JA 3020 du 25 novembre au 1er décembre 2018

Page 1

BITUREM

MITSUAGE Aexum della presco rfe biturems

Emen sis itaque difficu ltatibus multis et

MITSUAGE Aexum della presco rfe biturems

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL NO 3020 DU 25 NOVEMBRE AU 1ER DÉCEMBRE 2018

MAROC

Sept ans pour rien ? ÉDITION MAGHREB& MOYEN-ORIENT

.

.

.

.

. .

À la tête du gouvernement depuis novembre 2011, le PJD n’a toujours pas apporté la preuve de sa capacité à gérer le Royaume. De Benkirane à Othmani, enquête sur un septennat d’illusions perdues. Spécial 14 pages

.

.

. .

France 3,80 € Algérie 290 DA Allemagne 4,80 € Autriche 4,80 € Belgique 3,80 € Canada 6,50 $ CAN Espagne 4,30 € Éthiopie 67 birrs Grèce 4,80 €

.

.

.

.

. .

.

.

Guadeloupe 4,60 € Guyane 5,80 € Italie 4,30 € Luxembourg 4,80 € Maroc 25 DH Martinique 4,60 € Mayotte 4,60 € Norvège 48 NK Pays-Bas 4,80 €

.

.

.

.

.

.

Portugal cont. 4,30 € Réunion 4,60 € RD Congo 6,10 $ US Royaume-Uni 3,60 £ Suisse 7 FS Tunisie 3,50 DT USA 6,90 $ US Zone CFA 2 000 F CFA ISSN 1950-1285




Le plus grand rendez-vous international des décideurs et financiers du secteur privé africain

Shaping the future of Africa

Save the date 7e édition

KIGALI 25 et 26 mars 2019

www.theafricaceoforum.com

CO-HOST

ORGANISATEURS


GRAND FORMAT

MAROC

ABDELJALIL BOUNHAR/AP PHOTO

Pour tout comprendre de l’évolution d’un pays

La preuve par sept

Le 25 novembre 2011, les législatives donnaient la majorité aux islamistes, qui promettaient de changer la façon de gouverner et de réformer le pays. Force est de constater que leur bilan n’est pas brillant. jeuneafrique no 3020 du 25 novembre au 1er décembre 2018

89



92 ENJEUX

Grandeur et décadence

97 Humeur

François Soudan

Immobilisme

98 ÉCONOMIE

Le PJD est-il soluble dans la démocratie ? ept ans déjà… Arrivé au pouvoir à l’issue d’élections anticipées et dans la foulée d’un mouvement de contestation auquel il n’avait pas pris part, le Parti de la justice et du développement (PJD) a-t-il atteint l’âge de raison? Les consultations locales de 2015 et les législatives de 2016 ont démontré que le parti de la lampe s’inscrivait dans la durée, savait mieux que d’autres mobiliser sa base militante et confirmait son ancrage au sein de la classe moyenne. Son image de formation intègre, porteuse des valeurs d’un islamisme urbain, pragmatique, conservateur et libéral sur le plan économique, continue de susciter l’adhésion d’un socle apparemment irréductible d’électeurs, pour lesquels ce parti jeune (22 ans, dont quinze au sein de l’opposition) représente toujours une solution crédible. De l’islamisme radical des origines au parti de gouvernement, la lente évolution du PJD vers l’appropriation des normes politiques modernes, via la rupture avec le « frérisme » et la construction d’une identité propre, est quasi achevée, et sa « marocanisation », semble-t-il, irréversible. Devenu un parti (presque) « comme les autres », le PJD doit donc être jugé à la même enseigne que les autres.

S

Projets flous, agenda inexistant

Or c’est justement là que le bât blesse. Sept ans après son accession à la tête du gouvernement, le parti de Benkirane et d’Othmani n’est toujours pas sorti de l’apprentissage. À l’instar d’Ennahdha en Tunisie ou du Parti liberté et justice (Frères musulmans) en Égypte, le PJD n’avait pour tout viatique, en novembre 2011, que sa totale inexpérience de la gestion des affaires publiques. Longtemps habitués à organiser leur survie dans la clandestinité, ses dirigeants n’étaient pas prêts à exercer le pouvoir dans

un contexte démocratique. Ils ne le sont guère plus aujourd’hui. Trop peu de cadres, des projets flous, un agenda inexistant : autant de handicaps rédhibitoires qui ont conduit ce parti à se diluer dans des querelles d’ego internes et des relations intestines conflictuelles au sein d’une majorité parlementaire hétéroclite et en partie hostile. S’ajoute à cela son incapacité à trouver réellement ses marques dans un contexte marocain très spécifique, où le roi est à la fois chef politique et religieux. D’où les va-et-vient réguliers entre soumission à la monarchie et dénonciation du tahakoum, cet « État caché » qui permet d’éviter l’emploi du mot « makhzen » mais veut dire la même chose et fait office de bouc émissaire pour bien des échecs.

Finance 100 % halal

100 Stratégie

Nouveau plan marketing pour le tourisme

102 SOCIÉTÉ

Jawjab, agence tous risques numérique

104 Musique Quand le rap passe à la trap

106 Tribune

Par Asma Lamrabet Médecin biologiste et essayiste

Une contrainte pour le roi

Rien d’étonnant, dès lors, à ce que l’opinion marocaine mette au crédit du souverain les principales réussites de ce septennat et au débit des gouvernements PJD tout ce qui ne va pas. Même si le niveau de vie des Marocains a substantiellement augmenté depuis 2011, à l’instar du salaire moyen et du revenu national brut par habitant, le taux de pauvreté ressentie et subjective, source directe du désir d’émigration des jeunes diplômés urbains, ne cesse, lui aussi, de croître: majoritaires sont les Marocains à ne plus faire confiance à leurs ministres pour réduire le chômage, combattre l’incivisme et apaiser le malaise social. La monarchie, qui a déjà la haute main sur la diplomatie, la défense, la sécurité, les affaires religieuses et les grands projets économiques, est plus que jamais la seule institution en laquelle ont foi les citoyens. Une contrainte pour le roi, placé en première ligne, et une bérézina pour la classe politique, PJD en tête.

