie nationale ; droit qu’utilisait Air Sénégal International au moment de son exploitation. À la disparition des précédentes compagnies nationales et afin de maintenir un environnement compétitif, accompagner le développement du tourisme et favoriser le hub de Dakar, le Sénégal a accordé ses droits à Corsair à la condition que ceuxci soient restitués au pavillon national dès qu’elle sera en mesure de les exploiter. Les autorisations y afférentes étaient accordées à Corsair par saison ; la dernière dans ce cadre, prenant fin le 31 janvier 2019 à minuit, telle que notifiée à la DGAC française par l’autorité de l’aviation civile sénégalaise.

D.R.

Maïmouna Ndoye Seck

• Mise en place d’une équipe de projet ; • Étude de marché conduite sur une année par un cabinet international reconnu ; • Validation du Business Plan ; • Certification de la compagnie aérienne jusqu’à l’obtention du Permis d’Exploitation Aérienne (PEA) ; • Le tout adossé à une politique de financement parfaitement maîtrisé. Dans une démarche progressive, la compagnie qui a démarré ses vols domestiques en avril dernier avec deux ATR 72-600, va lancer ses vols régionaux en octobre 2018 avec des A319.

Ensuite, pour l’exploitation de lignes intercontinentales, notamment le Dakar-Paris, à partir du 1er février 2019, Air Sénégal SA a acquis deux A330 NEO, appareils de dernière génération d’un confort optimal. Le doute n’est plus permis ; le Sénégal, grâce à une volonté inébranlable plusieurs fois exprimée par le Gouvernement, est résolument tourné vers le respect de ses engagements en matière de politique de transport aérien. La mise en place d’un pavillon national fort et durable s’inscrit dans le Programme du Hub Aérien Sous-Régional du Plan Sénégal Émergent (PSE), au même titre que l’inauguration, à date échue, de l’Aéroport International Blaise Diagne, malgré le scepticisme de certains, ainsi que la mise aux normes internationales des aéroports secondaires dont le lancement est imminent. ■

Ministère des Transports Aériens et du Développement des Infrastructures aéroportuaires VDN Liberté 6 Extension Lots N° 7 et 8, BP 4049 Dakar Sénégal Tél. : 33 869 26 90 - Fax : 33 826 07 77 Email : contact@mtadiasn.net

> www.mtadia.gouv.sn

JAMG - © ADOBESTOCK.COM SAUF MENTION

Aussi, faut-il souligner que la mise en place de la compagnie nationale Air Sénégal SA a obéi à une démarche ambitieuse, cohérente et rigoureuse marquée par plusieurs phases entre autres :


Grand format VILLES ENJEUX

FINANCEMENT

Un fonds en phase avec les territoires

Face à l’évolution des besoins des collectivités locales et de leur mode de gestion, le marocain FEC, spécialisé dans l’octroi de crédits aux communes, est en pleine mutation.

5,5 milliards

EL MEHDI BERRADA, à Casablanca

e Fonds d’équipement communal (FEC) du Maroc fêtera ses 60 ans en 2019, l’occasion d’offrir un profond lifting à cet établissement public unique en son genre sur le continent. Disposant depuis 1996 du statut de banque, il a évolué pour accompagner les besoins de financement des collectivités dans le cadre de la décentralisation et, depuis 2015, de la régionalisation avancée. Et c’est pour que le FEC soit mieux paré pour relever les défis de ce modèle de développement régional que le roi Mohammed VI a nommé à sa tête un nouveau gouverneur, directeur général, Omar Lahlou, ex-directeur administratif et financier du groupe Caisse de dépôt et de gestion. « C’est grâce au FEC que les collectivités territoriales ont pu généraliser l’éclairage public, créer des espaces verts, développer les transports en commun, etc. Mais, désormais, la banque ne peut plus être aussi efficace, et ses interventions deviennent difficiles à réaliser », reconnaît l’un de ses ex-cadres supérieurs à la retraite. Projets de plus en plus nombreux et onéreux, nouvelles méthodes de gestion des conseils communaux et régionaux, dont la délégation de service public à des sociétés de développement local (dont le capital est détenu en partie par des acteurs privés et que la législation ne permet pas au FEC de financer), sont autant de freins à l’essor de l’établissement. D’ailleurs, en 2017, les prêts accordés par le FEC aux collectivités territoriales

de dirhams

L

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(500 millions d’euros). C’est le montant des prêts accordés par le FEC en 2017. Il a ainsi contribué à financer 67 projets de développement local, représentant un investissement global de 16 milliards de dirhams de la part des collectivités territoriales marocaines.

ne représentaient que 22 % du total des investissements de ces dernières. Une faible contribution qui montre que, bien qu’étant la seule banque à pouvoir prêter aux collectivités locales, le FEC profite peu de son monopole. C’est le constat fait en 2011 et en 2017 par les magistrats de la Cour des comptes, qui estiment qu’il « n’a pas pu développer une ingénierie financière capable de faire de l’emprunt un vecteur de développement local ».

