TUNISIE
DOSSIER AUTO Spécial 6 pages
MAROC Nizar Baraka, l’empêcheur de gouverner en rond
PARLEMENT : COMMENT SORTIR DE L’IMPASSE
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL NO 3013 DU 7 AU 13 OCTOBRE 2018
CONNAISSANCE
Si l’ambiance générale peut paraître morose et les sujets d’inquiétude nombreux, un certain nombre d’acteurs politiques, économiques ou culturels, affichent leur optimisme. Et tentent de montrer la voie.
vision
Une autre
Algérie
CREATIVITE
innovation
SOLUTION
ÉDITION MAGHREB & MOYEN-ORIENT
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synergie .
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France 3,80 € Algérie 290 DA Allemagne 4,80 € Autriche 4,80 € Belgique 3,80 € Canada 6,50 $ CAN Espagne 4,30 € Éthiopie 67 birrs Grèce 4,80 €
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Guadeloupe 4,60 € Guyane 5,80 € Italie 4,30 € Luxembourg 4,80 € Maroc 25 DH Martinique 4,60 € Mayotte 4,60 € Norvège 48 NK Pays-Bas 4,80 €
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Portugal cont. 4,30 € Réunion 4,60 € RD Congo 6,10 $ US Royaume-Uni 3,60 £ Suisse 7 FS Tunisie 3,50 DT USA 6,90 $ US Zone CFA 2 000 F CFA ISSN 1950-1285
Maghreb & Moyen-Orient
ALGÉRIE
Ils y croient dur comme fer Malgré la morosité ambiante, certains acteurs politiques, économiques ou culturels font preuve d’esprit d’initiative. Non sans succès. NEÏLA LATROUS
es derniers chiffres de l’Office national des statistiques, datant de 2015, suffisent à éclairer les défis qui attendent l’Algérie : 88 % de la population est née après la guerre d’indépendance, 36 % n’a pas connu la décennie noire. Un vivier de jouvence et d’énergie. « Je vous laisse imaginer le potentiel, s’enthousiasme Hind Tartag, ancienne DRH aujourd’hui coach en développement personnel. L’Algérie a connu une explosion démographique depuis 1962. Peu de pays auraient pu y faire face. » La jeune femme
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coorganise à l’opéra d’Alger, les 10 et 11 octobre, un événement d’un genre inédit : le Brain Event, une conférence sur le thème de la réussite pour tourner le dos au déclinisme. « Il est possible de faire plein de choses ici, à condition d’être soi-même un acteur du changement et de ne plus rendre l’environnement responsable de tout, explique le docteur Amel Lahreche, coorganisatrice. L’herbe n’est pas plus verte ailleurs. Chaque pays a des contraintes différentes. » « Je suis algérienne, j’ai grandi ici, j’ai fait mes études ici, je travaille ici, je n’ai jamais accepté de subir l’environnement, poursuit Hind Tartag. Même avec un diplôme algéro-algérien, quand on est bon, on est bon. Les pires limites sont celles que l’on se fixe soi-même. » Elles sont nombreuses, ces limites, devenues stigmates au fil des ans. Le traumatisme des années de sang, quand le pays était quotidiennement secoué par les attentats, est encore latent. « On a traversé
Le célèbre café Milk Bar, dans le centre de la capitale.
Abdelhakim Bettache bichonne Alger ERIC MARTIN/FIGAROPHOTO.COM
DJAMILA OULD KHETTAB, à Alger
beaucoup de choses, reconnaît-elle. On a survécu ! Maintenant, il va falloir montrer le chemin à notre jeunesse… et la rebooster! » Son discours fait écho à celui de Hakim Soufi, chef d’entreprise : « Aujourd’hui, je pars de chez moi et y retourne en sécurité. Le commerce refonctionne. Les entreprises étrangères reviennent. Des entreprises locales se créent. Des Algériens qui avaient fui sont de retour. Il y a toujours des choses à améliorer, mais ça va mieux. Il y a un vent d’enthousiasme. » Face aux discours fatalistes, des plaidoyers passionnés se font désormais entendre, résumés par la joute numérique l’an dernier entre deux mots-clés : #RaniZaafane (« je suis fâché ») contre #RaniFerhane (« je suis satisfait »). « Les deux sont légitimes et les deux expriment, différemment, un amour du pays », analyse Soufi. Nos témoins croient dur comme fer en l’Algérie. Rencontres.