Suivez toute l’actualité du Maroc sur www.jeuneafrique.com

jeuneafrique no 3020 du 25 novembre au 1er décembre 2018

91


Grand format MAROC

ENJEUX

Grandeur et décadence

Sept ans après son accession à la tête du gouvernement, le PJD peine à s’imposer comme leader de l’exécutif. Contraint de composer avec une majorité hétéroclite et fragilisé par des dissensions internes, il en est réduit à laisser au Palais le soin de conduire les indispensables réformes. FAHD IRAQI, à Casablanca

N

«

e cherchez pas la moindre dissonance entre le chef du gouvernement et Sa Majesté le roi, qui est le chef de l’État et dont les directives sont au-dessus de nos têtes. » C’est ainsi que Saadeddine El Othmani a rappelé son allégeance à Mohammed VI, chef de l’État et de l’exécutif, dans son discours mensuel devant les parlementaires, à la fin d’octobre. Une formulation qui n’est pas sans faire écho à un autre modèle de fidèle soumission, signé Abbas El Fassi, en 2007: « Mon programme gouvernemental consiste à suivre les directives de Sa Majesté », avait lancé l’ex-secrétaire général de l’Istiqlal au lendemain de sa nomination en tant que Premier ministre. On l’aura compris, face à l’institution monarchique, le Parti de la justice et du développement (PJD) se place désormais clairement au même niveau que les autres formations politiques. Révolues, les insinuations d’Abdelilah Benkirane proférées au fameux soir du 25 novembre 2011, lorsque le PJD avait remporté les premières législatives post-nouvelle Constitution – laquelle accorde de larges prérogatives au chef du gouvernement. « Les Marocains insistent pour garder la monarchie, mais ils veulent qu’elle

92

jeuneafrique no 3020 du 25 novembre au 1er décembre 2018

évolue avec eux », lançait alors le chef de file du PJD, qui, durant les premières semaines de son mandat, s’aventurait à révéler la teneur de ses échanges avec Mohammed VI.

Cohabitation inédite

En sept ans, cette cohabitation inédite dans l’histoire du royaume a considérablement évolué. Le PJD a perdu sa virginité politique pour s’adapter à la realpolitik marocaine et se reposer derrière les décisions royales. « Il a compris, au fil des épreuves, que son seul véritable allié pour gouverner n’est autre que la monarchie, explique le sociologue Mehdi Alioua, enseignant-chercheur à Sciences-Po Rabat. Le parti est alors devenu une composante, parmi d’autres, de l’ÉtatMakhzen. » De surcroît, son score électoral, aussi important soit-il, n’a jamais permis au parti de la lampe de rassembler une majorité claire et solide. Le PJD a donc dû composer avec une coalition hétéroclite et peu stable. Résultat, depuis son arrivée aux affaires, en 2011, il n’a cessé de devoir gérer des crises avec ses alliés au sein du gouvernement. En 2013, Abdelilah Benkirane n’avait pas encore bouclé sa première année à la primature que son gouvernement manquait de tomber à la suite de la décision du Parti de l’Istiqlal (PI), alors dirigé par Hamid Chabat, de se retirer de l’exécutif. Il a fallu que le Rassemblement national des indépendants (RNI) vienne à la rescousse pour le sauver. À l’issue des


YOUSSEF BOUDLAL/REUTERS

Saadeddine El Othmani, lors de la conférence économique du FMI, à Marrakech, le 30 janvier.


Grand format MAROC ENJEUX

législatives du 7 octobre 2016, le RNI est même devenu un appui indispensable pour le PJD au point d’imposer ses conditions dans la formation du gouvernement. Le refus d’Abdelilah Benkirane de se soumettre aux demandes d’Aziz Akhannouch (ministre de l’Agriculture depuis 2007, élu président du RNI le 29 octobre 2016) et le long blocage qui s’ensuit coûteront d’ailleurs son poste à Benkirane, au profit de son frère ennemi, Saadeddine El Othmani. Pour débloquer la situation, ce dernier concède ce que son prédécesseur s’entêtait à refuser : l’intégration d’un sixième parti dans la coalition gouvernementale, en l’occurrence l’Union socialiste des forces populaires (USFP). El Othmani a passé les dix-huit derniers mois à jouer les équilibristes entre les différentes branches de cette majorité tentaculaire. Les limogeages de ministres en exercice par le roi Mohammed VI, en deux vagues, ne lui ont pas facilité la tâche. Le débarquement de la secrétaire d’État du Parti du progrès et socialisme (PPS) chargée de l’Eau, Charafat Afilal, inhérent à la fusion entre son département et celui de son ministère de tutelle, a également valu au chef du gouvernement d’acerbes critiques de la part du secrétaire général du PPS, Nabil Benabdellah, et de ses camarades. Saadeddine El Othmani a dû avaler cette couleuvre, tout comme celles servies par le RNI, dont les ministres sont allés jusqu’à boycotter un Conseil de gouvernement, au début de février, pour protester contre les attaques faites par Benkirane envers Akhannouch lors d’un congrès de la Chabiba (« jeunesse ») du PJD. Unanimes pour dire que la coalition gouvernementale manque de cohésion, les observateurs politiques en donnent pour preuve, entre autres, l’incapacité de la majorité à se mettre d’accord sur un même candidat pour prendre la présidence de la Chambre des représentants à mi-mandat. Au sein même de sa famille politique, El Othmani a du mal à s’imposer. Son élection au poste

de secrétaire général du PJD, en décembre 2017, s’est faite dans la douleur (lire « Humeur », p. 97), et le parti est encore divisé entre le courant des ministres qui ont tenu à conserver leur maroquin et celui des fidèles de Benkirane, dont certains appellent au retrait du gouvernement.

Bilan transparent

Même avec ses propres ministres PJDistes, Saadeddine El Othmani est souvent contraint de faire le dos rond… En juin, son ministre délégué Lahcen Daoudi, offusqué d’être critiqué par le chef du gouvernement pour avoir participé à une manifestation devant le Parlement, demande sa démission et laisse planer la gêne pendant près de quarante-huit heures, jusqu’à ce qu’un communiqué du PJD vienne démentir sa défection. Le mois dernier, s’insurgeant contre la non-publication du Plan d’action national en matière de démocratie et des droits de l’homme au Bulletin officiel par le secrétariat général du gouvernement, Mustapha Ramid a boycotté quatre réunions successives du Conseil de gouvernement. Il faudra une intervention du roi Mohammed VI pour que le ministre d’État chargé des Droits de l’homme reprenne sa place au sein du Conseil, au début de novembre. Ces crises gouvernementales ne sont pas sans conséquences sur la bonne marche des affaires. Le malaise social va d’ailleurs en s’accentuant, dans un pays où les réformes tardent à se mettre en place et à avoir un véritable impact. Les réalisations des gouvernements Benkirane I et Benkirane II sont loin d’être édifiantes, et, après un an et demi aux affaires, le bilan de celui de Saadeddine El Othmani reste quasi transparent. « L’espoir qui a suivi les législatives et la nomination d’un gouvernement islamiste, à la fin de 2011, s’est transformé en désespoir, conclut Mehdi Alioua. Le PJD a démontré qu’il fait exclusivement dans la morale et pas du tout dans le social. »

PREUVE DU MANQUE DE COHÉSION DE LA MAJORITÉ : SON INCAPACITÉ À S’ACCORDER SUR UN CANDIDAT POUR PRENDRE LA PRÉSIDENCE DE LA CHAMBRE DES REPRÉSENTANTS.

