JA 3034 du 3 au 9 mars 2019 Dossier agro-industrie

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SÉNÉGAL

RD CONGO Kabila à qui perd gagne

MACKY SALL : LES LEÇONS D’UNE VICTOIRE

ESPAGNE-AFRIQUE  SPÉCIAL À l’heure 12 des retrouvailles PAGES

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL NO 3034 DU 3 AU 9 MARS 2019

ALGÉRIE

Pourquoi ils disent

non à Bouteflika Dans un pays où 45 % de la population a moins de 25 ans et rêve d’une vie meilleure, la cinquième candidature du chef de l’État suscite l’incompréhension et la colère de nombreux jeunes. Jusqu’où iront-ils ? ÉDITION INTERNATIONALE ET MAGHREB & MOYEN-ORIENT

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France 3,80 € Algérie 290 DA Allemagne 4,80 € Autriche 4,80 € Belgique 3,80 € Canada 6,50 $ CAN Espagne 4,30 € Éthiopie 67 birrs Grèce 4,80 €

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Guadeloupe 4,60 € Guyane 5,80 € Italie 4,30 € Luxembourg 4,80 € Maroc 25 DH Martinique 4,60 € Mayotte 4,60 € Norvège 48 NK Pays-Bas 5 €

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Portugal cont. 4,30 € Réunion 4,60 € RD Congo 6,10 $ US Royaume-Uni 3,60 £ Suisse 7 FS Tunisie 4 DT USA 6,90 $ US Zone CFA 2 000 F CFA ISSN 1950-1285



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25 et 26 mars 2019 www.theafricaceoforumawards.com

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SYLVAIN CHERKAOUI POUR JA

Dossier Agro-industrie

CÉRÉALES

La guerre des moulins

L’américain Seaboard a racheté les Grands Moulins de Dakar début 2018.

La multiplication du nombre d’acteurs a redistribué les cartes dans le secteur, obligeant les indépendants à se réinventer. D’autant que la rentabilité de l’activité, malgré la croissance de la consommation, est désormais sujette à caution.

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JULIEN WAGNER

L

il a également racheté 50 % des parts des Grands Moulins de Mauritanie. D’importants acteurs africains participent également à ce mouvement, tels les Soudanais d’Elnefeidi Group ou les Tanzaniens de Bakhresa. Les premiers ont lancé une offensive au Cameroun dès 2015 et sont déjà parvenus à y reprendre en gestion-location quatre moulins en difficulté, victimes notamment de la guerre des prix menée par Olam. Les seconds, eux, étendent peu à peu leur champ d’action au niveau régional: Ouganda, Kenya, Burundi, Rwanda, Malawi, Mozambique… Et on leur prête l’intention d’investir plus à l’ouest. « Il y a de plus en plus de champions africains », abonde Céline Ansart-Le Run. Le plus gros d’entre tous, en revanche, Flour Mills of Nigeria, qui fait partie du top dix mondial par sa capacité d’écrasement, se satisfait pour le moment de son pré carré. Il est vrai que la population nationale du géant suffit pour l’instant largement à ses ambitions.

+47,8% L’augmentation de la consommation de blé sur le continent entre 2006 et 2017 SOURCE : AFREXIMBANK, CIAT, DÉCEMBRE 2018

De la Guinée à l’Angola, de petits acteurs locaux apparaissent

« Un certain nombre d’acteurs grossissent, observe Yann Lebeau, soit en rachetant des moulins, soit en en construisant de nouveaux. L’idée est d’occuper le terrain pour être présent et d’empêcher son voisin de s’installer. Olam se montre sans doute le plus agressif dans ce domaine, en mettant en place une stratégie de concurrence sur les prix pour briser des situations de monopole ou d’oligopole. » L’apparition de petits acteurs locaux – en Guinée comme en Angola, en passant par le Mali – contribue aussi à ce regain de compétition. « Les petits ont encore un grand avenir en Afrique, notre trader européen en est persuadé. Le continent est une région compliquée où appliquer le même modèle économique dans plusieurs pays est risqué. Une entreprise qui mettrait en place un principe industriel transversal unique a peu de chances de réussir. De Nouakchott à Luanda, il y a quinze façons différentes de consommer

LES GÉANTS DE LA FARINE Capacités d’écrasement connues fin 2016 (tonnes de blé tendre/jour) Flour Mills of Nigeria

11 606

(Nigeria)

Seaboard*

8 884

(États-Unis)

Olam

7 640

(Singapour)