a promesse aux Algérois tient en quelques mots : refaire de la capitale une ville propre et dynamique, tourner définitivement les pages sombres des années de terrorisme. Maire depuis 2012 – il a remporté les deux dernières municipales –, l’ancien militant socialiste affiche son accessibilité. « Je rentre chez moi à pied. Je vis toujours dans la maison familiale, à Debbih Cherif, dans la haute casbah, un quartier populaire d’Alger », confie-t-il, alors qu’il nous reçoit dans son bureau, au premier étage de l’hôtel de ville, avec vue imprenable sur la place de l’Émir-Abdelkader. « Ma porte n’est jamais fermée », insiste-t-il. Les audiences ont lieu le matin : des dizaines d’habitants s’y pressent pour réclamer un logement ou une solution à un problème de voirie. « En tant que maire, je me dois d’être réactif. Il y a une communication directe entre le citoyen et moi, glisse Bettache. Mais la plupart du temps je suis dehors. Ma stratégie, c’est l’attaque plutôt que la défense. Je pars à la rencontre de mes concitoyens, je ne peux pas attendre qu’ils se présentent à mon bureau, énervés à cause d’un problème ! » Il n’est pas rare de le croiser en tenue de sport en train de prêter main-forte pour la collecte des
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ordures ménagères. Homme de terrain et de dialogue. « Quand je lance un projet, je consulte systématiquement les acteurs concernés en amont. Je m’appuie sur une gestion participative et citoyenne de la ville », martèle l’édile. En seize années d’assemblée municipale, dont six comme maire, Bettache a bousculé le protocole. « Il est atypique. Tous les maires algériens ne connaissent pas aussi bien leurs administrés », apprécie une électrice. Les élections de novembre 2017 ont permis de tester sa popularité dans la capitale. Le succès est édifiant : il est facilement réélu, sans l’aide de l’appareil d’un parti, grâce à ses propres réseaux dans le milieu associatif et les comités de quartiers. « C’est la première fois qu’une liste indépendante gagne à Alger depuis l’indépendance », sourit-il, pas peu fier de son exploit.
Militant dans l’âme
Fils d’un moudjahid originaire de la casbah d’Alger et cadre à la mairie de Tizi Ouzou après l’indépendance, Abdelhakim Bettache grandit loin de la capitale, dans les montagnes de Kabylie. Il y goûte très jeune l’engagement citoyen. Il fête à peine ses 18 ans quand il intègre l’aile socialiste du mouvement berbériste. Ses mentors s’appellent alors Saïd Saadi, Ferhat Mehenni ou encore Saïd Khalil, figures de proue de la cause amazigh. « Le stade de la JSK [Jeunesse sportive de Kabylie, le club de football de Tizi Ouzou] était une tribune », se souvient-il, un brin nostalgique. Son combat « pour la justice sociale et l’amazighité » lui vaudra trois jours d’incarcération en 1986 : « Le lendemain de ma sortie de prison, j’ai reçu un ordre d’appel pour effectuer mon service militaire. Je ne sais toujours pas si c’était une sanction ou une coïncidence. » Simple militant, Bettache distribue des tracts, colle des affiches et participe aux réunions dans l’amphithéâtre de l’université de Tizi Ouzou. En 1989, sous la pression populaire, les autorités mettent fin à vingt ans de système du parti unique. Le Front des forces socialistes (FFS), fondé en 1963 par Hocine Aït Ahmed, sort de la clandestinité. Le jeune Abdelhakim se reconnaît dans le mouvement et en devient membre: « C’était un choix naturel. Mes repères politiques à cette période-là étaient les anciens
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SAMIR SID
Maghreb & Moyen-Orient ALGÉRIE
Le maire d’Alger-Centre.