M6 DONNE LE « LA » Ce n’est pas un hasard si la première des lois organiques prévues par la nouvelle Constitution qui a été promulguée après la nomination du gouvernement PJD, en 2012, a été celle précisant la liste des 37 établissements et entreprises stratégiques dont les responsables sont nommés par le roi. À juste titre, ce dernier s’est gardé le droit de nommer – par l’intermédiaire d’un Conseil des ministres et « sur proposition » du chef

94

du gouvernement – les patrons des entités publiques les plus sensibles politiquement ou pilotant les projets les plus structurants pour le pays. C’est ainsi que les grands chantiers du royaume ont pu heureusement continuer leur bonhomme de chemin, indépendamment des blocages ou des calculs politiciens. Désormais, la monarchie semble prendre les rênes dans tous les domaines. Ces deux dernières années,

jeuneafrique no 3020 du 25 novembre au 1er décembre 2018

au-delà de la diplomatie, de la défense, de la sécurité et des affaires religieuses, qui ont toujours relevé de sa souveraineté, le roi a recadré l’exécutif à de nombreuses reprises en matière de politique sociale, d’environnement des affaires, d’éducation et de formation professionnelle. Autant de priorités fixées par Mohammed VI à un gouvernement qui a besoin d’être pris en main. F.I.


COMMUNIQUÉ

Centrale photovoltaïque de 7000 m² installée en toiture de l’Usine SBM de Casablanca

È

« Notre mission : faire de la transition énergétique une création de valeur partagée avec les entreprises marocaines » Entretien avec Khalid Semmaoui, Directeur Général de GreenYellow Maroc Pourquoi vous intéressez-vous au Maroc ? Le Maroc ne dispose que de très peu de sources d’énergies fossiles et doit donc recourir à l’importation pour couvrir ses besoins énergétiques, ce qui entraine un coût élevé de l’énergie, une sortie importante de devises et une forte dépendance de l’étranger. Pour faire face à cette situation, le pays a engagé, dès le début des années 2 000, une stratégie volontariste de développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. GreenYellow s’inscrit dans cette démarche : notre cœur de métier est justement de permettre aux industriels d’alléger leur facture énergétique tout en diminuant leur empreinte environnementale. Nous sommes persuadés que nous solutions sont particulièrement adaptées aux entreprises marocaines dont l’énergie constitue un poste important de dépense (agroalimentaire, grande distribution, hôtellerie, matériaux de construction, etc.).

En quoi consiste votre présence ? GreenYellow est présent sur 4 continents, a réalisé près de 200 MWc de centrales solaires dans le monde et opère plus de 1 500 Contrats de Performance Energétiques (CPE).

Quelle est votre valeur ajoutée ? GreenYellow conçoit et réalise des projets sur mesure combinant autoproduction solaire et efficacité énergétique afin de maximiser l’impact pour nos clients. Nous disposons de 10 ans d’expérience dans les pays où nous sommes implantés, notamment en Afrique, en Amérique latine, en Asie et dans l’Océan Indien. Nous offrons des solutions globales et clés-en-mains à nos clients : des études jusqu’à la réalisation des travaux et l’exploitation des solutions dans le temps, aussi bien pour les centrales de production d’énergie solaire photovoltaïque que pour les projets d’efficacité énergétique. En combinant ces deux outils, nous permettons à nos clients d’atteindre des réductions très substantielles de leur facture énergétique. Notre modèle d’affaires innovant constitue également un atout majeur. Nous proposons d’investir dans les solutions pour le compte de notre client et de le décharger ainsi du frein que représente souvent le financement. Dans le cadre d’un Contrat de Performance Energétique, par exemple, nous portons tout l’investissement et sommes rémunérés uniquement à travers le partage des économies réalisées dans le temps (sur 5 à 8 ans, généralement). Nos clients bénéficient ainsi d’économies garanties, ne portent pas le risque du projet et peuvent concentrer leur capacité d’investissement sur leur cœur de métier. Ombrières de parking équipées de panneaux solaires photovoltaïques

Ê

Cela nous permet d’être au plus près de nos clients : la Société des Boissons du Maroc (SBM), par exemple, nous a fait confiance pour installer en toiture de leur usine de Casablanca, 7 000 m2 de panneaux solaires photovoltaïques, ce qui représente une puissance de 600 kWc. Cette centrale solaire, opérationnelle depuis le mois d’août 2018, permet une diminution de leur facture électrique de près de 17 % et une réduction de leurs émissions de CO2 de 700 tonnes/an. Nous assurons également l’exploitation et la maintenance de cette centrale afin d’en garantir la performance dans le temps.

GreenYellow Maroc

Email : ksemmaoui@greenyellow.com Tél. : +212 (0) 537 686 057 / +212 (0) 669 780 274 79, rue Tensift, Agdal 10080 Rabat (Maroc)

©JAMG/DIFCOM - PHOTOS : D.R.

Depuis 2016, GreenYellow est présent au Maroc à travers une filiale dirigée par une équipe locale.


R E T O U R À L A N AT U R E CR É AT EUR DE S O U V E NIR S

Découvrez des villas d’exception situées dans un cadre naturel idyllique, à seulement 12km de la vibrante ville de Marrakech. Le Royal Palm Marrakech vous invite à partager des moments privilégiés en famille ou entre amis. Offrant des vues spectaculaires sur les montagnes de l’Atlas, un climat agréable tout au long de l’année et des prestations 5 étoiles exclusives, ce domaine immobilier de luxe est l’endroit idéal pour profiter pleinement d’instants de bonheur.