Bakhresa

7 530

(Tanzanie)

SOURCE : AFREXIMBANK, CIAT, DÉCEMBRE 2018

«

a minoterie est en plein boom. Il y a une croissance organique des marchés en Afrique et, manifestement, ils sont considérés comme porteurs. » Ce trader de blé européen ne cache pas son enthousiasme pour le futur de l’activité meunière sur le continent. En témoignent les moulins qui s’y multiplient comme des petits pains. Selon une étude menée par Céline Ansart-Le Run, responsable d’études économiques et stratégiques au sein du fonds d’investissement spécialisé dans l’agriculture Unigrains, la capacité d’écrasement en Afrique subsaharienne a augmenté de 3,6 millions de tonnes entre 2014 et 2017 (+ 12 %), pour atteindre 34 millions de tonnes. « Si on prend de la hauteur, observe Yann Lebeau, responsable du bureau de Casablanca pour France Export Céréales, on observe que, chaque jour, la croissance démographique apporte de nouvelles bouches à nourrir. Or non seulement la production agricole locale est insuffisante, mais, sur le marché mondial, l’un des produits du secteur les moins chers est le blé. Comme le pouvoir d’achat des familles subsahariennes n’est pas très important et que le pain est facile d’accès, le calcul est vite fait. » Une tendance lourde, donc, mais qui prend sur le continent des formes étonnantes laissant circonspect notre trader: « Cette évolution s’accompagne de mouvements contradictoires, avec un phénomène de concentration pour les gros acteurs et, simultanément, l’apparition de nouveaux acteurs, comme en Guinée, au Sénégal ou au Congo. » Le phénomène de concentration est en particulier l’œuvre de grands groupes internationaux, comme le singapourien Olam, l’américain Seaboard ou le français Castel (via sa filiale Somdiaa). Début 2018, Seaboard s’est ainsi emparé pour près de 340 millions d’euros des moulins sénégalais et ivoiriens du groupe Mimran (plus de 2000 t/jour). La même année,

Dangote Flour Mills (Nigeria)

5 000

Tiger Brands

4 272

Premier Foods

4 031

Sayga Flour Mills

3 950

(Afrique du Sud) (Afrique du Sud)

(Soudan)

Pioneer Foods (Afrique du Sud)

3 215

Honeywell Flour Mills 2 610 (Nigeria)

*Intègre le rachat, en janvier 2018, des Grands Moulins de Mimran par Seaboard

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Dossier Agro-industrie CÉRÉALES

la farine. Au Cameroun, par exemple, presque la moitié de la production est consacrée à la fabrication de beignets. Tout cela n’est pas forcément compatible avec un modèle très structuré caractéristique des grands groupes, car il est nécessaire de très bien connaître les habitudes de consommation locales tout en étant capable d’une grande agilité. » Un autre aspect renforce la concurrence, mais d’une façon moins vertueuse : « Il existe une forme de panurgisme, constate Yann Lebeau. Certains entrepreneurs ou industriels locaux qui ne sont pas du tout du secteur à l’origine s’essaient à la meunerie parce qu’ils y voient un investissement facile et rentable, simplement par opportunisme. En fin de compte, ils sont souvent déçus, car c’est un métier très difficile. » Mais le chemin le plus couramment emprunté est probablement celui qui va de l’amont vers l’aval. « De nombreuses sociétés deviennent des minotiers par intégration verticale, analyse Yann Lebeau. Ils importaient du blé ou distribuaient des produits alimentaires et tentent à présent de diversifier leurs activités en produisant eux-mêmes de la farine. » C’est le cas de Webcore, un importateur suisse à capitaux libanais qui exerce en Angola, ou d’Ibrahim Taher, un autre

« IMPORTATEURS OU DISTRIBUTEURS DE PRODUITS ALIMENTAIRES TENTENT DE PRODUIRE LA FARINE EUX-MÊMES. » Libanais qui a récemment lancé Les Grands Moulins de Conakry. Une intégration dont les États ont tout lieu de se féliciter en ce qu’elle permet la production de valeur ajoutée au niveau local. Ils essaient d’ailleurs de favoriser ce mouvement en imposant des barrières douanières à l’entrée, une fois la production lancée.