Renforcer l’arsenal juridique

Après consultation de cabinets internationaux tels que PwC Advisory et WB Consulting, un nouveau plan de développement stratégique doit être adopté prochainement, entre autres pour renforcer l’arsenal juridique et l’adapter aux changements intervenus dans la gestion des collectivités locales. Ce sera le premier dossier d’Omar Lahlou. Ingénieur diplômé de Supélec Paris (promotion 1995), il a créé dès 1997 sa propre agence d’information financière, la première à mettre en place un système de notation des entreprises marocaines. En 1999, il a cofondé la banque d’affaires Atlas Capital et, en 2008, il a rejoint CDG, qui lui a confié la direction de la Loterie nationale, puis celle du pôle financier du groupe, dont il a démissionné en juin 2017.

GUILLAUME MOLLÉ POUR JA

Le FEC participe au Plan de développement du Grand Casa (PDGC).


PATRICK NELLE POUR JA

le moins, l’État a décidé d’y implanter les nouvelles infrastructures indispensables à la Communauté urbaine de Douala : un hôpital gynéco-obstétrique (construit par la Chine) y est opérationnel depuis bientôt trois ans, quelque 1000 logements sociaux doivent y être bâtis dans le cadre d’un programme gouvernemental qui en prévoit 10000, le projet de la nouvelle prison (censée décongestionner celle, octogénaire, de New-Bell) y est en gestation… Dans la perspective de la CAN 2019, les autorités s’attellent par ailleurs à élargir la pénétrante est de la métropole afin de fluidifier la circulation. Un marché de plus de 33 milliards de F CFA qu’elles ont confié dans l’urgence au consortium chinois conduit par Weihai International Economic & Technical Cooperative (WIETC).

À Japoma, les chantiers se multiplient.

VILLES NOUVELLES

Douala fait des petits

Revers de la médaille

Poumon économique du Cameroun, la cité balnéaire s’étend vers l’intérieur du pays et vers Yaoundé par l’aménagement de sa banlieue est. OMER MBADI, à Yaoundé

omme un clin d’œil à Roger Milla, un complexe omnisports comprenant un stade de 50 000 places est en cours de construction à Japoma, la petite localité qui a vu naître cette star du football. Il abritera les rencontres de la prochaine Coupe d’Afrique des nations (CAN), en juin 2019. En son sein, le groupe turc Yenigün bâtira notamment deux terrains d’entraînement, un gymnase couvert de 2 000 places, une piscine olympique et quatre courts de tennis pour un coût global de 200 milliards de F CFA (près de 305 millions d’euros). Ce programme est le nouveau bijou architectural de Douala et, surtout, de sa banlieue est, où, conformément au plan du gouvernement, le futur de la capitale économique est en train de se construire. À tout

C

LE FUTUR STADE DE 50 000 PLACES, EN COURS DE CONSTRUCTION, ABRITERA LES RENCONTRES DE LA CAN 2019.

Située sur le chemin de la capitale, Japoma sera le point d’entrée de la première autoroute du pays, en cours de construction entre Douala et Yaoundé. Cette ville nouvelle qui prend corps s’adosse également à la zone industrielle de Douala-Bassa (Ziba), à Yassa, sur le bord de la route reliant Douala à Yaoundé, où sont implantées la centrale thermique de Dibamba et plusieurs usines agroalimentaires (savonneries, minoteries, brasseries…). Autant de signes de dynamisme qui ont attiré du monde dans ce quartier. Jadis périphérique, Yassa, à l’instar de la localité de Japoma, fait désormais partie intégrante de la communauté urbaine de Douala, et c’est sur son territoire que se joue l’avenir de l’agglomération. Revers de la médaille : les prix des terrains et des loyers s’envolent. « Depuis des années, c’est la ruée vers ce quartier, à tel point que les terrains disponibles, même en dehors de la ville, comme sur la route menant à la cité industrielle d’Édéa, font l’objet de spéculations », confie un intermédiaire en transactions foncières. En dix ans, le prix du mètre carré de terrain a été multiplié par sept, pour se situer actuellement entre 30000 et 35000 F CFA. Une tendance également observée du côté des loyers : celui d’un appartement de deux chambres oscillait entre 30000 et 40000 F CFA par mois en 2005, il atteint aujourd’hui au minimum 80000 F CFA.