UN NOUVEL ART DE VIVRE MAROCAIN: +212 (0) 80 0 0 08 009 | FR ANÇAIS: +33 (0)801 230 80 0 RESIDENCES@ ROYALPALMMARR AKECH .COM W W W. R OYA L PA L M M A R R A K E C H .C O M

Fairmont Royal Palm Residences Marrakech (le ” Centre de villégiature “) n’est pas la propriété de Fairmont ou de ses sociétés affiliées. Domaine Palm Marrakech S.A., une société marocaine (le ” Promoteur “), est une société détenue et exploitée indépendamment, et seule responsable de la possession, du développement et de l’exploitation du Village. Le Promoteur utilise la marque de commerce Fairmont et certaines marques de commerce Fairmont en vertu d’une licence limitée, non exclusive, non transférable et ne pouvant faire l’objet d’une sous-licence de FRHI Hotels & Resorts Sàrl. Dans certaines circonstances, la licence peut être annulée ou retirée selon ses modalités, auquel cas ni les résidences ni aucune partie du complexe ne seront identifiées comme un projet Fairmont ou ne possèdent les droits pour utiliser la marque de commerce Fairmont. Fairmont ne fait aucune représentation ou garantie à l’égard des Résidences ou du Centre de villégiature et n’est pas responsable des pratiques de marketing du Promoteur, y compris le présent site Web, la publicité et les représentations commerciales. Pour plus d’informations sur les détails contractuels complets et les coûts associés aux produits et services disponibles, veuillez contacter l’équipe commerciale.


Grand format MAROC ENJEUX

D

écidément, en politique, le fauteuil de zaïm semble si confortable qu’une fois dessus personne n’accepte de céder sa place. Ce qui n’est pas pour servir la démocratie. Du haut de ses 76 ans, dont trentedeux à diriger la maison harakie, Mohand Laenser est ainsi revenu sur sa promesse de passer le témoin et, en septembre, s’est fait réélire pour un neuvième mandat à la tête du Mouvement populaire (MP). En mai, Nabil Benabdellah avait, lui, été reconduit pour un troisième mandat en tant que secrétaire général du Parti du progrès et du socialisme (PPS), alors même qu’il n’est plus dans les petits papiers du Palais – le roi a en effet limogé le camarade en chef de son ministère (l’Urbanisme) en octobre 2017.

HUMEUR

Épreuve de force

Premier secrétaire de l’Union socialiste des forces populaires (USFP) depuis 2012, Driss Lachgar a lui aussi aisément rempilé pour un nouveau mandat, en mai 2017, après avoir réussi à imposer sa formation dans la coalition gouvernementale. Une prouesse rendue possible grâce au précieux coup de pouce du Rassemblement national des indépendants (RNI) et de son nouveau président, Aziz Akhannouch. Le parti de la colombe

Immobilisme FAHD IRAQI

fait d’ailleurs exception dans le petit monde des grands partis puisqu’il est le seul où une personnalité a, sans heurts, pu succéder à une autre – en l’occurrence Salaheddine Mezouar, en octobre 2016. Au sein des autres formations, il a fallu batailler,

parfois manu militari, pour déloger le zaïm. Au Parti de la justice et du développement (PJD), il y a tout juste un an, Abdelilah Benkirane était prêt à rempiler pour un troisième mandat à la tête de sa formation et aurait volontiers fait fi de la sacro-sainte

démocratie interne dont se targuent les Frères si ces derniers ne l’avaient pas finalement écarté de la compétition. Au Parti Authenticité et Modernité (PAM), la démission d’Ilyas El Omari, annoncée en août 2017, a tourné à la telenovela et n’est finalement devenue effective qu’en mai de cette année. Quant à l’éviction de Hamid Chabat de la direction de la maison Istiqlal, la plus vieille formation du pays, au profit de Nizar Baraka, elle a viré à l’épreuve de force, avec occupation du siège de la centrale syndicale du parti, en juillet 2017, jusqu’à la navrante bataille rangée entre militants, deux mois plus tard, à l’ouverture du congrès du parti. Ce renouvellement difficile, voire impossible, au sein de l’état-major des partis conforte le sentiment qu’ont les Marocains d’être face à une caste politique qui ne veut rien lâcher de ses privilèges. Et renforce le désintérêt de (trop) nombreux citoyens pour la chose publique. « Les partis politiques se retrouvent ainsi privés du réservoir nécessaire pour favoriser l’émergence d’une nouvelle élite, déplore le sociologue Mehdi Alioua. D’autant plus que les représentants des corps intermédiaires se comptent sur les doigts d’une main dans la plupart des partis, où l’on retrouve beaucoup d’avocats, d’universitaires, de médecins, etc. »

jeuneafrique no 3020 du 25 novembre au 1er décembre 2018

97


Grand format MAROC

ÉCONOMIE

Finance 100 % halal

Opérationnelles depuis 2017, les premières banques participatives commencent à voir leurs activités décoller, même s’il leur reste encore de nombreux produits « charia-compatibles » à lancer.

KARIM HANDAOUI

Le siège d’Umnia Bank, à Casablanca.

98

jeuneafrique no 3020 du 25 novembre au 1er décembre 2018


EL MEHDI BERRADA, à Casablanca

L

d’une agence casablancaise de Bank Al Yousr, filiale de la Banque centrale populaire (BCP) et du groupe saoudien Guidance. Certaines personnes n’avaient jamais eu de compte bancaire en raison de leurs convictions religieuses, d’autres n’utilisaient pas les produits de financement proposés par les banques conventionnelles. « Soit les clients particuliers que nous avons ne sont pas bancarisés, soit ils ont déjà ouvert un compte dans une banque traditionnelle, mais avec une utilisation très limitée des moyens de paiement et de financement », explique Fouad Harraze. Pour la plus grande satisfaction de la Banque centrale, ces nouveaux établissements contribuent à la bancarisation de la population. À la fin de 2017, 27 000 comptes avaient été ouverts dans les banques participatives, pour un total de dépôts de 570 millions de dirhams. Des résultats qui devraient être en forte progression pour 2018. « La demande des particuliers sur l’immobilier a été très importante. C’est le premier produit que nous avons lancé, et il était très attendu », souligne Adnane El Gueddari, directeur général d’Umnia Bank, créée par CIH en partenariat avec la Qatar International Islamic Bank.