« QUAND JE LANCE UN PROJET, JE CONSULTE LES ACTEURS CONCERNÉS. JE M’APPUIE SUR UNE GESTION PARTICIPATIVE ET CITOYENNE. »
moudjahidine de la région, qui comptaient parmi les premiers militants du FFS. » L’expérience tourne court. En 1994, en pleine crise du terrorisme, Bettache claque la porte du parti et quitte Tizi Ouzou. Cap sur la capitale ! « La participation à la rencontre de Sant’Egidio, c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, justifie-t-il. Je n’ai pas supporté de voir Aït Ahmed à la même table qu’Anouar Haddam [ex-dirigeant du Front islamique du salut, FIS], alors que la veille ce dernier revendiquait un attentat rue Hassiba-Benbouali, à Alger. » Le futur maire s’installe dans la maison de ses parents, à la casbah, alors bastion islamiste. Il découvre une ville exsangue, traumatisée, qui vit au rythme du couvrefeu. « On sentait l’intégrisme partout », se rappelle-t-il. Bettache retrousse ses manches et crée l’un des premiers comités de quartier d’Alger-Centre pour répondre aux besoins de ses voisins : « Le plus difficile, c’était de gagner leur confiance. À l’époque, tout le monde se méfiait de tout le monde. » C’est ainsi qu’il commence à arpenter les couloirs de la mairie. « J’y allais pour demander des aides sociales, déposer des demandes de relogement ou emprunter du matériel pour nettoyer le quartier », explique-il. Il est aussitôt repéré par Tayeb Zitouni, qui tenait les rênes du centre de la capitale sous la bannière du Rassemblent national démocratique (RND) depuis 1997. Il est nommé délégué spécial en 2002 et
propulsé cinq ans plus tard adjoint au maire chargé du social et de l’environnement. La priorité est alors de gommer les stigmates de plus de dix ans de terrorisme. « On revient de loin. Il a fallu beaucoup d’efforts et de travaux pour effacer les séquelles. On a par exemple enlevé les grilles et les rideaux en fer pour les remplacer par des vitrines en verre ou des rideaux métalliques perforés », souligne-t-il. Quand Tayeb Zitouni renonce à briguer un nouveau mandat en 2012, les regards se tournent vers Abdelhakim Bettache. Appuyé par plus de 40 comités de quartier et par le Mouvement populaire algérien (MPA), il prend les commandes de la mairie d’Alger-Centre. De grands travaux de rénovation des anciennes bâtisses sont lancés, tandis que les gérants de café sont incités à travailler en soirée et le week-end. « Pendant les années 1990, on avait perdu l’habitude de s’installer en terrasse. On était confrontés à la peur des habitants de sortir le soir et surtout au manque d’intérêt des commerçants », explique-t-il.
FAÇADES RAFRAÎCHIES, RÉOUVERTURE DE CINÉMAS, JARDINS RÉAMÉNAGÉS... LA CAPITALE OFFRE UN TOUT AUTRE VISAGE.
Six ans plus tard, la ville offre un visage différent. Sur les axes principaux, les échafaudages démontés laissent apparaître des façades rafraîchies. Quatre salles de cinéma, fermées pendant la décennie noire, ont été rouvertes. Les six principaux jardins de la capitale, abandonnés à l’insalubrité, ont été réaménagés. « On retrouve peu à peu Alger la Blanche », se réjouit Meriem, membre d’une association pour jeunes. Bettache se dit prêt à raccrocher au terme de son second mandat. « Je veux être actif autrement. Peut-être revenir dans mon village natal, en Kabylie, ou m’investir davantage dans mon quartier », envisage l’élu de 52 ans. Pour viser plus haut ? C’est ainsi que certains de ses détracteurs interprètent son ralliement récent au FLN. L’édile balaie ces rumeurs: « Je ne suis intéressé ni par les sénatoriales ni par la députation. » Mais accepterait-il de rejoindre le gouvernement ? « Quand la République vous appelle, vous ne pouvez pas refuser », concède-t-il.
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Cap sur l’empowerment NEÏLA LATROUS
a terrasse du Lamaraz Arts Hôtel, en plein quartier de Kouba, est ces temps-ci le théâtre d’un drôle de ballet linguistique. Anglais, arabe, français rythment les afterworks de la inCommunity, rassemblement informel de professionnels du numérique, de la communication, de la culture et des métiers liés à la créativité. Ici, on disrupte, on parle peer-to-peer et leap frog. Les convives sont copywriter, PRmanager,socialmediastrategist… « Des métiers qui sortent du cadre conventionnel et qui ne répondent pas à des normes, sourit Chams-Eddine Bezzitouni, 28 ans, à l’origine des rencontres. La inCommunity? Difficile à pitcher. Disons que c’est une communauté de solutions où chacun apporte son savoir-faire, son expérience et son histoire pour la mettre au service des autres. » L’initiative prend son envol en 2016, quand des jeunes ultraconnectés décident de se rencontrer, « pour de vrai », autour d’un café à Alger. Deux ans plus tard, la famille a considérablement grandi. Et se réunit plus régulièrement. S’y croisent jeunes pousses et hommes d’affaires chevronnés comme Hakim Soufi, PDG de la Compagnie internationale d’assurances et de réassurance (CIAR), qui investit dans des start-up algériennes. « Il faut donner de l’espoir et de la confiance. Envoyer le signal qu’il est possible d’approcher des gens avec des moyens, prêts à parier sur la jeunesse, explique Soufi.
