L’AFRIQUE EN 2019
PANORAMA
L’HOMME DE L’ANNÉE Abiy Ahmed Premier ministre d’Éthiopie
54 ÉTATS À LA LOUPE
BUSINESS Les 9 décideurs qui feront date
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL NO 3024H DU 23 DÉCEMBRE 2018 AU 12 JANVIER 2019
L’Afrique en
TRIBUNES ET INTERVIEWS Védrine, Bathily, Yabi, Mbembe, GebreMariam, Sall, Benmakhlouf…
2019
MAROC M6 : l’année de ses 20 ans CEMAC Vers la sortie de crise ?
JEUNE AFRIQUE N O 302 4 H
SEPTIÈME ART Le nouveau souffle du cinéma africain
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ÉDITION GÉNÉRALE
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France 7,90 € Algérie 420 DA Allemagne 9 € Autriche 9 € Belgique 9 € Canada 12,99 $ CAN Espagne 9 € États-Unis 12,99 $ US Éthiopie 110 birrs Guadeloupe 9 € Guyane 12 € Italie 9 € Maroc 50 DH Martinique 9 € Mauritanie 2 500 MRO Mayotte 12 € Portugal cont. 9 € Réunion 9 € Royaume-Uni 8,50 £ Suisse 15 FS Tunisie 8 DT Zone CFA 4 800 F CFA ISSN1950-1285
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Béchir Ben Yahmed bby@jeuneafrique.com
Samedi 22 décembre
Problèmes aigus
N
ous sommes à la fin de 2018 et je m’adresse à vous, amis lecteurs, pour la dernière fois de l’année. Quitte à endosser le rôle du rabat-joie, il m’incombe d’attirer votre attention sur deux problèmes aigus qui risquent de mener le continent vers la plus sérieuse des régressions! Je pense qu’il est de mon devoir de sonner l’alarme lorsqu’il y a péril en la demeure. Et c’est, hélas! le cas.
Le premier problème est économique et financier. C’est d’ailleurs une rechute et une récidive, l’Afrique ayant déjà connu cette situation à la fin du XXe siècle et n’en étant sortie qu’en faisant la mendicité auprès de ses créanciers, le FMI, la Banque mondiale, les pays riches et leurs établissements financiers. Qui ont fini par décider de nous aider à nous désendetter. L’endettement en devises qui tourne au surendettement redeviendra, dès 2019, un cauchemar africain. Nos pays ont le plus souvent des monnaies qui se déprécient
d’année en année : le cedi, au Ghana, et le dinar, en Tunisie, en sont des exemples frappants. Pour couvrir leurs besoins, de nombreux États ont cédé à la tentation d’emprunter sur le marché international des euros ou des dollars à un taux de 6 % ou 7 % l’an. C’est suicidaire, car il leur faudra consacrer une part importante de leurs budgets au paiement des intérêts et, à son échéance, du capital. Beaucoup d’entre eux « caleront ». (1) Ils sont une vingtaine à souffrir de ce surendettement en devises, dont quelques-uns déjà en défaut de paiement. Cette situation va s’aggraver dangereusement dès l’année prochaine. Les ministres des Finances des pays concernés devront trouver les moyens de résoudre le problème. Mais ils n’y parviendront pas. Conclusion : nos pays devraient s’interdire de contracter des dettes en devises et se borner à emprunter dans leurs monnaies auprès de leurs épargnants nationaux. Et surtout pas sur le marché international à 7 % l’an, alors que les pays
développés empruntent, eux, à 1 % ou 2 % l’an. Plus grave et plus pressant encore est le problème politique du continent, et d’abord celui des élections. Celles qui se tiennent en ce moment même en République démocratique du Congo (RDC) ont été retardées de deux ans. On ne sait même pas, à l’heure où j’écris ces lignes, surtout après les violences qui les ont émaillées et les aléas des opérations de dépouillement, si elles suffiront à résoudre le problème institutionnel de ce pays. Elles sont la parfaite illustration de mon propos. Le graphique de la page suivante est la plus implacable des condamnations de la manière dont ce malheureux et grand pays africain a été gouverné tout au long de ces quarante dernières années. Force morale respectée, l’Église catholique congolaise le dit, mais elle n’est pas entendue. Le Dr Denis Mukwege, Prix Nobel de la paix, vient de le clamer à Oslo, mais sa voix s’est perdue dans le tumulte électoral. jeuneafrique no 3024H
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Ce que je crois
HUMOUR, SAILLIES ET SAGESSE Alors que son sous-sol, le plus riche d’Afrique, était pillé, l’oligarchie congolaise s’enrichissait scandaleusement. Et laissait la population – près de 100 millions de personnes – dans la misère, et le pays sans infrastructures. Résultat: les citoyens de la riche RDC ont un revenu par habitant parmi les plus faibles du monde. Évolution du PIB par habitant en RDC
en % du PIB moyen par habitant en Afrique subsaharienne
60 50 40
SOURCE : FMI
30 20 10 0 1980
4
1990
2000
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la faute de nos responsables politiques, les scrutins sont biaisés du fait d’une tricherie généralisée? Devrons-nous accepter qu’accède au pouvoir – ou le conserve – celui qui triche le plus et le mieux ? Faut-il faire son deuil de l’alternance? Quelle est la légitimité d’un pouvoir qui se présente à nous comme « élu », mais l’est, en réalité, si mal qu’on ne le reconnaît pas comme légal? Nous devrions tous prendre conscience que nos politiciens jouent un jeu dangereux. À cause de leurs pratiques douteuses, les élections africaines ne sont plus qu’une triste parodie et ne permettent plus d’accéder sainement au pouvoir. Si l’alternance démocratique est quasi impossible, le temps des coups d’État reviendra. Ou alors on cherchera d’autres moyens de parvenir au pouvoir.
Chacun le sait : des élections transparentes et pluralistes ne suffisent pas à faire une démocratie. Mais un pays ne peut pas être démocratique si ses élections sont entachées d’irrégularités et de vices qui en décrédibilisent les résultats. Or c’est de plus en plus le cas dans la grande majorité des 54 pays de notre continent. Passez en revue les élections africaines de 2017 et de 2018, et surtout les présidentielles, et ditesmoi en conscience lesquelles ont désigné de façon claire et certaine le véritable gagnant. Dans quels pays africains les perdants ont-ils reconnu leur défaite et félicité le vainqueur, comme cela est le cas dans les pays où la démocratie est installée?
Il est peut-être encore temps de se ressaisir, de regarder ce qui se passe sur les autres continents, ou, en Afrique même, ce que font les rares pays qui ont véritablement choisi la démocratie, et en acceptent les règles et la discipline. L’opinion africaine doit se réveiller et l’exiger ; l’Union africaine devrait, à l’instar de l’Union européenne, se doter d’un ensemble de valeurs et veiller à ce qu’elles soient respectées par ses membres. Sous peine de sanctions allant jusqu’à l’exclusion.
L’ère des coups d’État est révolue, et nous avons décidé que, désormais, en Afrique, on n’accédait plus au pouvoir que par les urnes. Mais que faire si, par
(1) La dette d’un pays comme la Tunisie avoisine 100 % de son PIB annuel: son remboursement en devises aura absorbé en 2018 la quasi-totalité de ce que le tourisme et les transferts de sa diaspora rapportent au pays.
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Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. Le désespoir est un manque d’imagination. Georges Dumézil
Si je prétendais assumer à l’infini les conséquences de mes actes, je ne pourrais plus rien vouloir. Simone de Beauvoir
De toutes les erreurs que Dieu a faites la femme est la plus réussie.
Grégoire Lacroix
Les maîtres ouvrent la porte mais c’est à toi d’entrer.
Proverbe chinois
L’amour est le seul besoin naturel pour la satisfaction duquel il faille la collaboration d’un partenaire. Thierry Maulnier
Au pôle Nord, la nuit dure six mois, t’as pas intérêt à rater le dernier métro. Brèves de comptoir
Seuls les bons professeurs forment les bons autodidactes.
Jean-François Revel
Le comble de l’optimisme, c’est de rentrer dans un grand restaurant et compter sur la perle qu’on trouvera dans une huître pour payer la note. Tristan Bernard
L’homme peut arriver à croire l’impossible, mais jamais l’improbable. Oscar Wilde
ÉDITORIAL
Évolution permanente e numéro triple que vous avez entre les mains est le dernier de cette année singulière et riche en événements. Mais en lieu et place des sempiternels bilans et temps forts de 2018, nous vous proposons 228 pages destinées à vous éclairer sur l’évolution, en 2019 et au-delà, d’un continent que nous décryptons en profondeur chaque semaine depuis cinquante-neuf ans. Avec objectivité et, autant que possible, loin de ces prismes déformants qui, ici et là, nous présentent une Afrique aux antipodes de ce qu’elle est vraiment : plurielle et en perpétuel mouvement. C’est à un passionnant voyage, de Bizerte au Cap et du golfe de Guinée à celui d’Aden, que nous vous convions. Au plus près des réalités, mais en prenant la hauteur indispensable à la compréhension des grands enjeux du moment : politiques, économiques, diplomatiques et sociétaux. D’autant que l’année qui vient s’annonce très chargée en rendez-vous électoraux : présidentielle en Algérie, en Tunisie, en Mauritanie, au Sénégal, au Nigeria, en Afrique du Sud, en Namibie, au Botswana et aux Comores ; législatives au Mali, en Guinée, au Bénin, au Cameroun, à Madagascar, à Maurice et (peut-être) au Tchad… La liste n’est évidemment pas exhaustive. L’année 2018 a également été riche en changements au sein de Jeune Afrique Media Group (JAMG).
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Du lancement de la nouvelle formule de votre hebdomadaire (en janvier) au passage en accès payant de notre site jeuneafrique.com, dont l’offre de contenus éditoriaux a été beaucoup étoffée, en passant par le succès de la 6e édition du Africa CEO Forum (en mars, à Abidjan) et celui des forums Les Héroïnes, à Dakar et à Abidjan, consacrés au leadership féminin, JAMG n’a cessé de faire évoluer ses activités, sur la forme comme sur le fond.
Contenu enrichi
une refonte complète du site internet theafricareport.com. Sur le plan événementiel, le programme sera lui aussi chargé : après Genève et Abidjan, la 7e édition du Africa Ceo Forum se déroulera les 25 et 26 mars, à Kigali, au Rwanda. En juin, notre Conférence Women in Business se tiendra pour la deuxième année consécutive à Paris. Enfin, notre forum Les Héroïnes, qui réunit des femmes cadres supérieures ou chefs d’entreprise, aura lieu à Abidjan, en septembre, puis à Dakar, en novembre. L’ensemble de la rédaction et des collaborateurs de JAMG se joignent à l’auteur de ces lignes pour vous souhaiter d’excellentes fêtes de fin d’année. Bonne lecture à toutes et à tous !
Nous continuerons dans la voie de l’innovation, tout en restant fidèle à nos valeurs et attentif à vos attentes.
Nous continuerons évidemment, l’an prochain, dans la voie de l’innovation et du changement, tout en restant fidèle à nos valeurs et attentif à vos attentes. En particulier dans le domaine du digital. Ainsi, Jeune Afrique Business +, notre publication consacrée aux coulisses du monde des affaires, lancera prochainement une évolution enrichie de son site, ainsi qu’une version en anglais. The Africa Report, notre publication elle aussi en anglais, deviendra quant à elle trimestrielle (4 numéros exclusifs par an) avec un contenu éditorial et une pagination augmentés. Pour accompagner cette transformation, nous engagerons
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Sommaire
Ce que je crois par Béchir Ben Yahmed Éditorial par Marwane Ben Yahmed
PROJECTEURS 10 14 16
Confidentiel L’homme de l’année Abiy Ahmed Le match Muhammadu Buhari vs Atiku Abubakar 20 10 choses à savoir sur… Omar Sy 22 Prêts pour 2019 ? par Glez 26 Esprits libres
LA GRANDE INTERVIEW 30 Hubert Védrine
ÉVÉNEMENTS 42 52 62 66 70
Maghreb La paix en votant Interview Abdoulaye Bathily Cemac Comment en finir avec la crise Questions à… Daniel Ona Ondo Infographie 2019, une année riche en élections
TENDANCES 78
84 92 96 106 108 110 116 126 134 136
Consommation Ces hashtags qui font trembler les multinationales Aérien Entretien avec Tewolde GebreMariam Maroc Grandes fortunes et jeunes héritiers e-Commerce Jumia en quête d’équilibre Or La ruée vers l’Ouest Énergie Volts en stock Télécoms Objectif 5G Décideurs Ils feront 2019 Cinéma La fièvre du grand écran Style La manne de la mode musulmane Architecture Bâtisseurs du futur
VOUS & NOUS 226 Post-scriptum
151 Afrique du Nord
149
54 ÉTATS À LA LOUPE
159 Afrique de l’Ouest 179 Afrique centrale
TRIBUNES
48 Samia Maktouf, avocate aux barreaux de Paris et de Tunis, conseil près la Cour pénale internationale 50 François Soudan 60 Achille Mbembe, historien et politologue camerounais 68 Kako Nubukpo, économiste, ancien ministre togolais de la Prospective et de l’Évaluation des politiques publiques et ancien directeur de la Francophonie économique et numérique au sein de l’OIF 72 Bakary Sambe, directeur du Timbuktu Institute et professeur à l’université Gaston-Berger de Saint-Louis (Sénégal) 91 Julie Owono, avocate camerounaise, directrice exécutive d’Internet sans frontières 100 Gilles Yabi, économiste et analyste politique, fondateur de Wathi, think tank citoyen 105 Alain Faujas, journaliste à Jeune Afrique 115 Mohamed Mbougar Sarr, écrivain sénégalais 124 Benaouda Lebdai, professeur des universités et chroniqueur littéraire 132 Pr Edmond Bertrand, doyen honoraire de la faculté de médecine d’Abidjan, membre correspondant de l’Académie française de médecine 144 Ali Benmakhlouf, professeur des universités, membre correspondant de l’Académie nationale de pharmacie
189 Afrique de l’Est 215 Océan Indien
203 Afrique australe
PHOTOS DE COUVERTURE : ÉDITION GÉNÉRALE : UN PHOTO/MARK GARTEN ; DR(4); BRUNO LEVY POUR JA ; ONS ABID POUR JA ; UN PHOTO/RICK BAJORNAS : RMN ; UN PHOTO/ESKINDER DEBEBE ; VINCENT FOURNIER/JA ; CHRISTIAN LIEWIG/POOL/REA ; MAP ; XIE HUANCHI/XINHUA-REA ; PANG XINGLEI/XINHUA-REA ; YAD KRAMDI/AFP ; UN PHOTO/CIA PAK
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Fondateur : Béchir Ben Yahmed, le 17 octobre 1960 à Tunis bby@jeuneafrique.com Édité par SIFIJA Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 Paris Tél. : +33 (0)1 44 30 19 60 Fax : +33 (0)1 45 20 09 69 Courriel : redaction @jeuneafrique.com Directeur général : Amir Ben Yahmed Vice-présidents : Danielle Ben Yahmed, François Soudan Directeur de la publication : Marwane Ben Yahmed Directeur de la rédaction : François Soudan f.soudan@ jeuneafrique.com La rédaction et l’équipe de Jeune Afrique sont à retrouver sur www.jeuneafrique.com/ qui-sommes-nous/
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PROJECTEURS CONFIDENTIEL Politique
DR
TUNISIE CHAHED À RIYAD
Henri Konan Bédié (chemise bordeaux) accueille Guillaume Soro (costume bleu) à Daoukro, le 17 décembre.
CÔTE D’IVOIRE
Soro-Bédié : leur huis clos à Daoukro Alassane Ouattara a tenté de dissuader Henri Konan Bédié, son ex-allié, de se rapprocher de Guillaume Soro, sur la sellette depuis plusieurs mois. Le 16 décembre, un émissaire du chef de l’État, proche des trois hommes, s’est spécialement rendu à Daoukro, le fief de Bédié, porteur d’un message dans lequel Ouattara demandait une dernière fois au patron du PDCI de revenir dans le giron du RHDP, le parti unifié en gestation. Le message était clair: Bédié devait surseoir à sa décision de quitter cette formation et convaincre Soro de réintégrer la « maison RHDP ». Tout en saluant cette initiative, le Sphinx a confirmé s’être rapproché du président de l’Assemblée nationale, qu’il surnomme « mon fils brillant ». Dès le lendemain en effet, Bédié a reçu Soro à Daoukro avec tous les honneurs, au son d’une fanfare sur laquelle tous deux ont esquissé quelques pas de
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danse. Lors d’une séance de travail à huis clos, ils ont défini les modalités de leur probable alliance politique. Le chef du PDCI a convaincu son nouvel allié de la nécessité de se rassembler, non pour combattre le RHDP, mais pour œuvrer à une « véritable cohésion entre les Ivoiriens, dans la lignée du président Félix Houphouët-Boigny ». Deux proches de Bédié ont organisé cette rencontre : Narcisse N’Dri, son directeur de cabinet, et Maurice Kakou Guikahué, le secrétaire exécutif du PDCI. Affoussiata Bamba-Lamine, la conseillère politique de Soro, s’est par ailleurs rendue deux fois à Daoukro en moins de dix jours. Guillaume Soro y a, lui, séjourné quarante-huit heures. Bédié en a profité pour lui faire visiter ses plantations. Ils sont convenus de se revoir au début de 2019 pour poursuivre leurs pourparlers.
Lors de sa première visite officielle à Riyad, du 13 au 15 décembre, Youssef Chahed a obtenu 350 millions de dinars (102,6 millions euros) d’investissements saoudiens. Le chef du gouvernement tunisien, qui souhaitait que ses hôtes l’introduisent au Koweït et à Bahreïn, a toutefois été désappointé par leur fin de non-recevoir. Il a également été surpris par le très bon accueil qui a été réservé à un membre de sa délégation, Zied Ladhari, ministre du Développement et secrétaire général d’Ennah dha, parti qui se situe dans la mouvance des Frères musulmans.
SÉNÉGAL-FRANCE MAUDIT SAMEDI
Lors de son séjour à Paris, destiné à financer la seconde phase de son plan Sénégal émergent, Macky Sall devait tenir un meeting devant la diaspora à Mantes-la-Jolie le 15 décembre. Cet événement a été reporté pour des raisons de sécurité. Entre le scandale qu’ont suscité dans cette banlieue parisienne l’interpellation de lycéens par la police le 6 décembre et les actions des « gilets jaunes » tous les samedis, les organisateurs ont estimé que le contexte était trop tendu.
AFFAIRE CAMRAIL NOUVEAU ROUND EN FRANCE
DAVID IGNASZEWSKI POUR JA
Une « régente » toute-puissante Alors qu’Ali Bongo Ondimba (ABO) poursuit sa convalescence à Rabat, Marie-Madeleine Mborantsuo (photo) est plus puissante que jamais. La présidente de la Cour constitutionnelle s’est rendue à Rabat le 14 décembre, officiellement pour présenter au chef de l’État les résultats des élections législatives. ABO consulte également la « régente » sur la formation du prochain gouvernement. La démission d’Emmanuel Issoze Ngondet, le Premier ministre, était attendue sitôt les résultats publiés. Selon nos sources, il devrait être reconduit dans ses fonctions. Dans le cas contraire, il vise la présidence de l’Assemblée nationale. Lui aussi visiteur assidu d’ABO, Maixent Accrombessi, son ancien directeur de cabinet, tente de contrecarrer l’influence de Mborantsuo et de placer à la primature ou à l’Assemblée un de ses amis, Yves Fernand Manfoumbi, l’ex-ministre de l’Agriculture.
CAMEROUN UN, DEUX, DIX ÉTATS ?
Reportée sine die, la All Anglophone Conference (AAC) n’a toujours pas été reprogrammée. Les autorités voient d’un mauvais œil le fédéralisme gagner des partisans parmi ses organisateurs. Yaoundé estime que l’heure n’est pas à un tel dialogue, dont les conclusions pourraient obliger Paul Biya à se prononcer officiellement sur la forme de l’État. Des dissensions opposent aussi les
chefs de la AAC. Le cardinal Christian Tumi reste partisan d’un fédéralisme à deux États, d’autres proposent une solution à dix États.
BÉNIN KOUTCHÉ CERNÉ
Arrêté le 14 décembre à Madrid, Komi Koutché a été entendu le lendemain par un magistrat, qui lui a notifié les charges retenues contre lui. L’ex-ministre de l’Économie de Thomas Boni Yayi est poursuivi dans une
Le 6 février, la cour d’appel de Paris examinera la plainte contre X qu’a déposée le Comité de libération des prisonniers politiques (CL2P) pour homicides involontaires dans l’affaire de la catastrophe ferroviaire d’Eseka. En première instance, la justice avait refusé d’instruire cette plainte, estimant que le CL2P ne pouvait représenter les victimes en tant que partie civile. L’avocat du comité, Stéphane Engueleguele, met en avant la jurisprudence du procès des biens mal acquis, pour lequel l’ONG Transparency International a, elle, été reconnue partie civile.
FRANCE ANIAMBOSSOU À CONAKRY
Jules-Armand Aniambossou, le coordonnateur du Conseil présidentiel pour l’Afrique, était à Conakry le 4 décembre. Lors de ce voyage privé, il a retrouvé son « correspondant » sur place, Thierno Madjou Sow, directeur national adjoint du Budget. Ces deux énarques sont issus de la même promotion qu’Emmanuel Macron. Aniambossou avait rencontré Alpha Condé à Paris le 12 novembre.
affaire de mauvaise gestion du Fonds national de la microfinance. Mais, selon sa défense, le juge a émis un second mandat d’arrêt au moment où il clôturait son instruction sans le transmettre à Interpol, ce qui rend le premier mandat international caduc.
TCHAD-FRANCE LA VOIE DU SUCCÈS ?
Succès Masra (Les Transformateurs) s’active pour
JACQUES TORREGANO POUR JA
GABON
incarner une troisième voie, concurrente de celles d’Idriss Déby Itno et de Saleh Kebzabo, le chef de l’opposition. Cet ancien économiste de la BAD, qui prône une réforme constitutionnelle – suppression de l’âge minimum pour se porter candidat à la présidentielle, etc. –, est en contact régulier avec le Quai d’Orsay. Il compte également sur l’influence du Conseil présidentiel pour l’Afrique, où il est en relation avec Karim Sy et Vanessa Moungar.
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PROJECTEURS
CONFIDENTIEL Diplomatie & réseaux
FRANCE-TOGO
AIR MAD’ FACTURE SALÉE
Le 12 décembre, au Tribunal de commerce de Paris, Air France a revu sa facture à la hausse: il réclame à Air Madagascar 46 millions de dollars en plus des 55 millions (dont 12 millions d’intérêts) de loyers versés. Soit un total de 101 millions pour les deux Airbus A340 loués en 2012 et dont la valeur était estimée, à l’époque, entre 10 et 20 millions. Cette affaire menace l’existence d’Air Mad’, qui n’est pas en mesure de régler la note. Prochaine audience: le 13 février.
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A SIP
/A P/ AN
Yunus Demirer, ambassadeur en Irak (2011-2013) et en Arabie saoudite (2013-2017), est pressenti pour le poste de directeur général MoyenOrient au ministère turc des Affaires étrangères. Ce pôle chapeaute le département Maghreb, que dirigeait Onur Özçeri, lequel vient de prendre ses fonctions d’ambassadeur au Bénin avec accréditation au Togo. Volkan Isikçi, qui a commencé sa carrière en Algérie et était jusque-là ministreconseiller à l’ambassade de Turquie en Espagne, est en passe de lui succéder.
entraînant de facto celle de la mission. À Lomé, la Ceni avait donné son accord et du matériel d’observation avait été mis à disposition. Le 17 décembre, l’ambassade confirmait sur son site internet « que le gouvernement français n’a[vait] donné son aval [...] à aucune mission d’observation ».
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TURQUIE-MAGHREB ÇA BOUGE !
Une mission indépendante d’observation des élections législatives togolaises du 20 décembre, qu’organisait le consultant français Emmanuel Dupuy, président de l’Institut prospective et sécurité en Europe, a été annulée in extremis. Elle aurait dû se rendre à Lomé du 18 au 21 décembre. Douze personnalités auraient dû faire partie de cette délégation, dont trois parlementaires et deux anciens ministres. Parmi eux, Marion Lenne, Jean-Marie Bockel, François Loncle, Gérard Longuet ou Frédéric de Saint-Sernin. Selon plusieurs membres de cette mission, Marc Vizy, l’ambassadeur de France au Togo, craignant que leur présence ne provoque des manifestations de l’opposition lors du vote, aurait alerté les autorités françaises. Certains députés du grouped’amitiéFrance-Togo,que préside Aude Bono-Vandorme, se sont par ailleurs offusqués de ne pas avoir été conviés. Sous la pression, cinq participants ont annuléleurvenue,
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Cinquante-cinq jours après son arrivée à Kinshasa le 24 octobre, Mike Hammer, l’ambassadeur des États-Unis, attendait encore de pouvoir remettre ses lettres de créance à Joseph Kabila. Mi-décembre, au moins huit diplomates étaient dans le même cas. Reste que ce délai est inhabituel pour un grand partenaire de la RD Congo: François Pujolas, l’ambassadeur de France, avait été reçu après quelques jours d’attente, début septembre. Kinshasa reproche à Washington d’infliger des sanctions ciblées à certains de ses dignitaires.
Circulez, il n’y a rien à voir
IC
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RD CONGO - ÉTATS-UNIS ONCLE SAM ATTENDRA
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Faure Gnassingbé votant à Lomé, lors des législatives de 2013.
RWANDA
L’heure de vérité Ce 7 décembre, le juge Theodor Meron, président du Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux (MTPI), a fixé la révision du procès d’Augustin Ngirabatware à septembre 2019 – une procédure qui constitue une première pour le MTPI. Ex-ministre du Plan dans le gouvernement génocidaire d’avril 1994, Ngirabatware avait été condamné en appel à trente ans de prison par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), en 2014, pour incitation directe et publique à commettre le génocide. Il aurait dû comparaître en septembre 2018, mais l’audience avait été reportée à la suite de l’arrestation de cinq personnes impliquées dans cette affaire. Tant qu’il n’a pas été définitivement condamné, Ngirabatware, détenu à Arusha, ne peut être transféré à la prison de Sébikotane, au Sénégal, où cinq condamnés du TPIR purgent leur peine. Vingt-cinq autres sont détenus: douze à Koulikoro, au Mali (dont Théoneste Bagosora, l’un des principaux instigateurs des massacres), et treize à Porto-Novo, au Bénin.
VLADIMIR POUTINE
ALGÉRIE QUAND SAÏD RENCONTRE MAKRI
CULTURE
Le Palais de Lomé relooké En avril, le Palais de Lomé rénové ouvrira enfin ses portes au public, sous la forme d’un centre d’art et de culture. Lancée à l’instigation de la présidence, la réhabilitation de cet édifice aura duré sept ans et coûté à l’État togolais 2,4 milliards de F CFA (3,6 millions d’euros). Ancienne résidence des gouverneurs allemands et français, siège de l’État togolais jusque dans les années 1970, puis palais des hôtes de marque, le lieu abritera salles d’exposition, restaurants et galeries. Selon Sonia Lawson, la responsable du projet, passée par L’Oréal et LVMH, entre 70 et 100 personnes devraient être recrutées. La rénovation a été pensée par un groupement d’architectes (Segond GuyonArchipat-Sara Consult-Frédéric Reynaud Paysagistes) et la maîtrise d’ouvrage confiée à dix entreprises togolaises. Les commissaires des premières expositions seront Bernard Müller (« Le Togo des rois ») et Sandra Agbessi (« Hommage à Kossi Aguessy, designer »). La scénographie a été confiée au Béninois Franck Houndégla.
MIKHAÏL BOGDANOV Vice-ministre des Affaires étrangères depuis 2011. Envoyé spécial du président pour l’Afrique et le Moyen-Orient depuis 2012. Cet arabophone, par ailleurs fan de basket, a été en poste au Yémen, au Liban, en Syrie (à deux reprises), puis ambassadeur en Israël (1997-2002) et en Égypte (2005-2011).
UN PHOTO/RICK BAJORNAS ; DR ; MIKHAIL JAPARIDZE/TASS ; SERGEI ILNITSKY/AP/SIPA
Courant novembre, Abderrazak Makri, président du parti MSP (islamiste), a secrètement rencontré le frère cadet d’Abdelaziz Bouteflika, Saïd Bouteflika, conseiller à la présidence, à la demande de ce dernier. Makri souhaitait s’entretenir avec le chef de l’État, mais l’état de santé de celui-ci ne l’a pas permis. Selon des sources proches du dirigeant islamiste, Saïd Bouteflika s’est contenté d’écouter son interlocuteur et lui a expliqué qu’il est difficile de trouver, d’ici au mois d’avril, un consensus sur l’organisation de la présidentielle de 2019. Peu après, Makri a proposé de reporter cette élection, afin de négocier une période de transition.
Avec Sergueï Lavrov, le ministre des Affaires étrangères, et le fidèle Iouri Ouchakov, ils conseillent leur président sur l’Afrique et le Moyen-Orient. Diplomatie, échanges économiques, accords de défense… La Russie revient en force.
ANDREÏ KEMARSKI Chef du département Afrique subsaharienne au ministère des Affaires étrangères. Lusophone. Ambassadeur en Angola (2002-2007) et au Mozambique (2010-2017). Est l’un de ceux qui préparent le premier sommet Russie-Afrique, prévu pour le dernier trimestre de 2019. NIKOLAÏ PATROUCHEV A dirigé le FSB (services secrets) de 1999 à 2008. Secrétaire du Conseil national de sécurité, traite les questions liées aux services et à l’antiterrorisme. Joue les émissaires auprès de certains dirigeants (Bouteflika, M6…). Dmitri Chougaev, responsable de la coopération militaro-technique, gère, lui, les contrats d’armement. EVGUENI PRIGOJIN Alias « le cuisinier de Poutine ». Officiellement sans lien avec le Kremlin, cet homme de l’ombre financerait Wagner, une société de sécurité privée, présente en Centrafrique, au Soudan, en Libye… En Syrie, elle toucherait 25 % de la production des sites pétroliers et gaziers que ses mercenaires « protègent ».
26 JANVIER En Côte d’Ivoire, le RHDP sera officiellement créé le 26 janvier, lors d’un congrès constitutif que le parti présidentiel veut transformer en démonstration de force. Mais Alassane Ouattara a déjà défini les contours de ce parti unifié, dont il prendra la tête. Il sera entouré d’un conseil politique
d’une trentaine de membres, où siégeront les poids lourds du RHDP et qui sera chargé de travailler sur la stratégie de cette formation. Un directoire, doté d’un président, sera également constitué. Mission principale de ses vingt membres: mettre le RHDP en
ordre de bataille pour la présidentielle de 2020 et organiser la convention d’investiture de son candidat, qui doit se tenir dans un an. Une primaire a été un temps envisagée, mais, finalement, ce sera Ouattara qui désignera un prétendant, dont il soumettra le nom à la convention.
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PROJECTEURS
LES GENS
L’HOMME DE L’ANNÉE
Ces réformes valent au Premier ministre une popularité d’autant plus spectaculaire que ses prédécesseurs étaient confrontés, depuis 2015, à une vive contestation, surtout dans les régions Amhara et Oromo (60 % de la population à elles deux). Les contestataires dénonçaient la corruption, l’accaparement de leurs terres et la mainmise de la minorité tigréenne (6 % de la population) sur le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (FDRPE), la coalition au pouvoir. La réponse essentiellement répressive ayant échoué, certains spécialistes en venaient à redouter un éclatement du pays sur des bases ethniques… Abiy Ahmed a choisi une stratégie inverse: épouser la contestation jusqu’à s’en faire le porte-parole.
Abiy Ahmed, le négus du changement
Le Premier ministre éthiopien veut en finir avec l’ancien régime autocratique, pacifier les provinces rebelles et se réconcilier avec le frère ennemi érythréen. Mais n’est-il pas trop pressé ?
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Syncrétisme
C’est ainsi que, contre toute attente, il est parvenu à conquérir le pouvoir. Issu d’une famille polygame et adepte du syncrétisme (il est protestant, né d’un père musulman et d’une mère chrétienne orthodoxe), il s’est engagé en 1991, à 15 ans, dans l’Organisation démocratique du peuple oromo
LA BANDE DES TROIS
FITSUM AREGA
Nommé directeur de cabinet en avril, il est de la même génération que le Premier ministre. Reconduit parallèlement à la tête de la Commission éthiopienne des investissements, il connaît bien le secteur privé. C’est par lui qu’il faut passer pour avoir accès à Abiy Ahmed. Très actif sur les réseaux sociaux, il fait aussi office de porte-parole.
SEARE MEKONNEN
Il a été nommé chef d’état-major. Le fait qu’il soit tigréen n’est pas un handicap, au contraire: il est bien placé pour apaiser les craintes des régions du Nord. Mais saura-t-il réduire les mouvements de contestation qui perdurent ici et là ? Les attaques qui ont récemment visé certaines communautés – les Somalis, notamment – auront, pour l’armée, valeur de test.
TWITTER/EUINETHIOPIA
L’un dirige son cabinet, l’autre est à la tête de l’armée, le troisième pilote l’économie. Ce sont d’indéfectibles soutiens du chef du gouvernement.
DR
Au siège de l’Union africaine, à AddisAbeba, Abiy Ahmed est une star. Ce 18 novembre, le chef du gouvernement éthiopien enchaîne les entretiens, poursuivi par une nuée de journalistes. Il ne répond à aucune question, mais se plie volontiers au petit jeu des selfies avec les agents d’entretien de l’UA – des compatriotes pour la plupart. Il n’est arrivé au pouvoir qu’au mois d’avril. Avant, cet homme de 42 ans à l’allure sportive était un parfait inconnu hors de l’Oromia, sa région. Mais depuis qu’il a entrepris de transformer le régime marxisant en place à Addis depuis vingt-sept ans – et dont lui-même est issu – en une démocratie libérale, il jouit d’une immense notoriété. Il faut dire qu’il a tout à la fois chamboulé les traditions de son pays et bouleversé la physionomie de toute la région, se forgeant au passage une réputation de réformateur pressé. Personne ne peut encore dire s’il gagnera son audacieux pari. Mais il a déjà fait de grands pas dans la bonne direction : libération des prisonniers politiques, levée de la censure sur internet, retour des opposants en exil, formation d’un gouvernement paritaire (la Défense a notamment été confiée à une femme), etc. Le 22 novembre, il a même nommé l’opposante Birtukan Mideksa à la tête de la commission électorale et promis que les premières élections ouvertes et transparentes de l’histoire du pays se tiendraient en 2020. Sous son égide, l’Éthiopie s’est engagée dans un processus de paix
avec l’Érythrée voisine, avec laquelle les hostilités duraient depuis 1998. Avec l’aide des États-Unis, de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, Abiy Ahmed a entamé des discussions, puis accueilli en grande pompe le président Afeworki, à Addis, en juillet. Les échanges commerciaux et les liaisons aériennes ont repris, et les sanctions de l’ONU contre Asmara ont été levées. Même Djibouti, qui n’a rien à gagner à une réconciliation entre ses deux voisins (son port est actuellement l’unique point de passage des échanges commerciaux de l’Éthiopie avec le reste du monde), parle de nouveau avec l’Érythrée, dix ans après une courte guerre entre les deux pays.
DR
PIERRE BOISSELET, envoyé spécial à Addis-Abeba
AMBACHEW MEKONNEN
Étoile montante du parti amhara ANDM, le nouveau ministre de l’Industrie a pour mission de transformer le modèle de développement éthiopien, jusqu’ici fondé sur l’omniprésence de l’État. Vaste programme! Les exportations de biens manufacturés n’ont pas dépassé 488 millions de dollars en 2017-2018. Soit la moitié de l’objectif fixé. Pour regagner du terrain, Mekonnen entend relancer la production d’électricité et améliorer les infrastructures.
EDUARDO SOTERAS/AFP
Au centre (écharpe rouge), accueillant le président somalien, Mohamed Abdullahi Mohamed (à sa droite), le 9 novembre, à Gondar.
(OPDO), à l’époque groupuscule allié à la rébellion menée par Meles Zenawi contre le régime stalinien de Mengistu Haile Mariam. Ayant intégré l’armée régulière après la victoire, il est envoyé comme Casque bleu au Rwanda juste après le génocide, puis, en 1998, sur le front érythréen. En 2007, le jeune militaire rentre à Addis. Doué en informatique, il cofonde l’Agence éthiopienne de sécurité des réseaux d’information (INSA), un nouveau service de renseignements chargé (notamment) de la surveillance d’internet. Trois ans plus tard, il quitte l’agence et l’armée pour rejoindre les rangs de l’OPDO. Élu député, il s’implique dans la résolution des conflits religieux dans sa région d’origine. Fait rare, il lui arrive même de critiquer au Parlement la politique des autorités. Quand la révolte éclate, en 2015, son parti n’échappe pourtant pas à la vindicte populaire: il est vu comme le complice du gouvernement. Pour se sauver, il choisit de porter à sa tête un tandem de quadragénaires : Lemma Megersa devient président et Abiy Ahmed, vice-président. La chaîne publique oromo est-elle accusée d’être un instrument de propagande au service d’Addis-Abeba ? Abiy Ahmed,
désormais à la tête de son conseil d’administration, change sa ligne éditoriale et demande à ses journalistes de couvrir les manifestations. Cette politique permet à l’OPDO à la fois de retrouver un soutien populaire et d’accroître la pression sur la frange autoritaire du parti au pouvoir.
Tractations
En février 2018, le Premier ministre Hailemariam Desalegn démissionne, mais fait en sorte qu’un Oromo lui succè de. Lemma Megersa n’étant pas député, il ne peut prétendre au poste et se retire au profit d’Abiy Ahmed. Après plusieurs semaines d’âpres tractations, l’aile dure de l’EPRDF capitule. Le parti adoube l’ancien militaire. Avec beaucoup d’habileté et un peu de chance, le nouveau Premier ministre consolide son pouvoir. En juin, il échappe à un attentat à la grenade. Quatre mois plus tard, il parvient à retourner un groupe de militaires mécontents entrés de force à la primature. Dans l’intervalle, il a porté de rudes coups à ses rivaux.
En août, un mandat d’arrêt est lancé contre Getachew Assefa, l’ex-chef des services de renseignements. En novembre, 63 de ses agents sont arrêtés. Reste à savoir si ces purges ne menacent pas de déstabiliser l’État, et si, à vouloir aller trop vite, Abiy Ahmed ne risque pas de trébucher. D’autant qu’il ne contrôle pas les insurrections communautaires qui perdurent dans les provinces. Il refuse de recourir à la force, mais ses appels au calme et à l’unité demeurent sans écho. Le nombre des déplacés « intérieurs » a même augmenté depuis son élection (1,4 million de personnes en septembre). Et le risque de partition du pays n’est pas écarté. Pour l’instant, Abiy Ahmed bénéficie de l’appui des Émirats (3 milliards de dollars d’aides et d’investissements annoncés), de l’Arabie saoudite et même des États-Unis. Mais l’administration Trump s’intéresse-t-elle suffisamment au continent pour lui apporter un soutien décisif ? À l’évidence, la route du Premier ministre reste semée d’embûches.
Des élections transparentes et ouvertes en 2020 ?
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PROJECTEURS
LES GENS
ANNA SYLVESTRE-TREINER
a silhouette est frêle, ses gestes restent ceux d’un homme fragile et son visage est marqué par la maladie. Mais Muhammadu Buhari n’est pas mort. « C’est bien moi », a assuré d’une voix timide le président nigérian, début décembre, se décidant enfin à mettre un terme aux rumeurs délirantes dont il fait l’objet depuis des mois. « Je ne suis pas un clone », a-t-il juré à ceux qui croient aux folles thèses complotistes, que Nnamdi Kanu, le leader indépendantiste biafrais, a alimentées. Selon elles, le chef de l’État serait mort depuis des mois et un sosie originaire du Soudan, prénommé Jibril, aurait pris sa place. Avant d’évoquer la fin clinique du président, nombreux étaient ceux qui pariaient sur sa disparition politique. Fatigué et en difficulté, il ne se battrait pas pour un second mandat, racontait-on dans les quartiers cossus d’Abuja. Et pourtant… Buhari est là, prêt à jeter toutes ses forces dans la bataille et à défier Atiku Abubakar, son principal adversaire. L’élection présidentielle du 16 février s’annonce aussi incertaine que serrée. Sur les 78 prétendants qui rêvent de conquérir Aso Rock Villa, seul le candidat du Peoples Democratic Party (PDP) semble en mesure de ravir le pouvoir à l’All Progressives Congress (APC). Au Nigeria, il faut, pour mener une campagne électorale, disposer de solides relais locaux et d’énormes moyens financiers.
S
Yachts et bidonvilles
Septuagénaire, originaire du Nord et musulman comme Buhari, « Atiku », comme le surnomment ses compatriotes, est lui aussi est un vieux routier de la politique. La comparaison s’arrête là. Visage replet, silhouette arrondie, il enchaîne les meetings avec vigueur et hargne. Après avoir tout tenté, pendant vingt-cinq ans, pour accéder à la magistrature suprême, l’ancien vice-président est enfin parvenu, début octobre, à être intronisé candidat du principal parti d’opposition. « Je vais remettre le Nigeria au travail ! », scande-t-il, reprenant un slogan qui a permis à Donald Trump d’accéder à la Maison-Blanche. Surfant sur sa carrière de businessman et insistant sur l’un des points noirs du bilan du président sortant, il promet de créer 3 millions d’emplois par an et de sortir 50 millions de Nigérians de la misère. Qu’importe si ces promesses paraissent peu réalistes. Pays des extrêmes et des superlatifs, où les yachts rutilants côtoient les tentaculaires bidonvilles de Lagos, la première puissance ouest-africaine est devenue cette année le pays au monde où vivent le plus grand nombre (87 millions) de personnes très pauvres.
NIG Muhammadu Buhari Le président sortant, candidat de l’APC…
S’il a fini par sortir de la récession qui l’a frappé en 2016, le Nigeria reste très affecté par la chute du prix du pétrole. « Les Nigérians ont le sentiment de vivre moins bien qu’il y a cinq ans. Avec la baisse des cours de l’or noir, les dotations aux États ont diminué. Résultat, dans la plupart d’entre eux, les impôts n’ont cessé d’augmenter, explique Laurent Fourchard, spécialiste du Nigeria au sein du Ceri, le centre de recherche de Sciences-Po. La question de la croissance économique sera au cœur de la campagne électorale. Atiku fera valoir son expérience en la matière. » Vice-président de 1999 à 2007, ce libéral avait notamment dirigé le Conseil national pour la privatisation, supervisant la cession de nombreuses entreprises publiques. Surtout, ce membre fondateur du PDP n’a cessé, tout au long de sa carrière politique, de faire prospérer ses affaires. Agent des douanes pendant vingt ans jusqu’à en devenir le directeur adjoint, il a créé en parallèle un vaste empire, présent dans le secteur du pétrole, de l’agriculture, des boissons… Multimillionnaire, il est aujourd’hui l’un des hommes les plus riches du pays. Un succès qui séduit autant qu’il rebute. « S’il a réussi, Atiku n’incarne pas pour autant le self-made-man. Il a acquis sa fortune durant les années qu’il a passées aux douanes, ce qui entretient un fort soupçon de corruption et de conflits d’intérêts », explique Marc-Antoine Pérouse de Montclos, directeur de recherches à l’Institut de recherche pour le
D’un côté, un chef de l’État au bilan mitigé, pas bling-bling pour un sou…
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ERIA Atiku Abubakar … et le candidat du PDP, son principal adversaire
développement (IRD). Ses détracteurs soulignent le drôle de mélange des genres, entre politique et affaires, dans lequel excelle le candidat. L’intéressé rétorque qu’il n’a jamais été condamné. Face à lui, l’austère président fait plus que jamais figure d’homme intègre. Pas bling-bling pour un sou et tout en retenue, l’ancien général continue à incarner l’ordre et la rectitude, malgré des résultats peu convaincants. S’il avait fait de la lutte de la corruption l’une de ses promesses phare en 2015, Muhammadu Buhari n’a pas réussi à s’attaquer en profondeur à ce mal persistant. Selon l’ONG Transparency International, la corruption n’a pas diminué ces cinq dernières années.
Machine grippée
UN PHOTO/RICK BAJORNAS ; TWITTER ;
de nombreux barons de la politique ont déserté cette large coalition : députés, gouverneurs, présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale, anciens chefs de l’État et même Atiku Abubakar ont fait défection pour rallier le camp adverse. Adepte de la transhumance électorale, le candidat du PDP peut, en revanche, compter sur quelques soutiens de poids. Dont celui de deux anciens présidents: Ibrahim Babangida et, plus surprenant, Olusegun Obasanjo, qui, après des années de brouille et de haine, lui a tendu la main. S’il a perdu du terrain, Muhammadu Buhari est néanmoins loin d’être vaincu. « Le jeu est très ouvert. Certes, les électeurs critiquent Buhari, mais ils n’ont pas oublié qu’à l’époque où le PDP était au pouvoir, la situation n’était pas meilleure. Et puis, la présidentielle se joue aussi sur le plan local : il faut obtenir au moins 25 % des voix dans au moins 24 des 36 États. De ce point de vue, le président semble mieux ancré dans le pays », décrypte Laurent Fourchard.
Grogne sociale
Membre de l’aristocratie du Nord, haoussa et musulman, il bénéficie toujours d’un soutien quasi inconditionnel dans le septentrion. « On a coutume de dire que pour l’emporter, il faut au moins gagner deux des trois États clés que sont Lagos, Kano et le Rivers. Le Rivers devrait revenir à Atiku Abubakar, et Kano, à Muhammadu Buhari. Reste Lagos, où règne une certaine incertitude », analyse Marc-Antoine Pérouse de Montclos. Alors que le candidat du PDP est traditionnellement majoritaire dans les États du Sud, le sud-ouest igbo devrait une fois encore être le faiseur de roi. À deux mois de l’élection, les sondages donnent des résultats contradictoires. Pour beaucoup, une seule chose paraît certaine : à 72 et 76 ans, ces deux figures historiques de la politique nigériane incarnent la continuité. « Il faut chasser “Butiku” ! », s’est ainsi exclamée Obiageli Ezekwesili. Cette ancienne ministre, chantre de la lutte anticorruption et elle aussi candidate à la présidentielle, semble avoir peu de chances d’obtenir un score significatif, mais se fait l’écho d’une certaine grogne sociale dans un pays où la majorité de la population a moins de 30 ans. « Que ce soit Atiku ou Buhari, le futur président risque d’être mal élu, avec un faible taux de participation et sans majorité claire. Beaucoup d’observateurs craignent que les quatre prochaines années soient marquées par un certain immobilisme », estime Pérouse de Montclos. « La partie promet d’être serrée, conclut un diplomate en poste à Abuja. Bien malin celui qui se risque à faire des pronostics. Au Nigeria, on se trompe toujours ! »
… de l’autre, un homme d’affaires dont la réussite fascine autant qu’elle rebute.
En accédant au pouvoir à la faveur de la première alternance pacifique depuis le retour à la démocratie, Buhari a inspiré autant d’espoir lors de son arrivée qu’il suscite de déception aujourd’hui. Même dans le combat contre Boko Haram, le bilan de ce haut gradé est médiocre. Face au groupe jihadiste, le putschiste, qui avait tenu son pays d’une main de fer entre 1983 et 1985, avait paru être l’homme de la situation. Las ! même divisée et affaiblie, Boko Haram n’en poursuit pas moins attaques et enlèvements. Et puis, en cinq ans, la machine APC, qui avait mené Buhari au pouvoir, s’est grippée. Ces derniers mois,
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PROJECTEURS
LES GENS
Omar Sy
Dans Yao, son prochain film, il joue le rôle d’une star de l’Hexagone qui se rend sur la terre de ses ancêtres, au Sénégal. Après celui des Français, dont il est l’une des célébrités préférées, va-t-il conquérir le cœur des Africains? TÊTU
RÉSEAU
Il est ami de longue date avec d’autres stars qui ont grandi à Trappes, en banlieue parisienne : Jamel Debbouze, qui lui a confié ses premiers jobs d’humoriste, Nicolas Anelka, qu’il a toujours défendu face à la presse et aux supporters mécontents… Il est aussi complice avec le rappeur Mokobé, avec qui il a créé « la danse du mal au dos ».
BOX OFFICE
Intouchables, qui a propulsé sa carrière, est le long-métrage français le plus vu hors de l’Hexagone : plus de 50 millions d’entrées dans le monde. Pour son rôle dans ce film, il a reçu le César du meilleur acteur en 2012, une première pour un comédien noir en France.
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BONHEUR
Il est en couple depuis vingt ans avec Hélène Sy, la mère de ses cinq enfants, qu’il présente comme
PRIMO BAROL / ANADOLU AGENCY/AFP
Il fait partie d’une fratrie de huit. Sa mère, d’origine mauritanienne, était femme de ménage ; son père, un peul émigré de Bakel (Sénégal), ouvrier dans une usine automobile en France. « Fais pas de vagues, fais pas de bruit », lui conseillent ses parents. Lui s’obstine, en autodidacte : il joue la comédie sans passer par une école et accepte son premier rôle à Hollywood avant même de maîtriser l’anglais.
son « seul manager ». Celle-ci dirige l’association CéKeDuBonheur, qui améliore la qualité de vie des enfants hospitalisés en organisant notamment des rencontres avec des personnalités, de Marion Cotillard à Nagui, en passant par Leïla Bekhti.
HOLLYWOOD
Il est l’un des rares Français à poursuivre une vraie carrière à Hollywood. Il apparaît dans X-Men: Days of Future Past, Jurassic World, Inferno, et donnera la réplique à Harrison Ford dans L’Appel de la forêt, adapté du roman de Jack London (sortie en décembre 2019).
NI NOIR NI BLANC
« Je ne suis pas un acteur noir », a-t-il déclaré à JA, affirmant par là vouloir être vu avant tout comme un comédien. Il a incarné des personnages de fiction théoriquement blancs dans les adaptations de L’Écume des jours et de Knock. On l’apercevra sur Netflix dans le rôle d’Arsène Lupin.
FLOP
Son apparition dans un film ne transforme pas forcément un navet en
blockbuster. À preuve : Le Flic de Belleville n’a fait « que » 600 000 entrées, alors qu’il était diffusé sur 500 écrans.
COLÈRE
Connu pour son rire tonitruant, il peut aussi se fâcher très fort. Par exemple contre le polémiste Éric Zemmour, qu’il a traité de « criminel », rappelant qu’il a été condamné pour incitation à la haine. Ou, plus récemment, à la gare de Lyon, contre un contrôleur qui ne voulait pas le laisser monter dans un train avec sept valises… provoquant l’intervention de la police.
CRÉSUS
Selon le magazine Capital, il serait, après Marion Cotillard, l’acteur français le mieux payé, avec des revenus estimés à 3,4 millions d’euros pour l’année 2016.
RACINES
Dans Yao, il est acteur et aussi coproducteur, car il voulait s’investir dans cette aventure qui, selon lui, « raconte le Sénégal de 2018 ». Les premières interviews qu’il a données et les avant-premières ont toutes eu lieu sur place. LÉO PAJON
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PROJECTEURS
L’ŒIL DE GLEZ
ALORS, PRÊTS POUR 2019? SANTÉ Au boulot, les blouses blanches !
Au début de 2018, l’OMS avait alerté contre le risque d’une propagation de la peste depuis Madagascar. Les mois suivants, on a observé une résurgence du choléra (du Cameroun à l’Algérie), un retour du virus Ebola (en RD Congo) et une expansion de la « variole du singe » (en Centrafrique). Peut-on espérer qu’en 2019 ces maladies régresseront, voire seront éradiquées ?
FRANC CFA Le chant du sigle ?
Front anti-CFA de l’ONG Urgences panafricanistes, rumeurs de dévaluation, lancement de la crypto-monnaie Akoin, annonce de la création d’une « monnaie Cedeao » en 2020… Le franc CFA restera-t-il un enjeu idéologique en 2019? Les 3 et 4 avril, l’université de Dschang (Cameroun) organisera un colloque intitulé « Le franc CFA en débat ». Vaste programme.
MAGHREB Coucou, nous revoilà…
Trois pays voisins : l’Algérie, la Mauritanie et la Tunisie. Trois élections présidentielles prévues en 2019 : en avril, en juin et en décembre. Trois présidents sortants, à qui l’on prête l’intention de briguer un nouveau mandat ou de continuer à tirer les ficelles en coulisses : Abdelaziz Bouteflika (81 ans), Mohamed Ould Abdelaziz (62 ans) et Béji Caïd Essebsi (92 ans). Wait and vote.
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RD CONGO Nouveau départ pour le Léopard ?
Alors que Joseph Kabila prend une vraie fausse retraite, un nouveau visage incarnera la République démocratique du Congo. La valse des personnalités suffira-t-elle à redonner de l’espoir à un Léopard congolais confronté à de nombreux fléaux: dialogue politique laborieux, corruption, trafics et prébendes, crise sanitaire, humanitaire et sécuritaire dans l’est du pays?
SÉCURITÉ Au jeu du chat et de la souris
Au Sahel, l’année 2018 aura été marquée par une forte progression des attaques terroristes dans l’est du Burkina. Un an après le lancement de la première opération militaire du G5 Sahel, l’efficacité de ce cadre de coordination qu’ont établi la Mauritanie, le Mali, le Burkina, le Niger et le Tchad peine à convaincre, et les promesses de financement ne sont pas toujours tenues. Pendant ce temps, sur le terrain, les acteurs jouent au chat et à la souris…
OBJETS MAL ACQUIS Macron lance ses journées du patrimoine
En 2017, Emmanuel Macron avait proposé d’engager un vaste mouvement de restitution des œuvres d’art africaines aux musées du continent. En 2018, le président français a nommé deux experts pour en étudier les modalités, le Bénin a constitué un comité de réflexion, la RD Congo et le Nigeria ont réclamé à leur tour que les anciens pays colonisateurs leur rendent leur patrimoine volé ou confisqué. L’année 2019 sera-t-elle celle des grandes rétrocessions ?
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PROJECTEURS
LES GENS
DÉMOCRATIE Superhéros ou inspecteurs Gadget ?
À peine était-il arrivé au pouvoir qu’Abiy Ahmed, le Premier ministre éthiopien, normalisait les relations de son pays avec l’Érythrée, engageait un processus de paix avec les rebelles de l’Ogaden et nommait le premier gouvernement paritaire de l’histoire de son pays. L’Angolais João Lourenço, lui, s’est attaqué à la corruption, à l’inflation et à l’organisation d’élections municipales inédites depuis l’indépendance. Tiendront-ils la distance ?
FOOTBALL Bonneteau et effet domino
TOURISME Tous en Afrique !
Selon les professionnels du tourisme, l’Afrique devrait avoir le vent en poupe en 2019. En Égypte et en Mauritanie, la reprise se confirme, le Zimbabwe ou Madagascar multiplient les opérations de charme, et le tourisme médical se porte bien. En 2030, l’Afrique pourrait accueillir 110 millions de voyageurs extérieurs au continent.
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Au moment où elle retirait au Cameroun l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations 2019, la Confédération africaine de football décidait de décaler de deux ans les CAN déjà programmées : celle du Cameroun à 2021, celle de la Côte d’Ivoire à 2023 et celle de la Guinée à 2025. Une idée du président Ahmad Ahmad qui n’est pas du goût de tout le monde.
WWW.CMA-CGM.COM
Depuis 40 ans, sur toutes les mers du monde…
40 ans/Transporter l’avenir
L’aventure continue
PROJECTEURS
ESPRITS LIBRES
Trump, Xi et nous Alioune Sall Docteur en sociologie Directeur exécutif de l’Institut des futurs africains ’année 2019 sera-t-elle celle de l’apaisement entre les États-Unis et la Chine ? Nombreux ceux qui se sont pris à y croire, au début de décembre, en voyant les présidents Donald Trump et Xi Jinping parvenir à un accord dans la guerre commerciale qui oppose, depuis bientôt un an, leurs pays. Hélas, les espoirs nés à Buenos Aires en marge du sommet du G20 ont eu tôt fait d’être douchés : quelques heures après la conclusion de cette « trêve », Meng Wanzhou, la directrice financière de Huawei et fille du fondateur du géant chinois des télécoms, était arrêtée au Canada, à la demande de la justice américaine, qui la soupçonne d’avoir délibérément violé les sanctions contre Téhéran… D’accord il n’a bientôt plus été question ; et le monde de retenir son souffle, en se demandant ce qui pourrait advenir. À la réflexion, rien dans cette séquence n’aurait dû surprendre les observateurs des relations sinoaméricaines. Cela fait près de vingt ans que les deux pays s’affrontent à travers une surenchère de taxes et de droits de douane. Et que la nécessité de contenir les « ambitions hégémoniques de la Chine » a été érigée au rang de doxa par les architectes de la politique internationale des ÉtatsUnis avec une continuité remarquable. C’est l’administration Bush qui a envoyé les premiers signaux forts en accordant une place prépondérante à la zone Asie-Pacifique – au détriment du Moyen-Orient. Cette orientation n’a pas été remise en question par l’administration Obama, qui a consolidé, voire amplifié sur certains points, les jalons posés par son prédécesseur.
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L’administration Trump, qui tente d’infléchir l’influence grandissante du géant chinois, n’aura, sous ce rapport, rien inventé.
Au beau fixe
Tout au long de ces trois mandats, reliés par un même fil rouge – celui de la peur –, Washington s’est souvent retrouvé dans une position inconfortable. Il lui a fallu négocier avec un pays devenu un acteur incontournable pour la croissance mondiale. Et, dans le même temps, déployer un arsenal de mesures commerciales, diplomatiques et militaires, comme la hausse des ventes d’armes aux pays frontaliers de l’Empire du milieu, qui laissent peu de place au doute sur ses intentions… Cette politique – que certains ont vite qualifiée de schizophrénique – n’a-t-elle pas finalement renforcé les appétits chinois ? Cela n’est pas exclu. Mais une chose est claire: les questions d’excédent (ou de déficit) commercial vont prendre le pas, au moins à court terme, sur toute autre considération. Quid de l’Afrique dans cette guerre condamnée à s’intensifier ? Elle a jusqu’à présent été relativement épargnée, et semble même en mesure de tirer parti de la situation. C’est du moins une lecture possible de l’adoption, en octobre 2018, par le Sénat américain, d’un texte créant une nouvelle institution de financement du développement, dont on peut valablement penser qu’elle est une réponse directe
de Trump à l’initiative chinoise « One Belt, One Road » et aux 60 milliards de dollars promis par Xi Jinping en faveur du développement du continent. Par ailleurs, en dépit de quelques anicroches avec l’Afrique du Sud, le Rwanda ou la Mauritanie, l’Agoa – loi américaine sur la croissance et les perspectives économiques en Afrique, qui donne droit à un certain nombre d’avantages commerciaux – est demeurée intacte. De la même manière, et malgré quelques récriminations ici ou là, les relations sino-africaines sont globalement au beau fixe. En dix ans, les investissements chinois sur le continent ont d’ailleurs atteint un ordre de grandeur comparable à celui – historique – des États-Unis et continuent de croître. Mais le beau fixe n’est-il pas par nature passager ? Ne faut-il pas se rendre à l’évidence et considérer que, du fait de leur grande dépendance vis-à-vis de la Chine, les économies africaines pourraient finir par se trouver durablement affectées par les tensions entre Pékin et Washington ? Point n’est besoin d’être un grand spécialiste pour comprendre que, lorsque les États-Unis augmentent leurs taxes sur les produits chinois, ceux-ci se vendent moins, et les matières premières africaines qui servent à leur fabrication aussi. Si donc l’économie chinoise venait à marquer le pas, l’Afrique serait forcément affectée, d’autant que les aides ou les projets chinois sur le continent pourraient être revus à la baisse.
Et si la Chine délocalisait en Afrique pour contourner les restrictions douanières ?
Le Rwanda, cette start-up nation Scholastique Mukasonga Écrivaine rwandaise, lauréate du prix Renaudot 2012 pour Notre-Dame du Nil L’effet domino redouté n’a pour l’instant pas eu lieu, mais l’Afrique se doit d’écarter le spectre d’un tel scénario, dans lequel elle serait une simple victime collatérale. Heureusement, d’autres perspectives peuvent être imaginées. Le salut pourrait venir de la diversification des économies, l’idée étant de réduire la dépendance tant par rapport aux importations chinoises que vis-à-vis des exportations vers les États-Unis. Une grande incertitude plane sur la possibilité d’une reconfiguration des chaînes de production depuis la Chine, qui reste l’usine du monde, vers un mode d’organisation plus éclaté : Pékin n’a-t-il pas déjà délocalisé dans d’autres pays d’Asie du Sud-Est pour contourner les restrictions douanières ? Pourrait-il envisager d’en faire de même avec l’Afrique, et ainsi lui permettre de développer des industries et de créer des emplois ? Si l’option est concevable, le continent est-il outillé à court terme pour en tirer parti, quand on sait que cette reconfiguration exigerait du temps et des ressources humaines et financières? Pour l’heure, il est probable que la guerre commerciale sino-américaine ne constituera pas, pour la vaste majorité des économies africaines, l’occasion d’accroître leur marge de manœuvre ou de réduire leur dépendance. Au mieux, elle fera office de piqûre de rappel en faveur de réformes en profondeur… Car, si un tel affrontement entre deux géants n’est bon pour personne, les seuls qui pourront en tirer un quelconque bénéfice seront les grands émergents du monde en développement. Et peu sont africains.
Kigali, le moyen de transport le plus populaire, parce que le moins onéreux, est le taxi-moto. Des essaims entiers sillonnent les rues, zigzaguant dans l’intense circulation. Mais, si vous habitez un de ces nouveaux quartiers résidentiels excentrés qui montent à l’assaut du relief escarpé de la capitale du Rwanda, où les villas se sont bâties si vite que la chaussée n’a pas encore été goudronnée, il est peu probable que vous en croisiez un. Vous faudra-t-il vous frayer un chemin sur la piste défoncée jusqu’à une grande artère ? Non, bien sûr, puisque, comme tous les Rwandais, vous avez un téléphone portable et pouvez appeler un de ces motards qui utilisent l’application Tigo, semblable à Uber, grâce à la géolocalisation sur tout le territoire. Le mobile est devenu un instrument indispensable pour les citadins. Un réseau de 500 km de fibre optique s’étend sur toute la ville, et l’accès au 4G est partout assuré, même dans les 400 bus mis en service depuis 2016. Ce précieux instrument vous permet de faire à peu près tout : réaliser vos achats, consulter votre compte en banque, percevoir votre fiche de paie et votre salaire, payer votre électricité « à la carte » et ainsi contrôler votre consommation… Et cette révolution numérique ne se limite pas à Kigali. Quelque 92 % de la population rwandaise
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a maintenant accès à la 4G. Cela a notamment aidé à développer la télémédecine à destination des villages éloignés des centres de soins. Sur les collines, des « agents communautaires » ont pour mission, par exemple, de signaler par SMS une grossesse à risque, mais aussi de repérer un certain nombre de symp tômes de maladies à surveiller. À chacun correspond un code à envoyer aux services d’urgence de l’hôpital le plus proche. Selon Erik Gorju, qui dirige le département de télémédecine au ministère de la Santé, ce service a permis de sauver la vie de 590 000 bébés entre 2009 et 2015.
Aujourd’hui, 92 % de la population du pays a accès à la 4G.
Devant Amazon
Le Rwanda est aussi pionnier dans l’utilisation des drones. Il a même devancé Amazon. Mais ces objets volants ne sont pas là à des fins commerciales : ils livrent dans l’urgence des poches de sang ou des médicaments de première nécessité aux centres de soins isolés. C’est la société Zipline, une start-up créée dans la Silicon Valley, qui est à l’origine du projet. Depuis l’inauguration de la première base de lancement par le président Paul Kagame, en octobre 2016, 8 000 colis de 1,8 kg ont été ainsi parachutés. Pays hightech, start-up nation, le Rwanda montre la voie… et c’est, à n’en pas douter, celle qu’emprunteront les autres États africains.
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Vodacom Congo - Bilan 2018 et Perspectives 2019 Mr Anwar SOUSSA, Directeur Général de Vodacom Congo, dresse un bilan exceptionnel de l’année 2018. Bien que remplie de défis, il dévoile que cette année a été fructueuse et parle de perspectives d’avenir rassurantes pour l’année 2019. Après une année et demi à la tête de Vodacom Congo, Monsieur SOUSSA reste confiant en l’avenir du premier opérateur en télécommunications en République Démocratique du Congo (RDC). Bilan de la première année du Directeur Général de Vodacom Congo A mon arrivée à Vodacom il y a un an, j’ai été confronté à plusieurs défis endogènes et exogènes. Premièrement, nous évoluons dans un environnement inflationniste ne nous permettant pas de projeter la stabilité de nos prix sur le marché. Couplé à plusieurs situations complexes en interne, la tâche n’était pas mince. Le défi consistait à améliorer notre capacité en terme de fréquence et d’apporter une supervision régulière à la fois sur la gestion de nos sites ainsi que sur le déploiement du réseau. Nous avons mis en place une véritable stratégie de déploiement du réseau correspondant à la maturité spécifique de chaque province et région du pays. C’est ainsi que nous avons étendu nos réseaux 2G et 3G de manière considérable, offrant un service de téléphonie approprié à toutes les couches de la population autant urbaine que rurale. Ma préoccupation est toujours de fournir le meilleur réseau possible pour la satisfaction de nos clients. Notre politique de prix a consisté à rendre nos services encore plus abordables à toutes les bourses. Nous avons développé des offres journalières et mensuelles sur me-
sure pour les appels, les SMS et l’internet. La satisfaction de nos clients est au cœur de toutes les décisions des équipes de Vodacom. Ainsi, ces ajustements ont fait de nous, cette année, la marque la plus recommandée par les consommateurs des services de téléphonie mobile. Je n’aurai pas pu accomplir toutes ces performances sans une équipe dynamique et dévouée. A ma prise de fonction, j’ai compris que la proximité et la confiance avec les employés de tout niveau est la clé du succès de toute entreprise. À commencer par mon Comité de Gestion, avec qui je prends toutes les décisions stratégiques de manière collégiale, le dialogue permanent et la transparence ont été établis en mode de gouvernance continu avec tous les employés ainsi qu’avec nos partenaires d’affaires tels que nos fournisseurs ou nos distributeurs. Nous avons aussi instauré des mesures pour l’épanouissement de nos collaborateurs : car un employé heureux, c’est des milliers de clients satisfaits et une meilleure expérience client. C’est pourquoi, cette année, nous sommes allés au-delà de ce qui est habituel. En effet, nous sommes la seule entreprise à offrir un congé maternité de six mois aux femmes. Cette nécessité à l’équilibre familiale nous l’avons aussi étendu à nos collègues hommes en leur octroyant un congé paternité de 10 jours.
Vodacom Congo, 1er investisseur dans les infrastructures réseau Pour Monsieur SOUSSA, le pilier principal de la position de force de Vodacom sur le marché des télécommunications en RDC demeure l’investissement. Il affirme que « avec plus d’un milliard de dollars d’investissement, nous continuons, année après année, à apporter de nouvelles technologies à nos clients telle que la 4G que nous avons été les premiers à lancer dans le pays. Bien plus, Nous sommes le seul réseau qui s’efforce de pénétrer les zones rurales en RD Congo, afin de servir
COMMUNIQ COMMUNIQUÉ ceux qui sont dans les zones les plus reculées. L’expansion continuelle de notre couverture 2G et 3G dans les zones rurales du Congo profond démontre notre engagement à donner accès à toute la population, à l’image des villes de Basunga, Isiro et Kisangani (Est du pays) où a été installé le « Backbone », décuplant de façon considérable la qualité du réseau autrefois dépendant presqu’intégralement des connexions satellitaires ».
Abordant le sujet de l’inclusion financière, Monsieur SOUSSA établi que, grâce aux multiples solutions offertes par la révolution M-Pesa, Vodacom a répondu tout au long de cette année aux besoins de bancarisation et de transactions financières de la population congolaise. Cette « banque dans son téléphone », a pu véhiculer en RDC, la culture de M-Pesa, la monnaie digitale à l’instar d’autres pays de la région tels que la Tanzanie ou le Kenya. « A ce jour, nous comptons plus de 5 millions d’abonnés qui se sont appropriés des services M-Pesa et l’utilisent au quotidien pour leurs transactions et paiements à distance grâce à la facilité d’utilisation, la sécurité des transactions et l’accessibilité aux services. Les commerces et les institutions ont aussi pris le train de l’inclusion financière. Grâce à M-Pesa, l’économie congolaise migre de plus en plus de l’informel au formel. C’est donc une nouvelle économie qui se crée, avec un champ de possibilités infini au regard du potentiel du marché. » conclut-il.
Vodacom Congo, 1er partenaire social privé « Au-dessus de l’assistance, notre investissement vise à transformer des vies de manière durable et à rendre aux communautés où nous opérons. Nous changeons des vies par ce que nous sommes et par ce que nous faisons. 2018 a été une année très active. La Fondation a entrepris de mettre en œuvre de nombreuses initiatives au bénéfice des populations, particulièrement dans les domaines de l’éducation et de la santé. Je pourrai citer, à titre illustratif, des programmes tels que la « Bourse Vodacom Exetat », « Vodaeduc » ou la lutte contre la fistule obstétricale. Cette différenciation par l’investissement social est une marque de fabrique dont Vodacom Congo et ses agents sont fiers. De même, le sponsoring inédit du championnat national de football, la Vodacom Ligue1, a démontré la volonté de Vodacom Congo de demeurer au cœur de la passion de ses abonnés.
Perspectives 2019 : une année de la digitalisation des communautés Sur la question des perspectives de Vodacom Congo, Monsieur SOUSSA y répond avec enthousiasme et assurance. Il affirme, qu’après une année 2018 exceptionnelle à plus d’un titre, 2019 sera l’année de la conquête de la digitalisation des communautés afin de garantir leur coexistence dans un monde désormais ultra connecté. Ayant connecté la RD Congo de bout en bout avec une technologie essentiellement basée sur la voix, les données et la messagerie, Vodacom accorde dorénavant une importance particulière à la digitalisation considérée à ce jour comme un puissant levier de croissance tant pour les communautés, les institutions publiques et les entreprises.
Vodacom Congo 16 ans de grandes réalisations en RDC • • • • • • •
Plus de 15,5 millions d’abonnés Meilleure couverture et qualité réseau Meilleure expérience client Leader dans l’innovation technologique Employeur de choix – Top employeur en RDC 1er Partenaire de l’éducation 1er Contributeur pour l’amélioration de la santé • 1er Diplôme vert en RDC • 1er Contributeur à l’inclusion financière • 1er Partenaire pour le bien être des congolais
Pour 2019, Vodacom souhaite remodeler en profondeur son mode de fonctionnement afin d’être l’entreprise numérique par excellence en RDC. L’opérateur qui renforce l’expérience digitale de ses abonnés et les accompagne dans la transition de l’ère de la voix à celle de la data, tout en créant un écosystème de méga données contenant une gamme encore plus variée de services digitaux de qualité et accessibles à tous. Parler de la digitalisation, c’est surtout penser à la protection des données. Voici encore un autre domaine où Vodacom Congo demeure l’un des rares acteurs économiques à s’y investir sans compromis. L’observation du Traité instituant le respect de la confidentialité des données est une priorité essentielle dans la réalisation de la satisfaction client. Mr Soussa conclut en confirmant que : « Vodacom Congo a plusieurs projets majeurs à mettre en œuvre dans les mois et années à venir. La transition vers le digital, le développement de l’internet, le passage d’un modèle centré sur la voix à un modèle centré sur les données, l’inclusion financière sont devant nous. Ces transformations nous allons les vivre et réussir ensemble avec nos abonnés. A tous les congolaises et congolais, ensemble avec Vodacom, je vous demande tout simplement d’être Ready ! » conclut-il en souriant. Le Corporate Affairs Contact Presse : Anaiah Bewa/Responsable des Relations Publiques Email : CorporateAffairs@vodacom.cd
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JAMG/DIFCOM - © D.R.
Vodacom Congo, 1er partenaire de l’inclusion financière
JACQUES TORREGANO POUR JA
LA GRANDE INTERVIEW
Hubert Védrine « Le monde est devenu un chaos »
Déclin de la puissance américaine, essor du populisme, tyrannie des réseaux sociaux, ampleur des migrations… L’ancien ministre français des Affaires étrangères analyse les défis auxquels est confrontée une planète sans repères ni boussole. Propos recueillis par FRANÇOIS SOUDAN et JIHÂD GILLON
LA GRANDE INTERVIEW
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HUBERT VÉDRINE
n peut être en désaccord avec lui sur certains des dossiers qu’il eut à connaître lorsqu’il exerçait, aux côtés de François Mitterrand, la fonction clé de secrétaire général de l’Élysée – le génocide des Tutsis du Rwanda, par exemple – et reconnaître qu’Hubert Védrine fut, de 1997 à 2002, l’un des meilleurs ministres des Affaires étrangères que la France a connus depuis 1945. Aujourd’hui encore, ce réaliste dans la lignée de Henry Kissinger est, avec l’universitaire Bertrand Badie, l’un des rares vrais spécialistes hexagonaux des relations internationales, qu’il suit d’un œil acéré, sans complaisance aucune pour l’hubris des Occidentaux et les chimères du politiquement correct. Consultant VIP à la tête d’un cabinet de conseil dont les clients nichent pour beaucoup au cœur du CAC 40, conférencier international et auteur d’une douzaine d’essais, dont le dernier, Comptes à rebours, traite des menaces écologiques, de l’explosion démographique, du défi migratoire et de la révolution numérique, le fils de l’ancien résistant Jean Védrine (ami de Mohammed V et d’Abderrahim Bouabid) s’est toujours efforcé d’observer le monde avec le regard de Sirius: sans préjugés ni européano-centrisme. Il analyse ici pour JA les principaux défis de l’année qui s’ouvre.
FRANÇOIS SOUDAN Jeune Afrique : Le monde est frappé par une vague populiste. Comment analysez-vous ce phénomène ? Hubert Védrine : Ce mouvement puissant concerne
avant tout les démocraties, et en premier lieu les pays occidentaux où les classes populaires, puis les classes moyennes, ont cessé de croire au discours dominant qui leur vantait les effets bénéfiques pour elles de la mondialisation et de la construction européenne. La crise européenne de 2008 est passée par là… Tant qu’il s’agissait des classes populaires, les élites s’en moquaient. Mais à partir du moment où les classes moyennes ont décroché, ce mouvement a abouti au Brexit, à l’élection de Trump, à l’arrivée au pouvoir de Conte et de Salvini en Italie, etc. Je n’analyse pas le populisme comme un virus qui s’attaque à des organismes sains. Il est le sous-produit d’une défaillance interne. Rien ne sert de l’excommunier, il faut en comprendre les causes et les traiter.
populisme sont communs à tous les pays démocratiques. Les activistes de la démocratie directe considèrent que la démocratie représentative à l’ancienne – on élit un dirigeant, on le laisse travailler, on le juge à l’issue de son mandat – est périmée. Il y a aujourd’hui une exigence furieuse, impatiente, vengeresse de contrôle permanent, de transparence absolue et immédiate, de réaction instantanée, que les réseaux sociaux et l’information continue transforment en feux de cheminée. Il est devenu extrêmement difficile de gouverner dans ces conditions, a fortiori de réformer. Je pense cela depuis longtemps, et l’émergence des « gilets jaunes » n’en est qu’une confirmation de plus. Cette situation est due à l’individualisme de masse et aux conditions de vie moderne. Cela peut aller jusqu’à un totalitarisme de tous sur chacun, qui s’appuie sur la technologie: on pourrait nous demander chaque jour sur notre portable notre avis sur le rétablissement de la peine de mort – et ce n’est qu’un exemple… Comment jugez-vous le bilan de Trump à mi-mandat ?
C’est d’autant plus troublant qu’il n’est pas entièrement négatif. En outre, je ne pense pas que sa présidence soit une parenthèse. Je la vois comme l’expression d’un spasme américain, en réaction à ce que je considère comme le fait historique majeur de ces trente dernières années : la perte, par les Occidentaux, de leur monopole dans la conduite des affaires du monde et, concrètement pour les États-Unis, le défi chinois. Les États-Unis sont comme un navire démâté: à chaque présidentielle, les Américains élisent un candidat en tout point opposé à leur président sortant. Ils ne savent pas comment s’adapter à cette perte de monopole. L’idée d’un leadership seulement relatif leur est insupportable. Trump essaie de façon brutale d’enrayer ce déclin. Peut-il y parvenir ?
Il peut marquer des points à court terme. Le nouvel accord sur l’Alena [accord de libre-échange nord-américain] n’est pas mauvais. Trump peut aussi porter atteinte
IL Y A UNE EXIGENCE FURIEUSE, VENGERESSE, DE TRANSPARENCE ABSOLUE ET IMMÉDIATE, QUI REND EXTRÊMEMENT DIFFICILE L’ART DE GOUVERNER.
Ce mouvement découle-t-il de l’élection de Trump ?
L’élection de Trump est le symptôme le plus marquant et le plus caricatural du populisme, mais le phénomène avait débuté bien avant. N’oublions pas qu’en France le traité de Maastricht n’avait été ratifié par référendum [en 1992] qu’avec une marge de 1,04 %! Certains ferments de ce
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à la capacité exportatrice de la Chine, qui est à la base de sa réussite moderne, et l’amener à composer, comme on le voit en ce moment. On ne peut donc pour l’instant pas dire qu’il a échoué. Évidemment, il désintègre le discours américano-européen universaliste sur l’organisation du monde. Depuis 1945, les Américains, tout en poursuivant leurs intérêts nationaux, avaient un plan d’ensemble pour l’humanité. Trump y est indifférent, ce qui provoque un effet de sidération, en tétanise certains, en désinhibe d’autres. Que le président américain ne fasse même pas semblant d’œuvrer pour un monde meilleur cautionne
MANDEL NGAN/AFP
Donald Trump en conférence de presse, dans sa résidence de Mar-a-Lago (Floride), le 22 novembre.
l’attitude des Netanyahou, des Erdogan, des Poutine, celle de l’Arabie saoudite et de l’Iran au Yémen, voire celle de la Chine. Trump est-il dangereux?
Oui, indirectement, car je ne pense pas qu’il veuille entrer en guerre! Sur la Russie, il avait plutôt raison contre l’État profond américain [qui, lui, est foncièrement hostile à Poutine], mais il s’est mis dans l’impossibilité de pratiquer la politique qu’il souhaite. La « communauté internationale » n’existe pas encore, c’est un objectif, mais avant Trump il y avait tout de même quelques freins. Lui fait sauter tous ces garde-fous. Je ne suis pas sûr que [le journaliste] Jamal Khashoggi aurait été assassiné dans ces conditions si les dirigeants saoudiens n’avaient pas le sentiment d’avoir les coudées franches. L’alliance américano-israélo-saoudienne pour renverser le régime iranien est finalement ce qui compte pour Trump. Face à cet unilatéralisme, les Européens ne doivent pas se contenter de se lamenter ou de faire l’autruche. La question migratoire joue un rôle clé dans cette montée despopulismes.Commentdéfinirunepolitiqueéquilibrée?
En distinguant « asile » et « migrations » d’abord, puis en cogérant ces dernières. Prenons le cas européen. Les thèses extrêmes sont absurdes. Tout fermer? C’est économiquement irrationnel, humainement cruel et de toute façon
impraticable. Ouvrir nos sociétés à tous vents? Pas tenable non plus, elles exploseraient. Si la question n’était pas instrumentalisée pour des raisons politiciennes, électoralistes ou idéologiques, on serait déjà parvenu entre Européens à une politique claire, quoique difficile à mettre en œuvre. 1. Sanctuariser le droit d’asile, au sens strict, pour ceux qui sont en danger de mort ou sont menacés dans leur pays pour des raisons liées à leur sexe, à leur religion, à leur origine ou à leur orientation politique. Le droit d’asile a été trop détourné de son objet. 2. Cogérer les flux migratoires normaux. En dehors du tragique cas syrien, ces flux sont des phénomènes économiques réguliers, durables. Les pays de départ, de transit et d’arrivée doivent harmoniser leur politique, négocier en fonction de leurs besoins sur la base de quotas par métiers. Schengen doit être réformé. Il est incroyable qu’en trente ans les États européens ne se soient toujours pas dotés d’une police des frontières digne de ce nom, du fait de la réticence des ministères de l’Intérieur et, aussi, par idéologie « sans frontiériste ». Je partage l’avis de Régis Debray au sujet des frontières. C’est-à-dire?
Une frontière n’est pas un mur, on peut la franchir, mais elle marque une limite nécessaire entre le dedans et le dehors. Aucun de ceux qui défendent l’idée d’une société ouverte ne vit sans porte ni fenêtres! Cela ne traduit a priori aucune hostilité envers qui que ce soit. C’est une gestion
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normale de l’espace, qui permet aussi d’accroître la capacité d’accueil des États. En pratique et dans le cadre de Schengen, je préconise une réunion annuelle entre pays d’arrivée, de départ et de transit, où l’on discuterait des lieux et des procédures de sélection pour distinguer ceux qui peuvent bénéficier du droit d’asile des autres migrants. Je sais que ce sujet suscite une vive polémique, mais c’est le prix à payer pour trente ans d’incurie. Certains de ces pays ont déjà fait savoir qu’ils s’opposent à l’instauration de centres de rétention sur leur sol…
on aurait besoin d’une Europe qui agisse davantage comme une puissance. Le Brexit n’a peut-être pas aidé… Que vous inspire cette phrasedeTheresaMay:«Nousquittonsl’UE,pasl’Europe»?