e royaume a été l’un des derniers pays musulmans à être conquis par la branche « halal » de la finance. En novembre 2014, les députés adoptaient la loi autorisant la création de banques islamiques (les Marocains ont préféré le terme de « participatives ») et l’émission par les entreprises privées d’obligations conformes à la charia. En janvier 2017, la Bank Al-Maghrib (BAM) accordait son agrément à cinq établissements. Après un démarrage en demi-teinte au cours du second semestre de 2017, ces derniers voient leurs activités décoller. « Nous comptons plus de 70 agences, ce qui est déjà pas mal », indiquait en juin Abdellatif Jouahri, le gouverneur de la BAM, rappelant que nombre de textes relatifs aux produits « islamiques » restaient à valider par le Comité Charia, qui veille sur la cohérence avec les préceptes de l’islam. Ce qui, évidemment, freine le développement de la branche. Les offres proposées par les cinq nouvelles banques (dont l’essentiel du réseau se situe dans les grandes villes) sont en effet encore très limitées: depuis la fin de décembre 2017 et jusqu’à aujourd’hui, elles peuvent financer uniquement l’acquisition d’un bien immobilier ou d’une voiture, grâce aux variantes du contrat Mourabaha. Sur les six premiers mois de 2018, malgré le nombre Les banques participatives marocaines ne peuvent pas encore très limité de produits « charia-compatibles », encore proposer d’offre spécifique aux entreprises, qui les banques participatives marocaines ont cumulé un peuvent passer par un contrat Mourabaha pour investir encours de 1,1 milliard de dirhams (plus dans un local, un terrain, ou pour finande 100 millions d’euros), soit 10 % du total cer l’achat de matières premières, mais CINQ PIONNIÈRES des crédits accordés par l’ensemble du pas plus. « Nous arrivons quand même à • Umnia Bank secteur bancaire. Un résultat très encoules intéresser, précise Fouad Harraze. La Filiale de CIH Bank et de la CDG, rageant, selon les acteurs du secteur, qui plupart sont des entreprises familiales avec la Qatar International prévoient d’atteindre un minimum de dont le fondateur est sensible aux valeurs Islamic Bank 15 % d’ici à la fin de l’année. « C’est une de la finance participative. » Les profes• BTI Bank nouvelle industrie bancaire et financière, sionnels attendent désormais que soient Filiale de BMCE Bank of Africa, dont la mise en place prendra du temps. validés de nouveaux produits, en partiavec le saoudo-bahreïni Son développement se fera de manière culier le takaful (assurance islamique), Al Baraka Banking graduelle », explique Fouad Harraze, les contrats Ijara (équivalant au crédirecteur général d’Al Akhdar Bank, dit-bail) ou encore d’import-export, qu’ils • Bank Al Yousr filiale du Crédit agricole du Maroc et de la espèrent pouvoir proposer dès 2019 pour Filiale de la Banque centrale Société islamique pour le développement compléter l’écosystème de cette finance populaire, avec le groupe du secteur privé (SID), filiale de la Banque alternative et répondre à l’ensemble des saoudien Guidance islamique de développement. besoins exprimés. • Al Akhdar Bank Le 5 octobre a eu lieu la première émisFiliale du Crédit agricole sion au Maroc de sukuks souverains (équidu Maroc, avec la SID (filiale valant aux bons du Trésor), d’un montant L’introduction de la finance participative pour le secteur privé de la de 1 milliard de dirhams amortissable sur dans le pays a été réclamée pendant de Banque islamique de cinq ans. Une très bonne nouvelle pour les nombreuses années par une partie de la développement) banques participatives, qui en avaient bien population. Au début, il a fallu en expli• Bank Assafa besoin pour se refinancer et placer leur tréquer le principe et le fonctionnement. Filiale d’Attijariwafa Bank sorerie. En effet, selon les analystes, l’es« Quelques clients savaient déjà presque sor rapide de leur activité de financement tout de la finance islamique, parfois En outre, trois établissements a mis à mal les réserves de ces banques, même mieux que nous, mais beaucoup ont été autorisés à proposer des qui ont beaucoup milité pour accélérer le venaient avec des a-priori ou de fausses produits participatifs : BMCI, Crédit lancement de cette première émission. interprétations », se souvient le cadre du Maroc et Société générale.

Des sukuks qui tombent à pic

Bancarisation en hausse

jeuneafrique no 3020 du 25 novembre au 1er décembre 2018

99


Grand format MAROC ÉCONOMIE

STRATÉGIE

Nouveau plan marketing pour l’ONMT Nommé à la tête de l’Office national du tourisme à la fin de juin, Adel El Fakir devrait bientôt dévoiler sa feuille de route pour mieux vendre la destination.

près plus de six mois de vacance, le poste de directeur général de l’Office national marocain du tourisme (ONMT) a été confié, en juin, à Adel El Fakir, qui succède à Abderrafie Zouiten pour assurer la promotion de la « destination Maroc ». Une mission délicate pour ce marketeur peu connu du grand public, qui, après un diplôme en finance à l’Institut supérieur de commerce et d’administration des entreprises (Iscae), a passé l’essentiel de sa carrière dans le privé (notamment chez Bel, puis Coca-Cola), avant d’intégrer la régie publicitaire de la Société nationale de radiodiffusion et télévision (SNRT), qu’il a pilotée pendant cinq ans. Le royaume avait placé la barre très haut dans le cadre de sa « Vision 2020 », qui définit les objectifs pour le secteur du tourisme, dont celui d’accueillir 20 millions de visiteurs par an. Or on en est encore loin, puisque le Maroc n’a enregistré que 11,35 millions d’entrées en 2017. Le ministère du Tourisme est donc en train de revoir ses ambitions à la baisse afin de fixer des objectifs réalistes, mieux adaptés aux besoins des voyageurs, et de donner à Adel

A

ROSINE MAZIN/EPICUREANS

Fès vue de l’hôtel Palais Jamai.

EL MEHDI BERRADA

100

jeuneafrique no 3020 du 25 novembre au 1er décembre 2018

El Fakir une nouvelle feuille de route, qui devrait s’étendre de 2019 à 2021. « Il est primordial de consolider notre positionnement sur les marchés traditionnels comme la France, l’Espagne, le Portugal, le Royaume-Uni et l’Allemagne. Cela dit, l’Europe s’est essoufflée, explique un hôtelier. Aujourd’hui, l’ONMT ne devrait pas oublier le tourisme interne, le tourisme culturel, le tourisme d’affaires, etc. Il faut qu’il innove, le secteur en a besoin. » L’un des enjeux est évidemment d’attirer les opérateurs et les voyageurs de pays où le marché est en plein essor, parmi lesquels la Chine, qui est devenue le plus grand marché émetteur de touristes et dont les voyageurs dépensent plus que la moyenne : selon certaines projections, le royaume pourrait attirer jusqu’à 500 000 touristes chinois par an à moyen terme.