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Rencontre de la inCommunity, en juillet, à Alger.
On n’a pas de pays de rechange, c’est ici qu’il faut développer ses compétences. » Et l’absence de cadre légal régissant les start-up n’est pas un frein : « Mon risque est tempéré. Les services proposés répondent à un besoin. Et le marché est vierge, donc ça ne peut que marcher! »
Des compétences connectées
« Notre discours n’a rien d’identitaire, il est pragmatique, reprend Bezzitouni, qui se définit non pas comme optimiste mais comme réaliste. L’Algérie, c’est un marché de 40 millions de prospects. Seuls, nous n’aurions pas forcément eu accès à des décideurs. Ensemble, nous faisons la démonstration qu’il est possible aujourd’hui de parler à un ministre, à un CEO ou à un wali sans entrées préalables. » Sans contacts privilégiés avec le politique, le jeune homme a été repéré très vite par le ministère de l’Industrie, qui le charge dès 2016 de travailler sur un fonds d’amorçage pour les start-up. Bezzitouni est né à Alger. Il y a grandi, étudié et compte y faire carrière. Comme Abdellah Malek, 28 ans, lui aussi membre de la inCommunity, qui a lancé à Alger à la fin de 2015 le premier incubateur de start-up: « En tant qu’entrepreneur, je ressentais un besoin. Celui de créer des passerelles entre des gens comme moi, des grands groupes, chefs d’entreprise, financiers, médias, universités et autorités locales. Comme je ne trouvais pas de réponse, je l’ai créée. Ainsi est né Sylabs. » Sept start-up y sont actuellement installées, dont l’application
SELON UNE ÉTUDE DE JIL’FCE, 63 % DES CRÉATEURS D’ENTREPRISE NE SONT PAS ISSUS D’UNE FAMILLE DE PATRONS.
PUBLI-INFORMATION
Depuis 50 ans, TISCOBA maintient un esprit d’innovation et relève sans cesse de nouveaux défis
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a société TISCOBA, créée en août 1968 dans la zone industrielle de Guerrara (Wilaya de Ghardaïa) Algérie, vient de fêter son 50e anniversaire. Elle est spécialisée dans la fabrication de toile industrielle destinée à la confection de bâches de protection, de tentes de différents modèles (tentes camping, tentes couchettes, etc.) et de bâches plates en 100 % coton oton imperméable. imperméable
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La qualité est un souci permanent. Chaque toile produite est soumise à un profil qualitatif strict qui commence par le choix scrupuleux des matières premières et du processus de tissage et de finissage. Cette exigence se traduit par un programme de contrôle quotidien, garanti par des équipements de pointe et un laboratoire intégré. TISCOBA couvre actuellement le marché national et commercialise ses produits en Afrique, via notamment un représentant exclusif, « Africa Bâche », basé à Dakar. L’objectif de TISCOBA est de conquérir le marché africain et d’avoir d’éventuels partenaires avec des prix compétitifs et des produits qui répondent aux normes internationales.
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TISCOBA Zone Industrielle de Guerrara Wilaya de Ghardaïa, Algérie Tél.: + 213 29 22 80 00 Fax : +213 29 22 80 02 Email : tiscoba@yahoo.fr info@tiscoba.com
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Africa Bâche Tél.: +221 33 823 6833 / +221 78 606 0410 africabaches@gmail.com
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La société a développé un département spécialisé dans la fabrication de tentes en PVC et de chapiteaux en plusieurs dimensions, destinés à l’événementiel et aux manifestations économiques. Cette unité a mis au point également des citernes souples en PVC de différentes capacités.
