INTÉGRATION
SÉNÉGAL À quoi joue Abdoulaye Wade ?
Des paroles aux actes
Kigali, 25-26 mars 2019
MALI IBK : seconde chance Spécial 26 pages
HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL NO 3036 DU 17 AU 23 MARS 2019
Comment Bouteflika a-t-il pris la décision de renoncer à un cinquième mandat ? Faut-il croire en ses promesses de changement ? Quelles peuvent être les perspectives d’avenir ? Enquête exclusive.
L’Algérie après lui
ÉDITION GÉNÉRALE
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France 3,80 € Algérie 290 DA Allemagne 4,80 € Autriche 4,80 € Belgique 3,80 € Canada 6,50 $ CAN Espagne 4,30 € Éthiopie 67 birrs Grèce 4,80 €
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Guadeloupe 4,60 € Guyane 5,80 € Italie 4,30 € Luxembourg 4,80 € Maroc 25 DH Martinique 4,60 € Mayotte 4,60 € Norvège 48 NK Pays-Bas 5 €
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Portugal cont. 4,30 € Réunion 4,60 € RD Congo 6,10 $ US Royaume-Uni 3,60 £ Suisse 7 FS Tunisie 4 DT USA 6,90 $ US Zone CFA 2 000 F CFA ISSN 1950-1285
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Béchir Ben Yahmed bby@jeuneafrique.com
Samedi 16 mars
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En mouvement
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Algérie. Ce pays que l’on croyait endormi s’est mis en mouvement. Le voici au cœur de l’actualité pour de longues semaines. Les médias du monde entier se sont mis à décrire et à commenter ce qui s’y passe, nourrissant un intérêt qui ne se démentira pas de sitôt. Je sais que j’aurai à vous en parler plus d’une fois et ne vous en dirai aujourd’hui que quelques mots.
C’est pourquoi l’Afrique et l’Europe suivent l’évolution de la situation en Algérie avec beaucoup d’appréhension. J’ai soutenu ici même, plus d’une fois, que l’Algérie ferait sa mutation de manière pacifique et ordonnée et qu’elle mènerait à bien le renouvellement générationnel de ses élites dirigeantes. Je maintiens ce pronostic : l’Algérie n’explosera pas et n’exportera aucune agitation hors de ses frontières.
L’Algérie est un pays africain important par sa population (43 millions d’habitants, dont 45 % ont moins de 25 ans !), son énorme superficie (2381000 km²) et sa situation géographique; sur la rive sud de la Méditerranée, il fait face à l’Europe du Sud et a des frontières communes avec six autres États africains : la Mauritanie, le Mali, le Niger, la Libye, la Tunisie et le Maroc. La rivalité qui oppose les dirigeants de l’Algérie et du Maroc a obligé ces deux pays à se surarmer, plombé leur développement et empêché toute intégration régionale depuis plus de cinquante ans.
Le printemps arabo-africain, qui a commencé en Tunisie au début de 2011, a donc fini par atteindre l’Algérie. Les Algériens, que l’on pensait résignés et passifs, se sont fait entendre : dans leur grande majorité, ils veulent le changement, un autre système politique et de nouveaux dirigeants. Leur président actuel, Abdelaziz Bouteflika, est diminué par la maladie et n’aurait pas dû s’attarder autant au pouvoir ; son quatrième mandat, qui va bientôt expirer, était déjà de trop, et un cinquième aurait été surréaliste. Il en a donc été réduit à
proposer, en mars 2019, sous la contrainte, ce qu’il aurait dû entreprendre il y a cinq, voire six ans. En dépit de ce que je vois, entends et lis, au risque de vous paraître optimiste, je réaffirme qu’à mon avis la raison prévaudra. J e c r o i s q u ’A b d e l a z i z Bouteflika, qui a gardé sa lucidité, trouvera les hommes et les femmes aptes à incarner ce changement et que ses compatriotes lui donneront les quelques mois qu’il demande pour le faire. Nous pouvons y aider et y avons intérêt. L’armée algérienne veillera à ce que le changement s’opère dans l’ordre et le calme. Quant au président Abdelaziz Bouteflika, il ne peut plus reculer : même si lui et son entourage le voulaient, les Algériens ne les laisseraient plus faire. Je pense et j’espère que tout se passera bien et que la transmission du pouvoir à une nouvelle génération se fera d’ici à la fin de 2019.
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Ce que je crois
HUMOUR, SAILLIES ET SAGESSE
Ils s’intéressent à l’Afrique
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eliant Addis-Abeba à Nairobi, l’avion d’Ethiopian Airlines qui s’est écrasé le 10 mars avait à son bord 149 passagers de 32 nationalités, la plupart non africains : 18 Canadiens, 9 Français, 8 Italiens, 8 Chinois, 8 Américains, 7 Britanniques, 5 Néerlandais, 4 Indiens, 4 Slovaques, 3 Autrichiens, 3 Suédois, 3 Russes, 2 Espagnols, 2 Polonais, 2 Israéliens, 1 Belge. Parmieux,desmembresdel’ONU en route pour une conférence à Nairobi et des touristes. Mais les autres? Presque en même temps, le président français, Emmanuel Macron, passait près d’une semaine à Djibouti, en Éthiopie et au Kenya. Dans ces deux derniers pays, aucun chef de l’État français ne s’était rendu depuis plus de cinquante ans ; M. Macron a dit qu’il fallait faire « contrepoids à la Chine ». Dans la même semaine, The Economist consacrait sa une à ce nouvel engouement (« The new scramble for Africa »). Selon notre confrère, on se bouscule pour aller en Afrique. Pourquoi un tel intérêt pour notre continent et que signifie-t-il? Le président français en était à son dixième voyage en Afrique. Il y a été précédé par des dirigeants chinois de haut rang, par de très nombreux présidents et Premiers ministres d’autres continents. Cas particulier, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, qui s’est rendu en Afrique plus de trente fois. Turkish Airlines dessert d’ailleurs plus de cinquante villes africaines et la Turquie a ouvert en dix ans quelque trente ambassades et consulats en Afrique. Depuis 2010, on a enregistré
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l’ouverture de quelque trois cents nouvelles chancelleries sur le continent. La Chine y compte 52 ambassades, les États-Unis 49, la France 47, l’Allemagne 43 et la Russie 40. Les sommets? Au Chine-Afrique, qui est devenu une institution, se sont ajoutés un Europe-Afrique, un Turquie-Afrique, tandis que se prépare un Russie-Afrique. Le commerce ? La Chine, l’Inde et la Turquie sont les partenaires les plus actifs des pays africains. L’Union européenne a annoncé qu’elle débloquerait, entre 2021 et 2027, des dons s’élevant à 40 milliards de dollars, et l’Allemagne parle d’un « plan Marshall » pour l’Afrique. On sait que c’est la Chine qui a « découvert » l’Afrique il y a un quart de siècle. Les autres grandes puissances lui ont emboîté le pas: elles savent qu’il y aura bientôt autant d’Africains que de Chinois. Il faut donc prendre ou reprendre place sur le continent. Un tel intérêt pour l’Afrique est intéressé. Il faut en avoir conscience et savoir y répondre. Le continent aurait pu le faire plus aisément s’il n’était pas morcelé en 54 pays, dont beaucoup sont trop petits; si son Union africaine était mieux financée et mieux pourvue en cadres de grande valeur; si les dirigeants africains étaient plus jeunes et d’un meilleur niveau; et si les écoles et les universités africaines ressemblaient à celles d’Asie, avec des professeurs bien formés et mieux payés. C’est par la qualité de l’éducation qu’elles ont donnée à leurs peuples que Singapour et la Corée du Sud se sont placées dans le peloton de tête des nations.
Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. La joie de regarder et de comprendre est le plus beau cadeau de la nature. Albert Einstein
L’erreur est humaine, soit ; mais il y en a qui poussent l’humanité vraiment trop loin. Grégoire Lacroix
Il n’y a rien qui soit plus menaçant que le bonheur, et chaque baiser qu’on donne peut éveiller un ennemi. Maurice Maeterlinck
Quand la panthère ne parvient pas à attraper un gibier, elle dit qu’il est petit. Proverbe africain Les formules qui semblent avoir perdu tout leur sens à force d’avoir été répétées trop souvent sont celles qui contiennent le plus de vérité. Nadine Gordimer
Moi aussi, j’ai été jeune, alors les jeunes, je les comprends, mais pas ceux d’aujourd’hui. Brèves de comptoir
L’enseignement : apprendre à savoir, à savoir faire, à faire savoir. L’éducation : apprendre à savoir être. Louis Pauwels Lorsque l’ivresse de l’amour est passée, on rit souvent des comparaisons qu’elle nous a fait faire. Ninon de Lenclos La chance, c’est ce qu’on ne mérite pas. Paul Guth
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ÉDITORIAL
La vraie richesse de l’Algérie es Algériens ne sont décidément jamais là où on les attend. On les croyait résignés à courber l’échine, à attendre que le temps fasse son œuvre et que la fatalité biologique impose le changement à la tête de leur pays. Et voilà qu’ils se réveillent subitement et se mobilisent en masse pour accélérer le mouvement. On craignait un déferlement de violence lors des gigantesques manifestations qui se multiplient depuis d e s s em ai n e s . E t voilà que les contestataires montrent un vrai sens civique, une conscience de leurs responsabilités en tous points remarquable. Ils donnent ainsi une leçon au monde entier. Pas une vitre brisée, pas une dégradation, pas un coup. On est loin des « gilets jaunes » français! Dans les cortèges, on s’attendait à lire et à entendre des slogans haineux et jusqu’au-boutistes, et voilà qu’on découvre tout le contraire : une colère digne et mesurée, une ode à l’espoir et, souvent, un sacré sens de l’humour ! La séquence qui se déroule sous nos yeux est passionnante. Elle révèle la fracture béante qui sépare une population jeune, exigeante
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et motivée d’un establishment déconnecté des réalités, habitué depuis toujours à imposer plutôt qu’à composer et à recourir à un logiciel largement obsolète. Telle une cocotte-minute, l’Algérie et les Algériens laissent soudainement s’échapper la pression accumulée depuis trop longtemps. Pour la deuxième fois depuis l’émergence de la contestation populaire, le 22 février, Abdelaziz Bouteflika et les siens ont été contraints de multiplier les concessions. Il y a d’abord eu, le 3 mars, la proposition de se faire réélire sans terminer son cinquième mandat, puis d’organiser une conférence « inclusive » et, pour finir, de tenir une nouvelle présidentielle. « Boutef » a été contraint d’y renoncer. Nouvelle tentative, le 11 mars : report de la présidentielle, départ du Premier ministre, renoncement à une nouvelle candidature, tenue d’une conférence nationale pour réformer le système politique, adoption d’une nouvelle Constitution à l’issue d’un référendum. Réaction de la plupart des protestataires : « Ça ne suffit pas : nous voulions une élection sans Bouteflika, on nous propose Bouteflika sans élection ! »
D’un côté, le nombre et l’espoir ; de l’autre, la puissance et la rouerie. Mais l’avenir est ailleurs.
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Considérée de l’extérieur, la solution de compromis proposée par le pouvoir peut sembler raisonnable. Mais elle se heurte à un écueil difficilement surmontable : la profonde défiance des Algériens, qui ne croient ni en la sincérité du projet ni en celle des hommes chargés de le mettre en œuvre. Marché de dupes pour les uns, tentative de gagner du temps pour les autres… Les Algériens ne supportent plus ce qu’ils nomment la hogra, terme difficilement traduisible signifiant tout à la fois : mépris, humiliation et injustice. Pour eux, aucune différence entre le plan A – le cinquième mandat – et le plan B qu’on est en train de leur concocter. Dans les deux cas, ils estiment qu’on se moque d’eux et de leurs aspirations.
Renverser la table
Quelle sera la suite des événements ? Que sera l’Algérie sans Bouteflika ? Ici comme ailleurs, tout sera question d’équilibre. Où placer le curseur pour, en même temps, contenter la rue et préserver les intérêts de l’État ? C’est ce qu’explique assez bien le sage – quoique parfois contesté – Lakhdar Brahimi, fort de son expérience de gestion de crises autrement plus graves, de l’Irak à l’Afghanistan, en passant par la Syrie : « Nous sommes tous d’accord sur le fait que l’on refuse le cinquième mandat, mais le changement ne peut se faire en un jour. Nous ne pouvons réaliser un changement radical en excluant tous les administrateurs et les responsables en place. Sinon, ce serait le chaos. » À l’inverse, nombre de contestataires veulent aujourd’hui renverser la table. Exigent-ils que tous ceux qui, de près ou de loin, ont participé au long règne de « Boutef » soient exclus ? C’est, à l’évidence, excessif. Le pouvoir entend-il gérer à
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Sommaire
Ce que je crois par Béchir Ben Yahmed Éditorial par Marwane Ben Yahmed
PROJECTEURS
8 12 sa manière la transition annoncée, et avec les hommes de son choix ? Cela ne marchera pas.
Solution simple
Entre ces deux extrêmes, il y a pourtant une solution simple et, surtout, porteuse de promesses. Ceux qui connaissent l’Algérie savent qu’il existe une foule de gens compétents capables de jouer un rôle important dans la séquence en cours. Ce sont les représentants, apolitiques, de ce middle management que l’on trouve aussi bien dans les ministères, les entreprises, l’administration, l’armée, la société civile ou la magistrature. Ils sont généralement brillants, bien formés, intègres et patriotes; vivent dans des trois-pièces à Alger ou dans sa banlieue; se déplacent en petites citadines et envoient leurs enfants dans les écoles ou les hôpitaux publics, là où les membres de la nomenklatura ne mettent jamais les pieds. Faisant passer leurs intérêts personnels après ceux de leur pays, ils n’ont rien à voir avec les lobbies, la corruption, les luttes de clans, les prébendes et les oukases. Ces commis de l’État – terme galvaudé mais qui retrouve ici tout son sens – sont la vraie richesse de l’Algérie. On se demande même comment ils peuvent être aussi nombreux et faire preuve de tant d’abnégation dans un contexte aussi difficile, et avec d’aussi maigres perspectives d’avenir. La rue, le pouvoir… Les deux camps qui s’affrontent aujourd’hui ont chacun leurs armes. Pour schématiser : le nombre et l’espoir, d’un côté ; la puissance et la rouerie, de l’autre. Mais l’avenir de l’Algérie est ailleurs. Il passe, de manière raisonnée, pragmatique et efficace, par la mobilisation de ces bataillons d’anonymes qui font tourner la machine depuis des lustres. Prions pour qu’ils ne soient pas oubliés!
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Confidentiel L’homme de la semaine Tewolde GebreMariam 10 choses à savoir sur… Denise Nyakeru Tshisekedi Comme le temps passe… Le match Sidi Mohamed Ould Boubacar vs Mohamed Ould Maouloud Esprits libres
AFRIQUE SUBSAHARIENNE
24 Sénégal À quoi joue Abdoulaye Wade ? 30 Cameroun L’homme qui voulait être président 34 Côte d’Ivoire Soumahoro fidèle au poste 36 Questions à… Hanana Ould Sidi, commandant de la Force conjointe du G5 Sahel 38 Tribune On n’est jamais aussi bien soigné que par soi-même
MAGHREB & MOYEN-ORIENT
40 46 49 50 54
Algérie La fin d’un monde Tunisie Benaliste un jour… Tribune Un homme fort pour un État fort Maroc Cocaïne Road Libye Quand Khalifa Haftar se rêve en de Gaulle
63 Têtes d’affiche 64 BTP Le sénégalais Arezki trace sa route loin de Dakar 65 Industrie Peugeot prêt à démarrer au Maroc 66 Agroalimentaire Engrais : le Nigeria redistribue les cartes 68 Affaires déclassées 70 Tribune Trois axes de réformes pour plus d’unité et de croissance au Sénégal
DOSSIER 72
Africa CEO Forum
CULTURE(S) 96 100 101 102 104 106
Festival Quel avenir pour le Fespaco ? Cinéma L’horreur américaine Arts plastiques Dans les yeux de l’autre Tendance Ça glisse pour eux Voyage De nouveau sur les rails Style Le sac « Tais-toi »
GRAND FORMAT 107 Mali Le sursaut
VOUS & NOUS
153 Le courrier des lecteurs 154 Post-scriptum
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58 Finance La guerre des assureurs aura bien lieu PHOTOS DE COUVERTURE : ÉDITION GÉNÉRALE : MOHAMED MESSARA/EPA/MAXPPP ÉDITION SÉNÉGAL : SYLVAIN CHERKAOUI POUR JA ÉDITION CAMEROUN : JEAN-PIERRE KEPSEU ÉDITION MALI : VINCENT FOURNIER/JA ÉDITION CEO FORUM : GABRIEL DUSABE/URUGWIRO VILLAGE
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PROJECTEURS CONFIDENTIEL Politique Félix Tshisekedi, Emmanuel Macron et Uhuru Kenyatta, au Kenya, le 13 mars.
PRKENYA
CÔTE D’IVOIRE DEUX PASSEPORTS POUR SORO
AFRIQUE-FRANCE
Dans les coulisses de la tournée de Macron À Djibouti, le 12 mars, Emmanuel Macron et Ismaël Omar Guelleh se sont vus une heure en tête-à-tête. Le président français a indiqué à son homologue qu’il insisterait auprès des entreprises françaises pour qu’elles reviennent dans son pays. Il lui a aussi assuré qu’il interviendrait pour que la marine éthiopienne en voie de création avec l’aide de la France soit basée à Djibouti, et non en Érythrée. Puis, à 13 h 50, son avion a décollé. Direction : le site historique de Lalibela, dans le nord de l’Éthiopie. Le 13 au matin, Macron s’est longuement entretenu avec Moussa Faki Mahamat,le président de la Commission de l’UA, dans son bureau, à Addis-Abeba. Ils ont essentiellement évoqué les difficultés de financement de l’Amisom (la mission de maintien de la paix en Somalie), dont la France forme des contingents, ainsi que la signature d’un mémorandum de coopération entre Paris et l’UA. À la mi-journée, Macron a atterri à Nairobi. Selon nos sources, Uhuru
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Kenyatta lui a proposé un dîner le soir même avec Félix Tshisekedi, qui devait arriver dans la journée. Ce dernier ne parlant pas l’anglais, Macron a mis son interprète à son service. Les trois présidents se sont retrouvés dans un restaurant situé dans une réserve naturelle, au cœur de la forêt de Karura. Le chef de l’État français a dit en substance à Tshisekedi que la France prenait acte des élections mais attendait deux gestes attestant qu’une véritable alternance est en cours : qu’il manifeste une réelle autonomie vis-à-vis de Joseph Kabila et qu’il tende la main à « l’autre opposition », gage d’ouverture politique. « Cela s’est bien passé, même s’il est toujours désagréable et contre-productif de se voir ainsi mettre la pression, commente-t-on dans l’entourage du président congolais. Tshisekedi est favorable à une politique de la main tendue. Mais il la mènera selon ses termes et en fonction de son appréciation de la situation. Qui n’est pas nécessairement celle des Français ».
En tant qu’ancien président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro a obtenu début mars son nouveau passeport diplomatique, signé par le ministère des Affaires étrangères. Il en avait fait la demande après sa démission, en février (en Côte d’Ivoire, les fonctions figurent sur le passeport). Il a également obtenu un passeport ordinaire en tant que député.
ALGÉRIE LE MESSAGE DE NEZZAR
Les deux hommes ne se parlent plus. Et pourtant, par le truchement de plusieurs émissaires, Khaled Nezzar, l’ex-ministre de la Défense, a fait passer un message à Ahmed Gaïd Salah, vice-ministre de la Défense et chef d’étatmajor de l’armée, dans lequel il lui recommande de veiller à ce que l’armée ne brutalise pas les manifestants. Lors des émeutes d’octobre 1988, c’est à Nezzar, alors chef d’état-major de l’armée, que le président Chadli Bendjedid avait fait appel pour restaurer l’ordre. La répression avait fait environ 500 morts.
GABON-FRANCE DUMONT-BEGHI SUSPENDUE
Le 12 mars, Adrien Houngbédji, le président de l’Assemblée nationale, a été entendu à son domicile par la police. Celle-ci enquête sur des irrégularités qui entacheraient le dossier de candidature du PRD (son parti) aux législatives. Ces irrégularités présumées avaient conduit la Commission électorale nationale Patrice Talon (à g.) et Adrien Houngbédji, le 6 mars. autonome (Cena) à interdire au PRD (et à l’opposition) de concourir au scrutin. Houngbédji avait alors saisi la Cour constitutionnelle pour annuler cette décision. Or, Freddy Houngbédji, son fils, commissaire à la Cena, est à son tour dans le viseur de la justice. On le soupçonne d’avoir transmis à son père des documents confidentiels, que celui-ci a produits devant la Cour constitutionnelle à l’appui de sa requête. En se fondant sur ces documents, Adrien Houngbédji soutenait, entre autres, que les dossiers des coalitions de la mouvance présidentielle, le Bloc républicain et l’Union progressiste, validés par la Cena, étaient entachés d’irrégularités. Le 13 mars, la Cour a rejeté sa demande, arguant notamment que ces documents « n’ont pas été obtenus légalement ».
BURKINA OÙ EST BASSOLÉ ?
Souffrant de troubles cardiaques et évacué en Tunisie le 6 mars, Djibrill Bassolé est hospitalisé à Hammamet, où il passe une série d’examens. Son épouse, Rosalie, est à ses côtés. L’ex-ministre burkinabè des Affaires étrangères s’est engagé à regagner son pays dès qu’il sera rétabli, afin de continuer à participer à son procès.
NIGER-FRANCE HAMA AMADOU AU SÉNAT
L’opposant Hama Amadou prendra la parole à l’occasion d’un colloque consacré au Sahel, organisé au Sénat français à la mi-mai. En juillet 2018, l’ancien Premier ministre, qui vit en exil à Paris, avait adressé un courrier à Emmanuel Macron, le saluant pour son action dans la région et lui demandant une
RODRIGUE AKO/PRÉSIDENCE DU BÉNIN
L’imbroglio Houngbédji
L’avocate française Claude Dumont-Beghi, qui représente les intérêts d’Ali Bongo Ondimba relatifs à l’héritage de son père, Omar, ne peut plus pour le moment exercer au Gabon. La loi gabonaise interdit en effet aux avocats d’exercer la profession de commerçant. Or, Mme Dumont-Beghi figure au registre du commerce comme dirigeante de CDB Consulting, une SARL sise à Libreville. Convoquée à deux reprises par le Conseil de l’ordre, elle ne s’est pas présentée. Le bâtonnier a saisi le président du tribunal compétent, qui a tranché.
MAROC TOUT EST POSSIBLE !
Le communicant Hamza Hraoui, Zakaria Garti, l’ancien président de l’association Tizi (pour la jeunesse), et l’avocat Mehdi Megzari, associé chez Sayarh & Menjra, font partie des personnalités qui s’apprêtent à lancer un parti le 21 mars à Casablanca. Koulchi Moumkine (« Tout est possible ») se veut progressiste et cherche à attirer de jeunes cadres. Hamza Hraoui avait été l’une des chevilles ouvrières de la campagne d’Emmanuel Macron au Maroc.
audience. Il y critiquait au passage le gouvernement nigérien.
TUNISIE L’AFFAIRE MATMATI REBONDIT
DR
BÉNIN
Premier dossier traité dans le cadre de la justice transitionnelle, l’affaire Kamel Matmati, du nom de cet islamiste décédé sous la torture en 1991 à Gabès, rebondit. Le 13 mars, deux
mandats d’amener ont été émis à l’encontre d’Abdallah Kallel, à l’époque ministre de l’Intérieur, et de Mohamed Ali Ganzoui, alors directeur général des services spéciaux. Sur proposition d’Ennahdha, le gouvernement compte par ailleurs soumettre à l’Assemblée un projet de loi prévoyant que les entreprises se substituent à l’État, dont les caisses sont vides, pour financer un fonds d’indemnisation des victimes.
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PROJECTEURS
CONFIDENTIEL Diplomatie & réseaux
Vingt-trois chefs d’État africains sont conviés aux 25e commémorations du génocide des Tutsis, le 7 avril, à Kigali. Seul voisin à avoir été « oublié » : Pierre Nkurunziza, contrairement à Yoweri Museveni, John Magufuli et Félix Tshisekedi. Alpha Condé, prédécesseur de Paul Kagame à l’UA, Paul Biya, Mahamadou Issoufou, João Lourenço et Emmerson Mnangagwa n’ont pas non plus été invités.
FRANCOPHONIE MUSHIKIWABO À KIN
Louise Mushikiwabo, la secrétaire générale de l’OIF, doit se rendre en RD Congo le 22 mars pour rencontrer Félix Tshisekedi. Le 18 janvier, elle avait pourtant « exprimé le soutien de la Francophonie » à l’initiative des chefs d’État africains qui, réunis à Addis-Abeba, avaient émis de « sérieux doutes quant à la conformité des résultats provisoires » donnant Tshisekedi vainqueur de la présidentielle. Comme l’ensemble de la communauté internationale, la Rwandaise s’est depuis ravisée : le 29 janvier, elle a écrit au nouveau président congolais une lettre, que JA a pu consulter, dans laquelle elle le félicite et s’engage à « soutenir [ses] efforts » en faveur d’« une dynamique de rassemblement ». La RD Congo est le plus peuplé des États membres de l’OIF.
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PIERRE BOISSELET POUR JA
RWANDA CHEFS « OUBLIÉS »
Félix Tshisekedi (à g.) et Moïse Katumbi, à Paris, en décembre 2015.
RD CONGO
Ils se (re)parlent Félix Tshisekedi et Moïse Katumbi ont repris contact. Selon nos sources, le président congolais et le patron de la plateforme Ensemble pour le changement communiquent désormais par l’intermédiaire de plusieurs chefs d’État. Parmi eux, le Guinéen Alpha Condé et le Sud-Africain Cyril Ramaphosa. Tous quatre se connaissent bien et s’étaient rencontrés à l’époque où les deux Congolais militaient ensemble contre Joseph Kabila. Tshisekedi et Katumbi s’étaient alliés au début de 2016, lorsque
l’ancien gouverneur de l’ex-Katanga avait quitté le camp de Kabila. Mais leurs relations s’étaient distendues depuis que Tshisekedi avait retiré sa signature de l’accord de Genève, qui, en novembre 2018, avait désigné Martin Fayulu candidat commun de l’opposition. Par ailleurs, Katumbi, qui avait engagé une procédure pour obtenir un passeport biométrique congolais, a obtenu ce document le 8 mars, à la demande de Tshisekedi. Le président a envoyé un émissaire pour le lui remettre en personne.
CONGO-FRANCE
Pléiade de VIP à Oyo Le 10 mars, Denis Sassou Nguesso (DSN) a réuni plusieurs de ses amis à Oyo, à l’occasion de l’inauguration de la basilique qu’il a offerte à l’Église catholique du Congo. Parmi les invités, Dominique Strauss-Kahn et son épouse, Myriam L’Aouffir. L’ex-patron du FMI conseille DSN en matière de restructuration de la dette et dans ses négociations avec le FMI aux côtés de Matthieu Pigasse, patron de la banque d’affaires Lazard France, lui aussi convié. Michel Roussin, ancien ministre français de la Coopération et proche de Vincent Bolloré, avait également fait le voyage, tout comme le député honoraireFrançois Loncle etJean-Yves Ollivier, le président de la Fondation Brazzaville. Thomas Boni Yayi, l’ex-président du Bénin, Hamed Bakayoko, le ministre ivoirien de la Défense, Karim Meckassoua, l’ancien président de l’Assemblée nationale centrafricaine, et le cardinal Laurent Monsengwo, archevêque émérite de Kinshasa, étaient eux aussi présents. Certains d’entre eux se sont rendus en hélicoptère au parc national d’Odzala-Kokoua, où ils ont séjourné durant deux jours.
GABON BISBILLES À LA MAIRIE DE LIBREVILLE
PRÉCISION
À la suite à notre Confidentiel « Les frères font la paix » (JA no 3034), nous écrivions qu’Ignace Clomegah avait été reconnu grand maître du Togo à l’issue de la conférence des Grandes Loges régulières d’Afrique. Hervé Awïdê Pana, grand secrétaire de la Grande loge nationale togolaise, nous a fait parvenir la précision suivante: « En date du 27 février 2019, la justice togolaise, par une ordonnance du tribunal de Lomé, a placé la Grande Loge du Togo sous administration judiciaire et désigné un administrateur provisoire pour un mandat de 12 mois à compter du 27 février 2019 […]. Nous vous précisons que, dans le droit maçonnique, une conférence n’a aucun pouvoir de reconnaissance. La résolution que brandit M. Clomegah à l’appui de cette reconnaissance n’a été signée que par les grands maîtres du Ghana et du Bénin et leurs grands secrétaires. »
CHRISTINE LAGARDE Patronne du FMI depuis 2011, la Française s’est entourée de collaborateurs africains, comme Wafa Amr et Lucie Mboto Fouda, chargées de communication pour le monde arabe et l’Afrique. Des Européens, comme Céline Allard, chef de mission en Côte d’Ivoire, ou Björn Rother, en Tunisie, font également partie de son équipe. ABDOUL AZIZ WANE Sénégalais. Ancien maître de conférences à l’université de Saint-Louis. Est bien connu des Congolais car il a été négociateur pour le FMI à Brazzaville. Dirige l’Africa Training Institute et l’Afritac, des centres de recherche liés à l’institution, qui font bénéficier des gouvernements africains de leur expertise. JIHAD AZOUR Franco-libanais. Ancien ministre libanais des Finances. Dirige le département Moyen-Orient et Asie centrale du FMI. Collabore avec l’économiste Nicolas Blancher, spécialiste du Maroc et de l’Égypte. En 2018, a dit aux gouvernants d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient de prendre garde à l’aggravation des tensions sociales. ABEBE AEMRO SÉLASSIÉ Éthiopien. Directeur du département Afrique du FMI. Est passé par de grandes universités britanniques, puis par le centre de recherche du journal The Economist. Au FMI, a été en poste en Ouganda et chef de mission en Afrique du Sud. A supervisé l’aide du FMI aux pays touchés par l’épidémie d’Ebola. IMF PHOTO/STEPHEN JAFFE ; IMF
Nommée ministre de la Défense le 30 janvier, Rose Christiane Ossouka Raponda a, le 11 mars, cédé son siège de maire de Libreville à Léandre Nzué, en se félicitant de lui avoir légué un budget excédentaire de 27 milliards de F CFA (41 millions d’euros). À l’hôtel de ville, elle est néanmoins sous le feu des critiques. Ses détracteurs affirment que nul n’a vu trace d’une telle somme, d’autant qu’en quittant ses fonctions elle a débauché le directeur général des finances. Ils assurent qu’au contraire elle a accumulé des dettes. De nombreux fournisseurs en attente de paiement font le siège du nouvel exécutif communal. Parmi eux, les entreprises travaillant sur le chantier de l’auditorium, abandonné en cours de mandat. Les syndicalistes pressent Nzué de lancer un audit pour tirer la situation au clair, sachant qu’Ossouka Raponda a embauché 334 agents entre mars et septembre 2018, alors que la mairie en employait déjà 2950.
ZEINE OULD ZEIDANE Premier ministre de la Mauritanie sous la présidence de Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Économiste, ancien de la Banque mondiale. A dirigé plusieurs missions du FMI en Algérie. Très discret, il est chargé des relations avec les institutions financières arabes.
PRÉSIDENTIELLE ALGÉRIENNE
Bouteflika, version 1 Le 11 mars, dans sa deuxième lettre à la nation, Abdelaziz Bouteflika a annoncé le report de la présidentielle et qu’il ne briguerait pas un cinquième mandat (lire pp. 40-45). Il a aussi pris acte de la démission du gouvernement d’Ahmed Ouyahia et révélé qu’une nouvelle équipe dotée de « compétences nationales » serait bientôt nommée. En réalité, cette annonce aurait dû intervenir huit jours plus tôt, le 3 mars, dans sa première lettre à la nation, et selon une version légèrement différente. Dans ce premier courrier, Bouteflika s’est engagé, s’il était réélu, à convoquer une présidentielle anticipée au bout d’un an, à laquelle il n’aurait pas été candidat.
Mais il aurait dû également proposer un remaniement en profondeur et la formation d’« un gouvernement d’union nationale ». Cette proposition (soit le septième point de la lettre) a été supprimée à la dernière minute, juste avant que le texte ne soit adressé aux rédactions le 3 mars. Selon son entourage, « le président se trouvait encore à Genève et il était délicat de procéder à un remaniement depuis l’étranger ». Le nom de Ramtane Lamamra avait alors été avancé pour succéder à Ahmed Ouyahia. Il a finalement été nommé vice-Premier ministre le 11 mars, tandis que Noureddine Bedoui devenait chef du gouvernement.
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PROJECTEURS
LES GENS
L’HOMME DE LA SEMAINE
ALEX EDELMAN/ZUMA PRESS/REA
« Il ne suffit pas d’être fâché contre Trump. Sa politique est mauvaise, mais comme l’ont été celles de beaucoup de ceux qui l’ont précédé. Ils étaient simplement plus policés que lui. Nous ne voulons pas que des gens s’en sortent impunément juste parce qu’ils sont policés. Il faut savoir ce que sont vraiment les politiques derrière les jolis sourires. »
Ilhan Omar Députée américaine « Qu’il ne nous donne pas de leçons. Hé Netanyahou, tiens-toi bien ! Tu es un tyran qui a massacré des enfants palestiniens ! » Recep Tayyip Erdogan Président de la Turquie
« Le président Macron a envie de réparer le passé français. Comme il l’a fait par exemple pour l’Algérie, en reconnaissant la responsabilité de la France dans la mort à Alger du mathématicien Maurice Audin. » Jacques Sémelin Professeur à Sciences-Po
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GebreMariam en pleine zone de turbulences
Après le crash, le 10 mars, d’un Boeing 737 Max 8 d’Ethiopian Airlines, le directeur général de la compagnie fait face à sa première épreuve. RÉMY DARRAS
Costume sombre, un morceau de fuselage à la main, Tewolde GebreMariam ne peut que constater les dégâts. Dès le 10 mars, le directeur général d’Ethiopian Airlines a tenu à se rendre sur les lieux du crash du Boeing 737 Max 8 qui devait relier Addis-Abeba à Nairobi, au Kenya. Cent cinquante-sept personnes y ont perdu la vie. Debout au milieu des décombres, vite repérés au sud-est de la capitale éthiopienne, Tewolde GebreMariam paraît avoir du mal à y croire, lui qui a fait de sa compagnie un modèle en matière de sécurité et de formation des personnels, selon nombre de spécialistes du secteur aérien. Le pilote aux commandes de l’avion était d’ailleurs très expérimenté et connaissait les dernières recommandations du constructeur. C’est peu dire que l’onde de choc est sans précédent. Pour Boeing
d’abord, puisque quatre mois auparavant un autre 737 Max 8 de sa fabrication, exploité par la compagnie indonésienne Lion Air, s’est écrasé dans des conditions similaires – or ce modèle représente 80 % du carnet de commandes de l’avionneur américain. Mais quelles seront les conséquences pour Ethiopian Airlines et son dirigeant, qui connaissaient une belle réussite?
Fin et discret stratège
En 2018, la compagnie a battu tous les records de trafic (10,6 millions de passagers, + 21 %) et de résultats financiers (2,75 milliards de dollars, + 43 %). Depuis sa nomination, en 2011, à la tête de la société dans laquelle il est entré en 1985 et où il a effectué toute sa carrière, l’ancien guichetier « a porté la flotte de 46 à près de 110 appareils, et le nombre de destinations de 81 à plus de 120, doublé les effectifs, portant la croissance Tewolde GebreMariam sur les lieux du drame, près d’Addis-Abeba.
ETHIOPIAN AIRLINES
« Je n’ai jamais perdu espoir et je ne vous ai pas attendu pour développer mon pays. » Ismaïl Omar Guelleh Président de Djibouti, lors de la visite d’Emmanuel Macron
FACEBOOK V.FOURNIER/JA V.FOURNIER/JA
Sous sa houlette, l’entreprise a battu tous les records de trafic.
DR
d’Airbus à l’Éthiopie a été évoquée lors de la visite du président français à Addis, Tewolde GebreMariam avait jusqu’à présent toujours affirmé son attachement au constructeur américain. Une proximité qui, jusqu’à l’accident et dans l’attente de l’analyse des boîtes noires, était réciproque. Ethiopian Airlines n’est pas rien pour l’avionneur américain, dont les appareils dominent le marché du long-courrier sur le continent. En quelques années, Addis-Abeba est devenu un centre de formation et de maintenance pour beaucoup de transporteurs africains. En prenant des parts l’année dernière au capital d’une dizaine d’entre eux (en Guinée, au Tchad, au Mozambique, etc.) et en lorgnant de nombreux marchés (la RD Congo, le Nigeria…), Ethiopian s’est imposée comme l’un des principaux moteurs de la croissance de Boeing sur le continent.
DR
Tewolde GebreMariam souhaitera-t-il encore cultiver cette relation exclusive ? Environ la moitié de la soixantaine d’appareils en commande censés répondre au doublement du trafic d’Ethiopian en Afrique dans les vingt prochaines années sont des 737 Max 8. Si le programme américain s’enfonçait dans la crise, le directeur général pourrait-il se tourner vers la Chine ? Un haut responsable de la compagnie expliquait il y a quelques mois que cette dernière était tentée de sortir de sa dépendance vis-à-vis de Boeing. Ethiopian envoie régulièrement ses ingénieurs à Shanghai chez le constructeur Comac pour observer les avancées du moyen-courrier C919, dont les livraisons devraient commencer d’ici à deux ans. Un retournement d’alliances qui s’apparenterait à une petite révolution pour le secteur aéronautique africain.
ROUKIATA OUÉDRAOGO
La comédienne burkinabè a été choisie comme marraine de la Journée internationale de la Francophonie, la première organisée par la nouvelle secrétaire générale, Louise Mushikiwabo.
ABDESLAM AHIZOUNE
Maroc Telecom, dont il est le président, a racheté Tigo Tchad, principal opérateur de téléphonie mobile du pays. Le dirigeant du groupe marocain avait été reçu il y a trois semaines par le président Idriss Déby Itno.
ALI ZAMIR
L’écrivain comorien a reçu le prix Roman France Télévisions 2019 pour son troisième roman, Dérangé que je suis (éditions Le Tripode), tissé autour d’un personnage de docker sur le port de Mutsamudu.
ABDULRAHMAN AL-TAWEEL
Nommé en 2017 chef d’état-major du Conseil présidentiel libyen, le général a été remplacé par Mohammed al-Sharif. Il avait d’abord refusé son limogeage, ce qui lui a valu une mise à la retraite.
L’option chinoise
RIDHA CHARFEDDINE
Le responsable tunisien quitte ses fonctions de président du comité d’organisation du congrès de Nidaa Tounes, claque la porte du parti et démissionne de son poste de député, à la suite de différends avec la direction. DR
annuelle de la compagnie à 25 % », rappelle Abderrahmane Berthé, secrétaire général de l’Association des compagnies aériennes africaines. Fin et discret stratège, réputé à l’écoute de ses collaborateurs, il a aussi développé la plateforme d’Addis-Abeba en étudiant la progression des échanges intra-africains et des investissements chinois sur le continent, nouant des liens avec les gouvernements africains et cultivant ceux qui existaient avec Pékin depuis 1973. Le tout en cassant les prix sur des dessertes qui étaient jusque-là les chasses gardées des compagnies occidentales. Cette stratégie, Tewolde GebreMariam peut en être fier, il l’a menée sans que l’État, pourtant actionnaire, s’en mêle. Elle lui a permis de devancer les anciens leaders qu’étaient Egyptair, Kenya Airways ou South African Airways. Mais cet accident intervient au moment précis où il engageait un virage stratégique, rêvant de faire d’Ethiopian un « Emirates » africain – autrement dit plus qu’une compagnie continentale, un super-connecteur mondial. L’homme, qui a conservé son poste à la tête de la compagnie publique après l’arrivée d’Abiy Ahmed à celui de Premier ministre il y a près d’un an et qui siège au conseil d’administration d’autres grandes entreprises éthiopiennes, doit aussi préparer la privatisation du transporteur. En attendant, il doit gérer une crise inédite pour lui. Le dernier crash d’un avion d’Ethiopian remonte à 2010, quand un appareil s’était abîmé en mer après son décollage de Beyrouth. Le dirigeant a souhaité que Boeing immobilise tous ses 737 Max 8 dès le 12 mars jusqu’à ce que leur aptitude à voler ait été établie. Pour lui, les semaines à venir s’annoncent d’autant plus délicates que sa compagnie, créée grâce à TWA, entretient des liens étroits avec Boeing. Et si la vente
LUMEYA DHU MALEGHI
Le ministre des Affaires foncières de la RD Congo, proche de l’ancien président Kabila, a été suspendu de ses fonctions sur décision du nouveau chef de l’État, Félix Tshisekedi.