Elle a raison. Plusieurs pays voudront garder les relations les plus étroites possible avec la Grande-Bretagne, qui sera toujours « en Europe ». L’engrenage du Brexit, qui est le résultat d’une succession d’erreurs et d’exagérations, est regrettable. Le référendum aurait pu être évité si l’UE s’était montrée plus pragmatique et plus souple face aux demandes
JON NAZCA/REUTERS
Oui, ils se méfient de l’appel d’air. Il n’empêche : une réponse négative, c’est le début d’une discussion! Si l’Europe affirme: « C’est un sujet central, que nous avons besoin de cogérer avec vous, pays de départ ou de transit », la négociation finira par avoir lieu. Un nouveau système de traite s’est mis en place dans toute l’Afrique, avec des passeurs qui extorquent des milliers d’euros à des candidats à l’immigration dont ils savent qu’ils pourront couler en mer. Il faut casser cette exploitation cynique. Je sais bien que certains États sont soulagés de voir partir de chez eux de potentiels contestataires, mais ce sont souvent les meilleurs qui partent, et il est dommage que ces pays en soient privés. En bout de chaîne, des ONG mues par la chaMigrants recueillis dans le port de Malaga (Espagne), le 29 novembre, rité ne voient pas cette dimension, après qu’ils ont fait naufrage en Méditerranée. veulent accueillir tout le monde et alimentent ainsi la pompe. Concentrons cette générosité britanniques. Les critiques de la Grande-Bretagne sur le côté sur l’accueil et la bonne intégration de ceux qui ont obtenu trop intrusif des institutions européennes étaient partagées l’asile et sur les migrants légaux. À cet égard, le pacte de par d’autres pays. Or, ces demandes ont toujours été rejel’ONU sur les migrations, qui découle de la volonté de tées de manière intransigeante. Après le vote, le courant mieux accueillir les réfugiés, mélange tout. Veut-on attiser européiste a redouté une vaste contagion, montrant par le populisme en Europe? là qu’il n’était pas sûr du tout des sentiments profonds des Européens. Il fallait que les Britanniques souffrent affreusement de leur décision pour décourager les autres! Pourtant, Êtes-vous inquiet pour les élections européennes en mai? même les peuples européens mécontents de l’Europe ne Ce ne sont jamais des élections favorables aux partis au cherchent pas à rompre avec elle, ni à sortir de l’euro. pouvoir, mais n’exagérons pas leur importance. Il s’agit de scrutins intermédiaires, à la proportionnelle à un tour, où l’abstention est traditionnellement forte et où la tendance Sommes-nous entrés dans un monde bipolaire, avec les est souvent à la critique, mais qui ne déterminent pas qui États-Unis d’un côté et la Chine de l’autre? détiendra le pouvoir dans les vingt-sept pays d’Europe. La situation est plus complexe que cela. Il y a déjà un bras La question migratoire y jouera un rôle déterminant. Il de fer à deux, mais pas seulement. Dans les années qui ont est encore possible que, d’ici à la fin mai, Schengen soit suivi la chute de l’URSS, la Chine trouvait flatteur pour elle réorganisé et plus efficace, ce qui ferait baisser de quelques qu’on parle d’un G2. Elle était encore dans la phase de dispoints à peu près partout ce qu’on appelle le populisme. crétion recommandée par Deng Xiaoping. Plus tard, avec Xi Il redeviendra dès lors possible de parler d’autres projets Jinping, elle a décidé d’assumer sa puissance nouvelle. Je d’avenir pour l’Europe. Pour faire reculer le chaos général, ne crois pas pour autant qu’on puisse parler d’un nouveau
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« système bipolaire ». Il y a certes des éléments d’interdépendance commerciale et monétaire, mais aussi un énorme antagonisme, pas seulement commercial, qui se développe sous nos yeux, avec des escalades et des pauses. On ne peut pas écarter l’hypothèse qu’éclate un jour un affrontement militaire sino-américain pour la maîtrise de la circulation dans les mers de Chine. Au-delà de la question de leurs relations avec Pékin et plutôt que de se résigner au fait accompli, les Occidentaux doivent se préparer à un grand rendez-vous sur l’organisation du monde de demain. Après 1945, ils ont mis en place les Nations unies, le FMI, la Banque mondiale, le Gatt puis l’OMC, décidé de ce qui était bien ou mal, déterminé quels États étaient convenables et lesquels étaient « voyous ». Il n’y a pas eu, après la chute de l’URSS, de grandes discussions ou négociations internationales semblables à celles de 1918 ou de 1945. La plupart des Occidentaux pensaient que le monde était déjà organisé (par eux), que les autres devraient se couler dans ce moule et que les récalcitrants devraient se plier à leurs principes à coups de sermons, de sanctions, d’ingérence, voire d’interventions militaires. Je pense au contraire qu’avec le poids croissant des pays émergents l’échéance est devant nous. Nous sommes donc loin de la « fin de l’Histoire » que décrit Francis Fukuyama?
Je n’y ai jamais cru, ou alors ce sera dans un jour lointain. La théorie de Huntington sur le conflit des civilisations (c’était une mise en garde, pas un souhait) comporte malheureusement une part de vérité. Elle ne fait pas non plus consensus. Comme je l’ai dit, nous ne formons pas encore une « communauté » internationale, pas plus qu’il n’y a un gouvernement mondial – heureusement d’ailleurs, parce que, s’il y en avait un et qu’il était mauvais, on ne saurait dans quelle direction aller! António Guterres, le secrétaire général de l’ONU, parle de « chaos », et il a raison. Tout est instable. Les puissances établies depuis longtemps sont sur la défensive, les puissances montantes ont l’avenir devant elles mais sont en rivalité, comme l’Inde avec la Chine. Je ne crois ni à la reconstitution de l’hyperpuissance américaine, ni à celle d’un bloc occidental, ni que la Chine puisse dominer le monde – même si elle peut déjà influencer des dizaines de pays –, ni à un bloc des émergents. Cette instabilité et cette imprévisibilité sont compliquées à gérer pour les dirigeants… quand ils dirigent encore quelque chose. À cela s’ajoute le compte à rebours écologique – une question encore plus grave que tout le reste. Vous avez écrit que la Chine avait été dirigée de façon exceptionnellement rationnelle depuisDengXiaoping.Est-cetoujours lecas?
Oui. Les dirigeants chinois sont des sortes d’ingénieurs de la décision publique. De nombreux problèmes se posent en Chine.
Mais, comparé aux convulsions par lesquelles passent les démocraties « représentatives », ils n’ont pas trop à s’inquiéter des risques quotidiens de contestation. Ils sont en mesure d’établir des plans pour plusieurs décennies et de les suivre. Même en matière d’écologie, ils sont capables de nous étonner. Je ne pense cependant pas que la Chine puisse dominer le système mondial. Les Occidentaux n’ont plus le monopole, mais ils n’ont pas disparu. Et puis, l’évolution de la Chine dépendra aussi des forces qu’elle trouvera en face d’elle. Pour le moment, c’est Trump, qui, dans sa tentative de donner un coup d’arrêt à l’ascension chinoise, est largement soutenu aux États-Unis. Le système Poutine mérite-t-il autant de critiques?
Ces critiques sont caricaturales et exagérées. Ne faisons pas preuve d’amnésie. Après l’effondrement de l’URSS, dans la décennie 1990, les Russes ont perdu près de 40 % de leur pouvoir d’achat. Au fond, nous sommes chanceux qu’il n’y ait pas eu un dirigeant plus dur que Poutine. Il était assez ouvert lors de ses deux premiers mandats, et les Occidentaux l’ont traité comme quantité négligeable. Il a ensuite démontré que la Russie conservait une capacité de nuisance périphérique ou résiduelle. L’UE a commis des erreurs. Par exemple, elle a sottement conçu l’accord d’association avec l’Ukraine comme un moyen de couper ce pays de l’hinterland économique russe. Pour moi, les torts sont partagés. Comme le dit Andreï Gratchev [politologue, ancien porte-parole de Gorbatchev], on en veut aux Russes d’être restés eux-mêmes au lieu de devenir des sociodémocrates scandinaves conciliants! D’où notre exaspération. L’État profond américain, qui n’a jamais osé s’attaquer de front à la puissance chinoise, a préféré garder la Russie dans le rôle (exagéré) de menace principale. Cela nous a conduits à des relations encore plus mauvaises que pendant la guerre froide. C’est absurde. Sans compter l’idée arrogante qui avait triomphé ces vingt dernières années en Occident selon laquelle il ne faut pas parler avec des gens qui « ne partagent pas nos valeurs ». La diplomatie a précisément été inventée pour cela! Résultat: nous poussons à coups de sanctions Moscou dans les bras de Pékin. Nous devons nous montrer vigilants et maintenir un rapport de force dissuasif, tout en reconstruisant avec la Russie une relation réaliste et en aménageant un voisinage acceptable.
L’ÉVOLUTION DE LA CHINE DÉPENDRA DES FORCES QU’ELLE TROUVERA EN FACE D’ELLE.
S’agissant de l’accord sur le nucléaire iranien, comment les Européens peuvent-ils contourner les sanctions américaines?
En construisant leur autonomie. On a toléré depuis trop longtemps les sanctions unilatérales américaines. Si les Européens avaient réagi plus tôt, ils auraient peut-être pu endiguer cette hubris. Comme cela n’a pas été le cas, la propension des États-Unis à sanctionner a enflé sans limites. Quand j’étais ministre,
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LA GRANDE INTERVIEW
HUBERT VÉDRINE
j’avais fait vérifier la liste des sanctions proposées par des sénateurs américains: cela concernait les deux tiers de l’humanité. Grotesque! Aujourd’hui, l’objectif de Trump, de l’Arabie saoudite et de Netanyahou est de faire chuter le régime iranien par la guerre civile. Et il n’est pas exclu qu’ils y arrivent. Que cela puisse aggraver le chaos ne les arrêtera pas. Les États-Unis ne pardonneront jamais à l’Iran des ayatollahs. Un jour, pourtant, le régime va se déliter. Le pari d’Obama de jouer la carte de l’Iran de demain était intelligent. Nous avons des liens historiques avec les Américains, auxquels nous tenons, mais il n’est pas possible de dépendre à ce point de leur politique devenue erratique, régie par des lobbies et des lubies. Comme je l’ai résumé il y a longtemps, nous devons être « amis, alliés, mais pas alignés ». Il faut prendre une décision historique, au-delà de Trump. Construire une autonomie de décision. Angela Merkel a dit très justement : « On ne peut plus vraiment compter sur les Américains. Mieux vaut nous organiser entre nous. »
Le problème israélo-palestinien est-il insoluble?
Pour le moment, le Likoud a gagné, en recréant une sorte d’Afrique du Sud, avec des bantoustans. Même Frederik De Klerk, un ami historique d’Israël, l’a dit. Le Likoud a su neutraliser toute intervention ou pression occidentales. Les Arabes n’ont pas su ou voulu contrer cela. Ils ont laissé tomber. Quelques pays européens, surtout la France, ont fait honorablement ce qu’ils ont pu pour qu’un État palestinien voie le jour, et ce depuis le discours de François Mitterrand à la Knesset, en mars 1982. Cela n’a pas suffi. La lassitude l’a emporté.
LA POLITIQUE AMÉRICAINE EST DEVENUE ERRATIQUE, RÉGIE PAR DES LOBBIES ET DES LUBIES.
Israël pourrait-il entraîner les États-Unis dans une guerre contre l’Iran?
Je ne le pense pas, pas directement en tout cas. Les Israéliens mènent déjà une guerre informatique. Il est vrai que le Likoud a réussi à éteindre la question palestinienne et à faire en sorte que les États-Unis détruisent les ennemis successifs d’Israël. Les Israéliens continueront de frapper les alliés de l’Iran en Syrie ou au Liban, tout au plus. Je ne crois pas qu’ils veuillent un engagement militaire plus direct. Peut-être, conjointement avec les Américains, y encourageraient-ils l’Arabie saoudite ou les Émirats ? Avec tous les risques que cela comporte…
Reste-t-il un interlocuteur valable côté palestinien?
Tout a été fait pour démontrer que c’était le vide en face. Les Palestiniens les plus gênants pour les nationalistes et les ultras israéliens étaient les Palestiniens responsables, qui portaient des revendications légitimes. L’idéal pour les Israéliens – à l’exception de ceux qui appartiennent au camp de la paix – a toujours été de pouvoir prétendre que tous les Palestiniens sont des terroristes. Les rares fois où les nationalistes israéliens se sont sentis menacés, c’est quand il y a eu des plans arabes courageux, comme celui du roi Abdallah d’Arabie saoudite en 2002. Viendra le jour où les Palestiniens diront: « Puisque vous avez détruit toutes les possibilités d’État palestinien, accordez-nous des droits égaux dans cet État commun. » Faut-il cesser de vendre des armes à l’Arabie saoudite, compte tenu de la situation au Yémen et de l’affaire Khashoggi?
Emmanuel Macron a eu raison de dire qu’il n’y avait pas de lien entre les deux, même si cette dernière affaire apparaît comme celle de trop. Aux États-Unis, elle a réveillé
OMAR HAJ KADOUR/AFP
La ville de Zardana, dans la province d’Idlib, en Syrie, le 8 juin.
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LA GRANDE INTERVIEW
CHRISTOPHE PETIT TESSON/POOL/AFP
HUBERT VÉDRINE
De g. à dr : Jean-Yves Le Drian, le ministre français des Affaires étrangères, Emmanuel Macron et son homologue malien, Ibrahim Boubacar Keïta, à Gao, le 19 mai 2017.
le lobby antisaoudien. En tout cas, il faut tout faire pour arrêter les combats au Yémen. Avez-vous cru en Mohammed Ben Salman (MBS) au début?
Il n’y avait pas à croire, mais à espérer qu’il soit animé par une réelle volonté de réforme, et à observer la suite… Il avait pour lui la jeunesse, il se montrait ouvert sur le statut des femmes… On pouvait surtout en espérer qu’il mette fin au financement du prosélytisme wahhabite. C’était davantage une espérance qu’une certitude. L’Arabie saoudite n’est plus un facteur de stabilité dans la région. Elle l’est encore pour la fixation du prix du pétrole, mais la dépendance des États-Unis vis-à-vis d’elle est moins grande depuis le développement du pétrole et du gaz de schiste américains. En dépit des apparences, la relation Trump-MBS est le début du commencement de la fin du pacte du Quincy [rencontre du président Roosevelt avec le roi Abdelaziz al-Saoud, qui déboucha sur un pacte « sécurité contre pétrole », en 1945]. En Syrie, la France semble hors jeu. Quelles ont été ses erreurs?
Qui est dans le jeu, à part les voisins de la Syrie? Et quel jeu? Notre erreur a été de ne pas voir que la Russie ne pourrait pas laisser tomber le dernier régime avec lequel elle entretenait des liens étroits, et un pays où elle possède des bases. Fallait-il se positionner sans réserve du côté du printemps arabe ? Dans l’idéal oui, bien sûr, mais en en espérant quoi? À l’époque, comme personne n’avait vu venir les événements en Tunisie, que nous n’avons joué aucun rôle dans la chute de Moubarak en Égypte, il ne fallait pas rater le prochain sur la liste! C’était une motivation un peu légère… En Syrie, fallait-il faire confiance à ce point aux rebelles? J’ai pensé – à regret – depuis le début que la composante démocrate de l’opposition syrienne serait balayée par les islamistes. Je pouvais comprendre la position de François
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Hollande et de Laurent Fabius tant ce régime est cruel et oppressif. Mais cette position, moralement défendable, a échoué. Le seul moyen qu’il nous reste de nous montrer utiles en Syrie est peut-être de compter sur l’intérêt qu’a la Russie de remettre dans le jeu le seul pays occidental crédible sur le sujet, c’est-à-dire la France, pour contrebalancer le poids des Iraniens. Plus généralement, ce conflit a marqué la fin d’une période d’ingérence triomphante, qui avait commencé un peu avant la chute de l’URSS et qui s’est beaucoup développée les vingt-cinq années suivantes. Les opinions occidentales ne suivent plus. Il ne faudra intervenir à l’avenir que dans des conditions plus strictes. En 2011, vous avez soutenu l’intervention en Libye. Le regrettez-vous?
Bien que j’aie toujours été réticent en matière d’ingérence, j’ai jugé à propos de la Libye qu’il était difficile de ne rien faire face aux menaces de Kadhafi contre [les insurgés de] Benghazi. Je n’ai donc pas critiqué le début de cette intervention, qui a dérapé ensuite. Peut-être aurait-il fallu casser les colonnes de blindés de Kadhafi, empêcher ses attaques contre les civils et imposer une négociation, sans aller jusqu’à la chute du régime. N’oublions tout de même pas que, lors des premières élections [en 2012], les islamistes radicaux ont été minoritaires. Que pensez-vous d’une nouvelle candidature d’Abdelaziz Bouteflika? Est-ce un souci pour la France?
Cela ne peut que rendre… perplexe. Cela dit, j’ai constaté, quand j’étais en poste, que personne ne sait très bien comment fonctionne le pouvoir en Algérie et que la France n’a pas une influence particulière sur les décisions politiques de ce pays. Ne spéculons donc pas dans le vide. Comment jugez-vous la politique extérieure d’Emmanuel Macron?
Je me suis réjoui qu’il se soit libéré d’une série de positions moralisatrices à usage interne qui avaient fini par nous handicaper. Il s’est plusieurs fois référé au gaullo-mitterrandisme et a rejeté l’affiliation aux néoconservateurs. Dans le monde actuel, personne n’a pourtant la moindre idée de ce que feraient de Gaulle et François Mitterrand… Quoi qu’il en soit, on faisait du cabotage diplomatique, et il nous a remis en haute mer. Mais celle-ci est déchaînée. La complexité du monde est devenue telle qu’il va devoir reformuler sa politique européenne et, au-delà, sa politique étrangère. Vous êtes très « Macron-compatible », et comme chacun saitqueJean-YvesLeDrian,sonministredesAffairesétrangères, a envie de partir…
Emmanuel Macron et moi, nous nous parlons, mais je suis aussi très ami avec Le Drian, qui fait bien « le job », exactement comme Macron souhaite qu’il soit fait. Je n’ai aucune arrière-pensée politique quand je m’exprime, chacun le sait, ce qui n’empêche pas que je veuille continuer à participer au débat d’idées car le moment est grave.
ÉVÉNEMENTS
52 Interview Abdoulaye Bathily, ex-représentant spécial du secrétaire général de l’ONU pour l’Afrique centrale
62 Cemac Comment en finir avec la crise
70 Infographie 2019, une année riche en élections
Le chef de l’État de la RD Congo, Joseph Kabila, dans sa ferme de Kingakati, le 10 décembre.
JOHN WESSELS/AFP
42 Maghreb La paix en votant
Événements
MAGHREB
La paix en votant En 2019, la Tunisie, l’Algérie, la Mauritanie et probablement la Libye appelleront les électeurs aux urnes. Dans des contextes politiques totalement différents, mais avec un maître mot commun: stabilité.
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rois des cinq pays maghrébins, voire quatre – si la Libye y parvient –, organiseront une présidentielle en 2019. Entre guerres de succession et rêves d’alternance, la stabilité restera sans doute le maître mot de ces consultations. Les hérauts des régimes autoritaires répétant à l’envi que l’option démocratique reste un luxe, les appels à la sacro-sainte « continuité » se multiplient. Pourtant, du morcellement libyen à la fragilisation de la jeune démocratie tunisienne en passant par les problématiques algérienne et mauritanienne, les enjeux politiques tout comme les attentes électorales sont bien différentes d’un pays à l’autre. On ne peut, dans ces conditions, continuer d’évoquer ces pays sur un même plan. Si la Tunisie s’essaie à l’exercice démocratique depuis 2011 avec un certain succès, il en va autrement en Algérie et en Libye. Dans le pays de Bouteflika, les élections
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ne suscitent plus beaucoup d’intérêt, au point que l’opposition propose de reporter la présidentielle prévue en avril 2019. Dans l’ex-Jamahiriya, les citoyens espèrent, eux, pouvoir enfin se rendre aux urnes. L’exemple tunisien n’a donc pas fait d’émules dans la région. Malgré ces grandes disparités régionales, la Tunisie est invariablement perçue comme le premier de la classe, érigée en exemple par les chancelleries occidentales. Un discours contre-productif qui incite à l’immobilisme et à la paresse, soutient depuis Tunis Amine Ghali, directeur du Centre Kawakibi pour la transition démocratique : « Mieux vaut classer la Tunisie dans le groupe des pays en véritable transition, comme la Colombie, la Malaisie ou la Croatie. Elle n’a rien à gagner à rester dans un groupe qui n’avance pas ! » L’appel paraît d’autant plus légitime que ce petit pays, s’il peut se prévaloir d’avoir impulsé l’élan révolutionnaire de 2011, est beaucoup plus homogène, d’un point de vue géographique, sociologique et
C’est de la Tunisie qu’est parti l’élan révolutionnaire et démocratique de 2011.
AUGUSTIN LE GALL/HAYTHAM-REA
CAMILLE LAFRANCE
institutionnel, que ses voisins. Il ne bute donc pas sur les mêmes obstacles. Des enjeux communs se dégagent toutefois.
Présidentialisation
De la Mauritanie à la Libye, les scrutins à venir pourraient renforcer la présidentialisation des régimes, déjà à l’œuvre. En Tunisie, Béji Caïd Essebsi cherche le moyen de contourner une Constitution qui, à son goût, ne lui attribue pas suffisamment de prérogatives. La présidence ferait donc tout pour « court-circuiter le Premier ministre » en personnalisant le pouvoir et en centralisant les arbitrages, comme le signale Éric Gobe, directeur de recherche au CNRS. La mainmise du chef de l’État sur le Conseil de sécurité nationale, qu’il préside, et dont les prérogatives vont au-delà des questions purement sécuritaires, serait une illustration de sa volonté de garder le contrôle sur l’ensemble des ministères. Cependant, des garde-fous existent, hérités des longues négociations sur le rôle des institutions au lendemain de la révolution. Ce n’est pas le cas de l’Algérie. Le président, en fonction depuis 1999, surincarne le pouvoir « comme s’il lui appartenait en main propre, fait valoir Fatiha Benabbou, professeure de droit à l’université Alger 1. Au risque de donner l’impression que la continuité s’impose ». La révision de la Constitution de mars 2016 n’y aura rien changé. Si elle réintroduit la limitation de l’exercice présidentiel à deux mandats consécutifs, elle n’interdit en rien à Abdelaziz Bouteflika, soutiennent ses défenseurs, de se représenter jusqu’en 2024. Un comble, étant donné son âge et son état de santé ! En Mauritanie, des réformes cosmétiques ont aussi été le prétexte à un renforcement des pouvoirs présidentiels. Le référendum constitutionnel de 2017 a supprimé le Sénat, et Mohamed Ould Abdel Aziz a recentré les pouvoirs autour de sa personne, tant et si bien que, sans être candidat en 2019, il devrait rester maître de sa succession. Lui, et lui seul, a le pouvoir d’adouber un dauphin. Rien de tel en Libye, à l’autre bout du Maghreb, où les dignitaires qui se disputent le pouvoir s’écharpent. Et les paradoxes y sont criants : une consultation
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Événements MAGHREB
Immixtions étrangères
Autre point commun des logiques d’hommes forts et de partis dominants : l’idée que tout changement serait porteur de risques. Sécuritaires, s’entend. « Moi ou le chaos », menacent donc ceux qui s’accrochent au pouvoir à grand renfort de plaidoyers pro domo. L’instabilité aux frontières est régulièrement agitée à cet égard comme un chiffon rouge. La Libye, dont l’État est menacé de dissolution, sert ainsi de contre-exemple. Cela vaut pour la Tunisie, frappée par le terrorisme et où le président, qui incarne l’unité de la nation, se dit garant du prestige de l’État. Cela vaut aussi pour l’Algérie, où, de manière plus caricaturale, l’évocation de la Libye
MOHAMED HAMMI/SIPA
nationale menée durant plusieurs mois dans quarante-trois villes du pays (du jamais-vu !), à la demande de la mission d’appui des Nations unies, montre que les citoyens placent le renforcement des pouvoirs locaux parmi leurs attentes prioritaires. Pourtant, la population réclame une élection présidentielle. Difficile de s’affranchir de la figure du chef. La présidentialisation s’accompagne de l’extension du domaine des pouvoirs : apparition de « dynasties » politiques – faut-il souligner à ce titre l’influence du fils de Béji Caïd Essebsi en Tunisie et du frère d’Abdelaziz Bouteflika en Algérie? –, pression croissante des cercles présidentiels sur les parlementaires ou sur les médias, pouvoir parallèle des milieux d’affaires ou de l’armée. Autant de menaces, à des degrés divers, sur les processus électoraux de la région.
est brandie pour renvoyer aux affres de la décennie noire. Le traumatisme reste vif. Mais la crainte d’un retour des violences sonne, pour l’International Crisis Group (ICG), comme un « refrain régional commun d’un pouvoir qui – même autoritaire – [serait] le seul rempart face aux conflits sociaux et à la désintégration ». Dans un contexte sécuritaire volatil, les dirigeants
LIBYE DES ÉLECTIONS À DOUBLE TRANCHANT
Les élections en Libye? Un songe, un mirage: chaque fois qu’elles semblent se concrétiser, elles s’éloignent tout aussi vite. Le pays est divisé entre plusieurs institutions gouvernementales, parlementaires et militaires. Dans l’Ouest, le gouvernement d’Union nationale de Fayez al-Sarraj, bien que reconnu par la communauté
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internationale, n’a que peu de prise sur le terrain, dépendant qu’il est des milices qui contrôlent Tripoli. Le Haut Conseil d’État, issu des élections de 2012 et qui n’a en principe qu’un rôle consultatif, y fait figure d’Assemblée. Dans l’Est, le maréchal Haftar contrôle les forces armées, quand Aguila Saleh, le président de la Chambre des représentants
de Tobrouk, issu des élections de 2014, fait office de chef d’État de fait. Pour compliquer le tout, les autorités de l’Est ne reconnaissent pas la légitimité de celles de l’Ouest, et vice versa. Pour mettre fin à cet imbroglio, le président français, Emmanuel Macron, a cru bon d’encourager la tenue d’élections générales – présidentielle et
Le président tunisien, Béji Caïd Essebsi, lors des municipales de mai, qui ont enregistré un taux d’abstention… de 66 %.
législatives – le plus tôt possible, après avoir réuni les acteurs de la crise libyenne à Paris, en mai 2018. Selon ce plan, la Libye devait se doter d’une direction unifiée avant la fin de l’année. Mais le projet a fait long feu du fait de la situation sécuritaire. La Libye est un cas d’école: est-ce le scrutin électoral qui conduira à une stabilisation du pays, ou est-ce la sécurité
TUNISIE UN ÎLOT PRÉ-DÉMOCRATIQUE
Après l’abstention record (66 %) aux municipales de mars, l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) a lancé des caravanes dans les zones les plus reculées pour inciter les Tunisiens à s’inscrire. Forte d’un certain renouvellement de ses institutions et de son expérience électorale depuis 2011, la Tunisie poursuit son processus de transition démocratique. Mais la politique politicienne et le « tourisme de parti » ont exaspéré les citoyens. Il faudra donc les convaincre de l’utilité des élections générales, prévues entre octobre et décembre 2019. À cette crise de confiance s’ajoute le bras de fer, qui a paralysé l’action publique, entre le président, Béji Caïd Essebsi, son fils Hafedh et le chef du gouvernement, Youssef Chahed, pourtant tous trois issus du même parti, Nidaa Tounes, vainqueur des précédentes élections générales mais aujourd’hui affaibli. La fin annoncée du consensus entre Nidaa et le parti islamiste Ennahdha, première force à l’Assemblée, ne fait que renforcer les
impressions d’opportunisme politique. Les débats se focalisent de nouveau sur la place de l’islam au détriment des préoccupations socio-économiques. D’aucuns appellent au renouvellement d’une classe de dirigeants « déconnectés », souvent issus des villes développées du Sahel (côte Est) ou de la capitale. Les habitants des régions « de l’intérieur » voudraient davantage faire entendre leur voix. D’autant que le gouvernement est soupçonné d’avoir délaissé les réformes économiques au profit de ses stratégies électoralistes. Aucun candidat de poids n’est encore déclaré, mais le Premier ministre est attendu à la tête d’un nouveau parti. Les divisions du camp centriste pourraient profiter à Ennahdha. Aux municipales, le désintérêt envers les partis classiques s’est traduit par une poussée des indépendants. Seront-ils la variable d’ajustement des législatives? C’est pour contrer ce mouvement que les grandes formations ont appelé à relever le seuil de représentativité électorale. C.L.
maghrébins s’attribuent – à juste titre – le rôle de rempart face aux groupes jihadistes. Et en profitent pour revendiquer une continuité politique qu’ils justifient par un impératif de stabilité. De l’autre côté de la Méditerranée, les chancelleries s’en félicitent. Elles se préoccupent moins de l’instabilité libyenne – tant qu’elle demeure circonscrite aux frontières
du pays – que d’un scénario catastrophe dans l’Algérie voisine. Les services sécuritaires, notamment français, mettent en garde contre une déstabilisation consécutive autour du scrutin de 2019. Le scénario du décès du président en plein mandat peut également être évoqué. Bref, l’optimisme n’est guère de mise. L’ascendant de certaines diplomaties étrangères sur le cours même des campagnes électorales est régulièrement pointé du doigt. Quid de l’argent venu de l’étranger ? Ahmed Driss, directeur de l’École politique de Tunis, évoque « l’influence financière sur les élections tunisiennes des bailleurs de fonds turc, saoudien, émirati et qatari, qui ne veulent pas que la transition réussisse ». « Si l’affrontement entre de grands axes régionaux se répercute sur la concurrence politique dans ces pays, cela risque d’être un facteur de déstabilisation extrêmement grave », analyse encore Omeyya Seddik, du Centre pour le dialogue humanitaire (HD), actif en Libye.
Loin des citoyens, loin des urnes ?
Face ces menaces, de nombreuses voix appellent à réviser la loi électorale pour renforcer l’indépendance des instances chargées des scrutins et redonner ainsi une légitimité aux urnes. La dégringolade des taux de participation aux dernières consultations électorales est révélatrice du fossé qui se creuse entre responsables politiques et citoyens. Signe d’une incompréhension, voire d’un divorce
MAHMUD TURKIA/AFP
Ghassan Salamé, envoyé spécial des Nations unies, lors d’une conférence de presse à Tripoli, le 12 septembre.
qui permettra de poser sereinement la question de la représentation des citoyens? L’émissaire de l’ONU Ghassan Salamé a donné six mois aux Libyens pour organiser des élections générales, qui pourraient donc se tenir au plus tard à l’été 2019. Salamé estime que la perspective d’un scrutin est en partie la cause des
accrochages à Tripoli en septembre, chaque faction souhaitant avancer ses pions avant l’échéance. À l’évidence, si les leçons de cet échec sont retenues, l’ONU devrait renoncer à fixer une date trop précise. D’autant qu’une conférence de réconciliation nationale est prévue en janvier… JIHÂD GILLON
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La révision de la Constitution de 2016 n’empêche pas Abdelaziz Bouteflika de se présenter en 2019 et même en 2024.
ALGÉRIE ÉLOGE DU STATU QUO
Abdelaziz Bouteflika avait promis pour sa première campagne en 1999 de ne pas être « les trois quarts d’un président ». Un serment qui semble bien loin; octogénaire, affaibli par les séquelles d’un AVC, il n’est plus que l’ombre de lui-même. Si l’annonce de sa (probable) candidature à la présidentielle de 2019 a suscité de nombreuses interrogations sur sa capacité à poursuivre l’aventure, elle n’a pas vraiment surpris. Comme la précédente, cette
cinquième campagne pourrait se résumer à quelques gestes de la main devant les caméras. Mais certains vont jusqu’à se demander si le principal intéressé y consent et s’il n’est pas poussé par son entourage. Ici, on parle d’État profond. De sa famille aux cercles économiques qui gravitent autour de lui, c’est la préservation de certains intérêts qui domine. Pourtant, la succession est inexorable. Le processus se fera-t-il dans la douleur?
entre générations, en Algérie comme en Tunisie, les jeunes, qui se sentent « oubliés » par leurs dirigeants, représentent ainsi le gros des abstentionnistes. Beaucoup se demandent encore comment on peut construire l’avenir avec des hommes du passé. Une problématique commune à la Mauritanie, où « l’essentiel des leaders vient d’une génération de vénérables qui font face à une société jeune », indique Alain Antil, chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri). « Une démocratisation fondée exclusivement sur le vote et les
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Deux hypothèses ont les faveurs des observateurs: la désignation d’un homme lige – l’opposition ne semblant pas être en mesure de peser –, ou une reprise en main par l’armée. D’ici là, les questions économiques pourraient prévaloir. Car le pouvoir n’aura bientôt plus les moyens de maintenir la paix sociale à coups de subventions. La planche à billets, abondamment utilisée ces derniers mois, n’est pas une solution viable à long terme.
institutions ne peut qu’échouer. La transition sans justice sociale, c’est la crise », résume Moncef Ben Slimane, président du réseau tunisien d’éducation au processus électoral Lam Echaml. La réponse pourrait être économique, avec une redéfinition des mécanismes de redistribution des richesses et une meilleure intégration régionale. Un réveil des échanges permettrait de souder les pays de la région. Une réorientation de la politique étrangère par les futurs chefs d’État des quatre pays pourrait ainsi apporter une nouvelle dynamique à la zone.
Les réserves de change ne permettront bientôt plus de financer les dépenses publiques. La crise économique et financière menace, alors que le chômage culmine déjà à 17 %. Chez les 16-24 ans, il s’élève même à 27 %. La nécessité de diversifier l’économie pour sortir de la dépendance aux hydrocarbures est martelée par tous. En lieu et place des indispensables réformes, la prolongation du statu quo… C.L.
RAMZI BOUDINA/REUTERS
Événements MAGHREB
Le plus grand rendez-vous international des décideurs et financiers du secteur privé africain
Shaping the future of Africa
Save the date 7e édition
KIGALI 25 et 26 mars 2019
www.theafricaceoforum.com
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ORGANISATEURS
Samia Maktouf
Avocate aux barreaux de Paris et de Tunis Conseil près la Cour pénale internationale
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Les points sur la CPI
ADRIA FRUITOS POUR JA
n tant que conseil à la Cour pénale internationale (CPI), mon rôle est de représenter mes clients, mais aussi de pointer les manquements de la Cour ainsi que ses excès. Pour noble que soit sa mission, elle n’est pas à la hauteur des espoirs placés en elle. Nous devons y remédier, d’abord en nous montrant juste et constructif dans la critique. Être juste envers la CPI commence par refuser qu’elle soit jugée pour ce qu’elle n’est pas. Non, ce n’est pas une cour mondiale des droits de l’homme telle que l’avait rêvée René Cassin en 1948 pour veiller au respect de la Déclaration universelle des droits de l’homme, compétente pour la conciliation et les recommandations, et, en cas d’échec,
dotée d’une vocation contentieuse. Après la purification ethnique en ex-Yougoslavie et le génocide du Rwanda, tous deux suivis de la création d’un Tribunal pénal international ad hoc par l’ONU, l’idée d’une juridiction permanente compétente pour de tels crimes avait fait un retour en force. Mais ce n’est pas ce qu’est la CPI. N’intervenant que pour les crimes les plus graves, elle ne peut statuer que lorsque aucune justice nationale ne peut ou ne veut juger sérieusement un cas donné. La subsidiarité amenant la Cour à n’intervenir que si l’État-nation est défaillant ne saurait donc être le signe de son échec. La CPI n’est pas une cour supranationale. Elle est là pour juger, mais aussi pour rappeler aux États qu’ils sont les premiers à devoir juger les crimes relevant de son mandat, ce qu’ils font encore trop peu
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souvent. L’opinion publique, qui aurait le pouvoir de les y amener, ne se mobilise pas suffisamment. Il faut aussi rappeler que la CPI est indispensable pour juger le terrorisme, crime devenu transnational par excellence. Tant que les tribunaux de certains pays se disqualifient de par les compromissions de leurs gouvernants en la matière, une juridiction internationale devient le dernier espoir. Un exemple: bien que les terroristes détenus en zone de non-droit soient fondés à recevoir un procès équitable dans leurs pays, en France ou ailleurs en Europe, les rapatrier ne paraîtrait pas politiquement correct à l’opinion publique. La preuve est faite: en droit international pénal, la CPI n’est pas une fin, elle est un moyen, le but véritable étant que les principes de droit qu’elle incarne soient adoptés par tous les systèmes judiciaires nationaux. Reste que son fonctionnement interne lui-même soulève des questions. Son procureur est choisi, comme les juges, par les membres de l’Assemblée des États parties. Cependant, lors du premier vote, une erreur grave a été commise: la Commission préparatoire a recommandé, pour que l’élu à ce poste sensible soit incontesté, que les États membres procèdent, par consensus de préférence, à un scrutin concurrentiel. On a ainsi pris la mauvaise habitude de donner à la CPI un procureur qui ne relève pas d’un choix démocratique et ne souffre pas de contestation de cet ordre. Tant que ce sera le cas, la Cour ne sera pas pleinement crédible en tant qu’exemple de la justice. Autre écueil: puisque la CPI n’est pas un organe de l’ONU, elle doit assurer son propre financement, lequel repose principalement sur les cotisations des membres de son Assemblée des États parties. Néanmoins, ceux-ci n’ont guère de scrupules à réduire, voire retenir, leur contribution, parfois à des fins de chantage, tout en s’obstinant en déclarations favorables et en appels à une CPI plus ferme. Des modes de financement indépendants doivent donc être mis en place. La conduite du personnel doit aussi être plus strictement contrôlée face aux risques de corruption. Suite à un scandale de transactions privées douteuses, la Cour a d’ailleurs mis en place, en 2015, un « système de transparence financière » qui contraint ses dirigeants à déclarer tous les ans leur patrimoine. La meilleure réponse aux critiques se trouvera toujours dans les actes, et plus la CPI sera crédible en interne, mieux ses jugements seront acceptés et son exemple, suivi. Les destinées des États euxmêmes dépendent parfois de ses décisions. L’acquittement de JeanPierre Bemba et celui, probablement imminent, de Laurent Gbagbo en sont la meilleure illustration.
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«
François Soudan
Directeur de la rédaction
L’année de ses 20 ans
n anniversaire qu’on fête ressemble à un invences vingt dernières années, n’a réclamé la fin du régime, c’est taire qu’on ouvre. » Le 30 juillet prochain – l’un bien parce que le peuple, après avoir craint Hassan II, affecdes événements marocains majeurs de l’année tionne son fils. 2019 –, le roi Mohammed VI célébrera ses vingt ans sur le trône, et nul doute qu’un bataillon d’exégètes du En deux décennies, les épreuves pourtant n’ont pas manqué. sultanat et d’hagiographes de la monarchie, mais aussi de Attentats terroristes, Mouvement du 20-Février, Hirak du Rif: à cassandres de mauvais augure, s’emploiera à donner un chaquefois,enruptureaveclestyledesonpère,MohammedVI contenu à la citation qui précède. Langue de velours ou langue a su réagir à temps. Arrière-faix des printemps arabes, spasme de fiel, à coups d’encensoir ou de truelle, chacun ira de son collectif et hybride aux multiples revendications portées par un bilan, pour le meilleur et pour le pire. À 55 ans et après deux leadership urbain et élitaire, le 20-Février a ainsi débouché sur décennies au pouvoir, Mohammed VI continue de susciter à une profonde réforme de la Constitution destinée à « rendre l’extérieur du Maroc – et tout particulièrement en France et le roi à la nation », selon l’heureuse formule de Khalil Hachimi en Espagne, les deux anciennes puissances coloniales – des Idrissi et de Mustapha Sehimi*. Expression souvent violente jugements toujours aussi tranchés au sein du malaise social et existentiel d’une région de la communauté éditoriale et médiatique, délaissée, le Hirak d’Al Hoceima a, lui, été avec une étonnante capacité, chez cette der- IL Y A, DANS CETTE géré avec prudence et professionnalisme par nière, à persévérer dans l’erreur. Du Dernier les forces de l’ordre, aux antipodes du climat RELATION UNIQUE roi (sous-titré Crépuscule d’une monarchie) à des « années de plomb », avec, là aussi, une Quand le Maroc sera islamiste (extrait choc: ENTRE LE ROI ET LE réactivité royale quasi immédiate en matière « Le Maroc, c’est la Russie de 1916 »), du Roi relance des projets économiques et de PEUPLE MAROCAIN, de prédateur, dont les auteurs sont tombés dans création d’emplois. Seule la contamination leur propre piège, à M6 derrière les masques, UNE PART salafiste, cet objet de phobie, a reçu un traiteen passant par la réapparition récente de la ment avant tout sécuritaire après les attentats IRRÉFRAGABLE ET thèse de l’abandon de poste, tous les scénade Casablanca en mai 2003, de la part d’une rios ont été annoncés sur un mode catas- INDICIBLE DE police dont l’efficacité et le professionnalisme trophiste. Coup d’État militaire, tsunami ont progressé de façon spectaculaire depuis MYSTÈRE QUI « barbu », révolution, démission : rien de quinze ans. Avant tout, mais pas uniquement, cela ne s’est pourtant produit, au point que ÉCHAPPERA car le démantèlement continu des réseaux l’on est tenté de se demander si, dans le fond, terroristes est allé de pair avec l’acceptation TOUJOURS AUX ce n’est pas avec le modèle marocain de goude résultats électoraux portant à la tête du vernance – avec l’attachement de ce peuple ÉTRANGERS gouvernement une formation – le Parti de la de citoyens-sujets à l’institution monarchique justice et du développement (PJD) – dont les et avec le concept du chef de l’État commandeur des croyants lointaines racines plongent au cœur du radicalisme islamiste. – que les commentateurs européens ont un problème. La résiMonarque d’un pays où l’islam malékite, cet « islam du juste lience d’un souverain toujours aussi populaire et fédérateur, milieu », porte une longue tradition de modération, le comgarant des équilibres et de la marocanité du Sahara, arbitre mandeur des croyants s’est plié à la règle démocratique d’élecdes jeux d’influences, irréductible aux clichés et incarnation tions transparentes, quitte à cohabiter avec une idéologie qui d’une monarchie exécutive en passe de réussir la transition n’est pas a priori la sienne. Inimaginable avant 1999. d’une démocratie formelle vers une démocratie réelle, a Il faut donc une bonne dose de cécité (ou de mauvaise foi) manifestement quelque chose d’horripilant et d’incomprépour prétendre, comme certains observateurs le font encore, hensible pour un républicain régicide. Il faut pourtant bien s’y que le Maroc n’a pas changé et que la transition entre les faire: Louis XVI et Robespierre n’étaient pas marocains, pas deux règnes est toujours inachevée. Certes, l’état de grâce des plus que ne le sont les « gilets jaunes », et si personne, même premières années de Mohammed VI a cédé la place à une aux moments de contestation sociale les plus exacerbés de sorte de passion raisonnée, mais le Maroc d’aujourd’hui est
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Le roi Mohammed VI au milieu de collégiens, le 17 septembre, au palais royal de Rabat, lors de la présentation du bilan d’étape de la réforme de l’éducation.
incomparablement plus lisible, libre et ouvert qu’il ne l’a jamais été. Avec beaucoup de doigté, le roi a su le conduire sur les chemins de la modernité à la fois économique, via la promotion d’une classe moyenne perçue comme un facteur de cohésion de l’ordre social; sociétale, avec la réforme du Code de la famille; culturelle, avec l’ouverture de la scène artistique urbaine, la reconnaissance de la darija et l’introduction du tamazight dans l’enseignement ; géopolitique, enfin, avec l’affichage d’une priorité africaine à la fois sincère et réciproquement gagnante. Reste que le chemin à parcourir sur la voie d’un Maroc plus juste et attractif, en particulier pour sa jeunesse, est encore long. Alors même que rien ne l’y obligeait, Mohammed VI a pris sa part du fiasco collectif des politiques éducatives au Maghreb et dans le monde arabe, cette matrice de tous les maux, lors d’un discours en forme de thérapie de choc prononcé le 20 août 2018. C’était d’autant plus courageux qu’il ne détient pas de baguette magique en ce domaine et que « la réforme véritable et irréversible » qu’il appelle de ses vœux prendra du temps. Ce dossier de l’éducation, qui le passionne, le roi le suit au quoti-
dien, tout comme ceux des grands chantiers d’infrastructures, de politique étrangère, de sécurité ou d’affaires religieuses. Et ce n’est pas le moindre des paradoxes que d’entendre cet homme, dont les détracteurs prétendent qu’il « n’aime pas le job », maîtriser sur le bout des doigts des thématiques aussi
complexes que le Fonds bleu pour le bassin du Congo ou les variables des indices de développement humain et décrire avec une science de topographe les douars perdus de son vaste royaume. Encore faut-il, pour le savoir, échanger avec lui – ce que bien peu de journalistes ont eu le privilège de faire –, alors même qu’il semble avoir érigé l’absence de communication médiatique, dans un monde surmédiatisé, en technique de gouvernement. Quitte à laisser la presse gloser sur ses colères, divaguer sur ses vacances et délirer sur sa vie privée, Mohammed VI préfère multiplier les selfies avec les Marocains des quatre coins de la diaspora et faire de chacun de ses discours un exercice de pédagogie. Une demi-douzaine d’interviews – dont une accordée aux journaux malgaches en souvenir de son grand-père qui connut l’exil sur la Grande Île – et aucune conférence de presse en vingt ans, c’est certes bien peu. Mais il n’y a manifestement que les médias étrangers, qui n’aiment rien tant que l’éphémère et le volatil, pour s’en plaindre. Les Marocains, qu’on ne saurait aspirer à gouverner sans gouverner leur cœur, savent gré à leur roi d’avoir d’abord appris à régner sur lui-même avant de régner sur eux. Il existe, dans cette relation unique entre le trône et le peuple, une part irréfragable de mystère qui relève de l’indicible. Autant être modeste et reconnaître qu’elle nous échappera toujours. *Le Maroc face au printemps arabe, de Khalil Hachimi Idrissi, Éditions La Croisée des chemins, Casablanca, 2018.
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Événements
Interview Abdoulaye Bathily
Ex-représentant spécial du secrétaire général de l’ONU pour l’Afrique centrale
« Nous traversons une phase de recul démocratique »
Sans fard ni concession, l’historien et ancien ministre sénégalais jette un regard lucide sur les sujets les plus brûlants de l’actualité continentale. Propos recueillis par CHRISTOPHE BOISBOUVIER
’est un Abdoulaye Bathily amer et inquiet qui se confie à Jeune Afrique. Le sort de Karim Wade et celui de Khalifa Sall au Sénégal ? « Dans mon pays, c’est la première fois qu’on va faire écarter par la justice des candidats à la présidentielle. » Le projet du chef de l’État togolais de se représenter en 2020 ? « Je souhaite qu’il renonce. Cela le grandirait. » La réélection de Paul Biya ? « Par-delà les chiffres affichés, les Camerounais ont montré une volonté de changement. » L’ancien dirigeant marxiste reste un homme engagé. La différence Bathily ? Diplômé des universités de Dakar et de Birmingham, en Grande-Bretagne, ce grand historien échappe depuis longtemps au pré carré franco-africain. Envoyé spécial de l’ONU et de l’Union africaine dans de multiples pays en crise, il possède une expertise unique, qui lui fait prédire la disparition prochaine de la Cour pénale internationale. Rien de moins. De son échec à la présidence de la Commission de l’UA, en janvier 2017, l’homme de 71 ans a retiré un surcroît de lucidité.
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Jeune Afrique : Après l’acquittement de Jean-Pierre Bemba et les points
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marqués en 2018 par la défense de Laurent Gbagbo, la CPI est-elle encore crédible ? Abdoulaye Bathily : Il ne s’agit pas
de remettre en question la nécessité de poursuivre les auteurs de crimes de masse, mais c’est un fait que la CPI est aujourd’hui perçue, et non sans raison, comme un tribunal mis en place pour juger uniquement les crimes commis sur le continent africain. Elle ne se préoccupe pas plus des Rohingyas que des Palestiniens, mais quasi exclusivement des Africains. Donc oui, la Cour a perdu de sa crédibilité. Et, à mon avis, elle n’a plus beaucoup de temps à vivre, ne serait-ce que parce que, compte tenu de l’évolution du monde, les enquêtes sur les droits de l’homme seront de plus en plus difficiles à mener.
Comment expliquez-vous le fait que la CPI ne s’intéresse qu’aux crimes commis en Afrique ?
En dehors de l’Afrique, il y a des grands pays qui sont concernés et qui, de toute évidence, ne veulent pas que ces cas soient considérés par la CPI.
Voulez-vous dire qu’Israël est protégé par les États-Unis ?
Absolument.
LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE A PERDU DE SA CRÉDIBILITÉ. ELLE N’A PLUS BEAUCOUP DE TEMPS À VIVRE.
Et la Birmanie par la Chine ?
Par la Chine et par d’autres dans la région. Quel rôle ont joué les procès Bemba et GbagbodanscetteévolutiondelaCPI?
Je vous l’ai dit : ces procès ont entamé la crédibilité de la CPI,
BRUNO LEVY POUR JA
et ce n’est pas le fait d’arrêter un chef anti-Balaka de Centrafrique [Patrice-Édouard Ngaïssona, interpellé en France le 12 décembre] qui va sauver son honneur. Bien sûr qu’il faut que tous les crimes contre l’humanité soient punis et que personne ne puisse échapper à la justice internationale. Mais nous ne devons pas nous accommoder d’une justice à deux vitesses. Les Africains doivent prendre leurs responsabilités. C’est difficile, mais pas impossible. Regardons ce qui a été fait en Sierra Leone ou au Rwanda. Surtout, l’Union africaine doit se pencher sur cette question. Citeriez-vous le procès de Hissène Habré par les Chambres
africaines extraordinaires, à Dakar, parmi les exemples à suivre ?
Oui, même si ce procès a été conduit dans une période où le processus démocratique était en progrès sur le continent. Or, il me semble qu’aujourd’hui nous traversons une phase de recul démocratique. Et pas uniquement sur le continent! On voit se développer dans le monde des régimes populistes, ainsi qu’un racisme et un autoritarisme décomplexés. La Guinée équatoriale doit-elle livrer à la justice l’ex-président gambien, Yahya Jammeh, qui a trouvé refuge sur son territoire ?
Une commission vérité et réconciliation a été mise en place à Banjul. Je ne sais pas ce qu’elle va proposer,
mais si ses crimes sont avérés et si les Gambiens demandent son extradition, Yahya Jammeh devra rendre des comptes. On ne peut quand même pas faire comme si de rien n’était ! Pensez-vous, comme les partisans de Laurent Gbagbo, que la CPI pratique une justice de vainqueurs ?
De fait, jusqu’ici, c’est dans le camp de Gbagbo qu’il y a eu des arrestations. Et à la lumière des différentes audiences de La Haye, il me semble que le dossier comporte de nombreuses faiblesses, qui laissent penser que les juges n’auront pas d’autre choix que de libérer Gbagbo. De le libérer et de l’acquitter ?
Je ne sais pas ce qui sera décidé,
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mais les éléments de preuve sur lesquels s’est appuyée l’accusation n’ont pas été probants. De toute façon, la Côte d’Ivoire ne pourra pas se passer d’une réelle politique de réconciliation nationale. Si Simone Gbagbo est aujourd’hui libre, je ne vois pas pourquoi Laurent Gbagbo ne le serait pas demain. J’ajoute que si cela peut conduire à l’apaisement en Côte d’Ivoire, je suis pour. Autre pays, autre situation : pensez-vous, comme certains, qu’en faisant le procès des putschistes de septembre 2015, le régime du président burkinabè Roch Marc Christian Kaboré remue le couteau dans la plaie et retarde la réconciliation nationale ?
Je ne veux pas me prononcer sur une affaire qui est devant la justice. Simplement, il se trouve que le chef du RSP (Régiment de sécurité présidentielle), le général Diendéré, a été mon cadet au prytanée militaire de SaintLouis, au Sénégal. Je le connais très bien. Au moment du putsch, j’étais à Libreville, en tant que représentant spécial de l’ONU pour l’Afrique centrale. Avec l’accord de mon collègue et ami Mohamed Ibn Chambas, qui était le représentant spécial de l’ONU pour l’Afrique de l’Ouest, j’ai appelé Diendéré tous les jours pendant les trois jours qu’a duré le putsch. J’ai tout fait pour le dissuader. On
SEYLLOU/AFP
Manifestation des partisans de Karim Wade en vue de la présidentielle de 2019, le 29 novembre, à Dakar.
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a longuement parlé au téléphone, je lui ai dit que c’était une aventure sans lendemain et qu’il fallait y renoncer. Naturellement, il ne m’a pas écouté, comme Blaise Compaoré un an plus tôt, quand il avait voulu changer la Constitution. Mais je considérais qu’il était de mon devoir de le lui dire, car je savais que le RSP était isolé, que
durable pour préserver la sécurité dans le pays. N’oublions pas non plus que, du temps de Blaise Compaoré, le Burkina Faso était un havre de paix pour certains groupes armés. Le MNLA y avait son quartier général ! Pas étonnant qu’aujourd’hui des djihadistes veuillent se venger du système qui les a privés de protection.
SI SIMONE GBAGBO EST AUJOURD’HUI LIBRE, JE NE VOIS PAS POURQUOI LAURENT GBAGBO NE LE SERAIT PAS DEMAIN. l’armée ne pouvait pas le suivre, et la population encore moins. Le RSP était craint mais pas aimé. Ces dernières années, l’insécurité a gagné du terrain au Burkina. Les nostalgiques de Blaise Compaoré ont-ils raison de dire que c’était mieux avant, car il y avait une unité nationale et une armée disciplinée ?
Ce RSP dont tout le monde parle n’était pas un modèle d’institution sécuritaire. Il ne faut pas oublier qu’en avril 2011 il s’est mutiné contre Blaise Compaoré. À l’époque, ses hommes ont pillé des commerces dans la capitale et réussi à faire sortir le président de Kosyam. Celui-ci a dû négocier avec les mutins pour pouvoir retourner au palais ! Donc non, ce régiment n’était pas un modèle
Au Sénégal, la présidentielle aura lieu en février 2019, mais la justice a mis hors-jeu deux figures de l’opposition, l’ex-ministre Karim Wade et l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall. Qu’en pensez-vous ?
Comme je vous l’ai dit, il me semble que l’on est en période de sécheresse démocratique. Au Sénégal comme ailleurs se pose la question du rôle de la justice dans les procès d’opposants, et cela fragilise le système démocratique. Iriez-vous jusqu’à dire que la justice sénégalaise est instrumentalisée ?
Cela fait dix-huit mois que je dis que le procès Khalifa Sall est politique. La Cour de justice de la Cedeao a rendu un jugement qui considère que la procédure n’a pas été équitable. L’État sénégalais, qui est membre de la Cedeao et a adhéré à la Charte de la Cedeao, doit se soumettre à ce jugement, mais il ne l’a pas fait jusqu’ici. La Commission des droits de l’homme de l’ONU a abouti pratiquement à la même conclusion. Tout cela montre bien qu’il y a volonté d’éliminer un adversaire. On ne règle pas des problèmes politiques en se servant de la justice. Actuellement, lorsque les gens soupçonnés de malversations sont contre vous, ils tombent sous le coup de la loi. Mais lorsqu’ils sont avec vous, vous les épargnez. À partir de ce moment-là, la justice perd sa crédibilité, et le jugement sa légitimité aux yeux de l’opinion. C’est cela qui amène les tensions, et demain
Événements INTERVIEW
une ambiance de règlements de comptes qui porte en germe le recul de la démocratie. Vous diriez la même chose pour Karim Wade ?
Au Togo, l’opposition vient de boycotter les législatives du 20 décembre. Comment sortir de l’impasse ?
Malheureusement, la Cedeao ne parvient pas à aider à résoudre cette crise. Il y a quelques années, elle avait proposé à ses membres de limiter à deux le nombre de mandats présidentiels. À l’époque, le Togo et la Gambie de Jammeh s’y étaient
Réélu en octobre, Paul Biya a commencé, à 85 ans, son septième mandat présidentiel. Ici, à Maroua, le 29 septembre.
avis, ils jouent un rôle plus important qu’à l’époque où ils étaient au pouvoir. Le président togolais est encore jeune. Il pourrait tenir ce rôle-là. Sur le continent, on peut faire l’économie de tout ce sang et de toutes ces larmes. En Guinée, l’opposition soupçonne le président Alpha Condé de vouloir modifier la Constitution pour pouvoir briguer un troisième mandat en 2020. Cela vous préoccupe-t-il ?
Je dis que la démocratie doit se construire par des consensus. Je sais par expérience qu’à chaque fois qu’il n’y a pas de consensus et qu’on s’en-
FAURE GNASSINGBÉ A SUFFISAMMENT SERVI SON PAYS ET BIEN MONTRÉ SES CAPACITÉS. JE SOUHAITE QU’IL RENONCE À SE PRÉSENTER EN 2020. opposés. Aujourd’hui, il ne reste plus que le Togo et, au fond, la question est de savoir si, pour la prochaine présidentielle, le président doit encore être candidat. Personnellement, je souhaite que Faure Gnassingbé fasse ce sacrifice pour son pays et qu’il renonce à se présenter en 2020. Ce serait un signal fort, qui le grandirait davantage et créerait les conditions d’une réconciliation dont il serait le garant historique. Après trois mandats, il a suffisamment servi le pays et bien montré ses capacités. On peut servir son pays de bien des manières. Beaucoup d’anciens chefs d’État participent par exemple à la résolution de conflits sur le continent. À mon
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gage dans la voie conflictuelle, cela augure de situations très difficiles à maîtriser. Avez-vous été surpris par la décision de Joseph Kabila de ne pas modifier les règles du jeu en RD Congo pour briguer un troisième mandat ?
C’est une décision qu’il faut saluer et mettre au crédit du peuple congolais, dans toutes ses composantes : les Églises, la population, les partis politiques, la société civile… Ils se sont mobilisés et Joseph Kabila les a écoutés, c’est positif. J’aurais souhaité que le président Faure prenne la même décision. Je m’interroge néanmoins sur l’avenir du processus et sur
ALEXIS HUGUET/AFP
Les cas de Karim Wade et de Khalifa Sall sont différents, mais tous deux doivent faire l’objet d’un traitement équitable. Or d’autres personnes ont été poursuivies par le même tribunal, la Crei [Cour de répression de l’enrichissement illicite], mais leurs dossiers à eux ont été gelés. Je vais vous dire une chose: voilà cinquante ans que je participe au combat politique au Sénégal, et c’est la première fois que l’on fait écarter par la justice des candidats à la présidentielle.
la capacité de l’État congolais à tenir des élections transparentes. Et croyez-vous à la promesse du président burundais de ne pas se représenter en 2020 ?
Si l’on veut construire des systèmes démocratiques durables, le respect de la parole donnée est fondamental. Au Burundi, le premier engagement qu’avait pris Pierre Nkurunziza était de ne pas briguer un troisième mandat, mais il l’a fait malgré tout en 2015. Il annonce maintenant qu’il ne va pas être candidat à la prochaine élection ? J’attends de voir. J’ajoute que le Burundi émet des signaux inquiétants. Quand je vois que l’ancien président Pierre Buyoya, qui a participé à la mise en place des accords d’Arusha et travaille aujourd’hui pour le règlement des conflits au Mali et ailleurs, est visé par un mandat d’arrêt, je me dis qu’il y a de quoi être préoccupé pour l’avenir du Burundi. Au Cameroun, la réélection de Paul Biya avec plus de 71 % des voix, vous y croyez ?
Par-delà les chiffres qui sont affichés, les élections ont montré une chose: c’est la volonté de changement du peuple camerounais. Et quand on voit ce qui se passe dans la partie anglophone du pays, c’est indispensable, car il faut négocier. À Madagascar, pays pour lequel vous avez également été le représentant d’António Guterres, une nouvelle loi impose au président sortant de démissionner de son poste soixante jours avant la date du scrutin s’il
Événements INTERVIEW
de l’engagement décidé par François Hollande. Je ne vois en revanche ni interventionnisme ni changement qualitatif. De toute façon, il faut banaliser les relations entre l’Afrique et la France et les placer au même niveau que les relations entre l’Afrique et la Grande-Bretagne ou avec les États-Unis.
YASUYOSHI CHIBA/AFP
En Afrique, les prêts de la Chine sont passés de 5 à 60 milliards de dollars entre 2006 et 2018. Va-t-on vers un nouveau surendettement du continent ?
Chantier du Standard Gauge Railway, symbole de la coopération sino-africaine, le 23 juin, à Nairobi. veut se représenter. C’est ce qu’a fait Hery Rajaonarimampianina, le 7 septembre dernier. Est-ce une bonne loi ?
C’est une excellente loi ! Très souvent, quand les présidents en exercice briguent un nouveau mandat, ils ont un avantage sur leurs concurrents : sous prétexte qu’ils sont toujours au pouvoir, ils utilisent les moyens de l’État – l’administration, les véhicules, etc. – pour faire campagne. Je crois que cette innovation de Madagascar est très importante et mérite d’être considérée. En la matière, le Cap-Vert avait ouvert la voie : là-bas, quand le président est candidat pour un deuxième mandat, il ne peut plus parler au nom de l’État. Quand l’élection a lieu au mois de janvier ou février suivant, il ne peut même pas prononcer son discours de fin d’année. C’est le président de l’Assemblée nationale qui délivre le discours à la nation. Et ensuite, il n’a plus le droit d’utiliser les moyens de l’État et ne dispose plus que d’une petite escorte de sécurité. Je dirais donc que le Cap-Vert a montré l’exemple et que Madagascar est allé encore plus loin. Peut-être cela explique-t-il, dans une certaine mesure, que le président sortant n’ait pas pu se qualifier pour le deuxième tour, le 19 décembre… Dans tous les cas, c’est un indicateur
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important de démocratie, qui met les différents candidats sur un pied d’égalité. La Rwandaise Louise Mushikiwabo a été désignée à la tête de l’OIF avec l’appui déterminant de la France. Avez-vous été surpris par ce soutien ?
Surpris, c’est trop dire. En tout cas, j’étais partisan d’une pacification des relations entre Paris et Kigali. Par ailleurs, je connais personnellement Mme Mushikiwabo. J’ai travaillé avec elle quand elle était ministre des Affaires étrangères et quand j’étais en Afrique centrale. Je pense qu’elle pourra continuer de relever les défis qui se posent à la Francophonie. Emmanuel Macron est-il trop interventionniste en Afrique ?
Pour le moment, je vois surtout de la continuité et, en ce qui concerne le Sahel par exemple, une poursuite
UN PARTENARIAT GAGNANTGAGNANT AVEC LA CHINE FAVORISERA L’ÉMERGENCE D’UNE BOURGEOISIE AFRICAINE CONQUÉRANTE.
Une chose est sûre : l’entrée en scène de la Chine a permis à beaucoup de pays d’accélérer leur programme de développement. Maintenant, la question est de savoir si les États qui empruntent à la Chine se sont dotés de suffisamment de capacités de négociation pour que cette dette soit contractée à bon escient, c’est-à-dire sur des projets réellement viables, et pour que ces projets puissent induire un développement transformateur de l’économie africaine. Et là, c’est moins évident. Certes, des infrastructures ont été construites, mais cela ne suffit pas : il faut parvenir à un partenariat gagnant-gagnant dans la transformation des matières premières et dans l’industrialisation du continent. Cela favorisera l’émergence d’une classe moyenne d’entrepreneurs africains, d’une bourgeoisie conquérante, qui pourra être la partenaire des entreprises chinoises et autres. Sinon, ce sera la poursuite de la dynamique de Berlin, c’est-à-dire le partage de l’Afrique, comme en 1885. Avez-vous remarqué que la plupart de nos partenaires parlent de ruée vers l’Afrique, comme au XIXe siècle ? Très souvent, les Africains participent à des sommets internationaux sans être préparés à parler d’une seule voix et à développer une stratégie commune. Donc, si la dette africaine doit servir à quelque chose, c’est à un rôle de transformation. Si tout cela se résume à un troc de matières premières contre des infrastructures, cela va poser un problème à terme, et le syndrome de l’endettement risque de reprendre.
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Achille Mbembe
Historien et politologue camerounais
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Vue d’Europe, l’Afrique n’est qu’un grand bantoustan
es faits sont têtus. Au cours des dix dernières années, des milliers de jeunes hommes et femmes d’Afrique se sont noyés en Méditerranée. Des milliers d’autres ont été ensevelis dans le Sahara ; leurs os, grillés par le soleil ; et leurs dépouilles, happées par des tourbillons de sable. Fuyant leurs pays d’origine, ils se précipitaient vers des lieux où nul ne les attendait, mais où ils espéraient refaire leurs vies. Ils ont été stoppés net. L’Europe ne veut tout simplement pas d’eux et l’a, par maints gestes aussi cyniques qu’inhumains, suffisamment fait savoir. Rien, cependant, n’arrêtera le flot tant que se poursuivra la collusion des États du Vieux Continent dans la destruction active des conditions de vie en Afrique. Hier, celui-ci avait besoin de ces corps dorénavant superflus pour assécher les marécages, défricher les plantations, cultiver du tabac, du coton et de la canne à sucre, fabriquer du rhum ou creuser dans les mines du Nouveau Monde. Des bateaux négriers sillonnaient les océans. À l’occasion, plusieurs millions d’hommes et de femmes en âge de travailler furent extraits d’Afrique. C’est ainsi que le continent rata sa révolution économique. L’on ne saura jamais combien furent noyés dans l’Atlantique, le premier cimetière marin de l’époque moderne. Cela dura plusieurs siècles, l’âge de la grande prédation par laquelle fut signée l’entrée de l’Afrique dans le capitalisme. L’Europe les achetait contre de la quincaillerie, ou alors se les procurait à l’encan, au terme d’homériques chasses à l’homme menées par des fournisseurs locaux. C’étaient des esclaves. Aujourd’hui, qu’ils soient enchaînés comme autrefois ou non, aucun pays au monde ne veut d’Africains sur son territoire. L’Europe, en particulier, n’en veut absolument pas, ni en tant que réfugiés ou persécutés, en quête d’asile et fuyant des contrées rendues inhabitables (souvent à cause des interventions occidentales ou de la complicité de l’Occident avec les satrapies locales), ni, surtout, en tant que victimes de la guerre économique et environnementale que les nations européennes mènent en terre africaine depuis des siècles. Là où, néanmoins, des Africains finissent par s’implanter, tout est fait pour rendre leur présence invisible, leur existence précaire et leur vie insupportable. Il n’y a qu’à voir les violences psychiques qu’ils subissent au quotidien, les interminables contrôles au faciès, les incessantes chasses aux sans-papiers, les humiliations dans les centres de rétention, la vaste machine administrative qui permet chaque année de plonger des milliers d’entre eux dans l’illégalité, le chapelet des expulsions et déportations dans des conditions proprement ahurissantes, l’abolition progressive du droit d’asile et la criminalisation de l’hospitalité.
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Que dire, par ailleurs, des yeux hagards et des corps menottés de jeunes Noirs que l’on traîne dans les corridors des commissariats de police, où ils se font abuser, d’où ils sortent avec qui un œil poché, qui une dent cassée, la mâchoire brisée, le visage défiguré ? Il n’y a pas que cette furie de la persécution au quotidien, avec sa foule de migrants auxquels l’on arrache les derniers habits et les dernières couvertures en plein hiver, à qui l’on empêche de s’asseoir sur les bancs publics, à l’approche desquels l’on ferme les robinets d’eau potable. L’Europe a décidé non seulement de militariser ses frontières, mais de les étendre au loin. Celles-ci ne s’arrêtent plus en Méditerranée. Elles se situent désormais le long des routes fuyantes et des parcours sinueux qu’empruntent les candidats à la migration. Elles se déplacent au fur et à mesure des trajectoires qu’ils suivent. En réalité, c’est le corps de l’Africain, de tout Africain pris individuellement, et de tous les Africains en tant que classe raciale, qui constitue désormais la frontière de l’Europe. Ce nouveau type de corps humain n’est pas seulement le corps-peau et le corps abject du racisme épidermique, celui de la ségrégation. C’est aussi le corps-frontière, celui-là qui trace la limite entre ceux qui sont des nôtres et ceux qui ne le sont point, et que l’on peut maltraiter impunément. L’Europe a décidé qu’elle n’était pas responsable de ces corps noirs, ni de la vie des candidats à la migration. Dans leur souci de braver les obstacles naturels que sont le désert et la mer, ces corps doivent, pense-t-elle, assumer le risque de leur propre péril. Mais, de grâce, que ce péril qu’elle ne saurait voir advienne au loin, dans des « tiers lieux » où ne subsistera aucune trace du crime, dans des pays que l’on corrompt à l’occasion, à l’exemple de ceux du Maghreb transformés en gardes-chiourmes. Elle cherche à atteindre cet objectif en reprenant à son compte le sentiment anti-Nègres et en réactivant un imaginaire géoracial et géocarcéral qu’avait peaufiné, il n’y a guère longtemps, l’Afrique du Sud à l’époque de l’apartheid. Après l’avoir dépecée en 1884-1885, l’Europe veut, en ce début du XXIe siècle, transformer l’Afrique en un immense bantoustan. Davantage encore, elle veut s’arroger le droit de déterminer unilatéralement quel Africain peut bouger et à quelles conditions, y compris à l’intérieur du continent lui-même. Or, d’ici à 2060, l’Afrique comptera parmi les régions les plus peuplées au monde. Le déclin démographique de l’Europe et de l’Amérique du Nord continuera inexorablement. Le siècle ne sera pas seulement celui de la crise écologique et de l’accélération des vitesses. Il sera aussi caractérisé par un nouveau cycle de repeuplement de la planète.
ADRIA FRUITOS POUR JA
Les migrations ne s’arrêteront point. Au contraire, la terre est à la veille de nouveaux exodes. Plus que par le passé, le gouvernement des mobilités humaines sera le moyen par lequel une nouvelle partition du globe se mettra en place. Les maîtres du monde de demain, ce sont ceux qui auront fait main basse sur les moyens de production de la vitesse et sur les technologies de la circulation. Ceux-là seuls pourront décider de qui peut circuler, de qui ne devrait point bouger et de
qui ne devrait le faire qu’à des conditions de plus en plus draconiennes. Une ligne de fracture d’un genre nouveau et d’allure planétaire départagera l’humanité. Elle opposera ceux qui jouiront du droit inconditionnel de circulation et de son corollaire, le droit à la vitesse, et ceux qui seront exclus de la jouissance de ces privilèges (par ailleurs typés racialement). Dans ce nouveau régime global de la mobilité, l’Afrique sera doublement lésée, de l’intérieur et de l’extérieur, et les Nègres, transformés en une classe raciale stigmatisée, seront assignés à résidence en Afrique. C’est donc à l’avènement d’un nouveau
régime de ségrégation planétaire que tend la politique européenne de lutte contre l’immigration. Celle-ci est, à plusieurs égards, l’équivalent de la politique des races d’hier. Afin que les Africains ne soient point transformés en rebuts d’une planète parsemée de miradors, l’Afrique doit devenir son centre propre, sa puissance propre, un vaste espace de circulation et un continent-monde. Comment traduire ces principes dans une nouvelle politique africaine de la mobilité sinon en relançant et en parachevant le projet de décolonisation ? Et, d’abord, la décolonisation culturelle. Il faut en effet purger les Africains du désir d’Europe. Celui-ci ne saurait être, ni philosophiquement, ni culturellement, le tout de la condition africaine. Ensuite, la décolonisation territoriale. Rien, historiquement, ne justifie la coupure du continent entre le nord et le sud du désert du Sahara. Plus encore, aucun Africain ou personne d’origine africaine ne saurait être traité comme un étranger où que ce soit sur le continent. Débalkaniser cette partie du monde apparaît de plus en plus comme l’une des conditions de protection des vies africaines menacées à travers le monde. Pour y parvenir, il est urgent de repenser de fond en comble le principe de la glaciation des frontières coloniales adopté par l’Organisation de l’unité Africaine en 1963. En consacrant leur intangibilité, l’on a fait des frontières héritées de la colonisation la pierre juridique qu’exploite l’Europe pour accélérer la « bantoustanisation » du continent. Tout comme le droit de choisir ceux qui doivent les diriger, le projet d’autodétermination exige que les Africains acquièrent le droit de circuler librement sur l’ensemble du continent. Un premier pas dans cette direction consisterait à généraliser l’octroi de visas à l’arrivée à tout voyageur détenteur d’un passeport africain. Sur le long terme, la libéralisation du droit de résidence doit compléter le droit de libre circulation des personnes. Pour le reste, la Banque africaine de développement devrait être convertie en banque de l’intégration africaine et ne plus financer que de grands projets visant à ouvrir le continent sur lui-même.
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Événements
Cemac Comment en finir avec la crise Après deux années de récession, la croissance reprend timidement des couleurs en Afrique centrale. Mais, si la catastrophe a pu être évitée, il y a encore loin de la coupe aux lèvres. es six économies de la Cemac (Cameroun, Gabon, Guinée équatoriale, Centrafrique, Congo, Tchad) ne sont pas passées loin de la catastrophe en 2017. La chute spectaculaire des cours du pétrole à partir de 2014 a non seulement cassé la croissance, mais aussi déséquilibré gravement les budgets des États, aggravé les déficits des comptes courants et surtout asséché les réserves en devises, qui étaient tombées pour l’ensemble de la communauté à 1,7 mois d’importations de biens et services, le Tchad n’ayant plus rien en caisse. Le couteau sous la gorge et menacés d’une dévaluation de leur monnaie commune, le franc CFA, les six États ont taillé dans leurs dépenses, notamment en matière d’investissements. L’aide du FMI et des bailleurs de fonds leur a permis de rendre un peu moins douloureux cet ajustement qui, chez plusieurs d’entre eux (le Gabon et le Tchad, notamment), a provoqué des coupes sévères dans la masse salariale de la fonction publique. Enfin, le roi pétrole, qui gouverne les comptes de cinq pays sur six, a repris ses largesses en quantité (la production devrait connaître une hausse de 2,6 % en 2018) comme en niveau de prix (plus de 70 dollars
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le baril en moyenne en 2018, contre 50 dollars en 2017). Les déficits se sont réduits et, à la fin de cette année, les réserves en devises équivalent à trois mois d’importations. Après la récession en 2016 (– 0,7 %) et la stagnation en 2017 (+ 0,9 %), la Cemac devrait renouer avec la croissance (+ 2,7 % en 2018 et + 3,4 % en 2019), selon le FMI. En tête cette année, la Centrafrique (+ 4,3 %), suivie du Cameroun (+ 3,8 %), du Tchad (+ 3,5 %), du Congo et du Gabon (+ 2 %). Seule la Guinée équatoriale connaît les affres de la récession (– 7,7 %).
Optimisme mesuré
« On assiste à une reprise prudente, commente Ruben Nizard, économiste spécialisé dans l’Afrique subsaharienne à la Coface. Le PIB par tête progresse très légèrement, car la croissance, notamment dans le secteur de la construction, reste trop faible en raison de l’ajustement budgétaire, qui a été douloureux. Il est donc difficile de dire que la zone est sortie de la crise. » Daniel Ona Ondo, le président de la Commission de la Cemac, est un peu plus optimiste certes, mais il ne dit pas autre chose : « Les perspectives macroéconomiques sont prometteuses, mais la croissance reste trop faible pour espérer réduire de manière
LE COUTEAU SOUS LA GORGE, SOUS LA MENACE D’UNE DÉVALUATION DU FRANC CFA, LES SIX ÉTATS ONT RÉDUIT LEURS INVESTISSEMENTS.
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CELIA LEBUR/AFP
ALAIN FAUJAS
Après la récession et la stagnation, la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale renoue timidement avec la croissance.
significative la pauvreté », avancet-il. D’après le Gabonais, qui était récemment à Washington pour faire un point avec le FMI sur la situation dans la zone, les progrès réalisés par les économies de la communauté restent fragiles. En effet, la convalescence est menacée sur plusieurs fronts politicoéconomiques : la crise anglophone du Cameroun, l’endettement du Congo, l’indisponibilité temporaire du président gabonais ou encore le tarissement des champs pétrolifères en Guinée équatoriale. « La persistance des tensions sécuritaires dans le bassin du lac Tchad, au Sahel et en Centrafrique pourrait entraîner la hausse des dépenses de sécurité, la réduction des échanges commerciaux avec le Nigeria et le Cameroun ainsi que la diminution du recouvrement des recettes fiscales et douanières, en créant aussi un afflux plus important de réfugiés, de déplacés et de rapatriés », complète Daniel Ona Ondo.
Yoyo du pétrole
Mais le risque majeur demeure l’évolution des prix du pétrole, qui font du yoyo, montant à plus de 80 dollars le baril en septembre pour chuter à 56 dollars à la mi-décembre. Le sommet de l’Opep des 6 et 7 décembre à Vienne a mis en lumière les incertitudes nées de l’affrontement entre les États-Unis, qui veulent faire baisser les cours et inondent de plus en plus le marché avec leur pétrole de schiste, et les autres pays producteurs, qui souhaitent les faire remonter entre 70 et 80 dollars et vont tenter de réduire leur production de 1,2 million de barils par jour dans cet objectif. Pour l’heure, le marché est excédentaire de 2 millions de barils. Il est impossible de savoir comment vont s’équilibrer ces forces contraires, et aucun expert ne prédit un retour à l’âge d’or connu au début de la décennie, quand le baril avait dépassé 110 dollars. Les analystes de la banque UBS estiment que « les cours sont désormais au-dessous du niveau requis pour la plupart des membres de l’Opep ».
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Événements
C’est dire que les six membres de la Cemac seraient imprudents de parier sur la manne pétrolière pour gommer leurs fragilités, des fragilités que les illusions de l’or noir ont contribué à créer: absence de diversification économique, mauvaise gouvernance, sombre climat des affaires, faible système bancaire, développement humain médiocre et pauvreté persistante. Que le cours du pétrole monte ou baisse, le FMI a calculé qu’il manquera à la Cemac, d’ici à 2020, 7,6 milliards de dollars pour être à flot.
VINCENT FOURNIER/JA
Deux pays font cavalier seul
Les réserves en devises s’étaient taries en raison de la chute des cours du baril de pétrole.
UN REMÈDE ANTIDÉVALUATION Si son franc CFA a failli être dévalué fin 2016, c’est que les réserves en devises de la Cemac étaient à sec en raison de la chute des cours du pétrole. Leurs variations ont été impressionnantes en dix-huit ans. Dans les caisses de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac), elles s’élevaient en 2001 à 1,1 milliard de dollars et à un mois d’importations. En 2013, elles culminaient à 18,2 milliards et à six mois. Fin 2016, elles s’effondraient à 3 milliards et à 1,7 mois. Aujourd’hui, elles
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tournent autour de 4 milliards et 3 mois. Une partie du problème vient de ce que tous les membres de la Cemac ne respectent pas l’obligation d’apporter leurs gains en devises à la Beac. Ils préfèrent en déposer une partie sur un compte plus rémunérateur à l’étranger. « Cette pratique, à la rigueur soutenable quand le prix du baril était de 100 dollars et que le budget consolidé de la Cemac était proche de l’équilibre, est devenue un risque majeur depuis l’effondrement des prix du
pétrole », note un rapport d’août 2018 du FMI. Car les réserves devraient plafonner à 10,5 milliards de dollars et 4,4 mois d’importations en 2021. Insuffisant pour rassurer les marchés. Le FMI préconise d’obliger tous les pays à déposer leurs devises à la Beac jusqu’à ce que celles-ci couvrent un minimum de 5 mois d’importations. Au-delà, ils les placeraient dans un fonds national dont chacun d’eux disposerait librement. Les États l’accepteront-ils ? A.F.
Pourtant, deux pays, la Guinée équatoriale et le Congo, tardent à trouver un accord avec le FMI, qui leur demande des réformes importantes. Font-ils le pari qu’ils pourraient se tirer d’affaire seuls grâce à une remontée des cours du pétrole? Brazzaville, à qui le Fonds demande d’obtenir de ses créanciers (Glencore, Trafigura, Gunvor, Vitol et des sociétés chinoises) un rééchelonnement de sa dette à leur égard, a en effet mis en exploitation le champ offshore de Moho Nord et espère y produire 100000 barils par jour à terme. À Yaoundé, au siège de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac), on nous assure que ces deux pays poursuivent les négociations avec le FMI en vue d’un accord (lire p. 66). Car il s’agit là d’une des résolutions prises en décembre 2016 par l’ensemble de la communauté, dont tous les membres s’étaient par ailleurs engagés à mettre en œuvre une vraie discipline budgétaire, à rapatrier les devises d’exportations dans les coffres de la Beac et à veiller à la convergence de leurs politiques économiques.
SELON LE FMI, IL MANQUERA 7,6 MILLIARDS DE DOLLARS À LA CEMAC POUR SE REMETTRE À FLOT EN 2020.
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Événements
Daniel Ona Ondo
Président de la Commission de la Cemac
« Les mesures prises restent en deçà des attentes » Propos recueillis à Yaoundé par OMER MBADI
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Après le sommet extraordinaire de la Cemac de décembre 2016, le compte y est-il en matière de croissance et de reconstitution des réserves de change ? Les mesures prises, notamment la consolidation budgétaire, la conclusion par chacun des pays d’un programme soutenu par le FMI et l’application rigoureuse des dispositions de la réglementation des changes ont permis de stabiliser la tendance baissière des réserves de change, avec notamment une couverture des importations projetée à 2,6 mois à fin décembre 2018. La croissance économique est redevenue positive, à 1 % dans la zone à la fin de l’année, après deux ans de récession consécutifs. Ces résultats sont certes les effets de ces mesures, mais aussi de l’amélioration des termes de l’échange et de la bonne tenue du secteur pétrolier au Congo et au Tchad. Ces performances restent en deçà des attentes. Des efforts doivent être faits dans la mobilisation des recettes fiscales. 66
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XAVIER BOURGOIS POUR JA
e président de la Commission de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) fait le point sur les progrès accomplis par les pays membres deux ans après le sommet extraordinaire de Yaoundé, qui les invitait à conclure des accords avec le FMI.
Comment la zone vit-elle le fait que le Congo et la Guinée équatoriale tardent à conclure un accord avec le FMI ? Les retards de conclusion d’un accord par les deux pays devraient être résorbés pour atteindre les objectifs fixés dans le cadre de la stratégie régionale de sortie de crise. C’est dans ce sens que les autorités de la Guinée équatoriale ont mis en œuvre un programme de référence et que celles du Congo s’emploient activement à s’aligner sur les engagements solidaires pris à Yaoundé et réaffirmés à l’occasion du sommet de N’Djamena, le 23 octobre dernier. Les responsables du FMI admettent que des efforts ont été consentis à travers les réformes engagées depuis 2016, je peux donc vous assurer que les évolutions vont dans le bon sens.
Nourrissez-vous des inquiétudes particulières pour 2019, liées au fait que le président Ali Bongo Ondimba est indisponible ? Le gouvernement est à la manœuvre pour se conformer aux objectifs du programme conclu avec le FMI.
Le retrait de l’organisation de la CAN 2019 et la crise anglophone changent-ils la donne pour le Cameroun ? Le défi sécuritaire demeure une préoccupation majeure. Et ses effets n’affectent pas seulement le Cameroun, dont on reconnaît le poids économique dans la zone. La persistance de la crise anglophone – à laquelle nous souhaitons une solution rapide – pourrait peser sur les performances budgétaires, la croissance économique et les investissements, notamment étrangers. Une situation sur laquelle la décision de la CAF aurait des effets négatifs, mais ceux-ci pourraient être amoindris si l’organisation de la prochaine édition offrait une certaine visibilité, garantissant ainsi une poursuite maîtrisée des chantiers et de leur financement. Avant ce retrait, nous prévoyions une croissance de l’économie camerounaise à 4,4 % en 2019, après des projections de l’ordre de 3,8 % en 2018.
1ÈRES CHAÎNES D’INFORMATION INTERNATIONALE EN AFRIQUE FRANCOPHONE*
RFI disponible en Afrique sur 115 relais FM dans 36 pays. 450 radios partenaires. Sur applications mobiles et opérateurs téléphoniques. France 24 disponible en Afrique dans les bouquets Canal +, StarSat, TNT Sat Africa, Ma Télé Afrique. Dans les offres TNT, MMDS, IPTV et en clair sur les satellites SES 5, Eutelsat 16A, NSS 12. *Source : Ipsos Kantar TNS – Africascope 2017/2018
Kako Nubukpo
Économiste, ancien ministre togolais de la Prospective et de l’Évaluation des politiques publiques et ancien directeur de la Francophonie économique et numérique au sein de l’OIF.