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MOBILITÉ

Ouaga joue collectif Véhicules propres, nouvelles lignes, voies réservées… Décidée à convertir ses habitants aux bus, la métropole burkinabè lance un plan de 200 millions d’euros financé par le suédois Scania. NADOUN COULIBALY, à Ouagadougou

urnommée capitale des deuxroues, avec son parc de 2 millions de motos et mobylettes contre moins de 500 000 automobiles, Ouagadougou mise sur le renforcement de son réseau de bus pour assurer une meilleure desserte et fluidifier la circulation. Une révolution délicate dans une agglomération de 3 millions d’habitants dont la population a été multipliée par deux depuis 2005 et est appelée à encore doubler d’ici à 2030, et où moins de 1 % des habitants utilisent les transports en commun. En 2016, le gouvernement a inscrit le sujet de la mobilité urbaine à Ouaga parmi les trois programmes prioritaires du Plan national de développement économique et social (PNDES 2016-2020). Et le défi est en passe d’être relevé. Début juin, le ministre des Transports, Vincent Dabilgou, a signé un protocole d’accord avec le suédois Scania, filiale de Volkswagen, et le groupe français

S

DEUX TOURS DE CONTRÔLE

RATP, les deux partenaires choisis par la communauté urbaine de Ouaga (qui reste maître d’ouvrage) pour le renforcement du réseau de bus exploité par la Société de transport en commun de Ouagadougou (Sotraco). Le plan, qui doit encore être approuvé en Conseil des ministres, est financé par un crédit-export de la Suède, pour un coût global de 200 millions d’euros sur deux ans (2019-2020).

La municipalité s’apprête à créer une autorité organisatrice des transports urbains ainsi qu’un conseil des transports du Grand Ouaga qui sera notamment chargé de délivrer des licences de taxi et de collecter de nouvelles ressources pour financer le développement du secteur.

Sens unique

NANA SEFA HWENEBOBO

Pas moins de 460 nouveaux bus seront fournis par la filiale de Volkswagen.

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Pour renforcer la petite flotte d’une vingtaine de bus verts de la Sotraco, Scania va fournir à partir de l’an prochain 550 véhicules (460 bus et 90 autocars) dotés de moteurs permettant l’usage de biocarburants et travaillera au développement de ces derniers (en particulier la filière jatropha). L’entreprise assurera la construction du centre de maintenance, des arrêts de bus, ainsi que la formation des chauffeurs et des mécaniciens. RATP International, partenaire technique, fournira et exploitera les systèmes intelligents de transports. Les dix lignes actuelles s’articuleront autour de quatre nouvelles, bénéficiant de voies réservées. Enattendant,danslecentre-ville,lamunicipalité compte passer plusieurs rues en sens unique pour fluidifier le trafic et réduire le délai d’attente entre les bus à dix minutes au lieu de vingt. Elle a par ailleurs élaboré un schéma d’amélioration de la circulation d’un coût de 30 milliards de F CFA (plus de 45 millions d’euros) qui comprend, entre autres, le bitumage de 35 km de voiries ainsi que la révision de la signalisation et des feux pour donner la priorité aux bus. Enfin, dans lecadreduProjetdedéveloppementdurable de Ouagadougou (PDDO), la commune s’est attelée à la modernisation et à l’extension de la gare routière de Ouaga Inter: un chantier de 4 milliards de F CFA sur trois ans financé par l’AFD.


COULEUR LOCALE

quartiers de Gounghin, à l’ouest, ou de Wemtenga, à l’est, les élevages de porcs commencent à se faire rares, mais des troupeaux de bœufs stoïques continuent de traverser le bitume, tandis que les charrettes tirées par des ânes semblent à peine désorientées par les bretelles des échangeurs.

Au milieu des Pikachu

Mon village capitale DAMIEN GLEZ

«

V

illageois. » Pendant longtemps, le quolibet fut copieusement jeté à la figure de Voltaïques venus proposer leurs muscles aux propriétaires terriens des pays côtiers. Pas sûr, pourtant, que les victimes de cette idée reçue considèrent l’adjectif comme une injure. Au Burkina Faso, le charme de la capitale réside justement dans son identité de « gros village ». Un village de quelque 3 millions d’habitants qui se dote de signes de modernité citadine sans trahir pour autant l’esprit de Ouagadougou. Face aux impératifs urbains, le bourg sahélien plie mais ne rompt pas… Dans l’ancienne Woogrtenga de l’ex-Haute-Volta comme dans n’importe quel village, tout le monde semble connaître tout le monde.

Revendiquant fièrement un minimum de racines provinciales, chaque Ouagalais emprunte du soumbala à ses voisins, auxquels il ne manque jamais de rendre visite les jours de fête. Aucune sommité n’est totalement inaccessible. On peut croiser la première dame dans une boutique et son époux dans une église.