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PROJECTEURS
LES GENS
Denise Nyakeru Tshisekedi
Son époux a été investi président de la RD Congo le 24 janvier. Après avoir travaillé à Bruxelles, la nouvelle première dame a l’intention de jouer un rôle actif. Sa priorité : la défense des droits des femmes. MUSHIE
KINOISE D’ADOPTION
Née le 9 mars 1967 à Bukavu, dans le Sud-Kivu, la première dame est une Mushie. Félix Tshisekedi comptait sur cet atout pour séduire les électeurs de cette province très peuplée. Finalement, son alliance avec Vital Kamerhe, lui aussi mushi et très influent dans ce bastion, a rendu cette stratégie superflue. Juste après son investiture, le président l’a d’ailleurs nommé directeur de cabinet.
Son oncle, l’abbé Sylvestre Ngami Mudahwa, aumônier catholique des Forces armées
FRATRIE SOUDÉE
Pour ses études, la solidarité familiale a joué à plein. Sa sœur Stéphanie (« Fanny ») l’a hébergée à Bruxelles pendant qu’elle se formait au métier d’infirmière, et sa sœur Jeannette, à Londres, lorsqu’elle y faisait un stage.
« ÉVOLUÉS »
Le père de Denise, Étienne Nyakeru, était un « évolué », comme on disait encore sous la colonisation belge. Il avait un poste à responsabilité dans l’administration de ce qui était encore la province unifiée du Kivu. Une de ses sœurs, Jeannette, a été diplomate à Londres. Un de ses beaux-frères est le « général docteur » Gilbert Kabanda Kurhenga, commandant du corps de santé de l’armée.
FÉLIX
Elle a rencontré Félix Tshisekedi en Belgique. Marié depuis vingt-trois ans, le couple a cinq enfants : Fanny, Anthony, Christina, Sabrina et Serena.
PROTOCOLE
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CAROLINE THIRION
ORPHELINE
Elle n’a que neuf mois quand elle perd son père, sa mère et l’un de ses oncles dans un accident de voiture à Bukavu. En raison du décès prématuré de ses parents, elle n’a pu apprendre le mashi, sa langue maternelle.
zaïroises, la recueille alors à Kinshasa, ainsi que la plupart de ses frères et sœurs. Grâce à lui, ils bénéficient d’une éducation. C’est dans la capitale que la jeune Denise a appris le lingala.
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John Nyakeru, l’un de ses frères aînés, a travaillé pendant plusieurs années au service du protocole de la présidence, sous Joseph Kabila, alors que son mari était opposant. Le 6 mars, après son élection, Félix
Tshisekedi l’a nommé chef de ce même service.
JARDINS D’ARIANE
Il y a quelques mois encore, la première dame exerçait sa profession d’infirmière aux Jardins d’Ariane, une maison de repos pour personnes âgées, dans la commune de Woluwe-SaintLambert, à Bruxelles. Elle n’a quitté son travail qu’au début de la campagne présidentielle de son mari.
PREMIER DISCOURS
À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars, elle a prononcé son premier discours de première dame. Elle y a annoncé son intention de s’investir dans la lutte contre les violences et les discriminations dont les femmes sont victimes.
MÉDISANCE
Les rumeurs malveillantes la visant ayant redoublé depuis l’élection de son époux, sa famille a confié à Jean-Bosco Bahala, ex-président du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication, et par ailleurs son cousin éloigné, le soin de rédiger sa notice biographique. Ce document de cinq pages a été rendu public le 8 mars. PIERRE BOISSELET
msc.com
PROJECTEURS
LES GENS
Il aura été ministre de l’Intérieur dans un bâtiment où, sous le régime Ben Ali, il avait été placé à l’isolement et torturé, puis chef du gouvernement tunisien de février 2013 à janvier 2014. Aujourd’hui, l’islamiste Ali Larayedh n’est plus aux premières loges. À 63 ans, il reste néanmoins vice-président d’Ennahdha, dont il est une tête pensante et qu’il avait représentée, en 2005, au sein du Collectif du 18-Octobre pour les droits et les libertés. À l’Assemblée des représentants du peuple, où il siège depuis 2014, il nie farouchement que son parti ait créé une officine secrète pour infiltrer les services de sécurité. Selon lui, l’égalité successorale entraînerait une recrudescence du terrorisme, et Recep Tayyip Erdogan, le président turc, serait un modèle à suivre. Grâce à ses réseaux du Sud, d’où il est originaire, cet ancien ingénieur de l’École de la marine marchande de Sousse est devenu investisseur. De son passage à l’Intérieur, l’opinion a surtout retenu la répression de la manifestation du 9 avril 2012, l’attaque de l’ambassade des États-Unis à Tunis, en septembre 2012, et l’assassinat de Chokri Belaïd, figure de la gauche, en février 2013.
Incarcéré en juillet 2008 à La Haye, où il a été jugé pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, puis acquitté en juin 2018, Jean-Pierre Bemba, l’ancien vice-président congolais, réclame un dédommagement à la Cour pénale internationale. Au total, plus de 68 millions d’euros, censés couvrir ses dix années de détention, ses frais de justice et « les dommages causés à ses biens ». Soit près de la moitié du budget annuel de la CPI…
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TIÉMAN HUBERT COULIBALY
Quand Kamissa Camara lui a succédé au poste de ministre des Affaires étrangères du Mali, en septembre 2018, Tiéman Hubert Coulibaly s’est fait discret. Il n’est réapparu que deux mois plus tard, sur la chaîne Africable. Le chef de l’Union pour la démocratie et le développement (UDD) y a plaidé en faveur d’un dialogue politique incluant toutes les composantes du pays (partis, organisations de la société civile, gouvernement) pour sortir de la crise postélectorale. L’UDD prend d’ailleurs part à ces concertations censées déboucher sur des réformes constitutionnelles. Depuis son bureau du quartier du Fleuve, à Bamako, Coulibaly s’entretient régulièrement avec des diplomates et des responsables de la sécurité de la sous-région, évoquant notamment avec eux les défis du G5 Sahel, qu’il a contribué à mettre en place. Se disant en bons termes avec l’opposition, il n’exclut pas de faire son retour au sein d’un gouvernement d’ouverture. Celui qui fut également ministre de l’Administration territoriale a conduit, entre le 27 février et le 6 mars, une mission d’évaluation électorale de la présidentielle aux Comores, pour le compte de l’OIF.
ONS ABID ; EU/SHIMERA/THIERRY ROGÉ
ALI LARAYEDH
INVESTIR
AU
TOGO
AucœurdelaCEDEAO,leTogo,trait d’unionentre les économies francophones et anglophones, a beaucoup investi ces dernières années pour offrir aux entreprises des infrastructures opérationnelles et un cadre d’investissements, nécessaires à la croissance et au développement du pays. Lomé, redevenue capitale financière, bénéficie d’installations de niveau international, dont un port en eaux profondes unique et incontournable dans la sous-région et un nouvel aéroport. -I-
Une situation géographique exceptionnelle De réelles opportunités pour les investisseurs Un climat des affaires optimal
PUBLI-INFORMATION
INVESTIR
AU
TOGO
La banque de demain
L
a capitale togolaise abrite depuis 1985 le siège de la Banque d’investissement et de développement (BID) de la CEDEAO, le bras financier de la Communauté économique, ainsi que celui de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), commune aux huit pays-membres de l’UEMOA.
C’est aussi à Lomé que le groupe africain Ecobank, le plus important sur le continent par la présence, a implanté en 2011, face à l’Atlantique, son nouveau siège social. Cette décision témoignait déjà du crédit accordé au Togo par un groupe privé de plus en plus puissant, en particulier depuis son installation sur le marché voisin nigérian. Orabank, la banque panafricaine numéro 1 au Togo par le total bilan, a également choisi Lomé pour y installer son siège social.
Le pays modernise son réseau internet afin d’offrir à la population tous les avantages du haut débit, notamment en termes de bancarisation et d’inclusion financière. Ecobank, Orabank ou la Banque togolaise pour le commerce et l’industrie ont déjà noué des partenariats avec des opérateurs de téléphonie mobile, pour permettre à leurs clients de gérer des comptes en ligne et d’effectuer des opérations financières. Ecobank organise même le Fintech Challenge, à Lomé, un concours panafricain qui vise à
© PHOTONIKO
transformer la finance par l’innovation et la technologie.
Le nouveau terminal s’étend sur une superficie de 21000 m2. Outre la nouvelle aérogare, un parking avion, un viaduc, un taxiway et une zone de fret ont été construits. L’ouvrage a été financé à hauteur de 150 millions de dollars par un prêt de la China Exim Bank et a été réalisé par deux entreprises chinoises : Weihai International Economic Tech- II -
Siège de la banque d’investissement et de développement de la Cedeao (BIDC).
Ecobank à Lomé.
Depuis 2016, le Togo a tout mis en œuvre pour attirer l’investissement privé dont son économie a besoin. Les autorités ont multiplié les réformes qui doivent permettre de saisir les opportunités qui se présentent, dans les secteurs des transports et de l’énergie, du logement ou de l’agroalimentaire. Simplification des procédures, règlement des litiges commerciaux, modernisation des infrastructures, Lomé se dote peu à peu de l’environnement attendu aujourd’hui par les investisseurs internationaux. Preuve que les efforts réalisés commencent à porter leurs fruits : le Togo a réalisé un véritable bond de 9 places ces trois dernières années dans le classement Doing Business de la Banque mondiale.
nical Cooperative Co. (WIETC) et China Airport Construction Group Corporation (CACC). L’aéroport devrait pouvoir accueillir 2 millions de passagers par an, contre environ 600000 aujourd’hui. 50000tonnesdefretdevraientytransiter, contre 15000 tonnes actuellement. « C’est une infrastructure de standard
international comme en Europe ou en Amérique du Nord, avec des services qui n’existaient pas auparavant » a déclaré HenokTeferra, le directeur général d’Asky, la compagnie aérienne qui a fait de Lomé son hub et transporte surtout des passagers en transit (75% de la clientèle). « Le nouvel aéroport est un atout décisif » ajoute-t-il.
Tourisme Lomé
De réelles opportunités pour les investisseurs
P
Moderniser le parc hôtelier Cette priorité accordée au tourisme se traduit par des actes concrets. La modernisation de l’aéroport international de Lomé, effective depuis 2016, facilite l’arrivée des touristes. Le gouvernement encourage la modernisation du secteur hôtelier qui est en pleine mutation. L’hôtel du « 2-Février » à Lomé, fleuron historique de l’hôtellerie africaine, a fait l’objet d’un investissement important pour sa modernisation. Le bâtiment d’une trentaine d’étages, l’un des plus hauts d’Afrique, est désormais une référence incontournable en Afrique de l’Ouest.
D.R.
D.R.
lus connu pour les phosphates ou le port en eau profonde de Lomé, le Togo posséde un trésor caché. Ses interminables plages de sable blond, ses plateaux verdoyants, ses vertigineuses cascades, ses parcs naturels protégés, et un réel patrimoine artistique, en font une destination rêvée. Les investissements hôteliers en cours et l'aéroport international de Lomé devraient permettre de donner une nouvelle impulsion au développement touristique qui figure parmi les priorités du gouvernement.
L e tourisme est une activité émergente au Togo mais le gouvernement en a fait une priorité. Le Plan National de Développement (PND) 2018-2022 envisage de positionner le Togo comme un centre international du tourisme d’affaires. Ce dernier représente 80 % des flux actuellement. Lomé, la capitale, accueille des institutions financières de premier plan (BOAD, BIDC, Orabank, Ecobank, etc.) et constitue un hub financier de premier rang en Afrique de l’Ouest. Le Togo dispose de grandes richesses naturelles : lacs, cours d’eau, montagnes, forêts, cascades, parcs nationaux. C’est aussi un pays chargé d’histoire et doté d’une riche culture. L’écotourisme, pour ne donner que cet exemple, saura séduire une clinetèle européenne à la recherche d’authenticité et de préservation de la nature. Le Togo est dans une position idéale pour proposer une offre touristique conséquente. - III -
Des enjeux majeurs pour le pays La promotion de la destination Togo a été renforcée auprès des principaux décideurs du tourisme mondial. Certes, il s’agit d’un travail de longue haleine et l’expérience d’autres pays en matière de développement montre que la réussite repose sur la mobilisation de l’ensemble des acteurs (hôtellerie, restauration, transport, agences de voyages, etc.) et leur capacité à offrir des prestations de qualité. Le Togo a beaucoup à gagner au développement du tourisme : création d’emplois, développement de l’activité dans le monde rural, gains en devises, etc. Le pays est en mesure de répondre aux attentes des touristes et d’œuvrer pour le développement d’un tourisme diversifié, respectueux de l’environnement, de la qualité de la vie et des cultures.
PUBLI-INFORMATION
Tourisme Lomé : une ville à plusieurs visages
La capitale du Togo par tage avec quelques autres capitales africaines la particularité d’être à la fois un centre de commerce et de communication, et une invitation à se laisser aller à la douceur de vivre, dans ses quartiers paisibles aux ruelles sablonneuses, et surtout sur son interminable plage.
Bord de mer, lacs, rivières, montagnes, forêts, cascades, parcs nationaux… On redécouvre les grandes richesses naturelles du Togo. Agbodrafo : le passé et le présent Pa i s i b l e s t a t i o n b a l n é a i re e t lagunaire appréciée pour les loisirs qu’elle propose, ou centre mémoriel du pays et de la côte des esclaves ? Agbodrafo, baptisée Porto Seguro par les Portugais, à 30 km à l’est de Lomé, présente effectivement deux visages. Atakpamé : « la ville aux sept
collines » Si le noyau initial d’Atakpamé était blotti dans une cuvette, la cité s’est ensuite développée sur les hauteurs voisines, à tel point qu’elle fut surnommée « la ville aux sept collines ». Chef-lieu de la préfecture de l’Ogou et de la région des Plateaux, Atakpamé occupe aujourd’hui encore une position stratégique sur la RN1, au carrefour entre le Nord et le Sud du pays.
Une attractivité renforcée
Koutammakou : le pays de « ceux
qui façonnent la terre » Avec ses étonnantes cases for tifiées en terre modelée à la main, ses paysages rocheux à la végétation clairsemée, s o n i s o l e m e n t à l a f ro n t i è re avec le Bénin et ses traditions préser vées, le K outammak ou est un « paysage culturel » unique, qui figure sur la liste du Patr imoine mondial de l ’ U n e s c o . C ’e s t l e p a y s d e s Batammaribas (ou Tambermas),dont le nom signifie « ceux qui façonnent la terre ».
Le code des investissements, adopté en 2012, permet des exonérations de droits de douanes, de taxes et d’impôts indirects sur les importations. Les exonérations concernent également l’impôt sur les sociétés, la taxe professionnelle et la taxe foncière.
JAMG © J.TORREGANO SAUF MENTION
La nouvelle loi sur la zone franche offre aux entreprises une exonération de tous les droits et taxes de douanes portant sur le matériel nécessaire au fonctionnement de leurs installations. Ces exonérations concernent également l’exportation des produits fabriqués. Le nouveau code des douanes, voté par le parlement en juin 2018, revisite un texte qui datait de 1968. Il cadre désormais davantage avec les directives de l’Organisation mondiale des douanes et améliore le climat des affaires. - IV -
PUBLI-INFORMATION
URITANIE A M Sidi Mohamed Ould Boubacar
Mohamed Ould Maouloud
ne fois de plus, l’heure est à la désunion. Le 12 mars, à l’issue d’une réunion de la dernière chance, l’opposition mauritanienne n’a pas réussi à s’entendre sur le nom d’un candidat unique à opposer à Mohamed Ould Ghazouani, le dauphin de Mohamed Ould Abdelaziz, qui souhaite remporter l’élection présidentielle de juin dès le premier tour. A l o r s q u’A h m e d O u l d D a d d a h , l e c h e f d u Rassemblement des forces démocratiques (RFD), a dû renoncer à son ambition de toujours, ayant dépassé la limite d’âge (qui est de 75 ans), le militant antiesclavagiste Biram Dah Abeid (IRA-Sawab) s’est, lui, déjà déclaré. Surtout, au sein de l’Alliance électorale de l’opposition démocratique, deux hommes s’affrontent pour rallier un maximum de formations : Sidi Mohamed Ould Boubacar et Mohamed Ould Maouloud. En sortant subitement de sa discrète retraite il y a quelques semaines, Sidi Mohamed Ould Boubacar a pris tout le monde de court. Fin 2016, alors qu’il était ambassadeur aux Nations unies, il avait souhaité prolonger sa mission, ce qu’« Aziz » avait catégoriquement refusé. « Il en a gardé une certaine rancœur », glisse un proche du chef de l’État. Sous le régime autoritaire de Maaouiya Ould Taya, ce diplomate a été tour à tour directeur du Trésor, ministre des Finances, Premier ministre, et même secrétaire général du PRDS, le parti au pouvoir. Certes, il a ensuite rebondi : Ely Ould Mohamed Vall l’a nommé Premier ministre, et Sidi Ould Cheikh Abdallahi, ambassadeur en Espagne. Certes, il inspire toujours un certain respect. Mais son nom n’en reste pas moins étroitement associé à l’ère Taya, ce que ne manquent pas de rappeler les proches de son rival, Mohamed Ould Maouloud…
U
Ould Boubacar bénéficie aujourd’hui de deux atouts de taille. D’abord, du soutien de la principale force d’opposition, le parti Tawassoul (d’obédience islamiste).Ensuite,deceluiduricheetinfluenthommed’affaires MohamedOuldBouamatou,dontilestunamidelonguedate et qui est l’un des mécènes de certains des adversaires d’Aziz. En conflit ouvert avec le président, Bouamatou a encouragé Ould Boubacar à se présenter, à défaut de pouvoir le faire luimême, puisqu’il est sous le coup d’un mandat d’arrêt international émis par la justice mauritanienne.
Ancien militant maoïste
DR ; UN PHOTO/PAULO FILGUEIRAS
JUSTINE SPIEGEL
Mohamed Ould Maouloud, le patron de l’Union des forces de progrès (UFP), a, lui, toujours nié avoir été financé par Bouamatou. Ce militant de la première heure cofonda, en 1973, le Parti des Kahidines de Mauritanie (PKM, composé d’étudiants maoïstes). Bien qu’il n’ait recueilli que 4,08 % des voix à la présidentielle de 2007, il mise aujourd’hui sur l’absence d’Ahmed Ould Daddah – dont il dit avoir le soutien – pour incarner le changement. Ses détracteurs lui reprochent d’avoir, lors des dernières tentatives de dialogue avec Aziz, dirigé la délégation de l’opposition alors que l’UFP appelait simultanément au boycott des élections. Une chose est sûre: la stratégie politique a pris le pas sur les calculs électoraux régionaux, aucun des deux rivaux n’étant en mesure de concurrencer Ghazouani dans l’Est, où la tribu Ideiboussat, dont il est issu, est l’une des plus influentes. Ould Maouloud appartient à celle des Idawali, présente dans tout le pays et politiquement influente. Quant à Ould Boubacar, il est un membre des Oulad Ahmed, une tribu maraboutique sans poids particulier mais très implantée dans le Brakna, proche du Tagant, première région « frontalière » avec le grand Est.
Lequel de ces opposants engrangera le plus de soutiens en vue de la présidentielle ?
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PROJECTEURS
ESPRITS LIBRES Deux auteurs africains qui l’ont côtoyé rendent hommage à l’écrivain ivoirien, décédé le 9 mars 2019 à l’âge de 103 ans.
Bernard B. Dadié, un immense homme de lettres…
Henri Lopes Écrivain et ancien diplomate congolais
es temps changent. Et les adages aussi. Un homme d’âge vénérable est mort ; il n’y a pas eu d’incendie d’archives, contrairement à la formule, certes juste en son temps, d’Amadou Hampâté Bâ. Celui qui nous a quittés avait 103 ans. Un âge canonique, bien au-delà de l’espérance de vie sur le continent. L’homme nous laisse en héritage des volumes, des volumes, des volumes, « jusqu’à on dit pas ». Palpables, tangibles, à feuilleter inlassablement. À lire, surtout. Des chroniques, des recueils de poésies, des romans, des pièces de théâtre. De quoi faire pâlir d’envie nombre de jeunes loups aux dents longues. Il mérite bien le titre de père des lettres ivoiriennes, unanimement décerné. En ce temps-là, dans les bibliothèques et les librairies, le rayon et les présentoirs de livres d’auteurs africains étaient étiques. Le titre de l’une de ses premières publications, Un nègre à Paris, ravissait les jeunes nègres du Quartier latin. Un récit d’une autre facture que la découverte du métro par Samba Diouf, héros des frères Tharaud, romanciers français à succès au début du XXe siècle. Surtout, cette fois-ci, l’auteur était l’un des nôtres.
L
Modestie désarmante
Depuis lors, l’eau a coulé entre les rives du fleuve Congo, et celles, apparemment immobiles, de la lagune Ébrié, se sont renouvelées. Non, « on ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve ». Les écoliers africains ne chantonnent plus, sur l’air de la table de multiplication, que « nos
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ancêtres étaient les Gaulois » et que « nous avions des yeux bleus et des cheveux blonds ». Ils récitent d’une voix ferme : « Je vous remercie mon Dieu, de m’avoir créé Noir ». C’est si banal qu’ils en oublient le nom de l’auteur du poème, Bernard B. Dadié. C’est en 1969, au Festival panafricain d’Alger, que je l’ai finalement rencontré. Sa pièce, Monsieur Thôgo-Gnini, m’avait transporté. Le public se pressait pour la voir. Son auteur me fut présenté par un ami, depuis lors disparu, Albert Botbol, qui en avait assuré la mise en scène. Bernard était mon aîné, il avait déjà offert à l’Afrique plusieurs publications, je n’avais rien écrit, et l’homme était d’une modestie désarmante. Intimidante. Nous l’avons invité avec sa troupe au Congo. Le public éclatait de joie, tapait des mains, trépignait de bonheur, comme si la pièce avait été écrite chez nous, pour nous. Le meilleur des critères pour dire que l’œuvre avait fait mouche, non? Par la suite, nous nous sommes revus à plusieurs reprises. Surtout dans les enceintes de l’Unesco. Il était ministre, je n’étais qu’un fonctionnaire international, et toujours entre nous cette différence d’âge qui, entre Africains, contraint le benjamin à courber la tête, à baisser le ton. Et pourtant, il me tapait sur l’épaule, insistait pour que j’oublie son titre, pour que je l’appelle Bernard. Il y a quatre ans, je me trouvais à Abidjan. Alors que je m’entretenais
avec des lycéens, je le vis se faufiler discrètement dans la salle et venir m’embrasser à la fin de ma prestation. Il avait 99 ans ! Le bougre avait fait à pied le chemin pour venir jusqu’à moi.
Incontrôlable émotion
Le dimanche suivant, il m’a reçu à déjeuner chez lui, à Cocody. Le quartier huppé d’Abidjan. La maison était certes en dur. Mais, à l’intérieur, aucun faste. Des livres, des photos en noir et blanc virant au sépia. Sans doute n’avait-il plus les moyens d’entretenir ces murs défraîchis érigés par lui-même. Avec ses économies de petit fonctionnaire. En Afrique, les écrivains sont des gagne-petit. De plus en plus, ailleurs aussi. Il était entouré de sa nombreuse famille et de quelques amis. Nous avons discuté, et il animait le débat avec la passion du jeune homme qu’il ne cessait d’être. Après le poulet yassa et les alokos, j’ai vu qu’il piquait du nez, que son menton retombait sur sa poitrine. Il fallait laisser le vieux aller faire sa sieste. Il y a quelques jours, on m’a annoncé qu’il ne s’était pas réveillé. Tristesse bien sûr. Mais surtout incontrôlable émotion. À ne savoir quoi dire, sinon pour formuler ce cliché, cette platitude, cette bêtise : « Salut, l’artiste ! » Oui, l’artiste. Car un écrivain n’est ni un journaliste, ni un chroniqueur, ni un bonimenteur, mais véritablement un artiste. Un créateur. Bernard l’était. Pour sûr.
Il nous laisse en héritage des volumes à feuilleter inlassablement.
... et de conviction
Tanella Boni Philosophe, écrivaine et critique littéraire
l aurait voulu être enseignant. Il devint « commis d’administration », comme il le rappelle dans son discours de réception du prix Unesco-Unam Jaime Torres Bodet, en 2016, l’année de son centenaire. Célébré en Côte d’Ivoire par l’Ascad (Académie des sciences, des arts, des cultures d’Afrique et de ses diasporas), dont il était membre, l’écrivain unanimement salué dans le monde était aussi un homme politique. Il a posé la plume le 9 mars 2019. À Abidjan, une rue et un prix littéraire portent son nom. Il lègue à la postérité une œuvre immense que l’écrivain Amadou Koné, professeur à Georgetown University, reconnaît en ces termes : « Dans l’histoire littéraire que nous, Africains, construisons, nous avons le droit et le devoir d’ajouter sans aucun complexe les noms de nos auteurs qui incontestablement ont atteint à l’universalité. Et parmi eux, parmi les plus grands, se place Bernard Binlin Dadié », écrit-il dans la préface d’Hommage à Bernard B. Dadié, père-fondateur de la littérature ivoirienne d’expression française (2019), un ouvrage réalisé sous la direction de Viviane Uetto et de Marc Adoux Papé.
I
Pouvoir et justice
L’écrivain et homme politique avait une haute idée de la littérature et de l’écriture. La littérature, disait-il, est « sous-tendue par le désir de connaissance et de vérité… Et donc, par essence, et dans le vrai sens du terme “révolutionnaire”. Redoutable pour toutes les formes de falsification. »
Homme de conviction, Bernard B. Dadié écrit un monde « vrai », la vie vécue, la vie pensée, rêvée ou imaginée. Ainsi s’engage-t-il en écriture. Les valeurs qui lui paraissent fondamentales sont mises en exergue : la liberté, la dignité, le travail… Dans une langue lisible et audible, où l’on entend sa voix, Dadié parle de pouvoir et de justice, là où on s’y attend le moins : « Un homme voulait être roi. Le matin et le soir, le jour et la nuit, il ne pensait qu’à cela, être roi […]. Cette ambition lui avait donné tant d’audace, qu’il dit tout simplement à Dieu : – Gnamian, fais-moi roi… », écrit-il dans Le Pagne noir. Écrire c’est du travail, c’est du souffle, c’est la volonté de dire et de transmettre. Avec le risque de ne pas plaire à tous. Comme s’il y avait un devoir d’écrire pour garder la mémoire du temps, pour défendre les plus faibles. Qui, aujourd’hui, a envie de prendre ce risque ? L’engagement littéraire et politique de Dadié parlet-il encore à ses héritiers en écriture, s’ils existent, dans cette jungle impitoyable du terrain d’écriture mondialisé ? Car la proximité de l’écriture et de l’action politique peut porter à controverse, comme ce fut le cas quand l’homme de conviction, ces dernières années, accorda son soutien manifeste aux Jeunes Patriotes de Côte d’Ivoire.
Hier, nous avons, celles et ceux de ma génération, récité des poèmes de Bernard B. Dadié, en particulier celui dont le premier vers est : « Je vous remercie mon Dieu, de m’avoir créé Noir ». À l’école primaire et au collège, il n’était pas sûr que nous comprenions la portée de ces textes. Mais nous nous appliquions à les réciter. C’était un heureux devoir. Puis vint la lecture du roman culte Climbié. Et, déjà, au collège, son théâtre avait fait irruption dans nos vies, avec, entre autres, la voix inimitable de Bienvenue Neba.
« Écrire ne cessera d’être pour moi désir d’abattre les faux masques, désir d’écarter les ténèbres… »
Écho
Plus tard je sus, en situation, qui était l’écrivain, le redoutable conteur et le politique. Je n’avais pas de mot adéquat pour nommer « le père de la littérature ivoirienne », alors je l’appelais « Doyen ». Dans les années 1990 et après, j’allais prendre de ses nouvelles à son domicile. Et j’apprenais des détails de l’histoire de la Côte d’Ivoire. Humble, il l’était, aux réunions d’écrivains, parmi des jeunes de l’âge de ses enfants ou petits-enfants. En 2016, il disait encore : « Écrire ne cessera d’être pour moi désir d’abattre les faux masques, désir d’écarter les ténèbres, désir de montée, de lumière, de fraternité… » Pourvu que ces mots trouvent un écho chez les écrivains africains du XXIe siècle.
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AFRIQUE SUBSAHARIENNE
30 Cameroun L’homme qui voulait être président
Propos incendiaires, appel à empêcher la tenue de la présidentielle du 24 février, mystérieux aller-retour à Conakry et mutisme absolu depuis. La stratégie politique de « Gorgui » est devenue illisible. Même pour les siens. MEHDI BA, envoyé spécial à Dakar, et BENJAMIN ROGER
D
ans sa bouche, ils avaient espéré un autre discours. Ce jeudi 7 février, plusieurs leaders politiques se sont rendus à l’aéroport pour accueillir celui qui, malgré ses 92 ans, se pose toujours en mentor de l’opposition sénégalaise. Rentré à Dakar quinze mois après son dernier séjour dans la capitale, et dix-sept jours avant la présidentielle, Abdoulaye Wade est venu délivrer son message aux militants du Parti démocratique sénégalais (PDS). À la nuit tombée, devant le siège du mouvement, après une lente procession dans les banlieues de la ville, debout dans un 4×4 au toit ouvrant, « Gorgui » (« le Vieux ») se lance dans l’une de ces diatribes qu’il affectionne. La voix est parfois chevrotante, mais le propos est tranchant. « Vos cartes d’électeur, c’est de la fraude ! Il faut les brûler et éviter de les utiliser. Brûlez celles de vos familles! » lance l’ancien président à la foule de sympathisants qui s’est pressée devant la permanence Lamine Badji. « Si vous voulez qu’on reconstruise le Sénégal, respectez mes consignes », ajoute-t-il, convaincu que son mot d’ordre, tel le ndiguel d’un chef religieux, fera basculer une élection qu’il estime frauduleusement « verrouillée » par Macky Sall.
SÉNÉGAL
À quoi joue
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Abdoulaye
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34 Côte d’Ivoire Soumahoro fidèle au poste
36 Questions à… Hanana Ould Sidi
38 Tribune On n’est jamais aussi bien soigné que par soi-même
Wade?
SYLVAIN CHERKAOUI POUR JA
À Dakar, le 13 février.
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Afrique subsaharienne SÉNÉGAL
Au lendemain de l’allocution, les ténors de l’opposition font bonne figure. Pourtant, de Malick Gakou à Mamadou Diop Decroix, de Pape Diop à Bougane Guèye Dany, ils ne sont pas sur la même longueur d’onde que le patriarche. Depuis l’ouverture de la campagne, quatre jours plus tôt, ils ont même fait le choix inverse : rallier l’un des deux candidats de l’opposition qui semblent les mieux placés pour contraindre le président sortant à un second tour – Idrissa Seck et Ousmane Sonko – et appeler les Sénégalais à voter en masse. Depuis qu’Abdoulaye Wade est rentré de son long séjour à Doha, où réside depuis près de trois ans son fils Karim, plusieurs chefs de parti se sont succédé dans le pavillon versaillais de l’ex-chef de l’État et de son épouse, Viviane. Il a tenté de les rallier à sa stratégie du boycott, considérant que l’invalidation des candidatures de son fils, candidat officiel du PDS, et du maire déchu de Dakar, Khalifa Sall, devraient conduire à l’annulation du scrutin. À l’inverse, ses hôtes ont plaidé pour que le secrétaire général national du PDS donne une consigne de vote claire en faveur de l’un des challengers de Macky Sall. La plupart d’entre eux ont alors déjà choisi de soutenir l’expérimenté Idrissa Seck, tandis qu’une poignée croit en les chances d’Ousmane Sonko, quadragénaire antisystème devenu la coqueluche de l’opinion.
Karim, sinon rien !
Rien n’y fait. Cramponné au leitmotiv ressassé depuis des mois par les cadres du PDS, Abdoulaye Wade reste inflexible : « Si l’élection présidentielle doit se tenir sans Karim, elle ne se tiendra pas ! » Au sein du parti libéral, de nombreux cadres et militants sont sous le choc. Car, depuis plus de quatre ans, la direction les met en garde : rien ne saurait être pire pour le pays qu’une réélection de Macky Sall. Et voilà qu’Abdoulaye Wade leur ordonne de rester chez eux le 24 février, ce qui conduirait à un scénario prévisible : en l’absence des voix du PDS, principal parti d’opposition, le président sortant sera réélu dans un fauteuil. « Le mot d’ordre en faveur de l’abstention a été détaillé dans une vidéo tournée dans le salon de la famille, qu’Abdoulaye Wade a rendue publique le 5 février, juste avant son retour à Dakar, et que j’ai moi-même découverte lorsqu’elle a été diffusée par e-mail, explique le porte-parole du PDS, Babacar Gaye. Elle a été réalisée à notre insu. Seuls quelques proches ont été associés, mais pas les instances du parti. » À peine arrivé au Sénégal, Abdoulaye Wade se lance donc dans une énième campagne, bien que son parti ne compte aucun candidat en lice – une première. Dès le 8 février, il va faire allégeance au khalife des Mourides à Touba puis à celui des Tidjanes à Tivaouane. À l’hôtel Terrou-Bi, où il a pris ses quartiers, il met en scène dès le lendemain une rencontre ultra-médiatisée avec le jeune Ousmane Sonko, même si leur tête-à-tête se déroule à huis clos. En revanche, sa visite à Khalifa Sall, socialiste dissident incarcéré depuis mars 2017 à la prison de Rebeuss, n’aura jamais lieu, bien qu’elle ait été annoncée par son entourage avant même son arrivée. Samedi 16 février, la campagne électorale connaît un tournant. À l’improviste, accompagné par quelques proches, Abdoulaye Wade embarque pour Conakry à bord d’un jet privé affrété par le président Alpha Condé. Un séjour de quarante-huit heures dont Macky Sall a été prévenu via SMS par le président guinéen et qui déchaîne l’imagination des journalistes et des observateurs politiques sénégalais. Une semaine avant la présidentielle, que peut bien aller faire « Gorgui » dans ce pays voisin ? Logé à l’hôtel, ce dernier prendra déjeuners et dîners avec Alpha Condé au palais de Sékoutoureya. À Dakar comme à Conakry, les hypothèses fleurissent. Le chef de l’État guinéen, insinuent les uns, aurait été chargé d’une mission de bons offices pour ramener Abdoulaye Wade à une approche plus mesurée. Plus audacieux, d’autres soutiennent qu’il tenterait de jouer les intermédiaires entre Wade et son successeur. Les grandes lignes de ce deal supposé ? Le patriarche calme le
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ILS ONT QUITTÉ LE NAVIRE Dernier de la présidentielle avec 1,48 % des voix, Madické Niang, qui avait décidé de se présenter pour proposer une alternative à la candidature impossible de Karim Wade, a annoncé le 9 mars qu’il démissionnait du PDS, puis, le 14 mars, qu’il rendait son tablier de député. Avant lui, nombre d’anciens barons du parti ont quitté ses rangs, déçus par la volonté d’Abdoulaye Wade d’imposer son fils comme son seul et unique successeur. La liste est longue comme un jour sans pain: Idrissa Seck puis Macky Sall dans les années 2000; Pape Diop, Mamadou Seck et Abdoulaye Baldé, le maire de Ziguinchor, après la présidentielle de 2012; Modou Fada Diagne en 2016… « Pour Abdoulaye Wade, le seul qui pouvait lui succéder était Karim. Je suis parti pour cette raison, comme beaucoup d’autres », explique Abdoulaye Baldé. « Wade a sacrifié toute la nouvelle génération de cadres du PDS au profit de son fils. J’ai refusé de participer à ce suicide collectif », ajoute Modou Diagne Fada. Comme ces deux anciens ministres de « Gorgui », beaucoup de ses ex-lieutenants ont rejoint le camp présidentiel: Awa Ndiaye, Ousmane Ngom, Souleymane Ndéné Ndiaye, Serigne Mbacké Ndiaye, Aminata Tall… « De quoi constituer une équipe de foot, avec même des remplaçants! » ironise l’un d’entre eux. B.R.
CHRISTOPHE VAN DER PERRE/REUTERS
Avec le candidat Ousmane Sonko lors d’une rencontre très médiatisée à l’hôtel Terrou-Bi, le 9 février.
jeu et ne donne aucune consigne de vote, pour ne pas empêcher la réélection de son rival. En échange, celui-ci s’engage à amnistier Karim Wade au cours de son second mandat. Quant au président guinéen, il s’attire les bonnes grâces de son homologue sénégalais, avec lequel les relations sont médiocres, alors que certains lui prêtent l’ambition de briguer un troisième mandat en 2020. « Lui et Alpha Condé ont seulement évoqué la situation politique au Sénégal et la nécessité de préserver le calme lors de la présidentielle », dément El Hadj Amadou Sall, fidèle d’Abdoulaye Wade qui l’a accompagné à Conakry. « Jamais Macky Sall ne serait passé par Alpha Condé s’il avait choisi de négocier avec les Wade », confirme un habitué du palais de la République.
Cinglant camouflet
SYLVAIN CHERKAOUI POUR JA
« Plan B » autoproclamé du PDS à la présidentielle, Madické Niang (ici pendant sa campagne) a claqué la porte du parti le 9 mars.
Si le mystère reste entier, une chose est sûre : à son retour à Dakar, le 18 février, Abdoulaye Wade n’est plus le même homme. Après avoir convoqué la presse au Terrou-Bi en fin d’après-midi, il se dérobe finalement, laissant El Hadj Amadou Sall résumer la teneur de cette escapade inattendue. Depuis lors, il ne s’est plus exprimé, si ce n’est le 21 février, à travers un communiqué dans lequel il réaffirme sa défiance vis-à-vis de l’élection tout en modérant son discours. « J’ai fait la concession, à la suite de la demande pressante de chefs religieux et de chefs d’État voisins, d’opposer une résistance, somme toute ferme mais pacifique, à ce qui apparaît comme une élection truquée dès le départ », écrit-il. Pourquoi l’opposant va-t-en-guerre est-il ainsi devenu aphone ? Au Sénégal, les rumeurs repartent de plus belle. « Il n’y a eu aucun accord entre le président Macky Sall et Abdoulaye Wade », martèle El Hadj Hamidou Kassé, ministre-conseiller chargé de la Communication. « Aucun pacte n’a été conclu entre les deux hommes, les gens parlent trop », renchérit un autre collaborateur du président sénégalais. Une version confirmée dans l’entourage des Wade. « Karim ne négocie rien avec personne », commente l’un de ses intimes. Un proche de Macky Sall croit connaître l’explication du silence subit du nonagénaire : « La stratégie d’Abdoulaye Wade était fondée sur un pari. Il s’attendait à ce que l’ultime recours déposé par son fils devant la Cour de justice de la Cedeao désavoue l’État sénégalais. » Examiné en procédure d’urgence le 7 février, le jour même de son retour à Dakar, ce recours avait pour but de
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ILS RESTENT À BORD Si beaucoup de cadres du PDS ont quitté le navire jaune et bleu, certains sont demeurés fidèles à Abdoulaye Wade jusqu’à aujourd’hui. Les principaux sont Oumar Sarr (photo de g.), secrétaire général adjoint du parti et cheville ouvrière du patron lors de ses longues périodes d’absence à l’étranger, mais aussi l’avocat El Hadj Amadou Sall (à dr.), véritable homme de confiance, ou encore Mayoro Faye, chargé de communication qui veille à distiller les rares messages à la presse du patriarche ou de son fils. B.R.