Les subsahariens s’attaquent au marché des pâtes

La troisième grande évolution est en cours : la diversification. De nombreux meuniers ont lancé ou sont en train d’investir dans des lignes industrielles destinées à la production de pâtes. Un développement permis par de récentes innovations industrielles. « En Afrique subsaharienne, on importe quasi uniquement du blé tendre, pour la panification, souligne

Yann Lebeau. Les pâtes alimentaires fabriquées sur place sont à base de blé dur, importé en vrac – mais en très petites quantités – ou sous forme de semoule. Ce marché est réservé à une certaine élite, compte tenu du prix du blé dur, supérieur à celui du blé tendre. Mais cette situation est appelée à changer. De nouveaux ingrédients ont fait leur apparition, donnant une cohésion suffisante de la pâte à base de blé tendre pour lui permettre de résister à la mécanisation. Et bon nombre de meuniers subsahariens, pour se diversifier, s’attaquent désormais au marché de masse des pâtes alimentaires. » C’est le cas de Somdiaa, très présent en Afrique centrale. La Pasta, au Cameroun, qui a longtemps préparé des pâtes sous licence Panzani, a été l’un des précurseurs dans ce domaine et, en 2018, a poursuivi ses investissements. Dans le même pays, l’agro-industriel Broli réfléchit actuellement à construire une usine dévolue à la production de semoule. En Côte d’Ivoire, Seaboard pense à adjoindre aux moulins rachetés au groupe Mimran des lignes pour produire des pâtes à base de blé tendre. Mais pâtes et semoule ne représentent pas l’unique diversification possible. Une autre voie a le vent en poupe : l’alimentation animale. « C’est toujours la même logique



Dossier Agro-industrie CÉRÉALES

industrielle, analyse Yann Lebeau. Lorsque l’on broie du blé, on fabrique de la farine et on obtient du son en résidu. Or on peut vendre ce dernier à des fabricants d’aliments pour bétail ou fabriquer ceux-ci soi-même. C’est une forme de diversification. » Chez Somdiaa, on poursuit même cette intégration jusqu’à l’aviculture, avec la production de poussins d’un jour au Congo et sans doute bientôt ailleurs. « Tout cela fait sens, commente notre trader de blé. C’est un cercle vertueux pour l’indépendance des économies concernées. » Reste que, malgré la croissance régulière de la consommation et la volonté d’intégration du secteur, la rentabilité de l’activité meunière du continent pose question. « Il y a déjà un problème de surcapacité, présent depuis de nombreuses années et favorisé aujourd’hui par l’essor d’une nouvelle concurrence », regrette Céline Ansart-Le Run. À cela s’ajoute

L’AFRIQUE DU NORD, PREMIER IMPORTATEUR MONDIAL DE BLÉ L’Égypte (12,3 millions de tonnes métriques de blé en 2018), l’Algérie (7,7 millions de tm) et le Maroc (4,8 millions de tm) font tous les trois partie du top dix des plus gros importateurs de blé

au monde. Le Nigeria y figure lui aussi en bonne place, avec 5,2 millions de tm. Si l’Égypte est même le premier importateur du monde (plus de 85,7 millions de tm

une compétition exacerbée dans les pays où le secteur est libéralisé et non protégé. De nombreux spécialistes s’étonnent que certains acteurs parviennent à survivre dans des pays comme le Cameroun ou le Sénégal. Dans le premier, le prix du sac de farine a diminué de 20 % en moins de dix ans. C’est certes une bonne chose pour les consommateurs, mais pas pour les entreprises. Certains

entre 2007 et 2017), elle produit malgré tout 41 % de sa consommation nationale, à la grande différence du Nigeria, notamment, qui n’en produit qu’à peine 1 %. J.W.

modèles économiques, comme celui de Seaboard, à la fois trader, armateur et industriel, s’en accommodent assez bien. Si l’américain ne se ménage pas de marge sur la farine, il gagne de l’argent sur le transport ainsi que sur le négoce et utilise surtout ses moulins pour écouler son blé. Mais pour les autres? « Franchement, cela reste un grand mystère », concède notre trader européen.

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COMMUNIQUÉ

AVIS D’EXPERT

Michael JACKISCH

Responsable Pôle Soft Commodities BIC-BRED (Suisse) SA

Le financement du négoce international de produits agricoles depuis et vers l’Afrique Filiale du Groupe BRED, la BIC-BRED (Suisse) SA finance les négociants internationaux de matières premières, notamment agricoles. Pour leurs activités en Afrique, elle offre une palette de financements adaptés aux étapes de la chaîne logistique : financement de stocks au port d’embarquement, financement de stocks flottants puis entreposés à destination, financement contre factures de vente, financement des couvertures de risque de prix et devises.