Des guides multilingues

Mais la diversification des marchés passera obligatoirement par l’aérien. « Adel El Fakir devra négocier avec la RAM et avec les compagnies chinoises pour que des lignes aériennes directes soient mises en place. Ce sera la première étape pour séduire les touristes chinois qui aiment notre pays. Il s’agit juste de bien viser. Il faudra également rediriger les budgets de communication vers les nouvelles cibles », souligne un opérateur. Et d’ajouter, à l’instar de nombreux professionnels du tourisme, que, pour faciliter l’accueil, il faudrait plus de guides capables de parler plusieurs langues. Il s’agit également d’intégrer les nouvelles habitudes de consommation. Désormais, c’est en naviguant sur internet que les voyageurs se laissent séduire par une destination, planifient leurs déplacements, leurs séjours. Stratège aguerri et fin connaisseur des réseaux sociaux, Adel El Fakir le sait, qui devrait apporter une bonne dose de modernité et de fraîcheur dans la communication de l’Office.


COMMUNIQUÉ

AVIS D’EXPERT

Christophe DE FIGUEIREDO

Chief Executive Officer – Swissport Maroc SA

L’assistance aéroportuaire en escale comme un outil au service de la Vision du Maroc La stratégie du Royaume du Maroc avec le continent africain, initiée et soutenue par Sa Majesté Le Roi Mohammed VI, a définitivement convaincu Swissport, leader mondial et africain de l’assistance au sol, d’être un partenaire de cette vision.

L’amélioration de la qualité de service

C’est dans cette optique que Swissport a reçu l’agrément de Casablanca Finance City (CFC) pour y installer son siège régional Afrique du nord et francophone, permettant de valoriser son réservoir de talents marocains dans le cadre de ses projets d’expansion africains.

Les compagnies aériennes reçoivent un service avec les plus hauts standards de qualité du marché quel que soit l’endroit où ils opèrent. Swissport Maroc traite les clients les plus exigeants en termes de vitesse de rotation au sol, tout en affichant un taux de ponctualité de ses vols supérieur à 98,7 % et un soin accordé aux avions souligné par ses clients de référence.

En donnant la première et la dernière impression d’un pays, l’assistance aéroportuaire au sol est un élément clé de la chaine touristique.

Ceci comporte aussi la localisation de l’un d e ses de ux centres mondiaux de « Centralized Load Control » qui compte parmi ses clients plusieurs grandes compagnies aériennes.

D’autres projets au Maroc comprennent, outre des investissements et des créations d’emplois, l’accompagnement de la stratégie africaine du Royaume du Maroc avec l’installation de son siège Afrique à Casablanca, une politique de recrutement et de formation pour une qualité aux meilleurs standards internationaux. Tout cela démontre une volonté d’être co-acteur et partenaire du développement social et économique du Royaume et du continent. Grâce aux investissements réalisés et avec l’appui de l’office national des aéroports et de la direction générale de l’aviation civile, d’autres aspects de la vision du Royaume sont également touchés.

Swissport Maroc bénéficie du retour d’expérience et des démarches qualité de l’ensemble du réseau des 315 aéroports où le Groupe est présent.

Le tourisme Avec plus de 60 000 arrivées et départs par an et plus de 8 millions de passagers traités, Swissport Maroc se positionne comme un opérateur majeur de l’industrie aérienne du Royaume avec l’ambition de sans cesse contribuer à la montée en gamme de l’accueil de l’offre touristique marocaine et à promouvoir des valeurs éco-sociales responsables et une véritable politique de développement durable. De plus, avec un accompagnement volontariste dans les phases complexes de démarrage, les compagnies aériennes clientes peuvent ouvrir de nouvelles routes dans des délais très courts ; le dernier exemple étant l’ouverture par Swissport Maroc simultanément de structures à Dakhla, Ouarzazate, Zagora et Errachidia pour permettre le lancement de nouvelles lignes régulières sur ces villes, jusqu’ici peu desservies.

Le social et la formation Avec plus 700 employés marocains, Swissport dessert actuellement 13 aéroports, les derniers ouverts étant Dakhla, Ouarzazate, Zagora et Errachidia. D’autres ouvertures sont planifiées dans un futur proche. De plus, chaque employé reçoit en moyenne 55 heures de formation par an. Les centres de formation de la société délivreront ainsi plus de 35000 heures de formation cette année.

Swissport Maroc S.A. Adresse : Lot N°9, Mandarona 300, 3e étage Sidi Maarouf 20460 Casablanca Téléphone : 05 22 78 59 60 E-mail : Christophe.deFigueiredo@swissport.com

www.swissport.com


Grand format MAROC

SOCIÉTÉ Formats variés, séries originales, réalisations bien léchées… Jawjab, filiale digitale de la société de production du cinéaste Nabil Ayouch, s’impose comme la boîte à idées la plus créative du web marocain. JULES CRÉTOIS, envoyé spécial

PARMI SES CLIENTS, DES INSTITUTIONS ET DES GRANDS GROUPES COMME SAHAM OU CIH BANK.

Cercle vertueux

Jawjab a aussi réussi son pari, en tant qu’incubateur, de produire des youtubeurs – animateurs, comédiens ou artistes – dont le talent est désormais reconnu, comme

102

jeuneafrique no 3020 du 25 novembre au 1er décembre 2018

NAOUFAL SBAOUI POUR JA

I

ls sont une douzaine de salariés à s’affairer au rezde-chaussée d’un immeuble de Bourgogne, quartier « classe moyenne » casaoui. Âge médian : autour de 25 ans. Youssef Ziraoui, directeur général de l’agence, quadra passé par plusieurs titres de la presse nationale, est tout sourire. Et il a de quoi, quelques jours après la réussite de la soirée de lancement de First Blood, une websérie sous forme de dessin animé consacrée à la délicate question des premières règles. Terrain d’évolution de Jawjab : les réseaux sociaux, sur lesquels la filiale digitale d’Ali n’ Productions – du cinéaste Nabil Ayouch – se présente comme « le premier espace collaboratif consacré aux créateurs de contenu sur le web en Afrique du Nord ». Outre First Blood, on y trouve notamment Koun, une série d’entretiens avec des jeunes femmes qui racontent leur parcours. Quelques exemples parmi d’autres avec, pour dénominateur commun, un ton décalé, volontiers impertinent, et un humour à double détente. Le business model de Jawjab, lui, est tout ce qu’il y a de plus carré. Dès sa première année, emmenée par le journaliste et animateur de télévision Younès Lazrak (son directeur général adjoint de la mi-2016 à la mi-2017), la société était rentable ; son chiffre d’affaires se serait hissé à quelques centaines de milliers d’euros. Jawjab compte déjà parmi ses clients des institutions et des grands groupes tels que Saham, CIH Bank, Enmer, Avito, Sprite, auxquels elle propose ses services de production multimédia pour les accompagner dans leur stratégie numérique et leur volonté de cibler les plus jeunes et les internautes.