Porte de sortie
Un membre du comité directeur assume avoir longtemps soutenu la ligne « Karim ou rien! ». « Mais lorsque la Cour suprême a rejeté son recours pour être inscrit sur les listes électorales, en août dernier, nous aurions dû avoir un débat interne et envisager une candidature de secours », ajoute-t-il. Fidèle parmi les fidèles de « Gorgui », l’avocat Madické Niang a tenté – sans succès – d’incarner ce plan B au sein du PDS. Une candidature qui lui a attiré les foudres du clan Wade, qui le considère depuis comme un traître (lire p. 26). Parmi ceux qui furent ses alliés dans l’opposition, l’heure est aujourd’hui aux doutes quant aux intentions d’Abdoulaye Wade. « Son silence n’a pas fait l’affaire des opposants, qui ont cherché en vain son soutien avant l’élection. À l’inverse, cela a plutôt arrangé Macky Sall », estime le journaliste Mamoudou Ibra Kane, patron du groupe de presse E-média Invest. « Abdoulaye Wade est capable de tout, analyse un soutien d’Idrissa Seck. Un deuxième mandat de Macky Sall était plus dans l’intérêt de Karim Wade, en prévision de 2024, que l’élection d’Ousmane Sonko ou d’Idrissa Seck, qui seraient potentiellement là pour dix ans. » Le 5 mars, pour sa première intervention publique depuis l’élection, Macky Sall a tendu la main à ses adversaires, désireux de ressusciter le « dialogue » qu’il avait tenté d’amorcer en 2016. « Mes prédécesseurs Abdou Diouf et Abdoulaye Wade pourront [y] apporter leur contribution », a-t-il précisé. « Gorgui » peut-il se permettre de décliner l’offre ? « Sa seule porte de sortie serait de jouer la carte de l’apaisement, sous le couvert de réformer le code électoral, estime un ancien du PDS. C’est d’ailleurs dans ce contexte qu’il avait intégré un gouvernement d’union nationale sous Abdou Diouf, en 1991. Et j’ai l’impression que ce scénario est en train de se rejouer. »
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DANS LA PERSPECTIVE DE 2024, UN SECOND MANDAT DE MACKY SALL NE FAIT-IL PAS DAVANTAGE L’AFFAIRE DE KARIM WADE QUE L’ÉLECTION D’OUSMANE SONKO OU D’IDRISSA SECK?
CLEMENT TARDIF POUR JA
faire reconnaître par la juridiction communautaire le droit de Karim Wade à être candidat. Le jour dit, les magistrats ont renvoyé l’affaire au 20 février. Mais malgré l’optimisme de ses avocats, Karim Wade sera finalement débouté. « Wade avait prévu, en cas de victoire judiciaire, que son fils revienne à Dakar à l’improviste. Son plan a échoué », ajoute notre source. Quatre jours plus tard, Abdoulaye Wade assistera donc, impuissant, au fiasco de sa stratégie. Le taux de participation au premier tour (66,23 %) atteint un niveau jamais connu depuis la présidentielle de 1983, véritable camouflet pour son appel à l’abstention. Macky Sall est réélu dès le premier tour avec 58,27 % des suffrages. Idrissa Seck – qu’il s’est refusé à soutenir, malgré leur complicité ancienne – arrive deuxième avec 20,5 %. Ousmane Sonko, à peine débarqué en politique, lui emboîte le pas (15,67 %). « Abdoulaye Wade est passé à côté de cette élection : ni le camp au pouvoir ni les opposants ne lui sont redevables en rien », analyse un éditorialiste. « À vouloir hisser son fils au sommet, coûte que coûte, Abdoulaye Wade a creusé sa propre tombe », estime un proche du chef de l’État. Dans l’entourage de Macky Sall, un autre collaborateur fait assaut d’ironie à propos de cette campagne qu’il juge calamiteuse : « Abdoulaye Wade ? Veni, vidi, Terrou-Bi… » Pour le camp au pouvoir, le constat est sans appel. « Abdoulaye Wade appartient au passé, assure un proche de Macky Sall. Nous sommes entrés dans une nouvelle ère, avec une nouvelle génération et de nouvelles idées. Il ne peut plus prétendre aux premiers rôles. » Depuis le 24 février, le silence est d’or dans les rangs du PDS. « Nous n’avons pas tenu de réunion ni reçu de consignes sur la manière d’exprimer notre position », admet Babacar Gaye, lui-même sur la sellette pour n’avoir pas suivi la consigne de boycott. En privé, un membre de la garde rapprochée des Wade persiste: « L’erreur de l’opposition a été d’aller au scrutin. Il aurait fallu que tout le monde boycotte, comme nous l’avons demandé. Macky Sall se serait ainsi retrouvé sans adversaire. »
A. MBAYE/PANAPRESS/MAXPPP
Afrique subsaharienne SÉNÉGAL
Afrique subsaharienne
CAMEROUN
L’homme qui voulait être président L’ancien ministre de la Défense Edgar Alain Mebe Ngo’o a été arrêté début mars. Quelles sont les vraies raisons de la disgrâce de celui qui apparaissait comme l’héritier présomptif de Paul Biya ? GEORGES DOUGUELI
ette fois-ci, il n’est pas rentré chez lui. Le 9 mars, le fol espoir auquel s’accrochait encore la famille d’Edgar Alain Mebe Ngo’o s’est évanoui alors que s’éloignait la navette le transportant vers la prison de Kondengui. Depuis plusieurs jours, l’ex-ministre était dans le viseur des enquêteurs de l’opération Épervier. Entendu au Tribunal criminel spécial (TCS), accusé de détournement de fonds publics et de corruption, il a donc fini par être incarcéré. Un dénouement prévisible pour ce feuilleton made in Cameroun mêlant tragédie familiale, thriller financier et réseaux françafricains. Jusqu’au bout, Mebe Ngo’o, à 62 ans, a espéré que Paul Biya sifflerait la fin de ses ennuis judiciaires. Ces derniers mois, il a adressé deux courriers au chef de l’État, dont il fut le directeur du cabinet civil (de 1997 à 2004), puis délégué général à la Sûreté nationale (2004-2009), ministre de la Défense (de 2009 à 2015) et des Transports (de 2015 à 2018). Étoudi ne lui a pas répondu, mais le 14 février, alors qu’il est auditionné pour la première fois, il veut encore y croire. Imperturbable, il se présente devant les enquêteurs en élégant costume croisé sombre, cravate à pois, Légion d’honneur épinglée sur la poitrine. Les magistrats l’interrogent notamment en raison de soupçons de détournement et de
C
surfacturations dans des contrats d’achat passés avec la société française d’équipement militaire MagForce, du temps où il était à la Défense. Après l’audition, alors qu’il repart dans sa berline l’air assuré, tout Yaoundé le croit tiré d’affaire. On sait aujourd’hui qu’il n’en était rien. Convoqué de nouveau le 5 mars, Mebe Ngo’o est cette fois interrogé en présence de ses coïnculpés. Car pour comprendre cette affaire qui a fait chuter l’un des plus puissants dignitaires du régime, qui s’est longtemps rêvé en successeur de Biya et dont la bonne fortune alimentait les ambitions, il faut s’intéresser à plusieurs autres de ses protagonistes. Il y a d’abord Robert F r a nch it t i , le p a t r on de M a g Forc e , 6 8 a n s aujourd’hui. Le Corse est une figure bien connue de la Françafrique. Il a ses entrées à Bamako aussi bien qu’à Yaoundé. Sa société a décroché plusieurs marchés en Afrique, et lui-même a toujours soigné ses intermédiaires. Il connaît bien Mebe Ngo’o et sa famille, ainsi qu’en témoigne la retranscription d’écoutes téléphoniques réalisées en 2014 par les policiers de l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF) et publiées par l’hebdomadaire français Le Point en 2017 : les deux hommes se tutoient et discutent aussi bien de la guerre contre Boko Haram que du couple Hollande-Gayet. Autre personnage : Ghislain Victor Mboutou Ellé, 50 ans. Ce lieutenant-colonel
L’EX-CHEF DE CABINET DU CHEF DE L’ÉTAT A LONGTEMPS ESPÉRÉ QUE CE DERNIER SIFFLERAIT LA FIN DE SES ENNUIS JUDICIAIRES. EN VAIN.
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En janvier 2017, dans son bureau du ministère des Transports.
de la Société nationale des hydrocarbures (SNH) ou par virement direct du Trésor camerounais. L’argent est parfois versé sur les comptes de sociétés offshore. La lucrative affaire se poursuit jusqu’en 2014, quand la justice française décapite le réseau en perquisitionnant les locaux de l’entreprise implantés à Aubervilliers, au nord de Paris, et en mettant en examen pour « corruption d’agents publics étrangers » plusieurs de ses dirigeants, dont Robert Franchitti. Pour Mboutou, les ennuis viendront plus tard. Le 6 avril 2016, alors que Mebe Ngo’o a déjà été muté aux Transports et qu’il s’est lui-même reconverti dans la diplomatie, devenant attaché militaire à l’ambassade du Cameroun à Rabat, il est arrêté à l’hôtel Majestic, à Paris, par des policiers de l’OCRGDF. Il faut dire que l’homme n’a jamais songé à se faire discret et que, comme son mentor, il a le goût des belles choses. Selon l’organisme Tracfin, il a dépensé 57621 euros chez Louis Vuitton entre 2013 et 2016. Les limiers français, qui le suivaient depuis des années lors de ses multiples voyages dans l’Hexagone, le soupçonnent de s’être fait remettre de l’argent par divers intermédiaires de MagForce. Ils ont pu établir qu’il avait reçu au moins 704 000 euros.
FERNAND KUISSU
Caisse noire
de l’armée camerounaise est l’homme clé de la galaxie Mebe Ngo’o. Son bureau était l’antichambre de celui du ministre de la Défense. Chef adjoint du secrétariat militaire, il a alors la haute main sur les marchés de l’armée. Principal interlocuteur de MagForce, il supervise chaque année la fourniture d’uniformes pour près de 10 millions d’euros. Le prestataire français fournit les équipements contre paiements effectués à partir des comptes hors budget
Durant sa garde à vue, le patron de MagForce reconnaîtra devant les policiers l’existence d’une « caisse noire » (les procès-verbaux cités par Le Point en attestent). Depuis que les banques françaises rechignent à ouvrir des comptes aux dignitaires africains non résidents, il n’est pas rare que certains d’entre eux aient recours à des « amis » chargés de gérer pour leur compte l’argent mal acquis. Lorsqu’il sera plus tard interrogé par les enquêteurs français, Ghislain Victor Mboutou Ellé prétendra d’abord que l’argent lui appartient, qu’il l’avait laissé en dépôt à Franchitti. Pour se sortir de ce mauvais pas, il tentera même, selon des informations obtenues par JA, de soudoyer les policiers. Mal lui en a pris ! Dans leur procès-verbal, ils mentionnent trois infractions: « abus de biens sociaux », « proposition ou fourniture d’avantage à un agent public d’un État étranger » et « blanchiment aggravé ».
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Afrique subsaharienne CAMEROUN
R
Son épouse, Bernadette Mebe Ngo’o, a été à son tour placée en détention le 11 mars.
Mais l’affaire n’ira pas plus loin. En tant qu’attaché militaire séjournant en France muni d’un ordre de mission, il est protégé par l’immunité diplomatique. Libre de ses mouvements, il regagne le Maroc. Pendant plusieurs mois, toutes les notes d’information adressées au président camerounais se perdront dans les couloirs du palais d’Étoudi… Jusqu’à ce qu’en novembre dernier Paul Biya ordonne son affectation à la base aérienne de Garoua, d’où il a été tiré pour le pénitencier de sinistre réputation. D’autres personnages de moindre importance gravitent autour de Mebe Ngo’o, comme Victor Menye, directeur général adjoint de SCB Cameroun, la filiale locale du groupe marocain Attijariwafa Bank, mais aussi Maxime Mbangue, ancien inspecteur du Trésor formé à l’École nationale d’administration et de magistrature (Enam) et ex-conseiller technique au ministère de la Défense qui se prévaut de compétences en matière de finances. Ce catholique, qui commence ses journées aux aurores par une messe, a quitté l’orbite Mebe Ngo’o après une brouille avec ses amis, mais cela n’a pas suffi à le mettre à l’abri de la justice. La confrontation organisée le 5 mars au TCS entre Mebe Ngo’o, Mboutou, Menye et Mbangue n’a livré aucun secret, mais tous dorment désormais en prison. La famille de Mebe Ngo’o elle-même D est dans la tourmente. Ce jour-là, alors qu’elle attendait sur le parking du tribunal de savoir quel sort allait être réservé à son époux, Bernadette Mebe Ngo’o, 57 ans, a reçu un appel du procureur
lui demandant de venir dans son bureau. Elle en ressortira décomposée : le parquet vient de lui signifier qu’elle-même est convoquée pour le lendemain matin. À 17 heures, la nouvelle tombe: le ministre est placé en garde à vue. L’épouse, elle, a fait un malaise lors de la perquisition de son entreprise de location de voitures. Hospitalisée plusieurs jours durant, elle rejoindra son conjoint à Kondengui le 10 mars, en fauteuil roulant.
Chute vertigineuse
Pour Mebe Ngo’o, la chute est vertigineuse. Voilà l’enfant gâté du régime devenu son mouton noir. Son étoile a pourtant brillé si tôt! Rien n’avait semblé pouvoir freiner son ascension depuis que le destin lui avait fait rencontrer Paul Biya, au début des années 1990. Ce jour-là, le jeune administrateur civil frais émoulu de l’Enam doit remplacer le gouverneur du septentrion, Fon Fossi Yakun Taw, cloué sur un lit d’hôpital, et accueillir le président, alors en tournée provinciale. Il se présente, prenant soin de rappeler qu’il est le fils de Ngo’o Mebe, un ancien député que Biya avait bien connu. Ce bref échange changera sa vie. Devenu préfet de la capitale, il se mêle du psychodrame déclenché par la brouille entre le président et son ami Titus Edzoa, rappelant au prolixe ex-secrétaire général de la présidence son devoir de réserve. « Lui au moins a le courage de me défendre », commente Biya, appréciant la loyauté de ce jeune loup originaire de Zoétélé, dans le sud du Cameroun. En 1997, il lui confie la direction du cabinet civil. Plus tard, il prendra la tête de la Police nationale.
D’UNE AFFAIRE L’AUTRE Présumé innocent, Edgar Alain Mebe Ngo’o peut encore espérer se sortir de ses tracas judiciaires. Sauf que l’affaire MagForce n’est pas la seule qui pèse sur son avenir. Jusqu’à ces dernières semaines, l’opinion publique camerounaise ignorait tout de l’affaire Defex, relative à l’achat d’équipements de surveillance maritime.
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Si elle en est désormais informée, elle le doit à la pugnacité du magistratinstructeur espagnol José de la Mata. Celui-ci est tombé sur des irrégularités en épluchant la comptabilité de la compagnie publique espagnole Defex, épinglée dans le scandale financier Mossack Fonseca. Le juge estime qu’il existe des indices sérieux et
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cohérents indiquant que Defex a obtenu des contrats en 2010 en l’échange du versement de près de 14,6 millions d’euros de commissions aux autorités camerounaises. Les enquêteurs espagnols, qui ont saisi leurs homologues, pointent l’ex-ministre de la Défense Mebe Ngo’o, le contre-amiral Pierre Njine Djonkam et plusieurs autres
officiers supérieurs de l’armée. À cela pourrait s’ajouter un autre dossier : l’affaire Nsola, du nom de ce contre-amiral attaché militaire à Pékin, révoqué après avoir dénoncé le ministre de la Défense pour des surfacturations dans les achats d’armes réalisés en Chine. G.D.
JEAN PIERRE KEPSEU/PANAPRESS/MAXPPP
En 2008, c’est Paris qui le remarque, à la suite du dénouement heureux de la prise en otage de dix marins du remorqueur français Bourbon Sagitta dans les eaux du delta du Niger. L’Élysée propose alors de le décorer de la Légion d’honneur. Mebe Ngo’o est ambitieux mais prudent. Il a donc soin de demander à Biya l’autorisation d’accepter la breloque. Puis, pour ne pas le brusquer, il insiste pour qu’elle lui soit remise non pas à l’Élysée, mais place Beauvau, chez Brice Hortefeux, avec lequel il soigne ses liens. Mebe Ngo’o a beau savoir ce qu’il peut en coûter d’afficher trop clairement ses ambitions, il ne peut s’empêcher d’y voir un signe. Cette Légion d’honneur, il la voit comme un adoubement de la France, et c’est en dauphin qu’il rentre à Yaoundé. Fasciné par le président Sarkozy, dont il est convaincu d’avoir indirectement reçu l’onction, il pousse le fétichisme jusqu’à louer un appartement lui ayant appartenu, sur l’île de la Jatte, à Neuilly-sur-Seine. Il le confiera d’ailleurs plus tard à l’un de ses interlocuteurs : si Sarkozy était parvenu à se faire réélire en 2012, alors lui serait déjà à Étoudi… Et de fait, parmi les prétendants à la succession, Mebe Ngo’o a quelque chose en plus. Charismatique et sûr de lui, portant beau le costume, il suscite l’admiration autant que la jalousie. N’a-t-il pas pendant longtemps bénéficié d’un accès direct au président, qui n’est pourtant pas réputé proche de ses ministres ? Et il n’est pas le seul à croire en ses chances : Yaoundé le courtise, une partie de la hiérarchie militaire aussi. Dans la capitale, le ministre peut compter sur le soutien de son collègue au gouvernement, Basile Atangana Kouna (aujourd’hui incarcéré), de Paul Atanga Nji, alors chargé de mission à la présidence (et devenu depuis ministre de l’Administration territoriale), et même du contre-amiral Joseph Fouda, l’aide de camp du chef de l’État. Mais toujours il veille à réaffirmer sa loyauté à l’égard de Paul Biya. « Je suis au service du président », nous avait-il répondu il y a quelques mois, alors que nous l’interrogions sur ses intentions. Finalement sorti du gouvernement en mars 2018, Mebe Ngo’o a désormais tout le loisir de mesurer l’ampleur du rejet que sa réussite et son assurance ont fini par susciter. « Enfin ! » se sont gargarisés
L’ARROSEUR ARROSÉ
Ironie de l’histoire, Edgar Alain Mebe Ngo’o fut l’une des chevilles ouvrières de l’opération anticorruption Épervier. En 2006, année de son lancement, il était en effet délégué général à la Sûreté nationale. Son arrestation intervient quelques semaines après le décès de Jean Foumane Akame, conseiller juridique du président et grand ordonnateur d’Épervier avec Ephraïm Inoni (photo). L’ancien Premier ministre a lui été victime, en 2012, du « monstre » qu’il a contribué à créer.
la plupart des quotidiens en apprenant que le TCS s’intéressait à lui. Tout y est passé : son peu d’estime pour les journalistes depuis que son service de sécurité a malmené un reporter du Jour ; son vaste domaine équipé de miradors ; son parc automobile bien garni ; ses costumes à plusieurs milliers d’euros livrés par Monsieur Pape, célèbre maître tailleur sénégalais installé à Paris ; ses cortèges d’une quinzaine de voitures qui ont fait jaser en 2009 lorsque, six mois durant, il a cumulé les fonctions de patron de la police et de l’armée. « C’est à ce moment-là que j’ai compris que le pouvoir lui avait fait perdre la tête », soupire un ex-collègue au gouvernement. Lui nous avait donné une explication plus prosaïque : « Je n’ai jamais demandé à avoir autant de voitures dans mon escorte. Les services spécialisés des différents corps que je commandais se sont imposés d’eux-mêmes. »
Sous le feu des critiques
Tancé pour ses manœuvres qui auraient coûté leur carrière à des congénères plus estimables que lui, il est aujourd’hui décrit à longueur d’articles comme un politicien dans le sens péjoratif du terme. Parmi ses détracteurs, Urbain Olanguéna Awono, ex-ministre de la Santé incarcéré depuis 2008. Dans son livre Mensonges d’État, publié en 2016, il accuse : « L’une des grandes inventions de ces petits machiavels des tropiques camerounaises aura été la création à l’orée de 2005 de ce qu’ils ont eux-mêmes baptisé le G11. […]. À cette époque, c’est un certain Alain Mebe Ngo’o qui était le chef du corps de la police, pendant que son grand frère Ze Meka Remy occupait la fonction stratégique de ministre de la Défense. Les écuries de ces deux hommes, originaires de l’arrondissement de Zoétéle, département du Dja-et-Lobo, région du Sud, et donc très proches des origines du chef de l’État, ont inventé et popularisé l’histoire du G11. » Qu’était ce fameux G11? Un groupe de jeunes cadres à qui l’on prêtait le dessein de préparer l’après-Biya. Le président camerounais a-t-il vu venir Mebe Ngo’o ? L’a-t-il enduit de miel pour mieux le livrer aux fourmis magnans? Une chose est sûre : le système que le ministre déchu a longtemps servi n’a pas hésité longtemps avant de l’emmurer à Kondengui. Comme bien d’autres avant lui.
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CÔTE D’IVOIRE
Soumahoro fidèle au poste Élu à la tête de l’Assemblée nationale, ce partisan indéfectible d’Alassane Ouattara est déjà à la manœuvre dans un contexte de forte polarisation politique.
VINCENT DUHEM, à Abidjan
madou Soumahoro n’a pas perdu de temps. Moins d’une semaine après son élection à la tête de l’Assemblée nationale, le 7 mars, sans s’embarrasser d’une véritable passation officielle, l’ex-ministre chargé des Affaires politiques prend possession des lieux. Et puisque le bureau de son prédécesseur, Guillaume Soro, doit encore être réaménagé à son goût, c’est dans la salle attenante qu’il reçoit JA, le 12 mars. Derrière lui, un portrait du chef de l’État. Sur la table, un dossier sur l’organisation des services de l’Assemblée. À l’extérieur, on patiente pour venir le féliciter. Cet homme politique de 65 ans connaît par cœur les couloirs – et les coulisses – de la chambre basse. Député de Séguéla, sa ville natale, il a dirigé le groupe parlementaire du Rassemblement des républicains (RDR) pendant trois ans. Ces dernières semaines, il était à la manœuvre pour convaincre d’autres élus de rejoindre le Rassemblement
A
L’ANTI-SORO Difficile de trouver des points communs entre Amadou Soumahoro et Guillaume Soro. « Soumahoro a toujours été hostile à Soro. Il fait partie de ceux qui ont contribué à la dégradation de ses relations avec Ouattara », affirme Zié Konaté, un élu proche de l’ex-président de l’Assemblée. Soutenu par une partie de l’entourage du chef de l’État, Soumahoro a même tenté de chiper le fauteuil de Soro au début de 2017, avant de retirer sa candidature sur instruction du président. « J’estimais à l’époque qu’il fallait qu’un militant actif du RDR dirige l’Assemblée. Or Soro n’en a jamais été un. Il a pris fait et cause pour Ouattara au moment de notre lutte, mais n’avait pas de carte du parti », explique Soumahoro.
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Le nouveau président du parlement veut rompre avec la ligne de son prédécesseur. Selon lui, « l’Assemblée doit apaiser le pays, travailler en harmonie avec les autres institutions et soutenir la politique du gouvernement. Ce n’était pas le cas ces derniers temps ». Il envisage d’ailleurs de lancer un audit de la gestion de Soro. Plusieurs sources le soupçonnent d’avoir confié à son directeur de protocole, Soul to Soul (Souleymane Kamaraté à l’état civil), une délégation de signatures sur au moins un compte de l’Assemblée. Soumahoro a demandé à ses services de dresser une liste de toutes les personnes émargeant à l’Assemblée afin de déceler d’éventuels emplois fictifs. V.D.
des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP). « Certains m’appellent le recruteur », s’amuse-t-il. Pour lui, cette élection est l’aboutissement d’une carrière effectuée dans le sillage d’Alassane Dramane Ouattara (ADO). Une revanche aussi : précédemment, il avait ambitionné de diriger le Conseil économique et social (CES) ou le Sénat. Comme certains cadres historiques du RDR, ce spécialiste du commerce international a d’abord milité au Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). Son père, Louncény Soumahoro, un notable très proche de Félix Houphouët-Boigny, fut un des membres fondateurs du Rassemblement démocratique africain (RDA) et du Syndicat agricole africain, ancêtres de l’ancien parti unique. Amadou Soumahoro entre au bureau politique du PDCI en 1990 et fait la connaissance de Djéni Kobina.
Caractère bien trempé
La même année, Alassane Ouattara est nommé Premier ministre. Sous-directeur du commerce extérieur, Soumahoro le côtoie parfois. « J’ai été séduit par sa façon de gérer l’État », explique-t-il. Alors quand Kobina et ADO décident de quitter le PDCI au soir des assises du parti, le 30 avril 1994, le jeune homme n’hésite pas une seconde. Il sera l’un des huit membres fondateurs du RDR, participant depuis Séguéla, dont
Sa candidature à la succession de Soro n’a donc pas fait l’unanimité. « Un certain nombre de députés ne voulaient pas de lui. Mais Ouattara estime qu’il est la personne idéale pour s’assurer que les objectifs seront atteints. Il est allé au combat pour lui. Ils ont une relation privilégiée. Et puis, Soumahoro avait déjà souhaité être candidat à la fin du premier mandat de Soro, en 2017 », explique un proche d’ADO. « En poussant la candidature de Soumahoro, le chef de l’État confirme qu’il se recroqueville sur son premier cercle », estime de son côté une source diplomatique occidentale.
SIA KAMBOU/AFP
Des projets de loi déterminants
Le nouveau titulaire du perchoir (au centre), lors de son élection, le 7 mars, à Abidjan.
« ADO ESTIME QU’IL EST LA PERSONNE IDÉALE POUR S’ASSURER QUE LES OBJECTIFS SERONT ATTEINTS. IL EST ALLÉ AU COMBAT POUR LUI », ASSURE UN PROCHE DU CHEF DE L’ÉTAT.
il sera maire de 1996 à 2013, à son implantation dans le nord du pays. Ministre du Commerce extérieur d’août 2002 à mars 2003, puis du Commerce jusqu’en décembre 2005, Soumahoro n’a pas toujours mérité son surnom de Tchoumba (« le sage », en malinké). Bagarreur au fort caractère, il s’est fait remarquer par ses sorties peu conciliantes dans la presse. Et il ne remportait pas tous les suffrages au sein du groupe parlementaire RDR ou des instances du parti, dont il fut le secrétaire général par intérim de 2011 à 2017. Pour beaucoup, il fut le symbole d’une direction coupée de sa base. « Sa gestion des fonds du groupe RDR a été très opaque. Il considérait que c’était son argent de poche », accuse Zié Konaté, un ancien député proche de Guillaume Soro. « Je ne me reconnais pas dans ces accusations, répond l’intéressé. Dieu merci, je n’ai jamais eu besoin d’argent. » Ses relations furent parfois houleuses avec les autres cadres du RDR, comme Hamed Bakayoko, Cissé Bacongo ou l’homme d’affaires Adama Bictogo. Dans les semaines précédant le congrès du parti de septembre 2017, ce dernier, pressenti pour devenir secrétaire général, était persuadé que Soumahoro était derrière la campagne de dénigrement le visant. Le choix s’est finalement porté sur la ministre de l’Éducation nationale, Kandia Camara.
En plaçant un de ses fidèles au perchoir, ADO s’assure d’un soutien sans faille dans un contexte particulièrement polarisé, alors qu’une importante reconfiguration de la scène politique est en cours. La victoire de Soumahoro fut confortable – 153 voix contre 3 à son adversaire du PDCI, Jérémie N’Gouan –, mais les conditions de son élection mouvementées. Protestant contre les modalités d’organisation du scrutin, 94 députés issus du PDCI, du Rassemblement pour la Côte d’Ivoire (RACI, proche de Soro) et du groupe Vox populi de Yasmina Ouegnin ont boycotté le vote. L’opposition, qui conteste toujours la validité de l’élection, a montré à cette occasion qu’elle pouvait parler d’une seule voix. Mais pourra-t-elle réellement mettre des bâtons dans les roues du RHDP? Avec 151 députés sur 252, celui-ci possède encore une belle majorité, suffisante pour faire voter plusieurs lois déterminantes en vue de la présidentielle de 2020. C’est le cas notamment du nouveau code électoral. Le chef de l’État et son entourage réfléchissent à la possibilité d’introduire à cette occasion une disposition conditionnant toute candidature à l’obtention d’un nombre minimum de parrainages d’élus ou d’électeurs. L’Assemblée sera également mise à contribution si ADO décide d’introduire une modification constitutionnelle visant à rétablir une limite d’âge – qui était de 75 ans avant 2016 – pour toute candidature à la présidentielle. Évoquée en juillet, cette possibilité a été dans un premier temps écartée mais pourrait faire son retour. Il faudra alors que le pouvoir parvienne à convaincre une majorité des deux tiers des députés et des sénateurs réunis en congrès.
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Afrique subsaharienne
SAHEL
Hanana Ould Sidi
Commandant de la Force conjointe du G5 Sahel
« Nous devons gagner la confiance des civils » système de renseignement efficace et un lien de confiance avec les populations.
Propos recueillis par ALAIN FAUJAS
Q
EMMANUEL DAOU BAKARY POUR JA
uand, en septembre 2018, le général mauritanien Jeune Afrique: Pourquoi l’état-major Hanana Ould Sidi en a de la Force G5 Sahel a-t-il quitté pris le commandement, il Sévaré pour Bamako après l’attentat a trouvé une Force conjointe du G5 du 29 juin 2018? Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Hanana Ould Sidi: Quand la Niger, Tchad) mal en point. Son décision d’installer le quartier général quartier général, installé dans la ville à Sévaré a été prise, on n’a pas tenu malienne de Sévaré, avait été détruit compte de la nature d’une telle en juin dans un attentat. Les structure et des conditions de sécurité 423 millions d’euros promis par inhérentes à l’installation d’un poste l’Union européenne, l’Arabie saoudite, de commandement interarmées de les Émirats, les États-Unis et la France théâtre. Sa position isolée au milieu tardaient à arriver. Le nouveau patron a donc commencé par À Bamako, rendre ses unités opérationle 6 mars. nelles et par persuader les bailleurs de débloquer les fonds au plus vite. Depuis 2013, Hanana Ould Sidi était l’adjoint du général Ghazouani, alors chef d’étatmajor mauritanien et désormais candidat à la présidentielle, avec lequel il a été formé à l’Académie royale de Meknès. Aujourd’hui, il semble vouloir appliquer au G5 Sahel la stratégie qui a permis à son pays d’éradiquer le terrorisme sur son sol – la Mauritanie n’a plus subi d’attaques depuis 2011. Une méthode qui repose sur une chaîne de commandement courte, une discipline forte, une présence militaire permanente dans les zones sensibles, un
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du théâtre d’opérations, sans infrastructures de protection appropriées, loin des bases opérationnelles de ses échelons tactiques, était tout simplement contraire à la vocation d’un poste de commandement qui regroupe les compétences nécessaires à la réflexion, la planification, la coordination et la conduite des opérations. À cet égard, Bamako nous apparaissait comme l’option la plus pertinente. Nous avons mené trois opérations en janvier et février: Sanparga dans la zone des « trois frontières » (Burkina Faso-Mali-Niger), Taama à la frontière entre le Mali et la Mauritanie, et Kinassar à la frontière entre le Niger et le Tchad. Existe-il encore des insuffisances dans votre dispositif? Naturellement, il y en a encore, essentiellement liées à la lenteur de la mise en place des équipements et aux difficultés rencontrées sur le plan du soutien logistique des bataillons. De plus, la coopération en matière de renseignement entre la Force conjointe et les forces présentes sur le théâtre des opérations gagnerait à être renforcée. Comment éviter les exactions à l’encontre de civils, accusés par certains militaires de soutenir les terroristes? Le respect des droits de l’homme est l’un des principaux axes de ma vision. Nos instructions en la matière sont très fermes, et leur violation sera sanctionnée. L’impunité est terminée! Nous avons dispensé à nos cadres une formation sur le respect de ces droits et la mise en œuvre d’un cadre de conformité. Les suspects arrêtés sont d’abord pris en charge par les éléments de police militaire présents dans les bataillons et qui sont chargés de la judiciarisation des actions de la Force,
puis remis aux autorités judiciaires compétentes des pays. Nous suivons de près ces opérations. Au cours de l’une d’entre elles, dans la région des « trois frontières », l’état-major s’est assuré qu’un suspect avait été remis sain et sauf à la gendarmerie. Les civils constituent le véritable enjeu de notre affrontement avec les terroristes. Restons modestes sur notre efficacité immédiate: nos adversaires nous fuient, mais ils se dissimulent parmi les habitants. Nous ne pouvons pas savoir si ce gardien de troupeau ou ce paysan avec sa daba ne sont pas des combattants qui reprendront les armes dès que nous les aurons perdus de vue. Nos bataillons doivent donc assurer une présence permanente sur le terrain, mais aussi apporter protection et assistance aux civils afin de gagner leur confiance.
Le G5 Sahel a une composante militaire, la Force conjointe, et une composante économique consacrée au développement, qui a été dotée en décembre, à Nouakchott, d’un budget de 1,3 milliard d’euros. Avancent-elles de concert? La composante militaire est en avance sur la composante développement, qui suppose, entre autres, la restauration de l’autorité de l’État, le rétablissement des services publics de base (construction d’écoles, de dispensaires) et la création d’emplois dans les zones déshéritées. À Nouakchott, 40 projets d’investissement prioritaire ont été identifiés et devront être exécutés entre 2019 et 2021. Ils constitueront un véritable test pour savoir si l’on peut enfin arracher les racines du terrorisme, car la Force seule n’y suffira pas.
RECADRAGE AU SOMMET C’est le 1er juillet 2018, à Nouakchott, que s’est décidée la nomination à la tête de la Force conjointe du G5 Sahel du général Hanana et de son adjoint tchadien, le général Oumar Bikimo. Réunis dans le cadre du sommet des chefs d’État de l’Union africaine, le Mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz et le Tchadien Idriss Déby Itno, rejoints par le Français Emmanuel Macron, ont tapé du poing sur la table après l’attentat qui a détruit, le 29 juin, le QG de la Force à Sévaré, au Mali. Leur homologue Ibrahim Boubacar Keïta, qui avait imposé le choix de cette ville comme base et celui du général Didier Dacko comme commandant de la Force, a dû plier face à ses pairs. La première décision du général Hanana a été de déplacer le QG à Bamako, où se trouvent ses interlocuteurs, les bailleurs de fonds et des moyens de communication. A.F.
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TRIBUNE
On n’est jamais aussi bien soigné que par soi-même D’
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ELAINE THOMPSON/AP/SIPA
VINCENT FOURNIER/JA
ici à la fin du XXIe siècle, presque autant d’enfants naîtront nombre de personnes décédées du VIH en Afrique a été réduit en Afrique que dans tous les autres continents réunis. de moitié. Le Sénégal est en voie d’éliminer le paludisme dans L’Afrique abritera un habitant de la planète sur trois, et cinq certaines régions, et l’Éthiopie a réussi à réduire de moitié la des dix plus grandes villes du monde – la plus grande, Lagos, mortalité infantile et maternelle en formant des dizaines de aura une population onze fois supérieure à celle de Londres. milliers d’agents de santé. À quoi ressembleront ces métropoles ? Les gens y vivront-ils Mais l’avenir du continent dépend d’investissements encore en bonne santé et dans la prospérité ? Auront-ils accès à une plus importants dans ce domaine. Malgré les progrès réaliéducation de qualité et à de bons emplois ? Il existe beaucoup sés, l’Afrique dans son ensemble reste à la traîne par rapport d’incertitudes, mais nous avons le pouvoir de au reste du globe. Elle représente 16 % de la façonner l’avenir que nous voulons. Pour cela, population mondiale, mais 24 % du taux de il nous faut dès aujourd’hui jeter les bases d’un morbidité et 50 % de la mortalité infantile. investissement judicieux, notamment dans le Ces chiffres sont alarmants et disproporsecteur de la santé. tionnés. Un dollar dépensé pour des soins de Le lien entre santé et croissance économique santé peut pourtant générer de la croissance est avéré. Quand les gens ne sont pas malades, économique. A contrario, la maladie coûte au lit ou à l’hôpital, ils peuvent aller au travail cher. Le paludisme, par exemple, ralentit la ou à l’école. Chaque vaccin injecté dans le bras croissance du PIB de l’Afrique de 1,3 % par an. d’un enfant agit comme une poussée d’adrénaAu Nigeria, des études ont montré qu’une augline au cœur de l’économie. mentation de 1 % du taux de mortalité équivaPaul Kagame lait à une diminution de 2,5 % de la croissance Président du Rwanda u tournant du millénaire, le Rwanda se économique. remettait encore d’un génocide qui avait tué plus de 15 % de sa population et faisait partie des hacun a un rôle à jouer. Des organisations pays les plus pauvres du monde. Un bébé sur comme Gavi, Vaccine Alliance et le Fonds dix y mourait avant son premier anniversaire. mondial de lutte contre le sida, la tuberculose Par la suite, les tendances démographiques ont et le paludisme ont bien sûr beaucoup aidé le pris un tournant radical. Entre 2000 et 2016, Rwanda, de même que de nombreux autres l’espérance de vie y a augmenté de dix-huit ans. pays. Néanmoins, les arguments en faveur de Les progrès ont été si rapides qu’aujourd’hui le l’aide étrangère sont beaucoup plus faciles à Bill Gates Rwandais moyen est à la fois plus âgé et a une défendre si le reste du monde sait que l’Afrique Coprésident de la espérance de vie plus longue qu’en 2000. investit également dans sa propre santé. fondation Bill & Cela n’est pas arrivé par hasard. Le pays s’est À l’avenir, le continent sera appelé de façon Melinda Gates fixé pour objectif de dispenser des soins à tous croissante à financer des programmes qui améses citoyens et a commencé à former près de liorent la vie de ses citoyens. Cela est dans l’ordre 60 000 agents de santé. Il a aussi augmenté des choses. Il y a quelques semaines, l’Union ses dépenses en la matière de 300 %, passant africaine a décidé d’établir un tableau de bord de 5 à 20 dollars par citoyen. Résultat ? Aujourd’hui, 90 % de la afin de suivre les progrès réalisés par ses membres en matière population a accès aux services de santé de base. Parallèlement, de dépenses de santé. De meilleures données nous aideront à son PIB a en moyenne augmenté de 8 % par an, soit à peu près évaluer ce qui fonctionne ou non, et de travailler ensemble pour au même rythme que celui de l’Inde. obtenir de meilleurs résultats. Une chose est sûre : nous avons Le Rwanda n’est pas le seul pays à avoir connu des protous un rôle à jouer afin d’honorer nos engagements. L’avenir grès remarquables. Au cours des vingt dernières années, le de l’Afrique en dépend.
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46 Tunisie Benaliste un jour…
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Manifestation d’enseignants contre les mesures annoncées par les autorités, le 13 mars, à Alger.