Malgré la diversité des situations politiques et économiques en Afrique, quelques grandes tendances se dégagent. Nous constatons une volonté de monter en gamme dans la création de valeur ajoutée en Afrique, comme l’illustre le développement de l’industrie minotière qui répond à la demande croissante liée à l’évolution démographique et à l’urbanisation des modes de vie. De même, les importations de céréales fourragères sont stimulées par la production domestique de viande. A ce titre, le développement des La banque doit f i l i è res a v i c o l es comprendre les marchés au Maghreb et en et leurs évolutions afin Afrique de l’Ouest de gérer au mieux sont remarquables.

matières premières. Il s’agit de payer leurs fournisseurs en prenant la marchandise en gage, le cas échéant de financer le fret maritime puis de nous rembourser par le produit de la vente. Il est donc essentiel pour notre banque de sécuriser les modalités d’encaissement des ventes de nos clients. D’où Il est donc essentiel l’importance d’avoir pour notre banque de bonnes capacités de sécuriser de confirmation de lettre de crédit et/ou les modalités d’escompte de traites d’encaissement a va l i sé es p a r d es des ventes banques, ce second de nos clients. instrument étant notamment utilisé par les importateurs de céréales d’Afrique de l’Ouest. Des équipes dédiées travaillent sur ces aspects interbancaires, ce qui est nécessaire compte tenu de la couverture géographique à fournir en Afrique. La spécificité de nos financements implique un suivi continu des opérations, des contreparties de nos clients (fournisseurs, entrepositaires, logisticiens) et des marchés où les interventions politiques sont récurrentes.

les risques induits et se démarquer par la qualité de ses produits et services.

C ô té ex p o r t , l a première transformation de cacao tend à rester dans les grands pays producteurs mais dans ce secteur et celui du café, c’est plutôt le développement de la traçabilité et du négoce équitable qui semble pouvoir à terme contribuer à une meilleure inclusion des acteurs locaux dans la chaine de valeur.

Quelles sont les implications sur vos activités de financement du négoce de produits agricoles et agro-industriels vers l’Afrique ? Notre mission est de financer de façon transactionnelle, sécurisée et auto-liquidative des négociants de

Banque Internationale de Commerce BRED (Suisse) SA 1, place Longemalle 1204 Genève - SUISSE Tél. : +41 22 312 30 70 Email : michael.jackisch@bic-bred.com

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Dossier Agro-industrie

BOISSONS

Les Brasseries du Cameroun sous tension Outre la crise anglophone et le report de la CAN, le deuxième contribuable du pays subit un alourdissement de sa charge fiscale qui devrait rejaillir sur ses ventes. GEORGES DOUGUELI

eaderdel’industriebrassicole du pays, la Société anonyme des brasseries du Cameroun (SABC) traverse une mauvaise passe. Pourtant, en 2018, la SABC a enregistré 2 % d’augmentation de ses volumes de vente. Une progression remarquable mais qui reste en retrait par rapport aux perspectives du marché, nettement plus ambitieuses. À la vérité, l’activité de l’entreprise est entravée par la dégradation du contexte économique depuis 2017 et par l’accroissement du risque sécuritaire. Comme la plupart des grandes entreprises, la filiale du groupe français Castel subit de plein fouet la crise dans la zone anglophone (qui représente 20 % de son chiffre d’affaires). Des bandes séparatistes affrontent l’armée dans les régions voisines du Nigeria. « Le bilan est très lourd, déplore Emmanuel de Tailly, le directeur général de la SABC. Entre janvier 2017 et janvier 2019, nos points de vente et distributeurs ont enregistré quinze attaques à main armée, tandis qu’une dizaine de véhicules [camions ou pick-up] étaient incendiés. Le coût de ces destructions s’élève, avec celui

L

des produits et emballages emportés ou détruits, à plus de 500 millions de F CFA [762 245 euros]. » En pays anglophone, les insurgés imposent des journées « villes mortes ». Dès juin 2018, la SABC a décidé de fermer des centres de distribution à Muyuka, Mamfé et Kumba, dans le Sud-Ouest, et à Wum, Fundong, Kumbo et Nkambe, dans le Nord-Ouest, face aux risques de kidnapping et aux menaces journalières proférées à l’encontre de ses agents. « Nous n’avions pas le choix, il fallait