Agencetou Amal El Madade, animatrice d’une émission de cuisine, Youssef Ksiyer, humoriste et chroniqueur, ou encore Bouchra Ddeau, une journaliste politique très controversée. Le ton comme le format sont totalement libres. « L’idée, c’est d’instaurer un cercle vertueux, explique Youssef Ziraoui. La notoriété de Jawjab doit servir les jeunes talents, qui, à leur tour, augmentent sa popularité auprès d’un public varié et exigeant. » Dans son bureau tapissé d’affiches de cinéma (marocain et américain), Ziraoui est en plein brainstorming avec Ali, réalisateur, et Saad, directeur artistique ; man bun (chignon) pour l’un, casquette cubaine pour l’autre. La discussion est menée sur un ton léger, mais avec efficacité. Rapidement, le trio lance le tournage d’une tbourida (ou fantasia, charge spectaculaire de cavalerie traditionnelle) pour un client – « un gros portefeuille ». Ziraoui veut aussi


Jawjab, c’est un ton décalé, volontiers impertinent, et un humour à double détente.

usrisques numérique traduire en interne la créativité qui fait la réputation de Jawjab. « Ici, on ne travaille pas en silo, à la verticale. On essaie de casser un peu la segmentation entre les métiers. » Une souplesse qui, assure-t-il, permet de « répondre à des commandes qui sont toujours pour hier ».

À ne pas rater

L’atypique agence multimédia a par ailleurs attiré des talents qui, s’ils ne passent pas à l’écran, n’en sont pas moins des pointures. Elle s’offre ainsi les services de directeur artistique du designer Achraf El Kouhen, connu pour ses participations à des projets de la scène culturelle alternative comme le fanzine L’Kounache. Jawjab est également active dans le monde en plein essor du native advertising (publicité intégrée, principalement en ligne, qui s’harmonise avec le contenu éditorial sur

lequel elle apparaît), dont les principaux acteurs au Maroc sont Moustacho, Welovebuzz ou Buzzkito. Mais Youssef Ziraoui ne craint pas la concurrence. Il parie sur la qualité et l’originalité des contenus de Jawjab. Maison de production et webtélé, l’agence semble n’être qu’un pure player (active uniquement sur internet), même si l’audiovisuel « classique » entre aussi dans le domaine de compétences de ses équipes et de son offre. En attendant de multiplier les terrains de jeu, les projets s’enchaînent sur les réseaux sociaux. À ne pas rater, la série de sketchs courts lancée en septembre par le réalisateur Hicham Lasri, célèbre pour son univers original et ses longs-métrages (dont The Sea is Behind, en 2014) : un rendez-vous humoristique et intello, Tba3ssis en français (« La frime en français »), où il passe devant la caméra pour une petite leçon de vocabulaire.

jeuneafrique no 3020 du 25 novembre au 1er décembre 2018

103


Grand format MAROC SOCIÉTÉ

MUSIQUE

Quand le rap passe à la trap Représentants d’un courant du hip-hop né outre‑Atlantique, ils sont en train de révolutionner l’art de composer, de produire et de communiquer.

La presse française n’a pas tardé à venir rencontrer la bande en studio, tout comme de nombreux artistes, conviés à venir poser leur flow sur l’album en cours de réalisation. Les stratégies élaborées sur canapé par Shobee, Sqalli et les autres semblent payer. Ce qu’ils ont en tête? Donner à la trap, genre très universel, un virage bien à eux dans la manière d’aborder et de produire le rap. L’histoire du rap marocain ne date pas d’hier. Né en 2006 dans la petite ville de Safi, le groupe Shayfeen, formé par le duo Shobee et Small X, n’a pas eu de mal à s’imposer dans les clubs et sur les radios. Mais… « À un moment, tu participes au festival Mawazine à Salé, mais la scène principale, c’est pour les stars étrangères. Si tu veux plus, il faut bouger », explique Shobee. L’auteur-compositeur de 27 ans vit de la musique depuis plusieurs années et écrit des mélodies pour des artistes majeurs de la scène urbaine française, tel Lacrim.

DR

À la conquête du monde

JULES CRÉTOIS

hobee, membre du groupe Shayfeen, et Mohamed Sqalli, jeune producteur casablancais passé par une école de commerce et installé à Paris, discutent installés dans le canapé d’un studio du 13e arrondissement de la capitale française. Ils parlent musique, mais aussi communication et modèle de développement. Bienvenue dans le nouveau monde du rap game marocain. En cette fin d’année 2018, ils sont quelques-uns, comme Issam, qui a récemment eu droit à un portrait dans le prestigieux magazine américain The Fader, ou Toto, autre étoile montante du rap casaoui, à enregistrer une compilation depuis Paris. Produit par le collectif culturel Naar, fondé par Mohammed Sqalli et le photographe et réalisateur de clips Ilyes Griyeb, l’album sort « sous licence » Def Jam France (rien que ça). Il doit permettre de découvrir une nouvelle scène hip-hop marocaine, branchée trap, un style né aux États-Unis et basé sur des instrumentales électroniques.

S

104

jeuneafrique no 3020 du 25 novembre au 1er décembre 2018

Né en 2006, le groupe Shayfeen n’a eu aucune peine à s’imposer dans les clubs et sur les radios.

Pourtant, la conquête d’un public étranger comporte de nombreux obstacles. Ainsi, malgré les documents des maisons de production, l’un des artistes proches du collectif ne parvient pas à décrocher de visa pour la France. Il y a aussi le risque d’être trop vite catalogué et oublié. « En Europe, on s’intéresse plus au profil sociologique des rappeurs du Maroc qu’à leur musique », affirme Sqalli. Quant au soutien des institutions marocaines… « Il va d’abord à ce qui sera classé dans la catégorie world music », lâche-t-on en studio. « Maalich ! » (« pas grave »). D’où l’obligation de peaufiner sa communication et de bien préparer ses projets. Shobee et Mohamed Sqalli ont monté une maison de production et dessinent déjà les plans d’un studio à Casablanca. Les artistes parient sur les concerts et l’écoute en ligne. Shobee se réjouit ainsi de l’annonce du lancement au Maghreb du service de streaming Spotify, sur lequel il cartonne déjà malgré les bricolages dont usent les Marocains pour y accéder. « Sur le plan du style, il n’y a plus de décalage avec le reste du monde, les gars sont à l’heure sur tout et même parfois en avance, avec leurs particularités. Et ils peuvent toucher jusqu’aux États-Unis », jure Sqalli. « On en ramènera bientôt la preuve avec nous à la maison », fanfaronne Shobee.