SAMIR-SID
Comment Abdelaziz Bouteflika a-t-il pris la décision de renoncer à un cinquième mandat ? Faut-il croire en ses promesses de changement ? Quelles peuvent être les perspectives d’avenir ? Enquête exclusive. jeuneafrique no 3036 du 17 au 23 mars 2019
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FARID ALILAT, envoyé spécial à Alger, et NEÏLA LATROUS
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ans ce vaste bureau du palais d’El-Mouradia, siège de la présidence, ils sont six autour de la table, en cette matinée ensoleillée du lundi 11 mars. L’heure est grave, les mines aussi. Saïd Bouteflika, frère et conseiller du président, Ahmed Gaïd Salah, vice-ministre de la Défense et chef d’état-major de l’armée, Ahmed Ouyahia, Premier ministre, Noureddine Bedoui, ministre de l’Intérieur, Ramtane Lamamra, ministre d’État et conseiller diplomatique du chef de l’État, et enfin Benamor Zerhouni, conseiller à la présidence et plume réputée du chef de l’État, sont chargés d’échafauder un plan pour sauver le régime. Car depuis l’annonce de la candidature d’Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat, le 10 février, une mobilisation citoyenne entend tout emporter sur son passage, en l’occurrence le système et les hommes qui l’incarnent. De ce conclave dépend l’avenir de l’Algérie, et sans doute aussi le sort de certains des participants. Les six hommes tranchent après plusieurs heures de débat. La présidentielle du 18 avril ? Reportée sine die. Une lettre du président, dont les contours ont été esquissés la veille, est envoyée dans la soirée aux médias. L’un des convives suggère d’y ajouter ce passage : « Il n’y aura pas de cinquième mandat. » Ce même lundi, dans l’après-midi, un convoi de voitures blindées file à toute allure vers la résidence de Zeralda, sur le littoral ouest. Saïd, Gaïd Salah, Lamamra et Bedoui viennent soumettre leur plan au président. Rentré la veille d’un séjour de deux semaines aux Hôpitaux universitaires de Genève, Bouteflika donne son onction à la feuille de route. À 19 heures, les décisions tombent en cascade. Report du scrutin et renoncement au cinquième mandat donc, mais aussi démission du gouvernement, formation d’un nouvel exécutif de compétences nationales et limogeage de la commission électorale. Aussitôt, un début d’euphorie gagne la rue et les réseaux sociaux, contre-pouvoirs incontrôlables et insaisissables depuis la mi-février. Certains crient victoire, quand d’autres prédisent la fin proche de Bouteflika et du système. Joie de courte durée. Très vite, la désillusion, l’amertume et la colère reprennent le dessus. « On a demandé une présidentielle sans Bouteflika, on nous propose Bouteflika sans la présidentielle », peste Arezki, photographe et artiste. « C’est une fin de règne difficile », commentait un diplomate étranger en quittant Alger en 2017. Un constat déjà dépassé. La succession d’Abdelaziz Bouteflika est devenue problématique, débridée, périlleuse. Après vingt années au pouvoir, celui qui pensait avoir assuré la pérennité du système qu’il
CASSE-TÊTE CONSTITUTIONNEL Iceberg en vue. Le report de la présidentielle, initialement prévue le 18 avril, est un vrai casse-tête constitutionnel. Car le mandat du président expire au 28 avril – cinq ans après sa prestation de serment en 2014 –, et nulle disposition dans la loi fondamentale ne prévoit son prolongement. Si bien que l’opposition évoque la vacance du pouvoir à partir de cette date et dénonce une usurpation de fonctions. « Il ne faut pas concevoir le droit comme un obstacle », a répondu le vice-Premier ministre, Ramtane
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Lamamra, à la radio nationale, en faisant le parallèle avec la démission du président Liamine Zéroual en septembre 1998, procédure qui n’était pas non plus prévue par la Constitution alors en vigueur. « La stabilité passe avant tout, justifie Lamamra. Si la patrie perd, personne ne gagne. » En coulisses, et alors qu’Abdelaziz Bouteflika est encore à Genève, deux hypothèses sont envisagées. La première est l’activation de l’article 107 de la Constitution, qui prévoit que le
président de la République décrète l’état d’exception lorsque « le pays est menacé d’un péril imminent dans ses institutions ». Cela autorise le chef de l’État à « prendre les mesures exceptionnelles que commande la sauvegarde de l’indépendance de la nation et des institutions de la République », comme le report de l’élection. C’est l’option la plus rapide, mais aussi la plus périlleuse politiquement, compte tenu du contexte bouillant. Autre possibilité : amender la Constitution par les moyens
a patiemment mis en place se voit remis en question par une contestation populaire. Sa légitimité et son aptitude à diriger le pays sont contestées en raison de son âge et de son état de santé. Les hommes qui l’entourent depuis une décennie ou plus ? Voués aux gémonies. Les institutions avec lesquelles il préside ? Récusées. Quant à son mode de gouvernance, il est purement et simplement dénoncé. « Ni Bouteflika ni le système », entend-on dans la rue. Début février, l’affaire semblait pourtant pliée. Le cercle présidentiel était en ordre de bataille pour faire réélire massivement le président sortant. Mais la machine commence à dérailler dès le 13 février, à Bordj Bou Arreridj, à 200 km à l’est d’Alger. Timide et circonscrite, la contestation venue de l’intérieur du pays se mue au fil des jours en rejet général du régime. La jeunesse s’empare des rues. La marche nationale et unitaire du vendredi 22 février est un tournant historique. Toutes les villes défilent, le même jour, à la même heure, avec le même mot d’ordre. Une lame de fond qui traverse tout le pays, avant d’atteindre la diaspora. Les premières fissures apparaissent dans le camp présidentiel, le directeur de campagne, Abdelmalek Sellal, est limogé. Dans une nouvelle lettre adressée à la nation, depuis Genève, où il se voit prodiguer des « soins périodiques », Abdelaziz Bouteflika s’engage, s’il est élu, à organiser une présidentielle anticipée à laquelle il ne serait pas candidat. Las ! La protestation se poursuit et prend un caractère permanent. Bouteflika et les siens doivent abattre leurs cartes plus vite que prévu.
Le pacte de Genève
Le nouveau Premier ministre, Noureddine Bedoui (à dr.), et son vice-Premier ministre, Ramtane Lamamra, le 14 mars, à Alger.
prévus à l’article 208. Auquel cas un article pourrait être ajouté pour préciser les conditions dans lesquelles un mandat présidentiel peut être prolongé. Le texte devrait ensuite être adopté en termes identiques par les deux chambres du Parlement. « Il faut environ un mois incompressible pour saisir toutes les instances concernées, glisse un habitué de la présidence. Mais le calendrier permet de le faire avant le 28 avril. » F.A. et N.L.
En réalité, le plan de sauvetage s’est esquissé depuis le huitième étage de l’hôpital de Genève, à la division privée. Dès le 4 mars, le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, est prié de faire ses cartons et de vider son bureau. Impopulaire, il est devenu la tête de Turc des manifestants. Sans compter que l’entourage du chef de l’État le soupçonne de lorgner le fauteuil présidentiel. Son sort est scellé, mais il faut attendre le 11 mars, après le retour de Bouteflika à Alger, pour que l’information soit rendue publique. « Impossible de remanier tant que le président est à l’étranger », expliquait, la veille, un membre du premier cercle. Entre-temps, le troisième vendredi de la contestation a vu des marées humaines déferler dans tout le pays. L’essoufflement de la fronde n’a pas eu lieu. Pendant que les manifestants battent le pavé, ce 8 mars, le pouvoir a arrêté quelques décisions. Dont celle de rappeler Ramtane Lamamra. Au poste de Premier ministre ? « C’est l’une des options », confie une source. C’est finalement à Noureddine Bedoui qu’échoit cette charge. Lamamra, lui, est nommé vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères. Diplomate chevronné, personnage d’une grande culture et à l’expérience internationale avérée, « Lamamra l’Africain » est la carte maîtresse du cercle présidentiel. Ce vendredi donc, il rencontre un avocat bien en vue à Alger. Et lui confie que le président ne briguera pas de cinquième mandat et qu’il compte reporter la présidentielle. Le diplomate tâte le terrain, aussi bien auprès de l’opposition que de la société civile. Expliquer, convaincre et rallier le plus de monde possible à cette nouvelle démarche… L’avocat promet de faire passer les messages. Le choix de Lamamra ne doit rien au hasard. Depuis des semaines, les chancelleries occidentales regardent le réveil algérien avec intérêt. Il suscite, globalement, bienveillance, respect et admiration. Le samedi, dans la foulée de la troisième marche, Lamamra décroche son téléphone et contacte Lakhdar Brahimi, autre diplomate au long cours, ami de Bouteflika et médiateur dans plusieurs conflits internationaux, comme en Syrie, en Irak ou en Afghanistan. Brahimi est réclamé à Alger. En urgence. « Peux-tu nous aider à trouver une solution ? » demande Lamamra. Brahimi accepte. Mais avant de quitter Paris, il confie ses doutes à l’un de ses amis. À 85 ans, sa carrière est derrière lui. Mais s’il peut rendre service, pourquoi pas. Il est disponible, pour aider du mieux qu’il le peut.
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Arrivé à Alger, Lakhdar Brahimi reçoit à tour de bras dans sa suite à l’hôtel El Aurassi – avec vue panoramique sur la baie d’Alger. Le dimanche 10 mars, les invités défilent. Brahimi les sonde, s’informe, prend le pouls… Il souhaite identifier des interlocuteurs susceptibles de s’engager dans la conférence de consensus, en vue de réécrire la Constitution et de fixer la date de la présidentielle. « Il est davantage dans l’écoute que dans la proposition ou la négociation, raconte à Jeune Afrique l’un de ses visiteurs. Il confie ses appréhensions sur la feuille de route. Et sur ses acteurs. Reconnaît que la crise nécessite le concours de tous et dément toute ambition de chapeauter la conférence nationale. Brahimi juge aussi qu’une sortie honorable doit être offerte au président. » Un autre rapporte avoir trouvé Lakhdar Brahimi en retrait, prêt à rentrer chez lui si la mission se révélait trop compliquée: « Il a dit à trois reprises que rien n’est décidé. »
Conférence inclusive
Le 13 mars, arrive l’heure des explications publiques. Ramtane Lamamra doit éteindre le feu. Opération vérité à la radio nationale. C’est l’architecture de l’après-Bouteflika qui s’y dessine. Elle repose sur trois blocs censés incarner la société: l’alliance présidentielle, l’opposition et la société civile. Tous appelés à participer à la conférence de consensus, qui se veut, c’est le maître mot, « inclusive ». Le soutien de la majorité présidentielle étant acquis, reste à convaincre les autres camps de s’asseoir à la table des discussions. Pour l’heure, c’est mission quasi impossible. Avant même que les deux missi dominici du pouvoir ne prennent officiellement langue avec elle, l’opposition verrouille la porte. Elle s’est donné rendez-vous, ce mercredi 13 mars, pour rejeter « globalement et dans le détail » le « plan de travail de Bouteflika ». Elle a choisi la rue. Et bien qu’il soit difficile de présager de la suite des événements, tant la situation est instable, il est pratiquement exclu pour l’heure que Lamamra et Brahimi puissent infléchir la position de l’opposition. Cela serait inutile, à en croire un cacique du pouvoir:
Une fratrie particulièrement soudée C’est comme dans les monarchies du Golfe, où il a vécu durant sa « traversée du désert ». Depuis son accession au pouvoir, Abdelaziz Bouteflika a toujours travaillé et gouverné en famille. Soupçonneux, méfiant, capable d’imaginer des complots partout, le président n’accorde sa confiance absolue qu’à deux de ses frères et à l’une de ses sœurs. Une famille unie, soudée, inséparable. À eux quatre, ils forment le cœur du moteur présidentiel. Pendant des années, cette cellule avait à sa tête la maman, Hadja Mansouria, décédée en
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juillet 2009. Ayant élevé seule ses enfants, cette femme de caractère – surnommée « El Walida », « Yaya » ou « El Hadja » – a exercé une influence déterminante dans la trajectoire politique et privée de son fils aîné. Abdelaziz la consultait sur toutes les grandes décisions qui engageaient sa gouvernance. Il aimait répéter qu’il ne pouvait commencer sa journée sans une visite matinale au domicile de sa mère pour l’embrasser sur le front. En novembre 2005, elle est à ses côtés, dans l’appartement familial d’El Biar, à
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Alger, quand l’ex-patron du renseignement, le général Toufik, surgit en catastrophe pour évacuer le président à l’hôpital du Val-de-Grâce après son ulcère hémorragique.
Régent par défaut
Saïd, conseiller spécial à la présidence et cadet du chef de l’État, joue lui aussi un rôle central depuis vingt ans. Les deux frères ont des personnalités différentes, mais leur destin est lié. En raison de l’âge de son frère et du fait de sa maladie, Saïd serait devenu un président par procuration, ou régent
par défaut. Davantage encore depuis l’été 2013. Car en changeant de lieu, du palais d’El Mouradia au bunker médicalisé de Zeralda, le pouvoir s’est nimbé de plus de mystères, d’intrigues et de secrets. Seul à avoir un accès permanent et sans limites au chef de l’État, Saïd est la courroie de transmission entre ce dernier et le reste des institutions. Sollicité, craint ou courtisé, il passe les instructions et autres messages présidentiels. Sa proximité et ses amitiés assumées avec des hommes d’affaires lui
C’EST L’ORIGINALITÉ DE CE MOUVEMENT: IL N’A NI LEADERS, NI PORTE-PAROLE, NI FIGURES CHARISMATIQUES. C’EST AUSSI SA FAIBLESSE.
« Elle est victime du même dégagisme que la majorité et n’offre aucune alternative. Elle risque de partir avec l’eau du bain. »
Boîte de Pandore
Quid de la rue ? La mission est doublement compliquée. La contestation ne semble pas s’affaiblir. Et les propres soutiens d’Abdelaziz Bouteflika sont assaillis de doutes. Après les démissions en cascade au FLN – le parti dont la présidence est assurée par le chef de l’État –, au FCE – le patronat, tenu par un proche de Saïd –, et à l’UGTA – le syndicat des travailleurs du très légitimiste Abdelmadjid Sidi-Saïd –, il faut entendre désormais le camp du pouvoir clamer urbi et orbi que les revendications pour le changement du système sont légitimes. À tel point que le nouveau porte-parole du FLN accuse son parti d’être sous la coupe d’une mafia. Impensable il y a un mois ! Pour changer la donne, le binôme Lamamra-Brahimi va surtout devoir trouver, dans cette société civile, des interlocuteurs susceptibles d’être acceptés, mandatés ou délégués pour parlementer, discuter ou négocier. C’est là l’originalité de ce mouvement de contestation: il n’a ni leaders, ni porte-parole, ni figures charismatiques pour l’incarner. C’est aussi sa faiblesse: il peut se fracturer sur l’autel de la structuration. D’autant que la méfiance à l’égard du pouvoir et le rejet quasi général du système et de ses acteurs obèrent la possibilité de dialogue, de concertation et peut-être de compromis. Celui qui prend langue avec le pouvoir est vite qualifié de renégat. À terme, c’est l’impasse institutionnelle qui se profile. Abdelaziz Bouteflika et son entourage pressentaient-ils, en annonçant la candidature du président sortant le 10 février, qu’ils allaient ouvrir la boîte de Pandore ? Oui, à en croire l’islamiste Abderrazak Makri. Le président du MSP, reçu en octobre dernier à Zeralda par Saïd Bouteflika, rapporte cet échange avec l’influent frère-conseiller: « Nous n’avons pas de signes favorables pour ce cinquième mandat, aussi bien en Algérie qu’à l’étranger. »
ZINEDINE ZEBAR
De g. à dr., Abdelaziz, Nasser et Saïd Bouteflika, dans un centre de vote, en 2014.
confèrent encore plus d’influence. Et puis il y a Nasser, secrétaire général du ministère de la Formation
professionnelle, et Zhor, l’ancienne sage-femme. Le premier est tout aussi effacé – publiquement – que Saïd. Toujours dans
l’ombre de ce dernier, fuyant les médias, il a tissé ses propres réseaux dans les sphères de décision, sans avoir le même
ascendant que son jeune frère sur le chef de l’État. Zhor, elle, n’apparaît jamais. Aucune photo d’elle, même volée, mais elle est omniprésente aux côtés du vieux raïs. Si elle ne s’ingère pas dans les affaires politiques, elle dispose de solides connaissances dans le sérail, à qui elle parle librement. On la dit opposée au cinquième mandat, désireuse que son frère aîné « se repose » et quitte le pouvoir par la grande porte. F.A.
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TUNISIE
ONS ABID POUR JA
À son bureau du quartier Montplaisir, à Tunis, le 27 février.
Benaliste un jour… Elle vante l’ancien régime, fustige la révolution et jure d’éradiquer l’islamisme. A priori bien placée dans les sondages, Abir Moussi, présidente du Parti destourien libre, est une énigme. Portrait.
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FAWZIA ZOUARI et BRAHIM OUESLATI, à Tunis
oins de deux mois après la chute de l’ancien régime, dans une Tunisie en pleine effervescence révolutionnaire, la scène marque les esprits. Au tribunal de première instance de Tunis, ce 2 mars 2011, se tient le procès de dissolution du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD). Une avocate, une seule, a accepté de représenter le parti de Ben Ali: Abir Moussi. Elle s’avance dans une salle chauffée à blanc qui la hue et l’insulte. À la levée de l’audience, elle est prise à partie par ses confrères. La foule la poursuit jusque dans la rue, la rouant de coups et lui tirant les cheveux. L’avocate manque d’être lynchée. Par chance, elle trouve refuge dans une estafette de police. La scène illustre l’engagement d’une femme se battant seule contre tous. Une femme qui affiche sans crainte sa fidélité à Ben Ali, tout en se réclamant du fondateur du premier Destour, Habib Bourguiba. Sa grande taille et sa corpulence en imposent. Son look de fille du peuple fait son effet. Son audace, son franc-parler et ses ruades
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contre ses adversaires lui forgent l’image d’une pasionaria. Surnommée la « Lionne », elle incarne ce qu’on appelle en tunisien la r’jouliya: le courage viril. Depuis ce procès, pas un jour sans qu’Abir n’essuie attaques, insultes et harcèlement judiciaire. Qu’à cela ne tienne. Elle est décidée à dénoncer les trahisons politiques, les coalitions d’intérêt et l’opportunisme en tout genre qui minent le pays. La défense de l’ancien régime est la pierre angulaire de ses apparitions. « Abir Moussi n’a jamais dévié de cette ligne ni retourné sa veste », dit d’elle le chroniqueur politique Lotfi Laamari. À se demander d’où lui vient ce caractère obstiné qui confine parfois à la rigidité. Née en 1975 d’une mère institutrice du Sahel et d’un père originaire de Béja, dans le nord-ouest du pays, Abir Moussi est la dernière d’une fratrie élevée dans le respect de la loi et de l’autorité. Le papa travaille à la Sûreté nationale. Et milite dans l’encadrement de la jeunesse destourienne: « C’est de lui que me viennent l’amour de la politique et l’attachement à Bourguiba. » À la maison, les murs du salon sont ornés de l’uniforme de son père et d’une photo de Bourguiba en robe d’avocat. Mademoiselle mène un parcours scolaire sans faute. Brillante mais tête de mule. On veut l’orienter vers les sciences, elle préfère
les lettres. On la voit médecin ou ingénieur, elle rêve de devenir avocate « pour faire de la politique, comme Bourguiba »: « Changer d’orientation universitaire a été mon premier acte de militantisme. » Pari gagné: en 1997, elle est reçue première au concours Capa sur 5000 candidats. À son entourage, elle lance: « Maintenant, j’ai deux choses à faire dans ma vie: le barreau et la politique. »
Droit d’inventaire
Deux dates marquent à jamais son parcours : le 14 janvier 2010, quand elle est nommée secrétaire générale adjointe du RCD et, un an plus tard, le jour de la chute du régime de Ben Ali. Contrairement à d’autres dirigeants du parti, Abir refuse de jeter l’éponge ou de renier ses convictions. Elle réclame alors un droit d’inventaire et retrouve sa famille politique au sein du Mouvement destourien, créé par l’ancien Premier ministre Hamed Karoui, qui réunit en son sein certains dignitaires de l’ancien régime. Le parti connaît un échec cuisant aux législatives d’octobre 2014. Karoui décide de passer le flambeau à une nouvelle génération. Le congrès se tient le 13 août 2016, le mouvement prend le nom de Parti destourien libre (PDL) et élit à sa tête Abir Moussi. Aussitôt, elle désigne ses ennemis, au nombre de trois : le parti islamiste Ennahdha, dont elle est devenue l’ennemi politique numéro un, quiconque a une main dans « le soi-disant Printemps arabe » et les « faux défenseurs des droits de l’homme et autres révolutionnaires de la 25e heure ». Et, enfin, toute personne ou obédience qui remet en question les principes du code du statut personnel, même si, paradoxalement, peut-être pour séduire les conservateurs, elle se dit opposée à l’égalité dans l’héritage et à la dépénalisation de l’homosexualité (lire ci-contre). De quoi inspirer le scepticisme de ses opposants, qui lui reprochent de dire « ce qu’elle ne veut pas » sans faire de propositions constructives. Les mêmes ricanent de sa prétention à effacer les islamistes d’un coup de baguette magique. La suspectent de vouloir restaurer l’ancien régime. Critiquent la virulence de son discours et l’accusent de manquer de consistance. En réponse, elle brandit son projet de nouvelle Constitution, qu’elle rendra public à l’occasion de la campagne pour les législatives et la présidentielle. Abir Moussi assure, aussi,
avoir réfléchi à des réformes politiques, économiques et sociales. Elle veut rétablir l’autorité de l’État et enclencher un audit interne des finances publiques. Elle propose de remplacer le régime parlementaire par un régime présidentiel en renforçant la méritocratie et le mécanisme de surveillance institutionnelle. Interdire les partis qui se réclament de la religion. Empêcher le nomadisme parlementaire : tout député quittant son parti devra être déchu de son mandat. Sur l’économie, son discours reste convenu. Stopper l’hémorragie de la dette et mieux gérer les deniers publics figurent au programme de tous les partis ou presque. Tout comme encourager les PME et le secteur privé par des incitations fiscales et substituer la production à la rente. Des réformes qui nécessitent au préalable de se mettre autour de la table des négociations avec l’UGTT, principal syndicat. « J’ai demandé à les voir, je n’ai pas eu de réponse », confie Abir Moussi. Rencontrer et convaincre ses électeurs reste sa priorité. Ils se recruteraient, ditelle, parmi les indépendants, les destouriens « qui ont mal parce qu’ils se sont tus ou ont été humiliés et désirent retrouver leur maison et leur identité », une partie des déçus de la gauche, « toujours ambiguë, et qui ne joue pas son rôle », d’anciens commis de l’État, les familles des sécuritaires, les femmes – « nous sommes le seul parti qui respecte la parité dans ses instances » –, les jeunes enfin, pour qui elle a créé une Académie politique : « Ils voient mon âge et se disent : “Celle-là, au moins, nous pouvons avoir un avenir avec elle.” » Les derniers sondages placent son parti en cinquième position aux législatives. Pour la présidentielle, elle-même arriverait quatrième.
Verbe haut
Le comité national du PDL comprendrait également des figures connues de la société civile, des intellectuels et des artistes, qui préfèrent pour le moment ne pas se prononcer publiquement par crainte de sanctions des administrations ou ministères dont ils dépendent. Abir Moussi a également rencontré l’ambassadeur de France et espère que d’autres diplomates suivront… Elle a déjà tenu un premier meeting à Paris, en février.
LIBERTÉS ET POLÉMIQUES Abir Moussi a-t-elle un problème avec les féministes? Ses attaques récurrentes contre Bochra Belhaj Hmida interrogent. Cette dernière, présidente de la Commission pour les libertés individuelles et l’égalité (Colibe), lutte, entre autres, pour l’égalité successorale et la protection des homosexuels. Moussi se dit favorable au principe de l’égalité dans l’héritage, mais pas tel que défini par la Colibe, car, dit-elle, cela légitimerait les enfants nés hors mariage, lesquels pourraient alors hériter. La Colibe la dérange aussi sur la forme: « Une commission qui a exclu les destouriens, porteurs plus que d’autres des valeurs égalitaires, et qui ne comporte aucune personnalité d’envergure! En outre, elle n’a pas procédé à des consultations populaires ni lancé un large dialogue pour convaincre de son projet. » Faux, répondent les intéressés: société civile et experts ont été entendus par la Commission, et les députés pourront amender le texte en séance. Quant à l’homosexualité: « Je ne légiférerai pas sur la vie privée des gens. J’interdirai le test anal, sauf s’il s’agit de viol et de crime. » Populisme, crient ses opposants. « Aucunement! répond-elle. Je défends le peuple et n’instrumentalise pas les causes. » F.Z.
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Maghreb & Moyen-Orient TUNISIE
Un ex-haut responsable du RCD, plusieurs fois ministre, concède: « Abir est une vraie militante et a une sacrée personnalité. Mais elle devrait chercher à rassembler et gagnerait à être plus nuancée. » « La nuance, tout le monde fait ça ! On m’attaque, je réponds », réplique la « Lionne ». C’est peu dire que la jeune femme ne fait pas l’unanimité dans les rangs de sa formation d’origine. Peu de caciques de l’ancien régime la soutiennent. « Je suis allée vers eux, ils ne m’ont jamais prise au sérieux, tranche-t-elle. Maintenant que je monte dans les sondages, ils me font des appels du pied. S’ils veulent me rejoindre, c’est à la condition de ne plus frayer avec le parti islamiste. » « Qu’elle critique les anciens destouriens est son droit, mais qu’elle ne les insulte pas », met en garde l’ancien dirigeant. De son côté, Moussi sait qu’elle a le vent en poupe et surfe sur cette notoriété. En peu de temps, son parti a réussi à s’imposer sur l’échiquier politique. « Quand un chauffeur de taxi et un homme d’affaires me disent qu’ils vont tous deux voter pour elle, je me dis qu’elle a des chances », confie Lotfi Laamari.
Psychologie des masses
À moins que les attaques ne redoublent de vigueur. Car l’omniprésence d’Abir Moussi agace. « Je veux bien que d’autres aillent s’exprimer à ma place, se défend-elle, mais ce sont les médias qui exigent ma présence. Et les masses aiment que la présidente vienne en personne leur parler. » Elle cite
HAUTE SÉCURITÉ
« L’idée d’être assassinée n’est pas dans mon logiciel. Et puis, à y songer, dans ce pays, tous les matins, il faut se lever en préparant son linceul. » Abir Moussi fait partie des personnalités publiques tunisiennes à qui le ministère de l’Intérieur a affecté une protection. Des vigiles la suivent à la trace, en meeting, dans son bureau et jusqu’à son domicile, où elle retrouve le soir ses deux filles, âgées de 12 et 10 ans, et son époux, haut cadre dans la sécurité. F.Z.
Lors d’une manifestation contre l’Instance Vérité et Dignité, le 14 décembre 2018.
FETHI BELAID/AFP
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ce proverbe arabe: « La persévérance vient à bout du marbre. » Si elle n’a pas honte de son passé, elle assume aussi son présent, assurant vivre à la manière du Tunisien moyen : « J’ai des dettes, comme tout le monde. Mes parents m’aident depuis que j’ai fermé mon cabinet et perdu mes clients. Je circule dans une petite voiture. Je n’ai pas de quoi envoyer mes enfants dans des écoles privées. » Ses efforts se concentrent sur la préparation des législatives d’octobre: « Nous serons présents dans toutes les circonscriptions, nos commissions travaillent depuis un an. » Abir Moussi n’exclut pas des alliances, mais « sans concessions. Celui qui partage nos principes et notre programme politique peut se joindre à nous ». Le vent, dit-on, soufflerait en sa faveur du côté du Sahel, du Nord-Ouest et du Cap-Bon. « Il nous reste à soustraire le Sud à la mainmise islamiste », sourit-elle. En attendant la présidentielle ? Elle botte en touche sur sa candidature éventuelle: « Je ne suis pas autorisée à vous le dire. Mais sachez une chose : je ne suis pas là pour devenir un chef, mais pour que le parti gouverne réellement et dans l’intérêt du pays. » Reste, en outre, à convaincre les électeurs qu’une femme est légitime à Carthage… « Les Tunisiennes représentent une importante force électorale et ont fait la preuve de leur compétence, insiste Abir Moussi. Beaucoup d’hommes pensent que la période actuelle nécessite leur présence au sommet de l’État et semblent même attendre que les femmes les sauvent! »
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TUNISIE TRIBUNE
Un homme fort pour un État fort T
SKEMA
urbulences en Algérie et en Libye ou stabilité relative au identité tunisienne à partir de 1987. Et c’est l’échec majeur de la Maroc font de la Tunisie un pivot du sort du Maghreb. Aussi « révolution »: ne pas avoir engendré de citoyenneté tunisienne l’année 2019 sera-t-elle cruciale pour le pays et ses 12 millions via une appropriation populaire du soulèvement pour en faire un d’habitants, mais également pour ses partenaires européens, vecteur de développement partagé. La réémergence de la figure qui doivent persévérer dans une confiance exigeante. L’enjeu tutélaire de Bourguiba, qui avait su moderniser la Tunisie, mais des élections présidentielle et parlementaires dépasse le champ aussi la nostalgie myope des années Ben Ali, où la centralisation politique. Il s’agit d’engendrer une stabilisation institutionnelle garantissait ordre et stabilité des prix, en sont le signe. propice à des réformes d’ampleur. Et, par là même, d’impulser Les Tunisiens sont en quête d’un « homme fort » qui en finisse des perspectives de développement pour offrir à la population avec la corruption, la fraude fiscale et l’impunité. Le gouvernel’avenir qu’elle a contribué à reconstruire dès 2011. ment hésite à lancer les réformes les plus urgentes, de peur de Malgré la reprise de la croissance, la situation l’étincelle sociale. C’est pourtant le pouvoir polimacroéconomique reste tendue. L’investissement tique qui a accumulé les barils de poudre par étranger s’est effondré et atteint la moitié de ses son manque de courage après la révolution. Le niveaux de 2008-2010. L’endettement extérieur gouvernement populiste de la troïka a préféré a presque doublé depuis 2010, à environ 90 % gonfler la dette et enfler la masse salariale au du PIB aujourd’hui (35 % au Maroc), autant par lieu de lancer un vaste programme de réformes. les besoins de financements extérieurs que par Aujourd’hui, les douanes restent une zone de la dépréciation du dinar. Le chômage des jeunes non-droit. L’assiette fiscale peine à s’élargir – la reste inquiétant, tandis que l’économie souffre fraude atteint 25 milliards de dinars chaque d’un double déficit : de ses comptes publics année. L’économie parallèle représente près de la Michel-Henry et de sa balance des paiements (9 % du PIB, moitié de la richesse nationale. L’investissement Bouchet soit 3,5 milliards dollars). Signe de tensions, domestique stagne – 26 % du PIB en 2010, contre Professeur distingué les réserves de devises de la Banque centrale 20 % en 2017. Les écarts de revenus entre classes de finance à la équivalent à quatre mois d’importations. et régions suscitent un sentiment d’injustice.
D
Skema Business
M
School, ancien epuis sa « révolution », la Tunisie a été dégraalgré tout, la Tunisie reste un laboratoire économiste senior à dée par la totalité des agences de notation: de démocratisation qu’il faut soutenir. À la Banque mondiale l’évaluation du risque-pays par la Coface est bien défaut, la population se soulèvera de nouveau moins favorable que celle du Maroc, le rapport pour obtenir enfin les dividendes de sa rébel« Doing Business » de la Banque mondiale la lion. Elle n’a obtenu pour l’heure que l’expulsion place derrière le Maroc et le Kenya, l’indice de d’un gang et de certains de ses alliés qui avaient corruption de Transparency International s’est encore dégradé en mis le pays en coupe réglée, mais sans modifier les réseaux de 2018, et celui de compétitivité du Forum économique mondial connivence ni le système de prébendes. La présidentielle peut la situe derrière le Maroc, le Liban et la Jordanie. Au total, le PIB enfin faire émerger une figure respectée adossée à une majorité 2019 reste en deçà de celui de 2010. La reprise prévue cette année stable pour dire la vérité aux Tunisiens et imposer une solidarité dépend pour beaucoup de la production agricole, du tourisme, bâtie sur cinq piliers : justice et équité fiscales, répression de la et de l’investissement tourné vers l’emploi. corruption, réduction drastique des subventions et homologation Pourquoi la Tunisie semble-t-elle paralysée ? Le marasme des prix, réforme du système de retraite et lancement d’un grand est entièrement attribuable à ses gouvernements successifs programme d’investissement social et d’infrastructures. Il faudra depuis 2011, à l’inertie de l’Assemblée et à une médiocre goula combinaison d’un « homme fort », courageux et respectable, vernance. Alors que Bourguiba avait créé une fierté nationale et d’un État fort pour que la Tunisie consolide ses institutions. Le après l’indépendance en 1956, Ben Ali n’a développé aucune pays bénéficiera alors d’une confiance retrouvée.
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Maghreb & Moyen-Orient
MAP
MAROC
Cocaïne Road
Saisie de cocaïne par la brigade de lutte contre le crime organisé, le 8 décembre 2018.
Depuis plusieurs années, le royaume est la cible des cartels sud-américains qui veulent en faire un hub de transit de « la blanche » vers le marché européen. Une offensive que les services antidrogues s’emploient à contrecarrer. FAHD IRAQI, à Rabat
e sobriquet est définitivement exagéré… Pablo ne vit pas à Medellin, mais à Harhoura, dans la banlieue de Rabat. Il n’est pas à la tête d’un cartel, c’est juste un petit dealer à la sauvette. En journée, ce trentenaire, père de famille, est un visiteur médical sans histoires. À la tombée de la nuit, il écume pubs et cabarets de l’axe Skhirat-Témara pour écouler en douce ses petits sachets de coke, calibrés à un gramme. « Je suis ce qu’on appelle un coursier particulier, nous
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confie-t-il. Mon fournisseur me réserve une dizaine de grammes par soir, jusqu’à 30 g les week-ends, que je revends avec une petite marge à des amis. » Depuis plusieurs années, « la blanche » s’est invitée dans les soirées de la jeunesse marocaine, y compris celles des classes moyennes. Le gramme de coke s’achète 600 dirhams en moyenne. Et ces trois dernières années, les saisies et les arrestations pour consommation ont presque doublé : 363 personnes interpellées en 2018, une saisie totale de 180 g. Les rails qui tournent dans les
assiettes ne sont que la partie émergée de l’iceberg. De plus grandes quantités transitent par le royaume pour être acheminées vers leur destination finale, à savoir le marché européen. L’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) établit ce constat, dans son rapport annuel 2018: « Alors que l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale étaient auparavant les principales zones de transit pour le trafic de cocaïne, la sous-région de l’Afrique du Nord a représenté 69 % de l’ensemble de la cocaïne saisie dans le continent […]. C’est le Maroc qui a déclaré les plus grosses saisies de la région. » Les coups de filet sont dignes de séries comme Narcos. Le dernier en date n’a pas encore livré tous ses secrets…
« Ce mode de transbordement maritime est l’un des moyens préférés des trafiquants pour acheminer leurs stupéfiants, nous explique Abderrahim Habib, chef du service central de lutte contre le trafic de drogue à la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN). Le Maroc, avec son positionnement stratégique et une façade atlantique assez vaste, est naturellement très exposé. » C’est d’ailleurs par le même procédé que la première grosse cargaison de cocaïne avait échoué au Maroc… En juin 1997, les plages entre Casablanca et Safi avaient subi une « marée blanche », après qu’un navire battant pavillon du Belize s’est débarrassé d’une cargaison de six tonnes de cocaïne. Et toujours cette même voie maritime, empruntée
Réseaux transnationaux
Le 8 décembre 2018, un camion transportant des choux-fleurs est intercepté à un barrage routier près d’El Jadida. Les éléments du Bureau central des investigations judiciaires (BCIJ) sont là pour le « cueillir ». Le renseignement fourni par la Direction générale de la sécurité du territoire (dont le BCIJ est l’aile judiciaire) se révèle exact. Les fouilles 541 permettent de retrouver trente paquets de cocaïne brute, soigneusement dissimulés dans les caisses de légumes. L’enquête préliminaire révèle que la cargaison avait été larguée au large d’El Jadida par un navire sud-américain pour être récupérée par un bateau de pêche qui a par la suite passé le relais à deux canots pneumatiques pour débarquer celle-ci sur une petite plage discrète, au sud d’El Jadida. Les sept arrestations effectuées à l’annonce de l’opération ne sont qu’un début. Dix-sept personnes, interpellées au fil des investigations, ont révélé les ramifications de réseaux criminels transnationaux de trafic de cocaïne entre le Maroc, l’Amérique latine et l’Europe.
2 500
13
200
Tanger
(décembre 2017)
Rabat
7
(septembre 2016)
Oujda
Fez
Skhirat Casablanca El Jadida
6 (février 2018)
843,9
299
(depuis 2014)
Marrakech
1 000
17 (décembre 2018)
UNE LUTTE PAYANTE Aviation commerciale Saisies en kg Arrestations Voie maritime Saisies en kg Arrestations 200 km
1 200
21
Dakhla
(septembre 2016)
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pour les 2,5 t de cocaïne quasi pure saisie dans une ferme près de Skhirat en 2017. Soigneusement emballés, les ballots retrouvés sont tous frappés d’un logo qui porte la marque des grands cartels sud-américains. Les enquêteurs découvrent que cette importante quantité était stockée au Maroc depuis au moins 2014. La même année, 226 kg sont saisis à Marrakech. Depuis 2014, la DGSN a mis la main sur plus de 6,8 t en tout (voir infographie). Contrer les plans des puissants cartels n’est pas une mince affaire et nécessite une coopération internationale permanente. « Le trafic de drogue est une menace commune qui nécessite une réponse commune. Outre les enquêtes conjointes, il y a en continu des échanges d’informations pour démanteler des réseaux structurés avec des ramifications internationales », souligne Abderrahim Habib, lui-même en charge de la coordination avec les différents services étrangers. Ainsi, c’est l’information fournie par le Centre maritime d’opération antidrogue (MAOC) basé à Lisbonne qui a permis d’intercepter en février un bateau panaméen transbordant 9,5 t de cocaïne. Cette cargaison devait initialement transiter par le port de Tanger mais a finalement été saisie au Cap-Vert, où le bateau a été contraint de faire une escale technique après le décès d’un membre d’équipage.
Labo clandestin
Autre dossier dans lequel la coopération avec les services européens bat son plein : la Mocro Maffia. Cette organisation criminelle, dite aussi « Amsterdamse onderwereld », est réputée être active entre le Maroc, le sud de l’Espagne et les Pays-Bas, avec des prolongements dans toute l’Europe, et de solides contacts avec les cartels sud-américains. Au Maroc, cette Mocro Maffia fait valoir son expertise dans le trafic de cannabis – dont elle maîtrise les rouages – qu’elle met au service du trafic de cocaïne dans toutes ses étapes: de la réception au transit, en passant par le stockage et l’écoulement. Mais ces nouvelles routes ne sont qu’une des facettes de l’organisation mise en place par des narcotrafiquants sans scrupules et aux moyens illimités.
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LES SAISIES DE COCAÏNE EN AFRIQUE EN 2017 (en kilos)
Maroc
2 800
153
Angola
En 2016, le Maroc a failli devenir un pays de transformation de la cocaïne. Dans une ferme située sur la bande frontalière orientale du royaume, pas loin d’Oujda, un laboratoire clandestin de traitement de la pâte de cocaïne avait été démantelé. Deux Péruviens chapeautaient une poignée de Marocains. La bande avait déjà réussi à produire une quantité de 50 kg écoulée sur le marché local et s’apprêtait à exporter 250 kg en Europe. « La pureté de la cocaïne saisie dépassait souvent les 90 %. Ce qui veut dire qu’une fois coupée avec du talc ou des amphétamines, vous pouvez quintupler la quantité », explique Abderrahim Habib.
Voie aérienne
Nigeria
92
Zambie
13
Kenya
11,78
Ghana
8
Algérie
6,27
Cameroun
5,2
Madagascar
<1
SOURCE : RAPPORT 2018 OICS - ONU
LA TRAQUE S'INTENSIFIE 2 448 Nombre d’arrestations
6,8
Nombre de saisies (en tonnes)
1 053
1 109
803 2,8
1,6 2016
1,6 2017
SOURCE : DGSN
2018 De 2014 à aujourd’hui (en cumulé)
En décembre dernier, les services sécuritaires ont mis en échec l’installation d’une base aérienne, près de Boujdour, destinée au stockage et au convoyage de la cocaïne vers l’Europe. Outre ces pistes d’atterrissages clandestins, que les cartels essaient de multiplier, l’aviation civile reste un des moyens de transport de prédilection des trafiquants. Pas une semaine ne s’écoule sans qu’une arrestation ne soit effectuée à l’aéroport Mohammed-V de Casablanca. En janvier, près de 10 kg ont été saisis au niveau des aéroports du royaume, dont un quart au moins destiné au marché marocain. Un vol en particulier est sous haute surveillance: le Sao Paulo-Casablanca, qui atterrit quatre fois par semaine. Les passagers subissent un premier contrôle à leur descente d’avion. Les bagages sont systématiquement et minutieusement fouillés. Et les prises, souvent au rendez-vous. « Il arrive que plusieurs passagers, sur le même vol, transportent de la cocaïne », nous confie l’homme chargé de la lutte contre le trafic de stupéfiants à la DGSN. Un profil type se détache pour ces mules humaines qui voyagent avec de la drogue dans la panse ou dans les bagages : ce sont souvent des Subsahariens ou des Sud-Américains en transit au Maroc. « Une fois, nous avons interpellé une personne avec 2,6 kg de cocaïne dans l’estomac, nous confie notre source. Elle est restée vingt-cinq jours sous observation médicale pour rejeter toute cette quantité. »
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Maghreb & Moyen-Orient
LIBYE
Quand Khalifa Haftar se rêve en de Gaulle Amorcée à la mi-janvier, l’irrésistible avancée des troupes du maréchal dans le Fezzan soulève des questions sur les intentions réelles de l’homme fort de la Cyrénaïque. HERVÉ PUGI, envoyé spécial à Al-Marj (Libye)
e prolongement de la crise libyenne a donné lieu à d’innombrables conférences internationales, réunions et autres tables rondes destinées à relancer le processus. Face à l’impasse diplomatique, l’opération lancée dans le Fezzan à la mi-janvier par l’Armée nationale libyenne (ANL) apparaît comme un nouveau coup de pied dans la fourmilière libyenne. Et, surtout, comme un pied de nez à la communauté internationale. C’est donc tout logiquement en position de force que Khalifa Haftar s’est rendu à Abou Dhabi le 27 février afin de conclure un (énième) accord de principe avec Fayez al-Sarraj, Premier ministre et chef du Conseil présidentiel du gouvernement d’union nationale basé à Tripoli. Seulement, loin de partager l’optimisme onusien quant à la tenue prochaine d’élections, les proches et principaux conseillers du maréchal semblent échafauder d’autres scénarios pour la Libye. Et pour leur héros.