Intégration: le marché ne suffit pas
a création de la Zone de libre-échange continentale (Zlec) s’est imposée depuis quelques mois comme l’horizon de la prospérité africaine. Les dirigeants du continent se jettent à corps perdu dans ce projet avec la foi propre aux néo-convertis, au moment même où l’essoufflement de la construction européenne nous rappelle que la thèse du grand marché salvateur est une fiction théorique et une impasse pratique. Depuis le Plan d’action de Lagos de 1980, l’intégration régionale est vendue comme la panacée. Selon les économistes libéraux, plus la taille du marché s’élargit, plus les chocs exogènes s’amortissent, et plus les consommateurs peuvent s’approvisionner à des prix prédictibles, tout en bénéficiant d’économies d’échelle. Cela ne serait pas totalement faux si une véritable protection des marchés était mise en place et si cela permettait d’augmenter la circulation de marchandises made in Africa. Mais cette équation ne correspond pas aux réalités économiques locales. Dans le cas de l’Uemoa, l’agenda de transformation du coton en textile lancé par les chefs d’État en 2003 pour passer, en dix ans, d’un taux de 3 % à 25 % s’est heurté à la mauvaise gouvernance des usines textiles et à l’ouverture non graduelle du marché ouest-africain aux friperies occidentales et au textile chinois. Quinze ans plus tard, le taux de transformation est toujours de 3 %. De plus, l’essentiel des recettes publiques des États provient d’une fiscalité de porte. En matière d’intégration régionale, le carré magique européen – l’instauration d’une zone de libre-échange, précédant une union douanière avec un tarif extérieur commun, prélude à la création d’un marché commun et si possible unique, couronné par une union monétaire – ne saurait constituer en soi les Tables de la loi. Chaque économie a ses spécificités. Plutôt que de s’enferrer dans le mimétisme, les dirigeants africains auraient intérêt à rompre avec un libre-échange qui maintient, voire accroît, les écarts de développement. Plutôt que de batailler pour conditionner toute émergence industrielle à l’établissement d’un grand marché continental, les économies devraient protéger ensemble leurs marchés, notamment agricoles. Leur grande diversité leur donne la possibilité de jouer de leurs complémentarités afin d’atteindre l’autosuffisance et la souveraineté alimentaires, ce qui réduirait d’autant la contrainte extérieure. Elles développeraient ainsi également les industries des engrais et de l’outillage, les industries agroalimentaires (transformation, conservation, stockage et distribution) et de transformation des produits
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agricoles non alimentaires (comme le textile). En se dotant de filières complètes, elles réduiraient leur dépendance vis-à-vis de l’étranger. Qu’importe si les pays africains ne sont pas à la pointe de la technologie ou les mieux placés sur les marchés mondiaux, si la contrepartie en est l’amélioration des conditions de vie pour le plus grand nombre. Un tel programme devra être accompagné d’investissements publics importants dans les infrastructures de transport et de communication, indispensables non seulement pour intégrer les secteurs industriels et agricoles mais aussi pour densifier les échanges et accroître l’intégration des économies de la région. Mais cette politique visant à produire localement les biens et services ne pourra prospérer, face aux intérêts de classes dominantes qui profitent du mal-développement, que si les États se dotent d’une vision claire, partagée par les populations, et ont à cœur l’intérêt général. Les plans d’émergence africaine, souvent conçus par des consultants internationaux, assortis le plus souvent de tables rondes
ADRIA FRUITOS POUR JA
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BRUNO LEVY POUR JA
Événements
de bailleurs de fonds délocalisées hors du continent, ne sauraient constituer l’alpha et l’oméga de la renaissance africaine. De même, nul ne saurait parer de toutes les vertus la Zlec qui, pour l’heure, a une fonction plus incantatoire que réelle, reposant sur une fiction théorique (néo)libérale qui n’a fait ses preuves nulle part. La question préalable à toute entreprise d’intégration régionale réussie est: « Que voulons-nous faire ensemble? » La balle revient une fois de plus dans le camp du politique. À lui de jouer!
CROISSANCE PANAFRICAINE ET DIVERSIFICATION INTERNATIONALE, LES CLÉS DE LA RÉUSSITE POUR SDA HOLDING
SDA Holding (anciennement Société de Distribution Africaine) est spécialisée dans la distribution de machines et d’équipements industriels haut de gamme. Son fondateur et président, Philippe de Moerloose, a toujours eu un profond attachement pour l’Afrique qui l’a vu naître et grandir. Dès le début des années 90’, il s’est donc naturellement tourné vers le continent africain dont il a su saisir les formidables opportunités, avant de s’étendre à l’international qui représente aujourd’hui deux tiers de son activité. Le groupe est devenu leader dans son secteur et affiche une croissance annuelle de son chiffre d’affaires de plus de 20% sur la dernière décennie, pour atteindre 850 millions d’euros en 2018. Aux côtés d’African Equities - qui regroupe les filiales spécialisées dans l’hôtellerie et la construction - SDA Holding est un employeur privé de premier plan en Afrique. Le groupe compte en effet plus de 2000 collaborateurs sur le continent, notamment à travers ses filiales SMT Holding et DEM Group. SMT Holding - spécialisée dans les engins de chantier, le matériel de manutention et les camions de marques leaders telles que Volvo Construction Equipment, Volvo Trucks et Sennebogen -
propose une solution complète de machines et de services pour les secteurs de la construction, du transport, de l’infrastructure routière, mais aussi des mines et carrières, dans 26 pays d’Afrique. DEM Group, également actif dans la distribution d’engins de chantier et de matériel lourd, est le distributeur exclusif de marques premium telles que John Deere Construction & Forestry, John Deere Agriculture, Hitachi et Wirtgen. Bien qu’historiquement tourné vers l’Afrique, le groupe a également développé sa présence en Europe au gré d’acquisitions successives. SDA réalise aujourd’hui 66% de son chiffre d’affaires en Belgique, en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas et au Luxembourg. SDA Holding a donc réussi un double pari : une forte croissance panafricaine - qui lui permet de servir ses clients de l’Afrique du nord à l’Afrique centrale - et une diversification à l’international au travers d’acquisitions majeures. Fort de ce succès, le groupe entend continuer à jouer son rôle sociétal d’employeur de premier plan et poursuivre le développement de ses activités en saisissant de nouvelles opportunités de croissance.
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Événements
2019 Une année riche en élections BENJAMIN ROGER
lusieurs pays phares éliront leur président en 2019. Les premiers à être appelés aux urnes seront les Nigérians, le 16 février. Entre le chef de l’État sortant, Muhammadu Buhari, et son challenger Atiku Abubakar, le match s’annonce serré. Il le sera sans doute moins une semaine plus tard au Sénégal, où Macky Sall semble se diriger droit vers un second mandat en l’absence annoncée de ses principaux opposants, Karim Wade et Khalifa Sall. Viendra ensuite le tour des Algériens, en avril, toujours suspendus à l’annonce d’une éventuelle candidature d’Abdelaziz Bouteflika pour un cinquième mandat malgré sa santé défaillante. Puis ce sera celui des Sud-Africains, en mai, qui diront s’ils renouvellent leur confiance à Cyril Ramaphosa, avant celui des Mauritaniens, qui devront choisir, en juin, un successeur à Mohamed Ould Abdel Aziz. Enfin, à la fin de l’année, les Tunisiens éliront leur président – Béji Caïd Essebsi n’a pas encore dit s’il comptait briguer un second mandat – et leurs députés. Plusieurs autres pays doivent tenir des législatives au cours de l’année : Madagascar, le Bénin, la Guinée, le Mali, le Cameroun, ou encore le Tchad. Quant aux Burkinabè, ils devront se prononcer en mars pour ou contre le projet de nouvelle Constitution et le passage à une Ve République.
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Présidentielle
Générales
Législatives
Sénatoriales
Locales
ALGÉRIE AVRIL
Au pouvoir depuis 1999, Abdelaziz Bouteflika, 81 ans et très affaibli depuis son AVC, en 2013, entretient le doute sur son éventuelle candidature à un cinquième mandat.
BURKINA FASO 24 MARS Les Burkinabè sont appelés à approuver ou à rejeter le projet de nouvelle Constitution proposé par Roch Marc Christian Kaboré. Ce passage à une éventuelle Ve République est censé marquer une rupture symbolique avec le régime de Blaise Compaoré. Maroc
MALI JUIN
Initialement prévu fin 2018, dans la foulée de la présidentielle à l’issue de laquelle IBK a été réélu, le renouvellement de l’Assemblée nationale a été reporté de six mois pour des raisons administratives et politiques.
MAURITANIE JUIN
Mohamed Ould Abdel Aziz ayant déclaré qu'il refusait toute idée de troisième mandat, il devrait soutenir un candidat de son parti, l'Union pour la République (UPR). Le FNDU, la principale coalition de l’opposition, a annoncé qu’il présenterait un candidat unique.
SÉNÉGAL 24 FÉVRIER
Candidat à un second mandat, Macky Sall semble se diriger droit vers une réélection en l’absence annoncée de Karim Wade et de Khalifa Sall, ses deux principaux opposants.
GUINÉE-BISSAU 1er TRIMESTRE
Censées sortir le pays de la crise politique qu’il traverse depuis 2015, les législatives devraient se tenir début 2019.
GUINÉE 1er TRIMESTRE
Initialement prévues en 2018, les élections législatives sont censées se tenir début 2019, dans un climat politique tendu entre le pouvoir d'Alpha Condé et ses opposants, au premier rang desquels Cellou Dalein Diallo.
BÉNIN MARS
Le renouvellement de l’Assemblée nationale devrait acter la reconfiguration du paysage politique et sera un test majeur pour le président, Patrice Talon, à deux ans de la présidentielle.
NIGERIA 16 FÉVRIER ET 2 MARS
Muhammadu Buhari est candidat à un second mandat. Son principal challenger est Atiku Abubakar. Le même jour, les Nigérians éliront leurs députés. Le 2 mars, ils éliront leurs gouverneurs, très influents chefs des 36 États qui composent le pays.
CAMEROUN OCTOBRE Un an après une présidentielle qui a consacré l'émergence d’une nouvelle opposition (Maurice Kamto, Akere Muna, Cabral Libii) et l’affaiblissement du Social Democratic Front (SDF), le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir) tentera de ne pas perdre de terrain à l’Assemblée.
Cap-Vertt Gambie
Mauritanie
Mali
Sénégal Guinée-Bissau Guinée Sierra Leone Liberia
Burkina Faso Côte d’Ivoire
Ghana
Gouverneurs
Référendum constitutionnel
LIBYE DATE INCERTAINE
TUNISIE NOVEMBRE ET DÉCEMBRE
L’ONU espère relancer le processus électoral d’ici à la fin du premier trimestre. La Libye devra auparavant se doter d’une Constitution par référendum.
Béji Caïd Essebsi, 92 ans, n’a pas encore déclaré s'il était candidat à un second mandat ou non. Le chef du gouvernement, Youssef Chahed, réfléchit, lui, à la formation de son propre parti. Les législatives seront déterminantes pour le futur rapport de forces au sommet de l’État.
NIGER DATE INCERTAINE
Les élections locales pourraient avoir lieu en 2019, mais le calendrier n’a pas été définitivement fixé. Le code électoral doit encore être révisé, mais l’opposition s’est pour le moment retirée des discussions. Tunisie
TCHAD DATE INCERTAINE
Libye
Reportées depuis 2015, les législatives auraient dû se tenir en novembre 2018. Las ! faute de budget, Idriss Déby Itno a choisi de remettre l’échéance à plus tard. Le scrutin devrait avoir lieu en 2019.
Algérie Égypte
RD CONGO MARS, SEPTEMBRE ET DÉCEMBRE Niger
Ce sera la première fois depuis l’indépendance que le pays organisera ses locales. Une fois élus, les sénateurs devront voter pour le président du Sénat, deuxième personnalité de l'État.
Soudan
Tchad
Érythrée
RWANDA SEPTEMBRE
Djibouti
Bénin
Togo
Nigeria Centrafrique
Soudan ddu Su Sud
Cameroun
São Toméet-Príncipe
Guin née équ. Congo g b Gaabon
RD Congo
Ougganda
Le Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagame est le grand favori du scrutin, qui doit lui permettre d'asseoir encore plus son écrasante majorité parlementaire.
Éthiopie
Kenya
Somalie
MOZAMBIQUE 15 OCTOBRE
Le chef de l’État, Filipe Nyusi, se présentera à un second mandat, sur fond de tensions toujours vives entre son parti, le Frelimo, au pouvoir depuis l'indépendance, et la Renamo, l’ancienne rébellion durant la guerre civile.
Rwanda Burunddi
Seychelles
TTanzanie
COMORES DATE INCERTAINE
Après avoir réussi à faire avaliser son référendum constitutionnel par 92,7 % de la population en juillet 2018, le président Azali Assoumani briguera sa propre succession, à l’occasion d’un scrutin anticipé de deux ans.
Comores Angola Zambie
Mozambique M Malawi Madagascar
Zimbabwe Namibie
Botswana eSwatini
NAMIBIE
NOVEMBRE
Élu en 2014, le président, Hage Geingob, de l’Organisation du peuple du Sud-Ouest africain (Swapo), part favori pour accomplir un second mandat.
AFRIQUE DU SUD MAI
Lesotho Afrique du Sud
Maurice
MAURICE DÉCEMBRE
Au cours des élections générales, le pays va élire les députés qui porteront le prochain Premier ministre au pouvoir. Après avoir succédé à son père, Anarood, en janvier 2017, l'actuel chef du gouvernement, Pravind Jugnauth, devrait affronter Navin Ramgoolam, le leader du Parti travailliste.
BOTSWANA OCTOBRE
Après la démission de Seretse Ian Khama, en mars 2018, son vice-président, Mokgweetsi Masisi, est devenu chef de l'État. Il tentera de conserver le pouvoir grâce aux urnes lors des élections générales.
Ce sera la première fois que le président, Cyril Ramaphosa, affrontera le suffrage universel. Il a en effet été propulsé à la tête du pays après avoir été élu président de l’ANC en décembre 2017, puis lorsque celle-ci a forcé Jacob Zuma à se retirer, en février 2018.
MADAGASCAR MARS
Après avoir élu son nouveau président le 19 décembre 2018, le pays va choisir les 151 députés appelés à siéger durant son mandat. La majorité dépendra donc du futur vainqueur, Marc Ravalomanana ou Andry Rajoelina.
MALAWI MAI
Le chef de l’État, Peter Mutharika, est candidat à un second mandat. Son principal adversaire sera son ancien vice-président, Saulos Chilima.
Événements
Le dilemme sahélien
uand la case du voisin brûle, il faut mouiller ta barbe », dit le proverbe moré. De fait, cela fait bien longtemps que l’incendie a gagné les pays limitrophes du Burkina Faso. Bien avant que des groupes islamistes armés profitent de la rébellion touarègue pour prendre le contrôle du nord du Mali, Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) avait multiplié attaques et prises d’otages dans la sous-région, démontrant la preuve de son influence croissante au Mali aussi bien qu’au Niger. Le Pays des hommes intègres a eu tout le temps de voir le danger grandir à sa porte et de réfléchir à une approche globale de la montée de l’extrémisme violent. Hélas, les circonstances particulières d’une transition politique à tout le moins chaotique, doublées d’une culture du déni d’un risque pourtant évident, l’en ont empêché, jusqu’à ce que les attentats de Ouagadougou, en 2016, signent la fin de l’exception pour faire entrer tous les pays de l’Afrique de l’Ouest dans l’ère de l’absurdité même de la prévision. Le Burkina Faso, qui, jusqu’en 2015, était l’un des rares à pouvoir encore faire prévaloir une approche préventive et prospective, fait désormais partie des États sous haute pression sécuritaire – le risque étant aussi celui d’une extension du théâtre des opérations terroristes vers cette Afrique côtière jusqu’ici globalement épargnée. L’insécurité, qui était au départ limitée au septentrion burkinabè et au Liptako Gourma, s’est progressivement étendue à d’autres régions du pays, et singulièrement à l’Est, dans cette zone forestière que se partagent le Burkina Faso, le Bénin et le Togo. Entre la mi-août et la fin du mois de septembre 2018, 21 attaques terroristes ont été répertoriées, dont 14 dans la seule région de l’Est (particulièrement dans les provinces de la Kompienga et de la Komandjari). Dans ces zones, les symboles de l’État sont directement pris pour cible. Pas plus tard que le 15 novembre, des agents de l’État sont tombés dans un guetapens sur l’axe Fada-Pama, jusque dans la zone de la réserve présidentielle. L’insécurité est telle que, depuis le début de novembre, le personnel du Tribunal de grande instance de Fada N’Gourma est en grève illimitée pour protester contre l’absence d’un dispositif sécuritaire minimum dans l’Est. Aujourd’hui, la communauté internationale s’inquiète de voir cette partie du Burkina Faso et ses forêts devenir le nouveau refuge des groupes terroristes. D’autant que la proclamation de l’état d’urgence dans le sud-ouest du Niger, dans les départements de Say,
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Torodi et Téra, dans la région de Tillabéri, va indéniablement faire de l’Est burkinabè une zone naturelle de repli stratégique. Au rythme où sont menées les attaques, il ne fait aucun doute que les groupes terroristes sont plus que jamais déterminés à transformer le verrou burkinabè en véritable passoire vers les régions côtières (l’attaque perpétrée en mars 2016 à Grand-Bassam, loin de l’épicentre traditionnel du jihadisme, avait, à cet égard, valeur d’avertissement). La récente déclaration de la ministre française des Armées, Florence Parly, sur la disponibilité de Paris à intervenir en cas de sollicitation burkinabè fait déjà penser à « un nouveau Mali ». Là-bas, pourtant, l’approche purement militaire dévoile chaque jour ses insuffisances, et les groupes terroristes continuent de pro-
ADRIA FRUITOS POUR JA
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«
DR
Bakary Sambe
Directeur du Timbuktu Institute et professeur à l’université Gaston-Berger de Saint-Louis (Sénégal)
liférer alors que le recours à la force était censé permettre d’en venir à bout. La France le sait, ses alliés sahéliens aussi, et les opinions publiques doutent de plus en plus de la pertinence d’une nouvelle guerre à l’issue forcément incertaine. Mais peut-être que, tel un « mal nécessaire », cet enlisement permettra un jour de réduire, ne serait-ce qu’un peu, le fossé qui s’est creusé entre les approches internationales et les perceptions locales d’une crise qui perdure. Là est le cœur du nouveau dilemme sahélien: parvenir à concilier la position difficile des États africains, celle de leurs partenaires internationaux, l’impératif de gestion des urgences sécuritaires et la nécessité d’un changement de paradigme face à l’échec patent du tout-militaire.
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PUBLI-INFORMATION
Investir en Guinée
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économique unique
La croissance est de retour en Guinée et elle est forte. Révisée à 10,5 % par le FMI en 2016 et à 8,5 % en 2017, elle devrait se maintenir à un niveau supérieur à 7 % dans les années à venir. Pour parvenir à ces résultats, le pays a depuis huit ans amélioré l’environnement des affaires, en même temps qu’il a résisté, à partir de 2014, à la crise sanitaire d’Ebola et à la chute des cours mondiaux des minerais, l’une de ses principales ressources. La Guinée a ainsi gagné 26 places au classement « Doing Business » de la Banque mondiale en six ans.
Résultat : Lorsque les cours du secteur minier sont repartis à la hausse, notamment ceux de la bauxite et de l’or, les investissements ont afflué, faisant doubler les recettes d’exportation. Ces ressources, ainsi que l’accompagnement des partenaires techniques et financiers de la Guinée, permettent au pays de mettre en œuvre son Plan national de développement économique et social (PNDES). Celui-ci vise à investir fortement dans les infrastructures et dans les secteurs productifs à même de créer de façon pérenne des emplois et de la richesse : l’agriculture et l’agroalimentaire, les services, le commerce ou encore le tourisme.
Investir en Guinée
Révéler un potentiel économique unique
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Comment la Guinée a amélioré son climat des affaires Entre les éditions 2013 et 2019 du classement « Doing Business » de la Banque Mondiale, la Guinée a gagné 26 places grâce à sa politique d’amélioration de l’environnement des affaires, passant du 178e au 152e rang. Tour d’horizon des principales réformes réalisées depuis six ans.
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esdélaisdecréationd’uneentreprise sont passés de 30 jours à 72 heures en moyenne. La fixation de la valeur d’une part sociale pour une SARL est désormais libre.
• Le délai d’octroi des permis de construire est passé de 69 à 29 jours et les réformes se poursuivent, notamment avec la volonté de réduire le coût des taux de mutation et de faciliter l’accès aux terres dans les zones rurales. • Le Système national d’enregistrement des entreprises en République de Guinée (SyNERGUI), une plateforme électronique, permet d’interconnecter l’ensemble des acteursconcernésparlacréationd’entreprise, la seconde étape prévoyant de permettre la création d’entreprise en ligne.
• Elle le sera aussi grâce à la création d’un tribunal de commerce opérationnel en 2019. Son président et ses magistrats ont été nommés cette année. • Le cadre institutionnel a été renforcé à travers la restructuration de l’Agence de Promotion des investissements Privés (APIP) et la mise en place, en son sein, d’un Guichet unique pour de l'investisseur, chargé d’informer et d’accompagner les entrepreneurs nationaux et internationaux. • Un guichet unique minier a été créé en 2016, pendant que le cadastre et les licences minières étaient digitalisés, alors qu’un guichet unique du foncier et un autre dédié au commerce extérieur doivent être mis sur pied.
• Un Code des investissements attractif, en coursd’opérationnalisation,aété promulgué en 2015. • Le nouveau Code minier l’avait été en 2011, dans la foulée de l’adhésion de la Guinée à l’Initiative de transparence dans les industries extractives (ITIE). Un Code pétrolier est en cours de validation, de même qu’un autre relatif à l’élevage et aux produits animaux. • La Guinée a adopté en juillet 2017 une nouvelle loi-cadre pour les partenariats public-privé (PPP). Celle-ci simplifie la signature de ce type de contrats, notamment dans les secteurs de l’énergie, des transports et de l’eau. ●
© Vincent Fournier/Jeune Afrique
•Laprotectiondesinvestisseursestrenforcée grâce à l’entrée en vigueur de la nouvelle législation de l’OHADA en 2014.
Flux des investissements directs étrangers (en millions de dollars) 2015
2016
2017
Total
64,04
1 668,44
577,57
Secteur minier
32,53
1 654,94
532,68
Autres secteurs
31,51
13,90
44,89
Exportations globales (en millions de dollars)
2017
4 594,06
!
2016
2 414,35
Des opportunités à saisir
L
e niveau des investissements qui sont allés ces trois dernières années vers ce secteur, notamment vers la bauxite, témoigne de l’intérêt qu’il suscite. Le contrat record de 3 milliards de dollars signé en novembre par le consortium SMB Wining avec l’État, dans le cadre d’un complexe intégrant, outre la production, la transformation en alumine et la construction d’un chemin de fer, confirme cette tendance. Il montre aussi la volonté des miniers de transformer localement les minerais et de participer à la construction des infrastructures de transport. Outre la bauxite et l’or, la Guinée regorge de calcaire, de cuivre, de graphite, de plomb, de zinc, de cobalt ou encore de nickel. Son cadastre minier, réformé, est l’un des plus modernes au monde.
PUBLI-INFORMATION
INFRASTRUCTURES
Créer les conditions du développement de la Guinée
Transports routiers La Guinée partage 3 400 kilomètres de frontières avec la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Liberia, le Mali, le Sénégal et la Sierra Leone, et dispose d’une côte de 320 km. En déployant une approchemultimodaledudéveloppement de ses infrastructures, elle veut devenir une plaque tournante du commerce régional. Le PNDES vise à améliorer le trafic sur les routes nationales, mais aussi préfectorales et communautaires, support du développement agricole. Le réseau bitumé doit passer de 2 220 km en 2016 à 3 000 km en 2020.
Port autonome de Conakry 700 millions d’euros sont en train d’être investis dans le Port de Conakry, dont le terminal à conteneurs a été rénové en 2014, pour étendre sa partie Est de 88,7 hectares et renforcer ses
capacités de traitement. La gestion de sa partie conventionnelle a été cédée à un opérateur privé en 2018, l’entreprise turque Albayrak, qui s’engage à investir 200 millions de dollars sur deux ans et 500 millions de dollars à terme.
Énergie électrique La Guinée exploite enfin son potentiel de production hydroélectrique, estimé à 6 100 MW. La centrale hydroélectrique de Kaleta a été inaugurée en 2015 avec 240 MW de capacité de production. Les travaux sont en cours à Souapiti (550 MW), où le barrage servira aussi de retenue d’eau pour alimenter les centrales de Kaleta et de Garafiri, en saison sèche, et Amaria (300 MW), à Dubreka. De quoi satisfaire la demande guinéenne et desservir les pays voisins, avec lesquels les réseaux de distribution, de même qu’à l’intérieur du pays, sont en train d’être rénovés. ●
Agriculture Le secteur bénéficie d’une pluviosité et d’un réseau fluvial exceptionnels, ainsi que de plus de 6 millions d’hectares de terres arables. Plusieurs cultures d’exportation sont susceptibles de recevoir des investissements, telles que l’anacarde, le café, pour lequel la Guinée dispose d’une « indication géographique protégée » - le Ziama, ou encore l’ananas, qui fait un retour en force. Les opportunités sont importantes dans la production d’aliments pour bétail.
588 km de lignes haute tension sont en cours de construction. Ici, le Le barrage de Kaleta.
Les réformes se poursuivent dans le cadre du PNDES La poursuite de plusieurs actions prioritaires est en cours dans l’amélioration de l’accès aux services financiers, la simplification du système fiscal, celle des procédures de construction, de transfert de propriété et d’accès à l’eau et à l’électricité, ou encore dans la formalisation du secteur privé guinéen.
Évolution des créations d’entreprise au Guichet unique de l’investisseur
8 814 3 032 2014
8 793
4 911
2015
2016
2017
Tourisme La quantité d’hôtels de standing inaugurés ces dernières années à Conakry (Grand Sheraton, Noom, Azalaï, Onomo…), est le signe d’une reprise de l’économie. Les autorités veulent désormais s’appuyer sur cette base pour déployer la riche palette qu’offre la Guinée dans le balnéaire, l’écotourisme, la culture et l’artisanat.
DIFCOM/JAMG - © Youri LANQUETTE JA sauf mention
Pour tirer profit de sa situation géographique en Afrique de l’Ouest, le PNDES fait de la mise à niveau de ses infrastructures, dans les transports ou l’énergie, une priorité.
TENDANCES Lors de la projection du film Black Panther, à Nairobi, au Kenya, en février 2018.
84 Interview Tewolde GebreMariam, DG d’Ethiopian Airlines
92 Maroc Grandes fortunes et jeunes héritiers
96 e-Commerce Jumia en quête d’équilibre
106 Or La ruée vers l’Ouest
108 Énergie Volts en stock
110 Télécoms Objectif 5G
116 Décideurs Ils feront 2019
126 Cinéma La fièvre du grand écran
134 Style La manne de la mode musulmane
136 Architecture Bâtisseurs du futur
YASSUYOSHI CHIBA/AFP
78 Consommation Ces hashtags qui font trembler les multinationales
YOUSSEF BOUDLAL/REUTERS
Tendances
Consommation Ces hashtags qui font trembler les multinationales L’année 2018 a été marquée par l’apparition de mouvements de protestation sur les réseaux sociaux visant les politiques commerciales de certaines entreprises sur le continent. Enquête sur une petite révolution.
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jeuneafrique no 3024H
JULIEN WAGNER
u siège de Coca-Cola Afrique du Nord, à Casablanca, au premier étage d’un bâtiment excentré, une petite dizaine de jeunes Marocains scrutent leur ordinateur à la recherche de la moindre mention du géant américain du soda. Leur travail ? Relever les questions, les plaintes ou les commentaires négatifs visant la marque rouge et blanc sur le web maghrébin, y répondre du mieux possible et les
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Afrique. Mais les multinationales présentes sur le continent pourraient rapidement y être confrontées et de plus en plus. En 2018, le continent a ainsi été le théâtre de plusieurs campagnes de boycott lancées sur la Toile ou y ayant eu un retentissement particulier. Au Maroc, les marques Sidi Ali (eau minérale), Centrale Danone (lait, yaourts) et Afriquia (distributeur d’essence) en ont fait les frais. Les ventes de Danone, présent au Maroc depuis 1953, ont chuté de 40 % au deuxième trimestre et de 35 % au troisième trimestre par rapport aux mêmes périodes de 2017 (lire page suivante). Ce Hirak numérique, dont la principale revendication portait sur les prix élevés, a été d’une ampleur inédite au niveau mondial, et des phénomènes similaires ont été observés en Afrique subsaharienne. Au Cameroun, l’opérateur téléphonique Orange a été visé à partir de la fin août par le hashtag #OrangeIsTheNewMafia, qui pointait son manque de clarté tarifaire et les défaillances de service. Depuis plusieurs mois, au Sénégal, l’enseigne de grande distribution Auchan est invitée à « dégager » par un collectif de commerçants qui a rallié à sa cause nombre de Sénégalais autour du hashtag #AuchanDegage. Ils se plaignent en particulier d’une concurrence jugée déloyale. Ces deux cas en Afrique subsaharienne n’ont cependant eu à ce jour qu’un très faible impact commercial. Mais l’enchaînement de ces événements suscite des interrogations. Selon Florence de Bigault, de l’institut de sondage Ipsos, il y a au Maroc et au Maghreb en général, un ras-le-bol de la vie chère.
compiler pour analyser les tendances. Cette équipe de choc est une social media room, appelée également war room dès lors qu’elle répond à une « crise marketing ». Intégrée par Coca-cola, elle est fournie par l’agence digitale espagnole Findasense. La plupart des grandes entreprises internationales ont développé ce type de structure au cours des dix dernières années pour répondre au défi de marketing posé par l’émergence des réseaux sociaux. Cette « salle de guerre » est encore une rareté en
L’effet tache d’huile
« Ces phénomènes sont scrutés attentivement par les états-majors des grosses boîtes, nous apprend Stanislas Seveno, senior client advisor au cabinet de conseil Kantar. […] Car ils peuvent s’amplifier très rapidement et provoquer une chute de parts de marché difficile à récupérer par la suite et qui nécessitera la mise en œuvre d’importants moyens de communication. […] Dans le cas de Danone, au Maroc, on peut d’ores et déjà parler d’accident industriel. Sans compter que ça peut faire tache d’huile sur les autres pays de la zone. Donc il faut absolument réussir à comprendre les causes de ces phénomènes pour les prévenir. » Au sein de la multinationale, dont une partie de la réponse à la crise à consister à prouver au public marocain que ses prix n’avaient pas augmenté
À CASABLANCA, DANS DES « WAR ROOMS », ON COMPILE LES COMMENTAIRES NÉGATIFS VISANT COCA-COLA POUR Y RÉPONDRE DU MIEUX POSSIBLE. jeuneafrique no 3024H
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Tendances CONSOMMATION
BÉNÉFICES EN CHUTE LIBRE POUR CENTRALE DANONE
Selon les prévisions de la multinationale révélées à la fin de novembre, le résultat net de sa filiale marocaine devrait être négatif en 2018, à – 46 millions d’euros, contre + 115 millions lors de l’exercice précédent.
ces dernières années, on ne cache pas son incompréhension des ressorts d’un tel désamour. Pour Florence de Bigault, directrice de la zone Afrique subsaharienne francophone à l’institut de sondage Ipsos, le terrain social est un premier élément d’explication, même s’il est hors du champ d’influence des compagnies. « Il y a, au Maroc et au Maghreb en général, un rasle-bol de la vie chère. Les gens en tiennent rigueur à leur gouvernement, mais aussi aux grandes entreprises, perçues comme des complices. Il y a une dimension politique très forte, avec un transfert sur les entreprises car les citoyens peuvent difficilement s’en prendre à leurs dirigeants. » Selon une étude du Département de l’agriculture des États-Unis (USDA) réalisée en 2016, un ménage marocain dépense en moyenne un tiers de son revenu dans l’alimentation (un peu plus de 10 % dans l’Union européenne). Au Cameroun, le chiffre monte à 46 %. « Mais les deux cas sont très différents, observe Florence de Bigault. Pour Orange Cameroun, ce sont plutôt les classes moyennes qui sont mécontentes du rapport entre le prix et la qualité du service. Mais tous ont en commun de ressentir qu’ils ont davantage de pouvoir en tant que consommateur qu’en tant que citoyen. » Il existe aussi une lecture plus positive de ces événements. Pour Ndeye Diagne, directrice générale de Kantar Afrique de l’Ouest, « cela rejoint le concept de prise en charge de soi aujourd’hui en Afrique. De la prise de conscience de ce qu’on vaut, de ce qu’on veut,durefussevoirimposerdesmodèlesde consommation exogènes. Dans le cas d’Auchan, au Sénégal, c’est typiquement un problème d’intégration. Auchan rachète tout Citydia [chaîne de distribution ivoirienne], s’installe un peu partout et bouscule les codes sans donner l’impression de travailler avec les Sénégalais. » Dans ce cas, Ndeye Diagne conseille une autre marche à suivre. « Quand le Chinois Transsion arrive au Sénégal avec sa marque de téléphone Itel, il offre aux Africains une valorisation à travers des photos qui mettent en avant la peau noire. »
Chez Orange, on ne dit pas autre chose. Aminata Ndiaye, directrice de l’expérience client de l’opérateur sur la zone MoyenOrient et Afrique: « Si l’offre est vue comme exogène, sans aucune spécificité locale, elle n’est pas adoptée et peut même déclencher un rejet. » Pour éviter la répétition de ce qu’Orange vit actuellement au Cameroun, Aminata Ndiaye met en exergue les bonnes questions que les compagnies devraient se poser avant un lancement : « Il faut bien penser la manière dont l’offre va être commercialisée. Est-elle bien positionnée ? Suffisamment facile à comprendre ? Adaptée aux désirs du consommateur? En Afrique, le client a une forme de défiance naturelle vis-à-vis des métiers de service. Il a été habitué à un faible respect des engagements. Et il peut se dire que s’il y a une forme d’opacité c’est délibéré. »
Opposer des contre-messages
Pour se prémunir contre les campagnes négatives sur les réseaux sociaux, Orange a lancé à Paris en 2015 un social hub dont l’une des composantes est la veille sur les sujets d’e-réputation et d’influence, et le suivi des prises de parole officielles du groupe. Danone assure également avoir mis sur pied des équipes en ce sens. Ni l’un ni l’autre n’ont pourtant su prévenir la vague de contestations. C’est ce même service qu’offrent les Espagnols de Findasense pour Coca-Cola. Il le déploie en Afrique du Nord, mais aussi en Amérique du Sud et en Europe. Victoria Corral, responsable marketing, explique : « Nous gérons pour Coca-Cola le contact client sur internet. On collecte des informations, on répond aux réclamations. L’idée est d’écouter tout ce qui se dit sur la marque sur le web et de le traduire en actions de communication intelligentes. » Stanislas Seveno explique : « Il faut réussir à désamorcer la crise en opposant des contremessages et en renouant le lien avec le consommateur. » Une source interne à Danone détaille la stratégie choisie et les résultats obtenus : « Notre réponse a consisté à engager dans le courant de l’été un
POUR NDEYE DIAGNE, DU CABINET KANTAR AFRIQUE DE L’OUEST, IL S’AGIT, « D’UNE PRISE DE CONSCIENCE DE CE QU’ON VAUT, DE CE QU’ON VEUT ».
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- Ph Photo © woraput p t - Illustration © TThomass Vieille
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Tendances CONSOMMATION
dialogue avec les parties prenantes, et notamment les consommateurs. L’objectif était de répondre aux préoccupations des Marocains sur leur pouvoir d’achat. Cela a abouti en septembre à un ajustement du prix du lait, au lancement d’une nouvelle référence et à un engagement à plus de transparence. Aujourd’hui, on peut dire que la situation s’améliore, mais les ventes ne se sont pas totalement rétablies. » Une version optimiste qui ne traduit pas l’inquiétude du siège vis-à-vis de sa filiale marocaine.
Ne pas minimiser le problème
Regagner la confiance du consommateur marocain prendra du temps et coûtera de l’argent. La multinationale française assure cependant à qui veut l’entendre qu’elle est bien décidée à poursuivre son aventure africaine. Mais tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Pour le distributeur Afriquia, les conséquences commerciales ont été bien moindres. Son chiffre d’affaires dépend avant tout de ses contrats avec des
grandes entreprises ou avec l’État, et il n’a donc pas jugé nécessaire de déployer une campagne de communication en vue de reconquérir ses consommateurs à la pompe. Au sein d’Orange, bien que la campagne #OrangeIsTheNewMafia ait eu un impact limité sur les ventes, on ne veut surtout pas minimiser le problème. « Notre posture n’est pas cynique. Ce n’est pas parce que l’impact commercial est faible que nous ne considérons pas la chose comme importante, témoigne Aminata Ndiaye. On veut une relation avec les clients qui soit dans la durée. S’ils se plaignent, ce n’est jamais anodin. » Et d’ajouter, « Cette prise de pouvoir du consommateur est une tendance mondiale. Aujourd’hui,lesAfricainsaussise connectent aux réseaux sociaux et ils suivent cette tendance naturelle à donner son avis, à se plaindre quand on n’est pas content, de façon assez spontanée. C’est une nouvelle donne avec laquelle toutes les entreprises qui font du service doivent désormais composer. C’est exigeant, mais c’est le monde moderne. »
Dans chacun des trois cas de boycott, en Afrique, en 2018, une entreprise française est concernée : Danone au Maroc, Orange au Cameroun et Auchan au Sénégal. Une coïncidence ? « La France n’est pas un pays comme un autre, note Ndeye Diagne, directrice générale de Kantar Afrique de l’Ouest. Il y a un passif. Ensuite, de manière générale, les jeunes Africains ne supportent plus l’idée qu’une multinationale, quelle qu’elle soit, vienne gagner de l’argent dans leur pays pour ensuite le ramener en Occident. » Étienne Giros, président délégué du Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN), suit évidemment avec attention ces développements. S’il estime avant tout que « ces phénomènes sont causés par un
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SEYLLOU/AFP
LA FRANCE VISÉE ?
Au Sénégal, un collectif de commerçants a rallié à sa cause nombre de Sénégalais autour du hashtag #AuchanDegage.
mécontentement sur un prix, la qualité d’un produit ou sur une posture », il n’exclut toutefois pas « qu’il puisse y avoir une amplification en fonction de la
nationalité de l’entreprise ». Une éventualité à laquelle Aminata Ndiaye, directrice expérience client chez Orange pour l’Afrique et le Moyen-Orient, répond en
faisant un pas de côté : « Nos filiales en Afrique ont un fort ancrage local. Orange Sénégal est détenu à 27 % par l’État sénégalais. » J.W.
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Tendances
Propos recueillis à Rabat par RÉMY DARRAS
erein, mesuré, réfléchi, Tewolde GebreMariam, directeurgénéral d’Ethiopian Airlines (ET), répond fin novembre aux questionsdeJAdanslapalmeraiedece grand hôtel de Rabat où se tient la cinquantième assemblée générale de l’Association des compagnies aériennes africaines (Afraa). S’il esquisse bien quelques sourires, l’euphorie est loin de gagner le dirigeant d’une compagnie qui a pourtant pulvérisé tous ses recordssurlapériode2017-2018,tantau niveau du trafic (10,6 millions de passagers, + 21 %) que sur le plan des résultats financiers (2,75 milliards d’euros, + 43 %), avec 110 appareils à sa disposition. Le transporteur éthiopien revient de loin : en 2010, il était quatrième en Afrique derrière Egyptair, Kenya Airways et South African Airways, autant de compagnies à la santé aujourd’hui guère florissante… En 2018, le hub d’Addis-Abeba a dépassé celui de Dubaï en ce qui concerne le volume de passagers en transit pour l’Afrique (+ 85 % depuis 2013). L’annonce de sa privatisation partielle a été l’un des symboles de la libéralisation économique décrétée cette année par le Premier ministre, Abiy Ahmed. Porté par une vision fondée sur la croissance continue du trafic sur le continent et la dynamique des échanges sino-africains, ET souhaite passer à l’étape supérieure. La compagnie a pris des participations dans une dizaine de nouveaux pavillons nationaux sur le continent et travaille étroitement avec l’industrie aéronautique chinoise. Il lui faut se battre avec Emirates, Etihad, Turkish Airlines pour être enfin admis à l’échelle mondiale dans la cour des plus grands.
M’HAMMED KILITO POUR JA
S
Aérien Tewolde GebreMariam Directeur général d’Ethiopian Airlines
« Nous voulons devenir un super-connecteur mondial » Après des performances record en 2018, le pavillon éthiopien accélère son plan de développement tout en préparant l’ouverture de son capital, symbole du vent nouveau qui souffle sur le pays. 84
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Jeune Afrique : L’année fut riche en bouleversements en Éthiopie et dans la Corne de l’Afrique. Vous y attendiez-vous il y a un an ? Tewolde GebreMariam : Les pro-
blèmes étaient là. Nous savions que des changements allaient intervenir, mais nous étions loin d’en imaginer l’envergure et la rapidité.
Que cela change-t-il pour vous?
La plupart de nos vols étaient obligés de passer par le Soudan, ce qui occasionnait de nombreux détours. Désormais, nous avons l’autorisation de survoler l’espace aérien érythréen. On économise une demi-heure de vol, donc beaucoup de carburant… L’économie éthiopienne va s’ouvrir de plus en plus aux investisseurs étrangers. Ethiopian sera une passerelle entre l’Érythrée, la Somalie et leurs diasporas. Si les populations et les économies de la Corne s’unissent, elles peuvent former un marché considérable pour les investisseurs asiatiques, européens et moyen-orientaux. La sécurité en Somalie reste certes un défi, mais l’Éthiopie, grand pays agricole et industriel de 105 millions d’habitants, et ses voisins peuvent créer des synergies pour soutenir leurs importations et leurs exportations. Tout cela générera beaucoup de trafic passagers et fret.
Vous avez réalisé huit ans avant son termelesobjectifsdevotreplanVision 2025 et travaillez déjà au plan Vision 2030. Quels en seront les contours?
Quand on a lancé ce plan, en 2010, nombreux étaient les sceptiques, car notre économie était alors très sous-développée. Le facteur de la réussite a été notre vision à long terme. Des millions de Chinois travaillent sur le continent aujourd’hui. Nous avons été capables de nous positionner pour
SI LES POPULATIONS ET LES ÉCONOMIES DE LA CORNE S’UNISSENT, ELLES PEUVENT FORMER UN MARCHÉ CONSIDÉRABLE POUR LES INVESTISSEURS ÉTRANGERS.
profiter au bon moment de la tendance des investissements chinois en Afrique, tout en maîtrisant nos coûts et en diversifiant nos activités. Nos managers sont des professionnels de l’aviation et non des politiques. L’interventionnisme a causé la ruine de nombre de compagnies aériennes africaines. Il s’agit désormais d’intensifier notre croissance, avec une flotte étendue, davantage de destinations, de fréquences et de connectivité. Nous voulons devenir un super-connecteur, non seulement panafricain mais mondial. Aujourd’hui, nous sommes déjà un connecteur significatif entre, d’un côté, le Japon, la Corée et, de l’autre, le Brésil et l’Argentine. Nous développons de nouveaux segments le tourisme et l’hôtellerie. Près de l’aéroport, nous disposerons d’un complexe hôtelier d’un millier de chambres, dont la première tranche a été ouverte en décembre. Du fait de notre alliance avec DHL, nous nous intégrons
Conférence & Salon Internationaux de Sécurité & de Défense 50
Délégations Officielles 115 délégués de 24 pays africains
de l’Intérieur et de la Sécurité
133
Exposants de 25 pays, 93% d’internationaux
3 237
Visiteurs professionnels de 64 pays
Tendances AÉRIEN
dans une chaîne de transport multimodale et souhaitons offrir le plus d’options logistiques possible au secteur manufacturier éthiopien. Comment avance votre processus de privatisation partielle?
Elle est planifiée mais sera menée dans la durée. Certains grands pays africains comme l’Afrique du Sud, le Nigeria, le Kenya et le Ghana pourraient prendre des parts minoritaires. Ne craignez-vous pas de recréer une sorte d’Air Afrique et d’être otage du politique ?
Non, Air Afrique était possédé par onze pays. Dans notre cas, le groupe est géré comme une entreprise privée. Les actions seront croisées. La Chine est l’un de vos marchés phares. Une bonne partie de vos 66 avions en commande est destinée à la desservir. Des Chinois pourraient-ils entrer dans votre capital?
Des compagnies aériennes chinoises pourront aussi devenir actionnaires. Par ailleurs, nous travaillons étroitement avec l’avionneur chinois Comac et surveillons l’avancée de leurs projets. Nous envoyons fréquemment nos ingénieurs à Shanghai. Comac souhaite livrer rapidement des appareils à China Eastern en 2021. Dès qu’ils seront prêts et certifiés, nous entamerons les négociations. Votre statut d’entreprise publique vous avantage. Ne craignez-vous pas de perdre votre protection?
Notre marché est différent de celui du Kenya, du Maroc, de l’Afrique du
Sud, de l’Égypte, de la Turquie, qui sont de grandes destinations touristiques. Le trafic depuis et vers le Maroc ou le Kenya est important. Alors que le trafic de point à point vers l’Éthiopie est faible : il représente moins de 1 million de passagers. Le transit représente 70 % à 75 % du trafic. C’est pourquoi il n’y a pas autant de compagnies à Addis-Abeba qu’à Nairobi ou à Johannesburg. La compétition sur le marché domestique ne constitue pas un enjeu pour nous, car ce n’est pas un segment profitable. Vousavezpris despartsdansdescompagnies au Tchad, en Guinée équatoriale,enGuinée,auGhana…Est-ceque le trafic y est suffisant pour assurer la viabilité de ces transporteurs?
Ce sont de petits marchés, mais ils sont en pleine croissance. Au Tchad, l’objectif est de constituer un hub entre l’Afrique de l’Ouest et le Moyen-Orient, en profitant du marché du hajj. Nous attendons la décision de Kinshasa pour entrer dans Congo Airways. Notre objectif consiste à créer des hubs qui permettent de desservir d’autres continents, comme on le fait à Lomé et à Abidjan vers le continent américain. Les petites compagnies qui n’ont ni le volume ni la taille critique peuvent tirer profit de notre réseau et de nos ressources pour réaliser des économies d’échelle. Le marché régional reste limité à Lomé pour votre filiale Asky. Si vous aviez le choix, échangeriez-vous Asky contre Air Côte d’Ivoire?
Air Côte d’Ivoire est déjà partenaire d’Air France. Asky a huit appareils et
DUEL ÉTHIOPIE-TURQUIE DANS LE CIEL AFRICAIN Selon les observateurs, c’est à celui qui additionnera le plus d’initiatives pour prendre le contrôle du ciel. Si les Éthiopiens prennent des parts tous azimuts dans des pavillons africains (souvent sans bourse délier, en mettant simplement des appareils à disposition), ils sont imités par les Turcs. Ces derniers disposent déjà de Turkish Airlines, présent dans cinquante-quatre villes du continent, mais ils veulent aussi prendre position dans le domaine aéroportuaire, une manière d’avoir prise sur le trafic. Après avoir construit les aéroports de Dakar et du Caire, des groupes turcs se sont installés à Niamey et à Khartoum. R.D.
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jeuneafrique no 3024H
doit en recevoir deux supplémentaires. Il va démarrer des opérations vers Paris et la Chine. Nous souhaitons attirer du trafic d’Afrique de l’Ouest vers Addis et offrir le plus de choix possible, que ce soit en passant par Addis ou non. Si cela dépendait de nous, nous aurions voulu qu’Asky et Air Côte d’Ivoire travaillent ensemble. Lomé représente un petit marché, mais c’est un important marché de connexion. Vous avez lancé en décembre Ethiopian Mozambique Airlines, dans un pays où il y a déjà LAM Mozambique et Fastjet. Cela ne créet-il pas de la surcapacité ?
Le gouvernement nous a sollicités car il estimait que ces deux compagnies ne suffisaient pas à répondre aux problèmes de connectivité aérienne. Avez-vous envisagé un rapprochement avec Kenya Airways, en difficulté ?
[Sourire.] Nous discutons au niveau gouvernemental. C’est une possibilité, mais elle est délicate. Hélas, chaque pays tient à conserver sa propre compagnie. Pourquoi le partenariat avec Nigeria Air n’a-t-il pas abouti ?
Il n’y a pas eu de décision claire du côté du gouvernement, qui évalue beaucoup d’options. Il y a des élections en février. Nous gardons un œil sur le marché nigérian, qui reste très important pour nous. Êtes-vous revenu sur votre décision de suspendre la livraison d’une vingtaine de Bombardier, dont le programme C-Series a été repris par Airbus sous le nom A220 ?
Non. Le chapitre est clos. Ce n’est plus le même avion. C’est un rebranding avec un nouveau propriétaire. Nous verrons comment Airbus le commercialisera. Y aura-t-il plus d’Airbus dans votre flotte, surtout composée de Boeing?
Il y aura plus de Boeing. Ce constructeur dispose d’une gamme d’appareils plus étendue.
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UNION DES
COMORES !!!!
Cap vers l’émergence Au cœur du canal de Mozambique, entre la côte orientale de l’Afrique et Madagascar, se niche l’archipel des Comores. Composée de quatre îles, Grande Comore, Anjouan, Mohéli et Mayotte, les îles aux parfums se situent au carrefour de plusieurs civilisations. Aux Comores se mélangent influences africaines, arabo-musulmanes, indiennes et européennes. Ce sont ces différentes influences qui donnent aux îles de la lune ce parfum si particulier.
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Baleine à bosse dans le Parc marin de Mohéli.
Union des Comores
L’archipel des Comores, classé au 1 er rang des pays de la Ligue arabe où il fait bon être une femme.
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Femme Shiromani.
Une civilisation africano-orientale L’histoire des Comores commence au VI e siècle, lorsque les Bantous venant d’Afrique de l’Est s’installèrent dans les îles. Cer tains historiens considèrent même que les îles étaient peuplées bien avant l’ère chrétienne. Avant la colonisation française, qui intervint à la moitié du XIXe siècle, plusieurs peuplements successifs ont eu lieu, ce qui donne cette identité métisse aux Comores ; les Chiraziens, qui ont installé l’islam et l’organisation sociale sultanique, les Indonésiens, passés par les Comores avant d’aller à Madagascar, les Malgaches, qui y ont multiplié les invasions, les Portugais qui ont exploré les îles, et les Makoas, venus de la côte est de l’Afrique (Mozambique) pour cultiver les terres.
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Femmes Wadaha.
Union des Comores
Femmes comoriennes : un statut à part dans le monde arabe À l’heure où les luttes sociales et féministes contemporaines revendiquent, entre autres, une égalité salariale hommes/ femmes, une égalité de traitement et de chance dans les sphères de décision, l’acceptation de la contraception, etc., pour la femme comorienne, le combat est tout autre. Droit de vote, égalité salariale, héritage, propriété immobilière, autant de droits naturels dont jouit la femme comorienne du fait de la matrilinéarité de la société, c’est-à-dire un mode d’organisation sociale où l’ascendance maternelle prime. Classé au 1 er rang des pays où il fait bon être une femme dans les pays de la
Ligue arabe, l’archipel des Comores, de par son organisation sociale et sociétale, offre aux femmes des privilèges et droits insoupçonnés. Par exemple, en matière d’héritage, la totalité des biens immobiliers revient aux femmes. Ainsi, chaque femme aux Comores est propriétaire foncière, ce qui n’est pas le cas de tous les hommes comoriens. S’agissant du cadre conjugal, le droit comorien octroie les pleins pouvoirs aux femmes en cas de divorce ou de différend. Cette réglementation veut que la femme garde la totalité des biens immobiliers et les enfants ; sans compter l’acceptation naturelle, par la population et l’État, de la contraception. Si être une femme de ce pays est signe de privilège, à quoi pourraient donc aspirer les femmes aux Comores ? Malgré 20 % des postes ministériels occupés par des femmes actuellement, les Comoriennes sont encore trop peu présentes dans les organes de décision politique, dans les affaires économiques ou tout autre secteur public de décision. Cela est dû avant tout au manque d’intérêt traditionnel des femmes comoriennes à la chose publique. En effet, traditionnellement, l’homme représente la femme dans la sphère publique. La souveraineté ne lui appartenant pas, il l’exerce par délégation. De fait, le manque de représentativité dans la sphère publique n’est pas dû au droit dont les femmes comoriennes peuvent jouir, mais à leur manque d’engagement. Mais fort heureusement, les autorités étatiques et les organisations de la société civile sont à pied d’œuvre pour encourager la femme comorienne à s’investir davantage dans la sphère publique. C’est ainsi qu’un réseau de femmes entrepreneures comoriennes s’est créé pour promouvoir, encourager et développer les entreprises dirigées par des femmes aux Comores. Aujourd’hui, cette plate-forme, Entreprendre au Féminin dans l’océan Indien et aux Comores (EFOICOM)*, forte d’une centaine de membres, est représentée au niveau mondial et régional, et sensibilise la jeunesse féminine Comorienne à l’esprit d’entreprise. De nombreuses initiatives ont donc été prises en ce sens pour plus de visibilité et d’actions, notamment la création d’une Direction nationale de l’entrepreneuriat féminin, la Foire des femmes entrepreneures ou encore le concours du savoir-faire au féminin... * http://www.efoi.biz/index.php/fr/associations/les-comores
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Le tourisme, un potentiel encore peu exploité
Plage du Trou du prophète, Mitsamihouli - Grande Comore.
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Terre de contrastes, tant sur le plan environnemental et sociologique que culturel, les Comores disposent d’une nature vierge et exubérante où se mêlent paysages côtiers et montagneux, et où l’islam est synonyme de lumière et de tolérance. Du volcan Karthala, encore en activité et qui dispose du plus grand cratère du monde, aux côtes ornées de sable blanc et de mer turquoise, en passant par une flore et une faune dont certaines sont des espèces endémiques, comme le cœlacanthe (poisson millénaire), l’archipel dispose d’un patrimoine touristique extrêmement riche et varié. Cependant, malgré ces atouts, le touriste est encore rare aux Comores. En 2017, ce sont seulement 27 000 visiteurs qui ont foulé le sol comorien ; chiffre bien loin de ceux des voisins de l’océan Indien, qui dépassent le million de visiteurs chaque année.
Plage Itsamiya, Mohéli.
La stratégie touristique comorienne est double : protéger la biodiversité marine et devenir une composante majeure de la croissance économique du pays.
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Le Président AZALI Assoumani, lors du 4e Festival d’art contemporain des Comores.
Le Festival d’art contemporain des Comores (FACC) Expositions, conférences, projections de films, rencontres artistiques, les projecteurs de l’art contemporain africain et mondial se braquent désormais, le temps d’une semaine, sur les Comores. L’objet est d’établir un dialogue entre artistes de l’océan indien, de l’Afrique et au-delà. À travers ce festival, les artistes comoriens s’ouvrent désormais au monde et sortent de leur isolement. En 2018, ce sont 45 artistes qui se sont réunis aux Comores pour ramener tout le mouvement du monde en un seul espace. En soutenant de telles initiatives, le gouvernement souhaite développer une image nouvelle de l’archipel, un pays dynamique, moderne et riche de sa diversité culturelle.
Un plan stratégique de développement du tourisme a donc été adopté, afin de donner au tourisme comorien les moyens de ses ambitions. Le gouvernement comorien a fait du développement du secteur touristique une de ses priorités. Cette volonté s’est traduite par la création d’un Office National du Tourisme dans le cadre d’un partenariat public-privé, l’élaboration d’une loi sur le tourisme, l’adhésion des Comores à l’Organisation Mondiale du Tourisme, la signature d’accords d’investissements pour la reprise et la construction d’hôtels... Par conséquent, la stratégie touristique comorienne est axée sur l’amélioration de l’offre, la structuration de la filière et la professionnalisation du secteur pour faire du tourisme une composante majeure de la croissance économique comorienne, et pourquoi pas en être le moteur. Mais pour le gouvernement comorien, cette évolution doit avant tout être bénéfique à l’environnement (préservation de la biodiversité) et au bien-être des communautés locales. Le Parc marin de Mohéli illustre bien cette volonté car, avant d’être un site touristique exceptionnel, sa double mission est de protéger la biodiversité marine et d’être une source de développement pour les communautés locales.
Union des Comores
MESSAGE
Culture : entre tradition et modernité
Les Coelacanthes, l’autre espoir comorien Crée en 1979, la Fédération de Footballdes Comores
Le patrimoine culturel comorien porte la marque des différentes civilisations.
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Entre tradition et modernité, le patr imoine cultu rel comor ien por te la marque des différentes civilisations qui ont fait l’identité comorienne contemporaine. Que ce soit dans la gastronomie, l’artisanat, l’architecture, les danses ou les événements festifs, les influences africaines, arabo-musulmanes et indiennes s o n t p e r c e p t i b l e s. Pa r exem p le, l es danses traditionnelles sont un héritage des danses de la victoire des guerriers sous l’ère des sultan ; la gastronomie, avec ses nombreuses épices et senteurs est un appel aux saveurs de l’orient, le travail du bois sculpté, la bijouterie traditionnelle, la poterie, la vannerie et la broderie srappellent le savoir-faire artisanal et ancestral africain...
Citadelle de Mutsamudu, Anjouan.
Ce patrimoine identitaire s’étend à l’architecture. Certains sites, telles que les villes fortifiées des sultanats historiques, sont en voie d’inscription au Patrimoine mondial de l’UNESCO. À ce capital culturel, avec ses traditions uniques, est venu s’ajouter une culture contemporaine audacieuse, génératrice de richesse et clé de l’émergence comorienne que le Président AZALI Assoumani appelle de ses vœux à l’horizon 2030.
Ainsi, conscient du rôle de la culture et du patrimoine dans le développement durable du pays, le gouvernement a appuyé et accompagné la mise en place de plusieurs événements culturels dont certains sont devenus internationaux, tels que le Festival d’art contemporain des Comores, le Salon du livre, la Foire de l’artisanat des Comores, le Festival Ntso Uzine (festival de danse), le Festival de cinéma, le Festival Gombessa...
n e s ’a f f i l i e à l a Fi f a q u’e n 2005, durant le premier mandat du Président AZALI Assoumani. Après leur première rencontre internationale en 2006, les Cœlacanthes sont aufier pour leur première Coupe d’Afrique des Nations. Symbole de l’unification du pays (les joueurs de composant l’équipe sont originaires des quatre îles), les Cœlacanthes rivalisent désormais avec les grandes nations de football du continent et sont devenus un modèle d’émancipation pour toute une jeunesse et tout un pays qui voit dans le sport un élément essentiel du développement
COMORES,
nouvelle destination économique de l’océan Indien Une croissance économique dynamique Un cadre légal propice à l’investissement Un modèle économique soucieux du bien-être des populations locales Des infrastructures au niveau international Une offre d’énergie en continu sur l’ensemble du territoire Un potentiel touristique, exceptionnel Des produits de rente de qualité supérieure
économique.
Union des Comores
DIFCOM- JAMG / DF - PHOTOS : DR
jourd’hui en passe de se quali-
ALEXANDRE GOUZOU POUR JA
Événements
Julie Owono
Avocate camerounaise, directrice exécutive d’Internet sans frontières
En Afrique, la guerre du web aura bien lieu
D
vers les grands projets d’infrastructure et l’exportation de biens à bas coût en échange de matières premières, elle semble progressivement intégrer des enjeux liés à la connectivité. L’annonce, lors du Forum sur la coopération sino-africaine, du renforcement de sa coopération avec l’Union africaine pour le développement d’un réseau d’infrastructures intégré, entre autres dans le domaine des télécommunications, a peu surpris les observateurs avisés. Il ne s’agissait là que de l’officialisation du rôle stratégique que jouent les entreprises chinoises dans l’augmentation de la connectivité sur le continent, notamment à travers le développement de la fibre optique et la vente de smartphones à bas coût. Sans oublier ces programmes de gouvernements africains, par exemple en Guinée ou au Cameroun, visant à équiper les étudiants de tablettes et d’ordinateurs made in China.
s’étiolent au profit d’un instrument destructeur des valeurs et des institutions démocratiques. Bien qu’elle soit encore peu mentionnée par les analystes internationaux, l’Afrique devient l’un des principaux champs de bataille de ce conflit qui ne dit pas encore son nom. Fort de son potentiel milliard d’internautes et d’une population jeune, le continent attise les appétits des géants du web comme celui des opérateurs de téléphonie mobile. Et à ces intérêts privés occidentaux s’ajoutent désormais ceux de grandes puissances de l’Est, comme la Chine, dont la présence quasi incontournable enAfrique inquiète les chancelleries occidentales. Alors que la collaboration de Pékin était en apparence tournée uniquement
En parallèle de sa stratégie géopolitique, la Russie semble, elle aussi, vouloir faire une incursion dans ce paysage virtuel. En novembre, Bloomberg interrogeait ainsi la présence croissante du magnat Yevgeny Prigozhin, proche du président Vladimir Poutine, dans plusieurs pays africains où Moscou veut asseoir son influence, et, par la même occasion, son accès aux matières premières. Prigozhin n’est autre que le propriétaire de l’usine à trolls qui aurait notamment permis à Trump d’être élu président. Mise en parallèle avec un rapport remis au ministère français des Armées en septembre qui pointe les risques de campagnes de désinformation contre la France par populations africaines interposées, cette présence est un signal à ne pas négliger. L’expertise internet de plusieurs partenaires peut être appréciable. Mais, en leur laissant le champ numérique libre, les pays africains leur donneraient une partie des clés de leur souveraineté. Ils doivent donc réfléchir à leur place dans cette guerre du web. L’Europe est en train de définir la sienne, centrée sur la régulation d’internet et des entreprises qui y opèrent, et sur l’ambition du président français, Emmanuel Macron, de rétablir la confiance et la sécurité dans l’espace cybernétique. L’Inde, de son côté, a choisi, à raison, de considérer internet comme une infrastructure publique, devant être au service du bien commun. Que propose l’Afrique? Le continent ne serait-il que le réceptacle des stratégies et politiques numériques décidées par d’autres? Peu de dirigeants sur le continent semblent se poser sérieusement cette question. Cette désinvolture est inquiétante. Manquer d’intérêt pour la chose numérique, sauf quand il s’agit de la réprimer ou de la taxer, est une faute qui, avec le temps, devient difficilement rattrapable.
ADRIA FRUITOS POUR JA
epuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche, le monde semble être entré de nouveau dans une période d’affrontements et de compétition féroce. Certains vont même jusqu’à parler d’une nouvelle guerre froide, dont les protagonistes seraient désormais les États-Unis, la Russie et la Chine. Une chose est certaine, ces batailles se déroulent sur un nouveau terrain: internet. Ce réseau, qui se voulait, et se veut toujours, être un outil de rapprochement des peuples, est aujourd’hui utilisé pour déstabiliser les institutions, faire de la désinformation et lancer des cyberattaques sponsorisées par les gouvernements. Nous faisons ainsi face au risque d’une impasse, d’une dystopie : quand le world wide web accouche d’une world war web, le progrès social et les bénéfices économiques annoncés par la techno-utopie
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Tendances
ANDBZ/ABACA
Maroc Grandes fortunes et jeunes
Le nouveau centre commercial et les appartements du quartier de Gueliz, à Marrakech.
Ils sont beaux, riches et ont la vie devant eux… Les enfants des capitaines d’industrie du royaume ne font pas que mener grand train. Ils sont déjà actifs dans ces immenses conglomérats qui leur appartiendront un jour.
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FAHD IRAQI, à Casablanca
u millénaire dernier, les héritiers des grandes fortunes marocaines s’appelaient Aziz Akhannouch, Saad Kettani, Mustapha Amhal, Hassan et Meriem Bensalah… Tous avaient repris à l’époque les affaires familiales pour en faire des groupes qui, à présent, pèsent lourd dans l’économie du royaume. Ces dernières années, le capitalisme marocain a perdu deux grandes figures : Miloud Chaâbi, décédé en 2016, et Mohamed Karim
A
Lamrani, qui a tiré sa révérence en septembre. Comme les businessmen disparus avant eux, ils avaient préparé leur succession en impliquant leurs enfants dans les affaires familiales. Aujourd’hui, ces deux grands conglomérats que sont Ynna Holding et Groupe Safari poursuivent leur développement, sous la direction d’héritiers qui se sont fait un prénom du vivant même de leurs pères. Et l’histoire des élites économiques chérifiennes n’est pas près de s’arrêter. Actuellement, une nouvelle
héritiers Malik et Kenza Sefrioui Cimaat-Cimaf i f
Mehdii et Kenza Alj Sanam Holding
Malik SSefrioui a eu à peine le temps de finir ses étuddes au Babson College, aux États-Unis, qu’il étaait nommé, en 2014, vice-président du groupee cimentier Ciments de l’Atlas-Ciments i f dé en 2007 par son père, è de l’Afrique, fondé Anas, et qui totalise aujourd’hui une quinzaine d’unités au Maroc et sur l’ensemble du continent. Depuis, le jeune héritier a pris du galon, se faisant même désigner vice-président de l’Association professionnelle des cimentiers (APC), et siège désormais dans une trentaine de conseils d’administration d’entreprises appartenant à Anas Sefrioui. Sa sœur aînée, Kenza (34 ans), reste néanmoins la princesse de l’empire.
Son m mariage, en 2008, avec un autre grand héritieer de la famille Bennani (ancien présiddent de Wafabank) avait fait les délicees de la ppresse nationale. En intégrant le ggroupe g 20 après des études financières à la en 2007, George Washington University, elle a dû faire ses preuves comme directrice déléguée pendant quatre ans avant d’être nommée, en 2011, vice-présidente d’Addoha, vaisseau amiral du groupe Sefrioui. Leur cousin Saad Sefrioui est, lui aussi, arrivé en renfort en 2011, après avoir géré d’autres affaires familiales. Ce dernier assume le rôle de vitrine médiatique de l’empire Sefrioui: une manière de préserver et de protéger les héritiers.
« J’ai travaillé toute ma vie, et il est temps pour moi de passer le relais à mes enfants », nous déclare Said Alj, fondateur du groupe Sanam, qui pèse aujourd’hui quelque 6 milliards de dirhams (550 millions d’euros) de chiffre d’affaires. Ce passage de témoin est mené progressivement depuis plusieurs années par le self-made-man. Mehdi, après des études entre Paris et Montréal et un début de carrière à Accra, chez l’un des distributeurs du groupe, rentre en 2009 au pays pour épauler son père. Il commence en tant que directeur marketing de VCR, l’une des sociétés historiques du holding, qui fabrique des sauces et des condiments dans des unités à Casablanca – ville où l’héritier a passé toute son enfance. Aujourd’hui, à 35 ans, il est président de Sanam Agro, mais aussi vice-président exécutif de Sanam Holding, qui détient des participations dans plusieurs sociétés exerçant dans la distribution, le tourisme, le cinéma, l’immobilier commercial. De son côté, sa sœur Kenza avait repris, en 2015, les postes qu’occupait sa mère dans certaines sociétés immobilières et des agences de communication. La jeune femme de 30 ans, diplômée de la London School of Economics, assure aujourd’hui des fonctions d’audit au sein du groupe.
Moulay M’hamed et Anissa Elalamy
ILLUSTRATIONS : SAAD POUR JA
Groupe Saham
Il n’avait que cinq ans quand son père, Moulay Hafid Elalamy (MHE), a créé le groupe Saham. Mais, à 28 ans, Moulay M’hamed endosse bien son costume de successeur. « Il a hérité du charme et du sens de la diplomatie de son père, mais aussi de cette capacité à rester bien entouré », nous confie un proche du groupe. Après une expérience à Paris, puis à Istanbul et à Dubaï, Moulay M’hamed, qui a fait ses études à Vancouver, rentre au pays en 2013, au lendemain de la nomination de MHE au poste de ministre de l’Industrie. « Il a eu quarante-huit heures pour faire ses bagages et rejoindre le conglomérat familial », raconte notre source. Il y gravit les échelons en faisant ses gammes à Saham Assistance, avant d’assurer le secrétariat général du groupe. À la suite de la transaction record de la cession de Saham Finances (plus de 1 milliard de dollars au profit du groupe sud-africain Sanlam), Moulay M’hamed prend officiellement la présidence de Saham Real Estate Fund, l’un des six nouveaux fonds panafricains de Saham. Sa sœur Anissa, de trois ans sa cadette, assume de son côté la présidence de Saham Education Fund. Cette dernière a rejoint le groupe cette année, une fois son cursus universitaire achevé – elle a étudié le commerce aux États-Unis, puis le management de l’éducation à Hong Kong.
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Tendances MAROC
Kamal et Dounia Benjelloun Finance.com
Kamal Benjelloun est loin d’être le genre d’homme à vouloir vivre dans l’ombre de son père. Jusqu’en 2005, ce diplômé en anthropologie est resté loin des affaires familiales, préférant s’engager en faveur de l’écologie et accorder des dons généreux à Greenpeace. Mais, après le départ de Saad Bendidi, fidèle lieutenant d’Othman Benjelloun qui était présenté comme son dauphin, le fils du milliardaire est venu soutenir le clan. Il accepte le poste de vice-président de Finance.com, holding créé par son père. Ce poste, Kamal ne l’occupe que symboliquement puisqu’il ne met pratiquement jamais les pieds dans la fameuse tour BMCE de Casablanca, où le président de 87 ans est omniprésent. L’héritier préfère se consacrer aux activités de sa nouvelle structure, BDA, qui a récemment fait parler d’elle en dévoilant le prototype du premier drone marocain. Tout indique donc que Kamal Benjelloun nourrit d’autres ambitions que de prendre les rênes de l’empire financier monté par son père. Idem pour sa sœur aînée Dounia, passionnée de cinéma. Elle est d’ailleurs productrice, exploitante de salles et distributrice distributric de films. Ce qui ne productrice l’’empêche pas de réaliser des publicités grandiioses pour BMCE of Africa.
Hicham et Saad Berrada Sounni B Group (ex-Groupe Berrada)
Ismail et Sofia Jamai
ILLUSTRATIONS : SAAD POUR JA
Groupe Jamai
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Il y a quelques années, c’est le fils aîné de Lhaj Ahmed Jamai qui se positionnait comme futur dauphin. Ismail Jamai était devenu le visage médiatique de la famille, l’héritier à mettre en avant. En 2015, il a même tenté de se faire un prénom loin du secteur immobilier en se payant la présidence du club mythique de football de la ville de Fès, d’où sa famille est originaire. Sauf que l’aventure tourne court: un an plus tard, il raccroche les crampons après avoir pris la mesure du gouffre financier que peut représenter un club de football. Depuis, il se consacre exclusivement aux affaires familiales et occupe le poste de vice-président d’un des groupes immobiliers les plus puissants au Maroc. Mais il se fait de plus en plus discret et surtout de moins en moins présent au siège du groupe. Désormais, c’est sa sœur cadette, Sofia, qui semble prendre les rênes. Elle jouit de la confiance de ses parents, pour le moment toujours fortement impliqués dans le quotidien du groupe.
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Fidèle à sa réputation de visionnaire, le créateur de grandes enseignes, comme Palmeraie ou Dolidol, a organisé sa succession. En 2014, Abdelali Berrada Sounni a créé un family office qu’il préside lui-même et dont ses deux fils, Hicham et Saad, sont vice-présidents. Chacun d’eux détient les rênes de l’une des structures du groupe tout en occupant la seconde position dans l’autre. « Chaque héritier dispose d’une marge de manœuvre dans son domaine
de prédilection, en restant impliqué dans le reste du groupe », confie un ancien de B Group. C’est ainsi que Hicham, 46 ans, préside Palmeraie Développement, qui concentre les activités immobilières et hôtelières du groupe, où il travaille avec son père depuis 1991, date à laquelle il obtient son diplôme à l’Université de Californie-Los Angeles. Son frère Saad pilote les activités industrielles et les sociétés de services du conglomérat. conglomérat
génération d’héritiers émerge et se prépare à prendre le relais à la tête de holdings qui sont apparus ou se sont modernisés au cours des dernières décennies.
Ascension fulgurante
Au sein des trois plus grands groupes immobiliers privés du royaume – Palmeraie, Addoha et Jamai –, la relève est prête, et même, dans certains cas, les enfants ont déjà pris les affaires en main. « Abdelali Berrada Sounni a choisi l’approche la plus moderne, en optant pour la création d’un family office », se targue un proche du groupe. Les fils de l’industriel, Hicham et Saad, dirigent respectivement Palmeraie D évelopp ement et Palmeraie Industries & Services, les deux holdings où sont logées toutes les participations du Groupe Berrada,
CES FUTURS PDG ONT TOUS POURSUIVI DE PRESTIGIEUSES ÉTUDES UNIVERSITAIRES À L’ÉTRANGER, AUX ÉTATS-UNIS, EN EUROPE, VOIRE EN CHINE. baptisé depuis cette restructuration B Group. Dans les autres familles, l’approche se révèle plutôt classique : les enfants sont généralement nommés à la vice-présidence. Mais il arrive que l’ascension fulgurante des héritiers fasse grincer des dents. « Certains hauts cadres des Ciments de l’Atlas avaient mal vécu la nomination, à 23
ans seulement, de Malik Sefrioui au poste de vice-président, alors qu’il sortait à peine d’une école de commerce », nous confie un ancien du groupe casablancais. « Ils auraient préféré voir le jeune homme gravir quelques échelons, comme l’avait fait sa sœur au sein du groupe immobilier Addoha. » Cette ascension progressive est la marque de fabrique d’autres conglomérats. « Mon fils Mehdi a travaillé dans le groupe pendant neuf ans avant d’être coopté au conseil d’administration », expose Said Alj, qui, à 65 ans, se désengage peu à peu de la gestion de Sanam au profit de son héritier. Ces futurs PDG de holdings ont par ailleurs tous poursuivi de prestigieuses études universitaires à l’étranger, aux ÉtatsUnis, en Europe, voire en Chine, ce qui n’était pas forcément le cas des générations précédentes.
L’APPROCHE PARFAITE LA MEILLEURE CHARGE UTILE DU MARCHÉ Charge jusqu’à 20 tonnes sur le véhicule 6x4 grace à la robustesse de son chassis
MOBILITÉ NON-STOP Une plus grande autonomie grâce au moteur Cursor qui permet de réduire la consommation de carburant
EXCELLENCE SUR ROUTE. ENDURANCE HORS ROUTE.
TCO EXCEPTIONNEL Consommation de carburant réduite de 11,2% sur le Nouveau Stralis (certification TÜV), grâce à une chaine cinématique optimisée et à des freins à disques
GAMME MODULAIRE AXÉE SUR LE TYPE DE MISSION Nouvel essieu avant (off-road) qui garantit une meilleure adhérence Châssis robuste pour des missions off-road légères
NICHOLE SOBECKI/VII/REDUX-REA
Tendances
e-Commerce Jumia en quête d’équilibre La plateforme panafricaine devrait battre de nouveaux records cette année. Mais elle n’est toujours pas rentable et reste à la recherche du modèle qui a permis aux géants Alibaba et Amazon de prospérer. 96
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JULIEN CLÉMENÇOT
our Jumia, avant même les fêtes de fin d’année et ses millions de commandes, décembre sonne déjà comme l’heure des comptes. Pendant un mois, la première plateforme d’e-commerce du continent a enchaîné les campagnes de promotion sur ses 14 marchés africains, avec des réductions allant jusqu’à 75 %. Inaugurée par le site en
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2013 au Nigeria, cette opération inspirée des traditions commerciales américaines est devenue l’un des moteurs de la croissance des ventes en ligne en Afrique. Sa durée s’est tellement étendue qu’on ne parle parfois plus de Black Friday, mais de « Black November ». En 2017, avec trois fois plus de transactions qu’à l’accoutumée, la plateforme a enregistré en un mois environ 2 millions de ventes (sur 8,3 millions pour l’année entière), avec,
Entrepôt du groupe dans la zone industrielle de Nairobi, au Kenya.
pour repenser sa stratégie, tandis que le groupe sud-africain Naspers, après avoir vendu ses parts dans Konga, s’est également retiré pour la seconde fois du marché kényan. En 2016 déjà, Cdiscount, filiale du groupe de grande distribution français Casino, avait baissé le rideau au Cameroun et au Sénégal. Jumia, qui avait promis en 2016 à ses actionnaires – en se gardant de l’officialiser – d’équilibrer ses comptes en 2018, devrait enregistrer, cette année encore, plus de 100 millions d’euros de pertes, soit à peu près autant que l’an dernier (120 millions). Jeremy Hodara, codirecteur général du groupe, se veut néanmoins rassurant : « Nous avons atteint un plafond. » Alors, à quel horizon la plateforme deviendra-t-elle rentable ? Il refuse toujours de communiquer une date.
Une base à Dubaï
au seul Nigeria, 86000 smartphones écoulés. Des commandes faites huit fois sur dix depuis un téléphone. Le site, qui a vu ses ventes augmenter de près de 70 % en 2017, avec un panier moyen de 61 euros, s’attend encore à établir de nouveaux records cette année (les chiffres seront communiqués en mars). Son objectif ? Confirmer son statut de leader dans un secteurencorenaissantetterriblement exigeant pour les pionniers du genre. Konga, son concurrent historique au Nigeria, a licencié 60 % de ses équipes et frôlé la disparition en début d’année avant d’être acheté par le fabricant local de matériel informatique Zinox Technologies. Le distributeur français CFAO a suspendu son site Africashop
« L’opportunité existe. La démographie, la hausse du pouvoir d’achat, la pénétration d’internet… Tous ces indicateurs en sont la preuve. Mais cela ne veut pas dire que c’est facile, sinon beaucoup auraient réussi. On ne peut pas livrer des frigos depuis la France par bateau, avoir un stock en Afrique du Sud et l’envoyer au Kenya. L’Afrique est un continent, et on ne peut pas faire d’e-commerce à distance », plaide le jeune entrepreneur, rencontré à la fin du mois de septembre. Pour cet ancien consultant de McKinsey, le décollage de l’e-commerce sur le continent n’est qu’une question de temps. « Ce secteur représente 20 % des achats en Chine et 12 % aux États-Unis, alors que ces deux pays possèdent les structures de distribution physique les plus évoluées au monde », argumente-t-il. Lancé en 2012 au Nigeria par Jeremy Hodara et son compère Sacha Poignonnec, qui se sont rencontrés à Paris au sein du cabinet de conseil américain, Jumia a installé son siège à Dubaï il y a trois ans. « C’est un choix qui les éloigne de leurs marchés », estime un bon connaisseur de l’entreprise. Ses fondateurs jugent au contraire que cette localisation
est celle qui répond le mieux à leurs besoins. « C’est l’endroit d’où l’on rayonne le plus facilement sur le continent et à partir duquel on peut négocier aisément avec les multinationales qui y ont installé leur siège Afrique », explique Sacha Poignonnec. Une vingtaine de commerciaux y entretiennent d’ailleurs en permanence des discussions avec leurs fournisseurs. Au départ, Jumia achetait des produits pour ensuite les revendre. Puis la plateforme a privilégié le modèle de la marketplace, qui sert d’intermédiaire entre des vendeurs – environ 40000 – et 3,5 millions de clients. Et les produits les plus vendus sont ceux des multinationales. « Nous construisons un écosystème, nous ne cherchons pas à
PLUS DE VENTES, MAIS PLUS DE PERTES
En 2017, Jumia a vu ses revenus augmenter de 11,2 %, passant de 84,3 millions à 93,8 millions d’euros, tandis que le montant des commandes grimpait, lui, de 41,8 % pour s’établir à 507 millions d’euros. Des performances en hausse qui n’empêchent pas la rentabilité financière de l’entreprise de se dégrader. Le taux de sa marge brute a baissé sensiblement, passant de 35,8 % à 28,8 % (27 millions d’euros), tandis que sa marge Ebitda (proche de l’excédent brute d’exploitation) affichait – 120 millions d’euros, contre – 91,3 millions un an auparavant. Alors que l’argent mobilisable par l’entreprise a fondu entre 2016 et 2017, passant de 366 millions à 245 millions d’euros, une question se pose : la plateforme peut-elle stopper la dégradation de ses résultats financiers tout en poursuivant son développement ? J.C.
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tout contrôler. Nous l’avons fait au début, car rien n’existait, mais ce n’est pas notre vocation », insiste Jeremy Hodara. Il y a quelques années, Jumia s’était fait connaître et reconnaître par le biais de ses motos sillonnant les capitales africaines. Aujourd’hui, 80 % de ses livraisons sont réalisées par des sociétés indépendantes. « Ce sont souvent d’anciens salariés auxquels nous avons prêté de l’argent pour qu’ils achètent leurs motos. Certains en possèdent plus d’une vingtaine et proposent leurs services en se connectant sur notre plateforme », détaille le co-DG. Même chose côté marketing: les vendeurs sont de plus en plus autonomes quant à la gestion des prix et des opérations de promotion. Les entrepôts sont les seuls maillons de la chaîne logistique que Jumia gère exclusivement en direct. Reste que la première licorne africaine, valorisée à hauteur de 1,2 milliard de dollars lors de sa levée de fonds en 2016, doit encore batailler pour imposer l’e-commerce dans les habitudes de consommation des Africains. En attendant, elle investit des millions en publicité. « En fonction des pays, les canaux divergent, mais nous utilisons les radios, la télévision, GoogleetFacebook»,confirmeJeremy Hodara. Des investissements coûteux, qui trahissent une véritable dépendance vis-à-vis de ce canal. « Dès que Jumia baisse son budget publicitaire, ses ventes fléchissent », constate un
NICHOLE SOBECKI/VII/REDUX-REA
Tendances E-COMMERCE
Environ 80 % des livraisons de la plateforme sont réalisées par des sociétés indépendantes, souvent créées par d’anciens salariés. Ici, à Nairobi, en mai 2018.
financier qui a participé à la dernière augmentation de capital. C’est en s’inspirant du chinois Alibaba (9,8 milliards de dollars de bénéfices en 2017-2018), créé en 1999 par Jack Ma, première fortune de Chine, que la plateforme espère se rendre incontournable. Pour y parvenir, elle multiplie les nouveaux services, de la livraison de repas à la réservation d’hôtel. Certains, comme Jumia Pay, lancé l’an dernier au Nigeria et en Égypte, ses deux plus gros marchés, ont pour vocation de faciliter l’acte d’achat. « Nous nous sommes rendu compte que chaque opérateur de télécoms, chaque banque, chaque start-up a créé son propre moyen de
FRACTURES NUMÉRIQUES Concernant l’e-commerce, comme souvent, les statistiques africaines peuvent s’apprécier sous deux angles. Certes, les 21 millions d’internautes africains qui ont acheté en ligne en 2017 ne représentaient que 2 % du total des consommateurs sur la Toile mondiale. Mais ce chiffre croît plus vite (+ 18 %) que la moyenne globale (12 %).
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Le continent présente en fait une situation très contrastée, reflétant ses fractures numériques. La moitié des adeptes de l’e-commerce sont concentrés en Afrique du Sud, au Nigeria et au Kenya, honorablement situés dans l’index 2018 de l’e-commerce établi par la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement
– respectivement 75e, 77e et 89e sur 151. Mais 18 pays africains figurent aussi parmi les 20 derniers de ce classement, dont l’Angola, le Mozambique, l’Éthiopie et la RD Congo. Le premier frein au développement des ventes en ligne reste le faible accès à internet de la population africaine (26 % seulement). J.C.
paiement et nous avons voulu offrir l’expérience la plus simple à nos clients en agrégeant ces modes de règlement. Ainsi, les achats peuvent se faire en un clic. Cet outil nous permet en plus d’introduire d’autres services dématérialisés comme la vente de crédit téléphonique, le règlement de factures et même la possibilité de faire des dons aux églises », explique Jeremy Hodara. En septembre, 40 % des paiements effectués au Nigeria l’étaient par l’intermédiaire de Jumia Pay.
Parvenir au sur-mesure
Ses innovations, le groupe les concocte à Porto. Deux cent cinquante développeurs informatiques y phosphorent chaque jour pour enrichir les offres de la plateforme. « C’est le meilleur endroit à tout point de vue, qu’il s’agisse du prix de l’immobilier, des salaires, mais aussi du fuseau horaire, identique ou proche de ceux de nos marchés », explique Jeremy Hodara. Surtout, depuis le Portugal, Jumia a accès au réservoir de talents européens. Un atout essentiel pour le groupe, qui recrute une cinquantaine de profils chaque année sur le Vieux Continent. Grâce à une équipe de spécialistes de l’analyse de données, la plateforme s’efforce d’améliorer sans cesse la personnalisation de ses offres. Objectif: parvenir à faire du surmesure, comme Alibaba et Amazon.