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Maghreb & Moyen-Orient ALGÉRIE
VTC Yassir, toutes connectées au réseau continental AfriLabs. En plein centre d’Alger, le lieu organise rencontres, conférences et ateliers pratiques pour jeunes désireux de créer leur affaire. Une plateforme entrepreneuriale, en somme, pour fluidifier les allers-retours entre personnes complémentaires, de manière plus formelle cette fois que la inCommunity. « Ailleurs, les start-up sont portées par des infrastructures et par le cadre juridico-fiscal, mais les talents manquent, explique Bezzitouni. En Algérie, c’est l’inverse! » Lui travaille en ce moment sur un « hub d’innovation » où s’épanouirait la « création ». Le tout avec le soutien de Sami Agli, PDG du groupe du même nom, qui met à disposition un immeuble à Hydra et injecte des millions de dinars dans le projet. À terme, le duo nourrit l’ambition d’essaimer sur le territoire.
Cocréation
« Après la politique et l’économie, c’est aujourd’hui au tour de la technologie de fixer les termes du débat », assure Bezzitouni. Les institutionnels commencent à saisir cet enjeu. Le Forum des chefs d’entreprise (FCE), l’organisation patronale algérienne, lance bientôt son incubateur, fondé sur le principe de cocréation : les entreprises y exprimeront des besoins, et des start-up viendront y glaner des marchés. C’est le président du FCE, Ali Haddad, qui en a eu l’idée, confiée entre autres à Mohamed Skander, le président de la branche jeunes. Ce dernier a tout abandonné en 2013 – dont une situation professionnelle confortable chez Ernst & Young, à Paris – pour repartir de zéro. Bravehill, le cabinet de conseil qu’il a créé à Alger il y a quatre ans, compte aujourd’hui vingt-cinq collaborateurs. L’étude conduite l’an dernier par Jil’FCE dans les 48 wilayas où elle est implantée démontre que 63 % des créateurs d’entreprise en Algérie aujourd’hui ne sont pas issus d’une famille d’entrepreneurs. « Le réseau familial ? Oui, des gens ont réussi par ce biais, concède Bezzitouni. Mais la nouvelle économie disrupte la maarifa, car la richesse n’est plus dans ce qui existe, mais dans ce qu’il reste à créer. Cela correspond à l’esprit du numérique, transversal par essence. Qui touche tous les métiers, toutes les filières, toutes les classes sociales, tous les âges. » Abdellah Malek, membre du
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jury d’Injaz El Djazair, un concours régional pour accélérer la transformation de l’économie, constate quant à lui « une évolution énorme d’une année sur l’autre dans la qualité des projets présentés ». « C’est très rassurant », se félicite celui qui se fixe comme défi d’augmenter le nombre de « jeunes qui maîtrisent la technologie et l’entrepreneuriat » et « de renforcer encore la collaboration avec les institutionnels ». Tous admettent des entraves – « quel pays n’en a pas? », tempèrent-ils en chœur – et tous ont déjà connu l’échec… sans pour autant baisser les bras. « Comme si je me faisais larguer à chaque fois mais que je croyais encore à l’amour », résume Bezzitouni dans un éclat de rire.
« LA RICHESSE N’EST PLUS DANS CE QUI EXISTE, MAIS DANS CE QU’IL RESTE À CRÉER. C’EST L’ESPRIT DU NUMÉRIQUE. »
Des artistes qui réinventent le récit national ESMA MESSAÏ
e public connaissait L’Algérie vue du ciel, de Yann Arthus-Bertrand. Ahmed Aït Issad, qui voue un amour inconditionnel à son pays, a, lui, souhaité raconter « l’Algérie vue d’en bas ». Depuis 2014, il arpente les rues d’Alger, où il vit, iPhone à la main, pour capturer le quotidien des habitants de la ville. « J’ai souhaité montrer l’Algérie d’aujourd’hui sous toutes ses facettes, belle ou moche, les quartiers cachés et surtout l’Algérien, presque absent du documentaire d’Arthus-Bertrand », explique le jeune homme de 36 ans, qui rêve de faire découvrir à sa communauté – 65 000 personnes sur Facebook et Instagram – les 48 wilayas. Des images pour sortir des clichés. Ahmed est issu d’une génération qui veut réinventer le récit national. Comme Adlene Meddi, journaliste de 43 ans, qui a choisi de revenir sur la décennie noire dans son dernier roman, 1994.