L
Gloire locale
Du côté d’Al-Marj, au nord-est de Benghazi, une douce euphorie règne parmi les partisans de Khalifa Haftar. Lequel n’en manque pas depuis que celui qui n’était encore que général en 2014 a posé son barda dans cette petite ville pour en faire, bien plus qu’un quartier général, un véritable fief. Ici, l’épopée du maréchal dans le Sud libyen, au cours d’une percée aussi fulgurante qu’indéniablement réussie, n’a échappé à personne. Et a donné lieu à une nouvelle démonstration publique à la gloire de celui qui a récupéré les champs pétrolifères de la
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région frontalière avec l’Algérie et bouté les rebelles tchadiens hors des frontières nationales. Une courte mais sincère liesse, sous l’œil et la supervision du service de communication de l’ANL. Dans l’enceinte du QG de Khalifa Haftar, l’ambiance est plus sobre, même si l’orgueil gonfle les poitrines de tous ceux, militaires ou non, qui y ont leurs entrées. Les éléments de langage sont bien rodés : « L’Armée nationale libyenne intervient dans le Fezzan pour chasser la menace terroriste qui plane sur le pays mais aussi sur l’Europe tout entière », martèle un aide du camp du maréchal. Toute autre considération est balayée d’un revers de manche d’uniforme : « Seule la question de l’éradication du terrorisme guide l’action du maréchal. » Mais qui est un terroriste et qui ne l’est pas ? Khalifa Haftar a finalement toujours été assez clair sur le sujet, il faut le reconnaître, en présentant tous ceux qui s’opposeraient à lui en Libye – principalement les milices révolutionnaires, islamistes ou non – comme étant… des terroristes. Fort de cette ligne, de sa clarté et des succès actuels, le premier cercle du commandant en chef de l’ANL n’hésite plus, en coulisses, à sortir du discours policé relayé auprès des médias. Pour ceux qui se présentent comme « l’aile politique de l’ANL » – passons sur cette bizarrerie –, « Haftar ira se battre partout où la terreur islamiste tentera de s’imposer ». Jusqu’à Misrata ou Tripoli ? « Partout où le danger islamiste existe », insistent-ils en chœur. Et l’un des protagonistes de se lancer dans une diatribe surprenante : « Haftar va libérer Sarraj ! Car il est, comme son gouvernement d’union nationale, pris en otage par les milices islamistes. Sarraj n’est pas
Des soldats de l’ANL patrouillant à Sebha, principale ville du Sud-Ouest, le 6 février.
AFPTV/AFP
maître chez lui, il ne peut pas faire un pas dans la capitale sans l’accord des islamistes. Ça, la communauté internationale commence enfin à le comprendre… »
Plan marketing
L’opération militaire dans le Fezzan s’accompagne ainsi d’un vaste plan marketing. On le reconnaît sans trop rechigner : « Dès que le Sud sera pacifié, tout comme l’a été Benghazi, qui pourra encore dire qu’il y a un problème Haftar, alors qu’il est la seule solution crédible pour la Libye, les Libyens et pour vous aussi d’ailleurs ? » Là encore, l’équation apparaît d’une simplicité enfantine : « En remettant de l’ordre dans le Fezzan, Haftar va à la fois verrouiller les routes migratoires, et anéantir Daesh et Al-Qaïda. Que voulez-vous de plus ? » Que le maréchal Haftar parvienne peut-être à se forger sa légitimité ailleurs que sur les champs de bataille? La
Argument couperet
CALENDRIER ÉLECTORAL INCERTAIN Sous l’impulsion d’Emmanuel Macron, qui avait réuni, en mai 2018, à Paris, Fayez al-Sarraj et Khalifa Haftar, une première date pour des élections générales libyennes avait été
fixée au 10 décembre 2018. Face aux obstacles juridiques et sécuritaires, la conférence de Palerme, en novembre, repousse les échéances à la fin du printemps. Ce calendrier n’ayant pas
remarque n’inspire que des grimaces chez les uns et les autres. « Les urnes, les négociations, on a vu ce que cela a donné, résume un pro-Haftar. La Libye n’est pas prête, il lui faut un leader. » Quitte à prendre le risque de replonger le pays dans une forme de totalitarisme. Une hypothèse récusée par l’entourage du maréchal. « Ceux qui parlent de dictature, comme vous, ne savent pas de quoi il s’agit », s’emporte un intervenant. Son voisin de table explique : « Haftar est un libérateur, pas un dictateur. C’est comme de Gaulle. Est-ce que de Gaulle était un dictateur ? » Le troisième acquiesce et formule, plus calmement, sa vision de l’avenir de la Libye: « Cela ne sert à rien de parler d’élections actuellement. On a voulu aller trop vite en 2011 et en 2012. Nous avons perdu huit ans en discussions stériles en voulant faire plaisir à tout le monde, même aux terroristes ! Il faut reprendre les choses là où elles étaient à ce moment-là et faire ce qui n’a pas été fait. Rebâtir un État fort et désarmer les milices. Seul Haftar peut le faire. Pas l’ONU. Pas l’Europe. Pas les Américains. La Libye pacifiée, il quittera le pouvoir sans problème. »
davantage de chances d’être respecté, les élections présidentielle et législatives libyennes ont finalement été fixées, à l’issue du sommet de l’UA en février, à octobre 2019. JIHÂD GILLON
Croix de bois, croix de fer… Et qu’importe si l’approche semble contraire aux aspirations exprimées par les révolutionnaires de 2011. Une réserve irrecevable ou qui, en tout cas, ne tient plus pour les proches du maréchal, lesquels font valoir leur pragmatisme : « Qui est ce Libyen qui ne veut pas d’un retour à l’ordre et des bienfaits qu’il en tirera ? Qui est-il, sinon un islamiste qui veut imposer son califat ? » Réponse couperet, argument imparable qui nie la légitimité des Libyens ayant foi dans le consensus politique – aussi tortueux, fragile et polémique soit-il – plutôt que dans le coup de force permanent. La question de la légitimité démocratique, faussement candide, amuse franchement dans le fief de Haftar, au point de provoquer quelques éclats de rire. Nul salut sans le maréchal, on l’aura compris. Il n’empêche que dans les environs de Misrata ou de Tripoli, islamistes ou non, ils sont encore nombreux à vouloir transformer le parcours de ce « sauveur » en un long et douloureux chemin de croix. Eux n’ont franchement pas envie de rire.
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CÔTE D’IVOIRE Demain l'émergence industielle
P
lus que jamais l’objectif de conduire la Côte d’ivoire à l’émergence est une priorité. Après le développement des infrastructures, des transports et les diverses réformes faites sur le plan de la santé et de l’éducation, la Côte d’Ivoire entre dans une nouvelle phase, celle de l’industrialisation. Un chantier ambitieux.
Huitième puissance industrielle du continent
Incontournable agro-industrie
Q Poste d'embouteillage de l'usine Castel.
Car c’est bien dans la transformation de ses ressources naturelles que se situe l’avenir industriel proche de la Côte d’Ivoire. Comme l’affirme le président Alassane Ouattara, « pourquoi ambitionner d’être un pays industrialisé, si nous ne pouvons pas nousmême créer de la valeur ajoutée sur nos produits exportés ? ». Déjà incontournable, l’agro-industrie pèse à elle seule 75 % du secteur manufacturier. Évoquons la transformation du cacao, lancée dès les premières années de la république ivoirienne et qui pèse aujourd’hui très lourd dans l’économie du pays.En 2018,580 000 tonnes
© JACQUES TORREGANO/DIVERGENCE
En s’appuyant sur ses réussites passées, la Côte d’Ivoire est aujourd’hui la huitième puissance industrielle d’Afrique, au même niveau que le Cameroun.Le secteur industriel contribue à hauteur de 27 % au PIB ivoirien et pour un peu plus de 40 % des exportations du pays chaque année. Pourtant, il pèse encore peu en termes d’emplois, puisqu’il embauche à peine 11 % de la main d’œuvre ivoirienne contre 49 % dans l’agriculture et 39 % pour les services. Sa contribution est également minime en termes de création d’entreprises. Alors qu’elle a progressé de 14 % en 2018, tous secteurs confondus, elle continue de plafonner autour de 1 % dans les filières industrielles et manufacturières.
Et c’est justement pour accélérer le rythme que les pouvoirs publics ivoiriens ont inscrit le développement industriel du pays au premier rang de leurs priorités, en s’appuyant sur ses atouts : un potentiel énergétique important, une force de travail jeune et avide d’apprendre, un cadre réglementaire et institutionnel favorable aux investissements directs étrangers (IDE), sans oublier l’abondance et la diversité des matières premières disponibles.
Q Usine de transformation du cacao ChocoIvoire à San-Pédro.
COMMUNIQUÉ
de fèves, sur les 2 millions produites lors de la campagne, ont subi une première transformation à l’échelle locale,soit 29 % des volumes exportés.Un résultat en hausse - qui bénéficie de la création de nouvelles unités de transformation,aujourd’hui au nombre de 13 et regroupées sur les zones industrielles d’Abidjan et de San Pedro, mais qui reste encore bien loin de l’objectif de 50 % affiché en la matière par le PND, d’ici deux ans.
Objectif anacarde La volonté des pouvoirs publics ivoiriens de voir transformer sur place leurs ressources naturelles, ne concerne pas que le cacao. L’anacarde est également au cœur de toutes les attentions et le projet de promotion de la compétitivité de la chaîne de valeur de l’anacarde (PPCA), créé en 2018 et doté d’un budget de 200 millions de dollars sur 5 ans, doit aider les petits producteurs à transformer eux-mêmes leurs noix de cajou. Un enjeu important pour le pays, puisque sa troisième filière d’exportation est un facteur important d’emplois et de développement économique dans le Nord du pays. L’objectif est de transformer 50 % des 800 000 tonnes de noix récoltées chaque année à l’horizon
30 %
le taux d’industrialisation de la Côte d’Ivoire à l’horizon 2020 selon le PND, contre 27 % actuellement.
63 %
la part, estimée en 2018, du secteur industriel ivoirien dans celui de l’UEMOA.
87 %
des entreprises du secteur industriel ivoirien sont des PME et PMI.
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rang de la Côte d’Ivoire comme exportateur agro-industriel en Afrique.
Destination Ivoire Mais l’industrialisation de la Côte d’Ivoire ne concerne pas que l’agriculture. Le pays a également de grandes ambitions pour développer une réelle industrie touristique, facteur de richesse et de rééquilibrage entre les différents territoires. La Côte d’Ivoire a encore beaucoup à faire mais dispose de nombreux atouts pour devenir une destination recherchée. C’est déjà le cas sur le secteur du tourisme d’affaires. Membre du Top dix en 2018 des villes africaines connaissant le plus fort développement hôtelier, Abidjan va recevoir un parc des expositions tout neuf,construit à proximité de l’aéroport.Mais le plan Sublime Côte d’Ivoire, publié fin 2018, s’intéresse surtout au créneau du loisir et prévoit un investissement global de 3 200 milliards de F CFA pour porter la fréquentation touristique à 5 millions de visiteurs en 2025, contre moins de 3,5millions actuellement. En plus de faire venir les grandes chaînes internationales
e
rang de la Côte d’Ivoire comme destination touristique en Afrique.
dans la capitale économique, cette stratégie vise surtout à investir en dehors d’Abidjan, notamment le long d’un littoral qui reste largement à valoriser.
type. Plusieurs installations similaires sont également annoncées à travers le pays, de Bouaké à San-Pédro, en passant par Korhogo, Bondoukou, Séguéla ou encore Yamoussoukro, pour que le pays puisse disposer à terme d’un réseau sur l’ensemble de son territoire et ainsi poursuivre son rêve de devenir l’une des puissances industrielles de l’Afrique de demain.
L’atout de la diversité Désormais puissance énergétique régionale grâce au barrage géant de Soubré, opérationnel depuis fin 2017, la Côte d’Ivoire dispose des ressources électriques nécessaires pour accompagner le dynamisme du secteur manufacturier, dans la foulée de l’économie numérique, avec ses effets d’entraînement sur les autres secteurs ivoiriens. Pour mieux anticiper, la Côte d’Ivoire équipe ses principaux centres urbains de zones industrielles modernes et bien connectées avec le reste du pays. C’est le cas dans la capitale économique d’Abidjan qui s’attend à réceptionner quatre zones de ce
© JACQUES TORREGANO/DIVERGENCE
2020. Comme cela est déjà le cas dans le coton, alors que la quasi-totalité des volumes d’huile de palme et de caoutchouc sont désormais valorisés avant exportation.
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« Le PND 2016-2020 a pour ambition de réaliser l’émergence de la Côte d’Ivoire avec une base industrielle solide. » ALASSANE OUATTARA
DIFCOM/JAMG- © SUIVANT MENTION
e
GETTY IMAGES
Têtes d’affiche / Stratégie / Affaires déclassées / Débats
FINANCE
La guerre des assureurs aura bien lieu JOËL TÉ-LÉSSIA ASSOKO, envoyé spécial à Tunis
U
n grognement sourd. Des gestes d’exaspération. Quelques regards irrités, puis un long silence gêné. C’est ainsi que, dans la salle de conférences de l’hôtel Laico, à Tunis – où se tenait la 43e AG de la Fédération des sociétés d’assurances de droit national africaines (Fanaf ) –, s’est achevée, le 18 février, une certaine époque du secteur de l’assurance en Afrique francophone. En dix minutes à peine, Issofa Nchare, le secrétaire général de la Conférence interafricaine des marchés d’assurance (Cima) a étouffé les derniers espoirs de ceux qui, parmi les 1 200 assureurs, courtiers et financiers réunis à cette occasion,
espéraient un report de l’application du nouveau seuil de capital minimum dans les quatorze pays de la zone (tous francophones à l’exception de la Guinée équatoriale). Le triplement de ce seuil à 3 milliards de F CFA (4,6 millions d’euros) a été décidé en 2016 par le Conseil des ministres de la Cima pour, officiellement, encourager le regroupement des acteurs sur un marché jugé trop fragmenté pour croître et être efficace. Vigoureusement contestée depuis, cette mesure entrera pourtant bel et bien en vigueur le 31 mai. « Lorsqu’une loi a été votée, il faut l’appliquer », insiste Issofa Nchare. Mieux : des missions d’inspection des assureurs auront lieu dès le
TOP 5 DES ASSUREURS DE LA ZONE CIMA (fin 2017) Valeur de prime émise, en millions de F CFA Nombre de filiales
SAHAM
17
SUNU
16
NSIA
16
ALLIANZ
12
AXA
5
153 378 146 929 119 080 110 970 62 413
LES PRINCIPAUX MARCHÉS D’ASSURANCE DE LA ZONE CIMA (selon les primes émises en 2017)
Autres 21,5 %
Côte d’Ivoire 26,3 %
Rwanda 4,7 % Congo 4,8 % Burkina Faso 6% Gabon 7,9 %
Cameroun 15,8 % Sénégal 13 %
jeuneafrique no 3036 du 17 au 23 mars 2019
SOURCE : ATLAS MAGAZINE
Le relèvement du capital minimum va redistribuer les cartes du secteur en Afrique subsaharienne francophone. JA passe au crible les forces en présence.
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Économie FINANCE
MON ASSUREUR, CE ROBOT Opérationnelle en Europe et en Amérique du Nord, l’automatisation des métiers de l’assurance est imminente en Afrique francophone. « La digitalisation des processus et l’application d’outils intelligents vont transformer la distribution, mais également la gestion des souscriptions, des contrats et des sinistres ainsi que les relations entre les compagnies », explique Pierre Pilorge, associé de EY. Des assureurs africains s’y préparent déjà, à l’instar de l’ivoirien NSIA, qui harmonise la saisie des données en vue d’une automatisation des souscriptions. Selon Nadège Seka Touré, DG de NSIA Vie à Abidjan, les producteurs (chargés de saisir manuellement les polices) et les comptables seront les plus affectés, contrairement aux logisticiens et aux « marketeurs » (acquisition et fidélisation des clients), qui sont désormais plus en vogue. J.T-L.A.
mois de juin, suivies à la mi-juillet d’une session extraordinaire de la Commission régionale de contrôle des assurances. Tout l’éventail de sanctions – retrait de licences, mise sous administration provisoire et cession du portefeuille de polices d’assurance – pourra être utilisé envers les récalcitrants, a indiqué Issofa Nchare à Jeune Afrique. Le dirigeant camerounais se veut toutefois rassurant : « La réglementation est en train d’être appliquée, et plus de 50 % des sociétés sont à plus de 3 milliards de F CFA. La tendance devrait aller croissant. » Cet enthousiasme est loin d’être partagé par tous les acteurs du métier. « Il est possible d’atteindre ce taux de 50 %, si l’on inclut toutes les filiales des grands groupes de la zone tels que NSIA, Saham, Sunu, Axa et Allianz [voir infographies p. 59]. Je ne suis pas sûr que ce soit vrai pour toutes les autres entreprises », explique le manager d’un des leaders du secteur au Burkina. Sur plus de 180 assureurs de la zone Cima, une centaine seulement ont réalisé, en 2017, un chiffre d’affaires supérieur à 3 milliards de F CFA. Un tel volume de primes émises est jugé, par plusieurs observateurs, comme le strict minimum pour justifier l’immobilisation des ressources requises par la nouvelle réglementation. Une trentaine de ces sociétés n’atteint même pas 1 milliard de F CFA de primes émises par an, soit le capital minimum en vigueur depuis 2010… Tous les acteurs du secteur s’accordent sur un point : cette réforme devrait davantage chambouler l’industrie de l’assurance en Afrique subsaharienne francophone que le relèvement de 2010, après lequel le nombre d’assureurs a augmenté… Mais cui bono ?
Une aubaine pour les acteurs nord-africains ?
Pour nombre de professionnels, la réponse est évidente. La hausse du capital minimum profitera aux acteurs nord-africains. Difficile d’exclure cette interprétation. Passé sous pavillon sud-africain en 2018, après son rachat par le colosse de Belleville
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(près de Cape Town) Sanlam, Saham a longtemps été le porte-étendard des assureurs marocains au sud du Sahara. En moins de dix ans et après le rachat des filiales du français Colina, le groupe fondé par Moulay Hafid Elalamy s’est imposé comme le premier acteur de la zone Cima, avec 17 filiales et un chiffre d’affaires de 153 milliards de F CFA dans la zone. Il est à noter que la délégation de Saham, avec pas moins de trente managers, dont Nadia Fettah, directrice générale de Saham Finance, et Raymond Farhat, administrateur du groupe, était l’une des plus importantes aux assises de Tunis. Parmi les signes les plus clairs des ambitions subsahariennes de Saham figurent son raid (en suspens) au capital de son rival régional Sunu, dont il a acquis subrepticement 21 % du capital en 2017, mais aussi la création de trois filiales d’assurance-vie au Burkina Faso, au Togo et au Gabon ces dernières années. D’autres acteurs marocains pourraient également profiter de l’aubaine. Parmi eux, Wafa Assurance. Cette filiale du groupe bancaire Attijariwafa, présent lui dans huit pays d’Afrique subsaharienne, est déjà active au Sénégal, au Cameroun et en Côte d’Ivoire. Dans ces deux derniers pays, ses activités ont démarré fin 2016, soit après l’annonce du relèvement du capital minimum.
À lire dans Le géant allemand Allianz conserve sa filiale sénégalaise (ici, son siège à Dakar).
9 milliards de F CFA de primes en 2017). « Le besoin crée l’organe. Mais on est aujourd’hui dans des solutions de survie face à cette hausse », déplore le manager ivoirien.
YOURI LENQUETTE POUR JA
Des exigences de rentabilité élevées
Par ailleurs, cette même année, Attijariwafa Bank et son actionnaire de référence Al Mada (ex-SNI, le holding détenu par la famille royale) ont formé « une alliance dans les métiers de l’assurance en devenant coactionnaires à parts égales de Wafa Assurance ». Cependant, et malgré les certitudes de plusieurs opérateurs interrogés par Jeune Afrique, il n’est pas évident d’identifier d’emblée qui profitera de la réforme. D’abord parce que plusieurs « petits » acteurs locaux entendent bien résister. C’est le cas de la Sénégalaise de l’assurance-vie, dirigée par Mamadou Faye, qui, avec 1,8 milliard de F CFA de primes émises en 2017, espère bien boucler bientôt une levée de fonds auprès de ses actionnaires, principalement des institutions financières locales. C’est aussi l’ambition de Joseph Yapo Mancambou, de La Loyale Vie (11e en Côte d’Ivoire, avec
SUR PLUS DE 180 ASSUREURS DE LA ZONE CIMA, UNE CENTAINE SEULEMENT ONT RÉALISÉ, EN 2017, UN CHIFFRE D’AFFAIRES SUPÉRIEUR À 3 MILLIARDS DE F CFA.
La résistance – ou « l’entêtement », c’est selon – des assureurs locaux complique également l’équation pour d’autres bénéficiaires supposés de cette réforme : les capitalinvestisseurs. « À partir du moment où les actionnaires sont prêts à ouvrir le capital, beaucoup de capital-investisseurs seront intéressés pour accompagner les rapprochements et la consolidation attendue du secteur », avance Géraldine Mermoux, DG associée du groupe de conseil Finactu. Plusieurs étaient effectivement à l’AG de Tunis, comme Equator Capital Partners, dont le fonds ShoreCap III, doté de 62 millions de dollars, cible les services financiers en Afrique, et le leader panafricain AfricInvest, déjà au capital des assureurs burkinabè UAB et Sonar, via le holding Alpha West Africa. Mais l’accueil des propriétaires paraît pour l’instant des plus tièdes. Outre la résistance aux pertes de contrôle sur leurs sociétés, les assureurs africains sont également échaudés par les exigences de rentabilité des fonds de capital-investissement, qui réclament parfois 12 % à 15 %, voire plus, de rendement moyen par an. Or le rendement des placements financiers des assureurs de la zone Cima était de seulement 7,5 % en 2016, selon les données du régulateur. Si le résultat net d’exploitation moyen était en hausse de 23,8 %, à 68,2 milliards de F CFA en 2016, son évolution est particulièrement erratique, alternant années d’euphorie et brusques chutes. « Lorsqu’on est sur un marché qui progresse de 11 % par an [le volume de primes émises sur toute l’Afrique était en hausse de 12,3 % en 2017], il y a de la marge. Surtout, il
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Plus que de l’actualité business, de l’intelligence économique
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Économie FINANCE
ISSOFA NCHARE, L’ARBITRE DU SECTEUR
Le haut fonctionnaire camerounais occupe depuis janvier 2016 le poste influent de secrétaire général de la Conférence interafricaine des marchés d’assurance (Cima). Il est par ailleurs membre ex officio de la Commission régionale de contrôle des assurances (CRCA), qui décidera du sort des sociétés n’ayant pas atteint le nouveau capital minimum. S’il siège sans voix délibérative à cette commission – présidée par l’Ivoirien Bedi Gnagne – la déférence et les attentions qu’il reçoit laissent peu de doutes sur son rôle d’arbitre du marché africain des assurances. J.T-L.A.
y a des investissements qui nous attendent, de sorte que plus on aura de fonds propres, mieux ce sera », veut néanmoins croire Adama Ndiaye, président de la Fanaf.
Une consolidation du marché de gré ou de force
Le sujet de la rentabilité préoccupe aussi les groupes internationaux, souvent peu flexibles sur leurs exigences de rendement des fonds propres. « Il faut intégrer dès maintenant la prochaine augmentation du seuil de capital social, qui est attendu à 5 milliards de F CFA en 2021. Ce sont donc 3 à 4 milliards de F CFA qu’il faut budgétiser par filiale ! » relève le conseiller financier Afrique de l’Ouest d’un des leaders mondiaux de l’assurance. C’est cet argument qui, selon nos informations, a convaincu l’allemand Allianz de céder plusieurs de ses filiales africaines au groupe Sunu, de Pathé Dione (lire ci-dessous). Le numéro deux mondial, AXA, est le plus petit des acteurs régionaux dans la zone Cima. Les ambitions du français dans la sous-région sont difficiles à cerner. Fin 2017, il a annoncé vouloir « réduire et rationaliser son empreinte » dans ses plus petites implantations, dont toutes ses filiales dans la zone, au profit d’un renforcement au Maroc, au Nigeria et en Égypte. Si aucune cession n’a encore eu lieu, une expansion en zone Cima à la faveur de la réforme du capital minimum paraît peut probable. Fin 2018, le groupe
dirigé par Thomas Buberl a relevé de deux points, de 12-14 % à 14-16 %, son objectif de rentabilité courante de ses fonds propres d’ici à 2020. La réforme crée en revanche une ouverture pour des groupes internationaux plus flexibles et à l’affût d’opportunités africaines depuis des années. C’est le cas du britannique Prudential, qui a annoncé le 13 mars le rachat de Group Beneficial, présent au Cameroun, en Côte d’Ivoire et au Togo, avec environ 30 milliards de F CFA de revenus en 2017. Le coup réussi par Pathé Dione avec Allianz fera-t-il des émules parmi ses homologues africains ? Du côté de NSIA, fondé par Jean Kacou Diagou, le scénario laisse perplexe. Un haut cadre du groupe ivoirien, interrogé par Jeune Afrique, pointe les vertus du rachat de plusieurs sociétés d’un seul coup, avec un seul interlocuteur, évitant ainsi la multiplication des due diligences. « Mais nous n’avons pas vraiment de fonds, actuellement, pour de telles opérations », élude notre interlocuteur. Au sujet des assureurs mono-pays incapables de trouver des capitaux supplémentaires, il ajoute, impavide : « Pourquoi se presser, ils vont mourir de toute façon. » Autrement dit : la consolidation du secteur se fera soit par la négociation, soit par la reprise des portefeuilles de polices d’assurance des sociétés sanctionnées par le régulateur. À dix semaines de l’échéance du 31 mai, la guerre pour les assurances de la zone Cima ne fait que commencer.
SUNU RACHÈTE CINQ FILIALES DU GROUPE ALLIANZ Le rachat des filiales du groupe allemand Allianz (Bénin, Burkina, Mali, Togo et Centrafrique) par l’assureur panafricain Sunu a obtenu l’aval du régulateur régional il y a quelques semaines. L’opération hardiment négociée permet à Pathé Dione, fondateur de Sunu, de mettre la main
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sur des entreprises en bonne forme. Les ex-filiales non-vie d’Allianz affichent une bonne rentabilité, avec un taux de résultat d’exploitation sur chiffre d’affaires solide en Centrafrique (24,8 % en 2017), au Burkina Faso (20,9 %) et au Mali (12,8 %). Particulièrement convoitées par l’assureur
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sénégalais, les filiales vie et non-vie (incendie, accidents et risques divers : IARD) d’Allianz à Ouagadougou devraient permettre à Sunu de se glisser dans le top 3, dominé aujourd’hui par le groupe Sonar, Saham et l’Union des assurances du Burkina. La fusionabsorption de ces deux
entreprises s’annonce toutefois délicate, notamment si elle devait impliquer une dilution du capital détenu par ses partenaires locaux. Sunu Assurances IARD Burkina Faso est la seule filiale du groupe dont l’assureur sénégalais n’est pas l’actionnaire majoritaire… J.T-L.A.
TÊTES D’AFFICHE
CATHERINE GESLAIN-LANÉELLE
QU DONGYU
Ministère chinois de l’Agriculture et des Affaires rurales
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Bataille pour la FAO
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pays en développement, premiers bénéficiaires de l’action de la FAO. Enfin, Qu Dongyu bénéficierait du soutien de l’actuel directeur général, le Brésilien José Graziano da Silva, bien que ce dernier soit en théorie tenu à l’obligation de neutralité. Catherine Geslain-Lanéelle (55 ans), actuelle déléguée ministérielle auprès du ministre de l’Agriculture français, ne part cependant pas battue. Elle s’est déclarée la première, dès juillet 2018, et bénéficie du soutien des 27 pays de l’Union européenne, qui ont pour la première fois choisi de présenter un unique candidat. Des États qui financent plus de 40 % du budget de la FAO… Enfin, à l’heure où toutes les organisations internationales cherchent à se féminiser, Mme Geslain-Lanéelle est la première femme à briguer ce poste. Contrairement à l’Inde, qui a déjà eu un DG à la FAO en la personne de Binay Ranjan Sen (1956-1967), ni la Chine ni la France n’ont jamais eu de représentant à cette fonction. Verdict fin juin, à Rome.
epuis le 1er mars, l’ensemble des candidatures au poste de directeur général de la FAO sont connues. Une élection qui verra s’affronter le Camerounais Médi Moungui, l’Indien Ramesh Chand, le Chinois Qu Dongyu, la Française Catherine Geslain-Lanéelle et le Géorgien Davit Kirvalidze. Le candidat africain, deuxième conseiller à l’ambassade du Cameroun en Italie, souffre d’un déficit de notoriété qui sera difficile à combler d’ici à l’élection, prévue dans quatre mois. Face à lui, deux candidatures se détachent : la chinoise et la française. D’un côté, Qu Dongyu (55 ans), vice-ministre chinois de l’Agriculture et des Affaires rurales, a pour lui de représenter le pays le plus peuplé du monde et la deuxième économie mondiale. Or, depuis la mystérieuse disparition en Chine le 25 septembre 2018 du président d’Interpol, Meng Hongwei, l’empire du Milieu ne possède plus de ressortissant à la tête d’une organisation internationale. Autre atout, depuis 1956, ce poste est occupé par des représentants de
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Ministère français de l’Agriculture
JULIEN WAGNER
LOTFI DEBBABI Société tunisienne de banque Diplômé de la faculté des sciences économiques et de gestion de Tunis El Manar, et titulaire d’un MBA de l’université du Québec à Montréal, ce Tunisien vient d’être nommé DG de la STB. Il était jusqu’ici directeur central chargé de la gestion du réseau, des opérations commerciales et de la qualité du service de la banque.
AHMADOU BAKAYOKO Eranove Ce polytechnicien ivoirien, également diplômé de Télécom ParisTech, a commencé sa carrière chez Viventures Partners. Ex-DG de la RTI, passé par Capgemini et Canal+, il est nommé directeur des opérations d’Eranove. En parallèle, le groupe français vient de le nommer DG de la Compagnie ivoirienne d’électricité.
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ISSAM ZEJLY - TRUTHBIRD MEDIAS
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ON EN PARLE
HUMPHREY NWUGO Afreximbank Arrivé en 2010 chez Afreximbank, ce Nigérian devient directeur pour l’Afrique australe, un poste qu’il occupait par intérim depuis février 2018. Diplômé de l’université de Calabar et titulaire d’un MBA de l’université de Leicester, au Royaume-Uni, il a œuvré au sein de Citizens International Bank, Zenith Bank Plc et Intercontinental Bank. jeuneafrique no 3036 du 17 au 23 mars 2019
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Économie
STRATÉGIE
BTP Le sénégalais Arezki trace sa route loin de Dakar
AMADOU OURY DIALLO, à Dakar
ormis les professionnels du BTP, peu de Sénégalais connaissent l’existence du groupe Arezki. Créé en 1962 par Mahmoud Arezki, mécanicien algérien venu s’installer au Sénégal avant l’indépendance, il fait pourtant partie des trois plus grands acteurs du secteur, aux côtés de la Compagnie sahélienne d’entreprises et du Consortium d’entreprises. L’explication tient au fait que ce spécialiste de la construction de routes intervient, pour l’essentiel, dans les parties orientale et méridionale du Sénégal ainsi qu’en Gambie et en Guinée-Bissau. Pourquoi un tel choix ? « Travailler à Dakar n’est pas rentable, il y a trop de circulation », explique le fils du fondateur Tarek Arezki, patron du groupe familial dont il est actionnaire avec ses frères et sœur Ziad, Ahmed et Yousra. De Tambacounda à Ziguinchor en passant par Kolda, et de Bissau à Banjul, l’essentiel des travaux publics, routiers et autres ouvrages d’art porte l’empreinte de l’entreprise qui a réalisé 80 milliards de F CFA (122 millions d’euros) de chiffre d’affaires en 2018. Parmi ses réalisations : la réhabilitation de la route nationale Tambacounda-Kidira-Bakel, comportant deux tronçons (65 milliards DR
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de F CFA financés par les Fonds saoudien et koweïtien de développement et l’État du Sénégal), les travaux d’entretien des routes dans les régions de Ziguinchor, Kolda et Sédhiou (52 millions de dollars via le Fonds d’entretien routier sénégalais), la construction et la réhabilitation des voiries urbaines de Bissau pour près de 63 millions de dollars financés par la BOAD, la réhabilitation des aires de stationnement avion de l’aéroport international de Bissau et de celui de Banjul. L’autre facteur expliquant le choix d’œuvrer dans l’est et le sud-est du pays tient à la présence de carrières de basalte, matière première essentielle à la construction des routes. « Nous détenons nos propres carrières, c’est le secret de notre compétitivité », confie le patron, toujours sur le terrain entre Dakar, Bissau et Banjul. Les deux carrières, situées au Sénégal et en Guinée-Bissau, produisent, en moyenne, 500000 t de pierres par an. Du fait de la croissance du secteur de la construction et de la multiplication des grands chantiers, le pays est confronté à une pénurie de pierres. Un avantage décisif lors de la réalisation du pont transgambien. « En tant que leader du groupement chargé du projet, l’espagnol Corsan, avant sa faillite, réalisait pour 500 000 euros de
Un carnet de commandes de près de 600 millions de dollars
Le groupe s’est installé dans le pays en 1995 en acquérant les infrastructures de la filiale du koweïtien CCC, puis s’est renforcé en 2001 en mettant la main sur les chantiers navals de Guinée-Bissau, et en 2006 sur la filiale de l’italien Astaldi. La même stratégie d’absorption a été répliquée en Gambie où il est présent depuis les années 1970. Mais ce n’est qu’en 2013 qu’il y a ouvert une filiale. La même année, Arezki a pris le contrôle de la filiale du groupe néerlandais Ballast Nedam. C’est l’année suivante que le groupe s’est lancé dans l’exécution de grands chantiers d’infrastructures. Discret sur les projets à venir, le PDG se borne à rappeler que son groupe dispose d’un carnet de commandes de près de 600 millions de dollars jusqu’en 2020.
Œuvre de l’entreprise, le pont Sénégambie, qui mesure 1758 mètres et traverse le fleuve Gambie, a été inauguré le 21 janvier, après quatre ans de travaux.
SYLVAIN CHERKAOUI POUR JA
Fort de ses carrières, le groupe s’est imposé dans la construction de ponts et d’infrastructures routières dans le sud et l’est du pays.
travaux par mois. Quand nous avons pris la direction du projet, nous avons facturé 2,5 millions d’euros par mois. Cela veut dire que nous avons travaillé cinq fois plus vite, notamment grâce à notre capacité à nous fournir en pierres », explique le dirigeant. Résultat, le 21 janvier, l’entreprise a eu droit à son quart d’heure de gloire, à l’occasion de l’inauguration du pont Sénégambie, (60 millions d’euros), bâti en quatre ans et dont les premières ébauches remontaient aux années 1970. Désormais, Ziguinchor est à six heures de Dakar contre plus de douze heures auparavant. L’entreprise a aussi participé, comme sous-traitant, à la réalisation des ponts de São Vicente (670 m) et de Joâo Landim (720 m) en Guinée-Bissau.
Industrie Peugeot prêt à démarrer au Maroc Les usines de Kenitra et d’Oran doivent permettre à PSA de doubler ses ventes en Afrique. La première va être inaugurée, la seconde cumule les retards. CHRISTOPHE LE BEC
e Portugais Carlos Tavares, patron de PSA, peut jubiler. Cinq ans après être arrivé aux commandes du groupe français, en plein marasme, et dix-huit mois après avoir repris les marques Opel et Vauxhall, mal en point, le transfuge de Renault a présenté le 26 février d’excellents résultats. Le constructeur, qui détient désormais cinq marques – Peugeot, Citroën, DS, Opel et Vauxhall –, a vendu 3,9 millions de véhicules l’an passé, soit 6,8 % de plus qu’en 2017. Il affiche des revenus en hausse de 18,9 %, avec un résultat opérationnel qui a bondi de 43 % en un an, ce qui fait de PSA le « nouveau riche » du secteur automobile. Jean-Christophe Quémard, patron de la région Afrique-Moyen-Orient, a néanmoins connu une année difficile. Des ventes algériennes décevantes mais surtout le nouvel embargo américain sur l’Iran (443000 voitures en 2017) ont fait fondre de 53 % ses ventes sur la zone. PSA met en revanche en avant ses performances au Maroc, où il a fait progresser sa part de marché (11,5 %) de 1,7 point, ainsi qu’en Tunisie
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(15,8 %) et en Égypte. Mais il reste pénalisé par la réduction drastique de quotas d’importation en Algérie, jadis deuxième marché le plus important du continent. Ses ventes y resteront donc portion congrue tant que son usine locale d’assemblage n’aura pas démarré. Pour continuer sur sa lancée au Maroc, en Tunisie et en Égypte, redresser la barre en Algérie, et faire décoller les ventes – toujours faibles en dépit de la notoriété de Peugeot – au sud du Sahara, PSA met donc la priorité sur ses deux grands projets industriels au Maghreb: celui de Kenitra, au Maroc, qui doit fabriquer pas moins de 200000 voitures dès 2020; et celui de Tafraoui, à 35 km d’Oran, en Algérie, qui doit en assembler 75000.
Un investissement de 557 millions d’euros, 2 500 salariés
À Kenitra, l’usine (557 millions d’euros d’investissement), qui s’est vu confier la fabrication de la nouvelle 208, est sur de bons rails. Elle devrait lancer sa production commerciale en juin, probablement inaugurée à cette date par Mohammed VI en compagnie d’officiels français. « Les bâtiments sont terminés, et l’usine est fonctionnelle, nous sommes déjà en phase de test de fabrication », confie un ingénieur travaillant sur le démarrage de ses opérations logistiques. La même source indique que la quasi-totalité des salariés de l’usine – 2500 au total – ont été recrutés et sont en formation. Tournée avant tout vers l’exportation, en Europe, mais aussi progressivement vers les marchés de l’Afrique de l’Ouest et du reste du Maghreb, l’usine marocaine doit jouer un rôle clé pour
PSA
L’usine de Kenitra, au nord de Rabat, s’est vu confier la fabrication de la nouvelle 208. Pas moins de 200 000 voitures devraient en sortir dès 2020.
doubler les ventes de la région AfriqueMoyen-Orient entre 2018 et 2021. En Algérie, en revanche, le projet industriel (100 millions d’investissements prévus) a perdu beaucoup de temps, du fait de discussions s’éternisant avec les autorités, mais aussi d’un litige avec des agriculteurs refusant l’expropriation, ce qui a entraîné une délocalisation du projet à Tafraoui, à une vingtaine de kilomètres au sud du terrain initialement désigné. Si le permis de construire a bien été obtenu, la construction du bâtiment n’a à l’inverse pas encore débuté, ce qui repousse à la mi-2020 l’entrée en production de l’usine, qui, outre PSA (49 % des parts), compte également pour actionnaires les industriels privés CondorElectronics(15,5%)etPalpaPro (15,5 %) ainsi que l’entreprise nationale de PMO (20 %). Un démarrage retardé qui fait les affaires de Renault. Ce dernier, grâce à son usine d’Oran, s’était accaparé 62,8 % des ventes en 2017.
RENAULT SEUL MAÎTRE À BORD DE LA SOMACA
Le 12 mars, PSA a revendu à Renault ses 20 % de parts dans la Société marocaine de construction automobile (Somaca), fondée en 1959 à Casablanca, qui a assemblé les modèles Peugeot Partner et Berlingo jusqu’en 2010. Le groupe au losange, qui avait repris les parts de Fiat et de l’État en 2005, détient désormais 99 % du capital de l’usine, qui a dépassé les 75 000 véhicules assemblés par an (des Logan et Sandero). C.L.B.