Bœufs stoïques

Les ressortissants de rues majoritairement non goudronnées pratiquent des « affairages » (commérages) bien plus efficaces que les buzz numérisés. Les « six-mètres » (petites rues de latérite, théoriquement de 6 m de largeur) sont dominées par des bicoques sans étages et ancrées dans des cours dont certaines abritent les sépultures de ceux qui firent l’acquisition de la parcelle. Dans les

Des échangeurs ? En effet, Ouaga dispose tout de même de quelques infrastructures urbaines futuristes. Les autorités communales font face à l’accroissement de la population, à l’extension de la ville et aux gageures que celles-ci imposent en matière de distribution d’eau, de consommation d’électricité ou encore de circulation intra-urbaine. Alors on exproprie – modérément et consensuellement – afin de promouvoir des cahiers des charges plus urbains dans de nouvelles zones commerciales et administratives ; on élargit certaines voies de circulation au détriment d’arbres pourtant salutaires dans un pays de canicule; on fantasme sur un tramway à l’horizon 2025 ; on baptise des rues dont on retranscrit les noms sur des plans que le commun des Ouagalais n’utilise encore guère. Nouvelle ville, nouvelle génération de citadins tout de même : pour les besoins du jeu Pokémon Go et par le truchement d’Instagram, la jeunesse ultraconnectée de Ouagadougou pratique peu à peu la géolocalisation, jouant à saute-mouton avec la culture de l’adressage. À la frontière exacte entre les quartiers de la Patte-d’Oie et de Ouaga2000, au milieu de Pikachu dont les anciens du quartier ne soupçonneront jamais la présence virtuelle, des maisons « 16 tôles » font face à des résidences dignes du palais du facteur Cheval. Ambiance kényane ? Non. À la différence du quartier Kibera, de Nairobi, aucun de ceux de la capitale burkinabè ne peut être qualifié de bidonville. Nouveau riche ou autochtone spartiate, tout le monde est le bienvenu à Ouaga, la métropole aux réflexes villageois. jeuneafrique no 3011 du 23 au 29 septembre 2018

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MÉTIERS

Mariam Kamara, made in Africa Façonnant ses projets entre le Niger, son pays natal, et les États-Unis, cette architecte défend une vision de l’urbanisme résolument pragmatique et innovante.

CLARISSE JUOMPAN-YAKAM

D

e petites escapades entre deux grands esprits. Depuis qu’ils forment le tandem « mentor et protégée » du programme Rolex de mentorat artistique 2018-2019, la Nigérienne Mariam Kamara et le Britannique d’origine ghanéenne Sir David Adjaye se voient régulièrement. Les deux architectes veulent mieux appréhender leurs univers respectifs avant de plancher, pendant deux ans, sur leur projet commun : la construction d’un centre culturel à Niamey. « C’est une collaboration inespérée », reconnaît Mariam Kamara, un sourire satisfait dans la voix. L’urbaniste de 38 ans, qui partage son temps entre Niamey, où elle a fondé l’Atelier Masōmī – « le début, la création », en soussou –, et les États-Unis, où elle supervise ses projets tout en enseignant l’urbanisme à l’université Brown, dans l’État de Rhode Island, se dit honorée d’avoir été remarquée par l’un des architectes les plus réputés du moment. Concepteur entre autres du Musée national de l’histoire et de la culture afro-américaine, à Washington (540 millions de dollars de budget), et du Musée de l’espionnage, en plein cœur de Manhattan, David Adjaye a sans doute voulu saluer la virtuosité de sa consœur.

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Après une première carrière dans l’informatique, Mariam Kamara est parvenue à imprimer sa marque dans le domaine de l’architecture dès ses premiers projets, utilisant des matériaux locaux tels que les briques de terre compressée, les mélangeant entre eux pour en améliorer la qualité et recourant à l’innovation technologique pour sublimer un style qu’elle veut résolument contemporain. Lauréate du Global LafargeHolcim Awards 2018 – le plus grand concours d’architecture durable au monde – pour son projet Legacy Restored Center, un complexe à la fois religieux et laïc réalisé en partenariat avec l’Iranienne Yasaman Esmaili, elle s’était déjà fait remarquer en 2016 avec Niamey 2000, projet pilote de logements abordables construits avec des matériaux locaux.

Renouveau identitaire

Si Mariam Kamara dit avoir été guidée dans son choix de carrière par son goût pour la création, elle assure aussi avoir pris conscience très tôt des problèmes économiques et sociaux engendrés par l’absence de vision africaine dans son domaine. Pour elle, s’entêter à copier l’architecture occidentale est irresponsable: « Au Niger, des familles mettent parfois jusqu’à dix ans pour se construire une habitation, parce qu’elles n’ont pas accès au crédit et que les coûts des matériaux plébiscités sont prohibitifs. »