Le groupe a beau aller vers plus de sophistication, collectionner des dizaines de partenariats et voir chaque semestre ses ventes augmenter (315 millions d’euros au premier semestre 2018), la question de sa capacité de financement se pose. « Nous sommes agiles et nous observons nos performances en permanence. Si nos ventes sont soudainement moins bonnes, nous licencions », réagit Jeremy Hodara, qui assure que le groupe n’a pas encore dépensé les 767,7 millions de dollars déjà levés. Il n’en demeure pas moins que les dirigeants de la plateforme sont déjà en quête d’argent frais. Le 19 décembre, Jumia a d’ailleurs annoncé l’entrée prochaine dans son capital de Pernod Ricard pour un montant confidentiel. Pour le numéro deux mondial des spiritueux, il s’agit de profiter des quelque 25000 restaurants et hôtels avec lesquels la plateforme travaille afin de
EN SEPTEMBRE, SON SERVICE JUMIA PAY REPRÉSENTAIT 40 % DES PAIEMENTS EFFECTUÉS AU NIGERIA. développer ses ventes hors domicile. Interrogé, l’opérateur de télécoms français Orange, qui détient 6 % du capital, n’est, lui, pas encore prêt à injecter de nouveaux fonds. Mais indique ne pas souhaiter voir sa part diluée. « Jumia est le leader incontesté de l’e-commerce en Afrique, et, dans le cadre de notre stratégie d’opérateurs multiservices, c’est un actif important », assure Alioune Ndiaye, directeur général Afrique et Moyen-Orient d’Orange. Parallèlement aux efforts de Sacha Poignonnec et de Jeremy Hodora pour
convaincre de nouveaux partenaires stratégiques de les rejoindre, la possibilité d’une introduction en Bourse a été évoquée ces derniers mois. Premier actionnaire de Jumia (40 % du capital), le sud-africain MTN serait, selon Bloomberg, sur le chemin du désinvestissement. Bien que démenti par l’opérateur de télécoms, le projet apparaît plausible. Le groupe allemand Rocket Internet, qui a participé au lancement de la plateforme au Nigeria et qui conserve 28 % du capital, serait également vendeur. Quant à Millicom, autre actionnaire, le groupe de télécoms luxembourgeois a vendu quasi toutes ses filiales en Afrique pour se recentrer sur l’Amérique latine. Le projet n’est d’ailleurs pas véritablement démenti par Jeremy Hodara. « Notre but est de permettreàJumiad’êtreencorelàpour cent ans, donc toutes les solutions sont étudiées », avouait le cofondateur du groupe à la fin de septembre.
Gilles Yabi
Économiste et analyste politique, fondateur de Wathi, think tank citoyen
La révolution éducative, c’est maintenant!
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ADRIA FRUITOS POUR JA
ans le centre-ville de Gaborone (Botswana), un bâtiment moderne se distingue nettement. Ce n’est pas le siège de la Banque centrale ni le ministère de l’Économie, mais celui de l’Éducation. À quelques dizaines de mètres de là, une villa blanche, coquette mais banale: la présidence de la République. Qu’on est loin de nombre de pays d’Afrique de l’Ouest où les immeubles désuets qui abritent les ministères de l’Éducation contrastent avec le clinquant des palais présidentiels, voire des résidences privées des membres du gouvernement et des hauts fonctionnaires!
Le Botswana est toujours dans le groupe de tête des pays africains classés selon la bonne gouvernance et le développement humain. Et ce, malgré le choc qu’a été l’épidémie de sida. Les Botswanais expliquent que leur succès réside dans la priorité donnée, depuis l’indépendance, à l’éducation, à la santé et, bien sûr, à la gestion vertueuse de la manne des diamants. Il ne s’agit pas seulement de se doter de locaux modernes, mais de faire de l’éducation la priorité absolue. On n’en est pas vraiment là en Afrique de l’Ouest ni dans une grande partie de l’Afrique centrale, où les richesses minières et pétrolières ont servi à l’accumulation démesurée de fortunes personnelles, à des investissements de prestige improductifs et à la recherche effrénée de rentes. Aux antipodes de l’incitation à l’effort, à la quête de savoir et de savoir-faire.
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Malgré des progrès considérables, des millions d’enfants ouest-africains n’auront jamais connu l’école. Au Burkina Faso et au Niger, moins de deux enfants sur cinq vont à l’école primaire. Les taux de scolarisation dans le secondaire sont assez bas partout: 42 % au Bénin, 39 % en Côte d’Ivoire, 56 % au Ghana, 30 % au Mali, 20 % au Niger… Se pose avec gravité la question de la réalité des apprentissages. Au Niger, moins de 10 % des élèves ont acquis des compétences suffisantes en lecture en fin de cycle primaire. Au Bénin, au Burkina Faso et au Sénégal, entre 51,7 % et 61,1 % des élèves ont un niveau suffisant pour poursuivre une scolarité de qualité. Il faut repenser les systèmes éducatifs pour les adapter aux réalités économiques, sociales et culturelles des pays de la région et aux types de sociétés que l’on souhaite construire. Il faudrait créer, dans chaque pays, une Autorité supérieure de l’éducation chargée d’en définir les grandes orientations, d’assurer la cohérence des choix, de proposer des réformes et d’animer des débats publics sur l’état du système éducatif. Le laboratoire d’idées Wathi recommande de faire de la formation des enseignants, de leur accompagnement et de leur supervision une priorité. Revalorisons leur statut, avec un plan de carrière prévoyant une rémunération décente, une évolution des salaires et des primes qui ne soient pas seulement déterminées par le niveau d’ancienneté, mais aussi par des évaluations régulières par leurs élèves. Mettons en œuvre une révision profonde des curriculums en focalisant les dix premières années d’école sur les apprentissages qui correspondent aux exigences les plus fondamentales de l’intégration des enfants dans leur environnement économique, social et culturel, notamment la lecture et l’écriture, dans les langues locales comme dans la langue officielle. Il faut aussi redonner toute leur place à l’éducation civique et morale, à la découverte du patrimoine culturel africain, à la familiarisation avec l’agriculture et l’élevage, au service communautaire, à la valorisation du travail manuel, à l’éducation financière. Pour tout cela, il faut recourir à des méthodes pédagogiques attractives, telles que les technologies de l’information et de la communication, le théâtre, l’initiation aux débats et à la réflexion critique. Il s’agit d’un défi extraordinaire, compte tenu de la forte croissance démographique et des ressources limitées. Mais il est vital d’envisager avec pragmatisme toutes les options possibles pour pouvoir proposer aux enfants une éducation publique de qualité.
EC_AHOUNOU/AID
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Alain Faujas
Journaliste à Jeune Afrique
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Le G5 Sahel pourrait (enfin) tenir ses promesses
e 6 décembre, à Nouakchott, en Mauritanie, les bailleurs de fonds et partenaires ont promis d’apporter une aide de 2,4 milliards d’euros pour le développement au G5 Sahel, qui regroupe le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad, confrontés à la pauvreté et au terrorisme. Nombreux sont les sceptiques qui pensent que ces promesses de financement ne seront pas plus tenues que celles des 420 millions annoncés pour financer la force militaire conjointe. Mais il se pourrait que, cette fois, les engagements puissent être tenus, et ce avant 2021, horizon fixé pour la première phase du Programme d’investissements prioritaires (PIP) du G5 Sahel. Il existe en effet plusieurs raisons d’être optimiste.
1 – Cette première phase semble plus réaliste que l’empilement des programmes avancés dans un premier temps, dont l’addition avoisinait les 15 milliards d’euros. Là, 2,4 milliards d’euros seront répartis entre 40 projets. Parmi eux, la construction du chemin de fer entre Nouakchott et N’Djamena et la création d’une compagnie aérienne commune aux pays du G5 Sahel, très symboliques mais à risque, ne sont financés que pour leur étude de faisabilité.
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2 – La mobilisation des financements devrait être facile. Une partie de l’argent est déjà là. Sur les quelque 9 milliards d’euros constituant les projets portés en décembre 2018 par l’Alliance Sahel et ses douze membres (Allemagne, Danemark, Espagne, France, Royaume-Uni, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Union européenne, BAD, Banque mondiale et Pnud), 6 milliards sont d’ores et déjà disponibles. Les gros contributeurs que sont la Banque mondiale, l’UE et la BAD sont rassurés par la détermination de leurs partenaires au sein de cette alliance. Ils ne devraient pas rechigner à débloquer les fonds nécessaires. Et puis, pour une fois, les pays du G5 Sahel ont décidé d’apporter leur contribution à hauteur de 13 % du Programme d’investissements prioritaires (PIP).
3 – L’Alliance Sahel va coordonner les apports de ses douze membres. Chacun choisira les projets qu’il compte soutenir, mais s’entendra avec ses partenaires pour optimiser l’investissement. Par exemple, dans le cadre d’un Programme de développement d’urgence (PDU) souhaité par les chefs d’État du G5 dans la région mauritanienne des Hodh, l’Allemagne et la France travailleront ensemble sur l’approvisionnement en eau potable et l’assainissement, tandis que l’UE tentera de renforcer la résilience des populations concernées. Et dans la région de Liptako-Gourma, à cheval sur le Burkina Faso, le Mali et le Niger, l’Allemagne et le Danemark s’associeront pour prévenir les conflits entre pasteurs et cultivateurs. 4 – Les 40 projets retenus semblent bien hiérarchisés. Évitant les saupoudrages, ils ciblent les zones frontalières où les troubles ou les risques de trouble sont réels : les Hodh mauritaniens, le centre du Mali, le nord du Burkina Faso, les régions de Tillabéri et de Tahoua, au Niger, le lac Tchad et le Kanem. Les projets sont souvent de petite taille, donc vite réalisables. Même les infrastructures dotées de l’enveloppe la plus importante (1,2 milliard d’euros) ne cèdent pas au gigantisme. Il s’agira de bitumage de routes, de construction de pont ou d’aérodrome, d’électrification rurale ou de couverture GSM et internet des zones qui en sont privées. Leurs effets devraient être rapides, car les dossiers sont bouclés et ciblent le quotidien des populations, souvent avec le concours d’ONG locales. Ils visent, entre autres, à soutenir la justice et l’État de droit (43 millions d’euros), l’autonomisation des jeunes dans les zones affectées par les conflits et la migration (12 millions), et à renforcer la résilience des jeunes et des petits exploitants agricoles grâce à une agriculture climato-intelligente (23 millions). Un comité de suivi est d’ailleurs chargé de s’assurer de la bonne marche du programme, car de la rapidité de son exécution dépend un regain d’espérance dans ces contrées arides et isolées.
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VINCENT FOURNIER/JA
Tendances
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Or La ruée vers l’Ouest
OLIVIER MONNIER, à Toronto
n nombre croissant de sociétés minières, dont plusieurs sont originaires du Canada, jettent leur dévolu sur l’or du sous-sol ouest-africain. « Cette région a plus de potentiel que n’importe quelle autre dans le monde. Sa géologie est semblable à celles du nord de l’Ontario, du Québec ou de l’Australie-Occidentale, ceintures exceptionnellement prolifiques », explique Richard Young, le PDG de Teranga Gold Corporation (TGC), fondé en 2010, l’une des juniors canadiennes actives dans la région. Alors qu’en Afrique de l’Ouest l’exploration ne fait que commencer, la production de la région atteint déjà 8 à 9 millions d’onces par an, « un niveau qui se rapproche de celui de l’Amérique du Nord [12 millions d’onces], ce que je n’aurais jamais cru possible il y a près de trente ans, lorsque j’ai commencé dans l’industrie », ajoute Richard Young. Aux côtés du Ghana, plus grand producteur de la région, d’autres pays émergent également : avec neuf mines actives, le Mali s’attend cette année à ce que sa production d’or augmente de 21 % à 60 tonnes (2,1 millions d’onces), alors que la production au Burkina Faso pourrait atteindre 55 t. Même en Côte d’Ivoire, la production d’or a doublé au cours des cinq dernières années pour atteindre 25 t. Le Sénégal a extrait 7 t d’or en 2018 et a ouvert une deuxième mine en mai. « Nous souhaitons travailler dans des pays où
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les gouvernements sont favorables aux investissements étrangers, et il s’avère que l’Afrique de l’Ouest francophone veut développer son exploitation minière. » De fait, l’obtention d’un permis pour un projet peut se faire en un an, alors que cela prend au moins cinq ans en Amérique du Nord.
Présence durable
Mais il reste encore de nombreux défis à relever en Afrique de l’Ouest. Malgré les problèmes de sécurité – au Mali et au Burkina Faso en particulier –, le manque d’infrastructures, de formation, et les coûts élevés de l’électricité, les sociétés canadiennes disent vouloir inscrire leur présence sur le continent dans la durée. En plus de TGC, les autres miniers canadiens comprennent B2Gold (Mali), Iamgold (Burkina Faso, Mali), Endeavour Mining (Burkina Faso, Mali, Côte d’Ivoire) et Semafo (Côte d’Ivoire). « Ici, il y a une affinité avec le Canada. De nombreux politiciens, bureaucrates et chefs d’entreprise ouest-africains y ont effectué leurs études. Et le gouvernement canadien
a fait de cette région une priorité », affirme M. Young. TGC vise cette année une production de 240 000 onces dans sa mine au Sénégal et espère couler son premier lingot à Wahgnion, son gisement burkinabè, d’ici à la fin de 2019. Avec ces deux mines, la production annuelle de la société atteindrait 350 000 onces. TGC espère ainsi rejoindre les rangs des producteurs d’or de niveau intermédiaire d’ici à cinq ans. Malgré le bas niveau du prix de l’or (1 220 dollars l’once au début de novembre), le patron de la junior se montre optimiste. « Au cours actuel de l’or […], l’industrie n’est pas durable. Il n’y a pas assez de flux de trésorerie disponibles pour pouvoir explorer et faire croître l’entreprise, affirme-t-il. Mais l’offre minière diminue, et nous nous attendons à ce que la demande continue d’augmenter à mesure qu’un nombre plus important d’Asiatiques intégreront la classe moyenne. Nous pensons qu’une augmentation de la demande associée à une baisse de l’offre aura un effet positif sur le prix de l’or à plus long terme. »
B2GOLD
Au Mali, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire… Les miniers canadiens sont de plus en plus nombreux à se lancer dans l’exploration du soussol, aussi riche en métal jaune qu’en défis à relever.
La production d’or au Mali devrait connaître une augmentation de 21 % en 2019. Ici, la mine de Fekola, entrée en production fin 2017 et exploitée par le nord-américain B2Gold.
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Énergie Volts en stock Alors que 62 % des Subsahariens ont encore un accès limité à l’électricité, les nouvelles générations de batteries ouvrent des perspectives. Au point d’en faire un marché d’avenir ? NATACHA GORWITZ
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Portée par l’automobile
« En Afrique, les batteries lithiumion vont s’imposer comme technologie de stockage d’énergie, car leurs coûts vont continuer de baisser », estime Loïc Charmoille, responsable du développement des projets de stockage en Afrique chez Energy Solutions Wärtsilä. Une diminution qui va de pair avec celle des prix de
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Parc éolien de Jeffreys Bay, en Afrique du Sud.
EPA/MAXPPP
n Afrique du Sud, premier réseau d’électricité du continent avec 50 GW, le géant public Eskom a dévoilé un ambitieux plan de stockage d’énergie, financé par la BAD et la Banque mondiale. Fondé sur la technologie de la batterie électrique, il a une capacité de 1400 MWh sur plusieurs sites, quand à ce jour la batterie géante de l’Américain Tesla en Australie – la plus grande centrale de stockage sur batterie lithium-ion au monde – n’atteint que 129 MWh. Ses contours restent cependant très flous. Alors qu’environ 62 % de la population subsaharienne vit en zone rurale avec un accès limité à l’électricité, l’essor de ce type de programme ouvre de nouvelles perspectives. Car le stockage permet d’améliorer la qualité des réseaux et de restituer l’énergie stockée lors des pics de consommation. Il répond aussi aux problèmes liés à l’intermittence des énergies renouvelables (EnR): au passage d’un nuage, une centrale solaire peut perdre jusqu’à 80 % de sa puissance. Sans moyen de régulation, leur intégration massive aux mix énergétiques augmente le risque de panne. Au Sénégal, où les EnR représentent 18 % du mix énergétique (30 % prévus en 2030), la Senelec se penche donc sur ce type de solution.
l’installation des centrales solaires. D’abord tirée par les besoins d’autonomie des téléphones et des ordinateurs, l’industrialisation des batteries au lithium est aujourd’hui portée par l’automobile et ses véhicules électriques. Entre 2010 et 2017, le coût d’une capacité de stockage de 1 kWh pour une voiture est passé de 1 000 à 200 dollars. Avec diverses applications possibles dans les systèmes électriques : à travers des centrales de stockage on-grid (sur réseau) ou bien des projets hybrides (intégration de batteries à des centrales solaires, éoliennes ou thermiques) on-grid ou off-grid (hors réseau). En 2017, les batteries lithium-ion représentaient 98 % des batteries utilisées pour des nouveaux projets de stockage, selon Bloomberg New Energy Finance. Et les traditionnelles batteries au plomb ont quasi disparu. « Les batteries innovantes sont plus chères mais durent trois à cinq fois plus longtemps et résistent mieux à la chaleur », explique Joël Lelostec, directeur de l’offre d’accès
à l’énergie de Schneider Electric, qui a opté pour une batterie sodiumnickel afin d’équiper ses installations off-grid en Afrique. Avec sa filiale ZnR batteries, EDF, leader de l’off-grid en Côte d’Ivoire, développe Zinium, une batterie zinc-air utilisable à 100 % de sa capacité. Mais « en Afrique, le modèle économique pose encore problème, s ouligne Mamadou G oumble, vice-président Afrique d’Energy Solutions Wärtsilä. Celui qui stocke l’énergie n’est pas celui qui la produit, celle-ci doit donc être vendue plus cher, en tenant compte de l’investissement du stockage installé ». Et les mécanismes de financement tels que les contrats d’achat d’électricité, obligeant les États à rémunérer les producteurs indépendants, ne sont pas encore au point. La Banque mondiale est toutefois confiante. Fin septembre, elle s’est engagée à financer 17,5 GWh de stockage sur batterie d’ici à 2025, soit plus du triple de la capacité existante dans les pays en voie de développement.
Tendances
Télécoms Objectif 5G Le continent s’est déjà lancé dans la course à cette nouvelle technologie, qui pourrait générer 9 milliards d’euros de revenus… À condition que les États accompagnent son essor. CHRISTOPHE LE BEC, envoyé spécial au Cap
’avènement des réseaux mobiles 5G en Afrique ne marquera rien de moins que l’entrée du continent dans la quatrième révolution industrielle, celle de la généralisation de l’internet des objets. L’installation de tels réseaux, dont les débits égalent quasiment ceux de la fibre optique, mais sur des appareils sans fil en mouvement, semble encore de la science-fiction à ceux qui sont confrontés à l’insuffisance de la couverture 3G dans les zones rurales. Qui plus est, l’industrie des télécoms n’a pas encore défini les standards techniques des smartphones connectables à la 5G, qui ne devraient être disponibles pour le grand public qu’à la fin de 2019, y compris en Europe, où cette technologie n’en est encore qu’à un stade expérimental. Pourtant, deux pays subsahariens se sont déjà lancés dans la course : en août, les autorités du Lesotho, où
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TOMMY TRENCHARD/PANOS-REA
Le trafic de données en Afrique augmente de 50 % par an.
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les montagnes rendent la pose d’infrastructures filaires compliquée et coûteuse, ont été les premières à attribuer une licence 5G, accordée à l’opérateur Vodacom et installée par Nokia. Et, mi-novembre, l’Afrique du Sud a annoncé l’implantation de réseaux dans ses grandes villes par l’opérateur Rain, encore avec Nokia. Selon GSMA, l’association des opérateurs et constructeurs de téléphonie mobile, le trafic de données en Afrique sera multiplié par 11 entre 2017 et 2023, avec un taux de croissance de 50 % par an, porté par la hausse de la consultation de vidéos, avec des contenus de plus en plus locaux. L’implantation de la 5G permettra ainsi de répondre
L’AFRIQUE DU SUD ET LE LESOTHO SERONT LES PREMIERS À DÉPLOYER CES RÉSEAUX DU FUTUR.
aux besoins de cet internet mobile en pleine croissance, mais aussi à de nouvelles demandes formulées par les entreprises et les gouvernements. Dans le rapport « Faire de la 5G une réalité en Afrique », Ericsson et l’agence de recherche sud-africaine CSIR estiment que cette nouvelle technologie va générer 9,28 milliards d’euros de revenus sur le continent.
Préparation réglementaire
« Il y a énormément d’applications possibles : une compagnie minière pourra faire le suivi à distance de ses camions et de ses cargaisons de minerais; une coopérative agricole pourra déployer des systèmes d’irrigation et d’épandage en fonction de la météo ou des caractéristiques du sol; et cela permettra aux régies d’eau et d’électricité de mieux repérer les déperditions et l’affectation des ressources », égrène Chafic Traboulsi, directeur des marchés réseaux d’Ericsson. Selon lui, ces secteurs seront nécessairement les premiers clients de la 5G, avant le grand public, pour qui le déploiement de la 4G va se poursuivre. Reste que, si le continent veut profiter de cet essor, les régulateurs des États vont devoir se mettre à la page, notamment sur le plan technique, et jouer un rôle de facilitateur. « Les opérateurs devraient être autorisés à réallouer leurs fréquences pour y déployer la 5G, et non pas être obligés de payer une nouvelle licence, ce qui les freinerait dans leurs investissements », estime Chafic Traboulsi, qui indique que certaines bandes du spectre utilisées pour la 3G et la 4G peuvent l’être pour cette nouvelle technologie. Un autre point sera crucial: la mise en place des réglementations nécessaires pour l’implantation de nouveaux appareils connectés au réseau mobile de nouvelle génération (capteurs, traceurs, alarmes, machines), dans l’espace aussi bien public – dans la rue, sur des panneaux, bus ou tramways – que privé – au sein d’un site industriel ou agricole. Faute de cette préparation réglementaire, le continent risque de prendre en retard le train de la 5G.
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CÔTE D’IVOIRE
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Demain, une puissance industrielle
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e PND 2016-2020 a pour ambition de « réaliser l’émergence de la Côte d’Ivoire avec une base industrielle solide ». C’est ainsi que le chef de l’État, Alassane Ouattara, confirme la stratégie de transformation
structurelle de l’économie ivoirienne qu’il entend mettre en place : « Le PND renforcera notre compétitivité économique en améliorant le taux de transformation de nos produits de base et d’exportation et en diversifiant l’appareil productif industriel, avec la promotion d’une industrie manufacturière. » En effet, si le Plan national de développement (PND) portant sur les années 2012-2015 avait pour objectif de rétablir la sécurité et l’État de droit, de consolider la réconciliation et la paix et de relancer l’économie, le PND 20162020, a lui pour objectif, en plus de renforcer ces acquis, d’emmener le pays sur les voies de l’émergence à l’horizon 2020. Après avoir consacré ces dernières années à construire les infrastructures nécessaires à son économie, dans l’énergie, les transports (routier, portuaire et aéroportuaire), le gouvernement compte désormais faire entrer la Côte d’Ivoire dans une nouvelle phase de son développement économique : celle de l’industrialisation.
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Huitième puissance industrielle du continent
ès les années 1960, le pays décide de ne pas se cantonner à exporter ses produits bruts mais à les transformer sur place, en développant un secteur industriel qui contribue alors pour moins de 10 % au PIB ivoirien.
▼ Transformer sur place les ressources naturelles ne concerne pas que le cacao, mais également le café et l’anacarde, le coton et l’huile de palme, l’hévéa et le bois, les fruits tropicaux et la canne à sucre. © CAMILLE MILLERAND/JA
L’État met en place les meilleures conditions pour attirer les investisseurs étrangers et, avec le tissu de petites et moyennes entreprises locales qui voit le jour dans le même temps, c’est une véritable filière industrielle qui se développe, à la fois dense et diversifiée. Elle représente même, dans les années 1970, près de 40 % du potentiel industriel de toute l’UEMOA. Jusqu’à sa quasidésintégration, à la suite des multiples crises traversées par le pays depuis les années 1980.
CÔTE D’IVOIRE
Aujourd’hui, en s’appuyant sur ses réussites passées, la Côte d’Ivoire est toujours la huitième puissance industrielle d’Afrique, au même niveau que le Cameroun. Le secteur industriel contribue à hauteur de 27 % au PIB ivoirien et représente un peu plus de 40 % des exportations du pays chaque année. Pourtant, il pèse encore peu en matière d’emplois, puisqu’il embauche à peine 11 % de la main- d’œuvre ivoirienne, contre 49 % pour l’agriculture et 39 % pour les services. Mais aussi en termes de création d’entreprises. Alors que celle-ci a progressé de 14 % en 2018, tous secteurs confondus, elle continue de plafonner autour de 1 % dans les filières industrielles et manufacturières. Et c’est justement pour accélérer le rythme que les pouvoirs publics ivoiriens ont inscrit le développement industriel du pays au rang de leurs priorités, en s’appuyant sur ses atouts actuellement disponibles : un potentiel énergétique important, une force de travail jeune et avide d’apprendre, un cadre réglementaire et institutionnel favorable aux investissements directs étrangers (IDE), sans oublier l’abondance et la diversité des matières premières disponibles.
Demain, une puissance industrielle
© THPSTOCK
© OLIVIER/JA
PUBLI-INFORMATION
▼ Des filières industrielles et manufacturières à la diversité des matières premières disponibles, les pouvoirs publics ivoiriens ont inscrit le développement industriel au premier rang
© XAVIER SCHWEBEL/JA
de leurs priorités.
30
%
le taux d’industrialisation de la Côte d’Ivoire à l’horizon 2020 selon le PND, contre 27 % actuellement.
Incontournable agro-industrie Car c’est bien dans la transformation de ses ressources naturelles que se situe l’avenir industriel de la Côte d’Ivoire. Comme l’affirme le chef de l’État, « pourquoi ambitionner d’être un pays industrialisé si nous ne pouvons pas nous-mêmes créer de la valeur ajoutée sur nos produits exportés ? ». Déjà incontournable, l’agro-industrie pèse à elle seule pour les trois quarts du secteur manufacturier. Dans la foulée de la transformation du cacao, lancée dès les premières années de la République ivoirienne et qui pèse aujourd’hui très lourd dans l’économie du pays.
63%
la part, estimée en 2018, du secteur industriel ivoirien dans celui de l’UEMOA.
87%
des entreprises du secteur industriel ivoirien sont des PME/PMI.
5e rang
de la Côte d’Ivoire comme exportateur agro-industriel en Afrique.
En 2018, 580 000 tonnes de fèves, sur les 2 millions produites lors de la campagne, ont subi une première transformation à l’échelle locale, soit 29 % des volumes exportés. Un résultat en hausse qui bénéficie de la création de nouvelles unités de transformation, aujourd’hui au nombre de 13 et regroupées dans les zones industrielles d’Abidjan et de San Pedro, mais qui reste encore bien éloigné de l’objectif de 50 % affiché en la matière par le PND, d’ici à deux ans.
L’atout de la diversité La volonté des pouvoirs publics ivoiriens de voir transformer sur place leurs ressources naturelles ne concerne pas que le cacao, mais également le café et l’anacarde, le coton et l’huile de palme, l’hévéa et le bois, en attendant les fruits tropicaux et la canne à sucre. Depuis ces dernières années, la production de coton est égrenée à 50 % localement, soit deux fois et demie plus qu’au début de la décennie, alors que la quasi-totalité des volumes d’huile de palme et de caoutchouc sont désormais valorisés avant exportation.
© JACQUES TORREGANO/JA
PUBLI-INFORMATION
▼ Abidjan, capitale économique, s’apprête à réceptionner quatre zones industrielles. L’anarcade est la troisième filière
© WICHITPONG
d’exportation du pays.
Objectif anacarde Tel que fixé dans le PND, le pays a ciblé prioritairement la filière de l’anacarde pour transformer d’ici à 2020 50 % de sa production. Avec 800 000 tonnes de noix récoltées annuellement, ce qui représente 23 % de la production mondiale, l’anacarde est la troisième filière d’exportation du pays, générant emplois et développement économique pour le nord de la Côte d’Ivoire.
DEMAIN, L’INDUSTRIE DU TOURISME Et demain, un développement accéléré du tourisme, qu’il soit d’affaires ou de loisirs. En effet, la Côte d’Ivoire dispose de sites exceptionnels, sur plus de 320000 km² entre les terres du Ghana,
Le projet de promotion de la compétitivité de la chaîne de valeur de l’anacarde (PPCA), créé en 2018 et doté d’un budget de 200 millions de dollars sur cinq ans, va aider les 225 000 petits producteurs à s’équiper des installations nécessaires pour transformer localement les noix de cajou.
Les zones industrielles en réseau Depuis quelques mois, la Côte d’Ivoire équipe ses principaux centres urbains de zones industrielles modernes et bien connectées avec le reste du pays. C’est le cas dans la capitale économique, Abidjan, qui s’attend à réceptionner quatre zones industrielles.
où règnent des milliers de cocotiers, où l’eau abonde entre mer, rivières et lagunes, où la forêt est unique (forêt primaire avec des arbres qui parfois peuvent atteindre plus de 50 m de hauteur). L’un des chantiers les plus ambitieux porte sur l’assainissement et © JACQUES TORREGANO/JA
l’aménagement de la baie de Cocody, grâce auquel il sera possible d’accéder en bateau aux plages de sable fin d’Assinie. Les projets hôteliers se multiplient à un rythme soutenu, destinés en priorité au tourisme d’affaires, mais aussi au tourisme de loisirs, notamment le célèbre hôtel Ivoire, le Radisson Blu, l’Onomo, le Hilton…
CÔTE D’IVOIRE
Celle existant à Yopougon est en cours de réhabilitation, sur une superficie de 470 hectares, pour être capable de recevoir, à terme, plus de 400 entreprises. Celle d’Akoupé-Zeudji, actuellement en cours d’aménagement sur 900 hectares, aura pour rôle de décongestionner Yopougon. Enfin, les travaux vont démarrer très prochainement pour la réalisation de deux nouvelles zones, de 250 hectares chacune, à Vridi et à Koumassi. Plusieurs zones industrielles sont également annoncées à travers le pays, de Bouaké à San Pedro, en passant par Korhogo, Bondoukou, Séguéla ou encore Yamoussoukro, pour que le pays puisse disposer à terme d’un réseau sur l’ensemble de son territoire. Demain, une puissance industrielle
DIFCOM/DF- PHOTOS : SUIVANT MENTION.
du Mali, du Burkina et l’écume blanche de l’océan. C’est un paradis
VINCENT FOURNIER/JA
Tendances
Mohamed Mbougar Sarr
Écrivain sénégalais
a question de l’écriture dans leur(s) langue(s) nationale(s) se pose et se repose aux écrivains africains d’expression française. Elle leur revient toujours, relayée indifféremment par des Occidentaux ou par des Africains sur un ton tantôt curieux, tantôt provocateur, parfois méprisant, s’il n’est tout bonnement accusateur (aliénation culturelle, déracinement, etc.). Je ne veux pas réduire cette question fondamentale à une simpliste opposition idéologique. Naître dans un pays qui a été colonisé met souvent aux prises avec une complexité identitaire qu’exprime un double héritage parfois douloureux et difficile à harmoniser. J’essaie pour ma part, comme écrivain, de vivre en cette ambiguïté tragique (« J’habite une blessure sacrée… » [dans Moi, laminaire…, d’Aimé Césaire]) et de chercher en elle, jusque dans la langue, les ressources d’une esthétique singulière. Si j’ai jusqu’ici écrit en français, si j’ai donc, à l’intérieur de cette langue, tenté de trouver la mienne, ma langue d’écrivain, c’est tout simplement parce que c’est d’abord en français qu’on m’a appris à lire et à écrire. Je parle sérère, ma langue maternelle, et wolof, langue vernaculaire du Sénégal. Je les lis à peu près – puisque leur alphabet est majoritairement composé de caractères latins –, mais je ne les écris pas encore, ou de manière fautive, hésitante. La raison de cette difficulté n’est pas à chercher dans une quelconque aliénation : on ne m’a simplement pas appris à les écrire ni même à les lire. Une majorité de Sénégalais sont dans ce cas, ou dans une situation voisine : ils ne savent ni lire ni écrire dans les langues qu’ils utilisent par ailleurs parfaitement à l’oral. Cette majorité (contrairement à moi) n’écrit, ne parle ou ne lit peut-être guère plus, guère mieux, en français, dont la maîtrise est l’apanage d’une élite, donc d’une minorité. Je doute pourtant, en l’état actuel des choses, que multiplier les textes en langues nationales suffise à augmenter comme par miracle le nombre de leurs lecteurs. Mes romans, au Sénégal, sont lus par une minorité, celle qui lit le français. Si j’avais fait l’effort d’apprendre à écrire avec justesse en sérère, et que j’avais directement publié dans cette dernière, gageons que je n’aurais pas été plus lu dans mon cher Fayil, pur village traditionnel sérère, que je ne l’y ai été en français. On y lit aussi peu l’une que l’autre. Cette étrange situation m’oblige, en tant qu’écrivain, à réfléchir à une manière de toucher mon peuple dans une langue qu’il connaît, sans plus attendre d’un gouvernement qu’il généralise
l’enseignement des langues nationales. Que puis-je faire pour écrire des textes qui n’excluraient pas nombre des miens ? Du cinéma, comme [Ousmane] Sembène, en espérant qu’il touchera plus les « masses »? Non: seule m’intéresse ici la littérature. Et celle-ci est plus large que le roman, auquel l’époque veut la réduire. La littérature est poésie, théâtre, conte, épopée ; genres anciens ayant presque présidé à sa naissance, qui ont en commun le fait d’avoir été dits. Peut-être faut-il provisoirement, pour atteindre
ADRIA FRUITOS POUR JA
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Comment écrire dans sa propre langue
cette majorité de mon peuple qui ne sait ni lire ni écrire en langue nationale, des textes qui n’existeraient pas uniquement dans le classique face-à-face d’un lecteur solitaire avec une page, mais viseraient à être écoutés, chantés, joués. Il ne s’agit pas ici d’alimenter le mythe essentialisant de langues africaines irréversiblement arrimées à l’oralité (mythe faux, à la réfutation duquel il faut ajouter que toutes les langues ont connu un stade oral: L’Iliade a d’abord été chantée avant d’être écrite). Il s’agit plutôt de renouer avec des genres et des modes d’intellection d’un texte littéraire qui pourraient se jouer de l’obligation de savoir le lire pour pouvoir en jouir. Évidemment, et j’en suis conscient, cette proposition comporte – ou ouvre – de nombreux problèmes et ne résout pas celui de l’apprentissage des – et dans les – langues nationales. Mais je crois qu’il faut déplacer la question de l’écriture en langue nationale du terrain idéologique pur pour le porter sur le champ esthétique. Que le débat se poursuive.
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Tendances
Décideurs Ils feront 2019
Banque d’affaires, assurances, robotique, industrie ou encore intelligence artificielle… Ces femmes et ces hommes excellent dans des domaines très variés. Portraits.
Lelise NEME
À 26 ans, elle est la plus jeune des femmes nommées récemment par Abiy Ahmed à des postes importants. Native, comme le Premier ministre éthiopien, de la région d’Oromia, Lelise Neme est désormais la directrice générale d’Ethiopia Industrial Parks Development Corporation (EIPDC), une structure publique qui prévoit d’investir près de 1 milliard d’euros pour bâtir des parcs industriels à travers le pays (onze au total) et y attirer de grands groupes internationaux grâce à un environnement des affaires compétitif. Ingénieure de formation, Lelise Neme a fait ses débuts au sein d’Oromia Industrial Parks Development Corporation avant de prendre la tête de l’agence nation nale. L’année 2019 9 sera cruciale po our EIPDC, avec a l’ouvertture de deux no ouveaux parcs et l’agrandisssement d’un au utre.
DR
TOM GARDNER G
SYLVAIN CHERKAOUI POUR JA
Directrice générale d’EIPDC, Éthiopie
Youssef OMAÏS PDG de Patisen, Sénégal L’homme d’affaires sénégalais d’origine libanaise, Youssef Omaïs, 64 ans, a réussi à hisser Patisen, qu’il a fondé en 1981, au rang de leader de l’industrie alimentaire au pays de la Teranga. Adepte de l’approfondissement de son cœur de métier (bouillons, pâtes à tartiner, boissons aromatisées, etc.), il a mis en service cette année de nouvelles unités de production de bouillon, de mayonnaise, de margarine et de raffinage du sel pour des investissements avoisinant les 40 milliards de F CFA (60 millions d’euros). Déjà présent à travers des filiales en Côte d’Ivoire et au Nigeria, et exportant dans une quarantaine de pays de par le monde, il multiplie les partenariats avec des géants de l’agro-industrie.
Objectif ? Accélérer sa conquête continentale à partir de sa plateforme sénégalaise. Pour y parvenir, Youssef Omaïs ménage sa monture. Il a noué une alliance avec le singapourien Wilmar, géant mondial de l’huile de palme, qui devrait à terme déboucher sur l’implantation au sein du futur port de Bargny-Sendou, près de Dakar, d’une raffinerie d’huile d’arachide et probablement d’une minoterie. D’ailleurs, Patisen produit depuis peu, pour Wilmar, du bouillon en cube exclusivement destiné au marché nigérian. L’entrepreneur nourrit tout simplement l’ambition de devenir dans les dix prochaines années « le champion de l’agroalimentaire de Dakar à Djibouti ». AMADOU OURY DIALLO, à Dakar
Moustapha CISSÉ
Sous son air flegmatique, ce Sénégalais de 33 ans est en fait un grand enthousiaste. Patient et très à l’écoute quand il s’agit de parler de sa discipline, l’intelligence artificielle (IA), il n’en reste pas moins extrêmement pressant lorsqu’il en appelle à un réveil panafricain de la recherche scientifique. En juin 2018, il a pris la tête du centre de recherche en IA de Google à Accra, au Ghana, qui devrait ouvrir en janvier ou en février 2019. À l’offensive sur le continent pour conquérir de nouveaux utilisateurs pour ses plateformes (moteur de recherche, messagerie, YouTube, etc.), le géant américain, dont le modèle économique repose essentiellement sur la publicité,
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Responsable du Google AI Research Center Accra
souhaite ainsi profiter de l’essor des innovations fondées sur l’IA (éducation, santé, agriculture…) sur le continent. Cette nouvelle position chez Google procure à Moustapha Cissé une aura dont il semble avoir mesuré le potentiel. Grâce à elle, il a convaincu la crème de la crème de l’IA de venir enseigner dans son master, lancé à Kigali avec l’Institut
africain des sciences mathématiques (Aims). Un premier pas comme une réponse aux difficultés qu’il a lui-même connues dix ans auparavant. Alors qu’il était diplômé de l’université Gaston-Berger, de Saint-Louis, son seul choix, faute d’une offre africaine à la hauteur de ses ambitions, a été de partir poursuivre ses études en France. QUENTIN VELLUET
Paul-Harry AITHNARD Directeur général d’Ecobank Côte d’Ivoire
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Deuxième filiale la plus importante (pour son bilan) du groupe bancaire après celle du Nigeria, Ecobank Côte d’Ivoire démarrera l’année 2019 avec un nouveau directeur général. Annoncée en août, la nomination de Paul-Harry Aithnard a été confirmée en décembre par les différentes instances d’Ecobank Transnational Incorporated (ETI), puis validée dans la foulée par le régulateur. La mission de ce Togolais? Hisser la banque (aujourd’hui numéro deux) à la tête du marché ivoirien, dominé par la Société générale de banques en Côte d’Ivoire (SGBCI). Pour cela, il entend mettre en œuvre un plan stratégique de trois ans qui mise notamment sur le digital. Entré à Ecobank en 2008, Paul-Harry Aithnard, formé en gestion et finance à Paris et à Montréal, a connu, en dix ans de maison, quatre directeurs généraux d’Ecobank Transnational Incorporated (ETI). Il a dirigé le département de recherche du groupe avant de prendre la tête de la gestion d’actifs, dont le périmètre s’est depuis élargi aux activités des marchés de capitaux. Le nouveau patron d’Ecobank Côte d’Ivoire est aussi directeur régional de la zone Uemoa. STÉPHANE BALLONG
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Tendances DÉCIDEURS
Hassanein HIRIDJEE
PDG du groupe Axian, Madagascar
VINCENT FOURNIER/JA
Né en 1975, Hassanein forme, avec son frère Amin, la troisième génération d’hommes d’affaires de la famille Hiridjee. À la tête du groupe Axian (630 millions de dollars en 2017), présent dans les secteurs des télécoms, de l’énergie, de l’immobilier et des services financiers, il est une figure incontournable du monde des affaires dans l’océan Indien. Au début de l’année 2018, le chef d’entreprise a inauguré près d’Antsirabé, au centre de la Grande Île, deux centrales thermiques d’une puissance totale de 76 MW développées par sa filiale Jovena. Il construit actuellement, en partenariat avec le français Colas, un barrage hydroélectrique dans la région de Tamatave. Son entrée en production est prévue en 2022. Depuis trois ans, il conduit aussi ses activités de télécoms au-delà de Madagascar. Après s’être implanté à La Réunion, à Mayotte et aux Comores, Hassanein Hiridjee a acquis en avril une part du capital de Tigo Sénégal, ex-filiale du groupe Millicom, aux côtés du Français Xavier Niel et du Sénégalais Yerim Sow. Dakar vient de leur accorder, au début de décembre, une licence 4G pour 27 milliards de F CFA (plus de 41 millions d’euros). Ils concrétisent ainsi la première étape de l’ambitieux plan d’investissement de 70 milliards de F CFA dévoilé en mai. JULIEN CLÉMENÇOT
Leila MECHBAL
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jeuneafrique no 3024H
a passé cinq années chez A Atlas Blue, une filiale low cost du transpo orteur national disparue depuis prè ès de dix ans. Après l’échec retentisssant de cette compagnie, Le eila Mechbal a été rapideme ent enrôlée par Air Arabia po our d’abord s’occuper des que estions financières, avant de monter petit à petit dans la a hiérarchie. Réputée pou ur sa ténacité, la dirigeantte fait l’unanimité chez se es collaborateurs, ravis d’avo oir un pur produit marocain nà la tête de l’entreprise. EL MEHDI BERRADA
AI R ARAB
Au début de 2019, Leila Mechbal fêtera sa sixième année à la tête de la direction générale d’Air Arabia Maroc. Cette jeune dirigeante a lancé, en 2018, une douzaine de nouvelles lignes internes à des prix défiant toute concurrence pour, dit-elle, démocratiser les voyages par avion. Les retombées de cette stratégie agressive ne se verront que dans le courant de l’année à venir. Âgée de moins de 40 ans, cette experte-comptable de formation, qui œuvre dans l’aérien depuis 2004, mise sur le potentiel touristique des régions, y compris vis-à-vis du public marocain, pour remplir ses Airbus A320. Après une première expérience dans l’audit, la patronne, qui taille des croupières à Royal Air Maroc,
IA M ARO C
Directrice générale d’Air Arabia Maroc
Siemens s’engage pour une croissance durable partout où elle déploie ses activités
Ses 158 années de présence en Afrique ont permis au groupe Siemens de développer cette connaissance et de s’appuyer sur une stratégie reposant sur quatre piliers fondamentaux. Le premier est un portefeuille de solutions dans les trois domaines clés que sont l’électrification, l’automatisation et la digitalisation. Nous aidons les gouvernements locaux à opérer le développement de leurs infrastructures énergétiques incluant la transition vers de nouvelles sources d’énergie. Nous proposons aux industries des solutions d’automatisation pour augmenter leur productivité et leur efficacité. Et nous réalisons des solutions de digitalisation qui permettent, dans un monde de plus en plus connecté, d’exploiter au maximum le potentiel existant dans les domaines de l’énergie, de la production, de la mobilité, des infrastructures ou de la santé.
COMMUNIQUÉ
Sélectionner les meilleurs partenaires et collaborer sur le long
terme sont des éléments fondamentaux de notre approche. Notre second pilier consiste en un puissant réseau de partenaires compétents sur lesquels nous pouvons compter pour relayer nos activités. Ils assurent un
service de qualité et de proximité et accompagnent nos projets tout au long de leur cycle de vie.
L’Afrique a du talent ! Le troisième pilier de notre stratégie est basé sur une collaboration avec de nombreux partenaires académiques de renom. La formation et le développement de compétences et de talents locaux sont au cœur de nos préoccupations et traduisent notre engagement dans la région. Siemens investit dans le futur de l’Afrique en développant et en soutenant la formation des jeunes par le biais de bourses d’études et de partenariats avec les universités, écoles, instituts et centres de recherche. Nous sommes convaincus que l’humain représente la première richesse du continent. Enfin, nos services de financement représentent le dernier pilier de notre stratégie. Nos projets, aussi ambitieux soient-ils, doivent se donner les moyens d’exister pour changer durablement le tissu socio-économique africain. Dans ce but, nous proposons un large éventail de solutions sur mesure pour faire face à l’importance croissante du financement des projets d’infrastructure.
Siemens en Afrique, pour l’Afrique et avec l’Afrique est bien
plus qu’un simple slogan. Il exprime notre volonté de créer de la valeur ajoutée à l’échelon local, de développer compétences et emploi, de soutenir la compétitivité des industries et d’améliorer le confort de toute une population, tout en respectant l’environnement.
« Imaginons l’avenir ensemble ! » https://magazine.siemens.ci/fr/
JAMG/DIFCOM - ©D.R.
Il n’y a pas de meilleur endroit pour investir que l’Afrique. C’est un continent jeune, à forte croissance, qui s’urbanise à un rythme accéléré et dont les secteurs industriel et privé se développent à grands pas. Mais pour réussir en Afrique, une entreprise doit posséder une connaissance approfondie des marchés et des pays dans lesquels elle est active.
Tendances DÉCIDEURS
Fabrice SIAKA PDG de la Sodinaf, Cameroun
FERNAND KUISSU POUR JA
Le négociant camerounais de 40 ans a pris la lumière en 2018 à la faveur du rachat des filiales de l’exploitant forestier français Rougier au Cameroun et en Centrafrique par son entreprise, la Société de distribution nouvelle d’Afrique (Sodinaf – 76,2 millions d’euros de chiffre d’affaires). Mais le plus dur commence pour ce chef d’entreprise dont la carrière a débuté chez le trader Savent Brokers du Monégasque EdmondPatrick Lecourt. Il faut remettre en marche – tout en canalisant le mécontentement des employés – les deux scieries à l’arrêt de la Société forestière et industrielle de la Doumé (SFID), au Cameroun, et enfin démarrer l’exploitation de la centrafricaine Rougier Sangha-Mbaéré (RSM). Loin d’abandonner le négoce, Fabrice Siaka entend consolider en 2019 sa présence dans l’industrie en transformant de l’huile de palme. La Nouvelle Raffinerie du Cameroun, qu’il a mise sur pied pour ce faire, lancera ses activités dans les prochains mois. En attendant une incursion déjà programmée dans l’aviculture et la brasserie… OMER MBADI, à Douala
Groupe franco-africain qui commercialise des semences potagères et florales pour les zones tropicales mais aussi une large gamme de produits complémentaires (intrants, outils).
www.jardinova.com
www.jardinova.com
www.technisem.com
www.tropica-planet.com
Tendances DÉCIDEURS
« Comment réussir son divorce… en affaires ? » Maria Ramos pourrait rédiger un manuel à l’intention des managers confrontés à ce challenge. À la fin de juin, la séparation entre Barclays et son ex-filiale Absa Group Limited, enclenchée en mars 2016, a été officialisée. La perte de la tutelle britannique semble avoir ragaillardi les 41000 salariés du troisième groupe africain. Son bénéfice au premier semestre de 2018 est son plus élevé depuis 2014. Ses pertes sur la même période ont reculé à leur plus bas niveau en trois ans. Ses revenus, tirés de douze pays africains, ont crû de 3 %, pour atteindre 37 milliards de rands (2,3 milliards d’euros) au premier semestre, malgré la sous-performance de l’économie sud-africaine. Maria Ramos, qui fêtera ses 60 ans, dont dix à la tête d’Absa, au début de 2019, entend à
ALON SKUY/SUNDAY TIMES/GALLO IMAGES/GETTY IMAGES
Maria RAMOS Directrice générale d’Absa Group Ltd, Afrique du Sud
moyen terme « doubler [la] part des revenus bancaires [du groupe] en Afrique pour la porter à 12 % », avec le Nigeria comme premier marché. Un challenge qui pourrait incomber
aux successeurs de Ramos, qui, à la mi-2018, a évoqué pour la première fois sa succession, peut-être après 2020. JOËL TÉ-LÉSSIA ASSOKO
Anis SAHBANI
ONS ABID POUR JA
DG d’Enova Robotics, Tunisie
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jeuneafrique no 3024H
« Si un robot assure les tâches répétitives ou pénibles, l’humain peut se concentrer sur la prise de décision »: telle est la philosophie d’Anis Sahbani, fondateur et directeur général d’Enova Robotics. Cette société tunisienne a été la première au monde à commercialiser, en 2015, un robot de surveillance destiné à la sécurité civile. Diplômé de l’École nationale d’ingénieurs de Tunis, ce Tunisien de 43 ans, qui a réalisé en juin la plus grosse levée de fonds pour une start-up dans son pays (1,5 million d’euros), vient d’ouvrir une filiale en France, Diva Robotics, et s’apprête à signer un contrat d’exclusivité avec la société suédoise Securitas, à laquelle il livrera ses robots PearlGuard pour assurer la sécurité de sites industriels français. Montant du deal : 1 million d’euros pour la seule année 2019. Pionnier dans son secteur, Anis Sahbani est aussi le « papa » d’autres modèles de robots, et notamment d’eTouch-Bot, un androïde chargé de veiller sur les personnes âgées, pour lequel Enova Robotics a signé, en septembre 2017, un partenariat avec Covéa. Le géant français de l’assurance mutualiste (Matmut, MMA, GMF) pilote actuellement son déploiement dans des maisons de retraite. NELLY FUALDES
PUBLI-REPORTAGE
BEAC
Banque des États de l’Afrique Centrale
La BEAC, partie prenante du processus de mise en oeuvre du PREF-CEMAC
Le PREF-CEMAC a été adopté par les Chefs d’État de la CEMAC lors de leur Sommet Extraordinaire du 30 juillet 2016 à Malabo. Ce Programme vise à concevoir et à mettre en œuvre des actions rapides, vigoureuses et coordonnées sur le double plan national et sous régional, pour la stabilisation du cadre macroéconomique et la transformation structurelle et profonde des économies de la Sous-région, avec l’appui de la Communauté internationale. Placé sous la présidence dédiée de Son Excellence Denis SASSOU-N’GUESSO, Président de la République du Congo, ce programme comporte plusieurs organes opérationnels, à savoir le Comité de Pilotage (composé des Ministres et des Premiers responsables des institutions de la CEMAC), la Cellule de Suivi (composée des représentants des Etats et des institutions de la CEMAC), et le Secrétariat Technique (composé des représentants de la Commission de la CEMAC, de la BEAC et de la BDEAC). Au cours de leur Sommet Extraordinaire du 23 décembre 2016 à Yaoundé, les Chefs d’État, après avoir rejeté l’hypothèse d’un ajustement monétaire, ont décidé de la mise en œuvre des politiques d’ajustement sur les plans budgétaire, monétaire et structurel pour apporter des solutions à la crise économique vécue par les Etats membres. Le suivi de la mise en œuvre de ces politiques a été confié au PREF-CEMAC sur la base de plusieurs orientations précises. Les éléments de la matrice des mesures constituent le cadre de référence à l’échelle sous régionale pour la mise en œuvre des politiques économiques nationales, en particulier avec le soutien des institutions de Bretton-Woods. Conformément à ce mandat, le Comité de Pilotage a adopté une matrice des actions du PREF-CEMAC articulée autour de cinq piliers, relatifs : I) à l’amélioration des politiques budgétaires, II) à l’orientation appropriée de la politique monétaire ainsi que le maintien de la stabilité et le renforcement du système financier, III) à l’approfondissement des réformes structurelles, IV) à la dynaLES PAYS misation de l’intégration DE LA CEMAC : régionale, et V) au renforceCAMEROUN ment de la coopération CENTRAFRIQUE internationale.
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Le pilier 1 est consacré au renforcement de la politique budgétaire et vise à améliorer la mobilisation des recettes non pétrolières ainsi que les capacités des administrations publiques nationales.
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Le pilier 2 englobe plusieurs aspects essentiels, dont le renforcement de l’efficacité de la politique monétaire, la reconstitution des réserves de change, le renforcement de la stabilité et de l’inclusion financière dans la CEMAC, la lutte contre le blanchiment de capitaux ainsi que la redynamisation des marchés financiers et la réforme de la Banque de Développement des Etats de l’Afrique Centrale (BDEAC).
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Le pilier 3 vise la mise en place d’une stratégie intégrée de diversification des économies et d’amélioration du climat des affaires, notamment par l’opérationnalisation de l’Observatoire du Climat des Affaires dans la CEMAC.
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Le pilier 4 se concentre sur l’intégration régionale avec l’accélération de l’édification du marché commun et le renforcement de l’appareil statistique de la sous-région.
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Enfin, le pilier 5 vise le recours au FMI et aux autres partenaires techniques et financiers.
S’agissant en particulier de l’intégration régionale, les engagements pris par l’ensemble des États membres consistent en l’ouverture intégrale de leurs frontières aux ressortissants de la Communauté d’une part, et en l’édification d’un marché commun à travers l’adoption d’un Tarif Extérieur Commun (TEC) effectif d’autre part. Par ailleurs, l’unification des deux marchés financiers, décidée par la Conférence des chefs d’État, participe de la même logique d’intégration régionale. Décidée en octobre 2017 par les Chefs d’État de la CEMAC, elle consistera en la fusion : ›
Des deux bourses, la Bourse de Valeurs Mobilières de l’Afrique Centrale (BVMAC) et la Douala Stock Exchange (DSX) ;
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Des deux régulateurs, la Commission de Surveillance du Marché Financier de l’Afrique Centrale (COSUMAF) et la Commission des Marchés Financiers (CMF) ;
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Et des dépositaires centraux, la BVMAC, la Caisse Autonome d’Amortissement (CAA) et la Cellule de Règlement et de Conservation des Titres (CRCT) ; la BEAC étant retenue comme dépositaire central transitoire.
BP 1917 - Yaoundé, Cameroun Tél. : (+237) 222 23 40 30/ 222 23 40 60 Fax : (+237) 222 23 34 68 Email : communication@beac.int
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Chaque pilier du programme se décline en objectifs
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ABBAS MAHAMAT TOLLI, Gouverneur de la BEAC
généraux et spécifiques assortis de mesures et d’actions concrètes à mettre en œuvre suivant un échéancier défini.
Tendances
Paris a besoin de ses étudiants africains
rutale, prise sans concertation, sans débat avec les universités, l’annonce a créé le désarroi, le mécontentement, la colère en Afrique, du Nord au Sud: le gouvernement français veut augmenter les frais d’inscription dans ses universités pour les étudiants étrangers non européens – aujourd’hui au nombre de 324 000. Les tarifs passeraient ainsi de 170 à 2 770 euros par an pour les inscriptions en licence et de 243 et 380 à 3 770 euros par an pour celles en master et en doctorat. En annonçant une telle hausse exponentielle, prohibitive et soudaine, applicable dès la rentrée prochaine, le gouvernement trahit les racines mêmes de la tradition républicaine française, qui est de permettre à tous et à toutes d’étudier et de réussir sans être issus de classes privilégiées. Et elle place un nombre considérable d’étudiants du continent qui sont venus en confiance en France dans une situation inextricable: engagés dans un cursus sur plusieurs années, ils pourraient se trouver, du jour au lendemain, contraints de devoir l’interrompre. Le contexte de cette annonce par le Premier ministre, Édouard Philippe, est doublement ironique : celle-ci s’inscrit dans le cadre d’un plan baptisé « Bienvenue en France – Choose me », destiné à renforcer la « stratégie d’attractivité pour les étudiants internationaux », avec l’objectif d’en accueillir 500 000 à l’horizon 2027. Et elle a été faite lors des « Rencontres universitaires de la francophonie », qui se sont tenues du 19 au 21 novembre à Paris.
En réalité, la France renonce à la francophonie et agit très directement contre elle. Elle veut avant tout attirer des étudiants anglophones et renonce à ce que ses universités continuent à jouer un rôle dans la formation de la jeunesse des grandes nations africaines. Une telle hausse laisse en effet sur le bord du chemin des étudiants brillants qui ne bénéficient pas de bourse mais comptent sur leurs économies, leurs sacrifices et leur détermination. En majorité algériens, sénégalais, maliens et camerounais, ces jeunes sont pourtant les plus motivés : ils savent se battre et se frotter à la difficulté de la vie. Et ils sont aujourd’hui les meilleurs ambassadeurs de la langue et de la culture française en Afrique. En tant que professeur des universités, je peux témoigner de leur volonté de travailler dur et de réussir vite. Ils sont ceux qui soutiennent leur thèse dans les
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délais, en français; ils maîtrisent généralement cette langue, qu’ils défendent quel que soit le lieu où ils entament leur carrière. Quand on sait les guerres linguistiques et l’impact grandissant de la langue anglaise sur le continent, la présence de plus en plus
ADRIA FRUITOS POUR JA
B
DR
Benaouda Lebdai
Professeur des universités et chroniqueur littéraire
significative de la Chine avec l’ouverture des instituts Confucius à titre gratuit dans les grandes villes, sans compter l’attractivité croissante des universités sud-africaines, Paris fait sans aucun doute un mauvais calcul… C’est la gratuité républicaine des études en France qui contribue à leur attrait et qui permet à la langue de Molière de conserver son statut de langue internationale. Sur le plan de la qualité d’accueil et de la vie estudiantine, les campus de l’Hexagone ne peuvent d’ailleurs pas rivaliser avec ceux de Grande-Bretagne ou des États-Unis. Face aux critiques, le gouvernement français met en avant la mise en place de bourses d’excellence pour les Africains. Mais cet argument laisse perplexe, dans la mesure où l’augmentation des frais d’inscription a été présentée comme un moyen de financer la modernisation des facultés. Les présidents d’université eux-mêmes savent que cette mesure serait contre-productive. Aujourd’hui, à travers toute la France, des motions sont mises en place pour le dire haut et fort. Cela va à l’encontre d’une université française républicaine, dans le sens social et équitable du terme, surtout envers l’Afrique.
Tendances
Cinéma La fièvre du grand écran Dans la foulée de Vivendi, Pathé va multiplier les salles en Afrique subsaharienne francophone. Reste à savoir si l’industrie locale va profiter de cet essor. boom d’autant plus stupéfiant qu’il y a peu le circuit était moribond, avec de vieilles salles parfois devenues des l y a quelques mois seuentrepôts, des supérettes ou même lement, on apprenait que des églises évangéliques. Pathé allait construire un Le nouveau réseau a déclenché grand multiplexe à Abidjan, dans le une fièvre cinéphile. Vivendi assure très fréquenté centre commercial ainsi avoir attiré près de 500 000 de Cap Sud, à Marcory. La nouvelle spectateurs en vingt mois depuis n’était pas encore digérée qu’en janvier 2017. Un score que la multinanovembre était confirmé l’achat tionale doit à une politique tarifaire d’un terrain à Dakar par le même très agressive: chez CanalOlympia, le géant français du septième art, pour billet coûte « seulement » construire une autre 1 500 F CFA (2,30 euros) structure… et 1 000 F CFA pour les Depuis une petite enfants. Le groupe frandizaine d’années, avec çais a aussi eu l’intelliune accélération à pargence de créer plus que tir de 2015, le nombre des cinémas : des pôles de salles commerciales (Afrique subsaharienne protéiformes propo numérisées édifiées augfrancophone) sant entre deux séances mente constamment en 31 écrans dans pop-corn des concerts Afrique subsaharienne 22 salles numériou même des galas francophone. La pieuvre sées et 19 de plus internationaux de boxe, Vivendi a, à elle seule, étendu ses tentacules d’ici à fin 2019, pour comme celui organisé le 20 octobre à Dakar. presque partout avec son 11 salles en travaux Mais ce revival du réseau CanalOlympia : 1 500 à 5 000 F CFA circuit d’exploitation et Dakar, Yaoundé, Douala, cette nouvelle romance C o n a k r y, N i a m e y, (2,3 à 7,6 euros) : du public africain avec le Ouagadougou, Lomé, la fourchette cinéma peuvent-ils bénéCotonou… et pose déjà de tarifaire d’une ficier à l’industrie locale? nouveaux jalons à Portentrée Rien n’est moins sûr pour Gentil, Pointe-Noire et le réalisateur franco-ivoiLibreville. En prenant en 125 000 spectateurs rien Philippe Lacôte, compte les autres exploiont vu Black Panther dont le long-métrage tants, 62 écrans au total Run a été sélectionné à seront exploités en 2019. 500 000 entrées Cannes en 2014. « Ces Et selon le magazine dans le réseau nouvelles salles prospécialisé Le Film franVivendi depuis posent essentiellement çais, ce chiffre devrait des blockbusters étrantripler dans les cinq janvier 2017 gers. Les réalisateurs prochaines années. Un L. P. LÉO PAJON
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SOURCE : SERVICE DES ÉTUDES ET MARCHÉS D’UNIFRANCE/LES FILMS 26
LE SEPTIÈME ART EN CHIFFRES
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locaux n’y ont pas leur place, ou très rarement. C’est assez logique : dans un monde globalisé, nous sommes directement en concurrence avec des superproductions hollywoodiennes. Un exploitant sait qu’il va attirer plus de monde avec le dernier Spider-Man qu’avec Run… Donc il programme le film américain. »
Made in USA
CanalOlympia, qui se veut un « tremplin et un incubateur de talents », promettait pourtant de « révéler les artistes locaux, de les produire, de leur permettre de rencontrer leur public et de les faire rayonner en Afrique ». Mais à l’heure où nous écrivions ces lignes, sur la vingtaine de longs-métrages tournant dans
SIA KAMBOU/AFP
Le continent a retrouvé le goût des salles obscures (ici, au Majestic, à Abidjan).
le réseau, un seul est africain… et il s’agit d’une production nigériane : Merry Men. The Real Yoruba Demons. Le reste? Du made in USA et un navet français, Le Flic de Belleville. À qui la faute ? Pour le cinéaste franco-sénégalais Alain Gomis, ce n’est pas celle des exploitants. « On a longtemps cru que le manque de salles était en cause. Nous nous rendons compte aujourd’hui qu’il s’agit sans doute avant tout d’un problème de production, note le réalisateur du multirécompensé Félicité. L’ouverture des salles appelle surtout à une augmentation de la production de films. » Il faudrait donc pouvoir proposer plus de longs-métrages, mais surtout des projets mieux adaptés au marché local. Selon un de nos
interlocuteurs, « nombre de réalisateurs talentueux continuent de tourner pour des festivals de toubabs, alors que sur place ce sont les films de genre, les grosses comédies populaires qui fonctionnent. Une sélection à Cannes n’est pas un critère pour un Abidjanais ou un Dakarois. » À ce titre
IL FAUDRAIT DES PROJETS MIEUX ADAPTÉS AU MARCHÉ LOCAL. UNE SÉLECTION À CANNES N’EST PAS UN CRITÈRE POUR UN ABIDJANAIS OU UN DAKAROIS.
le succès de la farce franco-ivoirienne Bienvenue au Gondwana, qui a totalisé 17 000 entrées dans la région en 2017, marque peut-être le renouveau de films proposant du divertissement sans négliger la qualité. « En 2016, le long-métrage ivoirien L’Interprète, de Kadhy Touré, est resté en tête du box-office pendant six mois, précise Sylvain Agbré, le directeur d’exploitation du réseau Majestic, en Côte d’Ivoire. Nous sommes tous friands de blockbusters, mais les spectateurs veulent aussi voir des films qui leur parlent d’eux, de leur culture. » Au-delà, c’est surtout le réseau de distribution qui est pointé du doigt par les professionnels. Claire Diao, fondatrice de la société de distribution Sudu Connexion, rappelle
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Tendances CINÉMA
SYLVAIN CHERKAOUI POUR JEUNE AFRIQUE
Le réseau de Vivendi, CanalOlympia, s’est démultiplié ces dernières années (ici le Teranga, à Dakar).
ces mots du créateur des Journées cinématographiques de Carthage, Tahar Cheriaa: « Qui tient la distribution tient le cinéma. » Or les deux distributeurs de la région sont français: Afrique Films, présent par l’intermédiaire de sa filiale dakaroise Afrique Films Ouest, et Les Films 26, acteur historique du secteur. L’absence de vrai distributeur ouest-africain pose plusieurs problèmes. « D’abord une méconnaissance du terrain, estime Eric Névé,
directeur de la société de production Astou Films, à Dakar. Ils ne savent pas repérer les films sénégalais, ivoiriens, nigérians… qui vont plaire aux gens sur place. » L’autre souci est que les cinéastes n’ont pas d’interlocuteur direct auquel s’adresser pour vendre leurs œuvres. Et que certains ignorent ou sous-estiment la distribution. « Or, faire monter le désir, c’est un métier, et ça coûte de l’argent, soupire Eric Névé. Aux États-Unis, il n’est pas rare que les frais de promotion, à
L’ABSENCE DE VRAIS DISTRIBUTEURS OUEST-AFRICAINS SACHANT REPÉRER CE QUI PLAIRA AUX GENS SUR PLACE POSE PROBLÈME.
eux seuls, équivalent au budget de la réalisation. » « Le résultat c’est qu’il y a beaucoup de films qui ont un petit succès au Fespaco ou au festival de Durban, et dont on n’entend plus parler après, regrette Claire Diao. Souvent, les réalisateurs se chargent eux-mêmes de la distribution, ce qui n’est pas mieux. » Exemple, le Camerounais Bernard Auguste Kouemo Yanghu, dont le court-métrage Waramutsého! a reçu le Poulain de bronze au
COMMUNIQUÃ&#x2030;
Tendances CINÉMA
Système D
Trop souvent, les cinéastes locaux ont recours au système D ou aux âmes charitables pour faire exister leurs films. Sylvain Agbré sort ainsi régulièrement de son rôle de directeur du réseau Majestic. « Il m’arrive de prodiguer des conseils si je me rends compte qu’une œuvre fonctionnerait mieux en DVD, à la télé ou dans une autre salle que la mienne. Quand le film est fait, je me transforme aussi parfois en agent. Récemment, j’ai demandé des synopsis aux réalisateurs que je connais pour défendre leurs films aux Rencontress cinématographiques internationaless de Dakar… » Le tout nt, évidemment. Le gracieusemen ment mis en place un patron a égalem unication », grâce à « kit de commu des accords tisssés avec la presse, es blogueurs, afin la télévision, de que « ses » films bénéficient d’une meilleure expossition. Pour sortir de l’ornière, le n a besoin d’injeccinéma africain la production ter de l’argent dans d on. Et d’après et la distributio le réalisateur sénégalais Moussa Touré, ou encore selon Philipp e Lacôte, les fonds de soutien étatiques exisstants (le motion de Fonds de prom matogral’industrie ciném ovisuelle, phique et audio ou Fopica, au Sénégal, S et le Fonds de soutien à l'industrie cinématoen graphique, ou Fonsic, F Côte d’Ivoire) ne n suffisent quoi ne pas pas. « Et pourq ngouement profiter de l’en dans les salles, et prélever une partie de s recettes pour alimenterr un fonds de production ? demande éjà ce qui se Lacôte. C’est dé sieurs pays passe dans plusieurs
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POUR SORTIR DE L’ORNIÈRE, LE CINÉMA AFRICAIN A BESOIN D’INJECTER DE L’ARGENT DANS LA PRODUCTION ET LA DISTRIBUTION. européens avec succès. » En France par exemple, 10,7 % du prix de chaque entrée est ponctionné pour alimenter le Centre national du cinéma. « Il y a aussi une exception culturelle à créer », ajoute le cinéaste, qui imagine même la mise en place d’un label « art
et essai » pour les salles s’engageant en faveur des films locaux, et permettant d’obtenir des subventions. La région pourrait également s’inspirer d’une intéressante initiative, Succès Cinéma Burkina Faso, qui récompense financièrement les films nationaux réalisant le plus grand nombre d’entrées : 10 millions de F CFA ont ainsi été alloués au Prix de la séduction, d’Abdoul Aziz Nikiéma. Autre projet inspirant, la relance de l’emblématique ciné Guimbi, à BoboDioulasso, grâce à un financement participatif. Près de 405 donateurs privés ont ainsi rassemblé un peu plus de 55120 euros pour que renaisse le lieu… qui promet « la diffusion, la distribution et la promotion de films produits au Burkina Faso ».
CLAIRE DIAO DIAO, LA PASSEUSE
NATHALIE GUYON
Fespaco 2009. Son film suivant, Les Empreintes douloureuses, n’est sorti qu’en 2014… et a eu une courte vie en festival. « Car le réalisateur, qui s’occupait de tout, était tout simplement épuisé », regrette Claire Diao.
Ce jour-là,, en 2005, Le Pianiste, d de Roman Polanski eest projeté au centre culturel français de Ouagaadougou. Dans la salle, 400 lycéens burkinabèè regardent, saisis. Parrmi eux, Claire Diao, qui a une « révélation »: elle veut « transmettre le cinémaa ». Depuis, laa FrancoBurkinabèè de 33 ans s’est dépenséee sans compter pour atteiindre son objectif. Jo ournaliste multicartee (Le Monde Afrique, B Bondy Blog, Afriscope… …), elle a créé en 2013 un programme p de courts-méétrages itinérant, Quartierss Lointains. « Quand jje chroniquais des films d du continent, les lecteurs m me disaient: “Ça a l’air trèss bien, mais on peut les vvoir où? » Avec Quartierss Lointains, elle peut diffu user des œuvres africainess en France, aux États-Uniss et un peu
partout sur le continent lui-même: au Sénégal régulièrement, mais également en Algérie, au Rwanda, au Bénin, au Burkina, au Nigeria, etc. Parmi d’autres belles découvertes, le programme a présenté un travail réalisé par Alice Diop avant son César 2017 du meilleur court-métrage pour Vers la tendresse. Claire décline aussi sa passion dans la revue Awotele. La publication panafricaine, bilingue, paraît à l’occasion des festivals de Carthage, de Ouagadougou et de Durban. Enfin, grâce à la société Sudu Connexion, l’entrepreneuse s’occupe aussi de distribution. « C’est le maillon manquant sur lequel il faut travailler », souligne-t-elle. Son catalogue compte déjà une trentaine de films. L. P.
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Hypertension, hyper cachée
ADRIA FRUITOS POUR JA
est une maladie qui décourage le chroniqueur que je suis et peut-être le lecteur que vous êtes. Tous les trois à quatre ans, l’actualité me conduit à reparler de l’hypertension artérielle (HTA), même si les données du problème ne changent guère. Cette affection tenace atteint toujours 15 % à 20 % de la population mondiale, probablement plus en Afrique. En novembre 2018, l’American Heart Association la rendait responsable de 62 % des accidents vasculaires cérébraux et de 13 % des décès sur la planète. Dans le dernier numéro de Cardiologie tropicale, deux publications – en Côte d’Ivoire et en Guinée – en soulignent la gravité. Que font l’OMS et les ONG contre ce fléau? Peu de chose. L’une et les autres interviennent lors d’épidémies spectaculaires, mais ignorent cette endémie grave dont la charge est laissée à des structures nationales qui ne bénéficient pas d’aides publiques ou privées. « On y pense et puis on oublie », me chantonnait un directeur d’hôpital.
Quant aux chercheurs de nombreux pays, subventionnés souvent par l’industrie pharmaceutique, ils n’ont pas fait de découvertes essentielles ces dernières années. Certes, on connaît de mieux en mieux les signes et les complications mortelles de la maladie (surtout l’accident vasculaire cérébral, l’infarctus du myocarde et l’insuffisance rénale), mais on les étudie depuis longtemps! En 2018, les sociétés française, européenne et américaine d’hypertension artérielle ont débattu du niveau de tension à partir duquel il fallait traiter. Mesurer la tension artérielle reste la seule possibilité
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de reconnaître cette affection sournoise. Longtemps, les chiffres retenus ont été de 140 millimètres de mercure (mm Hg) pour la tension systolique (pression maximale au moment où le cœur se contracte et propulse le sang dans les artères) et de 90 mm Hg pour la tension diastolique (pression minimale entre deux contractions du cœur). Selon les études, on a envisagé de diminuer ces seuils, ce qui augmenterait le nombre de « malades ». Finalement, on en est revenu à 140/90. Des chiffres plus bas (130/85) ont été recommandés chez les diabétiques et les femmes enceintes. Par ailleurs, les automesures à domicile avec un appareil validé ne doivent pas dépasser 135/85. Les moyens de traitement n’ont pas beaucoup évolué, mais ils sont très importants. Plus de 90 % des patients souffrent d’une hypertension dite « essentielle », c’est-à-dire sans cause unique identifiée. On dispose pour cette pathologie de médicaments nombreux, dont les diurétiques, souvent efficaces et peu chers. Le choix des médicaments dépend des contre-indications éventuelles et des maladies associées. Dans 5 % des cas, une cause précise nécessite un traitement spécifique: maladie endocrinienne ou problème rénal, consommation de réglisse… Le meilleur traitement de l’hypertension artérielle essentielle reste une modification substantielle du mode de vie. C’est bien connu, par tous ou presque, simple, pas cher et pourtant difficile à obtenir! Rappelons quelques données: – le point capital est de réduire le sel alimentaire et de supprimer définitivement le sel sur la table. Sauf chez la femme enceinte, qui doit en conserver un apport suffisant; – préférer le poisson à la viande; – maigrir si on est trop gros : par exemple, « supprimer tout ce que l’on aime et manger à volonté ce que l’on n’aime pas », un régime efficace si on l’applique sérieusement; – ne pas boire plus de deux verres de vin ou de bière par jour, aucun autre alcool autorisé, et pas de cumul en fin de semaine! – ne pas fumer : associer tabac et hypertension artérielle entraîne de graves complications; – exercer une activité physique au moins vingt minutes par jour : marche, jardinage ou sport, à la maison ou à l’extérieur. Avec une règle simple (encore !) : prendre l’escalier plutôt que l’ascenseur ; marcher pour effectuer des trajets inférieurs à 2 km. De très nombreux hypertendus suivent ces prescriptions. Et non seulement leur tension artérielle baisse, mais en outre, après un mois de pratique, ils sont tellement « plus en forme » qu’ils ne peuvent plus s’en passer. Tant mieux.
VINCENT FOURNIER/JA
Tendances
COMMUNIQUÉ
HÔPITAL AMÉRICAIN DE PARIS
Réactivité et expertise au service des patients africains Grâce à la présence de toutes les spécialités médicales et chirurgicales majeures, aux technologies les plus innovantes et aux traitements les plus pointus, l’Hôpital Américain de Paris propose à ses patients le meilleur de la médecine française et de la médecine américaine. Depuis de nombreuses années, la majorité de ses patients internationaux est originaire du continent africain. Rencontre avec le Professeur Robert Sigal, directeur général, et le docteur Riadh Caïd Essebsi, cardiologue, président du conseil médical. D’où viennent vos relations étroites avec le continent africain ? Nous accueillons des patients africains depuis longtemps et nous nous rendons régulièrement en Afrique pour entretenir nos relations avec nos confrères, ou développer des partenariats avec les compagnies d’assurance, les ministères de la santé et les entreprises. Cette année, nous leur présenterons également notre nouvelle tarification et les changements que nous avons effectués pour simplifier et optimiser le parcours des patients.
Que proposez-vous aux patients africains ? Les médecins africains ne disposent pas toujours des moyens techniques pour confirmer un diagnostic ou faire une cartographie précise de la santé de leurs patients. Très réactif et véritable partenaire santé, de la prévention au suivi, l’Hôpital Américain de Paris a développé une expertise largement reconnue dans la prise en charge des patients internationaux, en toute confidentialité et dans le respect de leur culture : proposer des bilans de santé pour anticiper les maladies, participer au diagnostic, et bien sûr proposer des soins adaptés et prendre en charge des pathologies complexes quand cela est nécessaire. De plus, nos patients ont un médecin sénior référent qu’ils peuvent solliciter.
Comment cela se déroule-t-il en pratique ?
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En moins de 48 heures, nous organisons des bilans de santé personnalisés, basés sur les symptômes et les antécédents des patients, ou des bilans de prévention et de dépistage au Check-up Center - par exemple le bilan cardiologique, le bilan Serenity pour les 70 ans et plus ou le bilan du Women’s Risk Institute pour identifier les risques personnels de cancer du sein et proposer des programmes personnalisés de dépistage et de prévention. L’expertise, la réactivité et la disponibilité de nos spécialistes et la qualité de nos équipements nous permettent également de proposer une prise en charge globale, à toutes les étapes du parcours, comme c’est le cas par exemple pour la santé de la femme et de l’enfant (assistance médicale à la procréation, maternité…) ou en cancérologie (chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie…).
www.american-hospital.org Hôpital Américain de Paris | 63, Bd Victor Hugo 92200 Neuilly-sur-Seine - France | Informations : deborah.peixoto@ahparis.org | Tél. : +33 (0) 1 46 41 27 11
Tendances
Style La manne de la mode musulmane KATIA DANSOKO TOURÉ
a mode musulmane explose. Cela n’a rien d’étonnant et va bien au-delà des pays du monde arabe ou de l’Afrique. Elle gagne l’Europe, l’Asie et l’Amérique », observe le créateur nigérien Alphadi, en plein lancement de la onzième édition de son Festival international de la mode en Afrique (Fima), qui s’est déroulée en novembre à Dakhla, au Maroc. D’ici à 2022, le marché de la « modest fashion » (« mode pudique ») – avec ses vêtements couvrant les épaules, le décolleté, les cuisses et les jambes – devrait même peser 373 milliards de dollars, contre déjà 254 milliards en 2016, selon le rapport « State of the Global Islamic Economy 20172018 » publié par Reuters. Sans grande surprise, parmi les pays qui développent l’économie du prêt-à-porter islamique, les Émirats arabes unis tiennent le haut du pavé, suivis par la Turquie. La France et la Chine se disputent la cinquième place, et le Maroc ferme le top 10.
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Les marques occidentales prennent largement part à cette tendance, qui touche aussi bien les « hijabistas » (fashionistas musulmanes) que les juifs ultraorthodoxes ou les chrétiens évangéliques. En 2015, pour les besoins d’une campagne de recyclage de vêtements, H&M a pour la première fois fait appel à un mannequin portant le hijab, Mariah Hidrissi. « Notre style, d’une certaine manière, n’a jamais vraiment compté. C’est fou qu’une marque aussi grande le reconnaisse », confiait-elle à l’époque. Puis, l’année suivante, le groupe suédois de fast fashion a lancé la ligne LTD Collection : des jupes, des caftans et des ensembles aux coupes longues et fluides. L’enseigne japonaise Uniqlo a quant à elle lancé une première collection de mode pudique en Asie en 2015, puis s’est attaquée au marché américain. Avec le concours de la créatrice britannique musulmane Hana Tajima, elle a développé une ligne de hijabs, tuniques, pantalons amples, longues jupes et tops couvrants bohèmes et minimalistes. Le géant du streetwear
TOLGA AKMEN/ANADOLU AGENCY/AFP
Le prêt-à-porter et les grands couturiers occidentaux n’hésitent plus à lancer des collections « pudiques », quitte à créer la polémique. Et pour cause: l’affaire est lucrative.
Nike a aussi été précurseur en proposant des hijabs pour les athlètes musulmanes. Puis les Zara, Mango et autres Marks & Spencer ont suivi. « La clientèle ciblée est majoritairement les millennials musulmans – tant dans leurs pays d’origine que dans leurs pays d’adoption, indique Sofia Slimani, spécialiste des tendances au sein de l’agence de prospective française NellyRodi. Ils sont connectés, au fait de la mode, ont un pouvoir d’achat grandissant et sont en quête de représentativité. Ils s’attachent donc à des marques engagées
HALAL JUSQU’AU BOUT DES ONGLES Pas moins de 82 milliards de dollars. C’est ce que pèsera le secteur des cosmétiques halal d’ici à 2022, contre 57 milliards en 2016, selon le rapport Global Islamic Economy 2017-2018. Particularités de ces crèmes, lotions, fonds de teint, rouges à lèvres, vernis ou mascara:
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ils sont perméables, sans alcool et sans ingrédients dérivés d’animaux dits « interdits » – comme la kératine, le collagène, l’éthanol ou les protéines placentaires. Fabriqués à partir de minéraux et extraits de plantes, de fruits ou d’huiles végétales, ils
peuvent ainsi aussi séduire les végans et les adeptes de produits naturels. Si le marché a éclos dans les pays musulmans d’Asie du Sud-Est, il s’est étendu au sous-continent indien, au Moyen-Orient, à l’Afrique puis aux États-Unis et à certains pays d’Europe. En 2015, une
boutique de cosmétiques estampillés « halal », Hasna Cosmetics, ouvrait ainsi sur les Champs-Élysées, à Paris. Et de grands groupes de cosmétiques internationaux comme L’Oréal ont d’ores et déjà fait certifier une bonne centaine de produits. K.D.T
Fashion Week « pudique » de Londres, en avril 2017.
AFP
Collection printempsété 2016 de Dolce & Gabbana.
qui comprennent leurs besoins et spécificités. » La haute couture n’est pas en reste. Dans les pays du Golfe, il n’est plus rare de voir des abayas customisées avec des cristaux Swarovski. On trouve des combi-pantalons oversize chez Jacquemus, des cafetans en tulle et crêpe à ornements chez Elie Saab, des robes du soir couvrantes en georgette de soie à sequins chez Carolina Herrera et des jupes longues en satin de soie chez Gucci. Ces pièces ont même eu le droit à leurs défilés à la Fashion Week de New York ces deux dernières saisons.
Trop longtemps délaissées
Les grandes maisons ont aussi imaginé des griffes spécialisées, présentées par des mannequins portant le hijab et présentes sur les plateformes d’e-commerce dans la catégorie mode pudique. Dolce & Gabbana a mis les pieds dans le plat avec sa collection printemps-été 2016 de hijabs et abayas, quitte à soulever une vive polémique. « Les musulmans représentent 22 % de la population mondiale, et
CES ROBES EN SOIE COUVRANTES ET ABAYAS CUSTOMISÉES SONT PRÉSENTÉES SUR LES PODIUMS DE NEW YORK. leurs exigences vestimentaires sont trop souvent délaissées par les grandes maisons de couture et de prêt-à-porter européennes », avait rétorqué le duo de stylistes italiens. Chez Burberry, c’est à l’occasion du ramadan, la même année, qu’une édition limitée de robes longues et de sacs était mise sur le marché. « Il faut y voir, avant tout, une industrie à l’affût de la moindre aubaine lucrative, affirme Sofia Slimani. Et les marques ne veulent pas voir leur réputation ternie par un manque de compréhension quant à l’évolution de la mode et des attentes des consommateurs. » Il n’est plus surprenant de voir des mannequins voilés en couverture de Vogue ou défilant pour les grands créateurs, comme la Somali-Américaine
Halima Aden, qui se dit « fière de représenter les femmes musulmanes dans le monde ». En 2017, une Islamic Fashion Week a même été organisée à New York! Et jusqu’au 6 janvier 2019, le musée De Young, de San Francisco, accueille l’exposition « Contemporary Muslim Fashions », consacrée à la mode musulmane sous toutes ses coutures – du sportswear aux robes du soir griffées. « Cela révèle toute l’importance que le sujet est amené à prendre dans les années à venir », estime Sofia Slimani. Sur la Toile, les marques ou les sites d’e-commerce spécialisées dans la mode pudique, comme The Modist, établi à Dubaï, se multiplient. Et sur les réseaux sociaux, les influenceuses voilées ne font plus exception. Mais qu’en est-il des hommes ? Ou « mipsters » (hipsters musulmans) ? « Ils ne sont pas la cible principale parce qu’ils ne sont pas soumis aux mêmes contraintes vestimentaires que les femmes, analyse Sofia Slimani. Mais de plus en plus de designers et de marques issus du monde arabe se font connaître, même s’ils ne s’adressent pas exclusivement au consommateur musulman. » Et de citer Paria Farzaneh, Precious Trust ou Enami. « Le marché du luxe masculin dépassera de loin le marché féminin d’ici à 2022 », prédit même la spécialiste de NellyRodi.