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Économie STRATÉGIE
Agroalimentaire Engrais : le Nigeria redistribue les cartes JULIEN WAGNER, envoyé spécial à Marrakech
homas Etuh a réussi. En ce 7 décembre 2018, le puissant président du producteur d’engrais TAK Continental et de l’Association des producteurs et des fournisseurs de fertilisants du Nigeria (Fepsan) peut jubiler. La Banque centrale du Nigeria (CBN) vient en effet d’annoncer qu’elle ajoutait les engrais NPK (composite réunissant de l’azote, du phosphore et du potassium) à la liste des biens « non valides pour les opérations de change ». Autrement dit, il est désormais interdit d’importer ce type d’engrais dans le pays. Une mesure inédite au niveau mondial qui vient confirmer l’inclination protectionniste d’Abuja au moment où le continent cherche au contraire à intégrer ses différents marchés à travers la création de la Zlec. Les NPK sont pourtant le deuxième engrais le plus utilisé derrière l’urée dans l’agriculture nigériane. Ils représentent à eux seuls près de 25 % de la consommation annuelle ainsi que 50 % des engrais importés, selon la FAO. Cette interdiction vient en fait ponctuer une décennie de bouleversements dans le secteur des engrais nigérians. Il y a dix ans, le pays importait la quasi-totalité de sa consommation d’engrais. Il est aujourd’hui en passe d’en produire près de 75 %. En 2008, le groupe Notore Chemical Industries marquait de son empreinte le renouveau de la filière en acquérant pour 152 millions de dollars la National Fertilizer Company of Nigeria (Nafcon)
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etsonusined’engraisd’unecapacitéde 500000 tonnes. À l’arrêt depuis 1999, l’unité produit de l’urée, un fertilisant qui représente à lui seul près de 50 % de la consommation nigériane et qui peut rentrer dans la composition des NPK. Le calcul de Notore est alors assez simple. Le Nigeria possède de grandes réserves de gaz (intrant de base dans la production d’urée) sous-utilisé ou même torché, alors pourquoi ne pas y recourir pour fabriquer des fertilisants à bas prix? Une idée qui finit par faire des émules. L’indonéso-singapourien Indorama, présent au Nigeria depuis 2006danslesecteurpétrochimique,va suivre le modèle mais en investissant davantage encore. En 2013, il décide la construction d’une usine à Port Harcourt d’une capacité de 1,4 million de t (Mt) d’urée par an pour un investissement de 1,2 milliard de dollars. En fonctionnement depuis bientôt trois ans, elle verra sa capacité doubler à l’horizon 2021 pour 1,1 milliard supplémentaire. Rencontré à l’Argus Africa
INDORAMA
La décision de la Banque centrale d’interdire l’importation des NPK ravit les industriels locaux autant qu’elle menace les résultats de certains acteurs internationaux.
Fertilizer de Marrakech fin février, Mahesh Appat, directeur marketing chez Indorama Nigeria, ne cache pas ses ambitions: « Nous couvrons déjà la demande d’urée au Nigeria. Le reste, nous l’exportons, majoritairement en Amérique latine, et, pour plus de 15 %, en Afrique de l’Ouest. Mais notre intention est de devenir un acteur important dans la région et d’y exporter davantage. » Indorama est déjà présent dans la zone: il a racheté en 2014 les Industries chimiques du Sénégal. Flairant le filon, Dangote Group a suivi le mouvement et est en train d’achever, pour 2 milliards de dollars, sa propre unité de production d’urée à Lekki (Lagos) d’une capacité de 3 Mt par an. Son entrée en production,
DANGOTE : LA FIN DE L’ARLÉSIENNE ? Annoncée en 2016 pour la fin de 2017, puis en 2017 pour la fin de 2018, l’entrée en production de l’usine d’ammoniac et d’urée de Lekki de Dangote Group est désormais annoncée d’ici à « juin 2019 ». Une promesse que les spécialistes, échaudés,
accueillent avec prudence. D’après Mahesh Appat, directeur marketing d’Indorama Nigeria, dont l’une des usines pétrochimiques se trouve en face du chantier: « Les travaux seront bientôt achevés. » D’après une autre source travaillant avec un sous-traitant de
Dangote Group sur le projet, « l’usine est construite à près de 90 %. En revanche, la construction du gazoduc qui doit l’alimenter n’a même pas commencé. Dans ce contexte, je ne vois pas l’usine démarrer avant la fin de l’année. » J.W.
L’usine de Port Harcourt, dans laquelle Indorama a investi 1,2 milliard de dollars et qui produit 1,4 million de t d’urée par an, verra sa capacité doubler à l’horizon 2021 pour 1,1 milliard de dollars supplémentaires.
plusieurs fois repoussée (lire encadré ci-dessous), est annoncée « avant le mois de juin ». La consommation d’urée au Nigeria a beau ne pas excéder 800 000 t par an, l’investissement est perçu comme extrêmement rentable. Ainsi que l’explique un spécialiste du secteur : « Toutes ces entreprises ont négocié des accords avec la Nigerian National Petroleum Corporation (NNPC) pour acheter le mètre cube de gaz naturel à moins de 1 dollar… Leur urée est très compétitive sur le marché international. »
Le marocain OCP voit disparaître un marché important
Ces développements ont été accompagnés par le gouvernement fédéral. En décembre 2016, lors d’une visite de Mohammed VI au Nigeria, Thomas Etuh et Mostafa Terrab, président d’Office chérifien des phosphates, signaient un accord de partenariat afin que le second accompagne le premier dans « le développement des structures de mélanges (destinés à produire des NPK), de stockage et de transport ». Dans la foulée, Muhammadu Buhari lançait la Presidential Fertilizer Initiative (PFI), dont l’un des objectifs est l’autosuffisance en production de NPK. L’interdiction des importations en décembre dernier est venue
compléter ce grand projet. « Nous possédions plus d’une trentaine d’usines de mélange endormies, d’une capacité cumulée de près 2,5 Mt par an, mais incapables de concurrencer les grands producteurs internationaux. Résultat, nous importions quasiment 100 % de nos engrais NPK. L’idée de l’interdiction, c’est tout simplement d’encourager la production locale », explique à Jeune Afrique Gideon Negedu, secrétaire exécutif du Fepsan. D’après lui, « 22 mélangeurs ont déjà repris leur activité depuis l’an dernier et devraient subvenir sans aucun problème à nos besoins. » Avec la PFI, l’État nigérian, via le fonds souverain Nigeria Sovereign Investment Authority, s’est également arrogé pour trois ans le monopole de la production d’engrais en achetant directement les intrants et en utilisant lesmélangeurscommeprestataires.Ce système permet selon lui d’éviter de gonfler les marges des intermédiaires et de vendre in fine le sac de 50 kg aux agriculteurs nigérians pour moins de 6 000 nairas (14,80 euros). Ces derniers, qui ont vu le prix du sac d’engrais NPK diminuer de près de 30 % par rapport à 2016, ont tellement apprécié que la consommation d’engrais a augmenté de 50 % depuis (passant de 960 000 t à 1 564 000 t entre 2016 et
2017). Une manne qui avait alors bénéficié à OCP, fournisseur de près de près de 90 % du marché nigérian en NPK. Mais l’interdiction des importations va mettre fin à cette domination. Alors même que ses ventes de NPK (produit à Jorf Lasfar) en Afrique subsaharienne sont passées de 2,5 Mt en 2017 à 1,8 Mt en 2018, OCP voit l’un de ses principaux marchés africains pour cet engrais disparaître. Il ne pourra désormais vendre au Nigeria que du phosphate et du DAP (dérivé du phosphate), notamment à TAK Continental, son partenaire de longue date. Hasard ou coïncidence, OCP a annoncé début mars un investissement de 1,5 milliard de dollars au Nigeria pour la construction d’une usine et prévoit également d’y construire trois mélangeurs. Des engagements qui pourraient faire penser qu’Abuja a réussi son pari. Mais tout le monde ne partage pas cet avis. « Le coût de revient des NPK produits au Nigeria restera toujours supérieur à celui d’OCP, persifle un bon connaisseur du secteur également présent à l’Argus Africa Fertilizer. Sans compter qu’en Afrique subsaharienne l’Office pratique une politique de prix particulièrement agressive. Un jour ou l’autre, cette différence de prix, ce sera les fermiers nigérians qui la paieront… » Pour les industriels implantés au Nigeria, en revanche, « c’est le pactole assuré », confie un observateur avisé.
Agrobusiness : les marchés régionaux moteurs de compétitivité ? Un des thèmes majeurs de l’AFRICA CEO FORUM 2019
theafricaceoforum.com
KIGALI
25 et 26 mars 2019
jeuneafrique no 3036 du 17 au 23 mars 2019
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Économie STRATÉGIE
AFFAIRES DÉCLASSÉES Retour sur les sujets traités dans Jeune Afrique FINANCE Moulay M’hamed Elalamy pilote le nouveau holding de Saham
Quelques mois après avoir lancé la Digital Factory au sein de Saham Assurance, Moulay M’hamed Elalamy (JA no 2982) a dû laisser son bureau de DG à Christophe Buso, à la suite de la cession, en février 2018, de la compagnie au groupe sud-africain Sanlam. Le fils aîné de Moulay Hafid Elalamy gère depuis cette date, en tant que directeur général, le nouveau holding, Saham Management Company. Celui-ci chapeaute les cinq fonds thématiques lancés récemment: Saham Outsourcing Services Fund, Saham Media Fund, Saham Healthcare Fund, Saham Education Fund et Saham Real Estate Fund. La mission actuelle de Moulay M’hamed Elalamy ressemble à celle qui lui incombait au tout début de sa carrière quand il était chez Boston Consulting Group ou encore au sein de la société d’investissement Abraaj Capital. « Je fais le suivi des futures prises de participation et de la gestion du portefeuille du holding », nous explique-t-il. Son premier dossier, bouclé au mois de février, a été la fusion entre Saham et Bertelsmann, qui a donné naissance au géant de la gestion de la relation clients Majorel, présent dans vingt-sept pays.
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GRANDE DISTRIBUTION Un premier magasin Mr. Bricolage à Cocody En mars 2018, JA annonçait ouvert au printemps 2018 l’implantation prochaine du dans le quartier de Cocody, à premier magasin ivoirien de Abidjan, et recherche son futur l’enseigne Mr. Bricolage, un responsable de magasin. Déjà distributeur spécialisé dans le présent au Maroc, le réseau, bricolage, le jardinage, la qui compte 764 magasins décoration et l’aménagement dans le monde, a enregistré de l’habitat. C’est désormais un volume d’affaires de près chose faite. L’établissement de 2 milliards d’euros en 2018. de 1500 m2, dont La même année, il a entamé l’investissement total est un développement en Afrique estimé à 5 millions d’euros, a subsaharienne dont le pilotage est assuré par le groupe ivoirien Yeshi, propriétaire de l’enseigne d’outillage et de matériaux de construction Bernabé. L’ouverture d’une deuxième unité est prévue dans deux ou trois ans. jeuneafrique no 3036 du 17 au 23 mars 2019
BÉNIN Ajavon refuse de payer le fisc Fin janvier 2018, le Trésor béninois réévaluait à la hausse (236 millions d’euros) le redressement infligé à Sébastien Ajavon après la découverte d’irrégularités dans les comptes de trois de ses sociétés (JA no 2984). Selon des sources au sein de l’administration, le chef d’entreprise n’a à ce jour effectué aucun versement. En représailles, le fisc a fait procéder au blocage des comptes de ses entreprises et a saisi la Cour constitutionnelle. Dans une décision rendue le 31 juillet 2018, la haute juridiction n’a pas estimé, faute de décision judiciaire définitive, que Sébastien Ajavon refusait de s’acquitter de ses obligations fiscales. Surnommé le « roi du poulet », ce dernier, dont les affaires tournent désormais au ralenti, s’est exilé en France quelque temps avant d’être condamné en octobre dernier à vingt ans de prison pour trafic de cocaïne. Devenu président d’honneur de l’Union sociale libérale en mars 2018, il se présente aujourd’hui comme l’un des principaux opposants au président Talon.
COMMUNIQUÉ
AVIS D’EXPERTS
1-
Salim CHAOUI ROQI
CEO & Co-Owner Conso’System
2-
Jalil BENGELLOUN
CEO & Co-Owner Conso’System
1
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Un acteur africain incontournable des services de l’informatique haut de gamme En 10 ans, Conso’System est devenu un acteur africain incontournable et reconnu pour sa double expertise Métier et Technologique, accompagnant avec succès la transformation digitale. La data s’inscrit au cœur du développement économique des entreprises, il est nécessaire de la rendre intelligible. C’est ce défi que relève avec succès le cabinet de conseil Conso’System qui s’est vu décerner en février dernier le prix du meilleur partenaire SAP dans la région french Africa. « Une bonne stratégie de transformation IT trouvera sa réussite dans son intégration à l’entreprise, la rapidité de sa mise en œuvre et son efficacité » indique Salim Chaoui. « Les évolutions technologiques actuelles permettent un vrai changement du modèle économique notamment avec les solutions en mode cloud. Peu d’entreprises en saisissent encore tous les enjeux. » souligne Jalil Bengelloun.
CHIFFRES CLÉS • • • • •
117 projets réalisés avec SAP Des projets SAP réalisés dans 7 pays (Maroc, France, Dubaï, Cote d’Ivoire, Gabon, Togo, Bénin) 26 projets en Cloud 38 consultants SAP 9 années d’expérience en moyenne par consultants
Quels sont les enjeux et problématiques ? A qui s’adressent-ils ? Salim Chaoui Roqi : Dans un contexte de plus en plus concurrentiel, nos clients se doivent d’anticiper et d’agir toujours plus vite pour atteindre leurs objectifs. Nous accompagnons les directions financières des entreprises de toutes tailles et de tous secteurs d’activité dans leur transformation IT ou digitale pour optimiser leur performance financière et opérationnelle en automatisant leurs process de production. Grâce à nos expertises sur les solutions SAP et sur le métier nous cherchons à perfectionner la qualité des données de la comptabilité en passant par les reportings de consoli-
ACTIVITÉS ET DÉPLOIEMENT DES SOLUTIONS • • • •
Comptabilité – IFRS - Consolidation Élaboration Budgétaire – Costing - Trésorerie Intelligence Artificielle – Analyse Prédictive – Big Data Ressources Humaines et Gestion des Talents Digital – Gestion Documentaire
dation jusqu’à la publication des tableaux bords mobiles pour le top management et ce tout en respectant le volet normatif des IFRS.
Quelle est la valeur ajoutée de Conso’System pour ces entreprises? Jalil Bengelloun : Le savoir-faire de Conso’System tire profit des nouvelles technologies SAP pour une mise en place en quelques semaines de solutions de pilotage agiles et transverses. Les nouvelles solutions SAP sont de plus en plus « user friendly » et permettent d’accéder à l’information en temps réel. Nous pouvons délivrer sur la plateforme de nos clients ou en mode cloud des services sur mesure et selon les besoins : ERP, IA, Digital, Planification budgétaire… Nous réalisons des maquettes pour faire vivre à nos clients les bénéfices concrets de la solution SAP puis passons aux projets avec une approche itérative afin d’adopter plus rapidement ces changements. Le système digital n’a plus de limite.
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Économie
DÉBATS TRIBUNE
Trois axes de réformes pour plus d’unité et de croissance au Sénégal
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n dépit de la confusion qui a suivi le scrutin présidentiel du 24 février, marqué notamment par des accusations de manipulations de la part de l’opposition, Macky Sall signe une nette victoire en l’emportant avec 58,26 % des suffrages. Pour autant, il ne sort pas triomphant de cette élection révélatrice de fractures importantes au sein de la société sénégalaise. Cela engendre une situation paradoxale dans laquelle le vainqueur doit désormais mener une stratégie de reconquête de l’opinion alors même que les défis économiques et sociaux des cinq prochaines années demeurent titanesques. Dans ces circonstances, comment Macky Sall peut-il réussir, au sein d’un pays divergent, à bâtir de la convergence ? La réponse est simple, mais sa mise en œuvre nécessite à la fois courage politique et expertise dans le pilotage des politiques publiques afin d’opérer trois virages stratégiques.
de valeur dans lesquelles s’inscriront les PME sénégalaises. C’est à ce prix que la croissance du pays sera endogène, pérenne, inclusive et créatrice d’emplois. La phase 1 du Plan Sénégal émergent (PSE) était fondée sur une approche sectorielle, une priorité donnée aux grands projets et une logique d’investissements étrangers. L’enjeu pour les cinq prochaines années consiste d’une part à promouvoir une logique d’investissements endogènes (secteur privé national, fonds souverains et fonds de garantie, fiscalité, etc.) et d’autre part à renforcer l’efficacité et la cohérence des dispositifs nationaux censés accompagner l’essor du secteur privé national et la compétitivité des PME. Dans cette perspective, la mise en place d’une entité entièrement consacrée au pilotage et à l’exécution des projets et réformes en faveur des entreprises doit être envisagée.
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romouvoir le leadership de la jeunesse éformer en profondeur l’administrapour qu’elle occupe, aussi bien dans le Nicolas Simel tion pour qu’elle soit résolument au secteur public que dans le secteur privé, la Ndiaye service des populations et des entreprises. place qu’elle mérite dans la transformation Manager Strategy Longtemps centrée sur elle-même, celle-ci d’un pays dans lequel l’âge moyen est de & Operations doit désormais être orientée vers les usagers 19 ans et 81 % de la population a moins de Deloitte Consulting avec une segmentation par profil et l’ambi40 ans. Dans le cadre de la composition du tion de leur offrir des prestations de qualité prochain gouvernement, un signal fort serait dans tous les moments clés de leur vie : naisde confier cinq ou six ministères clés à des sance, décès, acquisition d’une maison, créajeunes leaders sur des thématiques autour tion d’une entreprise, etc. Il s’agit là d’un changement de de l’éducation, de la formation professionnelle, de l’emparadigme inédit. Cette réforme doit aussi avoir pour objecploi, de l’économie numérique et de l’entrepreneuriat ou tif une plus grande attention accordée au pilotage des poliencore du tourisme. De façon plus structurelle et dans la tiques publiques, à travers une refonte de l’architecture de perspective des prochaines élections législatives, une loi l’administration. Afin de gagner en agilité, le gouvernement volontariste et innovante sur l’alternance générationnelle doit par exemple envisager de scinder le ministère de l’Écopourrait être adoptée pour amener progressivement les nomie, des Finances et du Plan en deux entités distinctes, partis politiques à proposer 25 % à 35 % de candidats âgés l’une consacrée aux emplois et aux politiques publiques, de moins de 40 ans. Par ailleurs, le président Macky Sall l’autre cantonnée aux Finances et au Budget de l’État. doit envisager au cours des prochains mois une grande initiative en faveur de la promotion du leadership des jeunes ccompagner de façon cohérente, efficace et massive du Sénégal et de la diaspora. le secteur privé national en identifiant les domaines À travers ces trois axes prioritaires, Macky Sall pourstratégiques pour lesquels nous devons promouvoir des rait dans les cinq prochaines années réformer en profondeur champions nationaux ainsi que la structuration de chaînes le Sénégal et lui permettre de prendre un virage décisif.
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Dossier
GABRIEL DUSABE/URUGWIRO VILLAGE
Signature de l’accord lors du sommet extraordinaire de l’Union africaine, à Kigali, le 21 mars 2018.
INTÉGRATION
De la parole aux actes
Il y a un an, 49 États africains créaient une zone de libreéchange. Mais les nombreuses barrières réglementaires et logistiques freinent l’unification économique du continent. ALAIN FAUJAS
K
wame Nkrumah, le père d u p a na f ri c a n is m e, l’a écrit dans son livre L’Afrique doit s’unir (1963) : « L’unification totale de l’économie africaine à l’échelle continentale est le seul moyen qu’aient les États africains d’atteindre un niveau qui ressemble à celui des pays industrialisés. » Le président nigérien, Mahamadou Issoufou, chargé par ses pairs de les aider à concrétiser ce rêve qui hante l’Union africaine (UA) depuis 1991, donne la mesure du défi à relever : « Ces 84 000 km de frontières entre nos 55 pays sont 84 000 km d’obstacles à nos échanges entre nous. » Le 21 mars 2018, la première pierre de l’édifice est enfin posée avec la signature à Kigali par 49 pays de « l’accord portant création de la Zone de libre-échange continentale [Zlec] », dont les 80 pages entendent
organiser le plus grand espace de ce type au monde, fort de 1,2 milliard d’habitants et doté d’un PIB de quelque 3 000 milliards de dollars.
Offrir un accès à des marchés plus grands
L’enjeu est d’offrir aux entreprises l’accès à des marchés d’une taille bien plus grande que celle permise par la fragmentation des États issus de la colonisation afin qu’ils puissent se développer et créer les 20 ou 30 millions d’emplois exigés chaque année par l’arrivée de vagues de jeunes sur le marché du travail. Il s’agit également de faire passer les échanges intra-africains de 15 % à 25 % du commerce total du continent dans les dix ans, afin de le protéger de chocs
MARCHÉ UNIQUE
Le monde des affaires peut-il y croire ?
La Zone de libre-échange continentale se veut un puissant instrument de croissance, d’emploi et même d’industrialisation. À la veille de son entrée en vigueur, comment le secteur privé africain peut-il s’y préparer? jeuneafrique no 3036 du 17 au 23 mars 2019
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INTÉGRATION
IL S’AGIT DE FAIRE PASSER LES ÉCHANGES INTRAAFRICAINS DE 15 % À 25 % DU COMMERCE TOTAL DU CONTINENT DANS LES DIX ANS, AFIN DE LE PROTÉGER DE CHOCS EXTERNES. Inauguration de la zone franche de Djibouti (DIFTZ), en juillet 2018.
AFRIQUE DE L’EST
Surmonter les difficultés
La Communauté de l’Afrique de l’Est, zone la mieux intégrée du continent, connaît une croissance très rapide depuis dix ans. Mais l’union douanière tarde à être appliquée, et des divergences politiques apparaissent. Quelles sont les pistes de relance? 74
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externes dus à la volatilité des prix des matières premières, aux à-coups de la conjoncture mondiale ou aux variations brutales des taux de change. Pour y parvenir, il faudra rendre plus intéressant pour tous les Africains le fait d’acheter et de vendre à moindre coût chez les voisins. Ce qui suppose la suppression massive des droits de douane, l’allègement des procédures administratives et la réalisation d’infrastructures électriques, routières, ferroviaires, aériennes, numériques et financières sûres, commodes et au meilleur coût. Ce qui est de bon augure, c’est que cela commence à fonctionner dans plusieurs des huit communautés économiques régionales (CER) qui ont fleuri sur le continent. « Le rôle de ces communautés est de consolider à un niveau inférieur les politiques d’ouverture et de les harmoniser avant de le faire au niveau continental, explique Rodrigo Deiana, économiste au Centre de développement de l’OCDE. C’est ainsi que la Communauté de l’Afrique de l’Est [EAC] est devenue un territoire douanier unique où les marchandises ne font l’objet que d’un seul contrôle, ce qui a permis de réduire les temps de transit de moitié et les coûts d’acheminement de plus de 30 %. »
Où en est-on, un an après la signature de l’accord de Kigali? L’article 23 de celui-ci stipule qu’il entrera en vigueur « après le dépôt du 22e instrument de ratification ». Il manquerait donc la ratification de trois pays pour donner vie à la Zlec. Albert Muchanga, le commissaire de l’UA pour le commerce et l’industrie, a bon espoir que l’accord soit mis en œuvre en juillet 2019.
Hétérogénéité, craintes, risques et blocages
Ces atermoiements s’expliquent par l’ampleur de la tâche. L’hétérogénéité géographique, politique, économique et sociale du continent, les craintes face aux transferts de souveraineté indispensables pour réussir la Zlec, les pertes inévitables de recettes douanières qu’elle provoquera, les obstacles non tarifaires (règles phytosanitaires, paperasse, corruption), les risques de fragilisation des secteurs les moins concurrentiels suscitent des blocages, et pas seulement chez les gouvernants, comme le montrent, entre autres, quatre points très sensibles. « Pour profiter de la suppression des droits de douane, il faudra que les entreprises se soumettent à la règle d’origine, confirme Aruna Bineswaree Bolaky, économiste à la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), c’est-àdire qu’un produit devra être majoritairement fabriqué avec des intrants africains dans une proportion et
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INTÉGRATION
POUR L’INSTANT, LE NIGERIA NE VEUT PAS REJOINDRE LA ZLEC, CRAIGNANT QUE SES ENTREPRISES NE SOIENT PAS ASSEZ COMPÉTITIVES FACE À LA CONCURRENCE DE MASTODONTES MONDIAUX.
selon un procédé qui devront être négociés. À titre d’exemple, si le Kenya souhaite que ses tee-shirts soient exemptés de droits de douane, il lui faudra se tourner vers le coton égyptien plutôt que chinois. » Pour l’instant, le Nigeria ne veut pas rejoindre la Zlec. Ses syndicats et son patronat redoutent que ses PME ne soient pas assez compétitives face à la concurrence de mastodontes mondiaux qui s’installeraient dans un pays africain pour profiter des avantages de la zone. Cette menace peut être écartée si un code de l’investissement est élaboré pour obliger les investisseurs étrangers à jouer le jeu communautaire. « Le Nigeria [mais aussi l’Égypte et l’Afrique du Sud] se méfie de la règle du consensus qui prévaudrait au sein de la Zlec, constate Benoît Chervalier, président-fondateur de One2Five Advisory, société de conseil financier aux États, car cela aboutirait à
donner un quasi-droit de veto à tous ses membres. Il ne veut pas être à la merci des petits pays. »
Des outils de dialogue, de surveillance et d’assistance
Les pays pauvres et/ou petits craignent d’être inondés par les produits de pays plus avancés et/ou plus vastes du continent. En outre, ils n’ont pas envie d’abandonner leurs droits de douane, qui constituent une grosse partie de leurs recettes budgétaires. « Pour surmonter ces risques, il faudrait que la Zlec accepte des exceptions aux abaissements des droits de douane pour les pays les moins avancés [PMA] et les produits vulnérables, avance Jaime De Melo, de la Fondation pour les études et recherches sur le développement international [Ferdi] et professeur émérite à l’université de Genève. Comme dans l’Union européenne, où les pays en retard
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INTÉGRATION
ÉDITORIAL
Affrontons les vraies difficultés !
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l est curieux que, à l’heure où la Chine et les États-Unis s’aféchanges se referme petit à petit, le secteur manufacturier afrifrontent, où l’économie mondiale se désintègre et où les traités cain trouvera-t-il réellement dans ce nouveau marché l’élément commerciaux se défont, le continent le moins intégré de la planécessaire à sa renaissance? Les entreprises du continent y trounète ait choisi de bâtir ce qui sera peut-être un jour la plus grande veront-elles leur compte? Pourquoi certains leaders du secteur zone de libre-échange mondiale. Pourtant, c’est bien le chemin privé demeurent-ils hostiles à la Zlec? que semble avoir emprunté l’Afrique le 21 mars 2018 lorsque S’il est fort probable que, comme souvent, beaucoup de prédic49 pays ont signé l’accord de création de la Zone de libre-échange tions se révèlent fausses, quelques éléments réels et concrets ne continentale (Zlec). peuvent, eux, être ignorés: il reste deux fois plus Un an plus tard, d’autres les ont rejoints, dont coûteux d’acheminer un conteneur d’Abidjan à l’Afrique du Sud, ne laissant à ce jour qu’une Ouagadougou que de Shanghai au port ivoirien, grande économie en dehors du processus : le malgré un parcours seize fois plus court; les paieNigeria. Et, d’ici quelques semaines, le seuil des ments intra-africains restent plus chers et com22 ratifications nécessaires à la création effective plexes que les règlements effectués dans le reste de la Zlec sera vraisemblablement atteint. Ce du monde; l’aéroport de Lagos est mieux relié sera une nouvelle étape plutôt qu’un aboutisseà celui de Londres qu’à celui de Johannesburg… ment: le processus sera loin d’être déterminé, et il faudra sans doute encore une dizaine d’années ans multiplier les exemples, une chose est Frédéric Maury avant que l’ensemble des négociations tarifaires certaine : si la baisse, voire la suppression, Directeur éditorial, ne soit achevé. des tarifs douaniers est un élément nécessaire Africa CEO Forum Mais qu’importe… La Zlec a replacé le sujet de à la poursuite de l’intégration économique, elle l’intégration économique au cœur des débats, ne suffira pas à elle seule à changer la donne. Les politiques comme économiques. Ce que l’Africa pays africains ont, aujourd’hui, trop peu d’intéCEO Forum ne pouvait éluder, il a donc décidé rêt à échanger entre eux. Trop de barrières les d’en faire le sujet principal des deux jours de conférences qui séparent. C’est cette réalité qu’il faut s’employer à faire évoluer s’ouvriront à Kigali le 25 mars. Selon le « Baromètre des CEO sans attendre qu’un vaste marché commun se mette réellement africains » qui y sera publié, 81 % des dirigeants d’entreprise en place. Les recettes sont connues : moderniser la logistique interrogés sont convaincus que la création de ce marché unique intra-africaine, faciliter les investissements et les mouvements aura un impact déterminant sur leur stratégie. Mais ils sont aussi de personnes, multiplier les rapprochements éducatifs et cultupresque autant à se dire insuffisamment informés sur ce sujet et rels, faire naître davantage de groupes régionaux et panafricains. sur ses conséquences. Mais tout cela reste largement à faire. Les 25 et 26 mars, l’Africa Qui seront les perdants et les gagnants? Quels seront les secCEO Forum tentera – modestement – de faire avancer les choses. teurs qui bénéficieront le plus de la Zlec ? Alors que la fenêtre Pour qu’enfin les vraies difficultés commencent à être prises en d’industrialisation du monde ouverte par la libéralisation des compte.
S
Si tu veux aller loin, marchons ensemble
MARES
bénéficient d’une aide financière communautaire, un mécanisme de compensation au profit des PMA serait nécessaire au sein de la Zlec. » Histoire d’éviter que ceux-ci ne se rebellent en bloquant l’institution. La Zlec n’inspirera confiance qu’à condition de disposer d’institutions de dialogue, de surveillance et d’assistance technique en mesure d’épauler les États. Il lui faudra aussi mettre en place un organe de règlement des nombreux litiges qui naîtront. L’Afrique sera-t-elle capable d’instaurer, par exemple, une taxe supplémentaire de 0,2 % sur ses importations pour financer ces précieux rouages ?
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Améliorer les compétences pour gagner en compétitivité
L’essentiel de cette délicate construction repose sur les épaules des gouvernants. Mais les secteurs privés n’ont pas intérêt à rester passifs, car aucun d’entre eux n’est sûr que le libre-échange ne bouleversera pas son activité. Ils devront prendre leurs responsabilités, notamment en compensant les faiblesses des systèmes éducatifs par une amélioration des compétences de leur main-d’œuvre, ce qui augmentera leur productivité et leur compétitivité. Ils seront bien avisés de créer des chaînes de valeur régionales sans attendre la fin des tracasseries. « Par exemple, le coton de Madagascar pourrait avantageusement alimenter l’industrie textile de Maurice », avance Bineswaree Bolaky. Quant aux financements des infrastructures manquantes, qu’on ne compte plus sur les États budgétairement exsangues ou sur l’endettement public dangereusement élevé : le temps des partenariats publicprivé est arrivé, et il va falloir que les gouvernements africains se montrent bienveillants avec les investisseurs s’ils veulent réussir cette Zlec, dont Benoît Chervalier illustre le gigantisme en la comparant à « une zone de libre-échange qui irait de Brest (France) à Vladivostok (Russie) ». Kwame Nkrumah finira-t-il par avoir raison malgré cette complexité ?
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Dossier
INTERVIEW
Philippe Le Houérou IFC
Directeur général, IFC
« À moyen terme, le commerce intra-africain passera de 14 % à plus de 52 % » Le responsable de la branche secteur privé de la Banque mondiale évoque les réformes à mettre en œuvre pour faire effectivement émerger une zone de libre-échange. Propos recueillis par OLIVIER CASLIN
ide au privé, émergence d’un secteur formel, soutien à l’agriculture et à l’économie numérique, développement des infrastructures, le dirigeant français détaille pour Jeune Afrique la politique de son institution, alors que de nouveaux bailleurs de fonds internationaux ont intégré la scène africaine.
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Jeune Afrique : La récente montée en puissance de nouveaux partenaires pour le développement pousse-t-elle une institution comme IFC à revoir ses procédures, changer ses objectifs et réorienter ses investissements ?
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Philippe Le Houérou : L’Afrique a en effet beaucoup changé ces deux dernières décennies. Nos équipes doivent donc constamment réévaluer la manière dont nous y investissons. Nos priorités, elles, n’ont pas varié. IFC cherche toujours à réduire le déficit du continent en infrastructures, à construire un secteur réel productif et à être un leader dans l’appui aux approches commerciales inclusives. Ce qui est différent, c’est notre stratégie pour obtenir des résultats à plus grande échelle, par exemple en travaillant davantage avec les institutions sœurs du Groupe Banque mondiale
afin de créer des opportunités d’investissement, à travers les réformes portées par les gouvernements en direction des opérateurs privés. Nous n’intervenons jamais seuls, et IFC se réjouit de travailler avec davantage d’acteurs, notamment lorsqu’ils ont la capacité d’apporter des capitaux importants ainsi qu’une expertise sur des projets porteurs et en phase avec les défis liés au développement. Nous constatons également l’émergence d’un certain nombre de grandes entreprises africaines leaders sur leurs marchés nationaux et qui ont la capacité d’investir ailleurs sur le continent. IFC s’adapte donc pour répondre aux besoins exprimés par des partenaires qui changent, en veillant toujours à réduire l’extrême pauvreté et à promouvoir une prospérité partagée, sa mission.
Dossier
Quelles sont les priorités pour soutenir l’émergence d’un secteur privé ?
Le développement de l’Afrique subsaharienne est une priorité pour IFC, et il ne pourra se faire sans capitaux privés. Notre présence à travers le continent a fortement progressé. Nous travaillons à partir de vingt bureaux, et nos financements sur le long terme sont passés de 163 millions de dollars en 2003 à 6,2 milliards de dollars en 2018. IFC est déterminée à aider le privé pour qu’il joue un rôle plus important, notamment dans les pays fragiles ou sortant de conflits. Ces derniers sont le plus souvent dotés de petits marchés, marqués par des défis sécuritaires, une instabilité politique et des institutions faibles. Autant de contraintes qui freinent l’engagement des investisseurs internationaux. Pour y réduire les risques, nous avons créé, avec l’Association internationale de développement [IDA] de la Banque mondiale, un guichet d’appui au secteur privé doté d’un budget de 2 milliards de dollars qui nous aide à intervenir prioritairement pour soutenir des projets à haut risque mais aussi pour accroître l’accès des entreprises à des prêts en monnaie locale. D’autres outils de réduction du risque sont en cours de déploiement pour aider les entreprises qui veulent se lancer sur les marchés les plus difficiles. Quel est le rôle du secteur privé dans le développement du continent, quand on sait que 80 % des entreprises africaines sont informelles ?
L’Afrique a besoin de 1,7 million d’emplois supplémentaires chaque mois, et le secteur privé peut y contribuer à hauteur de 90 %. Il est donc incontournable. Mais, pour ce faire, nous devons travailler avec l’informel. Les réglementations et les services financiers doivent répondre à ses attentes afin d’encourager l’entrepreneuriat, de soutenir le développement des entreprises et l’embauche. Pour que ces entreprises puissent un jour rejoindre
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INTERVIEW
l’économie formelle et donner du travail, elles doivent d’abord être identifiées et localisées par les banques, qui pourront alors leur offrir les services financiers dont elles ont besoin. Pour y parvenir, le passage au numérique est crucial. Cela permet aux petites entreprises de migrer d’un écosystème informel fondé sur l’argent en espèces vers le paiement électronique. Il est donc urgent de réduire le déficit technologique qui empêche de trop nombreux entrepreneurs du continent de participer pleinement aux échanges commerciaux. Il faut enfin que gouvernements et secteur privé travaillent ensemble pour accroître l’accès aux marchés et aux financements. Pour y parvenir, la formalisation – notamment la création d’entreprise et le respect de la réglementation – doit coûter moins et apporter plus de bénéfices.
facilitons l’accès aux financements pour les coopératives agricoles qui travaillent avec Cargill. Notre travail avec les institutions financières nous permet de soutenir le secteur privé local, notamment dans la filière agricole. Si l’inclusion financière est passée de 23 % à 43 % en dix ans, l’accès aux services financiers formels demeure insuffisant dans les zones rurales. Aider à mettre sur pied un secteur financier robuste et inclusif est essentiel. Quel peut être l’impact de l’accord portant création de la Zone de libreéchange continentale ? Êtes-vous optimiste quant à sa mise en place ?
De nombreuses études montrent que, de manière générale, l’implémentation d’une telle zone aura un impact positif. Certaines estiment même qu’à moyen terme le commerce intra-africain passera de 14 % à plus de 52 %. L’impact global sur
L’AFRIQUE A BESOIN DE 1,7 MILLION D’EMPLOIS. ET LE SECTEUR PRIVÉ PEUT Y CONTRIBUER À HAUTEUR DE 90 %. Comment expliquez-vous que votre portefeuille comprenne beaucoup plus d’opérations dans le secteur financier ou bancaire que dans des filières comme l’agriculture ?
Nous finançons beaucoup de projets dans l’agro-industrie et cherchons à faire encore bien plus, mais il faut au préalable trouver la formule permettant d’accroître l’envergure des installations énergétiques nécessaires à l’éclosion de ces projets. Scaling Solar, par exemple, nous a permis de réaliser des infrastructures d’énergie renouvelable de grande capacité en Zambie, au Sénégal et sous peu dans d’autres pays. Ce qui ne nous empêche pas de travailler déjà avec des entreprises agro-industrielles à travers le continent. Nous aidons par exemple Sosagrin-IBS à conquérir de nouveaux marchés en Afrique de l’Ouest. En Côte d’Ivoire, nous
le PIB pourrait varier entre 0,1 % et 1 %. Les principaux gains viendront de la réduction des barrières non tarifaires, de la mise en œuvre effective des mesures d’encouragement des échanges commerciaux et de la réduction des barrières réglementaires dans le domaine des services. L’objectif de cet accord, portant sur la création d’un marché unique continental pour les biens et les services, est très ambitieux et, pour en renforcer l’impact, nous devons développer et financer beaucoup plus de projets d’infrastructures et de connectivité. Les gouvernements devront également mettre en œuvre les réformes nécessaires pour faciliter les échanges transfrontaliers de biens et de services. Plus généralement, IFC et ses partenaires doivent offrir plus de solutions pour faciliter le développement du secteur privé à travers le continent.
Dossier
ÉNERGIE
Le grand marché électrique ouest-africain bientôt bouclé Après vingt ans de travaux, quatorze pays de la Cedeao seront bientôt interconnectés. Un projet dont le succès dépendra de la solvabilité des opérateurs nationaux. Selon un rapport récent de Power Africa, dix de ces quatorze pays ouest-africains devraient se retrouver en surproduction en 2025. À l’inverse, le Nigeria ou le Burkina par exemple devraient voir leurs déficits s’aggraver. S’ajoutent de très fortes différences de coûts de production (deux fois inférieurs en Côté d’Ivoire à ceux de ses voisins). D’où la nécessité de développer les interconnexions dans la zone et sur tout le continent.
JULIEN WAGNER
es travaux du tronçon qui alimentera la Gambie sont lancés. En Guinée-Bissau, ils le seront début mars, confie Apollinaire Siengui Ki, secrétaire général du Système d’échanges d’énergie électrique ouest-africain (Wapp). On espère que les travaux seront achevés au premier semestre 2020. » En zone Cedeao, l’interconnexion a désormais un véritable horizon… même si celui-ci a dû être légèrement repoussé. À l’origine, le marché électrique ouest-africain devait être ouvert en 2019, mais Apollinaire Siengui Ki assure qu’« il ne reste plus beaucoup de temps à attendre ». D’un côté la boucle CLSG – Côte d’Ivoire, Liberia, Sierra Leone et Guinée – qui comprend 1 300 km de lignes nouvelles pour un budget de 483 millions de dollars. De l’autre, la boucle OMVG – Sénégal, Gambie, Guinée-Bissau et Guinée – qui court sur 1 700 km pour un budget de 784 millions de dollars. Ces travaux sont financés par de nombreux bailleurs de fonds internationaux au premier rang desquels la Banque mondiale, la Banque européenne d’investissement, la Banque africaine de développement ou la Banque islamique de développement. D’ici à un an, quatorze des quinze pays de la Cedeao – la situation géographique du Cap-Vert l’empêche pour le moment d’être raccordé aux autres – seront interconnectés, contre 9 seulement aujourd'hui. Un rêve commencé fin 1999 (date de la création du Wapp) et qui aura donc mis près de vingt ans à aboutir.
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Des accords bilatéraux déjà nombreux
Pour coordonner et réguler ce marché, deux structures sont d’ores et déjà opérationnelles : l’Autorité de régulation régionale de l’électricité de la Cedeao (Arrec), et le Centre d’information et de coordination du Wapp (CIC). À ce stade, un seul dossier est en traitement. Il concerne le CIC et a trait à l’augmentation du volume d’échanges d’énergie entre deux pays déjà liés par un accord bilatéral. En effet, de nombreux accords bilatéraux
existent : la Côte d’Ivoire vend de l’électricité au Mali et au Burkina Faso, le Ghana au Togo et au Bénin, le Nigeria au Niger, le Sénégal au Mali… Ces contrats, dont certains datent de plus de quarante ans, sont toujours valides dans le nouveau système, mais le Wapp invite chaque pays à les faire évoluer vers des contrats types afin de faciliter le travail des autorités de régulation chargées de faire respecter les engagements. Surtout, une véritable concurrence permettra aux pays demandeurs d’acheter au meilleur prix possible. Mais le succès de ce marché, appelé à s’épanouir une fois que tous les pays seront interconnectés, ne dépendra pas seulement des lignes à haute tension ou des structures de régulation. La véritable inquiétude provient de la santé des entreprises nationales d’électricité. Certaines se révèlent incapables de payer leurs fournisseurs dans les délais impartis. En cause, la plupart du temps, une double gabegie bien connue: les pertes sur réseau pouvant atteindre jusqu’à 50 % de l’électricité transportée et une capacité de collecte des paiements défaillante. Et cela, le nouveau marché électrique n’y changera malheureusement rien.