UN CHIFFRE D’AFFAIRES QUI RÉSISTE

Dans ce contexte difficile, la SABC a enregistré en 2018 un chiffre d’affaires TTC de 560,4 milliards de F CFA (854,3 millions d’euros). Après déduction des ristournes, pour un montant de 28,7 milliards de F CFA, et des taxes, pour 217,3 milliards de F CFA, le chiffre d’affaires HT de l’année 2018 s’établit à 314,4 milliards de F CFA (contre 334,9 milliards en 2017).

garantir la sécurité de nos salariés et de leurs familles, explique de Tailly. Les périodes de fermeture s’élèvent à trois cent cinquante jours, soit un manque à gagner de plus de 400 millions de F CFA. Tout cela nous a fait perdre dix points de croissance. » Évidemment, cette baisse d’activité a entraîné des centaines de suspensions d’emploi dans ces régions, déjà gangrenées par le chômage des jeunes. Pour sortir de cette crise, le secteur privé et le gouvernement négocient, mais ils n’ont, pour l’instant, pas enregistré d’avancées significatives en matière de sécurisation des investissements, ainsi que de mesures – réclamées par le privé – d’incitation à investir, d’amélioration de l’environnement juridique ou de la qualité des infrastructures, mais aussi en vue de créer un cadre fiscal soutenable.

Levée de boucliers contre le nouveau calcul du droit d’accise

La pression fiscale sur les entreprises augmente, en particulier sur la SABC, deuxième contribuable de l’État après le secteur pétrolier. « Dans ce contexte particulièrement difficile, où les entreprises doivent assumer des dépenses sécuritaires non prévues tout en


COMMUNIQUÉ

NICOLAS EYIDI POUR JEUNE AFRIQUE

AVIS D’EXPERT

subissantl’effetdésastreuxdureportde la Coupe d’Afrique des nations [CAN] 2019, nous nous attendions à tout sauf à un alourdissement de la pression fiscale dans la loi de finances », ajoute un autre cadre de l’entreprise. La nouvelle loi provoque une levée de boucliers. En cause : le mode de calcul du droit d’accise, un impôt indirect perçu sur la consommation. Le gouvernement veut asseoir le calcul sur le prix appliqué au consommateur. « En passant du prix de vente au prix public conseillé, on nous taxe sur un chiffre d’affaires que nous ne réalisons pas, nous ne vendons pas directement au consommateur », déplore de Tailly. Selon les brasseurs, si cet impôt était appliqué, les compagnies devraient adopter en urgence des mesures pour faire face à la baisse des volumes et à celle des revenus subséquents. Ce prélèvement engendrerait ainsi à la fois une hausse du prix des boissons, une baisse des effectifs de l’ordre de 15 %, l’arrêt des achats de matières premières locales, le gel des investissements… Une telle fiscalité aurait donc un impact social négatif important sur l’emploi et le pouvoir d’achat des ménages. Pour l’instant, les brasseurs attendent la circulaire qui précisera les modalités d’application de la loi, dont les dispositions relatives au droit d’accise sur les boissons fabriquées et commercialisées au Cameroun. Mais ils ne manquent pas de rappeler que la stabilité du cadre fiscal est une condition incontournable pour améliorer le climat des affaires.

La loi de finances 2019 pourrait entraîner une baisse des effectifs.

Sandrine CHETAIL, Directrice, Mercy Corps

Transformer l’agriculture avec la technologie L’âge médian des pays africains est entre 18 et 24 ans, pourtant la moyenne d’âge d’un agriculteur y est de 55 ans. Chez Mercy Corps, une organisation internationale de 2 100 employés travaillant dans 17 pays d’Afrique, nous misons sur le talent des jeunes à utiliser les nouvelles technologies afin de révolutionner le secteur agricole africain et créer de nouveaux emplois. Les systèmes agricoles en Afrique font face à de nombreuses contraintes structurelles comme des terrains réduits, des terres infertiles, des services commerciaux peu développés, et des politiques foncières et commerciales inéquitables. Ces contraintes peuvent exacerber les vulnérabilités des agriculteurs face à divers chocs comme le changement climatique, les pressions démographiques, et les conflits. Les jeunes voient encore l’agriculture comme un métier à risque. Pour aider les petits producteurs en Afrique, le programme AgriFin de Mercy Corps rassemble des partenaires privés et publics pour profiter des avancées technologiques qui adressent ces risques, permettant de construire des moyens de subsistance dignes et productifs. En combinant les innovations digitales, les initiatives du secteur privée et l’éducation par des initiatives comme la série télé réalité « Don’t Lose the Plot », touchant des millions de jeunes agriculteurs au Kenya, nous cultivons un nouveau groupe d’agriculteurs enthousiastes et prêts à embrasser dans le marché international.