Mariam Kamara affirme appartenir à une jeune génération de professionnels engagée dans la quête d’un renouveau identitaire, artistique et architectural sur le continent. « Construites au début de la colonisation, nos villes exhalent une structuration de l’espace urbain qui ne tient pas compte de nos modes de vie, explique-t-elle. Pour corriger le tir, il s’agit non pas de revenir deux cents ans en arrière, mais de regarder en face nos réalités économiques, notre identité, afin de définir nos propres règles architecturales. » Elle prend en exemple la ville japonaise de Kyoto, qui a su allier tradition, identité et modernité. L’Afrique doit, selon elle, repenser son rapport à la création des espaces, en trouvant elle-même, sur place, des solutions pour les adapter aux besoins de la population : « Nous pourrions imaginer notre propre futur, inventer notre propre modernité… Ce serait nous accorder un minimum de respect. » Pour chacune de ses réalisations, Kamara mène des enquêtes sur le terrain afin de mieux cerner les attentes des futurs habitants : comment vivent-ils et comment reçoivent-ils ? Dans quelle mesure

ROLEX/TINA RUISINGER

À 38 ans, elle est à la tête du cabinet Atelier Masōmī, qu’elle a créé à Niamey.

seront-ils confortablement installés, culturellement à l’aise ? Qu’est-ce qui leur permettra de faire baisser la température à l’intérieur de leur maison ? Le projet Legacy Restored Center a ainsi nécessité six mois d’observations. Résultat, il propose un espace citoyen ouvert à tous les habitants du village de Dandaji, favorise l’éducation des femmes et renforce la présence de celles-ci au sein de la communauté. L’architecte se défend de toute démarche esthétisante. Elle n’est pas en quête d’un style spécifique, reconnaissable entre mille. De projet en projet, elle veut juste expérimenter des techniques nouvelles, tester des matériaux locaux différents. Dans trois mois, elle les utilisera pour construire un immeuble de bureaux ultracontemporains, à la pointe du hightech, sur plusieurs niveaux. Une première. Mais Mariam Kamara est aussi une militante passionnée qui met un point d’honneur à apporter ses services à ceux qui n’auraient pas les moyens de se les offrir. Comme pour cette unité néonatale, dont elle conçoit actuellement le nouvel espace de travail.

« NOUS POURRIONS IMAGINER LE FUTUR DE NOS VILLES, INVENTER NOTRE PROPRE MODERNITÉ. »

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MATÉRIAUX

Dakar revoit la vie en rouge Indissociable de l’identité de la capitale sénégalaise, la production de briques et de tuiles en terre cuite ou crue avait pourtant été abandonnée dans les années 1970. Aujourd’hui, des élus et des entrepreneurs passionnés reprennent le flambeau.

rès de Dakar, l’unique unité industrielle locale de fabrication de matériaux de construction en terre cuite, la Sofamac, s’apprête à redémarrer sa production. L’usine vient d’être rachetée par Amsa Realty, entreprise spécialisée dans l’immobilier d’Amsa Assurances Sénégal, une filiale du groupe CFOA, de l’Ivoirien François Bakou. Avec ses partenaires italiens, Amsa Realty, dirigée par Déthié Aw, a investi environ 6 millions d’euros dans cette unité, d’où sortiront briques, carreaux et tuiles en terre cuite. Une première depuis les années 1970 : le pays avait alors arrêté la production de ces matériaux. Pourtant, réputés pour leur solidité (ininflammables), pour la qualité de leur isolation phonique et, surtout, thermique, ainsi pour que leurs performances environnementales (entièrement recyclables et nécessitant peu d’énergie pour leur fabrication), ils ont d’édifices publics comme pour celle de villas et font naturellement partie du décor des vieilles villes de Dakar, Gorée, Rufisque et SaintLouis. Vue du ciel, la capitale sénégalaise reste d’ailleurs mouchetée du rouge des briques et des toits de tuiles en terre cuite

P

Célèbres architectes

ELEMENTERRE

Les façades en terre crue de l’hôtel Djoloff, à Fann-Hock.

qu’arborent encore fièrement nombre de ses bâtiments administratifs (gouvernance, préfecture, état-major des armées, CHU, etc.) et de ses résidences, notamment dans la médina, où il tranche avec le blanc des constructions en béton. Depuis quelques années, conscients du fait que ce patrimoine architectural fait partie de l’identité de Dakar, quelques professionnels, élus et mécènes se battent pour sa préservation et sa restauration. La direction du patrimoine historique classé a répertorié et placé sous sa protection un certain nombre d’édifices. Pour Dak’Art 2012, l’architecte Annie Jouga, adjointe au maire de Gorée, a organisé une visite des constructions emblématiques du genre à Rufisque. Et, lors de l’édition 2018 de cette biennale d’art contemporain, le Collège universitaire d’architecture de Dakar a accueilli l’exposition « Architecture en terre d’aujourd’hui ».