AVANCEMENT DU PROJET D’ÉCHANGES D’ÉNERGIE ÉLECTRIQUE OUEST-AFRICAIN* Niger
Sénégal
Mali
Gambie
Burkina
GuinéeBissau
Guinée
SOURCE : WAPP
Sierra Leone
Bénin Côte d’Ivoire
Togo
Nigeria
Ghana
Liberia
Interconnexions en service avant Wapp Interconnexions en service sous Wapp Interconnexions en construction
*Les réseaux de transport intérieurs n’apparaissent pas sur cette carte
Dossier
NUMÉRIQUE
Un continent créateur de contenus Alors que les infrastructures de communication attirent de nombreux investisseurs, l’émergence de plateformes digitales locales apparaît comme un levier de croissance. NATACHA GORWITZ
i la digitalisation du continent est en route, portée par d’importants investissements dans les infrastructures, États et opérateurs ne doivent pas négliger un autre chantier tout aussi stratégique : l’émergence d’un écosystème numérique africain. « Pour un opérateur de télécoms, tout ce qui contribue au renforcement des usages sur internet permet d’augmenter les volumes de données consommées et donc ses recettes », faisait remarquer Bruno Mettling, président d’Orange
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Afrique et Moyen-Orient, à Jeune Afrique en mai 2018. Le Français a débloqué une enveloppe de 50 millions d’euros destinée à développer les start-up africaines digitales. La moitié sera investie dans son programme Orange Digital Ventures Africa, créé il y a deux ans. Et il n’est pas seul. Début 2019, Partech Africa, le fonds du capital-investisseur Partech Ventures consacré aux jeunes pousses du continent actives dans le secteur des nouvelles technologies, a lui levé 125 millions d’euros. « La numérisation est d’autant plus un facteur de croissance que
les contenus et les services digitaux sont produits localement, souligne Sami Louali, chargé de la stratégie, des relations avec les investisseurs et du développement chez Jumia. La réglementation doit laisser sa chance aux acteurs venus du digital qui ont des solutions adaptées aux nouveaux usages. » En 2018, GSMA, le lobby mondial des opérateurs de télécoms, avait répertorié 355 tech hubs, incubateurs, accélérateurs, espaces de coworking, fab labs… au sud du Sahara. Cette même année, les start-up africaines ont levé 686,4 millions de dollars, selon une étude du site Digest Africa, l’Afrique de l’Est captant à elle seule près de la moitié de ces financements (44 %). Et les investissements sont en très forte progression : en 2017, ils ont
WALDO SWIEGERS/BLOOMBERG VIA GETTY IMAGES
Juliana Rotich, l’une des créatrices du premier logiciel open source africain, Ushahidi, dans un centre d’innovation à Nairobi, au Kenya.
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COMMUNIQUÉ
MD SERVICES SARL MD SERVICES Sarl est une société 100 % congolaise œuvrant dans le domaine de la sous-traitance du personnel, spécialisée dans le recrutement et la gestion des ressources humaines. Au fil des ans, elle s'est bâtie une réputation sans faille au travers de toute la République Démocratique du Congo et s'est imposée comme acteur majeur pour un grand nombre d'entreprises dans le secteur minier, mais également dans la cimenterie et l'exploration pétrolière. Avec ses clients, elle instaure une réelle relation de confiance durable.
MD SERVICES SARL, LE SPÉCIALISTE ◆ du recrutement et de la gestion du personnel ✔ Main d’œuvre Locale : nous organisons les tests, interviews, formation, contrat de travail et la supervision au quotidien de travailleurs mis à la disposition de nos clients. ✔ Main d’œuvre expatriée : nous facilitons l’intégration dans le secteur d’emploi, le processus d’immigration, les permis de travail, la gestion des contrats de travail et de la carrière ainsi que le payement - dans les conditions requises - des salaires du personnel expatrié mis à la disposition auprès de nos différents clients. ◆ de la consultance D’innombrables entreprises recourent à sa parfaite maîtrise du climat d’investissement en RD Congo. Ainsi, au travers de son expérience affranchie et sa large base des données MD SERVICES Sarl fournit à ses clients, en temps réel, une main-d’œuvre qualifiée, dotée d’un profil et d’une habileté technique répondant aux attentes spécifiques. L’accompagnement professionnel est assuré sous la lanterne des exigences du Code du travail et des lois en vigueur dans le pays.
La jeune et dynamique équipe de MD SERVICES Sarl
MD SERVICES SARL, LA PROXIMITÉ AVEC SES CLIENTS MD SERVICES Sarl s’est imposée une tradition : depuis quelques années, dans le cadre d’être à jour par rapport aux avancées technologiques, et dans l’optique d’enrichir les échanges d’expériences, elle participe à toutes les conférences et expositions tant nationales qu’internationales où les acteurs majeurs dans le secteur minier et de l’industrie exposent leurs produits. À cette occasion, MD SERVICES Sarl se forme, s’informe et propose ses divers services à tout investisseur ayant besoin d’accompagnement non seulement dans la gestion des ressources humaines mais aussi dans la recherche de diverses opportunités selon le secteur d’activités.
Mr Didi MUDOGO, Directeur Gérant de MD SERVICES Sarl
Les clients de MD SERVICES Sarl sont répartis dans plusieurs secteurs d’investissement notamment : l’exploration et/ou l’exploitation de l’or, du cobalt, du lithium, du cuivre, de l’étain, du calcaire, du pétrole, etc. Les divers contrats de collaboration clôturés dans le passé l’ont été à la grande satisfaction des parties prenantes.
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JAMG - Photos : D.R.
MD SERVICES SARL, SES CLIENTS CONSTITUENT SON PATRIMOINE
Dossier
augmenté de 53 % pour atteindre 560 millions de dollars, d’après Partech Ventures, mais restent très marginaux par rapport aux 40 milliards de dollars levés en 2016 par les capitaux-risqueurs américains.
Payer ses factures ou renouveler son abonnement TV
Le champion africain Jumia, leader de l’e-commerce sur le continent, a pour sa part levé à lui seul 767 millions de dollars au total entre 2012 et 2016. Il y a plus d’un an, il a même lancé sa propre plateforme de contenus et de services digitaux, Jumia One, au Nigeria et en Égypte. Sur celle-ci on peut acheter des recharges téléphoniques, régler ses factures d’électricité et ses amendes automobiles, souscrire un produit d’épargne ou renouveler son abonnement TV. « Notre objectif est de permettre à tout fournisseur de services digitaux de les proposer à tous nos utilisateurs. Nous leur donnons de la visibilité et mettons à leur disposition nos outils de paiement », explique Sami Louali. Sur le marché du streaming musical et vidéo, les acteurs sont essentiellement régionaux et locaux. IrokoTV par exemple, plateforme nigériane de
LEADERSHIP FÉMININ
Brisons le plafond de verre !
Un nombre croissant de grandes entreprises africaines font de la féminisation une priorité. Cependant, passer des comités exécutifs aux conseils d’administration reste un challenge pour les femmes. Des dirigeantes aux parcours exceptionnels échangent sur les conditions et les moyens requis pour le relever. 88
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NUMÉRIQUE
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millions
Le nombre d’abonnements à des plateformes numériques (films à la demande, musique…) sur le continent, selon les prévisions Afrique 2018 du cabinet Deloitte vidéo à la demande, ou la congolaise Baziks Puls, qui met en ligne de la musique africaine, figurent parmi les pionniers. Des œuvres locales ont aussi connu une belle destinée en dehors du continent.
Blockbusters nollywoodiens et films sud-africains
Depuis 2015, Netflix propose des blockbusters nollywoodiens, des films sud-africains et kényans. En septembre 2018, il a racheté les droits mondiaux de Lionheart, le premier film de l’actrice nigériane Genevieve Nnaji, pour 3 millions de dollars. L’année dernière, le géant américain annonçait que sa toute première série originale africaine verrait le jour dans le courant de l’année 2019. La plateforme comptait 2 millions d’abonnés en Afrique en 2018, selon le cabinet américain Digital TV Research. Et d’après ses prévisions, ce chiffre pourrait doubler d’ici à 2023. Mais d’importants vides juridiques perdurent. « Il y a un gros problème de rémunération des droits d’auteur, souligne Jean-Michel Huet, associé chez BearingPoint. Le continent ne représente que 1 % de ceux qui sont distribués dans le monde et, sur cette frac tion, l’Afrique du Sud et l’Algérie en perçoivent 80 %. » Au-delà du soutien à la production numérique locale,
« l’enjeu le plus important est la transformation, grâce au numérique, de secteurs industriels tels que l’agriculture », affirme Jean-Michel Huet. La logistique constitue également un bon exemple de secteur économique physique qui peut être optimisé grâce au digital. Ainsi, la start-up kényane Twigga Food a mis en place une plateforme de livraison directe de fruits et légumes du producteur au commerçant, permettant de limiter les pertes et le nombre d’intermédiaires. « Le numérique aide alors les États à passer d’une économie informelle à une économie formelle », souligne JeanMichel Huet, tout en insistant sur les limites auxquelles sont confrontées les start-up lorsqu’elles déploient une solution technologique dans un environnement qui n’est pas 100 % digital.
Obtenir un microcrédit grâce à son historique d’achats
Il est aussi important que les acteurs de l’économie informelle s’y retrouvent. « Pour les convaincre, nous devons leur offrir des services auxquels ils n’ont pas accès normalement », commente Paul Langlois-Meurinne, directeur général d’Optimetriks, spécialisé dans la digitalisation de la distribution. Comme lorsqu’un producteur de biens de consommation permet aux petits boutiquiers de bénéficier d’un financement de leur fonds de roulement, en partageant leur historique d’achats avec une institution de microfinance, ou qu’un opérateur téléphonique octroie des microcrédits instantanés en analysant les consommations.
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Avec vous jour après jour Oryx Energies est l’un des fournisseurs indépendants de produits et de services pétroliers et gaziers les plus importants et les plus anciens en Afrique. En tant que division énergie du groupe d’investissement privé AOG, elle fournit, stocke et distribue les carburants, GPL (gaz de pétrole liquéfié), lubrifiants et services de soutage spécialisés qui répondent aux besoins de consommateurs et d’acteurs industriels et maritimes dans toute l’Afrique subsaharienne.
Société suisse, répondant depuis plus de 30 ans à l’évolution des besoins en énergie de l’Afrique subsaharienne, Oryx Energies est fière de l’étendue de l’expérience, des connaissances et de l’expertise accumulées qu’elle déploie dans plus de vingt pays de la région. oryxenergies.com
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Dossier
TOURISME
ALEXANDRE CHAPLIER/ACCOR
Seuls quelques pays, comme le Maroc et l’Afrique du Sud, ont établi une stratégie efficace pour capter des capitaux. Ici le Fairmont Royal Palm, du groupe français Accor, à Marrakech.
À la recherche de la formule gagnante Hormis le Maroc et l’Afrique du Sud, qui restent leur destination la plus prisée, le continent peine à attirer les visiteurs internationaux. Un investissement dans les infrastructures et le secteur aérien est primordial pour gagner en attractivité. NATACHA GORWITZ
ourisme culturel, balnéaire, mais aussi d’affaires… Le continent regorge de potentiel en la matière. Les flux internationaux vers l’Afrique poursuivent leur montée en puissance, + 7 % en 2018, soit un point au-dessus de la moyenne mondiale. Ces performances sont d’abord dues au Maroc
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(12,3 millions de visiteurs) mais aussi à la Tunisie, qui connaît un rebond d’activité. Le Kenya, la Côte d’Ivoire, Maurice et le Zimbabwe les suivent de près, le Cap-Vert se démarque également avec une croissance à deux chiffres, grâce à l’amélioration de sa connectivité aérienne. Le continent demeure néanmoins peu fréquenté par les touristes : il a reçu seulement 67 millions de
visiteurs internationaux l’année dernière, soit 5 % du volume mondial des arrivées aériennes. Seuls quelques pays, allant du Maroc à l’Afrique du Sud, en passant par les États d’Afrique de l’Est, ont établi une stratégie efficace pour attirer les investissements. Ils concentrent aujourd’hui l’essentiel des projets hôteliers et présentent une maturité nettement plus avancée en matière de développement
COMMUNIQUÉ
L’énergie pour tous
Valorisation du biogaz en cogénération
Élevage bovin : plus de 40 têtes de bétail
La gamme de produits de micro méthanisation, centrée sur un procédé qui valorise les déchets organiques, couplée à celle de mico cogénération, produisant de l’énergie thermique et/ou électrique, permet une production d’énergie propre comme toutes les énergies renouvelables et inscrit les gisements aussi bien agricoles, que de l’industrie agroalimentaire ou les collectivités locales dans un cercle vertueux d’économie circulaire. Des solutions au label de Methania accessibles aux pays émergents ; les coûts standards européens de la micro méthanisation sont de l’ordre de 10 à 15 000 euros du Kw électrique installé, sont ramenés entre 4 à 7 000 euros par les procédés de Methania qui a réalisé une optimisation de la complexité hardware en software et assure un service de contrôle à distance et de télégestion permettant la supervision des installations. Un tour de force qui souligne les compétences de l’entreprise, capitalisée à 3,7 millions de dinars, qui compte doubler son effectif d’ici fin 2019 et ambitionne d’être leader sur les solutions de micro méthanisation et de micro cogénération. Après s’être industrialisée, Methania s’internationalise ; présente sur le marché chinois, la start-up se déploie et met le cap sur l’Afrique d’autant qu’elle fournit également des projets clés en main de stations d’épuration et traitement des déchets destinés aux collectivités locales permettant de limiter les coûts et d’éliminer les composantes organiques, génératrice de pollution. Avec une approche citoyenne, Methania est au diapason des problématiques des pays africains et apporte, par le traitement de la bio masse, des solutions adaptés, rentables et simples au besoin crucial en énergie et en traitement.
RDC, 15 Rue Des Entrepreneurs, Charguia 2 – 2035 – Tunis Tunisie Tél. : (+216) 31 30 51 00 / (+216) 31 30 51 01 Fax : (+216) 70 01 41 84 E-mail : contact@methania.com
www.methania.com
JAMG © METHANIA
Jallagaz : unité de micro-méthanisation
Methania, avec des solutions de micro méthanisation et de micro cogénération, conjugue le futur au présent et s’attache à démocratiser l’accès à l’énergie en préservant l’environnement. Une double mission que s’est assignée cette start up-africaine, à partir de la conversion des déchets organiques en énergie primaire au travers d’installations de micro méthanisation, totalement fabriquées en usine, rapidement mises en service. Ce développement est parti d’un constat ; « 80 % des gisements de déchets organiques ne sont pas valorisés car de petites dimensions et/ou isolés » spécifie Selim Kanzari, Président directeur général de Methania, véritable entreprise citoyenne.
Dossier
touristique. Du resort en bord de mer à l’hôtel d’affaires en centre-ville, des luxueux safari-lodges à l’établissement économique régional, il est possible d’y conjuguer plusieurs modèles.
Investir des fonds publics pour attirer ceux du privé
Au sud du Sahara, une trentaine d’États restent dans l’ornière. En dépit de ses atouts intrinsèques, le Bénin attire peu, avec seulement 281 000 touristes internationaux l’année dernière. Pour des raisons d’instabilité politique, d’autres ont même été rayés de la carte, tel le Mali. « Quand vous investissez dans une infrastructure, c’est pour vingt ou trente ans. La question de la confiance est absolument fondamentale », souligne Philippe Durand, associé chez Horwath HTL. À Madagascar, par exemple, il n’y a pas de code des investissements, celui qui investit assume donc tous les risques. « Notre rôle est d’abord de mettre à disposition le foncier dans des conditions raisonnables », a déclaré la secrétaire d’État au Tourisme du Maroc, Lamia Boutaleb, à l’ouverture du Forum de l’investissement hôtelier africain (Fiha), qui s’est tenu à Marrakech les 7 et 8 février. L’impulsion au niveau national d’une stratégie publique a un effet structurant. En se dotant
TOURISME
Un nouveau territoire à conquérir ?
Le secteur représente de manière directe et indirecte environ 10 % des emplois et du PIB au niveau mondial, mais ce chiffre tombe à 7 % au sud du Sahara. Comment assurer la viabilité financière des investissements ? Où le privé doit-il se concentrer ?
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TOURISME
l’année dernière d’un plan Sublime Côte d’Ivoire, ce pays entend devenir la cinquième destination du continent. Même si le plan Azur, lancé en 2001 et visant la création de six stations balnéaires, est loin d’avoir rempli sa mission. Sur 58500 lits touristiques prévus, seuls 1570 avaient vu le jour en 2017, soit 2,7 % de l’objectif prévu. « Avoir des atouts incroyables, une belle plage, de beaux paysages, un beau patrimoine, ne fait pas une offre, souligne Anne Ravard, directrice adjointe du pôle tourisme et culture au sein du cabinet In Extenso (Deloitte). Pour promouvoir une destination, il faut transformer ses atouts en activités. » Autrement dit, l’équiper en infrastructures, la rendre accessible en transport, y assurer la sécurité, installer des dispositifs d’accueil et d’information… Autant d’éléments qui dépendent d’investissements publics, nécessaires pour attirer les opérateurs privés. L’augmentation de la desserte aérienne et celle de la capacité hôtelière vont de pair. « L’ouverture du ciel marocain a permis de retrouver une clientèle importante et de faire émerger le tourisme de loisirs, contrairement à d’autre pays qui se concentrent sur les voyageurs d’affaires dans les capitales », souligne par ailleurs Réda Faceh, viceprésident chargé du développement en Afrique du Nord et en Afrique de l’Est chez Accor. Le groupe français est présent dans le pays à travers trente-huit hôtels sous neuf marques couvrant tous les segments, de l’hôtellerie économique au luxe. La généralisation du visa à l’arrivée est aussi l’un des facteurs clés de progression du secteur. En novembre 2018, l’Éthiopie a assoupli sa réglementation en la matière, autorisant tous les ressortissants africains à en faire la demande à leur entrée sur le territoire. L’ouverture du nouveau terminal de l’aérop or t
LA CÔTE D’IVOIRE S’EST DOTÉE D’UN PLAN VISANT À LA HISSER AU CINQUIÈME RANG DES PAYS LES PLUS FRÉQUENTÉS DU CONTINENT. international d’Addis-Abeba, en février 2019, lui permet d’accueillir 22 millions de passagers chaque année. D’après la société de conseil en voyage ForwardKeys, cet aéroport a dépassé Dubaï l’année dernière en tant que principale porte d’entrée de l’Afrique subsaharienne. Et le World Travel & Tourisme Council (WTTC) évalue l’industrie du voyage et du tourisme à 35,2 % des exportations éthiopiennes. Ce secteur devrait connaître une croissance de 4 % par an dans les dix prochaines années. « Lorsqu’il existe une offre d’affaires et une offre de loisirs sur une destination, cela aboutit à une offre de congrès, insiste Philippe Gauguier, associé chez In Extenso. Ce qui est un peu le Graal : cela fait venir une clientèle qui a de gros moyens, sur de gros volumes, avec une saisonnalité différente de celle des loisirs. »
Miser sur le tourisme de loisirs et la classe moyenne
L’émergence d’une classe moyenne sur le continent ouvre également de nouvelles perspectives de développement des loisirs. En Afrique de l’Ouest, « il faut ramener la clientèle européenne des tour-opérateurs – qui a délaissé cette région depuis quinze ans – et la clientèle domestique et sous-régionale, qui ne passe pas ses vacances dans les pays voisins », analyse Olivier Jacquin, directeur général de Mangalis. Pour ses pays limitrophes, le Nigeria représente un réservoir de clientèle. En Côte d’Ivoire, pays qui, depuis sept ans, connaît une croissance supérieure à 7 %, le tourisme de loisirs représentait 62 % des visites en 2017.
Dossier
« La mixité augmente les performances financières »
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Associée senior chez McKinsey
EY
Sandra Sancier-Sultan M
Auteure du rapport annuel « Women Matter », la consultante a étudié les effets positifs de la présence des femmes au sein des conseils d’administration.
Propos recueillis par QUENTIN VELLUET
Jeune Afrique: Pourquoi certaines entreprises réussissent-elles à diversifier davantage leurs effectifs que d’autres? D’abord, il faut que les dirigeants soient convaincus que cette question est centrale et qu’ils décident d’en faire une priorité. La mixité doit être pilotée comme un objectif stratégique au même titre que pourraient l’être la digitalisation, l’analyse de données ou la diversification des activités. Cela doit se traduire par un suivi rigoureux et chiffré du pourcentage de femmes promues et recrutées, mais aussi par de la formation et du mentorat. Enfin, il faut prendre à bras-le-corps le sujet des comportements et de la culture de l’entreprise. Ces bonnes pratiques s’observent tout aussi bien en Afrique que dans le reste du monde. Mais, sur le continent, 25 % des dirigeants d’entreprise considèrent encore la mixité comme un sujet accessoire. Pourtant, les entreprises qui comptent le plus de femmes dans leur boards ont une performance financière plus de 20 % supérieure à la moyenne. L’écart de performance entre celles qui en comptent le plus et celles qui n’ont aucune femme au conseil d’administration atteint 40 % de l’Ebit, 94
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(bénéfices avant intérêts et impôts). Il y a donc une corrélation entre diversité et performance financière. Cette conviction doit-elle être portée par les femmes? La mixité ne doit pas être qu’une affaire de femmes. L’initiative doit venir des dirigeants, hommes ou femmes, dans la mesure où la promotion de la diversité est bénéfique pour leur business. En revanche, pour assurer la progression professionnelle des femmes, il est évident que les jeunes recrues féminines auront besoin de se projeter sur des modèles de femmes exerçant des responsabilités, ce qui enclenchera une dynamique de promotion efficace. Ce sujet est fondamental puisque, en moyenne, les entreprises africaines analysées en 2016 comptaient 47 % de femmes au bas de l’échelle hiérarchique, mais seulement 40 % au niveau du management intermédiaire et 29 % au niveau du management senior. L’attitude envers les femmes sur leur lieu de travail est perçue par ces dernières comme la principale barrière à leur réussite. Comment cela s’exprime-t-il au quotidien? Cette réalité n’est pas seulement propre au continent. Partout ailleurs
on observe un décalage entre ce que perçoivent les femmes de la réalité de leur environnement de travail, de la culture et des comportements, et ce que perçoit le reste de l’entreprise. Sans arriver aux comportements extrêmes, comme le harcèlement ou l’ostracisme, cela s’exprime par des attitudes biaisées face à la différence. On sait, par exemple, qu’hommes et femmes projettent leur propre parcours sur leurs semblables. Si un comité d’évaluation et de nomination est davantage masculin, lorsqu’il évalue un candidat, il aura tendance à parler de son « potentiel ». Pour une candidate, au contraire, il sera plus enclin à chercher des preuves de ce qu’elle a déjà démontré. Cela se manifeste aussi par le fait d’être la seule personne différente dans son environnement. Être l’unique femme dans une pièce réduit la propension de celle-ci à intervenir et à être écoutée. Ces exemples doivent pousser les entreprises à agir par le biais de la formation et de la mise en place de dispositifs internes offrant toutes les garanties de neutralité. Sandra Sancier-Sultan animera l’atelier « Women in Business », dont le thème sera la mise en œuvre d’une « charte du genre ».
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Cinéma / Arts plastiques / Tendance / Voyage / Style
Cérémonie d’ouverture de la dernière édition, au stade municipal de Ouagadougou, le 23 février.
SOPHIE GARCIA/HANSLUCAS.COM
Cinéma
Quel avenir pour le Fesp
Devenu une énorme machine, régulièrement critiqué pour son organisation chaotique, menacé par les attentats, le festival de Ouagadougou entend pourtant rester le temps fort du film africain. LÉO PAJON, envoyé spécial à Ouagadougou
L
ors de cette 26e édition du Fespaco, les amateurs de couacs organisationnels n’ont pas été déçus. À en croire les témoignages, des dizaines de professionnels invités n’ont jamais reçu leurs billets d’avion pourtant promis par le délégué général du festival, Ardiouma Soma. Des journalistes mais aussi des réalisateurs de la sélection officielle sont restés bloqués dans leur pays d’origine. Certains ayant fait le déplacement à l’aéroport ont dû rebrousser chemin ou se payer une chambre à l’hôtel le temps que leur billet soit vraiment édité. Programmation inconnue peu de temps avant le festival, parcours du combattant pour récupérer les accréditations, hôtels fermés au dernier moment aux invités du Fespaco, journalistes refoulés lors de la soirée d’ouverture… Les professionnels ont beaucoup grincé des dents. Un cinéaste a même vu une projection annulée, le DVD de son film ayant été « perdu ». Certains spectateurs aussi ont souffert… Par exemple, ceux qui ont attendu en vain, ticket ou invitation en main, sous un soleil accablant le 26 février pour assister à la projection de Desrance, le long-métrage d’Apolline Traoré, au Ciné Burkina.
aco?
Noms écorchés
À cela s’ajoute un amateurisme difficilement compréhensible dans la capitale du cinéma africain. Ainsi, comment expliquer que ce soit de jeunes étudiants qui présentent les séances… en écorchant parfois au passage le nom des réalisateurs ou même celui des films (Barkomo, d’Aboubacar Bablé Draba et Boucary Ombotimbé, devenant « Barkomé »)? Que les cinéastes, parfois présents aux projections, n’aient pas le temps d’échanger avec le public? Alors même que les
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Arrivée de la réalisatrice Apolline Traoré pour la projection de son film Desrance, avec Jean-Louis Jimmy, acteur haïtien.
professionnels ne demandent qu’à être plus impliqués. En fait, l’événement fait face à de nombreux défis. D’abord à une croissance exponentielle. La Semaine du cinéma africain, lancée par les cinéphiles du ciné-club franco-voltaïque en février 1969, était confidentielle, réservée à quelques passionnés… Aujourd’hui, le festival, c’est 160 films, 450 projections, des dizaines de colloques, un marché professionnel, des galas pour VIP, une cinémathèque, des publications (Fespaco News). Et plus de 100000 personnes sont attendues tous les deux ans.
Rigidités bureaucratiques
Certes, le festival a des partenaires. Le plus important, l’Union européenne, a accordé à la manifestation une enveloppe de 300000 euros cette année. Mais, comme l’écrivait Colin Dupré en 2012 dans un essai (Le Fespaco, une affaire d’État(s), L’Harmattan), le festival dépend surtout de l’État burkinabè, qui en a fait un outil puissant pour parfaire son image internationale. Cette année, l’État aurait versé 1 milliard de F CFA (1,5 million d’euros), soit un peu moins de la moitié du budget total. L’organisation, très rigide et bureaucratique, est parfois gangrenée par le copinage. Des réalisateurs dénonçaient ainsi sur les réseaux sociaux l’invitation régulière
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d’« apparatchiks » sans activité récente dans le secteur. Comme l’explique le cinéaste Gaston Kaboré, personnalité emblématique du Fespaco, « le festival dépend aussi de la bonne ou de la mauvaise santé du cinéma africain ». De là une programmation très inégale où des coproductions internationales, comme The Mercy of the Jungle, du Rwandais Joël Karekezi, ou Rafiki, de la Kényane Wanuri Kahiu, sont en compétition avec des premiers films plus fauchés. Le long-métrage malien Barkomo, par exemple, a été produit par son propre réalisateur, qui a investi 1,5 million de F CFA, utilisé son propre matériel pour filmer et monter son œuvre. Le plus gros défi du festival, cinquante ans après sa création, reste sa professionnalisation. « On aimerait qu’un fichier accessible à tous recense les professionnels
Le FIAPF, la fédération des producteurs, n’a pas accordé de label au festival, faute d’une gestion rigoureuse et de premières internationales.
présents sur l’événement, que les films récompensés soient mieux accompagnés après le Fespaco, qu’un travail de repérage soit fait pour dégoter des films, des séries… », plaide Claire Diao, productrice et distributrice par l’intermédiaire de sa société, Sudu Connexion.
Événement populaire
Car l’amateurisme nuit au prestige et à l’attractivité de l’événement. Le FIAPF, la fédération des producteurs de films, n’a toujours pas accordé de label au festival, faute d’une gestion rigoureuse et de premières internationales. Le public, hors professionnels, est essentiellement burkinabè: en dépit de sa longévité, la manifestation peine à se faire connaître dans le monde et à attirer des festivaliers internationaux. Malgré tout, on voit mal comment l’événement, souvent donné pour mort, pourrait réellement disparaître. D’abord parce qu’il reste populaire. Même si les séances dans les salles de cinéma sont aujourd’hui payantes, elles attirent toujours le public local. Et des projections nomades gratuites du Cinéma numérique ambulant introduisent le septième art sur les ronds-points, les marchés ou dans les lycées. Ensuite parce que la mission qu’il s’était fixée à ses débuts de « décoloniser les écrans » est toujours plus pressante, à l’heure où les nouveaux complexes
CanalOlympia proposent essentiellement dans leurs salles des blockbusters américains. On notera à ce propos l’effort des deux CanalOlympia burkinabè à Ouaga 2000 et à Pissy pour diffuser des films en compétition.
« Le Fespaco reste le lieu historique du cinéma africain, il faut y être », estime la réalisatrice, actrice et productrice sud-africaine Xolile Tshabalala, venue à cette édition, pour la première fois, comme en pèlerinage. Quitte à ne rien
SOPHIE GARCIA/HANSLUCAS
SOPHIE GARCIA/HANSLUCAS.COM
Cérémonie d’hommage aux cinéastes dans le cadre du cinquantenaire de la manifestation.
comprendre à la plupart des films en français, non sous-titrés. L’ombre des pères fondateurs plane toujours sur le prestige de l’événement. Et la relation qu’entretiennent certains professionnels avec le festival est quasi affective. « Je sais que je ne vais pas faire de chiffre d’affaires ici, mais je viens quand même, ne serait-ce que pour maintenir le contact », rigole Jean Roke Patoudem, réalisateur et producteur, derrière son stand du Mica. « Il y a une fidélité, une vraie ferveur des cinéastes et des cinéphiles, sourit Claire Diao. À l’issue de chaque édition, on se pose la question de la pérennité du Fespaco… Mais chaque fois, comme un chat, le festival retombe sur ses pattes. »
Gaston Kaboré Réalisateur burkinabè
« Le Fespaco sert de stimulateur » Le Fespaco est-il indispensable au cinéma africain? Oui, car c’est un lieu où s’effectue une rencontre intergénérationnelle entre professionnels et amoureux du cinéma. Bien sûr, il y a parfois des chocs électriques: nous avons des perceptions, des visions différentes sur ce que doit être le cinéma africain. Il m’arrive d’avoir le sentiment que certains sont comme des enfants qui veulent rejeter le père. Mais ces confrontations sont intéressantes et nous font avancer. Nous n’avons jamais été contre le fait que d’autres festivals naissent ailleurs:
nous avons soutenu la création du Ziff à Harare, du Mogpafis à Mogadiscio, du Sithengi à Cape Town, ces deux derniers ayant aujourd’hui disparu… Mais je crois qu’il y a quelque chose que les cinéastes trouvent ici et seulement ici, une certaine relation au public et une légitimation de leur travail. Comment expliquer les problèmes récurrents d’organisation? Un adolescent en pleine croissance peut souffrir de scoliose. C’est pareil pour le festival, qui a beaucoup grandi. Et nous sommes aussi dépendants du développement
des cinématographies africaines… Malgré tout, nous servons de stimulateur. Les cinéastes peuvent dire à leurs dirigeants: « Vous nous dites que vous n’avez pas d’argent, et pourtant le Burkina, un pays pauvre, y arrive! » Comment faites-vous face aux risques d’attentat? Nous n’avons jamais mis le festival en pause. Nous ne nions pas les risques, mais nous pensons qu’il est possible de les minimiser. Des amis m’écrivent: « Gaston, tu en penses quoi, est-ce qu’on peut venir? » Je leur
réponds que je ne peux pas assurer que Ouaga soit plus sûre que Paris, Londres ou Bruxelles. Mais l’envie d’être ensemble doit rester plus forte que la peur. Les gens viennent parce qu’ils croient que ce cinéma n’est pas que d’apparat, qu’il joue un rôle important pour le devenir des Africains. Il faut se battre pour garder le Fespaco et maintenir le désir de rencontre, de partage, afin que la jeunesse ne soit pas désemparée et qu’elle n’aille pas s’écraser sur les récifs de la mondialisation. Propos recueillis par L.P.
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Cinéma long-métrage qui avait coûté 4,5 millions de dollars, et qui en avait rapporté plus de 180 millions après son immense succès en salle.
L’actrice Madison Curry.
UNIVERSAL PICTURES
Eux et nous
L’horreur américaine
Avec Us, le réalisateur Jordan Peele propose un film de genre virtuose porté par une Lupita Nyong’o remarquable. RENAUD DE ROCHEBRUNE
A
delaide se promène avec ses parents dans une fête foraine, en Californie. La mère s’absente un moment; le père, absorbé par un jeu, ne la voit pas s’éloigner. Elle longe la plage puis, attirée par une sorte de palais des glaces, pénètre dans ce lieu quelque peu inquiétant: une chouette sort d’un mur, les miroirs sont déformants… Effrayée, Adelaide se retrouve à un moment face à son image, qui se révèle être non pas son simple reflet mais un être vivant possédant ses traits: son double. Elle fuit. Cette scène, projetée avant le générique, est une sorte de prologue de Us. Le réalisateur, Jordan Peele, s’y entend pour installer, avec des images esthétisantes et chargées de détails, une ambiance
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fantastique préfigurant un film d’horreur. Rien d’étonnant, se dit-on, puisqu’il s’agit du deuxième long-métrage de ce réalisateur africain-américain ayant fait une percée spectaculaire dans le genre il y a un peu plus de deux ans. Get Out racontait alors comment un couple de jeunes Américains, un Noir très brillant et sa fiancée blanche, allait passer un week-end à la campagne chez les parents de cette dernière. Un homme et une femme supposés libéraux mais se révélant être des suprémacistes prêts à tout pour empêcher une union mixte. Pièges, tortures, sang, tout le registre du cinéma d’horreur était convoqué dans ce film en huis clos original, mêlant action, peur, angoisse et réflexion sociale sur la persistance de la discrimination raciale dans l’Amérique contemporaine. Un
Us, de Jordan Peele (sortie en France le 20 mars)
Avec Us, on attendait une suite à plus grande échelle de Get Out, d’autant que le très prometteur Jordan Peele, qui disposait cette fois de beaucoup plus de moyens, avait annoncé qu’il voulait aller plus loin dans l’horreur. À bien des égards, on n’est pas déçu. On ne racontera pas l’intrigue en détail, bien sûr, mais disons qu’il s’agit d’une suite du prologue évoqué ci-dessus. Adelaide, adulte, revient pour des vacances avec son mari et ses deux enfants dans la maison familiale où elle a vécu autrefois ce moment cauchemardesque. La persécution par des doubles bien réels va recommencer, mais va cette fois concerner toute la famille et même toute la région. Encore plus réussi que Get Out sur le plan esthétique, avec des plans évoquant parfois des tableaux d’Edward Hopper ou de David Hockney, un scénario encore plus inventif, une réalisation virtuose, Us a été accueilli par une critique américaine dithyrambique qui compare l’auteur à Hitchcock, Spielberg, Haneke voire Kubrick! Avec une Lupita Nyong’o remarquable dans le rôle d’Adelaide, Us a cependant perdu en partie ce qui faisait de Get Out plus qu’un film de genre. Si l’on peut voir dans ce long-métrage une critique de l’Amérique qui distingue « nous » (us) de « l’autre », quel qu’il soit, on est pour l’essentiel face à un film d’horreur mâtiné de traits d’humour un peu plaqués qui ravira les amateurs du genre, que le réalisateur soit africain-américain ou non. Ce qui n’est pas rien, il est vrai…
Arts plastiques
Dans les yeux de l’autre
d’améliorer la gouvernance coloniale sur ces terres. » Entre 1957 et 1961, le jeune Pierre Bourdieu – adversaire déclaré du colonialisme – pose un regard radicalement différent sur l’Algérie en s’intéressant à l’économie de la misère, à la perte de repères provoquée par les déplacements de population dans des camps de regroupement. Il est en avance sur son temps: la guerre impose ses images et ses photographes, le Français Marc Garanger tirant le portait de femmes « dévoilées » pour des besoins d’identification, l’Algérien Mohamed Kouaci s’intéressant aux réfugiés ou aux camps d’entraînement de l’ALN. La confrontation, dont on sait la violence, est montrée ici avec pudeur et élégance.
À travers près de deux siècles d’images, l’exposition « Photographier l’Algérie » raconte l’évolution du regard porté par la France sur son ancienne colonie. NICOLAS MICHEL, envoyé spécial à Tourcoing
Q
Approche intime
FONDS MOHAMED KOUACI
ue voit-on dans les yeux de l’autre? Qu’apprend-on de lui, de soi, à la façon qu’il a de nous regarder? L’exposition « Photographier l’Algérie », qui se tient à l’Institut du monde arabe de Tourcoing jusqu’au 13 juillet, va bien au-delà de son objectif affiché, « mettre en évidence certains des regards qui se sont appliqués ensemble ou successivement à ce pays ». Si la commissaire Françoise Cohen insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une « histoire de l’Algérie par l’image », il s’agit en revanche bien d’une histoire des regards portés sur l’Algérie, essentiellement depuis la France, une histoire marquée par le fait colonial et son corollaire de violences. Quand les premiers colons débarquent, dans les années 1830, le daguerréotype vient tout juste d’être inventé. La photographie, professionnelle ou de loisir, se développe ensuite très vite et s’invite au cœur des foyers. Les images disent dès lors autant de ceux qui les prennent que de ceux qui sont pris. Chronologique, l’exposition commence par des tirages de l’imprimeur Jules Gervais-Courtellemont (1863-1931), des photos de voyage de la famille Gaumont ainsi que différentes cartes postales où transparaissent les poncifs et les a priori racistes de l’époque. « Toute l’œuvre de
Gervais-Courtellemont porte la réalité paradoxale d’un intérêt sincère pour son environnement qu’il ne peut toutefois s’empêcher de transmettre selon les clichés orientalistes de son époque », écrit la commissaire. Ce paradoxe est encore présent dans les superbes images de l’ethnologue Thérèse Rivière, envoyée avec Germaine Tillion dans le massif des Aurès, en 1935-1936. Tout en « étudiant » les sociétés traditionnelles, les deux femmes intègrent à leur corps défendant un système plus vaste: « Le travail qui leur est confié doit accroître la compréhension de ces populations, afin notamment
Retrouvailles, par l’Algérien Mohamed Kouaci.
« Photographier l’Algérie », IMA Tourcoing, jusqu’au 13 juillet
La joie de l’indépendance, saisie par le photographe de l’agence Magnum Marc Riboud, aurait pu clore l’exposition. Mais l’histoire de s’est pas arrêtée en 1962. Franco-Algérien né en 1961, Bruno Boudjelal s’est rendu dans le pays de son père en 1993, pendant les années noires. Il essaie depuis, en une approche intime, de rendre compte de la complexité des liens d’amour-haine unissant la France et l’Algérie. À propos de sa famille des deux rives, Boudjelal dit: « Je n’ai jamais réussi à réconcilier les deux histoires. » Faut-il pour autant renoncer à tout espoir? Les images d’Alger signées par Karim Kal (1977) et que chaque visiteur peut emporter en sortant de l’exposition s’ouvrent grand sur le bleu du ciel, sur le bleu de la mer. Ce sont, écrit-il, « des images qui respirent, équilibrées, presque apaisées », « des images ouvertes sur l’ailleurs ».