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L’intrigue se déroule dans la ville d’El-Harrach, où il a grandi. « À l’époque, j’avais moins de 20 ans, se souvient l’auteur. Cette période a conditionné mon engagement politique et mon travail. J’ai voulu rendre compte de la façon dont nous avons vécu le terrorisme individuellement : le lycéen, le flic, l’enseignante. » Si les récits sur la guerre d’indépendance foisonnent, notamment dans les ouvrages scolaires et les mémoires de moudjahidine, la période post-1988 est plus rarement abordée. « C’est vrai pour le discours officiel, mais ces années sont très souvent évoquées par les Algériens », nuance Meddi, pour qui l’absence de version officielle des faits et la douleur encore vive chez les Algériens expliquent le non-dit. « Moi-même, ce n’est que récemment que je me suis senti prêt à évoquer ce conflit de manière plus apaisée », concède-t-il. Le cinéma algérien s’intéresse lui aussi, de plus en plus, à cette période. Le nombre de
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Maghreb & Moyen-Orient ALGÉRIE
productions de courts- et de longs-métrages explose. « Il nous a fallu du temps pour en parler, confirme Amina Castaing, productrice associée chez Bang Bang. D’abord parce que ce sont des souvenirs douloureux, mais aussi parce que le sujet du terrorisme est très difficile à traiter. » Renouveler le récit national est « nécessaire » : « Nous avions essayé d’enterrer ce sombre épisode, mais nous devons le raconter pour guérir nos plaies. »
Travail d’archives
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L’écrivain et ancien journaliste Adlene Meddi.
quatrième exposition, à Paris. Adlene Meddi, ancien rédacteur en chef à El Watan, consacre de plus en plus de temps à son métier d’écrivain. Quant à Amina Castaing, son choix fut plus radical. La native d’Alger a plaqué Montréal, où elle vivait depuis dix-sept ans, pour créer son entreprise de production audiovisuelle dans la capitale. « Je suis revenue sans trop savoir dans quoi je m’embarquais, reconnaît-elle. J’ai redécouvert mon pays. Un pays magnifique qui offre plein de possibilités. » À 35 ans, Amina s’est lancé un défi de taille : encourager les productions étrangères à venir tourner en Algérie. « J’essaie, à mon échelle, d’équilibrer l’écho négatif qu’il y a à l’international. » Aït Issad se fait aussi l’ambassadeur de son pays. Il reçoit
CAMILLE MILLERAND/DIVERGEANCE
Comme Aït Issad, Amina s’attache à montrer une autre Algérie, « plus ouverte, moins ancrée dans les traditions », comme dans Les Bienheureux, film réalisé par Sofia Djama. Pour lequel elle vient d’obtenir un visa d’exploitation en vue d’une sortie en salle en octobre. « J’ai été la première surprise de cette réponse favorable des autorités, surtout après les récentes interdictions », confie la productrice. Plusieurs cinéastes viennent en effet de publier une tribune dénonçant la « censure » et « les limites à la liberté d’expression ». Des obstacles réels mais pas insurmontables, pour Meddi, tant que l’auteur occupe les espaces de liberté laissés vacants par l’absence de récit officiel : « La frontière entre censure et liberté de création n’est jamais figée. Est-ce que j’ai des difficultés à m’exprimer en Algérie ? Oui, je ne suis pas invité dans les écoles, par exemple. Mais je rencontre des lecteurs, je parle librement de politique, de littérature, de sexualité et de poésie. » Ahmed Aït Issad et Adlene Meddi ont tout sacrifié pour porter leurs projets. Le premier, consultant en marketing digital, a quitté son emploi pour devenir indépendant et s’investir davantage dans la photographie. Il prépare d’ailleurs une
régulièrement des messages de la diaspora, reconnaissante de pouvoir découvrir le pays au fil de ses pages. Mais c’est à l’intérieur qu’il veut convaincre : « L’Algérien a de grandes qualités, comme la générosité et la combativité, mais il est parfois trop fataliste. J’essaie de changer les choses. » Sa dernière idée : le hashtag #SamediDelArt. « Je pousse les gens à partager leurs sorties culturelles sur Instagram. L’art adoucit les esprits et peut faire évoluer les mentalités », plaide le photographe. L’artiste cherche aussi à effectuer un travail d’archives : « Quand je croise les vendeurs de cartes postales à Alger-Centre, je pense aux générations futures, qui pourront, je l’espère, à leur tour découvrir toute une époque, grâce à mon travail. »
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