AMADOU OURY DIALLO, à Dakar

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Le mouvement se poursuit sous l’égide, notamment, de Gérard Sénac, PDG d’Eiffage Sénégal, féru d’art et d’architecture. Grâce à un partenariat entre le groupe et l’Association des maires du Sénégal (AMS), la pittoresque Maison des élus locaux, située au cœur du quartier des affaires, sur la place de l’Indépendance, vient d’être restaurée. Et c’est désormais au tour de l’historique gare ferroviaire, un temps à l’abandon, de reprendre des couleurs: sa restauration est presque achevée, avant la mise en service, en janvier prochain, du train express régional (TER) qui reliera Dakar à la ville nouvelle de Diamniadio. De son côté, l’ingénieur Doudou Dème a créé Elementerre, une entreprise qui, depuis 2010, fabrique des briques en terre crue (mélange de latérite, de sable, d’eau et de seulement 8 % de ciment), qu’elle produit près de Saly. Ses briques sont utilisées pour les projets de célèbres architectes dakarois (Lamtôro, Guilloux & Associés…) et l’ont été, entre autres, pour l’extension de l’hôtel Djoloff, à FannHock, sur la corniche ouest.



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CULTURE & LOISIRS

Cités cinés Dans toute l’Afrique francophone, des salles de cinéma (r)ouvrent leurs portes, exploitées par des groupes locaux ou par le réseau CanalOlympia, du français Vivendi, et bientôt par celui de son compatriote Pathé… CÉCILE MANCIAUX

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inis, l’ABC, le Rex, le Vox, le Lux et le Rio, à Bamako. Fermés, les Studios, le Paris et l’Ivoire, à Abidjan. Depuis les années 1990, presque toutes les métropoles d e l’Afrique francophone avaient vu disparaître leurs cinémas. Tout un circuit de salles perdues – transformées en supermarchés, en églises évangéliques ou abandonnées –, à cause des politiques d’ajustement structurel, de crises politico-militaires, de manque de moyens et, aussi, de la désaffection d’un public siphonné par la concurrence des DVD et des bouquets télévisuels. Mais la tendance s’inverse. Salles mythiques restaurées ou complexes flambant neufs, on compte désormais une cinquantaine de cinémas dans ces pays, contre moins de

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dix en 2010. Ils répondent aux besoins d’une jeunesse et d’une classe moyenne plus nombreuses, dont les attentes en matière de culture et de loisirs sont fortes. Résultat, ils sont rentables et ont tous rapidement trouvé leur public.

Quartiers vivants

C’est le cas des neuf salles du réseau CanalOlympia ouvertes par le groupe Vivendi (Bolloré), depuis janvier 2017, dans sept pays d’Afrique subsaharienne francophone : en Guinée, à Conakry (Kaloum), au Sénégal, à Dakar (Teranga), au Niger, à Niamey (Hippodrome), au Burkina Faso, à Ouagadougou (deux salles : Yennenga et Pissy), au Togo, à Lomé (Godopé), au Bénin, à Cotonou (Wologuédé), ainsi qu’au Cameroun, à Yaoundé (sur le campus de l’université de Yaoundé-1) et à Douala (Bessengué).


YOURI LENQUETTE POUR JA

Le Majestic Ivoire, à Abidjan.

Implantées dans des quartiers vivants et proposant des tarifs relativement bas – 1500 F CFA (2,30 euros) la place, 1000 F CFA pour les enfants, 5000 F CFA pour les sorties de la semaine –, elles ont accueilli près de 500000 spectateurs en vingt mois et se révèlent être de véritables pôles d’attraction culturels, d’autant qu’elles sont également conçues pour accueillir des spectacles, en particulier des concerts. Conforté par ces résultats et par l’évolution exponentielle de la fréquentation en 2018, Vivendi ouvrira sa prochaine salle dans quelques semaines à Port-Gentil (Gabon), tandis que d’autres sont en construction à Parakou (Bénin), Brazzaville et Pointe-Noire (Congo) et Antananarivo (Madagascar). « Après plus d’un an d’exploitation, nous constatons que les blockbusters, notamment américains, fonctionnent comme des produits d’appel et permettent à nos publics de renouer avec cette sortie culturelle », explique Christine Pigeyre, directrice des relations extérieures de Vivendi qui, début septembre, a pris les fonctions de PDG de CanalOlympia, succédant à Corinne Bach, promue à la direction du développement et des opérations de Studiocanal. « Mais, ajoute-t-elle, nous tenons aussi à inclure dans nos programmes des films issus du continent, afin de soutenir la création et les talents locaux. Ainsi, des films de Nollywood comme The Wedding Party 2 et

AINSI FONT LE FONSIC ET LE FOPICA Les États participent eux aussi à la rénovation de salles, en subventionnant des initiatives privées. En Côte d’Ivoire, le Fonds de soutien à l’industrie cinématographique (Fonsic) attribue des aides pour contribuer au développement d’un circuit d’une vingtaine de salles. Au Sénégal, le Fonds de promotion de l’industrie cinématographique et audiovisuelle (Fopica) consacre une part de ses financements à la rénovation et à

la modernisation de cinémas, dont Le Vox, à Ziguinchor, en cours de restauration, qui a reçu une aide de 75 millions de F CFA (114000 euros), de même que Le Christa, à Dakar (quartier de la Patte-d’Oie). De quoi permettre à cette salle créée en 1995 par le réalisateur Tidiane Aw (décédé en 2009), et tant bien que mal maintenue ouverte par son fils Malick, de passer au numérique. C.M.