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Tendances
Architecture Bâtisseurs du futur À la tête de leurs propres cabinets, ils ont su imposer leurs plans et leurs styles. Zoom sur dix talents qui transfigurent les villes du continent.
KATIA TOURÉ
Guillaume KOFFI & Issa DIABATÉ L’histoire de ce duo commence dans les années 1990: Issa Diabaté, lauréat de Yale, devient stagiaire au sein du cabinet de Guillaume Koffi, diplômé de l’École spéciale d’architecture de Paris. Dès 1999, les deux hommes s’associent. Et deviennent, au fil des ans, les ténors de l’architecture en Côte d’Ivoire. On leur doit notamment l’aménagement de la ville côtière d’Assinie-Mafia, qu’ils considèrent comme un laboratoire d’expérimentations. « Nous voulons qu’elle devienne la Silicon Valley de la Côte d’Ivoire », souligne Guillaume Koffi. Fin 2020, Koffi, 59 ans, et Diabaté, 49 ans, livreront Abatta Village, un écoquartier mixte de 228 logements à Abidjan. Un projet qui s’inscrit dans la droite ligne de leurs Résidences Chocolat, un complexe d’une trentaine d’habitations édifié dans la
JOANA CHOUMALI
Côte d’Ivoire
capitale économique en 2016. Ils travaillent également à la création d’un quartier multifonctionnel de
235 hectares pour 2 500 logements dans la ville d’Abomey-Calavi, au Bénin.
Tarik OUALALOU
Maroc
Natif de Rabat, Tarik Oualalou a fondé en 2001 l’agence d’architecture et d’urbanisme Oualalou + Choi avec l’AméricanoCoréenne Linna Choi. Disposant de bureaux à Paris et à Casablanca, cette agence œuvre dans une vingtaine de pays. Au Maroc, leurs grands projets
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incluent le Musée Volubilis, à Meknès (sur le site des ruines romaines), le Village de la COP 22, à Marrakech, la place Pietri, à Rabat, ou encore la réhabilitation de quatre caravansérails à Fès. Prochainement, ils réinventeront Mazagan pour en faire « une ville nouvelle et innovante »,
annonce Tarik Oualalou. Les deux associés travaillent aussi sur l’édification du Centre culturel marocain à Paris, dont les travaux, entamés en avril 2018, devraient être achevés à la fin de 2019. « Une grande partie de notre travail est fondée sur une réflexion
prospective autour de l’Afrique, explique Tarik Oualalou. Nous recherchons constamment sur le continent ce que nous pouvons dupliquer dans le reste du monde. » En cela, le royaume est le parfait exemple de leur démarche: « C’est le nord du Sud et le sud du Nord. »
COMMUNIQUÉ
AVIS D’EXPERT
Samy LAGHOUATI
Associé du cabinet Gide Loyrette Nouel
Cartographie du nouveau droit algérien des PPP Depuis 2015, l’Algérie s’est progressivement dotée d’un dispositif réglementaire complet relatif aux partenariats public-privés (PPP). Au cours des derniers mois, l’Algérie a poursuivi avec une intensité particulière le processus de parachèvement du cadre réglementaire applicable aux PPP en se dotant, le 2 août 2018, du décret exécutif n°18-199 relatif aux délégations de service public des collectivités territoriales et, le 2 septembre 2018, de la loi organique n°18-15 relative aux lois de finances dont l’article 37 consacre le principe selon lequel « l’État peut recourir à un financement, total ou partiel, d’opérations d’investissement public, dans un cadre contractuel ou de partenariat avec une personne morale de droit public ou privé ». Pour rappel, le nouveau droit algérien des PPP s’articule autour du décret présidentiel n°15-247 du 16 septembre 2015 portant réglementation des marchés publics et des délégations de service public. Le nouveau droit
algérien des PPP s’articule autour du décret présidentiel n°15-247 du 16 septembre 2015
Ce texte fixe les règles applicables à la passation et à l’exécution des marchés publics de l’État et des collectivités territoriales et notamment des marchés portant sur la réalisation, l’exploitation et/ou la maintenance des ouvrages et prévoyant un paiement différé, assimilables aux marchés de partenariat au sens du droit français. S’agissant des délégations de service public, le décret réaffirme les principes qui leur sont applicables parmi lesquels figurent les principes de liberté d’accès, d’égalité de traitement et de transparence des procédures mais renvoie à un décret exécutif pour en préciser les règles de passation et d’exécution. C’est dans ce contexte qu’a été adopté le décret du 2 août 2018
portant exclusivement sur les DSP des collectivités territoriales et ainsi susceptible de s’appliquer à différents secteurs stratégiques comme l’eau, les déchets ou les transports publics. L’absence à ce jour de texte équivalent applicable aux DSP de l’État ne doit pas, selon L’absence de texte nous, être regardée par applicable aux DSP les investisseurs comme de l’état ne doit une source d’insécurité pas être source juridique mais permettre, d’insécurité juridique au contraire, de ne pas soumettre ces conventions à des dispositions dont la rigueur pourrait être inadaptée aux projets nationaux. Au total, si le dispositif parait correctement couvrir les différents outils contractuels de l’investissement public, ses modalités d’application demeurent sources d’interrogations s’agissant tant de sa conciliation avec les lois sectorielles et les cahiers des charges impératifs qui n’ont pas été abrogés que de certaines dispositions dont la portée devra être précisée afin d’en déterminer la compatibilité avec les exigences de bancabilité propres à ces projets.
GIDE LOYRETTE NOUEL ALGÉRIE 6-8, rue Laroussi Amroune, Les Glycines 16046 Alger | Algérie Tél. : +213 (0) 2123-9494 Email : Samy Laghouati : laghouati@gide.com Pascal Suffran, collaborateur : suffran@gide.com
www.gide.com
Tendances ARCHITECTURE
Mouhamadou ABASS SALL
Sénégal
Une évolution naturelle pour ce S énégalais de 35 ans, par ailleurs imam de son état : « Cela permet de maîtriser le produit fini. » Le procédé est de plus en plus courant de par le monde, mais ne fait pas encore l’unanimité au Sénégal. Qu’importe,Mouhamadou Abass Sall a également lancé un grand chantier financier le 22 décembre : une plateforme d’investissement immobilier participatif (SQMShares). « On ne se tourne plus vers les banques pour l’amorce d’un projet, mais vers les particuliers », résume l’architecte.
RICHARD CANNON POUR JA
À la tête de son propre cabinet, bap tis é L âmtoro, depuis bientôt douze ans, Mouhamadou Abass Sall a pris, l’an dernier, un virage dans la façon d’appréhender ses projets : celui du « design and build ». « Une méthode qui consiste à accompagner et conseiller le client ou même à nous occuper nous-mêmes des travaux », explique Mouhamadou Abass Sall, diplômé de l’École nationale d’architecture de Grenoble (ENSA). Design expérimental, domotique, pôle immobilier… Lâmtoro est devenu un cabinet d’architectes et d’ingénieurs pluridisciplinaire.
Mariam KAMARA
LEE GOTTEMI POUR JA
Niger
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À 39 ans, Mariam Kamara est à pied d’œuvre pour penser l’édification d’un centre culturel à Niamey. Un projet qu’elle mène en collaboration avec le Britannique d’origine ghanéenne Sir David Adjaye, dans le cadre du programme Rolex de mentorat artistique 2018-2019. Celle qui a fondé l’Atelier Masōmī dans la capitale nigérienne travaille entre son pays natal et les États-Unis, où elle enseigne au sein de l’université Brown, dans l’État de Rhode Island. Amatrice de matériaux traditionnels, comme les briques de terre compressée, elle reste également à l’affût des dernières innovations technologiques. Lauréate du Global LafargeHolcim Awards 2018 grâce au projet Legacy Restored Center, un complexe à la fois religieux et laïc réalisé en partenariat avec l’Iranienne Yasaman Esmaili, l’architecte avait déjà marqué les esprits en 2016 avec Niamey 2000, un projet pilote de logements abordables construits avec des matériaux locaux.
PUBLI INFORMATION
La référence des réseaux télécoms en Afrique
© D.R.
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Créée en Tunisie, en 2002 pour accompagner l’opérateur tunisien Tunisiana dans l’installation de ses réseaux GSM, HAYATCOM est devenu leader sur le marché tunisien à peine trois ans après sa création, tant par son chiffre d’affaires que par le nombre de sites déployés.
Déploiement de fibre optique.
Réseaux de télécommunications.
Aujourd’hui HAYATCOM est un acteur frontal à l’international. Il n’est plus seulement sous-traitant il participe en première ligne à d’importants appels d’offres de déploiement de Fibre Optique, avec de sérieuses chances de réussite face aux asiatiques et les européens.
que sur les compétences en gestion de projet. Ce sont des atouts majeurs qui différencient HAYATCOM et en font un acteur incontournable sur le continent africain. D’ailleurs, la mise en place de plans d’évolution motivants, la présence d’un fort esprit d’équipe, l’organisation des formations professionnelles en continu ainsi que la mobilité internationale sont nos forces qui nous permettent de satisfaire le haut niveau d’exigence de nos clients.
P Pouvez-vous nous parler d de votre groupe ? HAYATCOM fait partie de TGH -Tawasol Group Holding côté à la bourse de Tunis depuis 2014. Ce groupe emploie aujourd’hui plus de 1400 personnes et compte près de 32 sociétés qui opèrent dans plusieurs secteurs d’activités allant de l’immobilier au tourisme, à travers l’industrie, les réseaux de télécommunication, les activités d’infrastructure, l’ingénierie et le conseil. HAYATCOM Tunisie dispose d’un panel de services lui permettant d’offrir des solutions globales à valeur ajoutée depuis la consultation jusqu’à la réalisation des projets « Clé en main » incluant la maintenance préventive et curative des infrastructures de télécommunication. L’entreprise s’est consolidée à l’international depuis 2004 avec la création de sa première filiale HAYATCOM Algérie, puis successivement en Libye, RDC, Burkina-Faso, Guinée équatoriale, à travers ses filiales ou succursales. Elle est désormais un des principaux acteurs de déploiement des Réseaux GSM et Fibre Optique en Afrique. Quelle est votre valeur ajoutée ? La qualité est le leitmotiv de HAYATCOM. Nous tablons sur La formation continue et le développement de solutions innovantes, l’intégration de technologies et services ainsi
Comment jugez-vous vos équipes ? Nous employons actuellement 200 collaborateurs dont 30 ingénieurs. Il s’agit d’une équipe très compétente, à qualifications égales à celles des européens mais à bien meilleur coût. C’est important puisque cela nous permet d’être au même niveau que les entreprises européennes, de développer notre compétitivité et de mieux approcher les marchés concurrentiels. Cela grâce, en partie, à la haute technicité de nos ressources humaines et à leur dévouement. Quelle aide vous apporte l’Etat ? Certes l’État, déploie des efforts à plusieurs niveaux, logistique et financier pour nous accompagner et nous soutenir à l’international. Mais si nous voulons rester leader nos attentes vont beaucoup plus loin. Nous avons besoin de plus de lignes aériennes et maritimes vers l’Afrique, plus de flexibilités bancaires à défaut de présence de nos banques dans les pays africains, plus d’accompagnement et d’encouragement à travers les programmes de soutien à l’exportation. Quels sont vos projets en cours ? Beaucoup de projets à l’étude et d’autres en cours de réalisation. Les principaux sont l’installation de sites Radio et transmission en RDC et en Libye, le déploiement de réseau Fibre Optique au Burkina-Faso et en Guinée équatoriale.
www.groupetawasol.com
20 Rue des entrepreneurs, 2035 Charguia II - Ariana - Tunisie Tél. : +216 70 10 38 00 - Fax : +216 71 94 20 49
JAMG © DR. Sauf mention
P en savoir plus, nous avons Pour rrencontré son Directeur Général, M Moez Mlika.
Tendances ARCHITECTURE
Sirandou DIAWARA Elle a su imposer sa vision à Bamako. Celle d’un style « métis », à cheval entre les architectures européennes et « africanisées », une approche minimaliste inspirée par l’Afrique du Sud et le Japon. On doit notamment à Sirandou Diawara la rénovation complète d’immeubles du quartier d’affaires de la capitale malienne et de l’hôtel Azalaï Indépendance, à Ouagadougou. À la tête de sa propre agence, So-Da Architecture, depuis près de quatorze ans, elle a aussi contribué à l’accueil du sommet AfriqueFrance 2017 et à l’édification du Sheraton Bamako.
EMMANUEL DAOU BAKARY POUR JA
Mali
Pour élargir ses horizons, cette Franco-Malienne de 44 ans a aussi ouvert un autre bureau, Soda International, à Abidjan. Ses projets actuels ? Un centre commercial au Plateau et une tour de bureaux
Tony YOUTÉ
Lawhal EL CHITOU
Cameroun
Bénin
GOPAL AMAH
« Pour moi, l’architecture, c’est une façon de vivre et de penser », confie Lawhal El Chitou, 39 ans, fondateur de l’agence Atlas, à Cotonou. Lorsqu’il travaille sur des plans de villa pour des particuliers avec ses trois collaborateurs, il étudie donc minutieusement le profil de ses clients. « Ils sont associés à toutes les étapes du projet », assure El Chitou, spécialiste des lignes épurées et des combinaisons de cubes. Créé en 2008, Atlas est actif dans toute la sous-région. « Actuellement, nous planchons sur la conception de bureaux pour un cabinet d’avocats ivoiriens », indique cet ancien étudiant de l’école d’architecture de Lomé. Mais aussi sur le futur Musée des arts et civilisations vaudous-orishas de Porto Novo – qui verra le jour dans le cadre de la restitution par la France du patrimoine béninois. En collaboration avec le cabinet français Zuo, sa réalisation devrait être achevée d’ici à trois ans.
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à Marcoury. « J’ai également des pistes à Lagos, au Nigeria, ajoutet-elle. Mon approche est trop moderne pour le Mali, où l’on reste encore attaché au style soudanais, dépassé selon moi. »
À 44 ans, Tony Youté est un peu l’architecte du chic urbain au Cameroun. Ce natif de Yaoundé est souvent sollicité pour des projets de haut standing dans le quartier résidentiel de Bastos. Il est celui qui a mis sur pied la nouvelle ossature du complexe scolaire de la Gaîté, en 2011 puis en 2012. Diplômé de l’école d’architecture de Lyon et détenteur d’un master en design industriel de l’université d’État de l’Ohio, il a débuté en tant que designer à Philadelphie. En 2009, il revient au pays et fonde, à Yaoundé, Fabrica Creative Office, sa propre agence d’architecture et de design. Il élabore actuellement un immeuble résidentiel de très haut standing à Garoua et un bâtiment de 13 étages à Yaoundé. Livré d’ici à deux ans, celui-ci comprendra à la fois des bureaux, une galerie d’art, une salle de sport, un parking alimenté en électricité solaire et des appartements-terrasses. L‘ambition de Tony Youté ? Lancer un jour une ligne de mobilier mêlant touches locales et modernité : « J’aime la simplification des formes, la prise de distance avec le réalisme et l’économie dans l’emploi des matériaux. »
COMMUNIQUÉ
AVIS D’EXPERT
Soraya NARFELDT
DG de RA International
Entente et respect mutuel RA International fournit des services de construction, de logistique et de support pour une clientèle travaillant dans des régions isolées et difficiles. Nous accordons une attention toute particulière aux projets liés à des opérations humanitaires, à l’industrie minière ainsi qu’aux secteurs du pétrole et du gaz. Nous passons notre temps à chercher comment faire avancer les choses dans les régions parmi les plus reculées, les plus difficiles sur le plan logistique et les plus complexes sur le plan émotionnel. Non seulement devons-nous faire face à la création extrêmement rapide de communautés entières avec des ressources limitées, mais nous devons également développer confiance et harmonie au milieu de zones de conflit, de communautés démunies, bien souvent dans des conditions potentiellement dangereuses. Certains terrains d’intervention sont particulièrement difficiles. Lorsque nous sommes appelés dans des zones de conflit, nous devons fréquemment faire face à des variables autant imprévues qu’imprévisibles. La ville de Birao au Nord-Est de la République centrafricaine (RCA) en est un exemple récent. Les Nations-Unies nous avaient chargés d’assurer la construction de 200 bureaux et casernes pour les Casques bleus sur 11 localités réparties sur l’ensemble du pays. Dès lors, nous savions que nous allions devoir affronter des situations imprévisibles dans des endroits isolés, difficiles d’accès et en plein cœur de zones conflictuelles telles qu’à Birao. Notre première tâche fut de nous assurer de la bonne prise en charge de tous nos effectifs en poste à Birao. Nous leurs avons construit des installations sûres et propres afin qu’ils puissent vivre, manger et dormir, ainsi que des installations médicales. Garantir des conditions de vie confortables à nos personnels, même dans des zones aussi difficiles, permet de renforcer la confiance et le respect mutuel. Chez RA International, nous avons décidé de devenir signataires du Pacte Mondial des Nations Unies (UN Global Compact) en 2008 et nous nous sommes engagés à respecter ses principes dans le cadre de toutes nos opérations. Aussi, nous opérons de manière transparente, nous respectons les droits de tous nos partenaires, y compris le personnel, les fournisseurs et les parte-
RA International, est signataire du Pacte Mondial des Nations Unies (UN Global Compact)
naires commerciaux. Nous appliquons encore une politique de tolérance zéro en matière de corruption. Tout au long de la chaîne d’approvisionnement ainsi qu’aux postes frontières, chacun sait que les pots-de-vin ne sont pas tolérés. La corruption provoque nombre de conséquences nuisibles à notre organisation. Elle peut en effet créer un manque de confiance préjudiciable et laisser une empreinte positive n’en devient alors que plus difficile. Chez RA International, nous nous donnons pour objectif de créer un impact durable et positif qui sous-tend chacun de nos projets. Cette volonté imprègne notre façon d’encourager le développement des capacités et des compétences au niveau local, de construire une chaîne d’approvisionnement et de contribuer à l’enrichissement de l’économie. Ainsi, en Somalie, nous nous sommes constamment appuyés sur du personnel local depuis le début de nos opérations en 2008, allant jusqu’à représenter 65% de nos effectifs dans le pays. Outre l’apport d’une stabilité professionnelle et le développement des compétences de centaines de somaliens, ce qui contribue déjà à un avenir meilleur pour le pays, cela nous permet également de réduire nos coûts opérationnels. Nous avons pu constater à de nombreuses reprises à quel point l’accomplissement et la réussite de nos objectifs résident dans l’adoption et le respect de deux pratiques exemplaires: la première consiste à tenir nos promesses, quoi qu’il arrive. La seconde consiste à investir du temps et des ressources dans les personnes sur lesquelles nous nous appuyons. Si nous pouvons accomplir la seconde, nous pourrons toujours réaliser la première. Voilà ce qui est pour nous la meilleure des pratiques.
RA INTERNATIONAL Bay Square Bldg 12, Office 704 Business Bay, PO Box 115 774, Dubai, UAE
www.rainternationalservices.fr
Tendances ARCHITECTURE
Bilel KHEMAKHEM Diplômé de l’école d’architecture et d’urbanisme de Tunis, Bilel Khemakhem, 34 ans, dirige depuis 2011 sa propre structure, ARK-Architecture et entend « introduire une ligne contemporaine dans l’architecture tunisienne », qui manque selon lui de transparence, de fluidité et de modularité. « J’ai la chance de pouvoir travailler sur des projets visibles dans des endroits stratégiques », se réjouit-il. Et de citer le centre médical Vital Cube, terminé en 2018, et un centre d’affaires de 23000 m², prévu pour 2019, tous deux situés aux Berges du Lac 2. Nominé à l’Arab Architects Awards 2018
ABDEL BELHADI/ARK-ARCHITECTURE
Tunisie
pour son travail sur le siège social du groupe Zen, à Sfax (en partenariat avec deux autres architectes, dont son
père), il a livré, à la fin de l’année, 12000 m² d’espaces de bureaux à la multinationale Teleperformance.
Mokena MAKEKA
DR
Afrique du Sud
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« L’architecture qui permet d’établir un environnement sain est une façon de mesurer l’avancement d’une civilisation », affirme l’architecte sud-africain Mokena Makeka. Depuis 2002, au sein de son agence Makeka Design Lab, c’est la responsabilité sociale qui régit son travail. On doit à ce diplômé de l’université du Cap, qui s’est fait un nom grâce à son inspiration minimaliste, la réhabilitation de la gare du Cap en vue de la Coupe du monde de 2010, le siège de la police ferroviaire sud-africaine (pour lequel il a été primé) ou la construction d’un centre civique polyvalent dans le township de Khayelitsha (qui lui a valu le prix CIFA Merit en 2009). C’est aussi lui qui a lancé l’idée du futur MoDILA (Museum of Design, Innovation, Leadership & Art), qui devrait être édifié au Cap. Au sein d’un consortium d’architectes, il travaille actuellement à la réalisation prochaine, à Port Elizabeth, de « la Tour de la lumière », un bâtiment en verre de 27 étages qui fera office de musée interactif à la gloire de Nelson Mandela.
DIFCOM/JAMG - DBY © ALOUI DESIGN/DECORATION ET DESIGN
Dernier né des complexes de restauration en Tunisie, situé en bord de mer à Gammarth, non loin de Carthage, le Billionaire est le glamour et le luxe à l’état pur ; Avec des espaces « haut de gamme », élégants, confortables, réservés à une clientèle exigeante ; Un service sans égal et une cuisine méditerranéenne, dirigée par un chef de renommée internationale.
L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ
Prochainement son « Club Chivas », également bar à cigares, vous accueillera dans un décor à « l’anglaise », luxueux et feutré, où vous pourrez vous détendre, tout en découvrant une sélection prestigieuse d’alcools, Cognacs, Chivas, Rhums et sa cave à cigares. Aujourd’hui, ses fondateurs, Karim Eltaief et Ezzedine Chatty, grâce à leur savoir-faire et plus de 20 ans d’expérience dans le domaine, souhaitent développer le concept du Billionaire dans les pays voisins, notamment dans l’Afrique du Centre-est, où ils sont en pourparlers avec des investisseurs. Karim Eltaief et Ezzedine Chatty (photo ci-dessus) tiennent à rendre hommage à Raouf Eltaief qui les a toujours soutenus et accompagnés dans leurs entreprises.
Le lieu sélect, pour se sentir Billionaire Zone touristique, Gammarth - La Marsa, Tunis 2070 Email : contact@billionaire-gammarth.com / Tél. : (+216) 23 064 064
www.billionaire-gammarth.com
Ali Benmakhlouf
Professeur des universités, membre correspondant de l’Académie nationale de pharmacie
L
Incontournable vaccin
ADRIA FRUITOS POUR JA
a vaccination est un pilier historique de la lutte contre les maladies infectieuses. Si elle ne guérit pas, elle prévient le développement de nombre d’affections et protège contre les épisodes de malnutrition aiguë. Elle est, à ce titre, « l’une des interventions les plus rentables en matière de santé publique », rappelle l’OMS. Mais la commission du Parlement européen sur l’environnement et la santé publique s’inquiète de la chute du taux de vaccination en Europe, en raison de la défiance croissante de la population vis-à-vis de cette pratique. Selon une étude mondiale menée par les chercheurs du Vaccine Confidence Project de la London School of Hygiene and Tropical Medicine, c’est sur le Vieux Continent que l’on enregistre le plus grand nombre de réponses négatives relatives à la perception de l’importance des vaccins, de leur sécurité et de leur efficacité, conduisant au plus haut taux de réticence dans la population.
Pourtant, « c’est le seul moyen qui met à l’abri le nouveau-né face aux infections graves. Et l’ensemble des vaccins administrés aujourd’hui contiennent beaucoup moins de protéines que ceux administrés il y a quarante ou cinquante ans », affirme Alain Fischer, professeur au Collège de France et auteur d’un rapport sur le sujet. En constant développement, les vaccins permettent d’éviter environ 2,5 millions de morts par an dans le monde, de réduire les coûts des traitements des maladies, notamment des antibiotiques, et de lutter contre la résistance antimicrobienne en immunisant les
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populations. Et leur production est soumise à des contrôles stricts. Les députés européens rappellent qu’ils sont rigoureusement testés à travers plusieurs phases d’essai et qu’ils sont régulièrement réévalués. En Afrique, on constate malheureusement que, dans la plupart des pays, des millions d’enfants continuent de mourir de maladies qui auraient pu être évitées grâce aux vaccins. Mais, sur le continent, la réticence des populations est loin d’être la première cause d’inquiétude, les défis sont autres et bien plus nombreux qu’en Europe : zones géographiquement difficiles d’accès, augmentation des prix – dénoncée par Médecins sans frontières – qui freine la généralisation de la vaccination, problèmes de disponibilité et de conservation… Le continent souffre aussi d’un manque de suivi : moins de la moitié des pays africains ont, par exemple, introduit une deuxième dose de VER (vaccin à valence rougeole), pourtant nécessaire au contrôle de l’infection. Autre écueil : le manque de personnel soignant. L’ensemble des pays africains pourrait cependant s’inspirer de la nouvelle réglementation française, qui permet aux pharmaciens d’administrer des doses. Il y a les défis, il y a aussi les paradoxes: les régions stables et où le système de santé est plus consolidé qu’ailleurs sont toujours mieux servies, alors que la santé humaine est un enjeu global. Il faut parvenir à répondre à l’effondrement du taux de couverture vaccinale dans des lieux confrontés à des problèmes sécuritaires, comme la Centrafrique ou l’État de Borno, au Nigeria, où la poliomyélite résiste. De manière plus générale, il s’agit de répondre à la contradiction selon laquelle ceux qui ont le plus besoin d’être vaccinés sont les moins bien renseignés. Certains ne voient pas la nécessité de faire vacciner leurs enfants, en raison d’un manque d’information ou de la désinformation autour de cet acte et des maladies qu’il prévient. En 2014, par exemple, des évêques kényans ont fait courir le bruit que le vaccin contre le tétanos pouvait provoquer la stérilité, sur la base d’analyses non encadrées par des laboratoires. Au Niger, au Cameroun, au Tchad et en RD Congo, l’Alima (Alliance pour l’action médicale internationale) cible les moments de rassemblement, comme les distributions alimentaires, pour réaliser ses campagnes de vaccination, afin de toucher le plus grand nombre. Mais ces programmes ne doivent pas négliger d’informer: la propagation des rumeurs nuit à la santé de tous.
VINCENT FOURNIER/JA
Tendances
PUBLI-INFORMATION
UNE DESTINATION DE PREMIER CHOIX POUR VOS INVESTISSEMENTS Le rapport « Doing Business » 2019 a confirmé la tendance des années précédentes. Le pays a fait un bond de 55 places : de la 154e place, en 2018, à la 99e position, en 2019.
Le rapport a mis en relief la sécurité juridique des investissements en République de Djibouti. Par ailleurs, Djibouti figure, avec l’Inde, parmi les deux pays au monde à apparaître, sur deux années consécutives, dans le peloton de dix meilleurs pays réformateurs du monde.
POSITION DES PAYS DU MENA (MOYEN-ORIENT ET AFRIQUE DU NORD) PAYS LE PLUS RÉFORMATEUR DU MONDE PAYS DU MONDE EN MATIÈRE DE PROTECTION DES INVESTISSEURS
Rappelons que le rapport « Doing Business » 2018 avait déjà classé Djibouti parmi les dix économies qui se sont le plus améliorées en 2016-2017 dans les domaines qu’il couvre. Djibouti avait ainsi gagné 17 places au classement général en passant de la 171e à la 154e place. Ces résultats sont le fruit d’un partenariat que le pays a établi avec la Banque mondiale pour faire de Djibouti une destination sûre et attractive pour les investissements étrangers.
djiboutidoingbusiness/ @doingbusinessdj
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Le Guichet unique
a pour mission de permettre aux opérateurs économiques nationaux et étrangers d’accomplir en un même lieu, à un coût réduit et dans un délai minimal les formalités administratives pour créer leurs entreprises. C’est l’Agence nationale pour la promotion des investissements (ANPI) qui assure la gestion du Guichet unique.
© PATRICK ROBERT
Le Guichet unique est un instrument de facilitation des formalités relatives à la création d’entreprise, à l’immatriculation fiscale et sociale ainsi qu’aux services usuels et autres procédures. C’est également un outil de promotion des activités de ces entreprises. À ce titre, il fait partie des dispositifs essentiels mis en place par le gouvernement en vue de rendre plus opérationnel le Programme de promotion du secteur privé.
© PATRICK ROBERT
epuis son inauguration, en mars 2017 par le président de la République, le Guichet unique est devenu l’élément pivot de la politique des investissements en République de Djibouti.
> Le Guichet unique de Djibouti regroupe toutes les administrations à contacter pour créer son entreprise.
Le Guichet unique réunit des représentants de tous les partenaires dans un même espace. Des officiers de liaison sont détachés de leurs administrations respectives par voie de convention passée avec l’ANPI. Un espace y est également réservé aux banques commerciales, aux notaires et aux professions assimilées.
L’AGENCE NATIONALE POUR LA PROMOTION DES INVESTISSEMENTS L’ANPI a signé des conventions de partenariat avec l’ensemble des institutions partenaires du Guichet unique. Ces conventions fixent le cadre des partenariats, les obligations et responsabilités respectives ainsi que les conditions et modalités d’accomplissement des services et des tâches dévolus. > L’entrée du Guichet unique de Djibouti.
Le Guichet unique fonctionne avec un système d’information intégré autour d’une plateforme informatique spécialement conçue à cet effet. Cette plateforme électronique de gestion intégrée s’appuie sur des technologies modernes, adaptées aux normes de sécurité et elle est destinée à faciliter la gestion des activités. Pour harmoniser les procédures des différents partenaires, le guichet unique est régi par un compendium des manuels de procédures. Le manuel de procédures est un document d’accompagnement du fonctionnement du Guichet unique mis à la disposition du personnel afin d’assurer la rapidité et la traçabilité dans le traitement des dossiers des promoteurs, par la codification des procédures et l’organisation du travail en équipe.
PUBLI-INFORMATION
ENTRETIEN AVEC LE DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’ANPI,
M. Mahdi Darar Obsie Djiibouti a fait des proogrès considérables cess deux dernières années en matière de climat des affaires. Quuels sont les réformes qui ont amélioré l’atttractivité de la destination pour les investisseurs ? La création des entreprises ont été i et lle ddéveloppement l facilités par la mise en place par le gouvernement d’une plateforme dite de Guichet unique. Partant de là, nous avons entrepris une série de réformes qui ont amélioré de façon significative notre classement dans le rapport « Doing Business » de la Banque mondiale. Parmi ces réformes, une meilleure transparence dans le transfert de propriété : en réduisant les frais d’enregistrement, en fixant des délais stricts pour l’enregistrement du contrat de vente auprès des autorités fiscales et en scannant la majorité des titres fonciers de Djibouti-Ville, mais aussi en exigeant, par la loi, que toute transaction immobilière soit enregistrée au cadastre afin de devenir opposable aux tiers. Nous avons également renforcé l’accès au crédit en élargissant l’éventail des actifs pouvant faire office de garantie, en autorisant l’utilisation d’actifs futurs en guise de garantie, en permettant une description générale des dettes et obligations et, enfin, en accordant aux créanciers garantis une priorité absolue, en dehors de la faillite. Une autre réforme importante pour consolider les mesures de protection des investisseurs minoritaires passe par l’exigence d’une plus grande divulgation des transactions avec les parties intéressées, par le renforcement des recours contre les administrateurs intéressés, l’élargissement de l’accès à l’information sur les sociétés avant le procès, ou encore par le renforcement des droits des actionnaires et de leur rôle dans les principales décisions des sociétés. Nous avons également facilité l’exécution des contrats en créant une division spécialisée au sein du tribunal de première instance pour régler les différends commerciaux et en adoptant un nouveau code de procédure civile qui réglemente les procédures de conciliation et de médiation volontaires, ainsi que les normes de délais pour les principaux événements judiciaires. Enfin, nous avons assoupli le règlement de l’insolvabilité, en rendant la procédure correspondante plus accessible aux créanciers et en leur permettant d’y participer davantage.
Allez-vous continuer sur le chemin des réformes ? Quels sont vos objectifs à court terme ? Nous allons effectivement poursuivre les reformes engagées. Notamment dans le domaine de l’entrepreneuriat. Avec pour objectif d’impliquer les femmes et les jeunes sur le marché du travail. Car nous voulons créer une nouvelle dynamique pour faire évoluer les mentalités – du secteur public vers l’initiative privée – et ainsi favoriser la création de richesses et d’emplois. C’est pourquoi d’ailleurs nous encourageons toutes les innovations, comme la création de start-up, notamment dans le domaine des nouvelles technologies. Monsieur le directeur, avec la multiplication annoncée des ports dans la région, ne craignez-vous pas pour la compétitivité de l’économie djiboutienne ? Vous savez, les activités de nos ports ne sont pas seulement limitées aux services des économies avoisinantes, à la tête desquelles l’Éthiopie, bien sur. Les capacités et les performances avérées mettent les ports de Djibouti en pole position pour les opérations de transbordement, y compris au bénéfice des pays dotés de ports, comme le Kenya, le Mozambique, voire l’Afrique du Sud, mais aussi vers les pays des Grands Lacs. À la faveur de notre positionnement géostratégique, les volumes de ce type d’activité vont crescendo et constituent une belle part des opérations de nos ports et donc des revenus y afférents. D’autant plus que le boom économique de l’Éthiopie nécessite les services de ports de plus d’un pays. Il y a donc de la place pour tout le monde ! La croissance économique de Djibouti n’a pas un impact significatif sur la création d’emplois. Comment mettre la croissance au service de l’emploi ? Je pense que les réformes engagées par le gouvernement de Djibouti pour améliorer l’environnement des affaires vont jouer un rôle catalyseur pour le changement dans le paysage économique du pays. Ces réformes vont faire en sorte que le secteur privé joue un rôle prépondérant dans la croissance économique. Et grâce à cette nouvelle donne, notamment dans le secteur industriel ou dans le domaine des nouvelles technologies, l’impact de la croissance économique sur la réduction du taux de chômage et, de façon plus globale, sur celle de la pauvreté sera plus important.
© ABOU ALLOYTA/JA
PUBLI-INFORMATION
CRÉATION D’ENTREPRISE Consécutivement aux ambitieuses reformes d’amélioration du climat des affaires, la tendance à la création d’entreprise connaît une augmentation exponentielle. Passant d’un nombre moyen annuel d’environ 400 entreprises créées, le Guichet unique en a enregistré plus de 700 en 2017 et près de 1300 en 2018.
CLIMAT DES AFFAIRES > Salle de régie de la Radio-Télévision de Djibouti (RTD).
fluidification des procédures de création d’entreprise. Durant sa première année d’exercice, il a permis l’enregistrement de 699 entreprises, contre une moyenne annuelle de 450 entreprises avant sa mise en service. À la fin de sa deuxième année d’existence, au 30 novembre 2018, on dénombrait 1 144 entreprises immatriculées. Actuellement l’ANPI s’active à mettre en place un Identifiant commun des entreprises (ICE), préalable pour faire évoluer le Guichet unique vers des prestations en ligne.
Les efforts que l’Agence nationale pour la promotion des investissements déploie sur le terrain sont couronnés de succès, notamment dans les domaines suivants…
INVESTISSEMENTS PRIVÉS Sur la période 2013-2017, un nombre
© VINCENT FOURNIER/JA
Le Guichet unique a assuré la
Les efforts consentis et les reformes engagées ont permis le classement de la République de Djibouti parmi les dix meilleurs pays réformateurs du monde dans l’édition 2018 du rapport « Doing Business » de la Banque mondiale. Ce rapport consacre également Djibouti à la tête des pays du MENA (Middle East and North Africa) en matière de facilité d’entrepreneuriat.
important de projets d’investissement nationaux et internationaux (IDE) ont été agréés au code des investissements. Le cumul des programmes d’investissement agréés s’élève à plus de 1,7 milliard de dollars et a généré environ 4 000 emplois permanents.
ANPI – AGENCE NATIONALE POUR LA PROMOTION DES INVESTISSEMENTS Djibouti – Rue de Marseille – B.P: 1884 – Tél. : (253) 21 32 73 50 – Fax : (253) 35 88 3 E-mail : anpi@intnet.dj / contact@djiboutinvest.com Site Web : http://www.djiboutinvest.com – http://www.theiguides.org/public-docs/guides/djibouti http://www.facebook.com/investdjibouti – twitter.com/Investindjibouti
Guichet unique Boulevard de la République – Tél. : (253) 21 33 34 00 – Site Web : www.guichet-unique.dj
DIFCOM/DF - PHOTOS : SUIVANT MENTION.
> Technicien travaillant au siège de Djibouti Telecom.
FICHES PAYS
54 États à la loupe
151 AFRIQUE DU NORD
152 153 154 155 156 157
159 AFRIQUE DE L’OUEST
189 AFRIQUE DE L’EST
Algérie Égypte Libye Maroc Mauritanie Tunisie
161 162 163 164 165 166 167 168 169 170 171 172 173 175 177
Bénin Burkina Faso Cap-Vert Côte d’Ivoire Gambie Ghana Guinée Guinée-Bissau Liberia Mali Niger Nigeria Sénégal Sierra Leone Togo
179 AFRIQUE CENTRALE
180 181 182 183 184 185 186 187
190 191 192 193 194 195 196 197 198 199 200
215 OCÉAN INDIEN
Cameroun Centrafrique Congo RD Congo Gabon Guinée équatoriale São Tomé-et-Príncipe Tchad
203 AFRIQUE AUSTRALE
204 205 206 207 208 209 210 211 212 213
Burundi Djibouti Érythrée Éthiopie Kenya Ouganda Rwanda Somalie Soudan Soudan du Sud Tanzanie
217 218 219 220
Comores Madagascar Maurice Seychelles
Afrique du Sud Angola Botswana eSwatini Lesotho Malawi Mozambique Namibie Zambie Zimbabwe
SOURCES : FMI : PIB par habitant, inflation, balance courante, PIB et taux de croissance (2018) ; Pnud : population, croissance démographique et espérance de vie, indice de développement humain (2018) ; Livre de poche de la BAD : alphabétisation (2018) ; Cnuced : investissements directs étrangers (2018) ; JA : principale exportation, dernier changement de dirigeant
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Fiches pays
Alger
Océan Atlantique
Tanger Fès
Oran
Constantine
Mer Méditerranée
TUNISIE
Casablanca Rabat Marrakech
Tunis
Tripoli
Béchar
Alexandrie
Benghazi
Le Caire
MAROC ALGÉRIE
Tindouf
L I BY E
ÉGYPTE
Sahara occidental
Assouan
Nouadhibou
M A U R I TA N I E
MALI
Nouakchott
NIGER
SOUDAN
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SÉNÉGAL 400 km
152 153 154 155 156 157
Algérie Égypte Libye Maroc Mauritanie Tunisie
AfriqueduNord Un avenir en pointillé
e chaos n’en finit pas en Libye. Militairement coupé en deux et économiquement exsangue, le pays est aux abois. Chez le voisin égyptien, en revanche, l’ordre règne. Le président Abdel Fattah al-Sissi tient fermement les rênes du pouvoir au prix d’une brutale répression. En contrepartie d’une aide du FMI, le gouvernement a imposé des mesures d’austérité. Et le pays entrevoit le bout du tunnel. L’économie algérienne connaît aussi une embellie. Mais les perspectives sont moroses en raison de l’absence de réformes structurelles. D’autant plus que l’année qui s’ouvre n’est pas propice aux mesures impopulaires. Le pays reste suspendu au choix d’Abdelaziz Bouteflika de
L
briguer – ou non – un autre mandat. À moins que le scrutin ne soit finalement reporté. En attendant, place au statu quo. Au Maroc, le gouvernement tente de débloquer l’ascenseur social. Pour cela, il veut améliorer la formation des jeunes et encourager l’initiative privée. Le Hirak et le mouvement de boycott semblent avoir servi d’électrochoc. La Tunisie a également fait face à un début d’année 2018 agité sur le front social. Si le pays ne parvient pas à sortir du marasme économique, il avance au moins sur le chemin de la transition démocratique. Enfin, à Nouakchott, le président Mohamed Ould Abdel Aziz quittera bien le pouvoir en 2019 mais pas la scène politique. Voilà les Mauritaniens prévenus!
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Fiches pays AFRIQUE DU NORD Mer Méditerranée
ESPAGNE Oran
Algérie Bouteflika, stop ou encore ?
Alger Constantine
MAROC
TUN.
ALGÉRIE
À cinq mois du scrutin, l’incertitude entourant la présidentielle reste totale. L’absence de réformes structurelles handicape la relance de l’économie.
MALI MAURIT.
LIBYE
NIGER 400 km
14 milliards de dollars par an au budget de l’État. Mais L’année 2018 a été celle du choix. Pour sauver l’Algérie le gouvernement ne semble pas disposé à apprendre des de la faillite, entre l’utilisation de la planche à billets et erreurs du passé, et ces recommandations tardent à être l’endettement extérieur, le Premier ministre, Ahmed suivies. Au contraire, l’exécutif a lâché du lest au niveau Ouyahia, a finalement opté pour la première solution des mesures d’austérité. Contre toute attente, la loi de afin de préserver, selon lui, « la souveraineté nationale ». finances 2018 a ainsi acté une augmentation de 7,9 % des Cette stratégie a porté ses fruits, puisque la croissance est dépenses sociales. passée de 1,4 % en 2017 à 2,5 % en 2018. Mais cette embelPis, dans son projet de loi de lie devrait être de courte durée. finances 2019, l’État a ajourné la Selon la Banque mondiale, l’éconopolitique de diversification de l’écomie devrait accuser un recul dans Population : 42 millions nomie et de gestion rigoureuse des les années à venir. Quant au taux Croissance démographique : 1,7 % ressources publiques. Le texte préde chômage, il devrait augmenter PIB par habitant : 4 450 $ voit notamment une augmentation légèrement à 17,8 % dès 2019, contre des transferts sociaux. Les recettes 17,2 % en 2018. Espérance de vie : 76,3 ans complémentaires doivent provenir Si l’économie algérienne se porte Alphabétisation : 75,1 % d’une hausse modérée de la fiscalité mieux à court terme, c’est aussi Inflation : 6,5 % des entreprises et, surtout, de la taxagrâce à l’augmentation des revetion de l’industrie pétrolière. nus pétroliers. Pour ce pays, où les Indice de développement hydrocarbures représentent 98 % e humain (sur 189 pays) : 85 des exportations, génèrent presque Investissements directs étrangers : 70 % des recettes fiscales et contriSi le redressement de l’économie 1,6 milliard $ buent pour moitié au PIB, la chute du reste une priorité, l’année qui s’ouvre prix du baril depuis 2014 avait eu de sera aussi décisive sur le plan poliBalance courante : – 9 % douloureuses conséquences. Or en tique. C’est pourquoi la présidenPrincipale exportation : pétrole 2018, malgré une baisse du volume tielle prévue en avril justifie, selon Dernier changement des ventes, la société nationale certains observateurs, le maintien de président : 1999 Sonatrach a encaissé 9,8 milliards des subventions et l’augmentation de dollars (8,6 milliards d’euros) au des aides sociales en vue de garanCroissance du PIB (%) premier trimestre, contre 8,4 miltir la stabilité du pays en période 3,2 liards à la même période en 2017. Ce électorale. 2,7 2,5 bond des recettes est directement 2019 sera sans doute l’une des 1,4 lié à la hausse du prix du baril de années les plus importantes depuis pétrole, qui est passé en un an de l’arrivée au pouvoir d’Abdelaziz PIB (milliards $) 53 dollars à 68 dollars. Mais la volaBouteflika, en 1999. L’avenir du pays 200,2 188,3 167,6 tilité des cours est telle que le patron est suspendu à la décision du pré160,1 de Sonatrach, Abdelmoumen Ould sident. S’il choisissait de briguer un 2016 2017 2018* 2019* Kaddour, a reconnu qu’il était difficinquième mandat malgré ses procile de projeter des investissements blèmes de santé, cela signifierait le pour l’année 2019. maintien du statu quo. Mais s’il déciLa forte dépendance de l’Algérie aux revenus du pétrole dait de renoncer ? Ou si la présidentielle était reportée, met en lumière les lacunes de son modèle rentier. Pour comme le suggèrent certaines personnalités politiques espérer une véritable sortie de crise, le FMI préconise telles qu’Abderrazak Makri, président du MSP ? Tous les des réformes structurelles profondes : la maîtrise des scénarios seraient alors envisageables. Assisterions-nous dépenses publiques et la réduction de la facture astroà un passage de témoin apaisé ou à une transition diffinomique des importations, ainsi que la suppression cile ? Et quel serait le rôle de l’armée, largement remaniée progressive des subventions généralisées, qui coûtent au cours de l’année 2018 ? Verdict dans quelques mois. * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
2019, année cruciale
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Mer Méditerranée
Alexandrie
ISRAËL
Port-Saïd
Le Caire Charm el-Cheikh
ou ge
LIBYE
Le régime continue de réprimer durement les mouvements de contestation. Si l’austérité pénalise la population, le retour des touristes dope la croissance.
rR
ÉGYPTE
ARABIE SAOUDITE Me
Égypte À l’aube d’un nouveau départ
SOUDAN
300 km
pourtour méditerranéen. Dans un rapport de l’université L’Égypte semble enfin sortir de ses graves difficultés écoaméricaine Harvard publié en mai, l’Égypte occupe même le nomiques. Principale source de revenu du pays, le toutroisième rang des pays qui enregistreront la plus forte croisrisme a subi de plein fouet les conséquences des attentats, sance du monde d’ici à 2026, avec une hausse de 6,63 % par notamment celui perpétré en 2016 contre un avion de ligne an sur cette période. Certains économistes alertent toutetransportant plusieurs centaines de visiteurs russes. Alors fois sur les effets pervers des mesures d’austérité, qui ont un qu’il contribuait à hauteur de 11 % au PIB en 2010, le seclourd impact sur le pouvoir d’achat des classes moyennes. teur se remet lentement mais sûrement de ce creux de près Sur le plan politique, le président, de sept ans. Au premier semestre de Abdel Fattah al-Sissi, a encore raf2018, ce sont près de 5 millions de toufermi son pouvoir en 2018 au moyen ristes qui ont visité les sites antiques Population : 99,4 millions d’une répression brutale des mouveou séjourné dans la ville balnéaire de Croissance démographique : 1,9 % ments de contestation, qu’ils soient Charm el-Cheikh, un bond de 41 % par PIB par habitant : 2 572 $ ou non liés aux Frères musulmans. rapport à la même période en 2017. S’appuyant sur une rhétorique de la Certes, il reste encore beaucoup à faire Espérance de vie : 71,7 ans « guerre contre le terrorisme » pour pour rééditer les performances d’avant Alphabétisation : 75,1 % justifier cette politique, le régime la révolution – près de 15 millions de Inflation : 20,9 % ne fait l’objet que de timides protesvisiteurs par an –, mais la dynamique tations de la part de ses partenaires est bien là et devrait se confirmer en Indice de développement occidentaux, qui voient d’un bon œil 2019, sauf crise sécuritaire majeure. e humain (sur 189 pays) : 115 la stabilisation politique du pays le Investissements directs étrangers : plus peuplé du monde arabe, les États7,4 milliards $ Unis contribuant même à hauteur de Depuis 2016, l’Égypte bénéficie d’un plusieurs milliards de dollars à la poliprogramme d’aide du FMI, portant Balance courante : – 2,6 % du PIB tique sécuritaire. Là encore, il faudra sur un appui financier de 12 milliards Principale exportation : or prendre garde à ne pas provoquer des de dollars (10,5 milliards d’euros). En Dernier changement effets contraires au but recherché : contrepartie, le pays s’est résolument de président : 2014 la répression à outrance des Frères engagé sur la voie de réformes écomusulmans pourrait bien faire basnomiques drastiques – et souvent Croissance du PIB (%) culer certains Égyptiens dans la radiimpopulaires. En juin 2018, le gouver5,5 5,3 calisation. L’armée a d’ailleurs le plus nement a ainsi pris des mesures visant 4,3 4,2 grand mal à venir à bout des réseaux à réduire les subventions publiques, en de l’État islamique dans le Sinaï. particulier dans le domaine de l’énerPIB (milliards $) Au niveau régional, l’Égypte prengie. Effet immédiat: le prix du diesel a dra la présidence de l’Union africaine augmenté de 50 %, celui de l’électricité 332,5 298,2 249,5 236,5 en janvier mais devrait surtout renforde plus de 25 %. Satisfait de ces décicer son partenariat avec les Émirats sions difficiles, le FMI a débloqué en 2016 2017 2018* 2019* arabes unis, sur la base de leur hosjuillet une nouvelle tranche de prêt tilité partagée à l’égard des Frères d’un montant de 2 milliards de dollars. musulmans et de leurs objectifs comCe rebond de l’économie est renmuns en Libye, où les deux États soutiennent Khalifa Haftar. forcé par l’exploitation du vaste champ gazier de Zohr, qui Enfin, le président Sissi va continuer à bénéficier de l’appui a permis au pays de stopper, depuis septembre, ses imporde la France, dont les ventes d’armes à l’Égypte ont explosé tations de gaz naturel liquéfié. En 2017, ces dernières lui depuis 2013. Emmanuel Macron, pourtant interpellé par des coûtaient 220 millions de dollars par mois. Le ministre du ONG en juillet sur la complicité de Paris dans la politique Pétrole, Tarek el-Molla, table sur une production record de répressive du pouvoir égyptien, devrait se rendre au Caire 2,7 milliards de pieds cubes de gaz par jour dès 2019, ce qui début 2019 pour consolider la relation entre les deux pays. ferait du pays l’un des principaux acteurs énergétiques du *ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Futur eldorado gazier
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Fiches pays AFRIQUE DU NORD
Mer Méditerranée
TUNISIE
Tripoli
Libye Du chaos au KO économique
ALGÉRIE
LIBYE NIGER
En proie à la guerre civile, le pays est devenu le hub de tous les trafics. Les tentatives internationales pour résoudre la crise ont fait chou blanc.
Benghazi
300 km
TCHAD
ÉGYPTE
SOUDAN
centres tenus par des réseaux criminels. La France et l’Italie C’est le principal pôle d’instabilité en Afrique du Nord. sont en première ligne dans ce dossier qui empoisonne leurs Depuis la chute de Mouammar Kadhafi, en 2011, le pays relations. Le président français, Emmanuel Macron, entend a renoué avec des divisions régionales, territoriales et trimettre sur pied dans les prochains mois un mécanisme eurobales qui paraissaient oubliées. La Tripolitaine, dans l’ouest péen permettant une meilleure identification des migrants. du pays, est théoriquement dirigée par un gouvernement Dans ce cadre, l’Union européenne devrait accentuer sa lutte d’union nationale (GNA), reconnu par la communauté contre les centres de détention gérés par les milices. internationale, tandis que la Cyrénaïque, dans l’Est, est militairement contrôlée par l’Armée de libération nationale (ALN), du maréchal Khalifa Haftar. Ce dernier Le pays est parvenu en 2018 à relanPopulation : 6,5 millions lorgne désormais Tripoli, ce qui fait cer sa production d’hydrocarbures, Croissance démographique : 1,3 % craindre une nouvelle déflagration de jusqu’à dépasser en avril le million de PIB par habitant : 6 639 $ violence en cas d’échec du processus barils par jour. Mais cette activité est politique. Pour compliquer la donne, elle-même très dépendante des évoluEspérance de vie : 72,1 ans des représentants tribaux du Fezzan tions sur le terrain. Durant l’été, elle a Alphabétisation : NC (région centrale) font fréquemment été fortement freinée par des combats Inflation : 28,1 % état de volontés d’indépendance. entre les troupes du maréchal Haftar Au cours de 2018, Khalifa Haftar et les Brigades de défense de Benghazi. Indice de développement a consolidé son emprise sur l’Est en Exploités par la NOC, dont le siège est e humain (sur 189 pays) : 108 achevant la prise de Derna en juin, à Tripoli, les terminaux pétroliers n’en Investissements directs étrangers : jusqu’alors occupée par une constellasont pas moins contrôlés par l’ALN, NC tion de milices islamistes. De son côté, qui a tenté d’en transférer la gestion Fayez al-Sarraj, chef du GNA, apparaît aux autorités parallèles de l’Est, avant Balance courante : 1,5 % du PIB de plus en plus isolé et dépendant des d’y renoncer sous la pression internaPrincipale exportation : pétrole milices qui maintiennent l’ordre à tionale. Nul doute que leur contrôle Dernier changement Tripoli. En septembre, ces dernières sera au cœur des préoccupations des de président : 2016 se sont livrées à des combats acharnés divers acteurs en 2019. pour le contrôle de l’aéroport. Dans ce Quant aux puissances internatioCroissance du PIB (%) contexte, Daech conserve une capacité nales, elles se montrent tout aussi 64 d’action, comme en témoignent les divisées que les acteurs sur le terrain. 10,9 attaques contre la commission élecSi l’Élysée a piloté le dossier en 2018 en 10,8 – 7,4 torale en mai ou contre la National Oil accueillant en mai la conférence interCompany (NOC) en septembre. nationale sur la Libye, l’échec de l’orPIB (milliards $) Le pays est devenu le hub de tous les ganisation des élections en décembre 51,3 18,5 43,2 trafics dans la région, dont profitent a remis en cause son approche. Avec 30,6 des chefs de milices locales. Et cela la conférence consacrée au dialogue 2016 2017 2018* 2019* pose de sérieux problèmes de sécurité interlibyen qui s’est tenue les 12 et à ses voisins. Les entrepôts d’armes de 13 novembre à Palerme, l’ex-puisKadhafi, pillés après sa mort, ont alisance coloniale italienne cherche à menté tous les groupes armés de la région. Le désarmement reprendre la main. Un nouveau calendrier a été arrêté avec des milices devrait ainsi arriver en tête des prochaines prioGhassan Salamé, qui prévoit une conférence nationale en rités de Ghassan Salamé, l’émissaire de l’ONU pour la Libye. janvier et un référendum constitutionnel qui devra précéder Cette mission s’annonce ardue dans un pays qui compte pas d’éventuelles élections générales en 2019. Petite avancée en moins de 20 millions d’armes en circulation. ce sens, la Chambre des représentants de Tobrouk a adopté, Le territoire libyen est également devenu un havre pour le 26 novembre, un amendement précisant les modalités de les passeurs. Les migrants subsahariens s’entassent dans des cette consultation. *ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Le pétrole, nerf de la guerre
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PORTUGAL
ESPAGNE
Océan Atlantique
Maroc Voie royale vers la paix sociale ? Les autorités ont élaboré une feuille de route pour réduire les inégalités. Les divisions au sein de la majorité retardent la mise en œuvre des réformes.
ÎLES CANARIES (Espagne)
Casablanca
Rabat
Marrakech
MAROC MAURITANIE
ALGÉRIE
MALI 400 km
Ascenseur en panne
*ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Dans ce climat morose, une annonce a suscité l’effervesDans un contexte de grogne sociale, plusieurs ministres ont fait en 2018 les frais de la colère royale, dont Mohamed cence sur les réseaux sociaux et dans la presse locale. Rabat a indiqué en septembre 2018 son intention de rétablir le Boussaid, ministre de l’Économie et des Finances, limogé service militaire, abandonné en 1996. Quelques semaines en août. Le mois suivant, une note du Conseil économique, auparavant, Saadeddine El Othmani, le chef du gouversocial et environnemental (Cese) a mis des mots sur un nement, avait par ailleurs adressé à son équipe une note sentiment partagé par une majeure partie des Marocains. de cadrage pour préparer la loi de finances 2019. L’accent Le document relève que « l’intolérance par rapport aux devrait être mis sur les politiques inégalités devient de plus en plus sociales. Une réforme du système de élevée […] dans un environnement où la participation politique demeure santé semble ainsi être envisagée, Population : 36,2 millions mais le gouvernement a bien du mal modeste et où la confiance dans les Croissance démographique : 1,3 % à maintenir son rythme de réformes. institutions s’est affaiblie ». PIB par habitant : 3 355 $ La majorité construite autour d’une Il est vrai que le taux de chômage se alliance entre islamistes, gauche et maintient au-dessus de la barre des Espérance de vie : 76,1 ans centre droit ne résiste pas aux ambi10 % et touche plus de quatre jeunes Alphabétisation : 69,4 % tions du puissant Aziz Akhannouch, urbains sur dix, ce qui pousse certains Inflation : 2,4 % patron du Rassemblement national à vouloir quitter le royaume. Selon l’Agence européenne de garde-frondes indépendants (RNI), qui croise Indice de développement le fer avec un Parti de la justice et du tières et de garde-côtes (Frontex), e humain (sur 189 pays) : 123 développement (PJD, islamiste) miné le nombre de passages irréguliers Investissements directs étrangers : par des désaccords internes. à travers la Méditerranée a doublé 2,7 milliards $ En novembre, Mohammed VI en 2018 par rapport à l’année précéa enfin nommé de nouveaux diridente, s’établissant à plus de 23 000 Balance courante : – 4,3 % du PIB geants à la tête des institutions préentre janvier et août. Surtout, l’anPrincipale exportation : automobiles vues par la Constitution de 2011. Driss née 2018, comme en 2017, a été marDernier changement quée par un fort mécontentement Guerraoui a ainsi été désigné prédu chef du gouvernement : 2017 sident du Conseil de la concurrence. social et un mouvement de boycott Le poste était vacant depuis 2013 au sans précédent de grandes marques Croissance du PIB (%) sein de cet organisme indispensable pour protester contre la vie chère. 4,1 pour encadrer la vie économique. Des entreprises comme Afriquia ou 3,2 3,2 Dans un discours prononcé le Centrale Danone ont alors accusé des 1,1 12 octobre 2018, à l’occasion de l’oubaisses significatives de leur chiffre verture de la session d’automne du d’affaires. PIB (milliards $) Parlement, le souverain marocain a 122,5 118,2 109,3 103,3 annoncé la création d’une commission ad hoc chargée de définir un Pour la deuxième année consécutive, 2016 2017 2018* 2019* nouveau modèle de développement. c’est la bonne campagne agricole qui Les partis politiques, qui ont été constitue le principal moteur de l’écoinvités à participer à la concertation, nomie. Entre le second semestre de proposent dans leur ensemble un virage social. L’autre 2017 et celui de 2018, 117000 postes nets ont été créés dans dossier prioritaire, pour lequel le palais royal exige des le royaume. Bien que ce chiffre soit en augmentation, le progrès rapides, est celui de l’investissement. La refonte secteur industriel ne se développe qu’à petits pas. Ainsi, du système des Centres régionaux d’investissement (CRI) toujours selon le Cese, l’entrepreneuriat n’est pas parvenu est attendue pour 2019. La société civile déroule, elle aussi, à relancer l’ascenseur social. Ahmed Lahlimi, le haut-comson agenda et souhaite imposer dans le débat le sujet des missaire au Plan, a indiqué que la croissance devrait se violences sexuelles faites aux femmes. maintenir en 2019 au même niveau qu’en 2018, à 3,2 %.
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Fiches pays AFRIQUE DU NORD MAROC
Mauritanie Aziz garde les clés du palais
ALGÉRIE
300 km
Nouadhibou Océan Atlantique
M A U R I TA N I E
MALI
Nouakchott
Le chef de l’État, dont le mandat s’achève en 2019, verrouille sa succession. L’économie retrouve des couleurs en dépit de son manque de diversification.
SÉNÉGAL
dernier moment le candidat à sa succession pour conserver Mohamed Ould Abdel Aziz se prépare méthodiquement à les rênes du pouvoir jusqu’au bout et s’assurer qu’il ne serait quitter le pouvoir l’année prochaine, au terme de son second pas inquiété après avoir quitté la présidence. L’opposition, mandat. 2017 avait été l’année du référendum qui avait sur proposition du Forum national pour la démocratie et supprimé le Sénat et créé les conseils régionaux, mais aussi l’unité (FNDU), planche, elle, sur une candidature unique. modifié l’hymne national et le drapeau. 2018 a vu le début Sur le plan régional, l’expertise sécuritaire du pays est recondu cycle électoral que le chef de l’État entend contrôler de nue, ce qui a permis à son chef d’état-major adjoint, Hanena bout en bout. Après avoir mis l’Union pour la République Ould Sidi, d’être promu en juillet chef (UPR) en ordre de bataille, il a convod’état-major de la force conjointe G5 qué en septembre les électeurs, qui Sahel. N’ayant pas été visé par des ont désigné une Assemblée nationale Population : 4,5 millions attentats depuis sept ans, le pays largement dominée par le parti au Croissance démographique : 2,7 % accueille à nouveau des vols charters pouvoir, tout comme les treize régions PIB par habitant : 1 310 $ qui devraient acheminer cet hiver ainsi qu’une majorité de conseils 3000 touristes français dans l’Adrar. municipaux. Pendant la campagne, le Espérance de vie : 63,4 ans président est descendu dans l’arène et Alphabétisation : 45,5 % a qualifié le parti islamiste Tawassoul, Inflation : 3,8 % arrivé en deuxième position lors du Sur le plan économique, l’année 2018 a scrutin, de menace publique. Quant à débuté avec la mise en place du « nouIndice de développement Biram Ould Abeid, le bouillant patron vel » ouguiya. La valeur de la monnaie e humain (sur 189 pays) : 159 de l’Initiative pour la résurgence du nationale a été divisée par dix, ce qui a Investissements directs étrangers : mouvement abolitionniste (IRA), il déboussolé entreprises et consomma330 millions $ a fait une fois de plus les frais d’une teurs. Malgré les dégâts causés par la incarcération, avant d’être élu député. sécheresse dans certaines régions du Balance courante : – 16 % du PIB Ces élections, qui font office de Sud, l’économie a poursuivi son rétaPrincipale exportation : fer galop d’essai pour la présidentielle de blissement grâce à la bonne tenue des Dernier changement 2019, ont largement renouvelé le paycours du fer, à la reprise du secteur du de président : 2008 sage politique. Les vieux partis d’opbâtiment et à l’assouplissement de la position comme le Rassemblement politique budgétaire. Croissance du PIB (%) des forces démocratiques (RFD) Reste que la diversification de 5,2 d’Ahmed Ould Daddah ou l’Union des l’économie tarde, ce qui met le pays à 3,5 2,5 forces progressistes (UFP) que préside la merci d’un retournement conjonc1,8 Mohamed Ould Maouloud ont payé turel du cours du fer, locomotive de leurs boycotts électoraux répétés en ses exportations. En cause, l’extrême PIB (milliards $) enregistrant des scores décevants. dépendance de l’activité aux investis5,2 5,2 5 4,7 L’Alliance populaire progressiste (APP) sements publics, le secteur privé ayant de Messaoud Ould Boulkheir n’est bien du mal à s’épanouir. Résultat, le 2016 2017 2018* 2019* plus que l’ombre d’elle-même. À l’isrecul de la pauvreté marque le pas, sue du scrutin, le nouveau Parlement et un rapport de la Banque mondiale compte de fortes personnalités, publié en février pointe les carences notamment dans l’opposition, dominée par Tawassoul, ce du pays en matière d’éducation et de santé. « La Mauritanie qui laisse augurer des débats plus animés. est confrontée principalement à un problème d’optimisaBien que le président ait promis qu’il ne modifierait pas la tion et d’équité dans les allocations de ressources entre les Constitution pour briguer un nouveau mandat, l’opposition infrastructures et le développement humain, conjugué avec se fonde sur ses propos selon lesquels il n’abandonnerait pas un manque de gestion efficace et efficiente des investisla politique pour l’accuser de vouloir se maintenir au pousements publics », écrivent les auteurs. Autrement dit, les voir en 2019. Il semble qu’Abdel Aziz ait choisi de désigner au routes ne remplacent pas les instituteurs. *ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Secteur privé moribond
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jeuneafrique no 3024H
Tunis
Tunisie Libertés en hausse, espoirs en berne La transition démocratique progresse alors que l’économie piétine. Englué dans des rivalités internes, Nidaa Tounes cède du terrain à l’opposition.
150 km
Sousse Sfax
Mer Méditerranée
TUNISIE ALGÉRIE
LIBYE
Toujours sur le front politique, les élections législatives Au début de 2018, certains observateurs ont cru entrevoir et présidentielle qui doivent se tenir en décembre 2019 sont les prémices d’une nouvelle révolution. Sept ans après le placées sous le signe de l’incertitude. L’Instance supérieure départ du président Ben Ali, les images qui ont circulé monindépendante pour les élections (ISIE), chargée d’organiser traient une société au bord de l’implosion, désespérée par le scrutin, demeure instable. Son président Mohamed Tlili une hausse des prix galopante et une détérioration contiMansri a démissionné en juillet 2018. Son prédecesseur, nue de ses conditions de vie. Le dinar tunisien a perdu 49 % Chafik Sarsar, avait lui-même claqué la porte en mai 2017. de sa valeur en quatre ans, tandis que la dette s’élève désorLe Parlement aura la responsabilité de mais à 61,21 % du PIB et que le taux trouver une solution pérenne pour ne de chômage se maintient à 15 %. Si le pas bouleverser le calendrier électomouvement social s’est finalement Population : 11,7 millions ral. Le parti Nidaa Tounes, vainqueur essoufflé, la Tunisie peine à sortir de Croissance démographique : 1,1 % des élections de 2017, est en position son marasme économique. Certes, PIB par habitant : 3 573 $ de faiblesse pour les prochains scrul’activité montre quelques signes de tins après le revers qu’il a subi aux reprise, avec une croissance de 2,5 % Espérance de vie : 75,9 ans élections municipales en n’obtenant au premier trimestre de 2018, mais les Alphabétisation : 79 % que 22,17 % des voix. risques macroéconomiques se renInflation : 8,1 % Le parti du chef de l’État n’a cessé forcent, avec une inflation de 8,1 %, de voir ses élus quitter ses rangs son niveau le plus élevé depuis 1991. Indice de développement au rythme des crises internes, pere humain (sur 189 pays) : 95 dant une quarantaine de députés à Investissements directs étrangers : l’Assemblée des représentants du Le pays poursuit toutefois sa tran880 millions $ peuple. Au sein du mouvement, un sition démocratique. Il a connu en bras de fer oppose les supporters du mai ses premières élections muniBalance courante : – 9,6 % du PIB Premier ministre, Youssef Chahed, à cipales depuis la révolution de 2011. Principale exportation: hydrocarbures ceux du fils du président, Hafedh Caïd Ce scrutin marque une avancée tanDernier changement Essebsi. Cette querelle interne rend gible de la décentralisation, inscrite de président : 2014 plus que probable une candidature dans la Constitution de 2014, même indépendante de Youssef Chahed. si les électeurs ont largement boudé Croissance du PIB (%) D’autant qu’un groupe parlementaire les urnes : 66,7 % d’entre eux se sont 2,9 2,4 appelé la Coalition nationale, souteabstenus de voter. Les diverses listes 2 1,1 nant le Premier ministre, a vu le jour le indépendantes, arrivées collective27 août 2018, préfigurant la formation ment en tête ont raflé un tiers des PIB (milliards $) d’un parti en vue des scrutins de 2019. sièges. La Commission des libertés Face à la perte de vitesse de Nidaa individuelles et de l’égalité (Colibe), 42,3 41,8 41,7 40 Tounes, Ennahdha, bien que miné créée en août 2017 à la demande du par des affaires politico-judiciaires, président Béji Caïd Essebsi, a par ail2016 2017 2018* 2019* a toutes ses chances aux législatives. leurs provoqué un débat de société L’opposition, qui pour une grande sans précédent. Dans un rapport partie d’entre elle demande le départ rendu public en juin, elle fait des prode Youssef Chahed, ne propose pour l’instant aucune alterpositions sur des sujets sensibles tels que l’abolition de la native concrète. Concernant la présidentielle, les ambipeine de mort ou encore la dépénalisation de l’homosexuations du parti islamiste restent encore floues. Après avoir lité. Elle s’est également penchée sur l’égalité successorale, annoncé que son leader, Rached Ghannouchi, pourrait se qui a fait l’objet d’un projet de loi dans le courant d’août. Si présenter, Ennahdha a finalement fait machine arrière. Ce ce texte obtient l’aval de l’Assemblée, la Tunisie deviendra qui laisse penser que le mouvement pourrait, une nouvelle le premier pays arabe à inscrire dans la loi l’égalité entre les fois, ne pas présenter de candidat. hommes et les femmes en matière d’héritage. *ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Cycle électoral incertain
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Fiches pays LIBYE
ALGÉRIE
MALI
MAURITANIE
NIGER
Tombouctou Gao
Dakar
161 162 163 164 165 166 167 168 169 170 171 172 173 175 177
Bénin Burkina Faso Cap-Vert Côte d’Ivoire Gambie Ghana Guinée Guinée-Bissau Liberia Mali Niger Nigeria Sénégal Sierra Leone Togo
SÉNÉGAL
Banjul
Mopti
GAMBIE
Bissau
Bamako
GUINÉEBISSAU Conakry Freetown
TCHAD
Zinder
Ouagadougou
Maiduguri
BURKINA FASO
GUINÉE
BÉNIN CÔTE D’IVOIRE
SIERRA LEONE
Yamoussoukro
Monrovia
Niamey
LIBERIA
TOGO GHANA
Lomé
PortoNovo
Accra
NIGERIA Abuja Lagos Port Harcourt
Abidjan
RÉP. CENTRAF. CAMEROUN
Océan Atlantique
CAP-VERT Praia
300 km
Afriquedel’Ouest La croissance, et après ? ’année 2019 sera cruciale sur le plan électoral. Au Nigeria, Muhammadu Buhari tentera en février de conserver son fauteuil face à Atiku Abubakar, tous deux septuagénaires, musulmans et originaires du Nord. Au même moment, le Sénégal choisira son prochain président au cours d’un scrutin qui s’annonce d’ores et déjà tendu en raison des probables évictions de Khalifa Sall et de Karim Wade. Sauf coup de théâtre, Macky Sall devrait être confortablement réélu. Après la Guinée en janvier, ce sera au tour du Bénin de connaître, en mars, des élections législatives, les premières depuis la révision du code électoral et l’arrivée de Patrice Talon au palais de la Marina.
L
En marge de cet agenda électoral chargé, les économies des pays de la sous-région retrouvent des couleurs. La Côte d’Ivoire se hisse sur le podium des croissances les plus élevées du continent. Le Nigeria confirme son timide rebond, porté par de meilleurs cours de l’or noir. Le Burkina Faso, le Mali et le Niger, confrontés à des défis sécuritaires, ou le Togo, en proie à des troubles sociopolitiques, voient en revanche leur développement quelque peu freiné. Enfin, l’année se termine en fanfare pour le Ghana. Le pays tourne la page du plan de sauvetage du FMI grâce à des réformes tous azimuts. Une première. Qui sera le suivant ?
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Fiches pays AFRIQUE DE L’OUEST BURKINA FASO
BÉNIN
Bénin Les coups de Talon à l’opposition
Parakou
TOGO NIGERIA GHANA
Cotonou Porto-Novo
150 km
Le chef de l’État met la pression sur ses rivaux avant les législatives de mars. L’horizon économique s’éclaircit grâce à la bonne santé du coton.
Golfe du Bénin
de la mise en œuvre des grandes réformes économiques 2019 sera une année électorale cruciale. Près de trois ans et politiques, les résultats tardent à se concrétiser. Le après son accession au pouvoir, Patrice Talon va, pour la Programme d’actions du gouvernement 2016-2021, intipremière fois, confronter sa gouvernance au jugement tulé « Bénin révélé », a reçu l’assentiment du FMI, de la des Béninois. Les élections législatives de mars prochain Banque mondiale et de la Banque africaine de développeauront d’ailleurs valeur de test pour l’ensemble de la classe ment (BAD). Sauf qu’il s’agit d’un plan tout aussi ambitieux politique. Le Bénin étrennera lors de ce scrutin son nouque difficile à mettre en œuvre. Près de deux ans après veau Code électoral, dont plusieurs dispositions ont suscité son lancement officiel, rares sont les la polémique. Parmi elles, l’explosion grands projets mis en avant à avoir du montant des cautions demandées vu le jour. L’asphaltage de 600 km de aux candidats souhaitant concouPopulation : 11,5 millions routes dans les grandes villes a certes rir aux différents scrutins. Il faut Croissance démographique : 2,7 % commencé mais progresse très lendésormais débourser 250 millions de PIB par habitant : 923 $ tement. La construction du nouvel F CFA (381000 euros) pour participer aéroport international de Glo-Djigbé à la présidentielle, contre 15 millions Espérance de vie : 61,2 ans et celle de la Cité internationale de auparavant, et 249 millions de F CFA Alphabétisation : 32,9 % l’innovation et du savoir auraient dû par liste présentée lors des législaInflation : 2,3 % s’achever en 2018. Pour justifier ces tives, contre 8,3 millions jusque-là. retards, les autorités avancent des En outre, seules les formations ayant Indice de développement difficultés dans le financement des recueilli au moins 10 % des suffrages e humain (sur 189 pays) : 163 projets ainsi que l’ampleur des études sur le plan national pourront siéger Investissements directs étrangers : d’impact nécessaires. au Parlement. Conséquence, l’oppo184 millions $ sition sera contrainte de faire front commun. Balance courante : – 10,6 % du PIB Ces élections se dérouleront après Après une année 2017 particulièrePrincipale exportation : coton une année marquée par de fortes ment difficile, en raison notamment Dernier changement tensions entre le pouvoir et l’oppode la crise au Nigeria, l’économie de président : 2016 sition. La plupart des cadres de cette béninoise retrouve des couleurs. dernière, à l’instar de l’ancien maire Sa croissance de 6,5 % au deuxième Croissance du PIB (%) de Cotonou Léhady Soglo, sont sous trimestre de 2018 la place dans le 6,3 6 le coup de poursuites judiciaires. top dix des pays africains. Ce taux 5,6 Dernière affaire en date : la condamdevrait continuer à croître selon les 4 nation à une peine de vingt ans de priprojections de la BAD et du FMI. Par son et à 5 millions de F CFA d’amende ailleurs, sous l’impulsion d’une forte PIB (milliards $) prononcée le 18 octobre 2018 à pression fiscale, les recettes recou11,4 10,5 9,2 8,6 l’encontre de l’homme d’affaires vrées par l’administration avoisinent Sébastien Ajavon. Dans ce contexte, le les 1 000 milliards de F CFA en 2018. 2016 2017 2018* 2019* chef de l’État ne devrait avoir aucun Selon les autorités, les ressources mal à accentuer son emprise sur le totales du budget devraient afficher Parlement à deux ans de la présidenune hausse de 10,6 % en moyenne tielle de 2021. annuelle sur la période 2019-2021. Ces perspectives favoÉlu en avril 2016, Patrice Talon s’était donné cinq ans rables s’expliquent par la bonne santé du secteur agricole pour inverser la situation économique du Bénin. Mais la béninois, en particulier du coton. Avec une production donne semble avoir changé. Après s’être engagé durant de 597 986 tonnes en 2017-2018, la filière cotonnière a sa campagne à n’effectuer qu’un seul mandat en cas de connu une croissance de 122 % en volume par rapport à victoire, le locataire du palais de la Marina entretient la campagne 2015-2016, où la production s’établissait à désormais le suspense. Si l’année 2017 fut pour lui celle 269 222 tonnes. * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Dans le top 10
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Fiches pays AFRIQUE DE L’OUEST MALI NIGER Ouagadougou
Burkina Faso Kaboré face au péril jihadiste
B U R K I N A FA S O
BoboDioulasso
CÔTE D’IVOIRE
Le chef de l’État convoquera en mars un référendum pour modifier la Constitution. La crise sécuritaire freine la croissance, malgré une production d’or en hausse.
GHANA
BÉNIN TOGO 100 km
défense et de sécurité sont toujours en pleine restructuraAprès le Nord, l’Est. Lentement, l’insécurité s’étend tion. Si elle est désormais opérationnelle, l’Agence natiocomme une tache d’huile au Burkina Faso. Depuis le mois nale des renseignements (ANR) dispose cependant de de février, les attaques contre les forces de défense et de moyens limités. Idem pour les différentes unités spéciales sécurité, mais aussi contre les civils, s’y sont intensifiées. chargées de lutter contre les groupes jihadistes. Quant à la Selon les autorités, elles ont fait près d’une trentaine de force conjointe du G5 Sahel, censée sécuriser les frontières victimes. Aucune n’a été revendiquée, mais elles seraient entre les pays membres, elle en est encore à ses balbul’œuvre, à en croire des sources sécuritaires burkinabè, tiements : quelques opérations, mais de combattants jihadistes venus rien de significatif pour des raisons du Nord, dont certains seraient liés essentiellement budgétaires. au groupe Ansarul Islam. Fuyant Population : 19,8 millions Les Burkinabè, eux, se montrent la pression militaire dans la zone Croissance démographique : 2,9 % de plus en plus soucieux de cette dite des « trois frontières » (Burkina PIB par habitant : 734 $ instabilité inédite sur leur territoire. Faso-Mali-Niger), ils auraient trouvé Ces derniers mois, plusieurs manirefuge dans les zones forestières de Espérance de vie : 60,8 ans festations ont eu pour mot d’ordre le l’Est, où il leur est aisé de se cacher Alphabétisation : 34,6 % retour à la sécurité. Critiqué par ses et de subsister grâce à la chasse. Liés Inflation : 2 % adversaires, Roch Marc Christian au grand banditisme local, ils s’y Kaboré pointe souvent l’héritage seraient aussi implantés pour sécuIndice de développement laissé par Blaise Compaoré et pourriser différents trafics (carburant, e humain (sur 189 pays) : 183 suit son programme de réformes insdrogue, cigarettes…) entre les pays Investissements directs étrangers : titutionnelles. À la fin de mars 2019, il côtiers et le Sahel. 486 millions $ proposera à ses compatriotes un référendum pour changer de Constitution Balance courante : – 8,6 % du PIB et tourner définitivement la page de Au début de septembre 2018, après Principale exportation : or son prédécesseur. Si elle est adoptée, une nouvelle attaque meurtrière au Dernier changement cette nouvelle Loi fondamentale fera sud de Fada N’Gourma qui a coûté de président : 2015 basculer le Burkina Faso de la IVe à la la vie à sept militaires, le président Roch Marc Christian Kaboré a Ve République, qui limite la fonction Croissance du PIB (%) déclenché une grande offensive miliprésidentielle à deux mandats de 6,4 taire dans l’Est. L’armée burkinabè cinq ans. 5,9 6 5,9 s’engage sur ce nouveau front alors Sur le plan économique et social, qu’elle peine déjà à sécuriser le Nord plusieurs grèves ont perturbé les malgré les 1 200 hommes envoyés en services publics en 2018. Quant à la PIB (milliards $) renfort le long de la frontière avec le croissance, qui n’avait jusqu’alors pas 15,4 14,3 Mali. Pour tenter de contrer l’extensouffert de la crise sécuritaire, elle 12,6 11,3 sion de la menace terroriste, les autocommence à faiblir. De 6,4 % en 2017, 2016 2017 2018* 2019* rités ont aussi sollicité l’appui de la elle devrait s’élever à 5,9 % en 2018 et à France. Au début d’octobre, la force 6 % en 2019. L’or et le coton restent les Barkhane a mené des opérations deux piliers de l’économie. La producconjointes avec les militaires burkinabè dans le nord et tion industrielle de métal jaune continue notamment de l’est du pays. progresser. Les autorités espèrent atteindre les 55 tonnes Cette coopération militaire avec l’ancienne puissance en 2018, après 45,6 t en 2017. Elles fondent aussi beaucoup coloniale devrait se poursuivre en 2019, tant les Burkinabè d’espoir sur la nouvelle mine de Niankorodougou, dans le semblent démunis et les Français inquiets face à l’affaisud-ouest du pays, qui devrait sortir ses premiers lingots blissement de ce pays à la position stratégique au Sahel. en 2019, et dont la capacité de production est estimée entre Quatre ans après la chute de Blaise Compaoré, les forces de 80 et 90 t sur les vingt prochaines années. * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Nouveau front dans l’Est
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Î L E S
Cap-Vert Cap sur le développement
CAP-VERT D U
Océan Atlantique 50 km
L’État favorise les investissements privés pour diversifier l’économie. Les projets chinois se multiplient dans le tourisme et les infrastructures.
S ÎLE
V E N T
S OU
S-LE-V
ENT
Praia
et ainsi de lutter contre le chômage, qui s’élève à 8,5 % de Presque tous les signaux sont au vert. Situé à 500 kilola population active. Afin d’appuyer ce plan, la Banque mètres des côtes ouest-africaines, le Cap-Vert est l’un des africaine de développement (BAD) a accordé en août 2018 quatre pays à avoir relevé le défi de sortir de la liste des un prêt de 40 millions d’euros qui sera débloqué en deux pays les moins avancés (PMA). L’archipel, composé de phases, l’une en 2018 et l’autre en 2019, à raison de 20 mildix îles, est surtout l’unique économie non extractive de lions d’euros chacune. Le gouvernement devrait par aill’Afrique subsaharienne à avoir atteint le statut de pays à leurs poursuivre sa politique d’austérité à travers une revenu intermédiaire en si peu de temps. diminution des investissements Le tourisme international, moteur publics au profit des initiatives pride son fort développement depuis vées. En hausse constante, les proles années 1990, est vital pour le Population : 600 000 jets chinois devraient se concentrer pays. Les recettes générées par ce Croissance démographique : 1,3 % dans les secteurs du tourisme et secteur représentent 47 % du total PIB par habitant : 3 622 $ des infrastructures, ainsi que dans de ses exportations de biens et serla construction d’une zone éconovices – la pêche étant l’autre activité Espérance de vie : 73 ans mique spéciale (ZES). clé de l’économie – et la principale Alphabétisation : 86,8 % source de revenus de l’État. La Inflation : 1 % filière bénéficie notamment de la reprise de la croissance des pays Les autorités ont en parallèle engagé Indice de développement européens, principaux pourvoyeurs la restructuration d’entreprises e humain (sur 189 pays) : 125 de touristes (81 % en 2016), en partipubliques, telles que la compagnie Investissements directs étrangers : culier du Royaume-Uni, le premier aérienne Cabo Verde Airlines et le 109 millions $ pays d’origine des visiteurs. groupe IFH (logements sociaux), En 2018, l’activité économique dont les dettes avoisinent 20 % du Balance courante : – 9,1 % du PIB devrait s’y maintenir quasiment au PIB. Grâce à ces mesures, le déficit Principale exportation : poisson même niveau qu’en 2017, avec une public devrait passer de 4,4 % en Dernier changement croissance de 4,3 %. D’après les pré2018 à 3 % à partir de 2020, selon le de président : 2011 visions du FMI, le Cap-Vert devrait FMI. Quant à la dette publique, qui connaître ce niveau de croissance se situe toujours à un niveau très Croissance du PIB (%) au moins jusqu’en 2022. Les envois élevé (131 % du PIB en 2018), elle 4,7 de fonds de la diaspora (11 % du PIB devrait fléchir dans les prochaines 4,3 en 2016), en constante augmentaannées : 129 % du PIB en 2019 puis 4 4 tion, tirent également l’activité vers 125 % en 2020. le haut. Sur le plan politique, le Cap-Vert PIB (milliards $) L’année dernière, le gouverneest une démocratie stable. Depuis 2,1 2 1,8 1,7 ment a lancé un nouveau Plan strason indépendance, en 1975, il n’a tégique de développement durable pas connu un seul coup d’État. Les 2016 2017 2018* 2019* (2017-2021) avec pour objectif de élections sont libres et transpadiversifier l’économie, de renforcer rentes, et l’alternance entre partis la résilience du pays à l’égard des politiques régulière. En mars 2016, chocs climatiques et de diminuer sa dépendance envers le Movimento para a Democracia (MpD) a remporté les l’Europe. Pour ce faire, il mise sur l’intégration régionale élections législatives, tandis que son candidat, Jorge au sein de la Cedeao, ainsi que sur la promotion du secCarlos Fonseca, a été reconduit en octobre à la tête du teur privé grâce à l’adoption de mesures d’exemption fispays pour un second mandat. Selon le classement annuel cale pour les entreprises nouvellement créées. Le but est de l’ONG Transparency International, le Cap-Vert est le de permettre au secteur privé de tirer parti du développetroisième pays le moins corrompu du continent, derrière ment des infrastructures en cours ces dernières années, le Botswana et les Seychelles. *ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Démocratie stable
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Fiches pays AFRIQUE DE L’OUEST MALI
Côte d’Ivoire Du neuf avec le vieux tripartisme Tous les regards sont déjà tournés vers l’élection présidentielle de 2020. L’économie affiche une forte croissance, et la plupart des indicateurs sont au vert.