NOUVEAUTÉ

Échappez-vouss dans

Le Maroc Grand Sud Une terre immense, mystérieuse, contrastée, aux multiples atouts naturels exceptionnels entre tradition et modernité... et aujourd’hui, l’un des piliers de l’économie l et l’un des meilleurs spots de kitesurf.

Nouveau format • Nouvelle maquette 208 pages - 135 x 230 mm

Dans la collection Aujourd’hui Avec le parrainage de l’Office Chérifien des Phosphates

57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris, France - Tél. : +33 (0) 1 40 71 71 90 - Email : jaguar@jeuneafrique.com

www.leseditionsdujaguar.com

© photo kitesurfeur : Adobestock.com

• Un peu d’histoire et de culture • Les incontournables • Ce qu’il faut savoir et voir...


Grand format MAROC

SURTITRE TRIBUNE

Pourquoi la cause des femmes patine e Maroc a connu, avec l’avènement du roi Mohammed VI, une grande dynamique de réformes juridiques concernant la question des droits des femmes. Grâce à l’ensemble des lois promulguées dans le cadre de la réforme du code de la famille, en 2004, conforté par les dispositions de la nouvelle Constitution, en 2011, le pays avait à sa disposition un arsenal législatif à même de concrétiser des avancées majeures sur le terrain des réalités sociales. Pourtant, force est de constater aujourd’hui une certaine « régression » des droits des femmes, corroborée par des études internationales – dont le dernier rapport du Forum économique mondial sur l’égalité femmes-hommes, publié en novembre 2017, qui place le Maroc au 136e rang sur 144 pays étudiés. Alors qu’il y a quelques années le pays était bien parti pour améliorer la situation des droits des femmes, comment expliquer ce recul que l’on perçoit actuellement ? Pourquoi n’y a-t-il eu quasi aucune tentative pour mettre en œuvre ces réformes ? Comment se fait-il qu’en moins de dix ans le modèle très prometteur d’un Maroc en voie de démocratisation et de modernisation voie son projet d’émancipation des femmes stagner, voire montrer des signes d’épuisement et de retour en arrière inquiétants ?

L’

impasse dans laquelle se trouvent les réformes s’observe à tous les niveaux de la vie politique et sociale. D’abord au sein du gouvernement, qui, pour afficher sa volonté de « modernisation », a nommé neuf femmes (une seule ministre et huit secrétaires d’État) pour trente-neuf portefeuilles. Avec le

106

temps, la plupart de ces postes ont malheureusement été vidés de tous leurs attributs, et leurs titulaires, malgré leurs compétences, ont été reléguées à des fonctions subalternes, dans un gouvernement où seuls les hommes décident. Qu’en est-il aujourd’hui des dynamiques institutionnelles mises en place en 2011 et des espoirs suscités à travers les projets de création d’instances constitution-

Asma Lamrabet

HASSAN OUAZZANI POUR JA

L

Médecin biologiste et essayiste

nelles, comme l’Autorité pour la parité, qui donnent l’impression d’être restées lettre morte ? En 2018, la plupart des Marocaines ne se sentent pas concernées par ces réformes. Elles sont confrontées à d’âpres défis, parmi lesquels la précarité socio-économique, les violences urbaines et familiales, sans oublier de multiples discriminations sournoisement alimentées par une « retraditionalisation » de la société en quête d’une identité perdue. Que dire aussi de l’initiative, très médiatisée, des mourchidates (prédicatrices) lancée en 2005 et saluée à

jeuneafrique no 3020 du 25 novembre au 1er décembre 2018

l’époque comme une véritable volonté officielle de « féminiser » la sphère du religieux ? La symbolique de « féminisation » du religieux était certes judicieuse, mais, malheureusement, elle s’est rapidement trouvée diluée dans sa propre rhétorique patriarcale. Comment expliquer que, malgré les hautes orientations royales pour la réforme du champ du religieux et, en particulier, celles concernant la question de l’égalité et de la lutte contre les discriminations envers les femmes, il n’y a pratiquement eu aucune initiative ni même un semblant de débat au sein des grandes institutions religieuses, qui font un déni notoire de la réalité sociale et de ses défis ? Pourquoi, à chaque tentative de débat sociétal, des questions comme celles, entre autres, de l’héritage sontelles officiellement et brutalement vilipendées par ces mêmes institutions et leurs oulémas, qui, encouragés par une majorité maintenue dans un conservatisme suranné, essaient de museler les voix dissidentes au nom d’une lecture tronquée du religieux ?

C

e sont là des problématiques patentes qui, aujourd’hui, montrent les limites et l’impasse dans laquelle se trouvent des réformes élaborées « en théorie », sans être accompagnées de mesures éducationnelles, culturelles et politiques qui permettraient d’engager un vrai travail pour faire évoluer les mentalités, notamment à travers l’ouverture de véritables espaces de liberté d’expression et de dialogue citoyen. On l’aura compris, cette question des droits des femmes est toujours et éternellement reportée à des lendemains


ROYAUME DU MAROC

meilleurs. Malgré les tentatives de débats menées par les acteurs de la société civile, la priorité est politiquement ailleurs.

O

r ça n’est pas une simple et désuète question de « statut de la femme » ou de droits « spécifiques ». C’est avant tout une question de « droits humains » et de justice sociale, une question éminemment politique et centrale dans tout processus démocratique, une question dont les enjeux sociétaux, politiques et religieux sont cruciaux pour le Maroc d’aujourd’hui et de demain. Promouvoir les questions d’égalité et d’émancipation des femmes, c’est promouvoir celles de toute la société.

DERNIER ESSAI PARU

Islam et femmes. Les questions qui fâchent Par Asma Lamrabet Éditions En toutes lettres, Casablanca (214 pages, février 2017) Éditions Gallimard, collection « Folio Essais », Paris (304 pages, septembre 2018)

5, Avenue Moulay Hassan • B.P.99, 10000 Rabat - Maroc Tél. : +212 (0)537 23 98 98 • Fax : +212 (0)537 70 94 11

www.onhym.com • info@onhym.com


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.