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Jadis réputé pour les nombreux cinémas qui animaient chacun de ses grands quartiers, Dakar ne comptait plus qu’une seule salle obscure depuis le début des années 1990. Jusqu’à l’ouverture, en mai 2017, de CanalOlympia Teranga par le groupe français Vivendi (lire pp. 84-85) près du Grand Théâtre, désormais amicalement concurrencé – les deux établissements marchent bien – par le complexe cinématographique Ousmane-Sembène (CCOS), ouvert depuis le 31 mars sur le très chic boulevard Martin-Luther-King de la corniche ouest. Ses trois salles (de 348, 108 et 50 places) sont équipées de technologies de pointe (projections en 2, 3 et 5D, en Barco et Christi, son Dolby

AU-SENEGAL.COM, 2011

DAKAR CHANGE DE DIMENSION

digital…), et les tarifs sont abordables, en regard du standing du complexe: 1500 F CFA la séance en 2D et 2000 en 3D pour les enfants (3 à 12 ans), 2000 F CFA en 2D et 2500 en 3D pour les adultes et un tarif « première » de 5000 F CFA le week-end suivant la sortie d’un film.

10 Jours à Sun City, ou le film d’animation camerounais Minga et la cuillère cassée ont été de véritables succès dans notre réseau. »

À guichets fermés

La première salle d’Afrique subsaharienne francophone à rouvrir et à être passée au numérique a été celle du Normandie, à N’Djamena, qui avait cessé toute activité depuis la guerre civile tchadienne, au milieu des années 1980. Rénovée par l’État sous l’impulsion des cinéastes Mahamat Saleh Haroun et Issa Serge Coelo (son directeur), la salle a rouvert fin 2011. Elle était la seule opérationnelle en Afrique centrale jusqu’à l’ouverture du MTN Movies House de Brazzaville, en août 2016, une salle créée dans l’ex-amphithéâtre de l’Hôtel de la préfecture par la société congolaise Cinebox, de Gilles-Laurent Massamba et Romaric Oniangue. En Afrique de l’Ouest francophone, les deux premières salles à avoir été restaurées, grâce à la persévérance de deux cinéphiles (l’un malien, l’autre camerounais) sont celles du Ciné Magic Babemba, lequel reste le seul cinéma de Bamako, qui en comptait une quinzaine dans les années 1960-1970. À Abidjan, aucun grand écran ne brillait depuis quinze ans… Jusqu’en 2015. Cette année-là, le groupe Majestic, de Jean-Marc Béjani, y a ouvert le Majestic Ivoire

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Cinq mois après l’ouverture, le bilan est positif, selon Sylvain Foppa, chargé de la communication du complexe. Il accueille en moyenne 2 000 spectateurs par semaine, de tous âges et toutes catégories socioprofessionnelles confondues, avec des pics d’affluence les week-ends, surtout lors des

sorties de blockbusters tels que Black Panther ou Avengers: Infinity War. Mais tous les genres et tous les pays ont droit de cité sur les écrans du CCOS. Ce dernier dispose en outre d’un restaurant, d’une salle de jeux (billard, baby-foot, jeux vidéo), d’une discothèque et d’une promenade sur le front de mer. L’investissement total représente 3 milliards de F CFA (4,57 millions d’euros) et a été réalisé par le Sénégalais d’origine libanaise Youssef Saleh, patron du Magic Land, le célèbre parc d’attractions et de loisirs voisin. Le groupe Saleh compte désormais ouvrir des complexes du même type à Thiès, Kaolack, Saint-Louis et Ziguinchor. AMADOU OURY DIALLO, à Dakar