GUINÉE
BURKINA FASO
CÔTE D’IVOIRE Bouaké
LIBERIA
200 km
Yamoussoukro Abidjan
GHANA
Golfe de Guinée
sont encore bonnes, même si le taux de croissance devrait À moins de deux ans de la présidentielle d’octobre 2020, la légèrement baisser, à 7 %. « En dépit des chocs exogènes et Côte d’Ivoire traverse une période charnière. La succession endogènes de l’année, l’économie ivoirienne a montré sa d’Alassane Ouattara est dans toutes les têtes. Elle aiguise résilience. De bonnes perspectives économiques sont préles appétits et cristallise les tensions. La scène politique a vues pour 2019, et l’inflation devrait rester bien au-dessous connu de grands bouleversements en 2018. À l’initiative de la norme de 3 % de l’Union économique et monétaire du projet de parti unifié, Henri Konan Bédié a finalement ouest-africaine (Uemoa) », estime le FMI. L’indice Ibrahim refusé que le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), de la gouvernance africaine (IIGA) a qu’il dirige, l’intègre. Avec l’ancien également mis en avant cette bonne parti unique, le Rassemblement des dynamique. Abidjan signe la plus belle houphouétistes pour la démocratie et Population : 24,9 millions progression, avec une amélioration de la paix (RHDP) n’aurait eu aucun mal Croissance démographique : 2,5 % 12,7 points par rapport à 2008. Classée à faire élire son candidat à la magisPIB par habitant : 1 791 $ 22e, la Côte d’Ivoire est en outre le seul trature suprême. Désormais, le traditionnel tripartisme à l’ivoirienne pays à avoir progressé dans chacune Espérance de vie : 54,1 ans – RDR (Rassemblement des républides quatre catégories (sécurité et État Alphabétisation : 43,9 % cains), PDCI et FPI (Front populaire de droit, participation et droits de Inflation : 1,7 % ivoirien) – est ressuscité. Les cartes l’homme, développement durable, sont rebattues, le jeu politique rééquidéveloppement humain) et des quaIndice de développement libré, l’incertitude renforcée. torze sous-catégories de l’indice. e humain (sur 189 pays) : 170 La dépendance de l’économie aux Investissements directs étrangers : matières premières (hévéa, anacarde, 675 millions $ cacao…) impose néanmoins une cerL’année 2019 devrait être celle de la taine vigilance. La filière cacao, même clarification politique. Le PDCI orgaBalance courante : – 4,6 % du PIB si elle a retrouvé de la vigueur en 2018 nisera une convention pour désiPrincipale exportation : cacao après une grave crise marquée par la gner son candidat. Le RHDP devra Dernier changement chute des cours mondiaux et les nomaffiner sa stratégie. Membre du RDR de président : 2011 breux défauts d’exécution de contrats mais ambigu depuis de longs mois, constatés chez plusieurs opérateurs, le président de l’Assemblée natioCroissance du PIB (%) n’est pas à l’abri d’une nouvelle nale, Guillaume Soro, sera contraint 8,3 secousse. De plus, la forte fiscalité de dévoiler ses intentions. De nou7,8 7,4 7 imposée sur l’hévéa et l’anacarde a eu velles alliances verront-elles le jour ? un impact négatif sur les ventes. Le Quelles seront les conséquences PIB (milliards $) niveau d’endettement sera également de la possible libération de Laurent à surveiller. S’il reste « maîtrisé » pour Gbagbo ? Détenu par la CPI, l’ancien 49,4 45,9 40,5 36,4 la Banque africaine de développeprésident est une pièce importante ment (BAD), « le regroupement sur du puzzle. Dans ce contexte, la fin 2016 2017 2018* 2019* 2024-2028 des remboursements exide l’alliance entre Alassane Ouattara gibles au titre des euro-obligations et Henri Konan Bédié a renforcé les 2014 et 2015 fait peser un risque sur craintes d’un certain nombre d’obserla soutenabilité de la dette », prévient la banque. vateurs. Les élections locales du 13 octobre ont démontré Après une année 2017 agitée (grèves des fonctionnaires, que les risques de violences pour les élections à venir mutineries dans l’armée), l’exécutif semble être parvenu étaient à prendre très au sérieux. à juguler le front social. Mais les frustrations d’une partie Cette situation politique incertaine n’a pas influé pour de la population persistent, avec elles un taux de pauvreté le moment sur la bonne santé de l’économie. En 2018, la encore trop élevé et la nécessité d’une croissance plus Côte d’Ivoire figurait au rang des croissances les plus éleinclusive. vées du continent avec 7,4 %. Les perspectives pour 2019 *ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Clarification politique
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SÉNÉGAL
Gambie Rebond démocratique
GAMBIE
Banjul Océan Atlantique
SÉNÉGAL
Adama Barrow a orchestré le retour du pays sur la scène internationale. Malgré une embellie économique, Banjul doit encore relever de sérieux défis.
50 km
Le gouvernement de Barrow compte beaucoup sur son L’année 2018 aura marqué un nouveau départ pour le plus plan national de développement pour redresser l’éconopetit pays d’Afrique continentale, après un changement mie d’ici à 2021. Lors d’une réunion qui s’est tenue en mai à de régime en janvier 2017. Le nouveau président Adama Bruxelles, les bailleurs de fonds internationaux ont promis Barrow, dont la victoire au scrutin de décembre 2016 avait une enveloppe de près de 1,7 milliard de dollars (1,5 milliard mis fin au règne du fantasque Yahya Jammeh, est désormais d’euros) pour soutenir les efforts de Banjul. Et, depuis 2017, bien installé au pouvoir. Les dernières élections législatives le pays a d’ores et déjà enregistré un bond dans les investiset locales ont d’ailleurs renforcé son assise, puisqu’elles sements directs étrangers (IDE) avec ont permis au Parti démocratique 87 millions de dollars, effet positif du unifié (UDP), dont il est issu, d’obteretour de la démocratie. nir la majorité à l’Assemblée natioPopulation : 2,2 millions nale et dans les institutions locales. Croissance démographique : 3 % e Désormais, le camp du chef de l’État a PIB par habitant : 740 $ les coudées franches. Il peut gouverLa Gambie entend aussi s’appuyer sur ner sans l’appui des autres membres de grands projets pour dynamiser son Espérance de vie : 61,4 ans de la coalition constituée dans la perséconomie. La construction du pont Alphabétisation : 42 % pective de la présidentielle. transgambien, vœu pieux depuis des Inflation : 6,2 % L’avènement de cette « nouvelle années, est sur le point d’être acheGambie » a permis le retour du pays vée, ce qui favorisera l’intégration Indice de développement sur la scène internationale, après régionale du pays. L’espace maritime e humain (sur 189 pays) : 174 une longue période d’isolement sous gambien attire également les convoiInvestissements directs étrangers : Yahya Jammeh. Le petit État fait à tises pour ses potentielles ressources 87 millions $ nouveau partie du Commonwealth en hydrocarbures, même si le premier depuis février, tandis que la procépuits d’exploration creusé à la fin d’ocBalance courante : – 12,5 % du PIB dure de sortie de la CPI a été stoppée. tobre 2018 par la compagnie austraPrincipale exportation : bois De plus, les relations avec le « grand lienne FAR Ltd et le géant malaisien Dernier changement frère » sénégalais qui l’encercle sont Petronas s’est révélé décevant. Enfin, de président : 2017 désormais au beau fixe. En revanche, Banjul accueillera l’année prochaine les forces de sécurité gambiennes le sommet de l’Organisation de la Croissance du PIB (%) sont toujours défaillantes. La Micega, coopération islamique (OCI), un évéla mission de la Cedeao présente sur nement qui nécessite la construction 5,4 5,4 0,4 4,6 place depuis le 19 janvier 2017, a vu d’infrastructures. son mandat prolongé. Par conséquent, Les chantiers sont également ses cinq cents hommes resteront au immensessurlesplanslégislatifetjudiPIB (milliards $) moins jusqu’à la fin de l’année 2018. ciaire. La réforme des lois répressives, 1,7 1,6 1,5 1,4 Certes, une réforme des services de comme celle sur les médias, est tousécurité est en cours, mais elle avance jours au point mort. Et beaucoup d’at2016 2017 2018* 2019* à très petits pas. Quant à l’ancien prétentes entourent la Commission vérité, sident Yahya Jammeh, bien qu’exilé réconciliation et réparations, qui a été en Guinée équatoriale, il reste en officiellement installée à la mi-octobre contact avec ses partisans. 2018 et a commencé dans la foulée ses travaux d’enquête. Avec une économie qui repose sur le tourisme et l’agriculLa transition pourrait finalement durer plus longtemps ture, la Gambie doit relever d’immenses défis. Alors que le que prévu. S’appuyant sur le fait que la Constitution stipule gouvernement peut se réjouir d’une reprise de la croissance, qu’un mandat présidentiel dure cinq ans, Adama Barrow a qui devrait atteindre 5,4 % en 2018, le FMI tire la sonnette balayé la promesse de la coalition d’organiser de nouvelles d’alarme sur la dette écrasante du pays, qui s’élèverait à élections au bout de trois ans, et entend donc rester au pou82,8 % du PIB pour la même année. voir jusqu’en décembre 2021. * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Hôte du 14 sommet de l’OCI
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Fiches pays AFRIQUE DE L’OUEST BURKINA FASO
GHANA
Tamale
TOGO
Ghana La croissance congédie le FMI
CÔTE D’IVOIRE
Accra accélère son développement, amplifié par des réformes tous azimuts. Le pays veut investir 20 milliards de dollars dans les hydrocarbures d’ici à 2024.
Kumasi Accra Takoradi
150 km
Golfe de Guinée
Autre domaine pourvoyeur de richesses, autre investisDeux ans après l’élection de Nana Akufo-Addo, 74 ans, à la sement. « Au cours des cinq prochaines années, nous assistête du Ghana, l’heure est au bilan de mi-mandat. Fragilisé terons à une augmentation de la production de pétrole et par une dette colossale héritée des administrations préde gaz, ainsi qu’à une hausse de la demande de biens et cédentes, le pays maintient toutefois le cap d’une forte services de la part des opérateurs », indique Patrick Akpe croissance, soutenue par de nombreuses réformes. Alors Kwame Akorli, patron de Ghana Oil Company, la société que le talon d’Achille du Ghana résidait dans l’étroitesse publique de production et de distribution de produits pétrode sa marge de manœuvre budgétaire, le gouvernement a liers. Pour y parvenir, 20 milliards de réussi à faire passer le taux d’endettedollars doivent être investis dans les ment de 70,5 % du PIB en 2017 à 65 % six prochaines années. Au début de en août 2018, soit un stock de la dette Population : 29,5 millions juillet 2018, le Ghana a commencé publique de 159,4 milliards de cedis Croissance démographique : 2,2 % à produire pour la première fois du (environ 28,8 milliards d’euros), selon PIB par habitant : 1 787 $ gaz conventionnel non associé sur les chiffres de la Bank of Ghana (BoG). le champ de Sankofa. Le projet vise à En ce qui concerne la réduction de Espérance de vie : 63 ans extraire 180 millions de pieds cubes de la pauvreté, promesse majeure du Alphabétisation : 71,5 % gaz naturel par jour pendant au moins candidat du Nouveau Parti patrioInflation : 9,5 % quinze ans. L’objectif est d’assurer la tique (NPP), le bilan paraît plutôt stabilité énergétique du pays, où les mitigé. « Les inégalités n’ont jamais Indice de développement 29,5 millions d’habitants sont souvent été aussi fortes au Ghana, avec près e humain (sur 189 pays) : 140 sujet à des délestages électriques, et du quart de la population qui vit dans Investissements directs étrangers : rendre ainsi plus performant le secla pauvreté, tandis qu’une personne 3,3 milliards $ teur industriel, notamment au niveau sur douze vit dans une extrême paude la filière aurifère. Le Ghana est le vreté. Les dépenses consacrées à la Balance courante : – 4,1 % du PIB deuxième producteur africain de protection sociale sont très faibles Principale exportation : or métal jaune, derrière l’Afrique du Sud. par rapport à la plupart des pays afriDernier changement cains comparables », avertit Philip de président : 2017 Alston, auteur d’un rapport spécial de l’ONU consacré à la situation sociale Le FMI se félicite de la hausse des Croissance du PIB (%) du pays. Pour inverser cette courbe, exportations de produits de base et 8,4 7,6 le gouvernement compte renforcer de la diminution des importations 6,3 3,7 ses cinq programmes liés à la protechors pétrole. Du coup, Accra devrait tion sociale, dont le revenu de subvoir son taux de croissance grimper sistance contre la pauvreté (Leap). à 6,3 % pour 2018, puis d’atteindre PIB (milliards $) Celui-ci doit être mis en place d’ici 7,6 % en 2019. Ce niveau d’activité 57,2 51,8 47 42,8 à décembre et devrait bénéficier à incite les autorités à maintenir leur 350 000 familles. objectif majeur, après le rendez-vous 2016 2017 2018* 2019* Dans un pays où les difficultés manqué de 2017, à savoir sortir du sociales concernent de plus en plus plan de sauvetage du FMI à la fin de les zones rurales – 38,2 % des habi2018. Ce qui sera une première non tants y sont pauvres, contre 10,4 % pour ceux vivant dans seulement pour le pays mais aussi en Afrique de l’Ouest. les centres urbains –, la Bourse agricole du Ghana (GCX, « Nous remercions le FMI et sommes déterminés à complateforme destinée à créer un marché pour les produits biner discipline et dynamisme économiques pour nous agricoles), inaugurée en novembre 2018, devrait créer au assurer que nous n’aurons plus besoin d’être secourus à moins 100 000 emplois d’ici à dix-huit mois, après l’intél’avenir », a déclaré en novembre Ken Ofori-Atta, ministre gration d’environ 1 million d’agriculteurs issus de tous les des Finances, devant le Parlement à l’occasion de la présecteurs de production. sentation du projet de budget 2019. * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Souveraineté budgétaire
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SÉNÉGAL
MALI
GUINÉEBISSAU
GUINÉE
Guinée Grands travaux, petits progrès
Océan Atlantique
Conakry
Kankan
SIERRA LEONE
Les mines et les projets d’infrastructures tirent l’activité vers le haut. Alors que les défis à relever sont considérables, la classe politique reste divisée.
CÔTE D’IVOIRE LIBERIA
200 km
Or le dialogue avec l’opposition n’avance guère. Les élecAlors que la Guinée était le premier pays africain frantions communales de février 2018 ont à nouveau suscité des cophone à célébrer ses soixante ans d’indépendance, le tensions. Pouvoir et opposition ont fini par s’entendre, mais 2 octobre 2018, les réjouissances ont tourné court. Dès le seulement au bout de six longs mois de tractations houlendemain, les enseignants ont déclenché un nouveau leuses à propos des villes de Conakry, Dubréka et Kindia, où mouvement de grève. Et les mois d’octobre et de novembre le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG, au pouvoir) ont été rythmés par une série de manifestations de l’opposiet l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), tion réprimées par les forces de sécurité. Si le contexte poliprincipal parti d’opposition mené par tique demeure toujours aussi tendu, Cellou Dalein Diallo, étaient au coudela situation économique du pays à-coude. Les législatives prévues au s’est en revanche améliorée depuis Population : 13,1 millions début de 2019 s’annoncent donc périltrois ans, avec une croissance attenCroissance démographique : 2,6 % leuses. Les caciques des deux prindue autour de 6 % pour 2018 grâce à PIB par habitant : 865 $ cipaux partis semblent préférer la bonne santé des secteurs de la bauentretenir les divisions ethniques xite et de l’or. Des progrès ont aussi Espérance de vie : 60,6 ans leur garantissant une réélection facile été enregistrés dans le domaine des Alphabétisation : 32 % dans leur région d’origine, au lieu de infrastructures. Après l’inauguration Inflation : 8,2 % chercher des points d’accord sur les du barrage hydroélectrique de Kaléta, problèmes les plus urgents du pays. en 2015, le gouvernement attend avec Indice de développement impatience la mise en service d’un e humain (sur 189 pays) : 175 ouvrage semblable à Souapiti à l’horiInvestissements directs étrangers : zon 2020. D’une capacité de 550 MW, L’opposition et le gouvernement du 577 millions $ celui-ci doit permettre de subvenir Premier ministre, Ibrahima Kassory aux besoins de la capitale, qui subit Fofana, jadis un opposant à Alpha Balance courante : – 21,2 % du PIB encore régulièrement des coupures Condé, pourraient s’accorder sur Principale exportation : bauxite d’eau lors de la saison sèche. On cirau moins deux dossiers. Le premier Dernier changement cule aussi un peu mieux sur les routes porte sur la mise au pas des forces de président : 2010 entre Conakry et les régions, grâce à de sécurité, régulièrement accusées une série de chantiers de rénovation d’exactions. Si Alpha Condé avait Croissance du PIB (%) menés le plus souvent par des entreréussi à renvoyer soldats et policiers 10,5 prises chinoises. dans leurs casernes au début de son 8,2 Malgré cette embellie économique, mandat, les mauvaises habitudes 5,9 5,8 les défis à relever paraissent toujours sont revenues au galop à la faveur titanesques : lutte contre la corrupdes manifestations de l’opposition, PIB (milliards $) tion ; diversification de l’économie, laquelle n’hésite pas à recourir à la 12,5 11,5 10,3 trop dépendante du secteur minier ; violence. Le procès des auteurs du 8,7 relance de l’agriculture, notamment massacre du 28 septembre 2009, sous 2016 2017 2018* 2019* des filières du café, de l’anacarde et la junte de Moussa Dadis Camara, du coton; décentralisation de l’admipourrait représenter l’autre priorité nistration ; agrandissement des unicommune de la classe politique. Le versités, qui ne sont toujours pas en mesure aujourd’hui ministre de la Justice, Cheick Sako, assure que le procès se d’accueillir la horde de nouveaux bacheliers. tiendra d’ici à 2020. Reste que le budget important à mobiLe président Alpha Condé, élu en 2010 et réélu en 2015, liser (7,3 millions d’euros), le volume des plaintes à gérer doit mettre les bouchées doubles. Alors qu’il n’a pas encore – 392 victimes se sont constituées parties civiles –, l’éloignedévoilé ses intentions pour l’élection présidentielle de ment de Dadis Camara, qui a trouvé refuge au Burkina Faso, 2020, il devra trouver des soutiens au-delà de son propre et de son successeur à la tête de la junte, Sékouba Konaté, en camp s’il souhaite briguer un nouveau mandat. exil à Paris, rendent difficile le respect de cette échéance. * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Deux priorités communes
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Fiches pays AFRIQUE DE L’OUEST
SÉNÉGAL
Guinée-Bissau Crises de paralysie aiguës
GUINÉE-BISSAU Bissau
GUINÉE
Les législatives, qui doivent mettre fin à l’instabilité politique, ont été encore reportées. Après trois ans d’incertitude, les investisseurs privés et les bailleurs ont fui le pays.
Océan Atlantique
50 km
de la Cedeao pour résoudre la crise en Guinée-Bissau, l’orLes mois passent et rien ne change en Guinée-Bissau. Les ganisation sous-régionale a perdu patience et appliqué des différentes parties ne parviennent pas à s’accorder pour sanctions. Elle a ainsi gelé, en février 2018, les avoirs de mettre fin à la crise politique qui mine le pays depuis que le 19 personnalités politiques accusées d’entraver le procesprésident José Mário Vaz a limogé, en août 2015, le Premier sus de sortie de crise. Cette décision a provoqué des rasministre Domingos Simões Pereira, chef du Parti africain semblements pour protester contre la Cedeao à Bissau, pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC, suivis de contre-manifestations à l’encontre du président. ancien parti unique), auquel appartient également le chef de l’État. En témoigne la difficulté d’organiser des élections législatives. D’abord prévu au printemps 2018, La forte implication de l’organisation Population : 1,9 million le scrutin a été reporté en raison sous-régionale a finalement conduit Croissance démographique : 2,4 % de l’instabilité chronique du pays. les autorités bissau-guinéennes à PIB par habitant : 852 $ Après la démission d’Umaro Sissoco fixer les législatives au 18 novembre Embalo de la primature en janvier, le 2018. Sauf que le retard pris dans la Espérance de vie : 57,8 ans président José Mário Vaz a nommé livraison du matériel de vote ainsi Alphabétisation : 45,6 % à la tête du gouvernement Augusto que dans le processus de recensement Inflation : 2 % Antonio Artur Da Silva, qui avait électoral, dont la fin était prévue pour occupé par le passé différents porle 20 octobre et qui a été prolongé Indice de développement tefeuilles ministériels. Mais, malgré plusieurs fois, a rendu inéluctable un e humain (sur 189 pays) : 177 son expérience politique, ce dernier nouveau report du scrutin. Plus de Investissements directs étrangers : n’a pas réussi à former de gouvernetrois ans après le déclenchement de 17 millions $ ment. Moins de trois mois après son la crise, l’impasse politique paralyse entrée en fonction, il a été remplacé tout le pays et continue de faire fuir les Balance courante : – 3,6 % du PIB en avril par un autre politicien cheinvestisseurs étrangers et les bailleurs Principale exportation : noix de cajou vronné : Aristides Gomes. Devenu internationaux, dont la Guinée-Bissau Dernier changement le septième Premier ministre de demeure très dépendante malgré un de président : 2014 José Mário Vaz depuis son accestaux de croissance estimé à 4,5 % pour sion au pouvoir en 2014, celui-ci a 2018, en baisse par rapport aux 5,9 % Croissance du PIB (%) pour feuille de route l’organisation de 2017. Les engagements pris par les des législatives. Présenté comme autorités, tels que la réforme de l’ar6,3 5,9 5 un homme politique de consensus, mée, n’ont par ailleurs toujours pas eu 4,5 Aristides Gomes a été choisi d’un de traduction concrète. commun accord par le PAIGC et le Parallèlement, les attentes de PIB (milliards $) Parti de la rénovation sociale (PRS), la population restent immenses. 1,6 1,5 1,4 la principale force de l’opposition, Système de santé exsangue, manque 1,2 après quatre jours d’intenses tracd’infrastructures, délestages chro2016 2017 2018* 2019* tations. Ce fidèle parmi les fidèles niques, mouvements de grève des de l’ex-président João Bernardo enseignants, corruption endémique: « Nino » Vieira a connu une longue José Mário Vaz ne doit pas sous-estitraversée du désert, ce qui lui a fait perdre du poids au mer l’exaspération de la population. La Guinée-Bissau a été sein du PAIGC. Et c’est sa perte d’influence au sein du parti classée en 2016 onzième pays le plus pauvre du monde selon qui garantit qu’il ne soit une menace pour personne, au l’Indice de développement humain (IDH) des Nations unies. contraire d’autres personnalités représentant de puissants Cette longue paralysie pourrait coûter cher au pouvoir lors réseaux financiers ou militaires. de la présidentielle prévue – sauf report – au printemps 2019. Face au non-respect de l’accord de Conakry signé à l’auPrudent, José Mário Vaz devrait annoncer s’il brigue un noutomne 2016 sous l’égide d’Alpha Condé, désigné médiateur veau mandat après les résultats des élections législatives. * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
D’immenses attentes
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GUINÉE
SIERRA LEONE
Liberia Mauvaise passe pour Weah
LIBERIA Monrovia
Ganta
CÔTE D’IVOIRE
Buchanan
Un scandale financier entache le début de mandat du nouveau président. Bloquée depuis 2013, la loi réformant la propriété foncière est entrée en vigueur.
Océan Atlantique 100 km
Reste que l’économie libérienne demeure très fragile, L’accession à la magistrature suprême de l’ex-star du footnotamment à cause de la mauvaise gouvernance et de la ball George Weah, en janvier 2018, a suscité de nombreux corruption, comme l’a rappelé le scandale qui a fait tremespoirs pour l’avenir du Liberia. Après les deux mandats bler le pouvoir en 2018. Quelque 15 milliards de dollars libéd’Ellen Johnson Sirleaf, cette première passation paciriens (84 millions d’euros) destinés à la Banque centrale fique du pouvoir depuis 1944 a marqué une stabilisation se seraient évaporés. Cette somme colossale représente politique et ouvert des perspectives positives. La mission près de 5 % du PIB du pays. Selon le ministre de l’Inforde maintien de la paix des Nations unies a définitivement mation, Lenn Eugene Nagbe, les bilquitté le pays à la fin de mars, quand lets, imprimés à l’étranger, auraient les inquiétudes suscitées par le proété livrés au port de la capitale mais cessus électoral ont finalement été Population : 4,9 millions ne seraient jamais parvenus au siège dissipées. Croissance démographique : 2,5 % de la Banque centrale. La décision Élu avec un score sans appel de PIB par habitant : 663 $ des autorités d’interdire de voyager 61,5 % face à l’ancien vice-président, une trentaine de personnalités, dont Joseph Boakai, et doté d’une conforEspérance de vie : 63 ans Milton Weeks, l’ancien gouverneur table majorité à la Chambre des Alphabétisation : 42,9 % de l’institution monétaire, et Charles représentants, le nouveau président Inflation : 21,3 % Sirleaf, l’un des fils de l’ex-présidente, pouvait se targuer de la confiance de n’a pas calmé la colère de la populala population. Des scènes de liesse ont Indice de développement tion, ni fait redescendre les tensions ainsi salué la première arrivée démoe humain (sur 189 pays) : 181 politiques. Les manifestations de procratique d’un « natif » à Mansion Investissements directs étrangers : testation se sont succédé au cours de House. S’ils représentent environ 248 millions $ la seconde moitié de l’année 2018. Et 95 % de la population libérienne, les ce scandale a marqué la fin de l’état « autochtones » avaient jusque-là vu Balance courante : – 18,3 % du PIB de grâce du président Weah. Dans le le pouvoir majoritairement confisqué Principale exportation : fer pays, classé 122e sur 180 en 2017 par par les « Congos », les descendants Dernier changement d’esclaves afro-américains. l’ONG Transparency International, de président : 2018 la corruption reste endémique. Le climat des affaires est aussi particuCroissance du PIB (%) lièrement dégradé selon le classeSur le terrain économique, l’ancien 4,5 3 2,5 attaquant bénéficie depuis son élecment « Doing Business », dans lequel – 1,6 tion d’une reprise encourageante. le Liberia occupe la 172e place sur 190. Après trois années, de 2014 à 2016, de Élu sur un programme s’adressant PIB (milliards $) fortes difficultés, notamment à cause en priorité aux pauvres, George Weah de l’épidémie à virus Ebola – qui a doit encore clarifier les grands axes 3,3 3,3 3,2 3,2 fait plus de 4 800 morts et infecté de sa politique. Après des années de 11 000 personnes – et de la chute discussions, la proclamation, en sep2016 2017 2018* 2019* des prix mondiaux des matières pretembre 2018, de la loi permettant aux mières, en particulier du minerai communautés rurales d’acquérir des de fer, la croissance est repartie à la titres de propriété a été unanimement hausse en 2017, où elle s’est établie à 2,5 %, selon le FMI. saluée, même si elle paraît difficilement applicable. Près Puis la tendance s’est confirmée en 2018, avec un taux de d’un an après son arrivée aux affaires, le gouvernement 3 %. L’activité devrait encore se renforcer en 2019, avec libérien, composé de nombreux novices en politique, doit des prévisions de croissance à 4,5 %. Le programme du encore convaincre de sa capacité à réformer le pays. Durant FMI, qui comprend des facilités de crédits, est aujourd’hui la seconde année de son mandat, George Weah devra rapiessentiel pour le pays, même s’il ne compense pas la fin de dement rassurer ses partenaires internationaux et ne pas nombreux dispositifs d’aide étrangers. décevoir les immenses espoirs des Libériens. * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Reprise encourageante
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Fiches pays AFRIQUE DE L’OUEST
ALGÉRIE 300 km
Mali Chemin chaotique vers la paix
MALI
MAURITANIE SÉN.
Gao
NIGER
Bamako Ségou BURKINA
IBK a été réélu en août 2018 malgré un bilan sécuritaire et économique mitigé. Bamako vient de devenir le premier producteur de coton en Afrique.
FASO
GUINÉE CÔTE D’IVOIRE
Un « PM » de combat
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* ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
katiba Macina (active dans le Centre) du Groupe de souAprès une élection présidentielle sous tension, marquée tien à l’islam et aux musulmans (GSIM) de Iyad Ag Ghaly. par les accusations de fraudes, Ibrahim Boubacar Keïta a Néanmoins, les groupes jihadistes restent bien implantés été réélu pour un second mandat le 12 août. Contrairement localement, maîtrisent les différentes techniques de guéau scrutin de 2013, son rival Soumaïla Cissé n’a cette fois rilla et demeurent une menace quotidienne. pas reconnu sa défaite. Ces contentieux électoraux ont Dans ce contexte toujours fragile, IBK entame son conduit les autorités à reporter les élections législatives, second quinquennat comme il avait terminé le premier, qui devaient se tenir en novembre, à juin 2019. Le temps, en faisant confiance à Soumeylou aussi, de procéder au nouveau – et Boubèye Maïga. Beaucoup d’obserpolémique – découpage territorial vateurs, notamment occidentaux, prévu par l’accord de paix d’Alger Population : 19,1 millions considèrent l’influent Premier de 2015, qui doit notamment abouCroissance démographique : 3 % ministre comme le véritable patron tir à la création de nouvelles régions PIB par habitant : 892 $ du pays. En clair, IBK règne et administratives. « Boubèye » gouverne. Reste à savoir Trois ans plus tard, le processus de Espérance de vie : 58,5 ans si le chef de l’État acceptera sur la paix avance trop lentement dans le Alphabétisation : 33,1 % durée l’aura grandissante de son septentrion malien. Sous la pression Inflation : 2,5 % « PM ». Celui-ci reste par ailleurs des médiateurs internationaux, un sourd aux appels de ceux qui, comme « pacte pour la paix » a été approuvé, Indice de développement Moussa Mara, le pressent de constile 15 octobre, par le gouvernement et e humain (sur 189 pays) : 182 tuer un gouvernement d’union natioles mouvements armés déjà signaInvestissements directs étrangers : nale pour répondre aux nombreux taires de l’accord d’Alger. Objectif : 266 millions $ défis du pays. accélérer l’application de la feuille Comme l’a montré la forte abstende route pour favoriser le retour à Balance courante : – 7,2 % du PIB tion lors de la dernière présidentielle un minimum de sécurité. En paralPrincipale exportation : or (57,3 % au premier tour et 65,5 % au lèle, l’ONU a prorogé d’un an son Dernier changement second), une majorité de Maliens régime général de sanctions contre de président : 2013 semble se désintéresser de la poliles individus accusés d’entraver le tique. Le mécontentement social processus. De son côté, l’État malien Croissance du PIB (%) s’exprime aussi par les grèves qui a reconduit l’état d’urgence, qui court 5,8 bloquent tour à tour différents secdésormais jusqu’au 31 octobre 2019. 5,4 5,1 teurs publics ou privés. 4,8 Sur le front économique, la croisPIB (milliards $) sance est en perte de vitesse. Selon C’est que dans le centre du pays les prévisions du FMI, elle s’élèvera – miné par les conflits intercommu18,5 17,4 15,4 14 à 5,1 % en 2018, puis à 4,8 % en 2019 nautaires entre Peuls et Dogons – et et 2020. Le gouvernement continue dans le nord la situation est encore 2016 2017 2018* 2019* néanmoins de soutenir le secteur loin d’être pacifiée. Malgré leur monprivé et s’efforce d’attirer les investistée en puissance, les forces armées seurs, notamment étrangers. Quatre maliennes peinent à jouer leur rôle domaines prioritaires ont été définis : l’agriculture, l’éleet restent trop souvent victimes d’attaques meurtrières. vage, l’énergie et les infrastructures. En 2019, les autoriIdem pour les différentes forces étrangères (Casques tés entendent également égaler, sinon dépasser, la bonne bleus de la Minusma et militaires français de l’opération récolte de coton effectuée en 2018. Avec une production Barkhane) déployées dans le pays. Dans la nuit du 22 au annuelle d’environ 725 000 tonnes, le Mali est redevenu 23 novembre, les forces spéciales françaises ont porté le premier producteur d’or blanc en Afrique, devant le un de leurs coups les plus durs aux jihadistes depuis Burkina Faso. plusieurs années en tuant Amadou Koufa, le chef de la
LIBYE ALGÉRIE
Niger Facture sécuritaire salée
300 km
MALI Niamey
Face à la société civile, Mahamadou Issoufou a durci sa gouvernance. L’État adopte des mesures d’austérité pour financer la lutte contre le terrorisme.
BURKINA FASO
BÉNIN
NIGER Agadez Zinder
TCHAD
NIGERIA
Boko Haram n’a pas abandonné le combat face à la Force La donne n’a pas changé. Le président Mahamadou Issoufou multinationale mixte (Niger, Nigeria, Tchad et Cameroun). continue de jouer les équilibristes entre les dépenses sécuriÀ l’Ouest, la région de Tillabéry (aux frontières du Burkina taires et les impératifs de développement. Début novembre Faso et du Mali) est, elle aussi, toujours victime d’attaques. 2018, le FMI a néanmoins estimé que « la stabilité macroéLa mutualisation des renseignements et la coopération avec conomique » restait « fermement établie » au Niger. La les partenaires régionaux ou internationaux ont toutefois croissance y est « en voie d’accélération malgré un environpermis de timides progrès dans la lutte contre les groupes nement extérieur difficile ». Elle devrait se maintenir à 5,4 % armés, mais la situation reste précaire, en 2019, favorisée par une bonne camd’autant que les financements interpagne agricole, la mise en chantier de nationaux à destination du G5 Sahel plusieurs projets d’investissement Population : 22,3 millions (Mauritanie, Mali, Niger, Burkina Faso et le soutien du programme 3N (« les Croissance démographique : 3,8 % et Tchad) se font toujours attendre, Nigériens nourrissent les Nigériens »). PIB par habitant : 489 $ malgré l’activisme diplomatique du Dans le secteur des mines, Zijing chef de l’État. Hechuang Science & Technology Espérance de vie : 60,4 ans Development Company a signé, Alphabétisation : 15,5 % début octobre, deux conventions pour Inflation : 3,9 % des « recherches d’uranium » dans la Mahamadou Issoufou est d’autant région d’Agadez. La société chinoise plus affairé à Paris, Berlin, New Indice de développement s’est engagée à investir 5 millions York ou Washington qu’il a, pour le e humain (sur 189 pays) : 189 de dollars (4,4 millions d’euros) en moment, les coudées franches sur le Investissements directs étrangers : trois ans. Niamey a en outre confirmé plan de la politique intérieure. Hama 334 millions $ début novembre la découverte, par le Amadou, arrivé deuxième de la présigéant algérien Sonatrach, d’un bassin dentielle en 2016, vit toujours en exil Balance courante : – 16,2 % du PIB pétrolier à Kafra, au nord du pays. Le en France. Pour sa part, l’opposition Principale exportation : uranium gouvernement table sur un lancene parvient pas à dépasser ses diviDernier changement ment de l’exploitation d’ici à la fin de sions alors qu’approchent les élections de président : 2011 2018. La production du pays doit plus locales de janvier 2019. que quintupler, passant de 20 000 à Les grandes manœuvres ne Croissance du PIB (%) 110000 barils par jour. devraient toutefois pas tarder à débu5,4 5,3 Mais sera-ce suffisant ? Durant ter dans la perspective des élections 4,9 4,9 toute l’année 2018, des manifestaprésidentielle et législatives de 2021. tions ont secoué Niamey pour dénonLe pouvoir doit mettre en place un PIB (milliards $) cer les mesures d’austérité de la loi de nouveau fichier électoral, tandis que finances. « Celles-ci contraignent les le Code électoral est sur le point d’être 10 9,5 8,2 7,5 Nigériens, dont plus de la moitié vit révisé. Mais le dialogue semble rompu avec moins de 1,90 dollar par jour, à entre la majorité présidentielle et les 2016 2017 2018* 2019* payer davantage d’impôts et de taxes, opposants, au sein desquels l’ancien y compris sur les produits de première ministre des Affaires étrangères nécessité », s’indignait Ali Idrissa dans Ibrahim Yacouba entend s’affirmer. une tribune publiée par Jeune Afrique. Cette figure de la La prochaine présidentielle est déjà dans tous les esprits, société civile n’a pas hésité à aller au bras de fer avec le pouy compris au sein du Parti nigérien pour la démocratie et le voir, ce qui lui a valu un séjour de quelques mois en prison. socialisme (PNDS, au pouvoir). Ne pouvant pas se représenEt si l’État cherche à mobiliser de nouvelles recettes, c’est ter à l’issue de son second mandat, Mahamadou Issoufou parce que les dépenses en matière de sécurité pèsent sérieudevrait voir se poser dès 2019 la question du choix de son sement sur son budget, reléguant la santé ou l’éducation successeur. Il sera alors temps pour le chef de guerre de se au second plan. Dans le Sud, dans les environs de Diffa, replonger dans les problématiques d’un chef de parti. * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Opposition inaudible
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Fiches pays AFRIQUE DE L’OUEST NIGER
TCHAD
Kano
BÉNIN
Nigeria Duel entre patriarches du Nord
NIGERIA Abuja
Lagos
Port Harcourt Golfe de Guinée
Buhari affrontera Abubakar à l’occasion d’un scrutin qui s’annonce serré. Exit la récession de 2016, le pays retrouve le chemin de la croissance.
CAMEROUN 300 km
présidentielle. Avec le sud-ouest du pays, « la Middle Belt » Les prochaines échéances électorales focalisent toutes les fait traditionnellement basculer le vote. attentions au Nigeria. Le 16 février 2019, le géant de l’Afrique Sur le plan économique, Muhammadu Buhari peut enfin de l’Ouest choisira son nouveau président, avant de renouse targuer d’une reprise. Après une année de récession, due veler en mars ses puissants gouverneurs. Au sein des à la chute des cours du pétrole, le Nigeria a vu sa croissance deux principaux partis, le All Progressives Congress (APC, au repartir timidement en 2017 (0,8 % du PIB) et en 2018 (1,9 %), pouvoir) et le People’s Democratic Party (PDP, opposition), année durant laquelle le chef de l’État a fait adopter le budl’année préélectorale aura été marquée par les intrigues, les get le plus important de l’histoire du rivalités et les négociations. Investis pays (21,6 milliards d’euros), ce qui a à la fin d’octobre 2018, Muhammadu permis des investissements dans les Buhari, le président sortant, et Atiku Population : 195,9 millions infrastructures. De son côté, l’inflaAbubakar, qui fut vice-président sous Croissance démographique : 2,6 % tion demeure très élevée. Après avoir Olusegun Obasanjo, se feront face. Ces PIB par habitant : 2 050 $ atteint 16,5 % l’année dernière, elle vieux routiers de la politique sont tous devrait s’établir à 12,4 % en 2018, puis deux septuagénaires, originaires du Espérance de vie : 53,9 ans à 13,5 % en 2019. Nord et musulmans. Alphabétisation : 51,1 % Même parmi ses partisans, beaue Inflation : 12,4 % coup doutaient pourtant de la volonté du chef de l’État de briguer un second Les mauvais résultats économiques du Indice de développement mandat. Après avoir passé cinq mois gouvernement constituent l’axe d’ate humain (sur 189 pays) : 157 au Royaume-Uni en 2017 pour y être taque privilégié par Atiku Abubakar. Investissements directs étrangers : soigné, il effectue depuis des séjours Ancien cadre des douanes au port de 3,5 milliards $ réguliers à Londres. « Des vacances », Lagos reconverti dans les affaires, le assurent ses proches, qui ne dupent candidat du PDP a fait fortune dans Balance courante : 2 % du PIB personne. Nul ne sait exactement de l’import-export avant de diversifier Principale exportation: hydrocarbures quel mal souffre le président nigérian, ses activités dans l’immobilier et l’agriDernier changement mais le natif de Daura, à l’extrême culture. Sa réussite est toujours allée de président : 2015 nord du pays, peine à cacher sa faide pair avec de forts soupçons de corblesse physique. Pour ne rien arranger, ruption, sans que le multimillionnaire Croissance du PIB (%) il s’engage dans cette campagne, lesté ne soit jamais condamné. Ce libéral de 2,3 1,9 d’un bilan médiocre. Arrivé au pouvoir 72 ans promet notamment de remettre 0,8 grâce à un large soutien populaire, le Nigeria au travail et de privatiser le – 1,6 l’ancien général a déçu. Il n’a ainsi secteur pétrolier s’il accède au poupas réussi à vaincre Boko Haram. Si le voir. Dans sa course pour la présiPIB (milliards $) groupe jihadiste apparaît aujourd’hui dence, il peut compter sur le soutien 447 405,4 397,5 376,4 affaibli et désorganisé, il reste à même de caciques de la vie politique. Face à de fomenter des opérations d’enverlui, Buhari peut se targuer de disposer 2016 2017 2018* 2019* gure comme l’enlèvement en mars d’un parti uni, d’une popularité forte 2018 de 110 jeunes filles à Dapchi. Ce dans le Nord, ainsi que du soutien de kidnapping a souligné une nouvelle ses pairs de la sous-région. Il a pris en fois les défaillances des forces de sécurité. août 2018 la tête de la Cedeao pour un mandat d’un an. Autre sujet d’inquiétude, le conflit entre éleveurs et agriPour ces deux septuagénaires, la principale difficulté sera culteurs a fait plus de 1 300 morts depuis le début de 2018 de parvenir à répondre à la grogne de la population. Alors dans le centre du pays. Ces « affrontements risquent de qu’en 2015 le Nigeria avait connu la première alternance déstabiliser le Nigeria », s’inquiétait dans un rapport publié pacifique de son histoire, de potentiels troubles politiques à la fin de juillet l’ONG International Crisis Group, d’autant et sociaux à l’issue du scrutin de février demeurent une préqu’ils se perpétuent dans des régions stratégiques pour la occupation majeure. * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Crainte d’un 3 tour social
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MAURITANIE
Saint-Louis
Sénégal Présidentielle sans suspense?
Dakar Océan Atlantique
L’exclusion de ses deux rivaux du scrutin de février ouvre un boulevard à Macky Sall. Le dynamisme de l’économie pourrait se tasser sous le poids de la dette publique.
Thiès
SÉNÉGAL GAMBIE
GUINÉE-BISSAU
GUINÉE
MALI
100 km
Ruée vers l’or noir
* ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
dégagement Nord (VDN), autoroute Ila Touba… À l’image Le Sénégal abordera l’année 2019 avec en point de mire de son prédécesseur Abdoulaye Wade, qui se voulait « prél’élection présidentielle, dont le premier tour est prévu le sident bâtisseur », Macky Sall entend mettre en musique 24 février. Un scrutin qui s’annonce d’ores et déjà tendu, la modernisation du pays en suivant la partition du Plan du fait de l’emprisonnement de l’ancien maire de Dakar, Sénégal émergent (PSE), qui fait figure de feuille de route Khalifa Sall, et de l’éviction quasi acquise de Karim Wade, de son action depuis son accession au pouvoir, en 2012. le candidat du Parti démocratique sénégalais (PDS, De fait, les indicateurs macroéconomiques sont plutôt opposition). favorables. Depuis 2015, la croissance Le premier a été condamné en avoisine chaque année un peu plus appel à cinq ans de prison ferme pour de 6 %. Cette dynamique demeure « escroquerie aux deniers publics » Population : 16,3 millions cependant insuffisante pour absordans l’affaire de la caisse d’avance Croissance démographique : 2,8 % ber le flot de jeunes qui se présentent de la mairie de Dakar. Démis de ses PIB par habitant : 1 485 $ chaque année sur le marché du trafonctions à la tête de la municipalité vail. Environ 20 % des diplômés du fin août, il sera jugé devant la Cour Espérance de vie : 67,5 ans supérieur se retrouvent ainsi sans suprême le 20 décembre. Si celle-ci Alphabétisation : 42,8 % emploi à la sortie de l’université. Et entérinait sa condamnation, l’oppoInflation : 0,4 % le problème devrait encore s’aggraver sant serait alors définitivement écarté au regard de la démographie galode la course. De son côté, Karim Wade Indice de développement pante du pays – près de la moitié de a été radié des listes électorales, ce qui e humain (sur 189 pays) : 164 la population a aujourd’hui moins de rend sa candidature théoriquement Investissements directs étrangers : 14 ans. impossible. Or la stratégie du « Karim 532 millions $ Autre sujet d’inquiétude, mis en ou rien » affichée par le PDS est ouverexergue par un récent rapport du tement contestée au sein du parti Balance courante : – 7,7 % du PIB FMI : la trop grande dépendance de libéral, qui craint de se retrouver sans Principale exportation : or l’économie sénégalaise aux invescandidat le jour de l’élection. Début Dernier changement tissements publics et aux envois octobre, Madické Niang, jusque-là de président : 2012 d’argent de la diaspora. Les experts chef de file du groupe parlementaire du FMI s’interrogent également sur Liberté et Démocratie, a annoncé sa Croissance du PIB (%) les capacités de l’État, qui s’endette candidature « alternative », provo7,2 7 à un rythme soutenu. D’après leurs quant la colère d’Abdoulaye Wade. 6,7 6,2 projections, le taux d’endettement du pays, qui atteint 59,3 % du PIB, dépassera les 100 % à l’horizon 2020. De l’ancien maire de Thiès, Idrissa PIB (milliards $) De quoi inquiéter les marchés et les Seck, au leader du Grand Parti, Malick 26 24,2 21,1 investisseurs. Gakou, en passant par le médiatique 19 Mais le Sénégal pourrait aussi proOusmane Sonko et tant d’autres, 2016 2017 2018* 2019* fiter à plein de son entrée dans le club nombre d’opposants entendent bien des pays producteurs d’hydrocarjouer les trouble-fête. Mais l’absence bures. Ces trois dernières années, les d’une candidature unique et le risque découvertes de gisements pétroliers et gaziers offshore se de dispersion des voix que celle-ci implique font le jeu du sont multipliées, permettant d’envisager une exploitation président sortant, Macky Sall, dont les lieutenants ne à l’horizon 2021-2022. Selon des estimations, l’équivalent cessent de mettre en avant un bilan jugé flatteur. Depuis de 3 milliards de barils de pétrole sommeillerait au large fin 2017, le chef de l’État multiplie les inaugurations, qu’il des côtes. Une manne inespérée qui pourrait rapporter entend poursuivre jusqu’au scrutin : Aéroport internatioprès de 50 milliards de dollars à l’économie dans les pronal Blaise-Diagne (AIBD), Palais des sports Dakar Arena, chaines décennies. Train express régional (TER), extension de la voie de
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Fiches pays AFRIQUE DE L’OUEST GUINÉE Makeni
Sierra Leone La revanche de l’ex-putschiste
Freetown Océan Atlantique
SIERRA LEONE Kenema
LIBERIA 100 km
Le chef de l’État (SLPP) doit composer avec l’APC, majoritaire au Parlement. Le pays est en passe de devenir le deuxième producteur de fer du continent.
Diamonds pour l’exploitation des deux sites. Ceux-ci Le 31 mars 2018, Julius Maada Bio, candidat du Sierra Leone disposent d’une capacité de production annuelle de People’s Party (SLPP), principal mouvement d’opposition, 200000 carats pendant plus de deux décennies, et doivent a été élu président de la République avec 51,81 % des voix. générer un revenu de 45 millions de dollars par an. Cet ancien officier avait déjà brièvement pris la tête du pays, Le 31 janvier 2018, le FMI a décidé de reporter le versevingt-deux ans plus tôt, après un coup d’État. À 53 ans, il ment d’une deuxième tranche de prêt dans le cadre d’un succède à Ernest Bai Koroma, qui l’avait battu lors de programme de facilité de crédit de 224 millions de doll’élection présidentielle de 2012. Julius Maada Bio devra lars sur trois ans, accordé en 2017 néanmoins compter avec le parti de en échange de réformes. En cause, l’ancien président au Parlement. Le le non-respect des engagements All People’s Congress (APC) a largePopulation : 7,7 millions relatifs aux dépenses publiques. En ment remporté les élections légisCroissance démographique : 2,1 % 2018, le déficit budgétaire s’élève à latives organisées en même temps PIB par habitant : 496 $ 5,4 %, tandis que la dette continue que la présidentielle, frôlant même la son ascension, passant de 60,3 % en majorité absolue. Espérance de vie : 52,2 ans 2017 à 63 % en 2018. Après plusieurs La Sierra Leone a connu une Alphabétisation : 32,4 % mois de négociations, le gouvernepériode difficile de 2014 à 2016, marInflation : 15,6 % ment de Julius Maada Bio a obtenu quée par l’épidémie du virus Ebola du FMI, le 1er décembre, une facilité (4 000 morts) et la chute des cours Indice de développement du fer, qui a provoqué une très forte élargie de crédit (FEC) d’un montant humain (sur 189 pays) : 184e récession en 2015 (– 20,5 %). Dans ce de 171,2 millions de dollars. Investissements directs étrangers : contexte de crise, le climat des affaires 560 millions $ s’est nettement dégradé : Freetown a perdu douze places dans le dernier Pour augmenter ses recettes, l’État Balance courante : – 13,4 % du PIB classement « Doing Business » de la compte sur la suppression de niches Principale exportation : fer Banque mondiale (160e sur 190 pays). fiscales, l’application d’une redevance Dernier changement Sans surprise, l’activité économique minière et l’introduction d’un droit de président : 2018 est soutenue par le secteur minier, qui d’accise de 20 % sur les véhicules de représente 30 % du PIB. Dans un aveluxe. Ces mesures, déjà prévues dans Croissance du PIB (%) nir proche, la Sierra Leone pourrait le projet de loi de finances 2017 mais 6,3 5,5 devenir le deuxième producteur de peu populaires, ont pris du retard en 3,7 3,7 fer du continent, derrière l’Afrique raison de la campagne électorale. La libéralisation des prix du carburant du Sud. Grâce à l’augmentation de PIB (milliards $) à la pompe, incluse dans le précéla production annuelle de la mine de Tonkolili (Centre), passant de 20 mildent accord signé avec le FMI, a en 3,8 3,8 3,8 3,6 lions de tonnes à 35 millions, le pays revanche été mise en œuvre. pourrait doubler la Mauritanie. Le Après la guerre civile (1991-2002), 2016 2017 2018* 2019* chinois Shandong Iron & Steel, proqui a fait plus de 120 000 morts, la priétaire du site depuis 2015, a investi Sierra Leone est repartie de zéro. 700 millions de dollars (621 millions Le manque d’infrastructures et les contraintes d’approvisionnement en électricité freinent le d’euros) pour y construire une usine de traitement du fer. développement de cette ancienne colonnie britannique. Après avoir été divisée par deux en 2017, la production de diamant aurait augmenté en 2018, en dépit de la suspenAlors que plus de la moitié de la population adulte est sion de l’exploitation des mines de Tongo et de Tonguma. analphabète, selon l’Unicef, le gouvernement est parvenu Un accord avait été signé en 2017 entre Octea Mining (BSG à mettre en œuvre, en septembre, une de ses promesses Resources), propriétaire de Koidu, la plus grosse mine de de campagne : la gratuité de l’enseignement primaire et diamant en Afrique de l’Ouest, et le britannique Stellar secondaire. * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Réformes en suspens
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Fiches pays AFRIQUE DE L’OUEST
BÉNIN
Togo À la croisée des chemins
Lac Volta
Sokodé
TOGO
NIGERIA
GHANA Lomé 200 km
Faute d’obtenir satisfaction, l’opposition a boycotté les législatives. Les tensions sociales menacent les perspectives de croissance.
Golfe de Guinée
mouvementée risque au contraire de faire basculer le pays Un air de crise latente couve toujours à Lomé. À la fronde dans un nouveau cycle de violences. Une des priorités de l’opposition, qui réclame des réformes politiques et de la coalition de l’opposition, comme gage de la bonne institutionnelles, notamment la limitation du nombre de volonté du pouvoir, est d’obtenir la libération des détenus mandats présidentiels, s’ajoute un certain malaise chez politiques. En attendant, elle martèle que les conditions les Togolais, de plus en plus confrontés à la précarité. ne sont pas réunies pour la tenue d’élections équitables Selon les données officielles, l’incidence de la pauvreté et transparentes. se situerait à plus de 53 %. La crise n’est pas seulement poliL e mécontentement semble tique, elle est aussi économique. gagner l’ensemble des couches Au cours de la dernière décennie, le sociales. Le moral des investisseurs Population : 8 millions pays a enregistré une croissance en locaux accuse également le coup. Un Croissance démographique : 2,5 % hausse. Celle-ci est passée de 3,9 % récent sondage commandé par la PIB par habitant : 668 $ entre 2007 et 2013 à 5,6 % entre 2013 Chambre de commerce et d’induset 2015. Mais cette dynamique a été trie révèle un profond désarroi chez Espérance de vie : 60,5 ans freinée en 2017 par les remous socioles entreprises togolaises. D’après les Alphabétisation : 63,7 % politiques, avec un taux de croisrésultats de cette enquête, 656 diriInflation : 0,4 % sance qui a plafonné en 2018 à 4,4 %. geants sur 912 interrogés déclarent D’après le FMI, les tensions sociales une baisse de leur chiffre d’affaires, Indice de développement font peser d’importants risques sur évoquant comme principale raison e humain (sur 189 pays) : 165 les perspectives de croissance, toula situation sociopolitique qui préInvestissements directs étrangers : tefois repartie à la hausse en 2018, vaut depuis le milieu de l’année 2017. 146 millions $ avec un taux attendu de 4,7 %. Lomé explique cette bonne tenue par les Balance courante : – 9,2 % du PIB investissements massifs consentis Le régime de Faure Gnassingbé, Principale exportation : phosphates dans les infrastructures – notamau p ouvoir depu is 20 05, e s t Dernier changement ment dans le port de la capitale ou conscient du défi et entend donner de président : 2005 dans l’aéroport international –, cendes signes d’apaisement. Depuis sés renforcer le socle de l’économie. août 2018, opposition et majorité Croissance du PIB (%) Pour rassurer les investisseurs se retrouvent régulièrement sous 5,1 5 étrangers et consolider ses perforl’arbre à palabres. Dans le cadre de 4,7 4,4 mances macroéconomiques, les la médiation conduite sous l’égide autorités togolaises mettent en avant de la Cedeao par les présidents guiPIB (milliards $) son nouveau référentiel en matière néen – Alpha Condé – et ghanéen – de développement : le Plan national Nana Akufo-Addo –, les deux camps 5,7 5,3 4,8 4,5 de développement 2018-2022, estimé tentent de trouver une issue à la à 4622 milliards de F CFA (7 milliards crise qui secoue le pays depuis près 2016 2017 2018* 2019* d’euros). Pour boucler son financede deux ans. ment, elles espèrent convaincre le La mise en œuvre de la feuille de secteur privé d’y participer à hauroute de l’organisation régionale a teur d’environ 3 000 milliards de F CFA. Pour cela, elles certes permis de timides avancées, comme le retour des prévoient d’organiser des sessions avec les investisseurs délégués de l’opposition au sein de la Commission élecautour des projets structurants comme le parc industriel torale nationale indépendante (Ceni) et surtout la trêve agricole de Kara ou le projet manufacturier d’Adétikopé. des manifestations de rue. Sauf que celles-ci ont repris De son côté, le ministère de l’Économie entend mobiliser depuis que la coalition de 14 partis de l’opposition (C14) des fonds grâce à l’émission d’un eurobond, dont le lana annoncé son boycott des législatives du 20 décembre cement est prévu d’ici à mars 2019. 2018, censées pourtant dénouer la crise. Cette séquence * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Médiation de la Cedeao
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Fiches pays LIBYE
ÉGYPTE
ALGÉRIE
NIGER
MALI
TCHAD Lac Tchad
BÉNIN GHANA
DJIBO
NIGERIA
ÉTHIOPIE
TOGO
CAMEROUN
Malabo
Douala
Yaoundé
São Tomé
SÃO TOMÉET-PRíNCIPE
Libreville Port-Gentil
GABON
CENTRAFRIQUE
OUGANDA
CONGO
Kisangani
Mbandaka
Brazzaville
Pointe-Noire
SOUDAN DU SUD
Bangui
GUINÉE ÉQUAT.
Cameroun Centrafrique Congo RD Congo Gabon Guinée équatoriale São Tomé-et-Príncipe Tchad
ÉRYTHRÉE
N’Djamena
BURKINA FASO
180 181 182 183 184 185 186 187
SOUDAN
Abéché
Goma
RD CONGO
Bukavu
KENYA RWANDA BURUNDI
Kinshasa
TANZANIE
Matadi Océan Atlantique Lubumbashi ANGOLA 300 km
ZAMBIE
Afriquecentrale Au bord de l’asphyxie
’Afrique centrale soigne difficilement sa dépendance au pétrole. Malgré une reprise des prix du baril depuis 2016, la situation financière des pays de la sous-région reste critique. Pour sortir de la crise, le gouvernement gabonais a inauguré en juin 2018 un vaste chantier de redressement des finances publiques, sous les applaudissements du FMI. Comme les premiers résultats sont encourageants, Libreville maintient le cap pendant la convalescence d’Ali Bongo Ondimba au Maroc. Au Congo voisin, où la dette publique a explosé après des emprunts auprès de traders et de la Chine, le gouvernement tente de satisfaire les exigences du FMI en
L
vue d’obtenir son aide. Quant à la Guinée équatoriale, qui se trouve en récession depuis plusieurs années, elle n’est toujours pas parvenue à diversifier son économie. Le bout du tunnel est donc encore loin. Sur le front politique, Paul Biya vient d’être réélu pour un septième mandat à la tête du Cameroun. La crise qui a éclaté dans les régions anglophones menace la stabilité du pays. À l’inverse, la RD Congo inaugurera l’année avec un nouveau chef de l’État. Reste à voir si le départ de Joseph Kabila sera le gage d’une nouvelle ère. Autre ambiance en Centrafrique, où la Russie mène une vaste opération d’influence. En dépit de la crise sécuritaire, l’économie connaît une légère embellie.
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Fiches pays AFRIQUE CENTRALE
NIGERIA
TCHAD
Garoua
Cameroun Paul Biya, l’indomptable
200 km
CAMEROUN Golfe de Guinée
Le chef de l’État a été réélu en octobre 2018 pour un septième mandat. La crise anglophone continue de mettre en péril la stabilité du pays.
Douala
CENTRAF.
Yaoundé
GUINÉE ÉQU. GABON
CONGO
reprises, le pouvoir central de Yaoundé n’ayant jamais « L’État stationnaire ». C’est la formule, très évocatrice, explicitement annoncé qu’il y participerait. Il a toutefois employée par la revue Politique africaine pour désigner fait un geste en annonçant, le 13 décembre 2018, la création le Cameroun dans son numéro de novembre 2018. Et c’est du Comité national de désarmement, de démobilisation et plutôt bien trouvé. À 85 ans, Paul Biya a été réélu en octobre de réintégration – destiné aux jeunes anglophones « prêts pour un septième mandat consécutif. La crise postélectoà renoncer à la violence » – et l’arrêt des poursuites contre rale tant redoutée n’a pas eu lieu, et le pays se réinstalle 289 personnes soupçonnées de délits commis au cours de paisiblement dans la continuité de son régime. Et pourcette crise. Il est d’autant plus urgent tant… La scène politique a connu de de trouver un compromis que la profonds changements en 2018, avec situation sécuritaire dégradée et le notamment une forte implication Population : 24,7 millions retard pris dans la construction des des jeunes dans la campagne électoCroissance démographique : 2,6 % infrastructures ont conduit à retirer au rale et l’émergence d’une opposition PIB par habitant : 1 545 $ Cameroun l’organisation de la Coupe crédible et combative, portée par la d’Afrique des nations (CAN) 2019. Le figure de Maurice Kamto, candidat Espérance de vie : 58,6 ans pays, qui a dépensé des dizaines de du Mouvement pour la renaissance Alphabétisation : 71,3 % milliards de francs CFA pour accueildu Cameroun (MRC) arrivé deuInflation : 1 % lir l’événement, voit ainsi s’évanouir xième. Ces bouleversements placent toutes les retombées escomptées. le pays plus que jamais à la croisée Indice de développement des chemins. Selon les analystes de la e humain (sur 189 pays) : 151 revue Politique africaine, se dessinent Investissements directs étrangers : alors trois avenirs possibles pour le Cette situation est d’autant plus pré672 millions $ Cameroun : l’implosion, le maintien judiciable que l’économie, considérée du statu quo ou la renaissance, avec comme la plus diversifiée de la Cemac, Balance courante : – 3,2 % du PIB des perspectives d’émergence d’un affiche ses premiers signes de ralenPrincipale exportation: hydrocarbures « autre Cameroun », sans que l’on tissement. Les perspectives restent Dernier changement sache si ce sera à côté ou à la place de toutefois encourageantes pour 2019, de président : 1982 « l’État stationnaire ». avec un taux de croissance attendu Car si le statut de leader de l’opposide 4,4 %, que l’on doit en partie à la Croissance du PIB (%) tion est désormais reconnu à Maurice hausse des exportations vers l’Union 4,6 Kamto, nul ne sait pour l’instant ce européenne et à la mise en production 4,4 3,8 qu’il en fera. Saura-t-il maintenir la de barrages hydroélectriques. 3,5 ferveur populaire née de la présiConfronté à de multiples défis, tels dentielle en vue des élections légisque les menaces sécuritaires, la mise PIB (milliards $) latives ? Avec les autres opposants, en œuvre du Plan d’urgence triennal 40,1 38,4 35 32,6 prendra-t-il part à ce scrutin, lui qui se pour l’accélération de la croissance, pose toujours en vainqueur de la prél’optimisation des éventuels prépara2016 2017 2018* 2019* sidentielle? L’opposition espère bien tifs de la CAN 2021, ainsi que l’exécuobtenir au minimum une révision du tion du Plan triennal « spécial jeunes », Code de procédure électorale, taillé le gouvernement a introduit dans sur mesure, selon elle, pour le parti présidentiel. Mais pluson projet de loi de finances 2019 des mesures destinées tôt que d’ouvrir ce nouveau front, le pouvoir préférera sans à améliorer le niveau des recettes fiscales. Il entend ainsi doute œuvrer à la résolution de la crise anglophone. Celle-ci pallier la baisse des revenus pétroliers et se conformer aux dure depuis 2016, et les combats sont devenus quasi quotiengagements conclus avec le FMI de « contrôler le rythme diens ces derniers mois. Les espoirs de paix reposent sur d’endettement du pays ». Stratégiquement situé, doté d’un la conférence générale anglophone que l’Église catholique excellent capital humain et d’énormes ressources natutente d’organiser. La rencontre a été repoussée à plusieurs relles, le Cameroun peut relever ces défis. * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Pression fiscale en hausse
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TCHAD
Centrafrique Nouvelle zone d’influence russe
SOUDAN
CENTRAFRIQUE CAMEROUN
Berberati
SOUDAN DU SUD
Bangui
RD CONGO
Moscou place ses pions dans tout le pays pour supplanter Paris. L’économie repart doucement, malgré une situation sécuritaire toujours précaire.
CONGO
300 km
pare au plus pressé mais ne parvient pas à assurer la sécuLa Centrafrique est souvent qualifiée d’État failli. ONG, groupes armés, institutions internationales et ambasrité sur l’ensemble du territoire. Washington n’a d’ailleurs sades étrangères y prennent le pas sur les institutions. pas caché son scepticisme quant à son efficacité, alors que Et l’année 2018 aura été marquée par l’entrée en jeu d’un la mission onusienne est déjà critiquée par la classe polinouvel acteur de poids : Moscou. De livraisons d’armes tique locale. En parallèle, le redéploiement de l’État suit en débarquements d’instructeurs militaires, la Russie son cours, mais à une vitesse très réduite. s’est rapidement installée dans le pays, jusqu’à signer en En dépit d’une situation sécuritaire dégradée, l’économie connaît toutefois une légère embellie. août des accords de défense avec Les analystes notent ainsi une reprise Bangui. Le nouvel allié s’est aussi introduit au cœur de la présidence, dans plusieurs domaines : le bamPopulation : 4,7 millions où une quarantaine d’éléments de ses bou, la bière, le café, ainsi que dans Croissance démographique : 1,6 % forces spéciales participent à la garde la téléphonie ou encore le secteur PIB par habitant : 454 $ rapprochée de Faustin-Archange bancaire. Selon les estimations du Touadéra. Le chef de l’État est en FMI, le pays devrait enregistrer une Espérance de vie : 52,9 ans outre épaulé par un « conseiller à la croissance de 4,3 % en 2018, puis de Alphabétisation : 36,8 % 5 % en 2019. L’état des routes demeure sécurité » russe, Valery Zakharov. Inflation : 4 % toujours un handicap majeur pour les entreprises, qui peinent à acheminer Indice de développement marchandises et outils de travail. Le C’est aussi sur proposition de la e humain (sur 189 pays) : 188 prix élevé du carburant constitue un diplomatie russe que les dernières Investissements directs étrangers : autre fardeau, notamment pour les discussions de paix entre anti-balaka 17 millions $ finances publiques, malgré la baisse et ex-Séléka se sont tenues en août à des subventions. Khartoum. Cette médiation paralBalance courante : – 8,9 % du PIB Le gouvernement s’est par aillèle n’a pas été du goût des autoriPrincipale exportation : bois brut leurs engagé à accroître les dépenses tés françaises. Et 2019 pourrait être Dernier changement sociales durant l’année 2019. Cela l’année d’une escalade diplomade président : 2016 peut être un moyen de renouer tique entre Paris et Moscou. Début quelque peu les liens entre l’État et la novembre, Jean-Yves Le Drian, l’inCroissance du PIB (%) population, historiquement habituée fluent ministre français des Affaires 5 aux aides publiques et aux coups de étrangères, s’est rendu à Bangui avec 4,5 force. Au cœur du respect des droits dans ses bagages la promesse d’une 4,3 4,3 humains et de la hausse de la croisaide financière de 24 millions d’euros, sance se trouvent les femmes cenainsi que des armes. Si l’entreprise PIB (milliards $) trafricaines. Car les violences dont française Rougier, spécialisée dans 2,5 2,3 2 1,8 celles-ci sont victimes les tiennent à l’exploitation forestière, a réceml’écart de la vie économique. ment vendu ses actifs centrafricains 2016 2017 2018* 2019* Les aides françaises récemment au camerounais Sodinaf, les groupes promises devraient notamment tricolores présents dans le pays sont contribuer au paiement d’arriérés de encore nombreux et influents : Air salaire et de retraite. De son côté, le FMI appelle Bangui à France, Bolloré, Castel, Orange, Total, Vilgrain, etc. renforcer le système de compte unique du Trésor, ce qui Reste que pour ses soixante ans, le 1er décembre 2018, permettrait de mieux gérer les deniers publics. Enfin, la la République centrafricaine avait bien peu à célébrer. Cour pénale spéciale, dont la récente installation était Les groupes armés continuent de fragiliser le pays. Ils attendue avec impatience par la population, doit entamer contrôlent de nombreuses routes, encadrent une partie du en 2019 ses travaux portant sur les crimes de guerre compastoralisme et des exportations illégales de diamant. La mis depuis 2003. Minusca, chargée du maintien de la paix en Centrafrique, * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Riposte du Quai d’Orsay
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Fiches pays AFRIQUE CENTRALE CENTRAFRIQUE
200 km
CAMEROUN
Congo Comment sortir du tout-pétrole? Étranglé par sa dette, l’État montre patte blanche pour obtenir l’aide du FMI. Malgré l’accalmie dans le Pool, le climat politique demeure crispé.
GABON Océan Atlantique
CONGO RD CONGO
Brazzaville PointeNoire
ANGOLA
Budget en hausse en 2019
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* ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
pour préserver ses marges de manœuvre, Brazzaville devra « Le Congo-Brazzaville est bien loin de la banqueroute », réussir au préalable la renégociation de sa dette auprès de assure son président, Denis Sassou Nguesso. Mais la situaGlencore et de Trafigura, laquelle a été gagée sur sa production des finances de l’État est tout aussi loin de s’améliorer. tion pétrolière future, ainsi qu’avec la Chine. Sans compter les arriérés de paiements ni les emprunts Sur le terrain sécuritaire, l’accalmie s’observe enfin dans litigieux, la dette publique avoisine les 120 % du PIB, le Pool, département tourmenté du sud du pays. Même si, soit 9,5 milliards de dollars (8,4 milliards d’euros), dont jusqu’ici, l’opération de désarmement et de réinsertion des la majorité de cette somme contractée auprès de traders ex-Ninjas Nsiloulous n’est pas tout à internationaux et de la Chine. Ce qui fait effective. Frédéric Bintsamou, complique davantage les négociaalias pasteur Ntumi, chef de ces militions interminables et déjà complexes Population : 5,4 millions ciens, attend toujours de recouvrer avec le FMI. Alors que les autorités Croissance démographique : 2,6 % un statut officiel et de disposer d’une congolaises espéraient conclure un PIB par habitant : 2 572 $ nouvelle villa avant de siffler officiel« programme de facilité budgétaire » lement la fin des hostilités. L’ancien avec l’institution de Bretton Woods Espérance de vie : 65,1 ans conseiller à la présidence exige aussi au plus tard au mois de février 2018, Alphabétisation : 79,3 % la réhabilitation des écoles dans le les négociations entre les deux parInflation : 1,2 % Pool. Tout le département devrait être ties piétinent. Après avoir exigé de déclaré « sinistré », continue à plaiBrazzaville l’adoption « de réformes Indice de développement der de son côté le député Guy-Brice audacieuses et immédiates dans le e humain (sur 189 pays) : 137 Parfait Kolélas, arrivé deuxième lors domaine de la gouvernance pour Investissements directs étrangers : de la présidentielle de mars 2016. Loin traduire en action la rupture avec 1,2 milliard $ de la ligne radicale prônée par les les politiques et pratiques du passé anciens ministres Claudine Munari et proclamée par le gouvernement », Balance courante : 9,1 % du PIB Mathias Dzon, et qui consiste à rejele conseil d’administration du FMI Principale exportation: hydrocarbures ter la légitimité des autorités en place, n’a cessé de reporter l’examen de la Dernier changement le leader de l’Union des démocrates situation économique du pays. Une de président : 1997 humanistes (UDH-Yuki) ne cesse, lui, étape pourtant cruciale, qui doit d’appeler le président Denis Sassou déterminer les modalités de son proCroissance du PIB (%) Nguesso à convoquer des « pourpargramme de soutien financier destiné 3,7 2 lers intercongolais inclusifs » pour au Congo. – 2,8 apaiser les tensions politiques. Sera– 3,1 t-il entendu ? Une seule certitude : si l’horizon Sur la corde raide, Brazzaville retient PIB (milliards $) économique commence à s’éclairson souffle et essaie de mettre toutes 12 11,5 8,7 cir au Congo, le climat politique les chances de son côté. Il promet 7,8 demeure, lui, crispé. Deux candidats d’appliquer sans délai son Plan 2016 2017 2018* 2019* à la présidence, Jean-Marie Michel national de développement 2018Mokoko, condamné à une peine de 2022, dans lequel sont reprises les vingt ans de prison, et André Okombi mesures de bonne gouvernance et Salissa, sont ainsi maintenus en détention, poursuivis dans de diversification. deux affaires distinctes liées à la sûreté nationale. Des Qu’à cela ne tienne, le gouvernement de Clément « procès politiques », selon leurs défenses respectives. Ce Mouamba mise aussi sur la hausse des prix du pétrole qui fait dire à plus d’un observateur que l’année 2019 doit pour renflouer les caisses de l’État. Pour l’année 2019, il être celle du retour à la normale non seulement sur le plan projette même un budget en nette amélioration : + 44 % économique mais aussi sur le terrain politique. Condition par rapport à l’exercice 2018, passant de 1 602,6 milliards sine qua non pour enfin quitter le statu quo. de F CFA (2,4 milliards d’euros) à 2 308,8 milliards. Mais,
CENTRAFRIQUE
CON GO
RD Congo Nouvelles têtes, vieux défis
Kinshasa
Kisangani Goma OUGANDA
400 km
RWANDA BURUNDI
RD CONGO
TANZANIE
Océan Atlantique
Le prochain président aura fort à faire pour sortir le pays de l’ornière. Le candidat du pouvoir pourrait profiter des divisions de l’opposition.
SOUDAN DU SUD
Lubumbashi
ANGOLA
ZAMBIE
Dans l’Est, les groupes armés et autres rébellions persistent. À Kinshasa, la nouvelle année devrait coïncider avec le Et cette situation se double désormais d’une épidémie départ d’un chef d’État à la suite d’une élection : une pred’Ebola qui n’est pas sous contrôle, quatre mois après son mière dans l’histoire de la RD Congo. Les fonctions des apparition. Contrairement aux précédentes, rapidement prédécesseurs de Joseph Kabila avaient pris fin après un endiguées, celle-ci s’est déclarée dans une zone très peuplée coup d’État, une rébellion ou un assassinat. Lui a finaleoù l’insécurité complique la riposte des autorités sanitaires ment accepté de se conformer à la Constitution, après comme des organisations internationales. deux années d’une tumultueuse prolongation de son Sur le plan économique, le boom mandat. Les trois principaux candides prix des principaux produits d’exdats à sa succession – Martin Fayulu, portation congolais (cuivre, cobalt…) Emmanuel Ramazani Shadary et Félix Population : 84 millions enregistré vers la fin de 2017 est rapiTshisekedi – se présentent pour la preCroissance démographique : 3,2 % dement retombé. Le nouveau Code mière fois à la magistrature suprême. PIB par habitant : 478 $ minier, qui doit permettre à l’État Paradoxalement, il est peu probable d’augmenter ses recettes liées à l’exque cette situation inédite annonce Espérance de vie : 60 ans ploitation des ressources naturelles, une nouvelle ère pour le pays. Alphabétisation : 77 % risque de décourager les investisseurs, L’opposition devait se présenter Inflation : 23 % dans un contexte redevenu morose. en ordre dispersé au scrutin dont le La croissance devrait atteindre 4,1 % premier – et unique – tour avait été Indice de développement en 2019, mais cette dynamique sera fixé au 23 décembre 2018. D’un côté, e humain (sur 189 pays) : 176 presque totalement annulée par le Félix Tshisekedi, fils de feu l’opposant Investissements directs étrangers : boom démographique (3,2 %). historique Étienne Tshisekedi, qui 1,3 milliard $ s’est allié à l’expérimenté mais versatile Vital Kamerhe, lequel reste très Balance courante : 0 % populaire dans sa province du SudLe nouveau président aura-t-il la Principale exportation : cuivre Kivu. De l’autre, Martin Fayulu, qui volonté et les moyens de réformer Dernier changement est soutenu par des poids lourds de la l’État et la justice, et de lutter contre de président : 2001 politique congolaise, dont Jean-Pierre la corruption, préalables nécessaires Bemba, ancien vice-président, Moïse pour que le pays décolle enfin ? S’il Croissance du PIB (%) Katumbi, ex-gouverneur du Katanga, était élu, Martin Fayulu devrait per4,1 3,8 et Adolphe Muzito, ancien Premier mettre le retour de ses puissants 3,4 2,4 ministre, tous trois exclus de la course. parrains sur le devant de la scène et, Cette division de l’opposition laisse en principe, organiser une nouvelle PIB (milliards $) une réelle chance au candidat du transition de deux ans avant la propouvoir, l’ancien ministre de l’Intéchaine présidentielle. Nul doute que 46,1 42,7 41,4 39,3 rieur Emmanuel Ramazani Shadary. cette période serait peu propice aux Compte tenu des moyens de l’État mis réformes. En cas de victoire, Félix 2016 2017 2018* 2019* à sa disposition et du soutien du clan Tshisekedi aurait, pour sa part, besoin présidentiel, il est même très probable d’être épaulé pour gérer l’État, lui qui qu’il soit déclaré vainqueur à l’issue du ne dispose d’aucune expérience poliscrutin, dont la crédibilité est déjà mise en doute par le camp tique. Problème: il a démontré, ces derniers mois, qu’il était adverse. Si des fraudes étaient avérées, cela ne manquerait particulièrement influençable. Enfin, si Ramazani Shadary pas de provoquer de vives contestations tant au sein de l’opl’emporte, le pays devrait connaître une forme de continuité. position que des pays voisins de la RD Congo. Pur produit du système Kabila, il est aussi comptable de son Reste que le président élu aura de multiples défis à relebilan et a été choisi pour sa fidélité – réelle ou feinte. Les prever pour redresser ce pays au potentiel extraordinaire, mais miers pas du nouvel homme fort du pays seront, dans tous dont l’administration et les infrastructures sont délabrées. les cas de figure, à scruter avec la plus grande attention. * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Fin du système Kabila ?
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Fiches pays AFRIQUE CENTRALE CAMEROUN GUINÉE ÉQUATORIALE
Gabon Potion amère mais efficace du FMI Victime d’un AVC fin octobre, Ali Bongo Ondimba poursuit sa convalescence à Rabat. Le gouvernement a engagé une cure d’austérité qui dynamise la croissance.
Océan Atlantique
Libreville Port-Gentil
GABON Franceville
CONGO 100 km
grimper à 3,4 %, contre 0,5 % en 2017 et 2 % en 2018. Le gouÇa ne pouvait plus attendre. Alors que tous les voyants vernement voit dans le redressement de l’activité un encouétaient au rouge depuis trois ans en raison de la crise pétroragement à poursuivre sa politique de sérieux budgétaire. lière, les autorités gabonaises ont lancé en juin 2018 un Ainsi, le budget 2019, d’un montant de 2806,9 milliards de vaste chantier d’assainissement des finances publiques. F CFA, affiche une réduction de 111 milliards par rapport à Et elles ne sont jamais allées aussi loin dans les réformes la loi de finances rectificative de juin. Alors que l’État doit pour atteindre cet objectif. Dans le cadre de cette politique, se serrer la ceinture, le gouvernement entend aussi ferelles ont adopté un ensemble de mesures visant à réduire mer le robinet du gaspillage, tout en la masse salariale de la fonction consacrant plus d’argent à l’investispublique. Alors que celle-ci pesait sement public grâce à la hausse des jusque-là 747 milliards de F CFA Population : 2,1 millions recettes budgétaires, notamment au (1,1 milliard d’euros) par an, la loi de Croissance démographique : 2,2 % niveau des administrations fiscales finances rectificative adoptée le 21 juin PIB par habitant : 8 385 $ et douanières. Et cette politique d’ina confirmé une baisse de 10 % de la vestissement devrait profiter aux PME masse salariale des fonctionnaires, Espérance de vie : 66,5 ans pourvoyeuses d’emplois. soit une économie d’un peu plus de Alphabétisation : 82,3 % 70 milliards. Et, pour réduire le train Inflation : 2,8 % de vie de l’État, il a notamment fallu tailler dans les plus hauts salaires de Les efforts du gouvernement pour Indice de développement l’administration, supprimer plusieurs redresser les finances sont aussi de e humain (sur 189 pays) : 110 postes fortement rémunérés, aussi nature à rassurer les investisseurs Investissements directs étrangers : bien à la présidence de la République privés, ce qui est de bon augure, alors 1,5 milliard $ (– 40 %) que dans les cabinets minisque la situation politique et institutériels (– 44 %). tionnelle du pays pourrait, à première Balance courante : – 1,6 % du PIB Cette nouvelle rigueur ne peut que vue, inciter ces derniers à la prudence, Principale exportation: hydrocarbures satisfaire les institutions internatiovoire à l’attentisme. Le président de Dernier changement nales, qui pressent le Gabon de redresla République, Ali Bongo Ondimba, de président : 2009 ser ses finances publiques. Parmi elles, est en « indisponibilité temporaire » le FMI, avec lequel Libreville a conclu depuis un accident vasculaire céréCroissance du PIB (%) un accord triennal de 655 millions de bral (AVC) survenu le 24 octobre à 3,4 dollars (577 millions d’euros). Ce finanRiyad, en Arabie saoudite. 2 2,1 cement doit être consacré à la mise en Au même moment se tenaient les 0,5 œuvre du Programme de relance de élections législatives, qui ont été reml’économie. Pour donner son accord portées par le Parti démocratique PIB (milliards $) en cette fin 2018 au décaissement gabonais (PDG, au pouvoir). La nou17,8 17,2 15 14 de la troisième tranche de cet appui, velle législature de la chambre des l’institution financière a exigé d’autres députés devrait être opérationnelle dès 2016 2017 2018* 2019* réformes structurelles, notamment la la fin de 2018, mettant ainsi un terme suppression de plusieurs entités étaà une situation inédite où les prérogatiques peu efficaces. Selon Jean Fidèle tives de l’Assemblée étaient assumées Otandault, le ministre du Budget et des Comptes publics, par le Sénat, depuis le 2 mai, après que la Cour constitution« les signaux envoyés par les mesures récemment prises ont nelle avait refusé de proroger le mandat des députés. Face dû convaincre les bailleurs de fonds de notre détermination à cette situation inattendue, le pays a certes traversé une à poursuivre le train des réformes qui permettront de sortir période de doute, mais ses institutions n’ont pas vacillé. Le définitivement de la crise ». Gabon devrait donc s’engager dans la nouvelle année avec un D’ailleurs, le Gabon pourrait récolter les bénéfices de sa président en convalescence, mais une Assemblée nationale politique dès 2019, avec un taux de croissance qui devrait renouvelée et un gouvernement légitimé. * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Période d’incertitude
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Malabo
CAMEROUN
BIOKO
Guinée équatoriale Dialogue (national) de sourds
Bata Océan Atlantique
En récession, Malabo doit diversifier son économie pour sortir du tout-pétrole. Après la tentative de coup d’État de fin 2017, le régime fait le ménage au PDGE.