Nous avons aidé 3 millions d’agriculteurs à augmenter le revenu de leurs familles.

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Dossier Agro-industrie

COTON

Transition réussie pour la CIDT La reprise de la compagnie ivoirienne en 2017 par Daouda Soukpafolo, déjà propriétaire de la COIC, a permis à celui-ci de devenir le leader national de la filière.

C

JESSICA VIEUX POUR JA

La production de la campagne 2017-2018 s’est élevée à 65 000 t, soit 5 000 t de plus que l’objectif fixé.

74

jeuneafrique no 3034 du 3 au 9 mars 2019

NAISSANCE DU NUMÉRO UN DU SECTEUR (2017-2018)

19,39 %

30,61 %

4,53 % 0,05 %

Nouveaux plants et environnement propice

La production de la campagne 20172018 s’est élevée à 65000 t, soit 5000 t de plus que l’objectif. Pour celle en cours, la CIDT vise 80 000 t en 2020 et 110000 t en 2021. « Notre nouvelle stratégie porte sur l’amélioration des rendements. Nous y investissons beaucoup », assure Koné Daouda Soukpafolo. Si la CIDT en est là, c’est grâce à l’introduction de nouveaux plants qui produisent plus de 1,2 t à l’hectare. Elle a aussi bénéficié du système de zonage introduit par le gouvernement en 2017. La pratique consiste à cantonner les sociétés cotonnières dans des endroits spécifiques du pays, sans possibilité d’exercer dans d’autres zones. Les industriels qui étaient déployés dans toutes les régions productrices ont dû réajuster leur développement. La CIDT a aussi bénéficié d’un

SOURCE : PR-PICA

omme 2016 semble loin pour la Compagnie ivoirienne pour le développement des textiles (CIDT) ! Jusqu’à sa privatisation, elle s’acheminait vers le dépôt de bilan, tant ses contre-performances s’enchaînaient dans un environnement très concurrentiel. Sa production annuelle était même descendue à 32000 tonnes, bien loin des 150000 t de ses années fastes. Ployant sous le poids d’une importante dette bancaire et sociale, la société ne représentait plus que 6 % de la production nationale, dominée par Ivoire Coton (groupe IPS) et par la Compagnie ivoirienne de coton (COIC). Ce qui avait incité le gouvernement, qui s’était déjà désengagé de certaines entreprises publiques, à céder la CIDT au secteur privé. Un choix qui se révèle aujourd’hui payant. Détenue à 90 % depuis 2017 par l’industriel ivoirien Koné Daouda Soukpafolo (qui avait déjà repris la COIC après la faillite de La Compagnie cotonnière de Côte d’Ivoire [LCCI],

filiale du groupe L’Aiglon, liquidé en 2006), qui s’en était emparé pour environ 7 milliards de F CFA (10,7 millions d’euros), la CIDT vit une renaissance.

15,75 %

29,67 % CIDT COIC

IVOIRE COTON SECO-SA

SICOSA 2.0 GLOBAL COTTON

LA CÔTE D’IVOIRE QUATRIÈME PRODUCTEUR (2017-2018)

728 644 t 611 759 t 597 985 t 413 205 t SOURCE : SITRACOT

BAUDELAIRE MIEU, à Abidjan

117 167 t 16 380 t Mali

Burkina Faso

Bénin

Côte d’Ivoire

Togo

Sénégal

environnement propice. La production nationale n’a cessé de croître ces trois dernières années: de 328000 t en 2016-2017, elle est passée à 421 000 t durant la période 2017-2018. Les capacités des usines d’égrenage sont estimées à 120 000 t. La CIDT attend de consolider sa production pour lancer une vaste rénovation de ses trois unités (à Séguéla, à Bouaké et à Mankono). Koné Daouda Soukpafolo entend les réhabiliter grâce à un plan d’investissement de 9 milliards de F CFA. La recherche de ce financement est en cours. C’est grâce à l’appui de Coris Bank et de la Banque nationale d’investissement (BNI) que la CIDT est sortie de sa zone de turbulence, permettant au repreneur de racheter la dette de 13,9 milliards F CFA détenue par Afreximbank et ainsi d’enclencher son plan stratégique de relance.


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Société Générale, S.A. au capital de 1 009 897 173,75 € – 552 120 222 RCS PARIS – Siège social : 29, bd Haussmann, 75009 PARIS. Crédit photo : Alexis Dufresne – Décembre 2018.



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