(dans la mythique salle restaurée située dans l’enceinte de l’Hôtel Ivoire). Et son succès a été tel que, six mois plus tard, la société a ouvert deux autres salles, l’une au centre commercial Sococé, dans le quartier des Deux-Plateaux (à Cocody), et l’autre dans la galerie Prima (à Marcory). Malgré des tarifs plus élevés (4 000 à 5 000 F CFA à l’Ivoire et au Prima, 3 000 F CFA au Sococé) que ceux du réseau CanalOlympia ou du Ciné-Magic de Bamako, les salles du Majestic font le plein de spectateurs. Pour répondre à la demande, le groupe prépare d’ailleurs l’ouverture de son premier multiplexe (3 écrans) au centre commercial Cosmos, à Yopougon. Seul opérateur sur le créneau à Abidjan, il devra cependant bientôt compter avec un concurrent de poids. À l’instar de son compatriote Vivendi, le groupe Pathé, de Jérôme Seydoux, leader dans l’exploitation de salles en France, s’apprête à lancer son réseau de Cinémas PathéGaumont sur le continent, où il est en train de construire deux multiplexes. Le premier (8 salles) devrait ouvrir début 2019 au centre commercial Tunis City, en partenariat avec la Copit (groupe Mabrouk), société exploitante du site, et WB Cinémas (de Wassim Béji). Le deuxième (5 salles) est en cours de construction à Abidjan, dans le mall de Cap Sud, en partenariat avec son promoteur, Prosuma, pour une ouverture fin 2019-début 2020.



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PATRIMOINE

En mode médina NICOLAS FAUQUÉ / WWW.IMAGESDETUNISIE.COM

Tables chics, échoppes d’artistes, boutiques branchées… Après une décennie de travaux de rénovation, le cœur historique de Tunis est devenu furieusement tendance. FRIDA DAHMANI, à Tunis

oin de la frénésie et du folklore des souks, la médina de Tunis offre avec élégance son dédale de ruelles, où locaux et visiteurs aiment à venir déambuler et se perdre, dans une sérénité intemporelle. Après un demisiècle de désintérêt, le noyau urbain originel de la capitale a fait peau neuve et, de part et d’autre de son pôle central, la mosquée Zitouna, fondée en 698, deux « circuits » entièrement restaurés mettent en valeur un patrimoine qui avait presque été oublié: le quartier de la rue Dar-el-Jeld, au nord, et celui des Andalous, au sud. Dans ce dernier, les façades ont été ravalées, les réseaux (d’eau, d’électricité, de télécoms) ont été enfouis, le dallage des rues et l’éclairage public refaits grâce aux efforts de la mairie et de l’Agence de réhabilitation et de rénovation urbaine, soutenus par l’État, l’AFD et l’Union européenne, et poursuivis par l’Association de sauvegarde de la médina (ASM). On tombe sous le charme des venelles fraîchement chaulées, des passages voûtés, où les éléments architecturaux prélevés sur des sites antiques ont été soigneusement préservés. Derrière les hauts murs et leurs cascades de bougainvillées, on devine une cour ombragée ou l’intérieur opulent d’un palais. Depuis sa création, en 1967, l’ASM encadre les opérations de réhabilitation de palais mais aussi de quartiers, comme celui de la Hafsia. Ces projets ont relancé l’intérêt des pouvoirs publics pour la médina avec, en 2009, l’aménagement de la rue Sidi-Ben-Arous. « Ils ont réussi à transformer sensiblement le quartier, en augmenter l’attrait économique et touristique, et améliorer la qualité de vie des

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jeuneafrique no 3011 du 23 au 29 septembre 2018

Chantier de ravalement, rue Sidi-Ben-Arous.

populations », résume Zoubeïr Moulhi, ancien directeur de l’ASM.

Passages obligés

HAUT LIEU DE L’UNESCO

La médina de Tunis abrite le secrétariat régional pour l’Afrique et le Moyen-Orient de l’Organisation des villes du patrimoine mondial (OVPM) de l’Unesco – sur la liste duquel elle est inscrite depuis 1979.

Mais ce sont des investisseurs privés qui ont lancé la mode médina. En plus de restaurer des palais, ils leur ont littéralement redonné vie. Ainsi, ces dernières années, la famille Abdelkefi a fait de la rue Dar-el-Jeld la vitrine d’un art de vivre à la tunisoise, en version haut de gamme, avec le restaurant Dar El Jeld, l’hôtel-résidence du même nom (ouvert en 2014), ainsi qu’un espace culturel, Le Diwan. Dans leur sillage, les maisons d’hôtes, ateliers d’artisans et galeries d’art se multiplient, de même que les événements culturels, qui régulièrement impliquent les riverains comme les initiatives de l’association L’Art rue. Résultat, Tunisois et touristes redécouvrent cette ville dans la ville qu’est la médina – elle abrite plus de 100000 habitants. Une bonne affaire pour ses commerces, d’autant que les visiteurs échangent leurs adresses confidentielles sur les réseaux sociaux. Ainsi, rue du Riche, la minuscule pâtisserie Zitouna (« où l’on déguste les meilleures tartes de Tunis ») est devenue un passage obligé, tout comme le Café de la vigne, dans la rue Souk-Erbaa. Seul revers de l’effet de mode : les prix de l’immobilier flambent.




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