GUINÉE ÉQUATORIALE GABON
50 km
concrètes. Qualifiée de « mascarade » par les plus radiAprès plusieurs années d’une terrible récession provocaux et de « décevante » par les observateurs conviés (dont quée par la chute des cours de l’or noir, l’économie équatol’Union africaine), la table ronde s’est vite transformée en guinéenne commence à souffler. Le cinquième producteur tribune pour le Parti démocratique de Guinée équatoriale de brut en Afrique subsaharienne, qui dépend toujours à (PDGE). 95 % de ses revenus pétroliers, devrait voir son PIB glisser à Avant cela, les législatives de novembre 2017 avaient – 2,6 % en 2019, ce qui marque un net progrès puisqu’il s’étaconfirmé une fois de plus la suprématie du parti au poublissait à – 7,7 % en 2018. Et si la tendance se confirme, la voir au sein des deux chambres du croissance en 2020 devrait être quasi Parlement. Le PDGE a remporté la nulle. Le pays n’entrevoit pas encore totalité des sièges au Sénat, ainsi que le bout du tunnel, mais c’est toujours Population : 1,3 million 99 des 100 sièges de la Chambre des mieux qu’une récession. En mission à Croissance démographique : 3,6 % députés. Le seul fauteuil obtenu par Malabo du 2 au 11 juillet, le FMI a salué PIB par habitant : 15 294 $ le parti d’opposition Citoyens pour « l’engagement des autorités pour renl’innovation (CI), dont le leader est forcer la gouvernance et la transpaEspérance de vie : 57,9 ans Gabriel Nse Obiang Obono, est désorrence dans l’administration publique Alphabétisation : NC mais vide: CI a été interdit par le pouet le secteur des hydrocarbures ». Inflation : 0,9 % voir, et plusieurs de ses membres ont été condamnés pour « sédition ». Indice de développement La situation politique est d’autant Bien que membre de l’Opep depuis e humain (sur 189 pays) : 141 plus tendue qu’Obiang Nguema a la fin de mai 2017, Malabo voit sa proInvestissements directs étrangers : échappé à une nouvelle tentative de duction diminuer depuis plusieurs 304 millions $ coup d’État en décembre 2017. Le années. Pour relancer le secteur, le régime soupçonne des commandiministre du Pétrole, Gabriel Mbaga Balance courante : – 3,1 % du PIB taires issus du PDGE, ce qui l’a conduit Obiang Lima, par ailleurs fils du Principale exportation: hydrocarbures à resserrer les rangs, avant d’entamer président Teodoro Obiang Nguema Dernier changement une purge au début de novembre Mbasogo, s’échine à faire revenir les de président : 1979 2018. En février, le chef de l’État avait investisseurs étrangers. déjà procédé à un mini-remaniement. Le pays, qui vient de fêter en grande Croissance du PIB (%) Le ministre des Affaires étrangères, pompe le cinquantième anniversaire – 2,6 – 3,2 Agapito Mba Mokuy, avait été remde son indépendance, espère aussi – 7,7 placé par Simeón Oyono Esono profiter de la croissance de la produc– 8,6 Angüe, auparavant ambassadeur tion de gaz sur le continent (+ 6,1 % en auprès de l’Union africaine (UA). 2017). Une conférence sur ce thème, PIB (milliards $) Quant au portefeuille des Finances, il l’EG Gas Summit, s’est tenue en 13 13,2 12,5 11,3 avait été confié à un autre homme de octobre à Sipopo. Elle s’inscrit dans confiance d’Obiang Nguema, Lucas le cadre de l’initiative « 2019, année 2016 2017 2018* 2019* Abaga Nchama, ancien gouverneur de l’énergie ». Celle-ci comprend de la BEAC. deux autres événements clés organiEnfin, dans le cadre de l’affaire dite sés par Malabo: la conférence de l’Ordes « biens mal acquis » (BMA), un nouveau round du bras ganisation des producteurs africains de pétrole Cape VII, de fer judiciaire avec la France pourrait avoir lieu l’année qui se tiendra en avril 2019, et le Forum des pays exportaprochaine devant la Cour internationale de justice (CIJ) teurs de gaz (GECF), prévu en novembre 2019. de La Haye. Cette dernière s’est déclarée compétente pour Sur le front politique, le dialogue national organisé en juger le caractère diplomatique ou non de l’immeuble situé juillet (le sixième depuis l’accession au pouvoir d’Obiang avenue Foch à Paris, qui abrite actuellement l’ambassade Nguema, en 1979), auquel n’ont pas participé les principales de Guinée équatoriale. figures de l’opposition en exil, n’a pas permis d’avancées * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
99 députés sur 100
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Fiches pays AFRIQUE CENTRALE
PRÍNCIPE
São Tomé-et-Príncipe Fin de l’impasse institutionnelle Deux mois après les législatives, un nouveau gouvernement vient d’être nommé. Le pays s’est encore rapproché de Pékin, avec lequel il a noué des accords de financement.
São Tomé
SÃO TOM ÉET-PRÍNCIPE SÃO TOMÉ Océan Atlantique 5 km
l’impasse institutionnelle. L’ancien ministre de l’Éducation Changement de cap à São Tomé-et-Príncipe, où les éleca composé un gouvernement de douze ministres – dont tions législatives du 7 octobre 2018 ont totalement rebattu quatre femmes – et de deux secrétaires d’État. Mais le noules cartes, tout en laissant entrevoir un pays divisé. En vel homme fort de l’archipel devra se montrer rassembleur témoigne la courte première place obtenue par le parti de pour gouverner un pays tiraillé entre les nombreuses prol’ex-Premier ministre, Patrice Trovoada. L’Action démomesses sociales du MLSTP-PSD et celles de l’ADI. De fait, le cratique indépendante (ADI), au pouvoir de 2014 à 2018, parti de Patrice Trovoada avait fait campagne sur l’embellie n’a décroché que 25 des 55 sièges de l’Assemblée nationale, économique et une politique d’attrait contre 33 sièges lors de la précédente envers les investisseurs étrangers mandature. Malgré des négociadans les secteurs clés du tourisme, tions, l’ADI n’a pas su convaincre Population : 200 000 des infrastructures de transport et suffisamment d’alliés pour s’assurer Croissance démographique : 2,2 % des hydrocarbures – plusieurs zones une majorité au sein de ce nouveau PIB par habitant : 2 069 $ maritimes de l’archipel semblent Parlement et être ainsi en mesure de être gorgées de pétrole et devraient gouverner. « Peut-être avons-nous Espérance de vie : 66,8 ans être prochainement explorées, péché par excès de confiance. Nous Alphabétisation : 90,1 % notamment par le britannique BP et pensions que notre bilan suffirait », Inflation : 6,8 % l’américain Kosmos Energy. Le récent confiait Patrice Trovoada à Jeune partenariat noué avec la Chine s’est Afrique quelques jours après les Indice de développement par ailleurs renforcé après la signarésultats. e humain (sur 189 pays) : 143 ture de nouveaux accords de financeInvestissements directs étrangers : ment. Ce rapprochement avec Pékin 41 millions $ a permis de lancer plusieurs projets, C’est donc son principal adversaire, dont un nouveau port de pêche et le Mouvement de libération de São Balance courante : – 7 % du PIB l’agrandissement de l’aéroport. Reste Tomé-et-Príncipe (MLSTP-PSD), Principale exportation : cacao à savoir s’ils seront maintenus par le qui revient aux affaires. Arrivé en Dernier changement nouveau gouvernement. seconde position lors du scrutin avec de président : 2016 Car malgré des résultats écono23 sièges, le parti a dans la foulée miques positifs (la croissance devrait annoncé un accord avec cinq autres Croissance du PIB (%) s’établir à 4 % en 2018 et continuer à élus. En vertu de cette alliance 4,5 augmenter dans les années à venir), de 28 députés, ils ont remporté 4,2 4 3,9 le pays reste fragilisé par son extrême la majorité absolue à l’Assemblée dépendance envers les bailleurs de nationale. Cette coalition a permis à PIB (milliards $) fonds étrangers et par des indicateurs Delfim Neves, président du Parti de sociaux inquiétants. Pour preuve, la la convergence démocratique (PCD), 0,5 0,5 0,4 0,4 hausse du chômage et la forte prévade prendre la tête du Parlement à la lence du taux de pauvreté. L’inflation fin de novembre. En conséquence, 2016 2017 2018* 2019* grandissante a aussi contribué à Jorge Bom Jesus, leader du MLSTProgner le pouvoir d’achat. Ces revenPSD, a été nommé Premier ministre dications sociales ont certainement par le président de la République, permis au MLSTP-PSD de remporter des voix en prometEvaristo Carvalho, élu en 2016 sous les couleurs de l’ADI. tant de donner la priorité au secteur de la santé, à l’accès à Le parti de Patrice Trovoada a tenté en vain de faire l’électricité et à la lutte contre le chômage. Dès sa prise de intervenir le chef de l’État en sa faveur. À São Tomé-etpouvoir, Jorge Bom Jesus a de fait promis de se mettre au Príncipe, le président dispose d’un rôle d’arbitre, tandis travail pour obtenir « le progrès social » et lutter « contre que le Premier ministre gouverne. la corruption », alors que plusieurs accusations visent son Près de deux mois après le scrutin, la prise de fonction propre parti. de Jorge Bom Jesus, 56 ans, devrait enfin sortir le pays de * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Partage du pouvoir
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LIBYE
Tchad Les douze travaux de Déby Itno
TCHAD NIGER
Lac Tchad
N'Djamena
400 km
La nouvelle Constitution renforce un peu plus les pouvoirs présidentiels. L’État doit réduire ses dépenses tout en évitant la paralysie générale du pays.
NIGERIA
SOUDAN
Moundou CAM.
CENTRAFRIQUE
Car le pays a « du mal à sortir de la récession alors qu’il La IIIe République est morte. Vive la IVe ! Pour Idriss Déby continue de s’adapter à la forte baisse des revenus pétroItno, le début de l’année 2018 n’aura pas été une sinécure. liers », estime le rapport de la Banque mondiale publié en Avec des finances en berne, le Tchad a fait face aux moujuin. L’institution financière appelle surtout, comme le FMI, vements de grève des fonctionnaires. Le chef de l’État, qui à un « ajustement budgétaire rigoureux », qui ne peut que se tenait jusque-là en retrait, a missionné en mars deux de provoquer la colère des fonctionnaires. En août, ceux-ci ont ses proches collaborateurs, Jean-Bernard Padaré, alors d’ailleurs relancé leur mouvement de grève pour protester secrétaire général de la présidence, et Issa Ali Taher, son contre les mesures d’austérité et le directeur de cabinet de l’époque, pour non-paiement de leurs salaires. négocier une sortie de crise. N’Djamena venait alors d’obtenir, Population : 15,4 millions avec l’appui de la France et du FMI, Croissance démographique : 3 % de pouvoir étaler sur deux ans le Sans marge de manœuvre budgéPIB par habitant : 890 $ remboursement de la dette de 1 miltaire, Idriss Déby Itno se trouve une liard de dollars (879 millions d’eunouvelle fois sous tension. Il conserve Espérance de vie : 53,2 ans ros) de la Société des hydrocarbures toutefois des appuis diplomatiques Alphabétisation : 22,3 % du Tchad (SHT) auprès de Glencore. de poids, tant au sein de l’Union afriInflation : 2,1 % Une bouffée d’oxygène pour les caine (UA), où l’ex-Premier ministre caisses de l’État. Résultat: le 15 mars, tchadien Moussa Faki Mahamat préIndice de développement un accord de reprise du travail était side la Commission, qu’à Paris, avec e humain (sur 189 pays) : 186 signé avec les fonctionnaires. Idriss Jean-Yves Le Drian, l’influent ministre Investissements directs étrangers : Déby Itno venait de reprendre la français des Affaires étrangères, qui le 335 millions $ main. Dans la foulée, il annonçait la connaît bien. Pris entre les nécessités tenue d’un forum sur la réforme des d’assurer la sécurité à ses frontières, Balance courante : – 4,2 % du PIB institutions du 19 au 27 mars puis, notamment à travers la force conjointe Principale exportation: hydrocarbures au début d’avril, la création de la G5 Sahel, de diminuer les dépenses de Dernier changement IVe République. l’État tout en évitant la paralysie généde président : 1990 rale du pays, et de réduire un niveau de Entrée en vigueur le 4 mai, la noupauvreté reparti à la hausse depuis la velle Constitution limite à deux le Croissance du PIB (%) chute des cours du brut, le président nombre de mandats présidentiels 3,6 3,5 tchadien fait face à de multiples défis. (d’une durée de six ans) à partir de la – 3,1 – 6,4 D’autant que les bailleurs de fonds lui prochaine élection, qui doit se tenir en réclament avec insistance les réformes 2021, ce qui offre la possibilité à Idriss permettant de mobiliser davantage de Déby Itno d’occuper son fauteuil préPIB (milliards $) recettes fiscales et douanières. sidentiel jusqu’en 2033. Elle valide 11,8 11,1 10,1 9,9 Sur le plan politique, Idriss Déby également la suppression du poste de Itno devra par ailleurs s’atteler à l’orPremier ministre. Depuis, le président 2016 2017 2018* 2019* ganisation des législatives, repoustchadien se trouve en première ligne. sées depuis 2015 et dont il a promis la Malgré une timide reprise des cours tenue prochaine malgré les difficultés du pétrole, le pays traîne toujours les de financement. Il devra également gérer la grogne autour mêmes boulets : terrorisme et rébellions, afflux de réfude Fada, dans sa région natale de l’Ennedi, où les élites giés, mauvais climat des affaires, arriérés de paiements de zaghawas s’agitent. « Nous devons combattre sans relâche l’État, corruption… Si Béchir Madet, ministre du Pétrole et la corruption, la gabegie, le pillage des ressources publiques de l’Énergie d’août 2016 à mai 2018, affichait son optimisme […]. C’est dans la paix, la sécurité et l’unité que la nouvelle en déclarant que « le Tchad allait connaître un deuxième République pourra prospérer », déclarait mi-juin le chef de âge d’or pétrolier entre la fin de 2019 et 2025 », la prudence l’État à l’occasion de l’Aïd el-Fitr. En aura-t-il les moyens? reste de mise. * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Soutien de l’UA et de Paris
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Fiches pays
ÉGYPTE
LIBYE
ARABIE SAOUDITE
Port-Soudan NIGER
SOUDAN
Kassala ÉRYTHRÉE Massawa Asmara
Khartoum
TCHAD
El-Obeid
NIGERIA
190 191 192 193 194 195 196 197 198 199 200
Burundi Djibouti Érythrée Éthiopie Kenya Ouganda Rwanda Somalie Soudan Soudan du Sud Tanzanie
Gondar
SOUDAN DU SUD
CENTRAFRIQUE
Golfe d’Aden Djibouti Berbera Dirédaoua Hargeisa Addis-Abeba Harar Djimma
ÉTHIOPIE SOMALIE
OUGANDA Kampala
CONGO RD CONGO
RWANDA Bujumbura
Lac Victoria Kigali
YÉMEN
DJIBOUTI
Djouba
CAMEROUN
GABON
Mer Rouge
Obbia
Mogadiscio
KENYA
Kisumu
Kismayou
Nairobi
Océan Indien Mombasa
BURUNDI TANZANIE
Dodoma
Zanzibar
300 km
Dar es-Salaam Mbeya
ANGOLA ZAMBIE
MOZAMBIQUE
Afriquedel’Est À l’heure de la détente
lusieurs réconciliations spectaculaires ont rythmé l’année 2018. Dès son arrivée au pouvoir en Éthiopie, Abiy Ahmed a orchestré une vague de réformes sans précédent. Le Premier ministre a ensuite tendu la main au président érythréen, Issayas Afeworki, ce qui a bouleversé la donne géopolitique dans toute la Corne. Un autre rapprochement inattendu a eu lieu au Soudan du Sud, où Salva Kiir et Riek Machar sont parvenus à s’entendre sur le partage du pouvoir. Après avoir joué le rôle de médiateur, Omar el-Béchir attend désormais que l’or noir coule à nouveau chez son voisin pour augmenter ses propres recettes pétrolières.
P
À Nairobi, c’est la réconciliation surprise entre Uhuru Kenyatta et Raila Odinga qui a créé l’événement. Elle a clos la crise électorale et rebattu les cartes pour la présidentielle de 2022. En attendant, l’économie kényane reste l’une des plus dynamiques du continent. À l’inverse, les présidents ougandais, Yoweri Museveni, et tanzanien, John Magufuli, se montrent inflexibles face aux critiques. Le premier a fait adopter une réforme constitutionnelle qui lui permet de briguer un autre mandat, tandis que le second ne cesse de durcir sa gouvernance. Enfin, l’homme fort de Kigali, Paul Kagame, auréolé de ses succès économiques, reste incontournable sur la scène diplomatique.
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Fiches pays AFRIQUE DE L’EST Lac Kivu
RWANDA TANZANIE
Burundi Danse au bord de l’abîme
RD CONGO
BURUNDI Bujumbura
Sous pression, Pierre Nkurunziza brouille les pistes quant à son avenir. L’économie pâtit toujours des effets de la crise politique qui dure depuis 2015.
Lac Tanganyikaa
100 km
accueillie par la communauté internationale, détermiPierre Nkurunziza est un adepte des signaux contradicnée à faire pression sur le président burundais pour qu’il toires. Trois ans après son passage en force pour briguer un respecte sa parole. Néanmoins, à deux ans du scrutin, troisième mandat inconstitutionnel, le président burunaucun dauphin potentiel ne semble se démarquer, le chef dais semblait prêt à tout pour se maintenir au pouvoir. de l’État se gardant bien d’adouber un héritier au sein de Pour preuve, l’annonce en décembre 2017 de l’organisation son parti. Il sera donc intéressant de suivre, au cours de d’un référendum constitutionnel. Le nouveau texte, qui a l’année préélectorale qui s’ouvre, la dynamique interne été approuvé par 73 % des Burundais le 17 mai 2018 à l’issue du CNDD-FDD. D’autant que c’est le d’une campagne chaotique, autorise parti majoritaire qui devra désigner l’ancien maquisard de 55 ans à briguer son candidat et que rien n’exclut qu’il deux septennats à partir de 2020. À la Population : 11,2 millions soutienne… Pierre Nkurunziza. tête du pays depuis 2005, Nkurunziza Croissance démographique : 3,2 % En face, l’opposition avance toujours a désormais les coudées franches PIB par habitant : 307 $ en ordre dispersé. Le Cnared, la platepour rester en place jusqu’en 2034. La forme des opposants en exil, est pour révision de la Constitution supprime Espérance de vie : 57,9 ans l’instant empêtrée dans des querelles également un des deux postes de Alphabétisation : 61,6 % internes. Elle n’a pas encore dévoilé vice-président tout en réduisant les Inflation : 1,2 % de stratégie pour le scrutin à venir et prérogatives de cette fonction. Elle peine à rebondir après l’annonce surrenforce en revanche les pouvoirs Indice de développement prise de Pierre Nkurunziza. De même, au Parlement du parti majoritaire, le e humain (sur 189 pays) : 185 à l’intérieur du pays, la coalition de CNDD-FDD, qui a accordé en mars le Investissements directs étrangers : l’opposant Agathon Rwasa ne parvient titre de « guide suprême éternel » à 300 000 $ toujours pas à peser sur les débats. Pierre Nkurunziza. Par ailleurs, la situation des droits Balance courante : – 13,4 % du PIB de l’homme inquiète toujours autant Principale exportation : café au Burundi. La récente campagne Pourtant, un coup de théâtre est Dernier changement pour le référendum a vu la montée en intervenu le 7 juin 2018, à l’occasion de président : 2005 puissance des Imbonerakure, la ligue de la cérémonie de promulgation des jeunes du CNDD-FDD qualifiée de la nouvelle Constitution. Pierre Croissance du PIB (%) de milice par l’ONU et dont l’ancien Nkurunziza a pris tout le monde de 0,4 0,1 leader, Ezéchiel Nibigira, a été promu court en annonçant qu’il soutien0 chef de la diplomatie lors du remaniedra « le nouveau président de la –1 ment du 19 avril. Pierre Nkurunziza République » qui sera élu en 2020. a également été visé par un rapport Accueillie avec surprise au CNDDPIB (milliards $) d’une commission d’enquête de FDD et avec scepticisme dans l’op3,6 3,4 3,4 3,1 l’ONU, mise en place en 2016 et dont position, cette déclaration, dont les le mandat a été renouvelé en septermes ambigus entretiennent le flou 2016 2017 2018* 2019* tembre. Celle-ci accuse notamment autour des réelles intentions du chef le président « d’incitation à la haine ». de l’État, reste toutefois révélatrice de Sur le front économique, le Burundi la pression qui pèse sur le régime de subit toujours les effets de la crise politique que le pays traBujumbura depuis 2015. Une pression qui devrait s’accenverse depuis 2015. Suspension des aides financières des tuer à mesure que le scrutin approche. Le gouvernement principaux bailleurs de fonds, assèchement des réserves s’est attiré les foudres de la communauté internationale de change, hausse des prix des produits d’importation ces dernières années en raison d’un dialogue national resté et chute des investissements sont autant de facteurs qui au point mort. expliquent la mauvaise santé de l’économie. Avec, pour La déclaration de Pierre Nkurunziza lors du discours conséquence, une croissance atone depuis deux ans. d’entrée en vigueur de la Constitution a, de fait, été bien * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
L’art du contre-pied
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YÉMEN
ÉRYTHRÉE
Djibouti Des bouleversements en cascade
ÉTHIOPIE
DJIBOUTI Golfe d’Aden
Djibouti
Le pays multiplie les projets pour devenir un hub logistique sous-régional. Après avoir été chassé du port de Doraleh, DP World a porté l’affaire en justice.
SOMALIE 30 km
soudanais ainsi que celle du Premier ministre éthiopien lors Pour Djibouti, 2018 restera comme une année charnière. de l’inauguration de la DIFTZ semblaient d’ailleurs le confirEn douze mois, le pays a connu de sérieux changements, mer. Mais le contexte a encore évolué quelques semaines tant sur la scène intérieure qu’au niveau sous-régional. plus tard, avec le rapprochement spectaculaire de l’Éthiopie Tout avait pourtant commencé le plus normalement du et de l’Érythrée. Situation inimaginable il y a peu, les deux monde puisque les législatives du 23 février avaient, sans frères ennemis multiplient les contacts entre eux et avec surprise, un peu plus conforté le pouvoir d’Ismaïl Omar les Somaliens, mais pas avec les Djiboutiens, qui craignent Guelleh (IOG). Sa coalition Union pour la majorité présialors d’être isolés de leurs voisins. dentielle (UMP) dispose désormais de D’autant plus que, bien décidé à faire 58 des 65 sièges de l’Assemblée natiopayer leur décision aux autorités djinale. Seule nouveauté notoire pour Population : 1 million boutiennes, DP World s’est lancé dans ce scrutin joué d’avance : le quota de Croissance démographique : 1,5 % une vaste politique expansionniste 25 % réservé aux femmes, ce qui perPIB par habitant : 2 085 $ dans la région. Après avoir récupéré met aujourd’hui au pays de compter le port de Berbera au Somaliland, quinze élues, contre huit en 2013. Espérance de vie : 62,6 ans l’opérateur s’intéresse désormais de Pourtant, la veille du scrutin, un Alphabétisation : NC près aux ports érythréens d’Assab et autre événement allait changer la Inflation : 1 % de Massawa, concurrents naturels donne dans le pays. Il s’agit de la de Djibouti une fois qu’ils auront été décision prise unilatéralement par Indice de développement modernisés. En attendant, les milla direction portuaire de Djibouti de e humain (sur 189 pays) : 172 liards de dollars déversés par la Chine mettre un terme au contrat de concesInvestissements directs étrangers : à Djibouti ont certes alourdi la dette sion qui la liait depuis 2006, et pour 165 millions $ publique du pays, mais ils lui pertrente ans, à DP World. Alors que la mettent aussi de conserver une avance guerre d’escarmouches entre le port et Balance courante : – 14,3 % du PIB certaine sur ses rivaux. son opérateur dubaïote durait depuis Principale exportation : bétail plusieurs années, les Djiboutiens, sûrs Dernier changement de leur bon droit, ont soudain changé de président : 1999 de stratégie en renationalisant, pureFort du soutien de Pékin, qui voit dans ment et simplement, le terminal à le pays sa porte d’accès privilégiée au Croissance du PIB (%) conteneurs de Doraleh. Une première continent, le gouvernement d’IOG a 6,7 6,7 6,7 6,5 sur le continent dont les conséquences été soulagé de voir qu’Addis-Abeba restent encore à mesurer pour la petite n’était pas prêt à l’abandonner. La République, condamnée en sepvisite éclair à Djibouti des ministres PIB (milliards $) tembre pour saisie illégale par la Cour des Affaires étrangères éthiopien, d’arbitrage international de Londres. érythréen – pour la première fois 2,4 2,2 2 1,9 Ce conflit n’a pas empêché IOG depuis 2000 – et somalien, le 6 sepd’inaugurer un investissement tembre, a réconforté les Djiboutiens, 2016 2017 2018* 2019* portuaire hors norme en coupant, tout en replaçant la petite République le 5 juillet, le ruban de la Djibouti au cœur du grand jeu diplomatique International Free Trade Zone en cours dans la région. Au point (DIFTZ), dont la première tranche a été construite par des que le pays envisage sérieusement de normaliser ses relagroupes chinois pour 370 millions de dollars (324 millions tions avec son voisin du Nord, avec lequel il entretient un d’euros). Un an après la réception du Doraleh MultiPurpose conflit frontalier depuis près de vingt ans. Les pourparlers Port (DMPP) et de ses premiers terminaux décentralisés à devraient se poursuivre dans les prochains mois. En espéTadjourah et au Goubet, les autorités affirmaient alors un rant qu’une solution soit également trouvée avec DP World, peu plus leur volonté de faire du pays un hub logistique à dont l’influence et les dollars pourraient causer beaucoup l’échelle de la Corne. La présence des présidents somalien et de torts à Djibouti dans la région. * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Signaux positifs
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Fiches pays AFRIQUE DE L’EST
SOUDAN
Mer Rouge
ARABIE SAOUDITE
ÉRYTHRÉE
Érythrée Retour en grâce d’Afeworki
YÉMEN
Asmara
ÉTHIOPIE Assab
Le rapprochement avec l’Éthiopie bouleverse la donne géopolitique dans la Corne. Asmara compte sur le secteur minier pour redresser son économie, exsangue.
DJIBOUTI 200 km
arabes unis du rapprochement entre l’Éthiopie et l’ÉryLes qualificatifs peu flatteurs n’ont jamais manqué pour thrée. Avec ses ports d’Assab et de Massawa, l’Érythrée évoquer l’Érythrée, pays souvent décrit comme la « Corée représente un point stratégique le long de la mer Rouge du Nord » de l’Afrique. Paria de la région, le régime d’Issayas dans le cadre de la guerre au Yémen. Afeworki, au pouvoir depuis l’indépendance, en 1993, ne Mais si Abiy Ahmed accompagne son offensive diplomarésiste pas au vent de changement qui souffle dans la Corne tique régionale de réformes d’envergure sur le plan intéde l’Afrique. L’arrivée au pouvoir d’Abiy Ahmed en Éthiopie rieur, le système Afeworki reste, lui, solidement implanté a bouleversé la dynamique de la région, confrontée à de en Érythrée. Aucune élection n’a été profonds changements et à une vériorganisée depuis l’indépendance, tantable reconfiguration géopolitique. dis que le Parlement ne s’est pas réuni Dans ce contexte, Issayas Afeworki a Population : 5,2 millions depuis 2002. Le pays reste encore accepté de saisir la main tendue début Croissance démographique : 2,3 % bloqué, en 2018, à la 179e et avant-derjuin par le nouveau Premier ministre PIB par habitant : 1 112 $ éthiopien. Si la décision a été longue nière place du classement mondial à prendre – plus de deux semaines –, de la liberté de la presse de Reporters Espérance de vie : 65,5 ans c’est que le dilemme est de taille pour sans frontières, juste devant la Corée Alphabétisation : 64,7 % le président érythréen. du Nord. Et il occupe toujours le 179e Inflation : 9 % Alors que l’économie est au bord de rang (sur 189) au niveau de l’indice de l’asphyxie, l’isolement diplomatique développement humain (IDH), selon Indice de développement dont Asmara fait l’objet alimente le dernier rapport du Pnud. e humain (sur 189 pays) : 179 le discours autoritaire du pouvoir Investissements directs étrangers : depuis un quart de siècle. Le président 55 millions $ a, depuis l’indépendance, fait de la Quant à son économie, elle a souffert menace éthiopienne un des piliers des sanctions onusiennes en cours Balance courante : – 1,6 % du PIB de sa longévité à la tête de l’État. C’est depuis 2009. Celles-ci viennent d’être Principale exportation : poisson un argument utile pour justifier l’hylevées à la suite du rapprochement Dernier changement permilitarisation du pays et la mise avec Addis-Abeba et de la poignée de de président : 1993 au pas de l’opposition. Accepter le mains symbolique avec le président dialogue avec l’Éthiopie en vue d’un djiboutien, Ismaël Omar Guelleh. En Croissance du PIB (%) rapprochement revêt donc un risque attendant l’impact d’une telle mesure, 5 sur le long terme pour le président 4,2 le climat des affaires reste défavo3,8 érythréen. Les deux pays ont mis fin rable. Le pays occupe toujours l’avant1,9 le 9 juillet à l’état de guerre qui durait dernière place du classement « Doing depuis vingt ans. Le conflit frontaBusiness » de la Banque mondiale. PIB (milliards $) lier aura fait 80000 morts entre 1998 Avec une croissance de 4,2 % cette 7,7 6,7 5,8 et 2000, date de l’accord de paix année, le dynamisme de l’économie 5 (précaire) signé à Alger. À la suite de est largement tributaire de l’essor du 2016 2017 2018* 2019* cette réconciliation, les mouvements secteur minier, dans lequel le pays rebelles éthiopiens basés en Érythrée a beaucoup investi ces dernières se sont pour la plupart repliés dans années, notamment à travers l’exleur pays. ploitation des mines de Koka (or) et d’Asmara (cuivre, zinc, Depuis, les frontières ont été rouvertes, et les rencontres or, argent). La société publique Eritrean National Mining se sont multipliées entre Issayas Afeworki et Abiy Ahmed, Corporation exploite aussi la mine de potasse de Colluli, en d’Addis-Abeba à Asmara en passant par Djeddah, où les partenariat avec la compagnie australienne Danakili Ltd. deux protagonistes ont signé en septembre un nouvel Mais dans ce domaine, le fleuron érythréen, principale accord de paix. Le tout sous l’œil attentif du roi d’Arabie source de revenus, reste la mine de Bisha (cuivre et zinc), saoudite, Salman Ben Abdelaziz, parrain avec les Émirats située dans l’ouest du pays. * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Fin des sanctions de l’ONU
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Mer Rouge
ÉRYTHRÉE
Éthiopie Révolution de velours
YÉMEN DJIBOUTI
Addis-Abeba
SOUDAN DU SUD
Un vent de renouveau souffle sur le pays depuis la nomination d’Abiy Ahmed. Le Premier ministre réforme l’économie pour attirer les investisseurs étrangers.
Dirédaoua
Golfe d’Aden
SOMALIE
ÉTHIOPIE KENYA
300 km
en particulier s’aménager un accès à la mer dont il est privé À la fin de 2017, l’Éthiopie se trouvait à la croisée des chedepuis l’indépendance de son voisin, en 1993, ainsi que parmins. Après deux ans de contestation antigouvernementale, ticiper au développement des ports érythréens d’Assab et notamment dans les régions Oromo et Amhara, dont les ethde Massawa. Les défis, communs aux deux États, à relever nies comptent pour 60 % de la population, Hailemariam pour 2019 restent néanmoins colossaux, à commencer par Desalegn, le Premier ministre issu du Front démocratique l’éternel litige frontalier à l’origine du conflit de 1998. révolutionnaire des peuples éthiopiens (EPRDF), était Sur le plan politique, plusieurs partis en exil ont répondu dos au mur. Le 15 février 2018, il n’a eu d’autre choix que à l’appel du pied du nouveau pouvoir, de remettre sa démission. Le pouqui a dit souhaiter organiser des élecvoir a alors laissé craindre le pire en tions libres et transparentes en 2020. rétablissant dès le lendemain l’état Population : 107,5 millions L’OLF, l’ODF ou encore l’OMN, tous d’urgence pour six mois. Finalement, Croissance démographique : 2,4 % des mouvements oromos, ont ainsi le 28 mars, après six semaines de PIB par habitant : 891 $ mis fin à leur exil. Parmi les groupes chaise vide, l’EPRDF s’est choisi pour amharas, le Nama, l’ADMF et surtout Premier ministre un Oromo – une preEspérance de vie : 65,9 ans le Ginbot 7, autrefois considéré comme mière – en la personne d’Abiy Ahmed. Alphabétisation : 39 % un mouvement terroriste, sont de L’ancien lieutenant-colonel de 42 ans, Inflation : 12,7 % même retournés en Éthiopie. Reste à dont le père est musulman et la mère savoir quelle sera la place laissée à ces chrétienne, a depuis orchestré une Indice de développement formations dans un espace politique vague de réformes sans précédent e humain (sur 189 pays) : 173 verrouillé par l’EPRDF depuis près de dans le pays. Investissements directs étrangers : trente ans. C’est là toute la difficulté de 3,6 milliards $ la tâche d’Abiy Ahmed, formé dans ces arcanes et pur produit du système qu’il L’arrivée au pouvoir d’Abiy Ahmed Balance courante : – 6,2 % du PIB tente de réformer. Jusqu’où pourra-t-il et les changements en cours signent Principale exportation : café assouplir le fonctionnement d’un poula fin d’un système politique à bout Dernier changement voir foncièrement autoritaire? Quelle de souffle, cadenassé depuis 1991 par de Premier ministre : 2018 marge de manœuvre lui laissera une le Front de libération des peuples coalition acquise à sa cause mais où le du Tigray (TPLF) – dont l’ethnie ne Croissance du PIB (%) TPLF, dont il a évincé la vieille garde, compte que pour 6 % de la population. 10,9 tente de faire de la résistance? Le Premier ministre a pris le pouvoir 8,5 8 7,5 Sur le terrain économique aussi, dans un contexte de défiance envers l’Éthiopie, géant de la région avec la classe politique. C’est pourquoi il plus de 100 millions d’habitants, s’est s’est avant tout employé, au cours des PIB (milliards $) engagée sur la voie du changement en premiers mois de son mandat, à don88,2 83,8 80,9 73,2 reconnaissant les limites du dirigisme ner des gages de confiance en libérant et en annonçant l’ouverture du capides prisonniers politiques et des jour2016 2017 2018* 2019* tal de certaines entreprises publiques nalistes, en levant l’état d’urgence ou emblématiques comme la compagnie encore en rétablissant internet. Ethiopian Airlines. À travers cette Mais la révolution éthiopienne va révolution, l’objectif du pouvoir est simple: attirer les invesbien plus loin et engage le pays sur le long terme. Sur le tisseurs étrangers pour financer les infrastructures dont le plan international, le Premier ministre a tendu la main au pays a besoin. De quoi rendre optimiste le FMI, qui prévoit président érythréen Issayas Afeworki. Les deux pays, qui une croissance économique de 8,5 % en 2019. sont brouillés depuis vingt ans à cause de la guerre qui a Pour aller au bout de ses réformes, Abiy Ahmed devra par fait 80000 morts entre 1998 et 2000, ont amorcé un rapproailleurs parvenir à apaiser les différents foyers de tensions chement éclair sous le haut patronage de l’Arabie saoudite. ethniques, notamment en régions Somali et Oromo. En entamant des démarches de paix, Addis-Abeba souhaite * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Mesures d’assouplissement
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193
Fiches pays AFRIQUE DE L’EST SOUDAN DU SUD
ÉTHIOPIE
OUGANDA
Kenya Faites (déjà) vos jeux pour 2022 La réconciliation entre Kenyatta et Odinga a rebattu les cartes politiques. Les projets d’infrastructures et le secteur du tourisme stimulent l’économie.
K E N YA
Lac Victoria
SOMALIE
Kisumu Nairobi Mombasa
Océan Indien
TANZANIE 200 km
La disgrâce de Ruto
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jeuneafrique no 3024H
* ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
visés par la campagne anticorruption lancée à la fin de Hier ennemis, aujourd’hui « frères » ? Le 9 mars 2018, le président Uhuru Kenyatta a reçu le chef de file de l’opposimai 2018 par le chef de l’État. Plusieurs personnalités tion, Raila Odinga, dans ses bureaux de Harambee House, à politiques et hauts fonctionnaires ont été épinglés, parmi Nairobi. À l’issue de cette rencontre, sous l’œil des caméras, lesquels la vice-présidente de la Cour suprême, Philomena Mbete Mwilu. L’arrestation d’une des juges ayant annulé la une poignée de main symbolique et une déclaration comréélection d’Uhuru Kenyatta en août 2017 fait néanmoins mune annonçant la fin de leurs dissensions. Cette prétendue planer le doute sur l’indépendance du directeur des pourréconciliation entre les deux meilleurs ennemis d’hier intersuites pénales, Noordin Haji. Cette vient un mois après le rassemblement année-là, les affrontements entre polidemilliersdepartisansdeRailaOdinga dans le parc Uhuru, en plein cœur de ciers et manifestants ont par ailleurs Population : 51 millions la capitale, au cours duquel l’opposant fait une soixantaine de morts. Ce lourd Croissance démographique : 2,5 % historique a prêté serment en tant que bilan reste toutefois sans commune PIB par habitant : 1 865 $ mesure avec les violences postélec« président du peuple du Kenya ». torales de 2007-2008, qui avaient fait Raila Odinga avait appelé au Espérance de vie : 67,3 ans 1100 morts. Cependant, ces incidents boycott du scrutin présidentiel du Alphabétisation : 78,7 % ne sont pas de bon augure, d’autant 26 octobre 2017 après l’annulation Inflation : 5 % plus que l’élection présidentielle de par la Cour suprême du premier scrutin qui s’était tenu le 8 août 2017. Son 2022 s’annonce elle aussi tendue. Indice de développement appel a été largement suivi puisque Durant la campagne électorale, e humain (sur 189 pays) : 142 à peine un tiers des Kényans se sont l’économie kényane, l’une des plus Investissements directs étrangers : dynamiques du continent, a prouvé rendus aux urnes. Et Uhuru Kenyatta 672 millions $ sa résilience. L’activité est soutenue a été reconduit pour un second et par les projets d’infrastructures et la dernier mandat avec 98 % des voix. Balance courante : – 5,6 % du PIB bonne santé du secteur du tourisme. À 72 ans, le leader luo Raila Odinga Principale exportation : thé Le climat des affaires s’est aussi nettemenait sa quatrième et peut-être derDernier changement nière campagne. Depuis sa défaite ment amélioré. Depuis 2014, Nairobi de président : 2013 électorale, sa coalition, la National a gagné 56 rangs dans le classement Super Alliance (Nasa), apparaît divi« Doing Business » de la Banque monCroissance du PIB (%) diale et occupe désormais la 80e place. sée, et sa succession reste incertaine 6,1 6 5,9 en vue de l’élection présidentielle de À l’horizon 2022, le gouvernement 4,9 2022. Le rapprochement inattendu veut avoir augmenté de 8,4 % à 15 % du entre Uhuru Kenyatta et Raila Odinga PIB la contribution du secteur manuPIB (milliards $) devrait in fine rebattre les cartes tant facturier, à travers des investissements au sein du clan présidentiel que de dans le domaine de l’agro-industrie, 98,3 89,6 79,2 70,9 l’opposition. du fer, de l’acier, du pétrole et du gaz. Le plan de développement national 2016 2017 2018* 2019* intitulé « Vision 2030 », annoncé fin 2017, donne pour secteurs prioritaires De son côté, le président kényan l’industrie, la santé pour tous, l’accès est censé céder sa place en 2022 à au logement et la sécurité alimentaire. Au chapitre des mauWilliam Ruto, son vice-président, selon les termes d’un vaises nouvelles, la politique budgétaire expansionniste du pacte scellé en 2013. Cependant, les relations entre les pays a creusé le déficit, qui a atteint 8,3 % en 2017 puis 6,6 % deux hommes se sont tendues ces derniers temps. En en 2018. Elle a aussi augmenté la dette publique, à 53 % du parallèle, Uhuru Kenyatta a engagé des discussions avec PIB. Enfin, alors que la sécheresse avait fait pression sur les Gideon Moi. Le fils de l’ancien président Daniel arap Moi, prix alimentaires en 2017, l’inflation est restée forte cette kalenjin comme Ruto, nourrit lui aussi de grandes ambiannée (5 %). tions. Des proches du vice-président ont par ailleurs été
SOUDAN DU SUD Gulu
OUGANDA
100 km
Ouganda Museveni, président à vie ?
RD CONGO
Kampala Mbarara
La réforme de la Constitution ouvre la voie à une candidature du chef de l’État en 2021. Le dynamisme de l’économie est amplifié par une politique de grands travaux.
Jinja
KENYA
Lac Victoria
RWANDA TANZANIE
L’arrestation de l’ancien chanteur et les manifestations Yoweri Museveni, 74 ans, a de nouveau prouvé qu’il n’accorqui se sont ensuivies ont mis en lumière un climat social dait que peu d’importance aux critiques. Au début de 2018, tendu, affecté par la criminalité, la corruption et les vioson porte-parole a annoncé la ratification d’une réforme lences policières. Autre sujet de contestation : la mise en constitutionnelle très controversée qui supprime l’âge limite place, le 1er juillet, d’une taxe quotidienne de 200 shillings de 75 ans pour être élu président. Cette modification de la Constitution pourrait donc permettre au chef de l’État d’être (5 centimes d’euro) pour accéder à WhatsApp, Facebook ou réélu pour un sixième mandat en 2021, à 77 ans. encore Twitter. Si cet impôt a mécontenté une partie de la La réforme réintroduit également jeunesse – un Ougandais sur deux a la limite de deux mandats présidenmoins de 16 ans –, le gouvernement tiels, qui avait été supprimée en 2005 s’est aussi attiré les foudres du monde Population : 44,3 millions pour permettre à Yoweri Museveni de des affaires en introduisant une taxe Croissance démographique : 3,2 % se représenter. Mais cette limitation de 1 % sur les transactions financières PIB par habitant : 717 $ n’entrera en vigueur qu’après la proréalisées par téléphone mobile. chaine élection, ce qui l’autorise en Espérance de vie : 60,2 ans théorie à briguer encore deux autres Alphabétisation : 70,2 % mandats. « Une fraude constitutionCes contestations n’ont pas semblé Inflation : 3,8 % nelle », a réagi le chef de l’opposition, infléchir Yoweri Museveni. Depuis Kizza Besigye, au moment de la ratila State House, le président ouganIndice de développement fication de la loi. « C’est un plan bien dais préfère mettre l’accent sur ses e humain (sur 189 pays) : 162 orchestré pour avoir Museveni au pougrands projets d’infrastructures dans Investissements directs étrangers : voir à vie », a-t-il dénoncé. les domaines énergétique, pétrolier 700 millions $ Les critiques de l’opposant histoet routier, tels que l’autoroute reliant rique au chef de l’État ont été ampliKampala à l’aéroport international Balance courante : – 6,9 % du PIB fiées par celles de Robert Kyagulanyi, d’Entebbe, construite par une entrePrincipale exportation : café l’étoile montante de l’opposition plus prise chinoise et inaugurée en grande Dernier changement connue sous son nom de scène, Bobi pompe en juin. Mais cette politique de de président : 1986 Wine. Alors que ses discours trouvent grands travaux commence à inquiéun écho grandissant au sein de la ter en raison de l’endettement public Croissance du PIB (%) population, l’ancienne star de ragga, qu’elle génère. La dette du pays a en 6,1 5,9 élue à l’Assemblée nationale en 2017, effet bondi, passant de 28 % du PIB en 4,8 a été arrêtée le 14 août, accusée d’avoir 2013 à 38 % en 2017, selon Moody’s. 2,3 entravé le passage du cortège présiL’agence américaine pointait d’aildentiel. Le député a alors été inculpé leurs en mars « la vulnérabilité de PIB (milliards $) pour trahison par un tribunal civil. l’Ouganda » face à cet endettement. 30 27,9 26,6 24,5 Signe de sa popularité, son arrestaCes statistiques macroéconomiques tion a déclenché des manifestations restent cependant très éloignées des 2016 2017 2018* 2019* violemment réprimées à Kampala, préoccupations quotidiennes de ainsi que de nombreuses protestations la population. Selon un rapport du d’artistes internationaux. Libéré sous Bureau ougandais des statistiques caution, Robert Kyagulanyi s’est envolé pour les États-Unis, cité par la Banque africaine de développement (BAD), le où il a dénoncé au début de septembre 2018 la torture et les taux de pauvreté est passé de 20 % en 2016 à plus de 27 % en violences subies en détention. « Je veux continuer à appeler 2017, à cause notamment d’une sécheresse persistante ayant tous les Ougandais à se battre », a déclaré le député depuis compromis les récoltes et fait flamber les prix des denrées. Washington, ce qui augure d’un match politique amené à Si la sécheresse s’est avérée moins sévère en 2018, Yoweri se poursuivre. À son retour en Ouganda, en septembre, il a Museveni devra compter sur des paramètres moins aléaaffirmé que la police lui avait confisqué son passeport. toires pour calmer la grogne sociale. * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Alerte sur la dette
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Fiches pays AFRIQUE DE L’EST OUGANDA
TANZANIE
50 km
Rwanda Kagame, VIP à l’international
Lac Kivu
Le stratège de Kigali est devenu un acteur clé de la scène diplomatique. Le pays poursuit sa bonne marche économique vingt-cinq ans après le génocide.
RD CONGO
R WA N D A Kigali
BURUNDI
dès le mois de janvier et sera particulièrement scrutée par Rarement le Rwanda et son président auront occupé le ses détracteurs sur la question des droits de l’homme. devant de la scène politique internationale autant qu’en Beaucoup d’observateurs ont d’ailleurs vu dans la libé2018. À la tête de l’Union africaine (UA) tout d’abord, où ration anticipée de l’opposante Victoire Ingabire, le 15 sepPaul Kagame – qui avait pris la présidence de l’organisation tembre, à la suite d’une grâce présidentielle, un acte de en janvier – a tenté de pousser ses réformes à travers deux bonne volonté de Kigali avant l’élection à l’OIF. Ce que les sommets extraordinaires, à Kigali en mars et à Addis-Abeba autorités ont nié. Si la présidente des Forces démocratiques en novembre. Avec la France, ensuite, avec qui le chef de unifiées assure n’avoir rien perdu de l’État a ouvert une nouvelle ère. Après son engagement, son mouvement, plusieurs rencontres avec Emmanuel dont la plupart des membres sont en Macron lors de sommets à New York Population : 12,5 millions exil ou en prison, n’est pas autorisé au ou à New Delhi, Paul Kagame s’est Croissance démographique : 2,4 % Rwanda. finalement rendu en mai à Paris, pour PIB par habitant : 800 $ la première fois depuis 2015, avant d’y revenir pour les commémorations du Espérance de vie : 67,5 ans 11 Novembre. Le président français Le pays a organisé ses élections légisAlphabétisation : 68,3 % a d’ores et déjà reçu une invitation latives en septembre. Si l’issue du Inflation : 3,3 % pour se rendre en visite officielle au scrutin laissait peu de place au doute, Rwanda en 2019. Cette détente amorl’entrée au Parlement du Democratic Indice de développement cée avec l’Élysée pourrait donc s’accéGreen Party of Rwanda de Frank e humain (sur 189 pays) : 158 lérer, d’autant que le parquet de Paris Habineza, candidat malheureux face Investissements directs étrangers : a requis en octobre un non-lieu dans le à Paul Kagame lors de la présidentielle 366 millions $ cadre de l’affaire de l’attentat du 6 avril de 2017, est une petite surprise dans un 1994 qui empoisonne les relations pays régulièrement accusé de museler Balance courante : – 8,9 % du PIB franco-rwandaises depuis plus de l’opposition. Les élections sénatoriales Principale exportation: hydrocarbures vingt ans. Il appartient désormais aux doivent suivre en septembre 2019. Dernier changement juges d’instruction de suivre ou non Néanmoins, les voix discordantes ne de président : 2000 ces réquisitions, dans l’espoir d’aboutir sont pas légion, bien que ce constat à une clôture du dossier, ce que Kigali puisse évoluer dans les mois à venir. Croissance du PIB (%) considère comme une étape indispenÀ l’heure de commémorer les vingt7,8 sable pour acter le rapprochement. cinq ans du génocide des Tutsis, en 7,2 Les retrouvailles avec Paris se sont avril 2019, le Rwanda poursuit sur sa 6,1 6 cristallisées autour de l’Organisation lancée économique. Au 29e rang du internationale de la francophonie classement « Doing Business » établi PIB (milliards $) (OIF), troisième fait marquant de la par la Banque mondiale et deuxième 10,5 9,7 9,1 8,5 politique internationale rwandaise pays africain, il est notamment cité en 2018. Après neuf années de loyaux en exemple pour ses politiques d’ac2016 2017 2018* 2019* services comme ministre des Affaires cès au crédit. étrangères, Louise Mushikiwabo a La récente signature d’un partenapris en octobre la tête de l’OIF, à la riat avec le géant chinois Alibaba pour faveur du soutien de la France, acté lors du déplacement le lancement d’une plateforme de commerce électronique de Paul Kagame en mai, et du consensus africain acquis au confirme le Rwanda dans sa position de hub régional. La sommet de l’UA à Nouakchott. Cette séquence marque le compagnie aérienne nationale, pilier de la stratégie tourisretour au premier plan du Rwanda dans une organisation tique du pays, poursuit son développement à vitesse grand V que beaucoup l’accusaient d’avoir délaissée, dix ans après puisque RwandAir s’apprête à ouvrir de nouvelles lignes en le passage de l’enseignement et de la fonction publique à 2019, notamment vers l’Europe et New York. L’hypothèse l’anglais. Louise Mushikiwabo prendra ses quartiers à Paris d’une ligne directe vers Paris est aussi sur la table. * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Partenariat avec Alibaba
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DJIBOUTI Hargeisa
ÉTHIOPIE
Somalie D’une crise l’autre
SOMALIE
Océan Indien
Mogadiscio
KENYA
Mogadiscio est à nouveau engagé dans un bras de fer avec les États régionaux. Le gouvernement fédéral ne parvient pas à neutraliser les insurgés Shebab.
200 km
Un mois plus tôt, une autre crise, parlementaire cette L’union fait la force. Cinq chefs des États fédérés (Jubaland, fois, avait conduit à la démission du président de l’AssemPuntland, West Land, Galmudug et Hirshabelle) ont blée nationale, Mohamed Osman Jawari, alors qu’il prépaannoncé, dans un communiqué diffusé le 8 septembre, rait une motion de censure contre le Premier ministre. Il l’arrêt de leur coopération avec Mogadiscio. Pour la prea été remplacé par l’ex-ministre de la Défense, Mohamed mière fois, les présidents de région adoptent une position Mursal Abdirahman, ancien ambassadeur en Turquie, commune pour mettre en cause la légitimité du président alliée du Qatar. De peur que la situation ne lui échappe, Mohamed Abdullahi Mohamed, dit « Farmajo », élu en 2017. Farmajo s’est alors rapproché de l’axe Au cœur de la brouille, le non-respect Riyad-Abou Dhabi. des accords financiers entre le pouvoir Ces crises aggravent l’instabilité central et les États régionaux. Population : 15,2 millions en Somalie au seul profit des Shebab, Alors que le fédéralisme n’est pas Croissance démographique : 3 % menace numéro un du gouvernement clairement défini par la Constitution PIB par habitant : NC fédéral. Les combattants islamistes actuelle, adoptée à titre provisoire sont présents dans plusieurs quartiers en 2012, cette crise hypothèque le Espérance de vie : NC de Mogadiscio et contrôlent de vastes processus de révision constitutionAlphabétisation : NC zones rurales. Au vu de sa faiblesse, nelle devant aboutir à un nouveau Inflation : NC l’armée nationale semble incapable texte avant les prochaines élections, de prendre le relais de la mission en 2020. Pour l’heure, le président Indice de développement de l’Union africaine en Somalie du Jubaland (extrême Sud), Ahmed humain (sur 189 pays) : NC (Amisom), qui a annoncé le retrait Mohamed Islam, dit « Madobe », Investissements directs étrangers : total de ses troupes (22000 hommes) qui fut un temps l’un des terroristes 384 millions $ au plus tard en décembre 2021. les plus recherchés dans la Corne En dépit de cette extrême instabide l’Afrique, fait figure de principal Balance courante : – 6,3 % du PIB lité, le gouvernement fédéral bénéficie opposant. Principale exportation : bétail du soutien de la communauté interDernier changement nationale. Entre 2016 et 2017, les subde président : 2017 ventions des donateurs ont presque La lutte fratricide qui oppose de l’autre doublé, passant de 55,3 millions à côté de la mer Rouge les puissances Croissance du PIB (%) 103,6 millions de dollars. Pourtant, du Golfe empoisonne les relations 4,4 la mauvaise gouvernance reste un entre l’État fédéral et les États régio3,5 3,1 fléau puisque, selon Transparency naux. L’Arabie saoudite et les Émirats 2,3 International, la Somalie est l’État le arabes unis (EAU) mettent la pression plus corrompu de la planète. sur Farmajo pour qu’il se détourne du PIB (milliards $) Après trente ans de guerre, plus de Qatar. Le président somalien aurait 7,8 7,4 7,1 6,8 la moitié de la population vit dans la reçu des fonds de l’émirat durant la pauvreté. En avril, des inondations campagne électorale et a nommé, 2016 2017 2018* 2019* soudaines et dévastatrices ont affecté une fois au pouvoir, des hauts responplus de 500 000 personnes. En 2017, sables proches de Doha. En réaction, c’est la sécheresse qui avait durement les EAU semblent avoir apporté leur affecté le secteur agricole, pilier de l’économie (60 % du soutien aux États fédérés. Un contrat a même été signé PIB). Étonnamment, le secteur de la téléphonie mobile est entre l’opérateur dubaïote DP World et l’État du Somaliland l’un des mieux portants. 70 % des adultes utilisent régupour la remise en service du port de Berbera, au grand dam lièrement des services de mobile money. Chaque mois, ils de Mogadiscio. Les tensions ont connu leur apogée en avril effectuent 155 millions de transactions, pour un montant avec la confiscation de 9,6 millions de dollars (8,5 millions global de 2,7 millions de dollars, soit l’un des marchés les d’euros) en cash, transportés dans un avion émirati, à l’aéplus dynamiques du continent. roport international de Mogadiscio. * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Le Golfe, facteur d’instabilité
jeuneafrique no 3024H
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Fiches pays AFRIQUE DE L’EST 400 km
ÉGYPTE
LIBYE
TCHAD
Soudan Marasme permanent
Khartoum
ge ou rR Me
Port-Soudan
ARABIE SAOUD.
ÉRYTHRÉE
SOUDAN ÉTHIOPIE CENTRAF.
Omar el-Béchir briguera un troisième mandat non constitutionnel en 2020. L’économie touche le fond, torpillée par la perte des recettes pétrolières du Sud.
SOUDAN DU SUD
Le retrait de la Mission conjointe de l’Union africaine L’année 2019 pourrait être décisive pour le Soudan. Le et des Nations unies au Darfour (Minuad), souhaité par 30 juin marquera la date du trentième anniversaire de l’acKhartoum, est prévu pour juin 2020. Les effectifs de l’opéracession au pouvoir d’Omar el-Béchir, après un coup d’État tion ont été ramenés en 2018 à 4350 militaires et 2500 polien 1989. En août 2018, son mouvement, le Parti du congrès ciers. Reste que la Minuad a largement échoué à protéger national (NCP), l’a désigné candidat à l’élection présidenles civils, et les sanctions imposées par l’ONU n’ont jamais tielle de 2020. Omar el-Béchir compte se présenter une troiété respectées. Ce prochain départ laisse le champ libre sième fois, alors que la Constitution en vigueur depuis 2005 aux forces gouvernementales, faisant limite à deux le nombre des mandats craindre de nouvelles flambées de présidentiels. Cette longévité finit par violence. Selon l’ONU, le conflit au lasser la population tout comme son Population : 41,5 millions Darfour a fait environ 300000 morts entourage. Des barons du régime tenCroissance démographique : 2,4 % et plus de 2,5 millions de déplacés. En teraient même de lui trouver un pays PIB par habitant : 792 $ septembre, Omar el-Béchir a nommé d’accueil où il pourrait échapper à la au poste de vice-président Osman Cour pénale internationale (CPI), qui a Espérance de vie : 64,7 ans Kibir, qui fut pendant dix ans le gouémis un mandat d’arrêt contre lui pour Alphabétisation : 53,5 % verneur du Nord-Darfour. des faits liés à la guerre au Darfour. Inflation : 61,8 % Sur le terrain économique, la situation du Soudan est critique. La levée, Indice de développement en octobre 2017, des sanctions écoRéputés maîtres pour se maintenir humain (sur 189 pays) : 167e nomiques américaines imposées au pouvoir, Omar el-Béchir et son Investissements directs étrangers : pendant vingt ans n’aura eu quasipremier cercle, qui semble d’ailleurs 1,1 milliard $ ment aucun impact sur l’activité. La de plus en plus étroit, savent aussi se monnaie s’est effondrée – la Banque faire apprécier sur la scène internatioBalance courante : – 14,2 % du PIB centrale a procédé à trois dévaluanale. À travers un jeu subtil d’alliances, Principale exportation: hydrocarbures tions depuis janvier –, l’État ne maîparfois contradictoires mais qui étonDernier changement trise plus l’inflation, et ses caisses namment fonctionnent, le chef de de président : 1989 sont vides. Depuis les années 2000, le l’État manœuvre pour ménager tout Soudan tirait la moitié de ses revenus le monde. Le Soudan, proche du Qatar Croissance du PIB (%) du pétrole, qui représentait 95 % de et de la Turquie – en 2017 et en 2018, il 3 ses exportations. Sauf qu’en accédant a autorisé ces deux pays à construire 1,4 à l’indépendance, en juillet 2011, le des infrastructures portuaires sur l’île – 1,9 – 2,3 Soudan du Sud s’est approprié 70 % de Suakin, dans la mer Rouge –, parPIB (milliards $) des ressources pétrolières. ticipe aux côtés de… l’Arabie saoudite Pour tenter d’apaiser les tensions, à la guerre au Yémen, où il a envoyé 55,8 45,8 Omar el-Béchir a ordonné, en avril, la plusieurs milliers de soldats. Ses rela34,4 33,2 libération de tous les prisonniers politions avec son voisin éthiopien sont 2016 2017 2018* 2019* tiques, pour la plupart arrêtés lors des également bonnes depuis plusieurs manifestations organisées en janvier années – Khartoum a pris fait et cause pour protester contre la hausse des pour Addis-Abeba dans les négociaprix, notamment celle du pain. Rien n’indique pour autant tions sur le partage des eaux du Nil avec l’Égypte –, mais sa que le régime change en profondeur: la répression contre les prise de participation aux négociations sur le processus de opposants ou les civils de certaines communautés dans les paix au Soudan du Sud pourrait à terme gêner l’Éthiopie. zones de conflit intérieures reste violente et quasi systémaLe pouvoir soudanais bénéficie enfin du soutien fluctuant tique. Les combats contre les rébellions se poursuivent dans de l’Europe et des États-Unis. Ceux-ci justifient notamment les États du Nil-Bleu et du Kordofan du Sud, où se trouvent leur coopération actuelle par la lutte contre le terrorisme et les monts Nuba. l’immigration illégale. * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Subtil jeu d’alliances
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jeuneafrique no 3024H
TCHAD
Soudan du Sud Coup d’éclat ou coup pour rien?
SOUDAN
CENTRAFRIQUE
SOUDAN DU SUD
ÉTHIOPIE
Djouba
Salva Kiir et Riek Machar ont réussi à s’accorder sur le partage du pouvoir. La fin de la crise politique permet de relancer la production pétrolière.
RD CONGO 200 km
OUGANDA
KENYA
Gouvernement d’union
* ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Une des particularités de cette réconciliation tient au fait L’histoire bégaie. Un nouvel accord de paix a été signé à que c’est le Soudan qui joue le rôle de médiateur, avec un Addis-Abeba le 12 septembre 2018 entre le président Salva intérêt politique et diplomatique, mais aussi économique. Kiir et son principal rival, Riek Machar. Le précédent, conclu Car l’objectif d’Omar el-Béchir est avant tout de relancer en août 2015, avait volé en éclats en juillet 2016, quand de rapidement l’industrie pétrolière chez son voisin, lequel violents affrontements avaient repris dans la capitale, Juba. reste très dépendant des infrastructures du Nord pour Après l’attaque de son domicile par les blindés des forces transporter, raffiner et exporter son brut. Or, avec la crise gouvernementales, Riek Machar, alors vice-président, politique, la production du Soudan du avait fui à pied jusqu’à la frontière Sud a chuté de 350000 barils par jour congolaise, située à 300 km. De là, il (b/j), avant 2013, à 120000 b/j. avait rejoint l’Afrique du Sud, où il a Population : 12,9 millions Ce retour à la case départ – mêmes été maintenu en résidence surveillée Croissance démographique : 2,7 % acteurs, même scénario, même jusqu’à la reprise des négociations PIB par habitant : 307 $ agenda – intervient dans un pays sous l’égide de l’Autorité intergouverdévasté par cinq années de guerre nementale pour le développement en Espérance de vie : 57,3 ans civile qui font suite à cinquante ans Afrique de l’Est (Igad). Alphabétisation : 26,8 % de guerre avec le Soudan (1956-2002). L’influence du nouveau président Inflation : 106,4 % Depuis 2013, le conflit a fait plusieurs sud-africain, Cyril Ramaphosa, ne dizaines de milliers de morts selon serait pas étrangère au retour de Riek Indice de développement l’ONU (100 000 à 150 000, selon les Machar à la table des négociations. e humain (sur 189 pays) : 187 spécialistes) et 4,8 millions de déplaBien que très controversé, le chef du Investissements directs étrangers : cés. Plus de 2,5 millions de SudMouvement populaire de libération 80 millions $ Soudanais, dont 640 000 rien qu’en du Soudan-En opposition (SPLM-IO) 2018 ont par ailleurs fui vers les pays reste l’un des principaux acteurs de la Balance courante : – 8,8 % du PIB voisins. L’Ouganda accueille ainsi crise. Même s’il était retenu en exil, il Principale exportation: hydrocarbures 1 million de réfugiés. En 2016, des disposait toujours de sa propre armée Dernier changement experts de l’ONU avaient alerté sur le de guérilla, indépendamment de de président : 2011 « nettoyage ethnique en cours » dans Taban Deng Gai, qui l’a remplacé au plusieurs zones du pays. poste de vice-président. Croissance du PIB (%) Aujourd’hui, 7 millions de SudSoudanais dépendent de l’aide – 3,2 – 4,6 – 13,9 – 5,1 humanitaire internationale, et plus La première rencontre entre Salva de 300000 enfants risquent de mourir Kiir et Riek Machar depuis la fuite de malnutrition si la situation n’évolue du second en 2016 a eu lieu le 20 juin PIB (milliards $) pas. En cinq ans, le PIB par habitant a 2018 à Addis-Abeba, à l’initiative du 4 3,1 3,1 3 plongé à 307 dollars (contre 1400 dolPremier ministre éthiopien, Abiy lars en 2013), et la récession se pourAhmed. Un mois et demi plus tard, 2016 2017 2018* 2019* suit, – 5,1 % en 2017 et – 3,2 % en 2018. cette fois à Khartoum, les deux anciens L’embargo sur les armes, décidé en frères d’armes, qui se sont battus côte à juillet par le Conseil de sécurité de côte pour l’indépendance du pays, ont l’ONU à l’initiative des États-Unis, premier bailleur de fonds signé un accord final sur le partage du pouvoir et se sont du Soudan du Sud, et la baisse drastique des aides – l’Usaid accordés sur la formation d’un gouvernement d’union natioa versé 174 millions de dollars en 2017, contre 913 millions nale. La future équipe contient 35 ministres, dont 20 sont en 2016 – n’ont eu aucun impact. Une grande partie de cette issus du camp de Salva Kiir et 9 de celui de Riek Machar, ce aide est détournée pour soutenir le régime. Selon le dernier dernier retrouvant au passage son fauteuil de vice-président. classement de Transparency International, le Soudan du Le 8 août, le président Salva Kiir accordait une amnistie Sud est le deuxième pays le plus corrompu de la planète. générale à tous les protagonistes de la guerre civile.
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Fiches pays AFRIQUE DE L’EST RD CONGO RWANDA BURUNDI
Tanzanie Magufuli en mode « bulldozer »
OUGANDA Lac Victoria
KENYA Arusha Océan Indien
Dodoma
TANZANIE
De nombreuses voix s’élèvent contre le virage autoritaire de l’actuel pouvoir. L’imprévisibilité du régime inquiète les investisseurs étrangers et le secteur privé.
400 km
ZAMB. MAL.
Dar es-Salaam
MOZAMBIQUE
Face à cette répression grandissante, l’Église catholique Plus de trois ans après son élection à la tête de la Tanzanie, s’est publiquement inquiétée en février des violences, en octobre 2015, John Pombe Magufuli, 59 ans, n’en finit appelant au respect de l’État de droit. Le mois suivant, pas de durcir son régime et de verrouiller son pouvoir. c’était au tour de l’Église évangélique luthérienne de Après une série de limogeages au sein de son équipe, il a prendre la parole pour dénoncer « la peur consécutive aux récemment mis en garde ses opposants en affirmant que enlèvements, tortures, disparitions de personnes, attaques toute contestation serait réprimée. « Ceux qui décideront à l’arme à feu contre des leaders politiques, meurtres à de manifester verront qui je suis », avertissait en mars caractère politique ». le chef de l’État, qui n’a pas encore Aux contestations internes se annoncé s’il briguerait un nouveau sont ajoutées les critiques internamandat à l’occasion de la présidenPopulation : 59,1 millions tionales. Début novembre, l’Union tielle prévue en 2020. John Pombe Croissance démographique : 3,1 % européenne a ainsi rappelé son Magufuli a pourtant une vision très PIB par habitant : 1 090 $ ambassadeur face à la détérioration claire de l’avenir politique de son du climat politique. Des inquiétudes pays. En juillet, il n’hésitait pas à Espérance de vie : 66,3 ans partagées par les États-Unis. Selon affirmer que son parti, le Chama cha Alphabétisation : 77,9 % Washington, les élections partielles Mapinduzi (CCM), resterait « au pouInflation : 3,8 % locales d’août ont été entachées voir à jamais, pour l’éternité ». Avant de violences et d’irrégularités. Ces de lancer : « Les opposants au parti Indice de développement déclarations ont fait bondir le parti auront toujours des problèmes. » e humain (sur 189 pays) : 154 au pouvoir, qui a répliqué que la Ces déclarations se sont accomInvestissements directs étrangers : Tanzanie était un pays « indépenpagnées d’une fronde grandissante 1,2 milliard $ dant » qui ne saurait « se laisser contre le pouvoir. En cause notamintimider ». ment, la restriction croissante de la Balance courante : – 4,3 % du PIB liberté d’expression. Après avoir interPrincipale exportation : or dit les manifestations, demandé aux Dernier changement journalistes de s’enregistrer, le gouMais le pouvoir tanzanien pourrait de président : 2015 vernement a mis en place en mars des être tenté de lisser son image à l’intermesures pour contrôler les sites d’innational. Car si la croissance du pays Croissance du PIB (%) formation. Les blogueurs sont partireste forte – elle devrait atteindre 7 culièrement visés puisqu’ils devront 5,8 % en 2018 puis 6,6 % l’année 6,6 6 5,8 désormais demander une autorisaprochaine, selon le FMI –, les investion, puis s’acquitter d’une cotisation tissements directs étrangers ont netde 2100000 shillings (802 euros), soit tement reculé. D’après la Conférence PIB (milliards $) plusieurs mois de salaire. des Nations unies sur le commerce 60,3 55,6 51,8 47,7 En parallèle, le climat politique et le développement (Cnuced), ils n’a cessé de se dégrader. En février, ont diminué de 14 % entre 2016 2016 2017 2018* 2019* Daniel John et Godfrey Luena, et 2017. « Les investisseurs étrangers deux responsables locaux du ont contenu leurs opérations en raiChadema (principal parti d’opposison du changement de politique en tion), ont été retrouvés morts à deux semaines d’intervalle. matière de taxation et de royalties dans le secteur minier », Un mois plus tard, cinq membres du parti d’opposition ont explique la Cnuced. De fait, le bras de fer engagé par les été arrêtés pour avoir participé à une manifestation au autorités avec des compagnies du secteur comme Acacia cours de laquelle une étudiante a été tuée par une balle perMining continue d’effrayer les investisseurs, inquiets du due de la police. Le président du parti, Freeman Mbowe, virage autoritaire pris par John Magufuli, plus que jamais avait lui aussi été interpellé puis inculpé d’« incitation à la fidèle à son surnom « Tingatinga », qui signifie « bulldozer » rébellion » et d’« appel à la haine ». en kiswahili. * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Bras de fer avec les miniers
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Fiches pays
RD CONGO
TANZANIE Luanda 300 km
Huambo
MALAWI
Lilongwe
ZAMBIE
ANGOLA
Lusaka
Nampula
Blantyre Harare
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Afrique du Sud Angola Botswana eSwatini Lesotho Malawi Mozambique Namibie Zambie Zimbabwe
NAMIBIE Océan Atlantique
Bulawayo
BOTSWANA Windhoek
Gaborone
MOZAMBIQUE Pretoria
Johannesburg Kimberley
AFRIQUE DU SUD Le Cap
Beira
ZIMBABWE
Maputo Mbabane
SWAZILAND Océan Indien
Maseru
LESOTHO
Durban
Port Elizabeth
Afriqueaustrale La promesse des fleurs près l’élection de João Lourenço à la tête de l’Angola, en septembre 2017, ce fut au tour de Cyril Ramaphosa de prendre le pouvoir en Afrique du Sud, en février 2018. Les deux chefs d’État se sont engagés à faire de la lutte contre la corruption une priorité de leur mandat. Avec, à la clé, le démantèlement plus ou moins poussé des réseaux de leurs prédécesseurs, José Eduardo dos Santos et Jacob Zuma. Au-delà d’une volonté de renouveler le système politique de leur pays, les deux hommes incarnent l’espoir d’un redressement économique. Pour l’heure, l’Afrique du Sud tourne toujours au ralenti malgré des réformes structurelles et l’adoption de mesures
A
d’austérité. En revanche, l’horizon s’éclaircit à Luanda grâce à la libéralisation de l’économie engagée par le nouveau pouvoir. Un autre changement majeur concerne le Zimbabwe, où Emmerson Mnangagwa a accédé à la magistrature suprême en novembre 2017, à l’issue d’un coup de force de l’armée. Mais il tarde à concrétiser ses promesses : un an après la chute de Robert Mugabe, le pays est toujours au bord de la faillite. Enfin, le Botswana montre l’exemple de la bonne gouvernance. Le président Seretse Ian Khama a quitté le pouvoir dix-huit mois avant la fin de son mandat pour respecter scrupuleusement la Constitution. Rare !
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Fiches pays AFRIQUE AUSTRALE ZIMBABWE BOTSWANA Pretoria
Afrique du Sud Dans la grisaille de l’austérité
NAMIBIE
Océan Atl.
Cyril Ramaphosa tente de solder l’ère Zuma avant les élections de 2019. L’économie tourne toujours au ralenti malgré les réformes structurelles en cours.
Johannesburg
AFRIQUE DU SUD Le Cap
MOZ.
eSWAT.
LESOTHO Durban Océan Indien 300 km
de 2018 grâce à une croissance de 2,2 %. Le chef de l’État a Le 14 février 2018 au soir, le président Jacob Zuma a rendu par ailleurs annoncé en septembre un plan de relance qui les armes. Acculé par 783 chefs d’accusation pour corrupvise à développer le tourisme et les infrastructures. tion et fraudes, le chef de l’État, alors âgé de 75 ans, a été La présidence par intérim de Cyril Ramaphosa est de poussé vers la sortie par la menace d’un vote de défiance de nature à rassurer les investisseurs. Lors de la mise en place son parti, le Congrès national africain (ANC). Le jour même, de son gouvernement, le nouvel homme fort de la nation les domiciles du clan Gupta – famille d’hommes d’affaires Arc-en-Ciel a rappelé Pravin Gordhan, nommé au ported’origine indienne, proche de Zuma et accusée d’avoir feuille stratégique des Entreprises bénéficié de juteux contrats publics publiques. Celui-ci fut le ministre des entre 2009 et 2018 – étaient perquiFinances de Jacob Zuma avant d’être sitionnés. La commission judiciaire Population : 57,4 millions limogé en mars 2017 alors qu’il bénéspéciale chargée du scandale portant Croissance démographique : 1,2 % ficiait de la confiance des milieux sur « la capture de l’État » estime à PIB par habitant : 6 560 $ d’affaires. 100 milliards de rands (6 milliards La mise en œuvre d’une politique d’euros) le montant des fonds publics Espérance de vie : 63,4 ans budgétaire d’austérité, avec l’augdétournés ces dernières années. Le Alphabétisation : 94,4 % mentation de la TVA de 1 point et la vice-président Cyril Ramaphosa est Inflation : 4,8 % hausse des taxes sur le carburant, les alors investi, sans vote des députés cigarettes et l’alcool, fait partie de ses en l’absence d’autres candidats. L’exIndice de développement premières mesures pour redresser homme d’affaires multimillionnaire e humain (sur 189 pays) : 113 les comptes du pays. La dette s’élève avait pris la tête de l’ANC à la fin de Investissements directs étrangers : à 50 % du PIB, et le déficit public 2017, avec 51,8 % des voix. Dans son 1,3 milliard $ atteint 4,3 %. En contrepartie, Cyril discours très attendu sur l’état de la Ramaphosa a annoncé l’instauration nation prononcé le 16 février, le nouBalance courante : – 3,2 % du PIB d’un salaire minimum fixé à 20 rands veau chef de l’État annonce « le début Principale exportation : charbon de l’heure ou à 3500 rands par mois. d’une nouvelle ère ». Dernier changement Le gouvernement a par ailleurs de président : 2018 indiqué à la fin d’août la suspension du projet de relance du parc nucléaire Nelson Mandela le considérait comme Croissance du PIB (%) civil entamé par Jacob Zuma pour « l’un des hommes politiques les 1,4 1,3 privilégier les énergies renouvelables. plus doués de sa génération ». Cyril 0,8 0,6 Près de 90 % de l’électricité nationale Ramaphosa a désormais les mains est aujourd’hui produite par des cenlibres pour démanteler les réseaux trales à charbon polluantes. Selon le de Zuma et amener son parti à la PIB (milliards $) nouveau plan, cette part devrait être victoire aux élections générales de 385,5 376,7 349,3 295,7 ramenée à 46 % à l’horizon 2030. mai 2019. En 2016, l’ANC avait essuyé En novembre, les députés ont une cinglante défaite aux élections 2016 2017 2018* 2019* adopté le projet de révision de la municipales – il avait obtenu 54 % des Constitution, qui autorise l’exprosuffrages, le pire score de son histoire. priation des terres, sans compenLes villes les plus importantes du pays sation, au profit de la majorité noire. Cette promesse de étaient alors remportées par la Democratic Alliance, prinl’ANC, qui date de son arrivée au pouvoir en 1994, était cipal parti d’opposition dirigé par Mmusi Maimane. À l’exrestée jusque-là lettre morte. Mal conduite au Zimbabwe trême gauche, l’Economic Freedom Fighters, mouvement voisin, la réforme agraire avait plongé le pays dans la crise fondé par Julius Malema, avait obtenu 8 % des voix. au début des années 2000. Vingt-cinq ans après la fin Après une décennie de marasme économique, marquée de l’apartheid, l’Afrique du Sud est toujours considérée par un taux de chômage record (28,3 %), l’Afrique du Sud est comme le pays le plus inégalitaire du monde. officiellement sortie de la récession au troisième trimestre * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Premier plan de relance
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RD CONGO Luanda
Angola Opération « mains propres »
Océan Atlantique
ANGOLA Lobito
Huambo
ZAMBIE
João Lourenço tient fermement les rênes du pouvoir et a écarté tous ses rivaux. Le chef de l’État a entrepris la libéralisation et la diversification de l’économie.
NAMIBIE 200 km
do Nascimento, surnommé Dino, et Manuel Hélder Vieira L’Angola vit un moment charnière depuis l’arrivée au pouDias Jr, dit Kopelipa. Une simple question de temps? Une voir de João Lourenço, en septembre 2017. Dès sa prise de loi votée en juin 2018 permet aux Angolais ayant placé des fonctions, le général à la retraite a commencé à démanteler fonds à l’étranger de les rapatrier sans pénalité jusqu’en l’empire politico-financier du clan de l’ancien président décembre de la même année. Que fera ensuite le pouvoir? Eduardo dos Santos. Et un an plus tard, il s’est fait élire à La justice ouvrira-t-elle des enquêtes, comme elle l’a fait la tête du Mouvement populaire de libération de l’Angola pour les enfants d’Eduardo dos Santos, José Filomeno et (MPLA), ce qui lui a permis d’écarter les derniers fidèles de Isabel ? Il y va de sa crédibilité. l’ancien régime. Désormais, il dispose des pleins pouvoirs. La pire crise économique depuis la Population : 30,8 millions fin de la guerre civile, en 2002, devrait L’organisation des premières élections Croissance démographique : 3,3 % commencer à s’atténuer si les prix municipales du pays est l’autre sujet PIB par habitant : 3 924 $ du pétrole se maintiennent et si la qui agite la classe politique. Celles-ci dépréciation du kwanza, amorcée en doivent se tenir en 2020. Le texte Espérance de vie : 61,8 ans janvier 2018, parvient à doper la prodéfendu par le MPLA prévoit d’inclure Alphabétisation : 66 % duction intérieure, malgré le risque l’ensemble des localités dans le procesInflation : 20,5 % d’inflation. Cela signerait probablesus d’ici à 2035. Un échelonnement ment le retour des investisseurs étranque n’accepte pas l’opposition, menée Indice de développement gers. Le FMI prévoit même un rebond par l’Unita. João Lourenço a finalee humain (sur 189 pays) : 147 de la croissance: celle-ci passerait de ment tranché: l’ensemble du territoire Investissements directs étrangers : – 0,1 % en 2018 à 3,1 % en 2019. Le chef sera concerné par ce scrutin local après – 2,3 milliards $ de l’État disposerait alors d’une marge deux élections, soit dans dix ans. de manœuvre supplémentaire pour Cette échéance revêt une imporBalance courante : – 2,1 % du PIB appliquer les réformes annoncées, à tance particulière pour l’opposition, Principale exportation: hydrocarbures savoir la libéralisation et la diversifiqui y voit l’occasion d’exercer le pouDernier changement cation d’une économie dépendante à voir à l’échelon local. Et de profiter de président : 2017 75 % des revenus pétroliers. ensuite de cette implantation pour L’institution de Bretton Woods préparer les élections générales de Croissance du PIB (%) semble en tout cas convaincue par ce 2022. Ses principaux partis (Unita, – 0,1 qu’a accompli la présidence Lourenço Casa-Ce, FNLA…) ont engagé des 3,1 – 2,5 – 2,6 la première année. « Les autorités discussions dans la perspective de angolaises sont déterminées à pourformer une coalition pour affronter suivre des réformes structurelles le puissant MPLA. PIB (milliards $) ambitieuses pour parvenir à une staLa mise en place du scrutin se 126,5 114,5 110,2 101,1 bilité macroéconomique durable, à trouve aussi au cœur des préoccuparelever les défis structurels de longue tions du pouvoir. Alors que la réconci2016 2017 2018* 2019* durée liés à une croissance généralisée liation nationale est à peine achevée, et à améliorer les institutions », écritl’exécutif craint la résurgence d’un elle dans un rapport publié en juin. vote ethnique à l’occasion de ces Le chef de l’État devra aussi choisir, ou non, d’aller au élections locales. Dans un souci d’apaisement, le président bout de sa lutte contre la corruption, qui, pour l’instant, Lourenço a annoncé en août qu’il restituerait la dépouille reste quelque peu sélective. En limogeant une grande parde Jonas Savimbi à sa famille avant la fin de l’année. Le fontie des caciques du régime de son prédécesseur, il a suscité dateur de l’Unita avait été tué en 2002 lors d’un assaut du l’espoir d’un changement profond du système politique. MPLA, puis enterré en catimini dans un cimetière municiMais il n’a toujours pas touché aux intérêts financiers de pal. Sa disparition avait mis un terme à vingt-sept années personnalités puissantes telles que Leopoldino Fragoso de guerre civile. * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Enjeu des élections locales
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Fiches pays AFRIQUE AUSTRALE ANGOLA
ZAMBIE ZIMBABWE
Botswana Le joyau de la bonne gouvernance
NAMIBIE
La transition de mars témoigne d’un respect scrupuleux – et rare – de la Constitution. Le secteur du diamant est en plein essor, de même que celui des services.
Francistown
BOTSWAN A Gaborone
AFRIQUE DU SUD
200 km
du secteur agricole, qui a pourtant bénéficié de bonnes Dix-huit mois avant la fin de son mandat, le président conditions météorologiques. En 2016, l’industrie touristique botswanais, Seretse Ian Khama, 65 ans, a rendu les clés du affichait 1,1 milliard de dollars de revenus. pays après dix années d’exercice, soit la durée maximale Cependant, le taux de chômage reste élevé (18 %). Et autorisée par la Constitution. Alors qu’il avait été réélu en les progrès du pays en matière de diversité économique 2014, il a transmis le pouvoir le 31 mars 2018 à son vicedemeurent insuffisants, malgré la mise en œuvre en 2015 président, Mokgweetsi Masisi, 56 ans, qui avait remporté en du programme de relance de l’activité. Et en dépit d’un clijuillet 2017 la direction du Parti démocratique du Botswana mat favorable aux affaires, puisque le (BDP). Celui-ci devrait se présenter à Botswana occupe le 81e rang sur 190 la présidence du pays aux élections générales de 2019. dans le classement « Doing Business » Population : 2,3 millions La légitimité du BDP, au pouvoir de la Banque mondiale et figure parmi Croissance démographique : 1,8 % depuis l’indépendance du Botswana, les cinq premiers pays africains. Mais PIB par habitant : 8 168 $ en 1966, s’est effritée ces dernières son économie demeure trop dépenannées. En 2014, le parti avait obtenu dante du diamant (80 % de ses exporEspérance de vie : 67,6 ans moins de la majorité des sièges au tations). Or cette manne n’est pas Alphabétisation : NC Parlement (47 %). Cette tendance éternelle puisqu’elle doit se tarir d’ici Inflation : 3,8 % pourrait se confirmer en 2019. Le BDP à vingt ou trente ans. peut toutefois espérer profiter des Indice de développement divisions au sein de la coalition de humain (sur 189 pays) : 101e l’opposition, le Collectif pour le chanPour l’année fiscale 2018-2019, le gouInvestissements directs étrangers : gement démocratique (UDC), qui ont vernement a adopté une politique 401 millions $ abouti à la scission du Mouvement expansionniste visant notamment botswanais pour la démocratie (BMD) à accélérer le développement des Balance courante : 8,7 % du PIB et à la création de l’Alliance des proinfrastructures de gestion de l’eau et Principale exportation : diamant gressistes (AP) en septembre 2017. de transport, dont le manque de fiaDernier changement Le secteur des industries extractives bilité pénalise l’industrie. En 2018, de président : 2018 constitue toujours l’un des principaux le déficit public reste contenu (1,6 %) piliers de l’économie botswanaise. grâce à la hausse des recettes versées Croissance du PIB (%) En 2018, la reprise graduelle de la par l’Union douanière d’Afrique aus4,6 4,3 demande internationale de diamant, trale (Sacu) et à l’excédent de réserves 3,6 qui s’était effondrée en 2015, entraîde change (dix mois d’importations 2,4 nant la récession (– 1,7 %), a bénéficié de biens et de services). Pour sa part, à la croissance. Selon le FMI, celle-ci la dette publique est limitée à 15 % du PIB (milliards $) devrait s’établir à 4,6 % en 2018, contre PIB, tandis que l’inflation demeure 19,8 19,1 17,4 15,7 2,4 % en 2017. L’activité économique plutôt modérée (3,8 %). profite également de la réouverture Ce pays enclavé de 2,3 millions 2016 2017 2018* 2019* de la mine de cuivre de Mowana, en d’habitants est souvent cité comme pleine production depuis un an. À la un modèle de bonne gouvernance et suite de la mise en liquidation provide protection de l’environnement – la soire de la société publique BCL Ltd en octobre 2016 et de la chasse y a été totalement interdite en 2014. D’après le clasfermeture de son site de production situé à proximité de la sement de l’ONG Transparency International pour 2017, le ville de Selebi-Phikwe (dans le sud-est du pays), les exporBotswana est le pays africain le moins corrompu, tandis que tations de cuivre et de nickel s’étaient effondrées en 2017. son niveau de dépense publique dans l’éducation est parmi Les performances plutôt encourageantes dans le secteur les plus élevés du monde (9 % du PIB). L’ancienne colonie des services (commerce, hôtellerie, restauration, transports, britannique demeure cependant l’un des pays de la planète communication) devraient compenser celles, décevantes, où les inégalités restent les plus marquées. * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Grands chantiers
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AFRIQUE DU SUD
eSwatini (ex-Swaziland) Propriété privée du roi
MOZAMBIQUE Mbabane
eSWATINI
Le dernier monarque absolu africain continue de régner sans partage. Le retour du pays au sein de l’Agoa accélère la relance de l’industrie textile.
30 km
le royaume appartient à la catégorie des pays à revenu Ce petit État a été rebaptisé, le 19 avril 2018, le royaume intermédiaire. Mais 63 % de la population vit au-dessous d’eSwatini, son nom d’origine. Le roi Mswati III a annoncé du seuil de pauvreté, et près du tiers se trouve dans une ce changement de nom, à la surprise générale, le jour des situation d’extrême pauvreté. C’est donc sans surprise que célébrations officielles organisées pour le cinquantième l’eSwatini figure toujours au bas du classement, selon l’inanniversaire de l’indépendance du pays. Le dernier dice de développement humain IDH (141e sur 188 pays), monarque absolu du continent, au pouvoir depuis 1986, avait décidé d’avancer les commémorations de l’indépenet parmi les dix pays les plus inégalitaires du monde. Le dance (l’ex-Swaziland aurait dû fêter royaume présente en outre l’un des ses 50 ans le 6 septembre) pour les plus forts taux de prévalence pour faire coïncider avec son propre cinle VIH, soit 27,2 % en 2016. Le virus Population : 1,4 million quantième anniversaire. a fait reculer l’espérance de vie des Croissance démographique : 1,8 % Sur le plan économique, le pays hommes à 54 ans et celle des femmes PIB par habitant : 4 093 $ est en perte de vitesse. En cause, à 60 ans. la sécheresse de 2015-2016 et les Espérance de vie : 58,3 ans piètres performances de l’économie Alphabétisation : 83,1 % sud-africaine, l’eSwatini étant très La majorité des ressources du pays Inflation : 5 % dépendant de son puissant voisin, sont concentrées entre les mains de qui représente 85 % de ses importala famille royale. Mswati III, qui a Indice de développement tions et 60 % de ses exportations. Les treize épouses et une vingtaine d’ene humain (sur 189 pays) : 144 comptes publics ont aussi été alourfants, est pointé du doigt pour son Investissements directs étrangers : dis par l’effondrement des recettes train de vie dispendieux. Chaque – 137 millions $ de l’Union douanière d’Afrique ausannée, il ponctionne 8 % du budget de trale (Sacu), qui ont chuté de 25 % l’État pour subvenir aux besoins de sa Balance courante : 10,3 % du PIB entre 2015 et 2016, alors qu’elles famille. Il impose également à chaque Principale exportation : sucre représentaient la moitié des resentreprise voulant s’implanter sur le Dernier changement sources de l’État. Finalement, le territoire une prise de participation de président : 1986 pays accusait en juin plus de 200 milpar un fonds souverain qu’il contrôle. lions d’euros d’arriérés auprès de ses Le monarque est par ailleurs Croissance du PIB (%) fournisseurs et luttait pour payer régulièrement attaqué par la com1,6 ses fonctionnaires. Le déficit public munauté internationale pour ses 1,4 1,3 s’établit en 2018 à – 5 % du PIB. Quant violations répétées des droits de 0,4 à la dette publique, elle s’est envolée l’homme. Selon l’ONG Reporters PIB (milliards $) ces cinq dernières années, passant de sans frontières, le royaume occupait 15 % à 35 % du PIB. en 2017 la 152e place sur 180 dans le 4,9 4,8 4,4 3,7 L’amélioration des conditions classement mondial de la liberté de météorologiques en 2017 et en 2018 la presse. La situation a le mérite de 2016 2017 2018* 2019* a certes permis d’augmenter la prola clarté : aucune cour de justice n’est duction agricole, mais le secteur a habilitée à poursuivre les membres été handicapé par l’épuisement du du gouvernement. À l’inverse, la cheptel dû à la sécheresse des années précédentes. Par ailmoindre critique de la monarchie est passible de procès, leurs, après trois ans de suspension, l’eSwatini a réintégré rendant l’autocensure quasi systématique. Parmi les autres l’Agoa (Africa Growth Opportunity Act) en décembre 2017, spécificités de l’eSwatini, les partis politiques sont interdits ce qui a favorisé de nouveaux investissements dans le texdepuis 1973, tandis que le roi désigne le Premier ministre tile. Sauf que toute la filière est à reconstruire, et l’impact et une partie des députés. Dans ce contexte, les élections du programme américain sur la croissance demeure pour législatives du 21 septembre n’ont été, une fois encore, l’instant limité. Avec un PIB par habitant de 4 093 dollars, qu’un simulacre de démocratie. $ ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Train de vie extravagant
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Fiches pays AFRIQUE AUSTRALE
AFRIQUE DU SUD
Lesotho Au royaume de la 5G
Maseru
LESOTHO
Thomas Thabane, leader du parti ABC, dirige un gouvernement de coalition. L’économie pâtit des difficultés du puissant voisin sud-africain.
AFRIQUE DU SUD
30 km
En 2017, les nouveaux investissements directs étrangers Le sida ne faiblit pas. La lutte contre cette épidémie demeure (IDE) ont atteint 135 millions de dollars (119 millions d’eul’un des principaux défis du petit royaume montagneux, ros). Ils demeurent toutefois à un niveau nettement plus encerclé par l’Afrique du Sud. Un adulte sur quatre âgé de bas qu’en 2015, quand ils s’établissaient à 561 millions de 15 à 49 ans en est atteint, soit le pays où le taux de prévadollars. Selon le classement « Doing Business » de la Banque lence du virus est le plus élevé de la planète, après l’eSwamondiale sur le climat des affaires, le Lesotho se classe tini. Le Lesotho se distingue aussi tristement au niveau dixième parmi l’ensemble des pays africains. de la tuberculose, puisqu’il est le deuxième pays le plus Les perspectives médiocres de touché au monde, avec 724 cas pour l’Afrique du Sud pourraient res100000 habitants. Ces fléaux contritreindre celles du royaume, qui reste buent nettement à la hausse de la Population : 2,3 millions très dépendant de son puissant voisin. pauvreté et des inégalités. Selon Croissance démographique : 1,3 % Le textile, deuxième pilier de l’écol’indice de Gini, l’ancien protectorat PIB par habitant : 1 466 $ nomie, a été fortement affecté par la britannique, indépendant depuis dépréciation du rand et du dollar alors 1966, figure parmi les dix pays les plus Espérance de vie : 54,6 ans qu’il bénéficie du programme amériinégalitaires au monde. D’après les Alphabétisation : 76,6 % cain AGOA (loi sur le développement estimations de la Banque mondiale, Inflation : 6,3 % et les opportunités africaines). Dans 51,8 % de la population vit dans une ce secteur comme dans les autres, les situation d’extrême pauvreté. Indice de développement entreprises pâtissent des coupures e humain (sur 189 pays) : 159 régulières d’électricité. Ces difficulInvestissements directs étrangers : tés d’approvisionnement affectent Thomas Thabane, 79 ans, est le nouvel 135 millions $ essentiellement les petites structures homme fort du Lesotho, après la vicdans la mesure où les grosses entités toire de son parti, la Convention des Balance courante : – 6 % du PIB disposent généralement de systèmes Basothos (ABC), aux législatives antiPrincipale exportation : diamant de secours, qui accroissent cependant cipées du 3 juin 2017. Mais n’ayant pas Dernier changement leurs coûts d’exploitation. L’inflation, obtenu la majorité, le Premier ministre de Premier ministre : 2017 à 6,3 %, reste forte en 2018 de même pilote un gouvernement de coalition que le taux de chômage, qui se situe formée de quatre partis. Croissance du PIB (%) entre 24 % et 28 % de la population En 2018, la croissance de l’économie 3,1 1,2 active, selon la Banque mondiale. devrait atteindre 0,8 %, soit 2,4 points 0,8 – 1,6 L’effondrement des recettes de de plus que l’année précédente, selon l’Union douanière d’Afrique australe le FMI. Après deux années de séche(Sacu), qui sont passées de 25 % en resse (2015-2016), le secteur agricole PIB (milliards $) 2014-2015 à 13,6 % en 2016-2017, a neta bénéficié de conditions météorolo3 3 2,7 2,4 tement dégradé les comptes publics giques plus favorables. L’activité écoen 2017, où le déficit budgétaire avoinomique a également été soutenue 2016 2017 2018* 2019* sinait 7 % du PIB. Après ce passage par l’augmentation de la production à vide, les recettes de la Sacu ont minière à Lighongbong, ainsi que par rebondi en 2017-2018. Mais, selon les la montée en puissance de celle des prévisions de la Banque mondiale, les revenus ainsi générés mines de diamants de Letseng et Kao. Le lancement de la devraient chuter de 2,5 points par an au cours des deux proseconde phase de développement du Projet hydraulique des chaines années. Afin de limiter l’endettement public, qui Hauts Plateaux du Lesotho (LHWP), en janvier 2019, va par s’établit à 45,5 %, le gouvernement tente de réduire les ailleurs dynamiser le secteur des infrastructures. De façon effectifs dans la fonction publique en favorisant le départ inattendue, l’opérateur de téléphonie mobile Vodacom a volontaire à la retraite ou en sanctionnant les travailleurs choisi la capitale Maseru pour tester depuis septembre le fantômes. tout premier réseau 5G disponible sur le continent. * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Délestages chroniques
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TANZANIE
Lac Malawi
Malawi Grandes manœuvres électorales
M A L AW I ZAMBIE
Lilongwe
MOZAMBIQUE
MOZAMBIQUE
Peter Mutharika affrontera trois poids lourds à l’occasion de la présidentielle de mai. La reprise des aides, suspendues depuis le « cashgate », éclaircit l’horizon budgétaire.
Blantyre 150 km
Le Malawi a enregistré en 2018 une croissance de 3,3 %, À 79 ans, le président Peter Mutharika, leader du Parti démocontre 4 % en 2017. Si l’inflation reste forte (9,2 % en 2018), cratiqueprogressiste(DPP), devraitbriguerunnouveaumanelle est bien moins élevée que les années précédentes (22 % dat à l’occasion de l’élection présidentielle de mai 2019. Après en 2015-2016), et ce grâce à la baisse des prix de l’alimentation avoir claqué la porte du parti, son vice-président, Saulos et à la stabilisation du kwacha malawite par rapport au dollar. Chimila, a lancé en juillet sa propre formation politique, le L’industrie pâtit cependant du manque d’accès au crédit et United Transformation Movement (UTM), dans le but de lui des délestages chroniques. Près de 95 % de l’électricité natiofaire barrage – il a depuis été limogé lors du remaniement nale provient des cinq barrages situés du 7 novembre. Quelques mois auparasur la rivière Shire. Des précipitations vant, des milliers de Malawites avaient irrégulières affectent donc directeparticipé à des manifestations antigouPopulation : 19,2 millions ment la production hydroélectrique vernementales – les premières depuis Croissance démographique : 2,9 % du pays. Le climat des affaires est par 2011 – pour dénoncer la corruption et la PIB par habitant : 349 $ ailleurs plutôt défavorable: le Malawi mauvaise gouvernance. occupe la 110e place sur 190 dans le Lors de la présidentielle, Mutharika Espérance de vie : 63,7 ans devrait également affronter l’ex-préclassement « Doing Business » de la Alphabétisation : 62,1 % sidente Joyce Banda. De retour sur la Banque mondiale. Inflation : 9,2 % scène politique après quatre années d’exil aux États-Unis, cette figure Indice de développement de l’émancipation des femmes a été Sur le plan budgétaire, les efforts humain (sur 189 pays) : 171e réélue à la fin d’août 1998 à la tête du du gouvernement pour restaurer la Investissements directs étrangers : Parti populaire (PP), alors qu’elle fait confiance des bailleurs de fonds inter277 millions $ toujours l’objet d’un mandat d’arrêt nationaux commencent à porter leurs lancé par les autorités pour son implifruits.L’arrêtdesaidesdirectesàlasuite Balance courante : – 9,3 % du PIB cation présumée dans le scandale du « cashgate » avait eu un fort impact Principale exportation : tabac du « cashgate », révélé en 2013. Cette sur les finances publiques du pays, Dernier changement affaire de détournement de fonds puisque les quelque 150 millions de de président : 2014 publics à hauteur de 30 millions de dollars annuels représentaient 40 % du dollars (26 millions d’euros) avait larbudget du gouvernement. L’année derCroissance du PIB (%) gement contribué à sa défaite en 2014. nière, laBanque mondialelui aaccordé 4,7 Le Parti du congrès du Malawi (MCP), un appui budgétaire de 80 millions de 4 3,3 conduit par Lazarus Chakwera, est dollars afin de financer des projets et 2,3 également en lice pour remporter le d’effacer des arriérés de paiement. scrutin. Cette force politique a dirigé le En 2018, le déficit public s’établit à PIB (milliards $) pays pendant les trente années qui ont 3 % du PIB, contre 7 % l’année précé7,3 6,9 6,2 5,5 suivi l’indépendance, en 1964, avec à dente. Le risque de surendettement sa tête l’autoritaire Hastings Kamuzu reste modéré, la dette s’affichant à 2016 2017 2018* 2019* Banda (1966-1994). 53 % du PIB, mais il est très largement Sur le front économique, l’agriculcorrélé aux chocs externes, en raison ture, principal pilier de l’activité au de la vulnérabilité de l’économie du Malawi (30 % du PIB et plus de 65 % des emplois), a été affecpays face aux aléas climatiques. tée par les fortes pluies de 2014-2015 et la sécheresse de 2015Avec un PIB par habitant de 349 dollars, le Malawi fait 2016. Grâce à l’amélioration des conditions climatiques, la partie des dix États les plus pauvres de la planète. Selon son production nationale de maïs, de tabac, de thé et de sucre indice de développement humain (IDH), le pays occupe la a augmenté en 2017 et en 2018. Le lancement de la phase I 171e place sur 188 dans le classement du Pnud de 2018. En de la centrale à charbon de Kamwamba devrait également 2010, 71,4 % de la population vivait au-dessous du seuil de contribuer à stimuler l’activité économique. pauvreté, fixé à 1,90 dollar par jour. * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Forts aléas climatiques
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Fiches pays AFRIQUE AUSTRALE TANZANIE MALAWI
MOZAMBIQUE
ZAMBIE
Nampula
Mozambique En attendant la manne gazière
ZIMBABWE
Les municipales ont ravivé les tensions entre le Frelimo et la Renamo. Maputo table sur ses futurs revenus gaziers pour résoudre la crise budgétaire.
Beira
AFRIQUE DU SUD Maputo eSWAT.
Océan Indien
MADAGASCAR
300 km
au début de novembre 2018, laisse entrevoir une lueur d’esLa tension monte d’un cran. Les élections municipales poir. Le gouvernement compte surtout sur ses futurs revequi se sont déroulées le 10 octobre mettent un peu plus en nus gaziers pour sortir de l’impasse. Depuis 2010, plus de péril les négociations de paix entre le Front de libération du 5000 milliards de mètres cubes de gaz ont été découverts Mozambique (Frelimo) et la Résistance nationale mozambiau large des côtes, dans le bassin du fleuve Rovuma, situé caine (Renamo). Après une campagne émaillée de violents dans l’extrême nord-est du pays. La compagnie ENI a lancé incidents, le principal parti d’opposition a accusé le pouen juin 2017 son projet de construction d’une plateforme voir d’avoir fraudé dans plusieurs bureaux de vote. Dans la offshore sur le champ de Coral Sud, qui foulée, il annonçait que « les discusreprésente à lui seul 10 % des réserves sions de paix étaient suspendues ». de gaz du bassin de Rovuma. Son Ces pourparlers entre le pouvoir et Population : 30,5 millions exploitation devrait débuter en 2022. l’ex-rébellion doivent permettre de Croissance démographique : 2,9 % L’investissement de la major italienne trouver une issue à la crise politique. PIB par habitant : 481 $ s’élève à 8 milliards de dollars, soit plus La Renamo a repris les armes entre de la moitié du PIB mozambicain. En 2013 et 2016 pour dénoncer la mainEspérance de vie : 58,9 ans mars, le gouvernement a par ailleurs mise du Frelimo sur le pays. Au cœur Alphabétisation : 50,6 % approuvé le plan de développement des tractations, la démobilisation des Inflation : 6 % d’Anadarko Petroleum pour l’exploicombattants de la Renamo et leur intétation du champ de Golfinho-Atum. gration dans l’armée. Leur incorporaIndice de développement La compagnie table sur un démarrage tion au sein des services secrets reste e humain (sur 189 pays) : 180 de la production en 2023-2024. toujours le principal point d’achoppeInvestissements directs étrangers : Cependant, l’émergence du mouvement entre les deux parties. 2,3 milliards $ ment de guérilla islamiste Al Sunnah wa Jama‘ah, qui est apparu en 2014 Balance courante : – 18,2 % du PIB dans la province de Cabo Delgado, L’ancien parti marxiste au pouvoir Principale exportation : aluminium pourrait retarder ces projets gaziers. depuis 1975 est par ailleurs en proie Dernier changement Au début de juin 2018, Anadarko a à de vives tensions internes. Le chef de président : 2015 suspendu plusieurs de ses activités de l’État, Filipe Nyusi, a été désigné aux environs de Palma et a évacué comme candidat à la présidentielle Croissance du PIB (%) ses employés. En quelques semaines, de 2019. Mais depuis la découverte 4 3,8 plus d’une quarantaine de personnes en avril 2016 d’une dette cachée de 3,7 3,5 ont trouvé la mort dans des attaques. 2 milliards de dollars (1,8 milliard Selon les spécialistes, l’insurrection d’euros), contractée sous la présiPIB (milliards $) compterait 350 à 1 500 combattants dence d’Armando Guebuza, héros de répartis dans une dizaine de cellules, le l’indépendance, le parti est plus divisé 10,9 15,6 14,6 12,6 long de la côte Nord du Mozambique. que jamais. La gravité de la crise budL’État a répondu par la force en progétaire place l’exécutif dans une posi2016 2017 2018* 2019* cédant à plusieurs centaines d’arrestion difficilement tenable. À la suite de tations et en fermant des mosquées. la révélation de l’affaire, le FMI et les Le Mozambique a par ailleurs noué bailleurs de fonds ont décidé le gel de des accords de sécurité avec l’Ouganda, la Tanzanie et la leur aide budgétaire, plongeant le pays dans la crise. Entre RD Congo pour contrer cette guérilla islamiste, qui, pour 2011 et 2016, sa dette a flambé, de 38 % à 113 % du PIB. Quant l’heure, reste cantonnée à cette région. au déficit, il a continué de se creuser en 2018, jusqu’à 7 %. En 2018, la croissance de l’économie devrait s’établir à En situation de défaut de paiements depuis deux ans, 3,5 % et pourrait atteindre 14 % en 2022, selon les prévisions Maputo tente de convaincre ses créanciers de restructurer du FMI. Ces performances seront-elles suffisantes pour sa dette, devenue insoutenable. La signature d’un accord absorber la forte croissance démographique du pays? de principe sur la renégociation des termes d’un eurobond, * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Scandale de la dette cachée
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ANGOLA
ZAMBIE
NAMIBIE
Namibie Windhoek a bonne mine
Windhoek
BOTSWANA
Walvis Bay Océan Atlantique
Hage Geingob devrait conserver son fauteuil présidentiel à l’issue du scrutin de 2019. Après un gros passage à vide, l’économie semble entrevoir le bout du tunnel.
AFRIQUE DU SUD
300 km
par la hausse de la demande internationale en matières Reconduit à la tête de son parti, le président Hage Geingob premières. L’augmentation des exportations minières semble bien parti pour remporter les élections générales de bénéficie à la balance commerciale, qui reste néanmoins 2019. Bien que l’hégémonie de l’Organisation du peuple du déficitaire. Grâce à l’ouverture début 2017 de la mine géante Sud-Ouest africain (Swapo), au pouvoir depuis l’indépende Husab, la production d’uranium a augmenté de près de dance de la Namibie, en 1990, se soit quelque peu érodée au 50 % en 2018, ce qui doit permettre à la Namibie de se hisfil des années, l’opposition, peu structurée, n’est toujours ser sur le podium des producteurs du minerai stratégique, pas en mesure de jouer les trouble-fête. derrière le Kazakhstan et le Canada. À l’image de Cyril Ramaphosa, son L’extraction de diamants connaît homologue sud-africain, le chef de également une embellie avec notaml’État namibien s’est prononcé en Population : 2,6 millions ment la mise en service, en juin 2017, faveur de l’expropriation sans comCroissance démographique : 2,1 % de SS Nujoma, le plus grand navire pensation des terres au profit de la PIB par habitant : 5 923 $ d’exploration offshore. majorité noire dans le cadre d’une réforme agraire. Selon l’indice de Espérance de vie : 64,9 ans Gini, la Namibie est le deuxième Alphabétisation : 88,3 % pays le plus inégalitaire de la plaL’activité namibienne bénéficie aussi Inflation : 3,5 % nète derrière l’Afrique du Sud. Plus de la reprise économique de l’Angola, des deux tiers des terres sont détel’un de ses principaux partenaires Indice de développement nues par la minorité blanche, qui commerciaux. Les investissements e humain (sur 189 pays) : 129 ne représente que 8 % de la populadans les infrastructures, notamment Investissements directs étrangers : tion mais domine encore l’essentiel liés à des projets d’énergie solaire, 416 millions $ de l’économie. Le « nouveau cadre ont permis de diminuer de 22 % les d’autonomisation économique équiimportations énergétiques en 2017. Balance courante : – 6 % du PIB table » (New Equitable Economic La Namibie pâtit en revanche des Principale exportation : diamant Empowerment Framework, NEEEF) résultats médiocres de l’économie Dernier changement du gouvernement a pour but de corsud-africaine. de président : 2015 riger ces fortes inégalités. Ce projet de Les politiques budgétaires expanloi s’inspire directement du « Black sionnistes du gouvernement ont Croissance du PIB (%) Economic Empowerment » mis en par ailleurs creusé le déficit public. 3,1 place en Afrique du Sud. Ce système, Celui-ci atteint, en 2018, 6 % du PIB, 1,1 0,7 – 0,8 créé après l’apartheid, impose aux contre 5 % en 2017. La dette continue entreprises d’ouvrir une part de leur aussi d’augmenter jusqu’à 43,6 % PIB (milliards $) capital à des actionnaires noirs. du PIB, bien au-delà de la limite Après la récession de 2017, due à budgétaire de 35 % fixée par l’État. 14,8 14,1 13,2 11,3 la sécheresse et à la baisse des cours L’exécutif a toutefois fourni d’impordes matières premières, l’économie tants efforts pour assainir les comptes 2016 2017 2018* 2019* namibienne a repris quelques timides publics puisque le déficit budgétaire couleurs. Après 1,1 % en 2018, la croisatteignait 8 % du PIB en 2015. Pour sance devrait atteindre 3,1 % en 2019, l’année fiscale 2018-2019, le gouverselon les estimations du FMI. Ces performances sont tounement prévoit une réduction des dépenses publiques de tefois loin de celles enregistrées avant la crise (6 % en 2015). 1 % du PIB. L’inflation reste contenue, à 3,5 %. Quant au Cette légère embellie économique est portée par la chômage, il demeure très élevé puisqu’il touche 28 % de hausse de la production agricole – ce secteur emploie la population active. 70 % de la population active –, qui résulte d’une saison Enfin, au niveau régional, Hage Geingob a pris fin août des pluies favorable, ainsi que par le dynamisme du secla présidence de la Communauté de développement de teur minier, qui représente 50 % des exportations, stimulé l’Afrique australe (SADC). * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Locomotive angolaise
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Fiches pays AFRIQUE AUSTRALE RD CONGO
Zambie Une économie en ombre chinoise
ANGOLA
Edgar Lungu est déterminé à briguer un nouveau mandat en 2021. D’ambitieux projets chinois stimulent la production de cuivre.
Ndola
ZAMBIE
MOZ.
Lusaka
NAM.
TANZANIE
BOTSWANA
ZIMBABWE
MALAWI
200 km
2018, permet au pays de retrouver une certaine stabilité La libération en août 2017 du leader de l’opposition, macroéconomique. En 2016, elle s’était envolée à 18 %, Hakainde Hichilema, accusé de trahison, a permis d’apaiconséquence de la très forte dépréciation du kwacha zamser les tensions politiques dans le pays. Le président bien en 2015. Edgar Lungu, réélu en 2016 de justesse, entend briguer Le FMI a cependant, pour la troisième fois, rejeté en un nouveau mandat en 2021. Sa candidature reste touteaoût les plans d’emprunt de Lusaka. Le gouvernement fois incertaine dans la mesure où la Constitution limite souhaite obtenir un prêt de 1,3 milliard de dollars de à deux le nombre de mandats présidentiels. Or Edgar l’institution financière internatioLungu avait assuré l’intérim à la tête nale afin de réduire la pression sur de l’État après la mort de Michael ses finances. Afin d’y parvenir, il s’est Sata, en octobre 2015. La polémique Population : 17,6 millions engagé à réduire le déficit à 5,1 % en risque donc d’enfler d’ici au scrutin. Croissance démographique : 3 % trois ans. Le pays entend aussi augSur le terrain économique, la PIB par habitant : 1 450 $ menter ses recettes intérieures à Zambie, deuxième producteur de 19 % du PIB et accroître ses réserves cuivre du continent, a bénéficié en Espérance de vie : 62,3 ans de devises à plus de quatre mois de 2018 de la hausse des cours du métal Alphabétisation : 83 % couverture des importations d’ici à rouge. La croissance devrait s’étaInflation : 8,5 % 2021. blir cette année à 3,8 % selon le FMI, contre 3,4 % en 2017. La production de Indice de développement cuivre, en hausse de 10,6 % sur le prehumain (sur 189 pays) : 144e mier semestre, est soutenue par d’imEn 2018, le ratio dette/PIB atteint Investissements directs étrangers : portants projets. NFC Africa Mining, 60 %, en hausse de cinq points par 1,1 milliard $ filiale du géant chinois CNMC, a rapport à 2017. Le déficit public du ainsi investi plus de 500 millions de pays est, lui, de 8 %, soit au même Balance courante : – 4 % du PIB dollars (438 millions d’euros), sur niveau que l’année précédente. Cet Principale exportation : cuivre un montant total de 832 millions de endettement est accentué par la dette Dernier changement dollars, pour le développement de la extérieure qui atteignait 9,37 milde président : 2015 mine de Chambishi, dont l’espérance liards de dollars en juin 2018 à la suite de vie a été prolongée de vingt ans. d’importants emprunts contractés Croissance du PIB (%) Le nouveau site de Chambishi Southauprès de Pékin. Le budget de l’État 4,5 East Mine, inauguré en août 2018, semble par ailleurs trop ambitieux, 3,8 3,8 3,4 devrait tourner à plein régime d’ici à fondé sur une surévaluation de la 2020, avec une production annuelle hausse des recettes liées à la producde 60 000 tonnes de cuivre. tion de cuivre alors que les dépenses PIB (milliards $) L’économie, peu diversifiée, reste publiques continuent d’augmenter. 26,1 25,8 25,7 20,9 très dépendante du secteur minier En septembre 2018, le Royaumeet de la Chine, premier client pour le Uni a décidé de geler son aide bila2016 2017 2018* 2019* cuivre. L’activité zambienne est égatérale en raison de soupçons de lement portée par le secteur agricole, détournement de fonds d’environ notamment la production de tabac et 4 millions de dollars. Pour l’année de maïs, qui a bénéficié cette année de l’amélioration des fiscale 2018-2019, les Britanniques devaient initialement conditions climatiques. Ces dernières ont également proallouer 47 millions d’euros. La Suède, l’Irlande et la fité à la production hydroélectrique, source quasi excluFinlande ont pris la même décision. Le pouvoir zambien, sive d’électricité du pays. régulièrement accusé de corruption, a en réaction limogé Les réformes économiques et budgétaires entresa ministre du Développement communautaire, Emerine prises ces deux dernières années commencent à porKabanshi. Dans le dernier classement de Transparency ter leurs fruits : l’inflation, qui a été ramenée à 8,5 % en International, le pays occupe le 96e rang (sur 180 pays). * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Emprunts auprès de Pékin
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MALAWI ZAMBIE
Zimbabwe De l’espoir à la désillusion
Harare
ZIMBABWE BOTSWANA
Un an après la chute de Mugabe, le pays est toujours au bord de la faillite. Le nouveau président Mnangagwa tarde à concrétiser ses promesses.
200 km
Océan Indien
Bulawayo
AFRIQUE DU SUD
MOZAMB.
Tournant libéral
* ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
aux affaires ». Il est vrai que le pays sort de l’ère Mugabe à À 75 ans, Emmerson Mnangagwa a réussi son tour de force. bout de souffle. Au terme d’un règne autoritaire de trenteLe président par intérim a été élu dès le premier tour de sept ans, le pays est en faillite. Chaque mois, l’État peine à l’élection présidentielle du 30 juillet. Alors que le taux de payer ses fonctionnaires. Les « billets d’obligation », émis participation s’est élevé à plus de 70 %, il a gagné le scrutin en 2016 à parité avec le dollar pour apporter des liquidités d’une courte tête en récoltant 50,8 % des suffrages. Dans le au système financier, s’échangent depuis cette date à un même temps, son parti, la Zanu-PF, a remporté les deux tiers tiers de la valeur du billet vert. Pour noircir un peu plus des sièges au Parlement. Deux jours après l’élection, l’ople tableau, le chômage touche plus de position était descendue dans les rues 90 % de la population active, le défide Harare pour dénoncer des fraudes. cit public atteint 4 % du PIB et la dette L’armée avait alors tiré à balles réelles, Population : 16,9 millions publique 90 %. faisant au moins six morts. Cette vioCroissance démographique : 2,3 % Le Zimbabwe ne s’est jamais relevé lente répression a écorné l’image de PIB par habitant : 1 269 $ de la crise économique majeure des « nouveau Zimbabwe » que souhaite années 2000. La redistribution forcée afficher le pouvoir. Espérance de vie : 61,7 ans des terres agricoles appartenant aux Nelson Chamisa, le chef du Alphabétisation : 88,7 % fermiers blancs avait fait chuter de Mouvement pour un changement Inflation : 3,9 % 60 % en volume la production agridémocratique (MDC), principal parti cole, provoquant l’effondrement des de l’opposition, a été crédité de 44,3 % Indice de développement recettes publiques tirées des expordes suffrages lors de la présidentielle. e humain (sur 189 pays) : 156 tations. Entre 1998 et 2008, le PIB du À 40 ans, il avait pris la succession de Investissements directs étrangers : pays a été quasiment divisé par deux, Morgan Tsvangirai, le fondateur du 289 millions $ alors que le taux de pauvreté grimpait parti, décédé le 14 février des suites à 72 %dela population.L’abandon dela d’un cancer. L’opposant historique Balance courante : – 5,8 % du PIB monnaie nationale au profit du dollar, de Robert Mugabe avait été aperçu Principale exportation : tabac en avril 2009, avait toutefois permis de pour la dernière fois publiquement en Dernier changement stabiliser l’économie avec un taux de novembre 2017, quelques jours avant de président : 2017 croissancemoyende2,9%jusqu’à2016. la capitulation de son vieil ennemi, Dans son gouvernement nommé le déchu par un coup d’État déguisé et Croissance du PIB (%) 7 septembre, Emmerson Mnangagwa remplacé par son ancien bras droit, 4,2 3,6 3,7 a nommé un économiste chevronné, Emmerson Mnangagwa. Mthuli Ncube. Professeur à la pres0,7 tigieuse université britannique d’Oxford et ancien vice-président de Preuve d’une tension extrême au PIB (milliards $) la BAD, il est désormais chargé des sein du parti au pouvoir, le 23 juin, en 21,6 19,4 17,6 Finances. Les portefeuilles stratépleine campagne électorale, le pré16,1 giques des Affaires étrangères et des sident par intérim a échappé à une 2016 2017 2018* 2019* Affaires foncières ont, eux, été confiés tentative d’assassinat attribuée au à deux généraux à la retraite. G40 – l’explosion d’une grenade lors Pour tenter de relancer une écod’un meeting a fait deux morts. Cette nomie exsangue, le président zimbabwéen veut attifaction de la Zanu-PF avait tenté l’an dernier de porter au rer les investisseurs étrangers. Dès son investiture, en pouvoir Grace Mugabe, la très controversée épouse de novembre 2017, il avait rappelé que la reconstruction du Robert Mugabe. pays se ferait en libéralisant l’économie et en encourageant Investi le 26 août en présence de plusieurs chefs d’État la création d’entreprises. Mais la tâche s’annonce ardue. africains, Emmerson Mnangagwa, qui dispose de fortes Un an après le départ de Mugabe, l’euphorie a fait place au connexions dans l’armée, a pris le contre-pied de son désenchantement. prédécesseur en martelant que « le Zimbabwe est ouvert
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Fiches pays Victoria
SEYCHELLES
Océan Indien TANZANIE
COMORES ZAMBIE
Moroni
Dzaoudzi Mayotte (FRANCE)
MOZAMBIQUE MALAWI
Antsiranana (Diégo-Suarez)
Mahajanga Canal de Mozambique Antananarivo
ZIMBABWE
MADAGASCAR
Toamasina (Tamatave)
MAURICE Saint-Denis
Fianarantsoa
Port-Louis
La Réunion (FRANCE)
Toleara (Tuléar)
300 km
217 218 219 220
Comores Madagascar Maurice Seychelles
OcéanIndien
Deux nuances de bleu
ouvelle année, nouveau président. En janvier, Andry Rajoelina ou Marc Ravalomanana aura retrouvé le fauteuil que l’un et l’autre ont déjà occupé. Le second tour de la présidentielle malgache oppose les deux acteurs de la crise politique de 2009. Le vainqueur aura de multiples défis à relever pour mettre fin à la morosité économique et sociale dans laquelle le pays est englué depuis dix ans. La Grande Île tourne la page Rajaonarimampianina sans regret, tant son bilan paraît maigre après quatre ans au pouvoir. Antananarivo et Moroni partagent le même besoin d’attirer des investisseurs étrangers pour développer leurs économies, qui ont du mal à sortir de l’ornière.
N
Sur le plan politique, l’Union des Comores a adopté à la fin de juillet 2018 une réforme constitutionnelle qui renforce le pouvoir d’Azali Assoumani et modifie en profondeur le système de présidence tournante. À Maurice et aux Seychelles, le contexte est tout autre. Les deux pays font figure de modèles de développement et trustent les premières places des classements internationaux. S’appuyant chacune sur leurs atouts, les deux économies affichent de bonnes performances. Seuls bémols, le « miracle » mauricien peine à trouver un nouveau souffle, tandis que l’économie seychelloise présente des signes de surchauffe. Des problèmes de riches, non?
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Fiches pays OCÉAN INDIEN NGAZIDJA (GRANDE COMORE)
Comores Assoumani fixe les règles du jeu La récente réforme constitutionnelle renforce le pouvoir présidentiel. Elle modifie aussi en profondeur le système de présidence tournante.
Moroni
Océan Indien
COMORES
NDZUANI
Mutsamudu (ANJOUAN)
MWALI (MOHÉLI) 30 km
Dzaoudzi
MAORÉ (MAYOTTE) (France)
Une élection présidentielle anticipée est attendue en 2019 L’année 2018 s’est inscrite dans la continuité de 2017, avec un au lieu de 2021. Selon la nouvelle règle d’un quinquennat renforcement du pouvoir d’Azali Assoumani. Après avoir été renouvelable une seule fois, Azali Assoumani pourrait donc élu à la tête de l’Union des Comores, en 2016, grâce à l’appui se maintenir à la tête du pays jusqu’en 2029. En revanche, du parti Juwa, d’Ahmed Abdallah Sambi, le chef de l’État le principe d’une présidence tournante entre les trois îles s’est débarrassé un an plus tard de son encombrant allié. de l’archipel (Grande Comore, Anjouan et Mohéli) a été Il est depuis allé plus loin en arrêtant l’ancien président. conservé, mais il ne pourra s’appliquer que tous les dix ans, L’enquête diligentée à la fin de 2017 par le palais présidenet non plus tous les cinq ans comme tiel sur la vente illégale de passeports précédemment. comoriens à des ressortissants étrangers, entre 2008 et 2016, a livré ses Population : 800 000 conclusions en avril 2018, pointant la Croissance démographique : 2,2 % responsabilité des présidents alors en Cette réforme a été très fraîchement PIB par habitant : 877 $ fonction, Ahmed Sambi et son sucaccueillie sur l’île d’Anjouan, qui est cesseur Ikililou Dhoinine. Si le second de nouveau animée par des volontés Espérance de vie : 63,9 ans semble jouir d’une relative liberté sur séparatistes, comme l’ont montré les Alphabétisation : 49,2 % son île de Mohéli, ce n’est pas le cas émeutes survenues courant octobre Inflation : 2 % du premier, placé en résidence surà Mutsamudu, la capitale, qui ont fait veillée dès le mois de mai, avant d’être plusieurs victimes. Elle a également Indice de développement inculpé pour corruption et incarcéré créé des tensions avec Paris, puisque e humain (sur 189 pays) : 165 en août 2018. cette nouvelle Constitution intègre Investissements directs étrangers : Quelques semaines plus tôt, le prétoujours Mayotte dans ses textes. Si 9 millions $ sident Assoumani avait réussi à faire un éventuel retour de la « quatrième approuver par référendum, à 92 %, la île » dans l’archipel n’est pas d’actuaBalance courante : – 9,2 % du PIB réforme constitutionnelle qu’il avait lité, les gouvernements comorien Principale exportation: clous de girofle annoncée à la suite des Assises natioet français multiplient les réunions Dernier changement nales organisées à la fin de 2017. Un pour tenter de résoudre la crise des de président : 2016 score flatteur pour une question qui migrants, alors que la tension grandit est pourtant loin d’avoir fait l’unanià Mayotte et que Moroni refuse, pour Croissance du PIB (%) mité les mois ayant précédé le scrul’instant, d’accueillir ses ressortissants 2,8 2,8 2,7 tin. L’opposition a immédiatement refoulés – plus de 20000 en 2017 –, en dénoncé une manipulation du camp réponse à l’intransigeance de Paris sur 2,2 présidentiel, tandis que la commula question des visas. Il est vrai aussi nauté internationale a exprimé sa que l’économie comorienne, déjà PIB (milliards $) vive inquiétude, tant sur les intenexsangue, n’est pas en mesure d’ab0,7 0,7 0,7 0,6 tions d’Azali Assoumani que sur une sorber cet afflux de population. possible dégradation de la situation Quelques infrastructures – routes, 2016 2017 2018* 2019* dans l’archipel. Pour toute réponse, dispensaires de santé, etc. – contile chef de l’État a mis un terme, début nuent par ailleurs de voir le jour, juillet, aux fonctions de son vice-préessentiellement grâce aux dons saousident, Ahmed Saïd Djaffar, accusé d’avoir exprimé un peu diens et émiratis, qui ont représenté 3 % du PIB l’an dernier. trop fort ses désaccords. Ce n’était de toute façon qu’une Mais, faute d’installations énergétiques suffisantes, la croisquestion de semaines, puisque la nouvelle Constitution sance ne dépasse pas les 2,8 %. Elle pourrait culminer à 3,3 % renforce les pouvoirs du président, qui devient également en 2023, si le pays réussit à attirer les investisseurs privés. le chef du gouvernement. « Au nom de l’indivisibilité de Le président Azali en a fait l’une de ses priorités, alors que l’Union », justifie Azali Assoumani, qui reprochait à l’anl’Union des Comores vient encore de perdre cinq places au cienne Constitution « d’avoir insularisé le débat politique ». classement « Doing Business » de la Banque mondiale. * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Tensions avec Paris
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Fiches pays OCÉAN INDIEN
COMORES
MADAGASCAR
Madagascar Match retour de la crise de 2009
Toamasina Antananarivo
Andry Rajoelina et Marc Ravalomanana, les meilleurs ennemis depuis dix ans. Le vainqueur devra relever de nombreux défis pour sortir l’économie du marasme.
300 km
Océan Indien
MAURICE LA RÉUNION (France)
population attend toujours, dans son écrasante majorité, Les périodes préélectorales sont souvent mouvementées d’en récolter les fruits. Contesté par la société civile et par à Madagascar. Et celle précédant le scrutin présidentiel de un pouvoir judiciaire inquiet de son indépendance, sans 2018 n’a pas fait exception à la règle. Cette fois, pas de ni-ni majorité stable au Parlement, au point d’être régulièrement comme en 2013, tout le monde a pu se présenter. À commenacé d’une motion de censure ou de déchéance, comme mencer par les anciens chefs de l’État Didier Ratsiraka, Marc cela a encore été le cas au printemps, « Hery » n’a jamais RavalomananaetAndryRajoelina,auxquelss’estajoutéHery été en position d’engager les grandes réformes nécessaires Rajaonarimampianina. Après avoir fait durer le suspense, le pour relancer une économie tombée président sortant a bien démissionné très bas en dix ans. Sa dernière année au début de septembre 2018 pour de mandat a aussi été marquée par pouvoir briguer un nouveau mandat, Population : 26,3 millions des affaires de corruption mettant en comme le stipule la Constitution. Croissance démographique : 2,7 % cause certains de ses proches, ce qui Trente-six candidats ont été autorisés PIB par habitant : 475 $ a contribué à plomber un bilan déjà par la Haute Cour constitutionnelle bien maigre. (HCC) à participer à cette élection, Espérance de vie : 66,3 ans établissant un nouveau record en la Alphabétisation : 71,6 % matière. Arrivés en tête du scrutin du Inflation : 7,8 % 7 novembre, Andry Rajoelina et Marc Madagascar attend donc toujours Ravalomanana se sont affrontés lors celui qui la sortira du marasme. La Indice de développement du second tour du 19 décembre. situation macroéconomique est e humain (sur 189 pays) : 161 Les neuf sages de la HCC avaient désormais proche de l’équilibre, mais Investissements directs étrangers : déjà lourdement influé sur la suite elle demeure toujours aussi fragile, 389 millions $ du processus électoral en imponotamment face aux impondérables sant, le 18 mai 2018, la démission du climatiques. Grâce à l’aide chinoise, Balance courante : – 2,2 % du PIB Premier ministre, Olivier Mahafaly, le pays a commencé à s’équiper en Principale exportation : vanille pour nommer un chef de gouverneinfrastructures indispensables à son Dernier changement ment « de consensus ». Le 4 juin de la émergence, mais beaucoup reste à de président : 2018 même année, l’expérimenté Christian faire dans les domaines du transport et Ntsay s’est installé à la primature, avec de l’énergie, sans lesquels aucun déveCroissance du PIB (%) comme mission d’organiser le scrutin loppement industriel n’est possible. 5,4 dans un contexte apaisé. Le pays était Le pays devrait en revanche pouvoir 5 dans une impasse depuis la mort par compter sur la bonne santé des cours 4,2 4,2 balles de plusieurs manifestants, le de matières premières – vanille en 21 avril, dans les rues d’Antananatête – pour voir sa balance commerPIB (milliards $) rivo. Après des mois de contestation, ciale réorientée dans le bon sens. 13,6 12,5 11,5 10 orchestrée par les députés de l’oppoL’un des défis du prochain présition, la HCC a pris le risque d’outresident sera de faire revenir dans la 2016 2017 2018* 2019* passer ses prérogatives pour remettre Grande Île les investisseurs privés, le pays sur le chemin des urnes. notamment étrangers, échaudés par Car les années passent, et la Grande la corruption endémique en cours de Île reste engluée dans la crise politique née de la transition de ces dernières années. Madagascar n’a donc d’autre choix 2009. Élu quatre ans plus tard, Hery Rajaonarimampianina que de poursuivre les efforts qui lui ont permis de gagner n’a pas vraiment réussi à sortir son pays de l’ornière éconocinq places en 2018 dans le classement « Doing Business » mique. Son principal fait d’armes a été de faire revenir les de la Banque mondiale, après avoir déjà progressé de bailleurs de fonds internationaux dans un pays mis à l’indeux rangs l’année dernière. En espérant qu’entre-temps le dex pendant de longues années. La croissance a bien doublé pays ne succombe pas à une autre de ses mauvaises habitupendant son mandat, pour atteindre 5 % en 2018, mais la des: les crises postélectorales. Réponse dès janvier 2019. * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Infrastructures chinoises
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10 km
Maurice Un système à bout de souffle
Océan Indien
La classe politique est discréditée par une série de scandales financiers. L’économie marque le pas malgré le tourisme, les grands projets et la finance.
Port-Louis
MAURICE Océan Indien
accordant notamment une ligne de crédit de 500 millions Ce rocher immergé au milieu de l’océan Indien a fêté, le de dollars (440 millions d’euros) en 2017. 12 mars, le cinquantième anniversaire de son indépenSeul bémol, l’endettement public demeure important, dance. Depuis plusieurs années, le confetti mauricien fait à 61 % du PIB, tandis que le déficit budgétaire se mainfigure de modèle de développement: en un demi-siècle, l’extient en 2018 à 3%, selon le FMI. En raison de l’augmentatrême pauvreté a été éradiquée, l’accès à l’éducation et à la tion des prix des denrées liée à de mauvaises conditions santé est gratuit, et 89 % de ses habitants ont accès à la prométéorologiques, l’inflation reste élevée, à 5,1 %, alors priété. Pour parfaire le tableau, l’île Maurice trône pour 2018 qu’elle était de seulement 1 % en 2015 en tête du palmarès des pays africains et 2016. du classement « Doing Business » de la Banque mondiale. Population : 1,3 million Le « miracle mauricien » peine Croissance démographique : 0,2 % cependant à trouver son second Sur le plan politique, l’année 2018 PIB par habitant : 11 015 $ souffle. La transition vers une éconoaura été marquée par la démission, le mie à revenus élevés dès 2020, l’objec23 mars, de la présidente, Ameenah Espérance de vie : 74,9 ans tif fixé par le gouvernement, semble Gurib-Fakim, mise en cause dans Alphabétisation : 92,7 % compromise par la persistance d’un l’« affaire Sobrinho », du nom du sulfuInflation : 5,1 % chômage élevé, qui s’établit à 6,5 % en reux homme d’affaires angolais. Âgée 2018, et d’une population vieillissante. de 58 ans, elle était la première femme Indice de développement Le retard pris dans la mise en œuvre à occuper cette fonction honorifique. e humain (sur 189 pays) : 65 des réformes structurelles et l’absence Après des révélations dans la presse, Investissements directs étrangers : d’investissements dans les secteurs du elle a été poussée vers la sortie par le 293 millions $ numérique ou de « l’économie bleue » Premier ministre, Pravind Jugnauth, mettent en doute la faisabilité du qui a succédé à son père, Anerood, en Balance courante : – 8,2 % du PIB calendrier annoncé. janvier 2017. Cet épisode est un signe Principale exportation : textile En 2018, la croissance devrait supplémentaire de l’essoufflement du Dernier changement atteindre 3,9 %. Cette bonne perforsystème politique mauricien, marqué de Premier ministre : 2017 mance repose sur les services, en parpar la mainmise des grandes dynasties ticulier dans les secteurs de la finance hindoues. Croissance du PIB (%) et du tourisme. L’île a accueilli en 2017 Plus généralement, la classe poli4 3,9 1,34 million de visiteurs étrangers tique est décrédibilisée par les révéla3,8 3,8 – soit l’équivalent de sa population –, tions en série de scandales financiers. ce qui correspond à une hausse de À la fin de juillet, la ministre de l’ÉgaPIB (milliards $) 5,2 % du nombre de touristes. lité des genres, l’avocate Roubina L’activité économique est égaleJadoo-Jaunbocus, a remis sa démis14,9 14 13,3 12,2 ment soutenue par le lancement de sion après la publication du rapport de grands projets. En 2017, le gouverla commission d’enquête sur la drogue 2016 2017 2018* 2019* nement a donné son feu vert pour la dans lequel sont révélés ses liens supconstruction de neuf « smart cities », posés avec des trafiquants. ce qui va notamment doper le secLes élections générales de 2019 teur du BTP. Le Métro express, ligne ferroviaire de 26 km devraient se jouer entre le Parti travailliste (PT) de Navin dont le but est de désengorger Port-Louis, devrait pour sa Ramgoolam, fils de Seewoosagur, le père de la nation maupart entrer en service en septembre 2019. Concernant la ricienne, et le Mouvement socialiste Mauricien (MSM), du mise en œuvre de ces chantiers, l’île Maurice peut compPremier ministre. Une alliance serait en cours de négociater sur son grand frère indien. Le pays dirigé par le Premier tion entre le Mouvement militant mauricien (MMM), de ministre nationaliste Narendra Modi a massivement investi Paul Béranger, et le MSM, principal parti de la coalition au dans le développement des infrastructures mauriciennes, pouvoir. * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Démission de la présidente
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Fiches pays OCÉAN INDIEN
Île Praslinn
Seychelles Gare à la surchauffe !
SEYCH H ELLES Île Silhouette
(Archippel central)
Victooria
L’archipel ambitionne de devenir incontournable dans l’« économie bleue ». Les secteurs du tourisme et de la pêche affichent de bonnes performances.
Île La Digue
Océan Indien
MAH HÉ 10 km
Selon le classement « Doing Business » de la Banque monL’archipel figure régulièrement en tête des classements diale, les Seychelles figurent dans le top 10 des pays africains continentaux. Il affiche ainsi le PIB par habitant le plus dont le climat des affaires est le plus favorable. Résultat, les élevé d’Afrique, à 16 377 dollars en 2018 (14 440 euros). Il investissements directs étrangers (IDE) sont en hausse, de occupe également la première place du classement du même que l’investissement intérieur privé, en particulier Pnud des pays africains les plus développés (selon l’IDH). dans les petites et moyennes entreprises. En 2017 et en 2018, Et d’après le palmarès de Transparency International en l’investissement public dans les infrastructures est égale2017, il grimpe sur la deuxième marche du podium des pays ment monté en puissance. africains les moins corrompus. Pour soutenir l’économie, qui préIl est vrai que cette petite nation sente des signes de surchauffe, la insulaire a bénéficié d’une croissance Population : 100 000 Banque centrale a conduit une polisoutenue au cours de la dernière Croissance démographique : 0,5 % tique monétaire plutôt restrictive. En décennie. Avec un taux de chômage PIB par habitant : 16 377 $ 2018, l’inflation s’établit à 2 %, soit un de 3 %, le pays connaît désormais point de moins qu’en 2017. La stratéune situation de plein-emploi. Les Espérance de vie : 73,7 ans gie budgétaire prudente du gouverSeychelles font donc de plus en plus Alphabétisation : 94 % nement a également porté ses fruits appel à des travailleurs expatriés. Ces Inflation : 4,4 % puisque la dette publique est en recul. derniers représentent aujourd’hui Les autorités se sont fixé pour objectif un quart de la main-d’œuvre totale. Indice de développement de ramener le ratio dette/PIB à 50 % Déjà limitée, la pauvreté continue de e humain (sur 189 pays) : 62 d’ici à deux ans. Depuis la crise écodiminuer : en 2019, 5,1 % de la popuInvestissements directs étrangers : nomique et le défaut de paiement du lation devrait vivre au-dessous du 192 millions $ pays sur sa dette souveraine en 2008, seuil de pauvreté, fixé à 5,50 dollars ce ratio a été divisé par trois, de 192 % par jour. Balance courante : – 18,4 % du PIB à 60 % du PIB en 2018. Principale exportation : poisson La lutte contre le changement cliDernier changement matique constitue l’un des principaux Le tourisme et la pêche (le thon en de président : 2016 défis du gouvernement puisque 80 % conserve représente la quasi-totalité des îles sont menacées par la montée de ses exportations de biens) sont Croissance du PIB (%) des eaux. Celui-ci a adopté une série les deux principaux moteurs de son 5,3 de mesures, déterminé à faire du pays économie. Celle-ci bénéficie notam4,5 l’un des leaders mondiaux de l’« écoment du dynamisme du secteur tou3,6 3,3 nomie bleue ». Les autorités seychelristique : en 2017, l’archipel a battu PIB (milliards $) loises se sont ainsi engagées à créer à son record en accueillant 349861 visil’horizon 2020 l’une des plus vastes teurs (une majorité d’Européens), un 1,6 1,6 1,5 1,4 zones de protection marine au monde. chiffre en hausse de 15,4 % par rapD’une superficie de 400 000 km2, port à 2016. Compte tenu de la bonne 2016 2017 2018* 2019* santé de la filière, les prévisions écocelle-ci représentera 30 % des eaux ternomiques du FMI restent favorables, ritoriales de l’archipel. Pour appuyer avec une croissance comprise entre cette transition écologique, l’autre 3 % et 4 % jusqu’en 2022. objectif du gouvernement est de produire 100 % d’énergie Le niveau d’activité est toutefois légèrement inférieur renouvelable d’ici à 2030. aux années précédentes en raison du ralentissement Enfin, sur le plan politique, la prochaine élection présides projets de construction liés au tourisme. L’année dentielle est prévue en 2020. Un mois après la défaite élecdernière, l’État avait prolongé jusqu’à la fin de 2020 torale en septembre 2016 de son parti, le Lelep, au pouvoir le moratoire sur l’octroi de nouveaux permis pour les depuis quarante ans, le président James Michel avait démisgrands hôtels. sionné au profit de son vice-président, Danny Faure. * ESTIMATIONS OCTOBRE 2018
Discipline budgétaire
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Rattaché(e) au Procurement & Logistics Manager, vous êtes responsable des opérations quotidiennes d’inventaire et d’entrepôt, vous coordonnez le stockage, le transport et la livraison des marchandises. Vous serez amené(e) à superviser et former l’équipe d’inventaire, diriger et optimiser le cycle de commande complète, ainsi qu’à suivre la qualité, la quantité, les niveaux de stock, les délais de livraison, les coûts de transport et l’efficacité du site. Titulaire d’un Master en administration des entreprises, logistique ou chaîne d’approvisionnement, vous justifiez d’une expérience de 5 à 7 ans, au minimum, en tant que gestionnaire d’Entrepôt & Logistique. Vous disposez aussi d’un excellent sens de résolution analytique, de résolution de problèmes et de compétences organisationnelles.
Contrôleur de gestion senior - projet H/F Cameroun - CDI - JO-0088104 Dans le cadre de la réalisation d’un projet de construction au Cameroun, vos missions comprennent : l’élaboration des procédures ainsi que des outils de gestion et de reporting, la mise en place et l’optimisation des flux d’information financière, ainsi que le pilotage du processus budgétaire. De plus, vous managez un contrôleur de gestion junior. Issu(e) d’une formation supérieure type ingénieur, DESS ou École de commerce avec une spécialisation en contrôle de gestion, vous disposez d’une expérience de 10 à 15 ans minimum sur une position similaire. De plus, vous parlez couramment français et anglais.
Gavi, l’Alliance du Vaccin, est un partenariat public-privé qui s’est donné comme mission de sauver des vies d’enfants et de protéger la santé des populations en élargissant l’utilisation équitable des vaccins dans les pays à plus faible revenu. L’Alliance du Vaccin rassemble des pays en voie de développement et des gouvernements donateurs, l’Organisation mondiale de la Santé, l’UNICEF, la Banque mondiale, l’industrie du vaccin, des agences techniques, la société civile, la fondation Bill & Melinda Gates ainsi que d’autres partenaires du secteur privé. Gavi fait appel à des mécanismes financiers novateurs, tels que le cofinancement par les pays bénéficiaires, pour se doter de sources de financement durables et obtenir un approvisionnement suffisant en vaccins de qualité. Gavi a contribué, depuis l’an 2000, à l’immunisation de près de 700 millions d’enfants et à la prévention de 10 millions de décès. Gavi recherche, pour le poste de Managing Director Country Programmes, une personne qui figurera ainsi parmi les principaux membres de l’équipe dirigeante. Le Country Programmes Department (département des programmes nationaux) supervise la mise en œuvre des programmes d’immunisation soutenus par Gavi. La personne exerçant la fonction de Managing Director Country Programmes sera chargée de diriger ce département, tout en favorisant un environnement motivant et solidaire, et de veiller à ce que les programmes de Gavi soient de toute première qualité. Elle devra encourager l’innovation et l’adoption de pratiques d’excellence à travers toute l’organisation. Les candidats et candidates doivent apporter la preuve qu’ils ou elles ont déjà eu l’occasion de planifier, de mettre en œuvre et de contrôler avec succès des programmes nationaux de grande envergure. Ils ou elles doivent être capables d’évoluer de manière crédible au sein d’environnements politiques de haut niveau tout en galvanisant les énergies de leurs collègues au sein de Gavi, en les inspirant et en contribuant à leur développement. Ils ou elles doivent posséder de solides compétences financières, faire preuve de capacités d’analyse pointues et baser toutes leurs décisions sur des preuves tangibles. Gavi s’est engagée à favoriser la diversité au sein de son personnel et encourage toutes les personnes qualifiées qui le souhaitent à déposer leur candidature. Gavi Alliance a engagé Russell Reynolds Associates afin de l’aider à pourvoir ce poste. Pour obtenir un complément d’information concernant le poste proposé, ainsi que des détails supplémentaires sur les qualifications exigées, les critères, les conditions d’emploi et les modalités de candidature, rendez-vous sur : www.rraresponses.com La date de clôture des candidatures est fixée au 31 janvier 2019.
Dès à présent, bâtissons le futur de Douala
Retrouvez toutes nos annonces sur le site : www.jeuneafrique.com
RECRUTEMENT
Pour postuler : fadk@fedafrica.com www.fedafrica.com
Cette offre est une occasion d’intégrer l’équipe dirigeante de la principale organisation mondiale de promotion des vaccins et de l’immunisation.
Douala, première ville du Cameroun au plan démographique, est également le poumon économique du Cameroun. Face à l’afflux constant de nouveaux habitants et en raison de son attractivité, la Société Métropolitaine d’Investissement de Douala (SMID), a été créée pour mobiliser des ressources indispensables au financement de son 6HJD [^=',:'8= *71=.JD^;F' ` H7!B=^UBD +/+$ *78D' ZJH'8= *' - &// F^HH^J=*; *' X9X<N et poursuivre la transformation de la ville, pour faire de Douala une ville moderne et plus attrayante, reflétant les standards internationaux d’urbanisation. 6B8= J,,CHC='= H' *CZ'HBAA'F'D: *' HJ Z^HH' *' [B8JHJN HJ 4RT[ 4L<L =',=8:' I 3 1D [^=',:'8= VCDC=JH Q/-P K 5C% I *#/3 1D [^=',:'8= <*F^D^;:=J:^% ': X^DJD,^'= Q/-P K 5C% I *J%/+ 3 1D [^=',:'8= *' HJ 6=B*8,:^BD ': *' H7YWAHB^:J:^BD Q/-P K 5C% I *A'/( 3 1D [^=',:'8= *' HJ 6=BFB:^BDN*8 RJ=\':^D# ': *'; 5'HJ:^BD; 68.H^?8'; Q/-P K 5C% I*AF=A/&
DIRECTEUR GENERAL H/F
Mission 5'AB=:JD: J8 9BD;'^H *7<*F^D^;:=J:^BDN H' [^=',:'8= VCDC=JH J AB8= =';ABD;J.^H^:C *' %^DJH^;'= la création de l’entreprise, d’en définir la stratégie et d’encadrer les différentes ressources financières, humaines et techniques. Profil • Bac+ 5 en Management avec 10 années d’expérience dans des postes d’encadrement supérieur (Direction d’entreprise), • Expériences réussies en gestion financière,en négociation d’affaires,en gestion juridique et commerciale, • Connaissance des enjeux et règles de gestion d’une société d’économie mixte (dont filiales et prises de participation), •<ZB^= 8D' 'WAC=^'D,' ;8= *'; A=B]':; 'D 8=.JD^;F'N'D #';:^BD *8 %BD,^'= ': 'D JFCDJ#'F'D: ';: 8D J:B8:G • <ZB^= 8D' ,BDDJ^;;JD,' *' H7'DZ^=BDD'F'D: *' H78=.JD^;F'N *' H7JFCDJ#'F'D: ': *' HJ #';:^BD du patrimoine au Cameroun est un atout • Bilingue (anglais et français) • <ZB^= 8D' J^;JD,' ='HJ:^BDD'HH' ': @:=' 8D' %B=,' *' DC#B,^J:^BD 5':=B8Z'U H' *C:J^H *'; B%%='; ;8= !::AIKKJF;,BM,JF'=B8DLB=#K S'; ,JD*^*J:Q'P; ^D:C=';;CQ'P; *'Z=BD: DB8; J*=';;'= H'8= 90 'D %=JDEJ^; AJ= FJ^H I =',=8:'F'D:>JF;,BM,JF'=B8DLB=# G 'D A=C,^;JD: *JD; H7B.]': *8 FJ^H HJ =C%C='D,' *8 AB;:'K 2CH I QO+(_P I +(( &+ (( --K RB.^H' I QO+(_P "$-&$/-+( &1.( 9"5".( +( +*23. +(/ )$/ 6 '# !14,"(0 %-'7
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APPEL D’OFFRES - FORMATION
ANNONCES CLASSÉES
INTERPOL Appel d’Offres n° 4773 Sujet : L’Organisation internationale de police criminelle - INTERPOL, dont le siège est à Lyon, France a lancé un appel d’offres ouvert à l’échelle mondiale n° 4773 relatif à l’approvisionnement en équipements informatiques de Bureaux centraux nationaux (BCN), aux extensions I -24/7, à l’intégration du système national I -24/7 pour les services Web ainsi qu’aux installations et travaux civils. L’objectif de cet appel d’offres est de conclure des contratscadres avec des entreprises pour une période pouvant aller jusqu’à 5 ans. Pays : Les entreprises pourront soumettre une offre couvrant un seul, plusieurs ou l’ensemble des 194 pays membres de l’Organisation. Documentation : La documentation peut être téléchargée depuis la plateforme de dématérialisation des achats à l’adresse suivante : https://procurement-icpo.omnikles.com Date limite pour les questions : 6 janvier 2019 ; Date limite de soumission des offres : 21 janvier 2019
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ANNONCES CLASSÉES
MINISTÈRE DE L’HYDRAULIQUE, DE L’ÉNERGIE ET DES MINES AGENCE BURUNDAISE DE L’ÉLECTRIFICATION RURALE (ABER) PROJET D’ÉLECTIFICATION RURALE DE KIRUNDO (PERK) Prêt BADEA N° 0804 – Prêt OFID N° 1679P Avis d’appel d’offres international ouvert pour l’exécution des travaux d’électrification de 34 villages des communes Busoni, Bwambarangwe et Gitobe en Province Kirundo (Burundi) Le Projet d’Electrification Rurale de Kirundo « PERK », logé dans la Direction Générale de l’ABER du Ministère de l’Hydraulique, de l’Energie et des Mines, invite, par le présent avis d’appel d’offres international ouvert, les soumissionnaires admis à concourir à présenter leurs offres sous pli fermé, pour l’exécution des travaux d’électrification des 34 villages des communes de Busoni, Bwambarangwe et Gitobe de la Province de Kirundo. Le dossier d’appel d’offres (DAO) peut être consulté gratuitement tous les jours ouvrables de 8 heures à 15 heures 30 minutes au secrétariat de la Coordination du Projet PERK sis en Commune Ntahangwa, Avenue Mwambutsa n° 22 (Bujumbura) ; dans les enceintes de l’ABER ; Tél. : 22 28 02 80. L’avis d’appel d’offres détaillé peut être consulté sur les sites Web www.aber-burundi.com, www.ministere-energie-mines.gov.bi, www.badea.org et www.devbusiness.com. Le DAO peut également être obtenu par les soumissionnaires à l’adresse indiquée ci-dessus moyennant paiement d’un montant non remboursable de cinq cent mille francs burundais (500.000 BIF) à verser au compte général du Trésor Public n° 1101/001.04 (code SWIFT/BIC : BRBUBIBI) ouvert à la Banque de la République du Burundi (BRB) au nom de l’Office Burundais des Recettes (OBR). Le marché est composé de deux (2) lots et chaque offre devra comprendre une garantie bancaire de soumission détaillée comme suit : • Lot 1 : Quatre cent mille dollars américains (400 000 USD) ; • Lot 2 : Deux cent cinquante mille dollars américains (250 000 USD).
Toutes les offres devront être déposées à l’adresse indiquée ci-dessus au plus tard le 22/02/2019 à 9 heures précises. L’ouverture des offres aura lieu le même jour à partir de 10 heures au siège du Projet en présence des soumissionnaires qui le désirent ou leurs représentants.
APPEL D’OFFRES
Le délai d’exécution par lot est le suivant : • Lot 1 : 16 mois calendriers ; • Lot 2 : 13 mois calendriers.
MINISTÈRE DE L’ASSAINISSEMENT ET DE LA SALUBRITÉ Projet de Sauvegarde et de valorisation de la Baie de Cocody et de la Lagune Ebrié (PABC) RÉPUBLIQUE DE CÔTE D’IVOIRE
AVIS DE REPORT DE DATE RELATIF AU DOSSIER D’APPEL D’OFFRE N° T723/2018 POUR LES TRAVAUX DE CONSTRUCTION DU BASSIN ÉCRÊTEUR DE WILLIAMSVILLE
BANQUE ISLAMIQUE DE DÉVELOPPEMENT
1. Le Gouvernement de la République de la Côte d’Ivoire a obtenu un financement de Banque Islamique de Développement pour financer une partie du Projet de sauvegarde et de valorisation de la baie de Cocody et de la lagune Ebrié (PABC), et a l’intention d’utiliser une partie de ce financement pour effectuer des paiements éligibles au titre du Marché des travaux de construction du bassin écrêteur de Williamsville. L’Unité de Gestion du PABC, Maître d’Ouvrage Délégué du Projet, agissant au nom et pour le compte du Ministère de l’Assainissement et de la Salubrité, sollicite des offres sous pli fermé de la part des soumissionnaires éligibles pour exécuter les Travaux de construction du bassin écrêteur de Williamsville • Les candidats intéressés par cet appel d’offre qui n’ont pas encore achetés le dossier peuvent s’en procurer au prix de cent mille (100 000) francs CFA à l’adresse ci-dessous : • Par ailleurs les nouvelles dates de dépôt des offres et de la séance d’ouverture des plis, sont modifiées comme suit : - Dépôt des offres : vendredi 18 janvier 2019 à 10 H 00 minute GMT ; - Séance d’ouverture des plis : vendredi 18 janvier 2019 à 10 H 30 minutes GMT. • Initialement les dates de dépôt des offres et de la séance d’ouverture des plis, étaient les suivantes : - Dépôt des offres : jeudi 20 décembre 2018 à 10 H 00 minute GMT ; - Séance d’ouverture des plis : jeudi 20 décembre 2018 à 10 H 30 minutes GMT. • Les candidats intéressés sont priés de retirer le procès-verbal de la réunion préparatoire du vendredi 07 décembre 2018 à l’adresse ci-dessous : Cellule de Coordination du Projet de Sauvegarde et de Valorisation de la Baie de Cocody et de la Lagune Ebrié (PABC), Sise aux II Plateaux – vallons, Cité LEMANIA, lot N° 1802 Cocody Abidjan-Côte d’Ivoire 08 BP 2346 ABIDJAN 08 Numéro de téléphone : (225) 22 40 90 90 - Numéro de télécopie : (225) 22 41 35 59 Email : pdimba@ageroute.ci olivier_brou@yahoo.fr
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ANNONCES CLASSÉES
République Tunisienne
APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL (N° 2018 E 4000)
PAYS : TUNISIE NOM DU PROJET : Aménagement du Réseau de Transport de l’Électricité de la Société Tunisienne de l’Électricité et du Gaz (STEG), dans le cadre du XIIIème Plan SECTEUR : Energie BRÈVE DESCRIPTION DES TRAVAUX : Études, fabrication, essais en usines, fourniture, génie civil, transport à pied d’œuvre, montage, essais et mise en service des postes classiques HT (AIS) et des transformateurs de puissance. MODE DE FINANCEMENT : Prêt/ Banque Islamique de Développement (BID) FINANCEMENT N ° : TUN - 1018 1. Le présent avis d’appel d’offres suit l’avis général de passation des marchés du projet paru dans les journaux tunisiens : la Presse et le Temps et le magazine : Jeune Afrique du 24-26-28-29/03/2018, du 23-25-27/03/2018 et du 08/04/2018 respectivement.
APPEL D’OFFRES
2. La Société Tunisienne de l’Électricité et du Gaz (STEG) a reçu un financement de la Banque islamique de développement (BID) pour le coût des Études, de la fabrication, des essais en usines, fourniture, du génie civil, du transport à pied d’œuvre, du montage, des essais et de la mise en service des postes classiques HT (AIS) et des transformateurs de puissance, et elle a l’intention d’utiliser une partie des fonds pour effectuer des paiements au titre du marché pour lequel cet appel d’offres est lancé. La Société Tunisienne de l’Électricité et du Gaz (STEG) invite maintenant les offres scellées de soumissionnaires éligibles pour l’ A.O n° 2018 E 4000 : Études, fabrication, essais en usines, fourniture, génie civil, transport à pied d’œuvre, montage, essais et mise en service des postes classiques HT (AIS) et des transformateurs de puissance, conformément aux dispositions du cahier des charges, répartis en trois lots séparés comme suit : LOT 1 : Études, fabrication, essais en usines, fourniture, génie civil, transport à pied d’œuvre, montage, essais et mise en service des postes classiques HT (AIS). • Composition du lot N° 1 : 5 postes neufs, extension et renforcement de 3 postes existants. • Délai global de construction du lot N° 1 : 24 mois. LOT 2 : • Études, fabrication, essais en usines, fourniture, génie civil, transport à pied d’œuvre, montage, essais et mise en service des postes classiques HT (AIS). • Études, fabrication, essais en usines, fourniture, transport à pied d’œuvre, montage, essais et mise en service de deux postes mobiles. • Composition du lot N° 2 : 4 postes neufs, extension et renforcement de 5 postes existants et acquisition de 2 postes mobiles. • Délai global de construction du lot N° 2 : 24 mois. LOT 3 : Études, fabrication, essais en usines, fourniture, transport à pied d’œuvre, montage, démontage, essais et mise en service des transformateurs de puissance HT (TR), des autotransformateurs de puissance HT (ATR), des bobines de point neutre (BPN) et prestations de transfert des transformateurs de puissance. • Composition du lot N° 3 : 2 autotransformateurs de puissance, 20 transformateurs de puissance et 20 bobines de point neutre. • Délai global de construction du lot N° 3 : 18 mois.
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offre des pièces exigées par les cahiers des charges. Aucune proposition pour une partie d’un lot donné ne sera acceptée. Donc tous les soumissionnaires doivent obligatoirement soumissionner pour tous les ouvrages indiqués dans un même lot. 3. La soumission sera faite selon les procédures d’appel d’offres international tel que spécifiées dans les Directives de la Banque Islamique de Développement (BID) pour l’acquisition des biens et travaux sous financement de la Banque Islamique de Développement (édition actuelle), et est ouvert à tous les soumissionnaires éligibles tels que définis dans les Directives. 4. Un ensemble complet de documents d’appel d’offres en Français doit être acheté par les soumissionnaires intéressés sur la présentation d’une demande écrite auprès de la Direction Centrale de l’Équipement, Département Études Moyens de Transport, au Siège de la STEG, 38 Rue Kamel Atatürk – Tunis à partir de la date de la parution du présent communiqué du Lundi au Vendredi et de 09h00 à 16h00 et sur paiement d’un montant, non remboursable, de deux mille Dinars Tunisiens (2 000,000 TND). Le mode de paiement sera en espèce ou en chèque certifié. 5. Toutes les offres doivent être accompagnées des garanties de soumission de : - Lot 1 : 2 000 000 TND ou son équivalent dans une monnaie librement convertible. - Lot 2 : 2 000 000 TND ou son équivalent dans une monnaie librement convertible. - Lot 3 : 1 000 000 TND ou son équivalent dans une monnaie librement convertible. Les garanties devront être livrées à l’adresse ci-dessous. Elles seront ouvertes immédiatement après, en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent y assister, à l’adresse ci-dessous. Les offres tardives seront rejetées et retournées non décachetées. 6. Les plis contenant les offres doivent parvenir à la STEG par courrier recommandé ou par rapide-post ou remises directement au Bureau d’Ordre central de la STEG (contre décharge) au plus tard le Mercredi 30 Janvier 2019 à 09H00 délai de rigueur au nom de : MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE LA COMMISSION D’OUVERTURE DES OFFRES DE LA SOCIÉTÉ TUNISIENNE DE L’ÉLECTRICITÉ ET DU GAZ Adresse : 38, Rue Kamel ATATURK, Boite postale 190 - 1080 Tunis. La date d’envoi ou du cachet de la poste ne sera pas prise en compte pour l’acceptation des offres, seul le cachet du bureau d’ordre central de la STEG fait foi. Ne peuvent participer à l’appel d’offres que les soumissionnaires ayant retiré le cahier des charges auprès de la STEG.
Conditions de participation : - Pour les Lots N°1 et N°2 : La participation est ouverte à tout constructeur de postes HT ou groupement dont le chef de file est un constructeur de postes HT et justifiant des références techniques et financières pour la réalisation des projets similaires et ce, par la fourniture dans son offre des pièces exigées par les cahiers des charges.
La séance d’ouverture des offres technico-financières est publique et elle aura lieu le Mercredi 30 Janvier 2019 à partir de 09H30 au siège social de la STEG au bâtiment « G » 3ème étage.
Pour le Lot N°3 : La participation est ouverte à tout fabricant de transformateurs ou groupement dont le chef de file est un fabricant de transformateurs et justifiant des références techniques et financières pour la réalisation des projets similaires et ce, par la fourniture dans son
Les offres resteront valables pendant 120 jours à partir du lendemain de la date limite de réception des offres.
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Le représentant du soumissionnaire doit être muni obligatoirement d’un mandat de présentation portant le nom du mandataire et la pièce d’identité.
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République Tunisienne
Ministère des Affaires Locales et de l’Environnement Agence Nationale de Gestion des déchets
Concession portant sur la conception, la construction, l’exploitation et la gestion, l’entretien-maintenance et le gros renouvellement des infrastructures de traitement et de valorisation des déchets ménagers et assimilés et d’enfouissement technique, en plus de l’exploitation et l’entretien des centres de transferts y afférents pour le Gouvernorat de Gabès Référence Projet : 503109 - Dossier de pré-qualification n° 19/2018 Le gouvernement Tunisien a obtenu un prêt de la KfW en vue de financer le coût du projet « Décharge Contrôlée III » et se propose d’utiliser une partie de ce fonds pour effectuer le paiement autorisé au titre de « Concession portant sur la conception, la construction, l’exploitation et la gestion, l’entretien-maintenance et le gros renouvellement des infrastructures de traitement et de valorisation des déchets ménagers et assimilés et d’enfouissement technique, en plus de l’exploitation et l’entretien des centres de transferts y afférents pour le Gouvernorat de Gabès ».
Le projet de mise en concession consiste à assurer le service de conception et de construction d’une unité de traitement mécano-biologique des déchets ménagers et assimilés ainsi que l’exploitation de l’unité et des centres de transfert y afférents. L’opérateur privé sera chargé principalement de : L’apport financier L’opérateur privé est appelé à assurer le financement partiel des coûts nécessaires à l’acquisition des installations et moyens en matériels. La conception et la construction de l’unité L’opérateur privé est appelé à concevoir et à construire, dans un délai maximum de 2 ans, l’unité de traitement mécano-biologique des déchets ménagers et assimilés conformément aux règles de l’art. Il lui reviendra aussi l’obtention de toutes les autorisations préalables nécessaires à la construction et à l’exploitation conformément aux lois. L’exploitation L’opérateur privé est appelé à assurer le service de transfert des déchets et à exploiter l’unité sur une période de 10 ans. L’entretien et la rénovation des équipements et des installations sont à sa charge pour la même période.
AVIS DE PRÉ-QUALIFICATION
L’ANGed en qualité de promoteur du projet sollicite des candidatures en vue de la sélection des opérateurs privés intéressés par ce projet.
Le présent appel d’offres de pré-qualification vise à sélectionner des opérateurs privés qui seront invités à soumissionner dans une seconde phase suivant des procédures d’appel d’offres restreint. La participation à la procédure de pré-qualification est ouverte à toute personne qui estime remplir les critères de pré-qualification indiqués dans le règlement de pré-qualification. Les exigences de pré-qualifications consistent à fournir des informations sur : - Les documents administratifs et fiscaux ; - La capacité financière ; - Les expériences en matière de gestion des déchets ménagers et assimilés. La procédure d’évaluation de la phase de pré-qualification se fera en conformité avec les « Règles pour l’attribution des marchés de fournitures, de Travaux et de Service associé dans le cadre de la Coopération financière avec les pays partenaires » dans leur version la plus récente (veuillez consulter le site internet de la KfW : www.kfw-entwicklungsbank.de). Les candidats intéressés peuvent retirer directement le dossier d’appel d’offres de pré-qualification auprès du Bureau d’Ordre Central de l’ANGed, sis au, 19 rue Al Quods - Le Belvédère- 1002 Tunis - Tunisie. Les offres doivent parvenir par voie postale sous plis recommandés ou par rapid-poste ou remise directement au bureau d’ordre de l’ANGed sis au 19 rue Al Quods - Le Belvédère - 1002 Tunis - Tunisie au plus tard le 11 février 2019, à 11: 00h (heure locale) (le cachet du bureau d’ordre central de l’ANGed faisant foi). L’ouverture des plis se tiendra le même jour à 12 :00 h au siège social de l’ANGed. Une réunion d’information sera organisée le 15 janvier 2019. L’enveloppe extérieure ne doit porter aucune indication sauf l’objet de l’appel d’offres de pré qualification avec la mention « ne pas ouvrir appel d’offres international n°19/2018 ; « Dossier de pré-qualification pour la Concession portant sur la conception, la construction, l’exploitation et la gestion, l’entretien-maintenance et le gros renouvellement des infrastructures de traitement et de valorisation des déchets ménagers et assimilés et d’enfouissement technique, en plus de l’exploitation et l’entretien des centres de transferts y afférents pour le Gouvernorat de Gabès ».
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POST-SCRIPTUM Fouad Laroui
La torture ici, sous nos yeux our avoir tenté d’assassiner Louis XV, avec un canif (!), Damiens fut condamné à être « tenaillé aux mamelles, bras, cuisses et gras des jambes, sa main droite brûlée, son corps écartelé à quatre chevaux et réduit en cendres, et ces cendres jetées au vent ». Rien que ça. « La journée sera rude », grommela-t-il à l’énoncé du jugement. Une foule immense assista à son supplice. Ce qui nous étonne aujourd’hui, c’est le manque de cœur du public d’alors. On allait, comme au spectacle, regarder ces malheureux subir les pires tortures. On riait parfois de leurs contorsions grotesques. Autres temps, autres mœurs ? Pas si sûr. Ces gens-là avaient une sorte d’habitus qui les rendait insensibles à la vue de ces horreurs. Nous avons un autre habitus. Est-il si différent ? Dans sa prison japonaise, Carlos Ghosn grelotte : il n’y a pas de chauffage dans sa cellule. C’est fait exprès. Homme raffiné et d’une propreté méticuleuse, il n’a droit qu’à deux douches (de quelques minutes) par semaine. C’est fait exprès. On le nourrit d’un bol de riz. C’est fait exprès. On le malmène donc, exprès, pour le faire craquer. Si ce n’est pas de la torture, qu’est-ce que c’est ? Dieu sait si Tariq Ramadan n’est pas ma tasse de thé. En 2008, un débat public nous opposa dans une église de Rotterdam. Il était venu
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avec ses groupies voilées et était vêtu comme Beau Brummell. Il ne remporta pas la joute parce que je connais le Coran aussi bien que lui mais parce que je refuse, arguments à l’appui, son instrumentalisation politique. Contrarié, il refusa de dîner avec les organisateurs et moi-même, comme convenu. Non, décidément, il n’est pas mon ami. Et pourtant, le traitement que lui ont fait subir les juges d’instruction parisiens me révulse. Un homme malade retenu en préventive pendant près d’un an, des fuites orchestrées pour ruiner sa réputation, pas d’accès au téléphone, etc. C’est ainsi qu’on « attendrit la viande », disent les juges – horrible expression ! Pour faire craquer le prévenu, on le travaille au corps. Si ce n’est pas de la torture, qu’est-ce que c’est ?
qui condamnèrent l’infortuné Damiens ? Vous me direz que nous avons évolué, que nous n’assistons plus aux exécutions, que nous ne regardons plus le bourreau manier les tenailles rougies au fer. Mouais… Un Ghosn ou un Ramadan en tenue de forçat avalant un brouet infâme, assis sur un châlit, une telle image, nous paierions pour la voir, elle doit quand même remuer en nous quelque bas instinct… Les Allemands ont un mot pour ça, Schadenfreude, quelque chose comme « se réjouir du malheur d’autrui ». C’est peut-être pour cela que nous ne voyons pas derrière ces images, réelles ou imaginées, la plus sinistre invention de l’homme : la torture. J’admire les bénévoles d’Amnesty International, qui font un travail utile en dénonçant la torture qui broie les hommes dans nos contrées africaines, arabes ou asiatiques. Dommage qu’ils ne voient pas celle qui se pratique sous leurs yeux, en Occident. À quand une campagne d’Amnesty contre les diplômés de l’École de la magistrature qui prétendent « attendrir la viande humaine » ?
« Attendrir la viande », disent-ils.
Une campagne d’Amnesty ?
Michel Foucault faisait remarquer qu’au pouvoir visible, éclatant, d’un Louis XIV s’étaient substitués, aujourd’hui, quantité de micropouvoirs – parmi lesquels celui des juges. Invisible, diffus, pernicieux, est-il moins attentatoire à la dignité humaine, lorsqu’il « attendrit la viande », que celui des juges
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