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Tendance
Ça glisse pour eux La websérie Africa Riding, réalisée pour Arte par Liz Gomis et Aurélien Biette, donne la parole à de jeunes urbains adeptes de la planche à roulettes. près de dix ans. C’est en 2007, lors d’un passage à New York, qu’elle découvre l’exposition de l’artiste-photographe suisse Yann Gross. « Il s’était rendu à Kitintale, dans la banlieue de Kampala, en Ouganda, où il avait réalisé une superbe série de photographies sur un skatepark construit au beau milieu d’un champ de cannes à sucre! » C’est ce même skatepark, réalisé à partir d’objets de récupération, que l’on retrouve dans un autre épisode d’Africa Riding, ainsi que son créateur, Jackson Mubiru, 34 ans. « Si on l’a fait, c’est avant tout pour les jeunes, avance-t-il. On essaie de les divertir, de les éloigner de la criminalité en les remettant sur le droit chemin. »
KATIA DANSOKO TOURÉ
F
«
Sur le droit chemin
CONSEILLÈRE PRÉSIDENTIELLE
NICOLAS ALOZIAN
abriquer un board, c’est créer du travail », dixit Chance, skateur de 22 ans. À Accra, il slalome sur la route entre les 4×4 rutilants avant de rejoindre son collectif d’amis graphistes, vidéastes ou photographes dans un local de la ville. Dans son univers, c’est la débrouille qui prime. D’ailleurs, l’un de ses amis s’apprête à fabriquer ses nouvelles planches avec du carton. « On fabrique tout nous-mêmes. Des skateboards corrects, et des rampes aussi », raconte Chance avant de clamer que la nouvelle génération s’approprie son existence sans attendre quoi que ce soit des autres. Selon lui, c’est la raison pour laquelle l’Afrique prend un nouveau tournant. Le ton est donné avec ce premier épisode d’Africa Riding, websérie documentaire en huit épisodes de moins de dix minutes signée Liz Gomis et Aurélien Biette – et diffusée sur le site Arte Creative depuis le 26 février. Entre septembre 2017 et mars 2018, le duo s’est rendu au Ghana, au Rwanda, au Sénégal et en Ouganda pour aller à la rencontre de jeunes adeptes de sports de glisse urbaine. Une idée que la journaliste nourrissait depuis
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À 38 ans, Liz Gomis peut se targuer d’un sacré parcours en tant que chargée de production, réalisatrice, productrice et reporter. Journaliste au sein de Radio Nova depuis 2006, ses nombreux reportages l’ont menée au Canada, à New York, au Brésil et dans plusieurs villes d’Afrique. Celle qui a travaillé pour les chaînes françaises M6, Canal+ ou France 4 a aussi coécrit, en 2014, un spectacle de danse autour de Nina Simone avec sa cousine, la danseuse Antoinette Gomis. Cette pièce, qui a notamment été présentée à l’Apollo Theater de New York, a tourné jusqu’à début 2018. En ce mois de mars 2019, alors que son webdoc Africa Riding suscite l’enthousiasme, Liz Gomis est en route, aux côtés d’Emmanuel Macron, pour l’Éthiopie et le Kenya, où elle mènera plusieurs actions culturelles en tant que membre du Conseil présidentiel pour l’Afrique. K.D.T.
Autant dire qu’avec Africa Riding l’idée n’est absolument pas de porter le discours euphorique, creux et redondant qui consiste à désigner l’Afrique comme le continent du futur. Ni même d’en mettre plein la vue au spectateur avec des performances sportives à couper le souffle. Il s’agit de parler du présent de l’Afrique, du quotidien de ces jeunes hommes et de ces jeunes femmes en véhiculant un certain nombre de valeurs. « Je voulais trouver des gens qui soient engagés socialement, culturellement ou politiquement. Je ne cherchais pas forcément des militants, mais des personnes qui croient en un idéal, avance Liz Gomis. Je n’avais aucune envie d’enjoliver les choses et de laisser entendre que la glisse allait révolutionner l’Afrique ou le mental des jeunes Africains. Je ne voulais pas non plus faire place au misérabilisme. Je voulais une photographie de la réalité. » Quant aux pays choisis, la jeune femme parle de facilité pour le Sénégal, où le pilote de
EDUARDO SOTERAS/AFP
la websérie a pu rapidement être tourné avec Modou, skateur dakarois. « L’Ouganda et le Rwanda me fascinaient. En m’aidant d’Instagram, j’ai aussi trouvé des riders en Tanzanie, en Éthiopie, au Maroc ou en Afrique du Sud. Finalement, j’ai opté pour le Ghana parce que l’Éthiopie était en pleins troubles politiques et qu’en Afrique du Sud cette culture est installée depuis longtemps. » Admiratrice du réalisateur californien Harmony Korine et inspirée par le film
Dans les rues d’Addis-Abeba, pendant la journée sans voitures.
documentaire Beautiful Losers, qui consacre la culture do it yourself à travers le skate ou le graffiti (2008), la documentariste se met en quête du parfait binôme. « Le cameraman devait être capable de filmer tout en étant en mouvement. » Le choix d’Aurélien Biette, fana de roller-skate, est sans appel. « Nous étions complémentaires dans la réalisation. » Résultat: des images fluides et lumineuses. Pour le format, dont chaque épisode a coûté plus de 15000 euros, la réalisatrice évoque sa cible: les jeunes, plus portés sur les smartphones que sur le petit écran.
Skateuse et déesse
Le tournage n’a pas toujours été de tout repos. Les quolibets leur tombent dessus lorsqu’ils filment Dominique, une skateuse gabonaise de 30 ans installée à Accra. « En Afrique, c’est contre-nature d’être une femme et de faire ce que je fais », avance celle qui se dit « entrepreneuse, féministe, activiste, rappeuse, danseuse, skateuse, déesse, dieu, africaine et citoyenne du monde ». Les regards se font pesants tandis qu’elle se dirige, en ridant, vers le marché de
Makola. « Les types qui se tenaient à côté de nous, pendant le tournage, estimaient que c’était dégradant pour une femme », se souvient Liz Gomis. À Kigali, place au performeur burundais Abdul Karim Habyarimana, 28 ans, qui multiplie les figures au milieu des voitures. Le jeune homme donne des cours de roller aux enfants. « Je veux qu’ils aient confiance en eux, parce que dévaler une pente, faire des sauts, c’est autant de défis et de peurs qu’il faut affronter dans la vie. » Qu’ils soient en skate ou à vélo, à rollers ou en BMX, les huit jeunes présentés dans Africa Riding partagent une même philosophie de vie, empreinte d’engagement et d’optimisme. « Ils m’ont dit: “quand tu pratiques ces sports, tu tombes, tu te relèves et tu recommences. Tu ne retomberas jamais de la même façon. C’est comme dans la vie.” Je suis sortie de là en ressentant une forme d’espoir », souffle Liz Gomis. En somme, dans cette websérie, le sport de glisse est une métaphore de l’existence: prendre des risques, sauter de plus en plus haut, aller de plus en plus loin.
ARTE
En route pour le skatepark…
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Voyage
PHOTOS : NORA SCHWEITZER
Un groupe de touristes français à bord du Train du désert.
De nouveau sur les rails
Depuis 2005, les touristes avaient déserté la ligne ZouérateNouadhibou. Aujourd’hui, ils peuvent rembarquer pour un périple de 500 km à travers les paysages mauritaniens. NORA SCHWEITZER, envoyée spéciale en Mauritanie
L
e klaxon de la locomotive retentit. Un troupeau de dromadaires traverse la voie. Alassane Ba, le conducteur, freine brusquement. « Ça arrive souvent ici, il faut être vigilant ! » Parti de Choûm, localité du nord-ouest de la Mauritanie, le Train du désert met le cap au nord, vers la région du Tiris Zemmour. Vitesse maximale: 60 km/h. Juchés à l’avant de la locomotive, Joël et Sylvie Galtier admirent le paysage. À l’est défilent les dernières montagnes de l’Adrar, le principal massif du pays. À l’ouest s’étend une immense plaine sableuse semée de pitons rocheux. Entre les acacias apparaissent les
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pointes blanches des khaïmas, les tentes traditionnelles des nomades. « Découvrir le Sahara d’une manière aussi originale, c’est magnifique », s’extasie Joël, qui rêvait de voyager dans le plus grand désert du monde.
Mine de fer
Avec une dizaine d’autres Français, ce couple de Montpelliérains vient d’embarquer pour un voyage unique à bord de ce train touristique, remis en service en octobre dernier. Sa particularité? Il circule sur l’unique voie ferrée de Mauritanie et de tout le Sahara, celle du train minéralier mis en service par les Français en 1963. Il transporte le fer de la mine de Zouérate jusqu’au port de Nouadhibou sur l’Atlantique, à travers plus de 700 km de désert.
Lancé en 1998 par la coopérative Point-Afrique et son emblématique directeur, Maurice Freund, le Train du désert a fonctionné jusqu’en 2005, avant de disparaître avec l’effondrement du tourisme. Frappée par des attaques terroristes, dont celle d’Aleg en 2007, une partie de la Mauritanie a été placée en zone rouge par le ministère des Affaires étrangères français en 2010. Mais, depuis 2017, la donne a changé. Le Quai d’Orsay a allégé ses consignes de sécurité, ouvrant la voie à une relance du tourisme et à une reprise des vols Paris-Atar. Après plus de dix ans d’interruption, l’heure est enfin venue pour le Train du désert de sortir du hangar. Une renaissance dont se réjouit Sid’Ahmed Tahan, le guide, déjà présent dans les années 2000. « Le train apporte de l’activité touristique dans le nord de la Mauritanie, une région peu visitée, contrairement à l’Adrar, réputée pour ses montagnes, ses oasis et ses canyons. »
Le convoi circule sur l’unique voie ferrée du Sahara.
direction le village de Ben commerce entre Zouérate et Amira, à 250 km au sud. Les Nouadhibou. Ils transportent voyageurs s’installent dans la du poisson, des chèvres, et voiture-couchette pour une même des dromadaires, nuit passée au rythme des explique Sid’Ahmed. Tout balancements du train. passe sur le minéralier! » Dormir? Pas pour tout le Quelques heures plus tard, le monde. Christian passe la tête Train du désert arrive en gare par la fenêtre et admire le ciel de Zouérate. Créée ex nihilo à la étoilé. Une brise fraîche caresse fin des années 1950 par la la nuit noire de ce début février. Société des mines de fer de « J’ai l’impression de retourner Mauritanie (Miferma) – l’entretrente ans en arrière, dans prise française qui a exploité la l’ambiance des trains-coumine jusqu’à sa nationalisation chettes. C’est magique. » en 1974 –, cette cité du Nord compte 44600 habitants, selon le recensement de 2013. La visite de la mine est un Au petit matin, les rideaux moment fort du voyage. Au s’ouvrent sur Ben Amira. Ici, Le cœur de la Kedia d’Idjil, une une trentaine de familles vivent circuit est chaîne de montagnes aux au rythme de la voie ferrée. En proposé par teintes rouges et noires, le fin d’après-midi, tout le village les agences Pointsite d’extraction ressemble est en ébullition, non pas pour « Train du désert, Voyages, Point-Afrique à une fourmilière. De j’écoute? » Dans sa cabine de le minéralier mais pour un et Terres d’Aventure. gigantesques pelles creusent pilotage, Alassane s’agite. Il train encore plus important: le Départs d’octobre au plus profond de la terre vient de recevoir un appel train-service. « Une fois par à avril. puis chargent d’énormes semaine, il nous ravitaille en radio de la Société nationale camions, qui s’agitent en un eau, en carburant, en bétail et industrielle et minière (Snim), va-et-vient incessant. Direction en marchandises », explique qui gère la voie. « Un minéralier ensuite le concassage, où le Mouneina Ali, une habitante, chargé arrive de Zouérate. On minerai est broyé puis évacué en raccordant son tuyau à l’une doit se mettre sur la voie sur de longs tapis vers le lieu de d’évitement pour le laisser des citernes. Aujourd’hui, elle chargement du train. « Chaque passer. » La voie ferrée étant attend beaucoup du retour du wagon est chargé en 20 unique, les minéraliers ont la Train du désert. Avec d’autres secondes, » explique femmes, elle a dressé des tentes priorité. Un immense phare Mohammed Boye, responsable où elles vendent des objets apparaît à l’horizon. Le voilà sécurité, avant d’ajouter avec d’artisanat. « Le village a tourné enfin. Trois énormes locomofierté, « nous exportons au ralenti quand le tourisme tives et plus de 150 wagons qui 12 millions de t de fer par an ». s’est arrêté. On espère que les défilent dans un fracas À la nuit tombée, le Train du assourdissant. Long de 2,5 km touristes vont ramener de la vie désert quitte Zouérate, et pouvant peser jusqu’à à Ben Amira. » 17000 t, le minéralier est connu comme l’un des trains les plus lourds et les plus longs au LES MONOLITHES DE BEN AMIRA ET D’AÏCHA monde. Christian Ross, cheminot de 53 ans, est À quelques australiens : À 7 km de Ben des bovidés et enchanté. Il rêvait de le voir kilomètres du Uluru (Ayers Amira, un autre des chasseurs. depuis longtemps. « C’est le village trône Rock) et le mont monolithe vaut le Un campement train de tous les records! » l’immense Augustus, détour, celui a été dressé au s’enthousiasme ce passionné monolithe de Ben constitué de d’Aïcha. On peut pied du monolithe alors que le convoi n’en finit pas Amira. Avec ses granit. Sa couleur observer à de Ben Amira de passer. Des Mauritaniens, 550 m, c’est le sombre offre un l’intérieur des pour permettre juchés sur le minerai de fer, troisième plus contraste peintures aux voyageurs de saluent de la main. « Le voyage haut du monde saisissant avec le rupestres vieilles passer la nuit au dans les wagons de fer est après deux désert de sable de 5 000 ans, milieu des dunes. gratuit. Ces gens font du N.S. monolithes qui l’entoure. principalement
Eau et carburant
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Style L’OBJET
Le sac « Tais-toi » À seulement 23 ans, la Camerounaise Maureen Kim est à la tête de la marque de maroquinerie qu’elle a lancée avec son père et qui porte son nom. KATIA DANSOKO TOURÉ
Originaire du Cameroun, Maureen Kimberley Siadjeu est née à Charleroi, en Belgique. Elle a 5 ans quand sa famille quitte le plat pays pour rejoindre la France. « Depuis toute petite, je suis passionnée par les sacs à main », raconte la jeune créatrice de 23 ans, en troisième année de management de luxe à l’ESGCI, école de commerce parisienne. Enthousiasmé par ses croquis, son père, Ernest Siadjeu, homme d’affaires de 48 ans, lui propose de la lancer. Elle n’a que 18 ans. Deux ans plus tard, en septembre 2016, naît sa toute première collection autour de son modèle désormais phare. Il s’agit de « Tais-toi ». Suivront Edwige et Numéro 3. C’est sur le web qu’est lancée l’entreprise, dont le siège social est situé à Meudon, avant l’ouverture d’une boutique au Palais des congrès de Paris, en janvier 2018. Si Ernest Siadjeu, qui a utilisé ses propres fonds, ne souhaite pas évoquer le budget alloué au lancement de Maureen Kim Paris, il assure qu’en 2018 la griffe a enregistré un chiffre d’affaires de 150 000 euros contre 85 000 euros en 2016. « Depuis notre création, nous avons vendu entre 900 et 1 000 sacs », précise-t-il encore.
Secrets de fabrication
Les différents sacs Maureen Kim sont proposés en cuir de veau verni ou grainé, en cuir de vache pleine fleur ou encore en peau de crocodile. L’ensemble des cuirs est acheté dans une tannerie du sud de la France où se trouve également l’usine de fabrication, deux entreprises dont Ernest Siadjeu ne souhaite pas dévoiler les noms. « Nous envoyons ensuite les modèles en Corée du Sud, où nous travaillons également avec un ingénieur partenaire. » Cet ingénieur s’occupe d’accessoiriser la plupart des modèles avec de l’acétate de cellulose, une matière plastique biodégradable. « On retrouve cette matière sur les fermoirs et sur les anses », indique Maureen Kim, qui se tourne aussi vers un designer pour la 106
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MAUREEN KIM
Encore étudiante
réalisation des patrons. « Je cherchais à me démarquer avec un mode de fabrication plus écologique. » Coût de ses créations : de 425 à 1 250 euros.
Déclinaison en patiné bleu
Ce modèle en cuir de vache blanc et patiné en bleu est l’une des nombreuses déclinaisons du premier sac de Maureen Kim. « Quand j’ai dévoilé ma première pièce en cuir verni, tout le monde me répétait que c’était un peu vieillot compte tenu de mon âge. Raison pour laquelle j’ai fini par le baptiser Tais-toi. » Il peut être porté à la main ou en bandoulière et compte quatre poches. « Le Tais-toi est très spécial parce qu’il a lancé ma marque. C’est mon petit bijou », ajoute Maureen Kim concernant ce sac à 1 250 euros. Pour la confection, il faut compter un délai de cinq à six mois. Aujourd’hui, Maureen Kim Paris compte neuf collections : Kimberley, Double A, Edwige, Numéro 3, Stéphanie, Lindsey, etc. « Les prénoms sont ceux de membres de ma famille. » Femmes jeunes mais aussi plus âgées composent sa clientèle. Si, pour le moment, le père se charge de la production et des aspects financiers, la fille reprendra la main une fois ses études achevées. « J’ai créé cette marque pour toutes les femmes, peu importe l’âge et le style. »
GRAND FORMAT
DEAGOSTINI/GETTY IMAGES
Pour tout comprendre de l’évolution d’un pays
MALI
Le sursaut
Fruit d’une prise de conscience collective, une nouvelle dynamique est à l’œuvre au sein de la classe politique, de la société civile et des milieux d’affaires. De quoi enfin engager les réformes institutionnelles et le recentrage économique nécessaires au redressement du pays ? jeuneafrique no 3036 du 17 au 23 mars 2019
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110 ENJEUX
Constitutionnellement vôtre
114 Vie des partis
François Soudan
Nouveaux équilibres
116 Sécurité
Kidal en semi-liberté
118 L’infographie Cartes à rebattre
Planète Mali ’est une année charnière pour Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), celle où se jouera l’héritage qu’il laissera à son peuple à l’issue de son ultime mandat en 2023, celle aussi où se décidera une partie de l’avenir du Mali. Pour la première fois depuis longtemps, un fragile alignement des planètes semble se mettre en place en ce début de 2019. Certes, le front social demeure agité, mais la crise postélectorale est en grande partie digérée, et une sorte de consensus se dessine entre les acteurs politiques pour enfin appliquer les dispositions clés de l’accord de paix signé il y a près de quatre ans à Alger. Au premier rang : la mise en œuvre d’un nouveau cadre institutionnel équilibré, lequel passe par une réforme de la décentralisation d’autant plus délicate à mener qu’il convient absolument d’éviter que des groupes, dont la seule légitimité est d’être armés, s’y taillent la part du lion. Une prise de conscience collective de la nécessité d’une nouvelle loi fondamentale incluant ces modifications, via un référendum qui pourrait être couplé avec les élections législatives avant l’hivernage, était un préalable. C’est désormais (presque) une réalité. Mise à mal par la présidentielle de 2018, la culture du consensus refait son apparition au Mali. La sagesse d’IBK, l’entregent de son Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maïga, et les réflexes d’homme d’État du chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé, y sont pour beaucoup. Face à une situation sécuritaire aussi mouvante que préoccupante, ce sursaut de patriotisme est il est vrai indispensable. Malgré les succès tactiques remportés dans l’Est et le Nord par la coalition franco-onusienne, l’opérationnalisation croissante de l’armée malienne dans le Centre et l’entrée en
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121 Tribune
Par Moussa Mara Ancien Premier ministre, président du parti Yelema
scène de la force régionale du G5 (rarement pays aura bénéficié d’un tel appui militaire pour recouvrer sa stabilité), les réseaux du jihadisme armé ne cessent de renaître, de s’étendre et de frapper sans plus se soucier désormais de contrôler des portions de territoire. Mettant à profit des conflits fonciers et communautaires séculaires, ces groupes terroristes « arment littéralement les clivages locaux existants, préalablement exprimés de manière non violente […] Puis les relabellisent en tant que jihad armé », écrit le chercheur Yvan Guichaoua dans une récente tribune publiée sur jeuneafrique.com. Expérimentée dans le Macina malien et désormais exportée avec une inquiétante facilité au cœur du maillon faible burkinabè, cette stratégie conduit les armées nationales du Sahel à s’appuyer sur des milices locales de contre-guérilla aux méthodes souvent expéditives, leurs adversaires jihadistes multipliant de leur côté les échanges logistiques avec les trafiquants de drogue, d’or et de cigarettes.
124 ÉCONOMIE
Pas d’avancée sans le privé
131 Interview
Boubou Cissé Ministre de l’Économie et des Finances
134 Mines
Une filière en or
138 SOCIÉTÉ
Fibre laïque et influence religieuse
144 Entretien avec Adame Ba Konaré Historienne, ancienne première dame
Ce qui pourrait arriver de mieux
Tous les gouvernements qui se sont succédé à la tête du Mali depuis une vingtaine d’années ont leur part de responsabilité dans l’affaissement de l’autorité de l’État. Dès lors, s’obstiner pour des motifs politiciens à faire de celui d’IBK l’unique bouc émissaire et ajouter une crise de légitimité à une crise sécuritaire n’avait guère de sens. Ibrahim Boubacar Keïta est l’hôte du palais de Koulouba pour quatre ans et cinq mois encore. En 2023, assurait-il à JA en juillet dernier, il passera la main « sans hésitation aucune ». Autant dire que la voie est ouverte pour ce qui pourrait arriver de mieux au Mali : un débat politique enfin apaisé et responsable.
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Grand format MALI
ENJEUX Six mois après le début de son second mandat, IBK relance le projet de révision de la Constitution. Mais si la classe politique s’accorde désormais sur la nécessité d’opérer des changements, des divergences demeurent quant à leurs modalités. AÏSSATOU DIALLO, envoyée spéciale
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n appel manqué et un SMS signé Ibrahim Boubacar Keïta (IBK). C’est ce qu’affiche le téléphone de Soumaïla Cissé, ce 14 février. Le chef de l’État demande au chef de file de l’opposition de le rappeler. Cissé croit d’abord à un canular. Il n’en est rien. IBK le rappelle. Et les deux hommes finissent par décider d’une rencontre en tête-à-tête le 26 février. Une occasion inespérée, pour les protagonistes du second tour de la présidentielle de 2018, de renouer le dialogue. État des lieux politique et sécuritaire, crise sociale, situation économique et financière… L’échange a duré plus de deux heures, comme celui qu’ils ont eu le 5 mars, toujours à Koulouba, ce qui a permis de faire un pas considérable vers la décrispation, à l’heure ou le pays vient d’engager un colossal chantier de réformes constitutionnelles et institutionnelles.
« Nous avons essayé de trouver un mode opératoire pour pouvoir avancer. Nous sommes convaincus qu’il faut un dialogue élargi à l’ensemble des forces vives du pays », a indiqué Soumaïla Cissé. Il s’est d’ailleurs déjà entretenu avec les anciens chefs d’État Moussa Traoré et Dioncounda Traoré. Cissé a également eu un « échange téléphonique très long » avec Amadou Toumani Touré et, le 6 mars, il rencontrait l’ancien président Alpha Oumar Konaré. De son côté, IBK va continuer de recevoir les leaders de partis et anciens Premiers ministres. Dans l’opposition comme dans la majorité, on se réjouit de cette nouvelle dynamique. Mi-2017, IBK avait dû renoncer à son projet de révision de la Constitution face à la pression de la rue. Le texte controversé prévoyait notamment la création d’un Sénat – dont un tiers des membres devaient être nommés par le président de la République et deux autres tiers élus au suffrage
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CAITLIN OCHS/REUTERS
Consultations tous azimuts
En 2017, le chef de l’État avait dû renoncer à réformer le cadre institutionnel sous la pression de l’opposition et de la société civile.
En quête de consensus
Grand format MALI ENJEUX
DAOU BAKARY
Au palais de Koulouba, le 26 février. Premier tête-à-tête entre Ibrahim Boubacar Keïta et Soumaïla Cissé, le chef de file de l’opposition, depuis la présidentielle.
universel indirect. Il instituait également la nomination du président de la Cour constitutionnelle par le chef de l’État et l’interdiction pour les députés de changer de parti en cours de mandat. Cette fois, IBK compte sur une large adhésion au projet. Dans son discours du Nouvel An, le président a insisté sur le caractère « inclusif » des réformes. Par ailleurs, Soumeylou Boubèye Maïga, le Premier ministre (il vient de faire une tournée dans le Nord et le Centre), et Bokary Treta, le chef du Rassemblement pour le Mali (RPM, parti présidentiel) et de la coalition Ensemble pour le Mali (lire pp. 114-115), ont multiplié les rencontres avec les différents protagonistes de la vie politique malienne. Le contexte semble également plus favorable, dans la mesure où les acteurs sont désormais unanimes sur la nécessité d’opérer des changements. Ainsi, majorité comme opposition sont aujourd’hui prêtes à discuter de la mise en place d’un organe unique de gestion des élections (au lieu de trois actuellement) et de la pertinence de le constitutionnaliser. Elles sont également très largement favorables à un changement du mode de scrutin pour les législatives. Sur le plan institutionnel, personne ne remet en question la création d’une Cour des comptes pour se conformer aux exigences de l’Uemoa. Même le principe d’un Sénat (jugé budgétivore et inopportun en 2017) est moins controversé. La création d’une chambre haute est désormais présentée comme l’une des options possibles pour parvenir à représenter les différentes couches de la société, ainsi que le recommande l’accord de paix signé en 2015 entre le gouvernement et les groupes armés de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA).
« Fait accompli »
Dans un premier temps, le comité d’experts chargé de proposer un projet de Constitution au gouvernement début avril assure avoir mis l’accent sur « les discussions » et « la transparence ». « Nous échangeons avec les institutions, les partis, la société civile, les légitimités traditionnelles, ainsi que les mouvements signataires de l’accord pour la réconciliation, explique Sidi Diawara, le rapporteur du comité. Nous allons aussi conduire des forums citoyens dans les régions. Nous ne pourrons pas prendre en compte l’opinion de chacun, mais nous étudierons un maximum de contributions. » Un site internet a été mis en place afin de recueillir celles-ci.
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En parallèle, le Premier ministre a créé un cadre national de concertation piloté par le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation (MATD), qui réunit des représentants du gouvernement, des partis politiques et d’organisations de la société civile. Cette apparente volonté d’inclusion a cependant déjà du plomb dans l’aile, certains soulignant, notamment, que l’avis du cadre national n’est que consultatif. Le Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD), qui regroupe plusieurs partis d’opposition – dont l’Union pour la République et la démocratie (URD), de Soumaïla Cissé, et le Parti pour la renaissance nationale (Parena), de Tiébilé Dramé –, ainsi que des organisations de la société civile, dans une déclaration du 5 février, « rejette » ce cadre. Il dénonce la création, au contraire « sans concertation », du comité d’experts et évoque une « politique du fait accompli par la mise en place unilatérale » de ce cadre national. Un reproche similaire à celui formulé par l’ancien Premier ministre Moussa Mara, président du parti Yelema (lire p. 121) et membre de la nouvelle Convergence des forces patriotiques (Cofop). « La démarche du gouvernement elle-même est contraire à la concertation, estime-t-il. Il faut d’abord s’entretenir avec ceux qui l’exigent pour en définir les contours. » D’autres, comme Housseini Amion Guindo, président de la Convergence pour le développement du Mali (Codem), s’opposent au projet – présenté par le MATD au sein du cadre national de concertation – de coupler le référendum constitutionnel et le premier tour des législatives, qu’il propose de tenir le 9 juin. Les formations politiques sont également censées donner leur avis sur le découpage territorial (lire pp. 118-119) avant les prochaines élections. « C’est un piège, dénonce Housseini Amion Guindo. Un tel découpage ne peut pas être effectué dans un État aussi fragile. Nous ne voulons pas légitimer un projet aussi décrié. » Dans un pays où le gouvernement par consensus s’est imposé, que vaudront les conclusions d’un comité d’experts et d’un cadre de concertation que l’opposition ne reconnaît pas? « La situation oblige les acteurs à trouver un compromis, qui pourrait être la mise en place d’un gouvernement ouvert à des membres de l’opposition », suggère Mohamed Amara, sociologue à l’université de Bamako et au centre Max Weber de Lyon, auteur de l’essai Le Mali rêvé.
TROIS TENTATIVES AVORTÉES Le 26 mars 1991, Moussa Traoré est renversé par le coup d’État du lieutenantcolonel Amadou Toumani Touré (ATT), qui met en place un Comité de transition pour le salut du peuple (CTSP). Une conférence nationale élabore un projet de Constitution, laquelle est
adoptée par référendum le 12 janvier 1992. Depuis l’avènement de cette IIIe République, toutes les tentatives pour réviser la loi fondamentale – celles d’Alpha Omar Konaré en 2000, d’ATT en 2011 et d’Ibrahim Boubacar Keïta en 2017 – ont échoué. A.D.
COMMUNIQUÉ
LA MALIENNE DE L’AUTOMOBILE
Un acteur clé du marché automobile au Mali et en Afrique de l’Ouest
Un entretien avec Monsieur Lamine Bassirou Niang, Directeur Général de La Malienne de L'Automobile La Malienne de l’Automobile est une société privée, de droit malien, créée en 1996. Nous sommes le distributeur exclusif au Mali des marques automobiles Mitsubishi, Citroën, Kia, Mercedes (voitures particulières, van, camions, bus) et Fuso (camions et camionnettes) ; ainsi que des véhicules deux roues de Suzuki. Par ailleurs, la société a signé un contrat de franchise avec le prestigieux groupe de location Hertz, qui permet de mettre à disposition de nos clients des véhicules neufs, climatisés et sous garantie. Nous sommes le leader de la location automobile au Mali.
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VIE DES PARTIS
Nouveaux équilibres À l’approche des élections législatives, qui pourraient se tenir en juin, l’échiquier politique est en pleine recomposition. AÏSSATOU DIALLO
a présidentielle de juillet 2018 passée et trois mois avant les législatives – dont le premier tour pourrait se tenir le 9 juin 2019 –, force est de constater que les équilibres ont changé. Le Rassemblement pour le Mali (RPM) est en perte de vitesse et, depuis fin 2018, s’est vidé d’une partie de ses élus, dont bon nombre sont allés grossir les rangs de l’Alliance pour la solidarité au Mali-Convergence des forces patriotiques (Asma-CFP), de Soumeylou Boubèye Maïga, le Premier ministre. Cette formation, qui ne comptait que cinq députés à l’issue des législatives de 2013, en dénombre désormais une vingtaine. Les opposants au chef de l’État évoquent aussi une rivalité entre le Premier ministre et le leader du RPM, Bokary Treta, également à la tête de la coalition Ensemble pour le Mali (EPM), qui regroupe les formations ayant soutenu Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) à la présidentielle, dont le RPM, l’Asma-CFP, l’Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice (Adema-PASJ), l’Union malienne du Rassemblement démocratique africain (UM-RDA), l’Union des forces démocratiques (UFD) et l’Union pour la démocratie et le développement (UDD). « Aujourd’hui, la plus forte opposition se trouve au sein même de la majorité », ironise Housseini Amion Guindo, président de la Convergence pour le développement du Mali (Codem), ex-membre de la majorité présidentielle. « Treta n’a aucun ascendant, ni sur les ministres membres
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de son parti ni sur les députés. Tous savent que ce n’est pas lui qui décide », renchérit Moussa Mara, président de Yelema et ancien Premier ministre d’IBK (lire p. 121).
Égalité des genres
« AUJOURD’HUI, LA PLUS FORTE OPPOSITION SE TROUVE AU SEIN MÊME DE LA MAJORITÉ. »
HOUSSEINI AMION GUINDO, président de la Convergence pour le développement du Mali (Codem)
Bokary Treta balaie ces considérations du revers de la main : « Nous avons une lecture claire du rôle de chacun. » En ce qui concerne les départs de députés du RPM vers d’autres partis, Treta estime que ceux-ci découlent d’une « question de gestion interne, au regard du contexte politique de 2018 ». Il explique: « Objectivement, nous avons voulu alléger les listes en fonction des alliances dans les cercles. À Ségou, où nous recensions six députés RPM sur sept élus, nous avons décidé de ne pas aller au-delà de quatre investitures. Nous n’étions pas certains que cette liste remporterait les sièges et ceux dont l’investiture était incertaine se sont naturellement tournés vers d’autres formations. » L’entrée en vigueur de la loi instituant des mesures pour promouvoir l’égalité des genres dans l’accès aux fonctions nominatives et électives change aussi la donne. Elle dispose en effet, dans son article 3, que « les listes de candidatures aux élections locales doivent respecter l’alternance des sexes de la manière suivante: si deux candidatures du même sexe sont inscrites, la troisième doit être de l’autre sexe ».
DAOU BAKARY
Conférence de la Cofop, le 21 octobre 2018, à Bamako.
Des mutations s’observent aussi au sein de l’opposition, ou plutôt des oppositions. Ex-membre de la coalition présidentielle passé à l’opposition en 2017 à la faveur de la contestation de la révision constitutionnelle, l’homme d’affaires Aliou Diallo, qui participait pour la première fois à une présidentielle, est arrivé en troisième position, avec plus de 8 % des suffrages exprimés. De quoi revigorer son jeune parti, l’Alliance démocratique pour la paix (ADPMaliba). Pour le second tour, ce dernier n’avait appelé à voter ni pour IBK ni pour son challenger, Soumaïla Cissé, président de l’Union pour la République et la démocratie (URD) et chef de file de l’opposition. Le 2 février dernier, Bokary Treta a été reçu par l’ADP-Maliba dans le cadre des nouvelles discussions autour des réformes constitutionnelle et institutionnelles. Résultat : les deux partis ont publié un communiqué conjoint et se sont engagés à travailler ensemble. « Le fait de ne pas avoir appelé à voter pour un candidat au second tour nous donne une position confortable. Nous voulions être constructifs, afin que le dialogue soit inclusif », confie Amadou Thiam, député et président de l’ADP-Maliba. Quant à Oumar Mariko, le leader de la Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (Sadi), jusqu’alors allié de Thiam, avec lequel il formait un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale, il s’est trouvé de nouveaux partenaires
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de circonstance, parmi lesquels Moussa Mara, Housseini Amion Guindo et Moussa Sinko Coulibaly. Avec ces derniers, il forme désormais la Convergence des forces patriotiques (Cofop). Un mouvement qui estime que la prorogation du mandat des députés est anticonstitutionnelle, dans la mesure où les législatives ont été reportées à deux reprises. « Nos profils ne sont pas forcément liés à ceux de l’actuelle opposition. Ce qui nous unit, c’est que nous ne sommes pas d’accord avec la façon de faire du gouvernement », explique Housseini Amion Guindo.
Premier pas vers la décrispation À la suite de l’interdiction de manifestations à Bamako depuis fin 2018, les protestations du Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD), qui réunit notamment l’URD et le Parti pour la renaissance nationale (Parena), de Tiébilé Dramé, ont été rendues inaudibles. Pour se faire entendre, SoumaïlaCissé peutcomptersurcette phase de dialogue(s) indispensable au succès des réformes voulues par IBK. Les rencontres entre les deux hommes depuis mi-février (lire pp. 110-112) sont d’ores et déjà perçues comme un premier pas vers la décrispation de la vie politique. Quel sera le rôle du chef de file de l’opposition dans les mois à venir? Pourrait-il diriger le cadre de concertation, voire un futur gouvernement?
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SÉCURITÉ
Kidal en semi-liberté Dans le bastion de la rébellion, les symboles de l’État sont désormais bien présents. Mais l’administration ne fonctionne toujours pas, et les groupes armés font la loi. BABA AHMED, à Bamako
e dernier rapport du secrétaire général de l’ONU pour l’année 2018 sur le Mali révèle que Kidal, bastion de la rébellion dans le nord du pays, est l’une des régions qui ont enregistré le plus faible nombre d’attaques de groupes armés durant le dernier trimestre de 2018, soit un total de 7, contre 24 dans la région de Mopti, 13 à Tombouctou et 12 à Gao. Selon l’ancien Premier ministre Moussa Mara, l’explication est simple : « Ceux qui attaquent et posent les mines sont les
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REBECCA BLACKWELL/AP/SIPA
Au dernier trimestre de 2018, on n’avait enregistré « que » 7 attaques dans la région, contre 12 dans celle de Gao et 24 dans celle de Mopti.
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mêmes qui administrent la ville de Kidal. » Le 27 janvier, lors d’une cérémonie d’hommage aux dix Casques bleus tchadiens tués lors d’une attaque de combattants jihadistes liés à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) contre un camp de l’ONU à Aguelhok le 20 janvier, Mahamat-Saleh Annadif, le chef de la Minusma, a déploré la responsabilité de certains mouvements armés présents dans la région. « Parmi ceux qui nous combattent, ceux qui commettent ces forfaitures, il y a aussi des gens qui sont parmi nous, qui observent nos faits et gestes… Il est également temps de revisiter notre collaboration et notre coopération avec les mouvements signataires de l’accord [d’Alger, signé en 2015], qui sont présents dans ces régions du Nord », a-t-il conclu.
Charia « light »
Si le diplomate tchadien pointe les groupes armés signataires de l’accord de paix, c’est parce que la région de Kidal est administrée par la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). Le 30 janvier, celle-ci a imposé de nouvelles règles dans la ville de Kidal, qui vont de l’interdiction de vendre et de consommer de l’alcool à l’imposition d’un titre de séjour spécial pour les étrangers. Des lois fondées sur l’application de la charia, la loi islamique, alors que le reste du pays vit dans un État laïque (lire pp. 138-143). « Les groupes armés signataires de l’accord de paix sont constitués à 75 % de jihadistes d’Aqmi, les autres essaient d’exister à côté d’eux », affirme Moussa Mara. Le gouverneur de la région de Kidal, Sidi Mohamed Ag Ichrach, dont le rôle est de faire respecter les lois de la République, n’a aucune autorité, et sa sécurité ellemême est assurée par la CMA. « À Kidal, l’État n’assure pas les services sociaux de base, à savoir l’assainissement, l’accès à l’eau potable, les soins de santé ou encore l’éducation, confie un élu régional. Les écoles sont fermées. » Depuis la bataille de mai 2014, au cours de laquelle les rebelles ont réussi à chasser les soldats des Forces armées maliennes (Fama) de la ville, le pouvoir central et son administration ne se sont jamais véritablement réinstallés dans la région. En attendant, la CMA applique la charia, version « light ».
PUBLI-INFORMATION
Nouveau village de Fadougou
B2Gold Mali La société minière en pleine croissance B2Gold Corp est une société minière aurifère canadienne, dont le siège social est situé à Vancouver, en Colombie-Britannique, Canada. La Société exploite cinq mines d’or, notamment Fekola (Mali), Otjikoto (Namibie), La Libertad et El Limon (Nicaragua) et Masbate (Les Philippines). La mine de Fekola est située dans le cercle de Keniéba dans l’ouest du Mali. La mine appartient à Fekola SA, une société malienne dont les actionnaires comprennent B2Gold Corp (80 %) et l’État malien (20 %). La mine de Fekola est une exploitation aurifère de classe mondiale dont la construction a été achevée trois mois plus tôt que prévu et dans les limites du budget, pour un coût total de 570 millions de dollar US. Conséquemment, cet exploit a été réalisé alors que la capacité de production passait de 4 à 5 millions de tonnes par an pendant la phase de construction. La construction a été réalisée en combinant le travail à la fois de l’équipe de construction internationale expérimentée de B2Gold et une main-d’œuvre majoritairement malienne, recrutée parmi la communauté locale et formée sur place. La production commerciale fut atteinte 60 jours suivant la première coulée d’or en Novembre 2017. En 2018, qui a marqué la première année complète de production commerciale à Fekola, produisant un total de 439 068 onces d’or (14,12 t), dépassant la limite supérieure de cumul de sa fourchette de prévision (comprise entre 420 000 et 430 000 onces - 13,5 à 13,8 t). Cette performance exceptionnelle est due au dépassement de la capacité de traitement de l’usine de 12 % (soit 5,6 millions de tonnes) combiné à un taux de récupération de l’usine de 94,7 % contre un budget de 92,7 %. En 2019, la mine de Fekola prévoit de traiter 5,75 millions de tonnes de minerai à une teneur moyenne de 2,44 g/t et un taux de récupération à 94 %. Cela équivaut à 423 142 onces d’or qui devraient être produites en 2019. Les dépenses d’immobilisation, devant être investies en 2019, seront de 48 millions de dollars. Les résultats positifs obtenus, à ce jour, laissent entrevoir une augmentation potentielle du tonnage de production et par conséquent de la production annuelle d’or de Fekola avec des dépenses en capitaux modérées. Une étude d’optimisation est actuellement en cours pour guider l’expansion de Fekola et les résultats sont attendus vers la fin du premier trimestre de 2019. B2Gold s’engage pour une exploitation
minière responsable au Mali. En termes simples, cela signifie faire les choses comme il se doit. Nos décisions commerciales tiennent compte de la santé et de la sécurité des personnes, de la protection de l’environnement et du bien-être de la population. Nous engagerons un dialogue ouvert et respectueux avec les autorités et les parties prenantes de la communauté dans le but d’apporter des contributions significatives et durables au pays et aux communautés dans lesquelles nous travaillons. La mine de Fekola s’est engagée à maximiser les possibilités d’emploi pour les Maliens. Elle emploie actuellement 1 925 maliens, dont la majorité sont issus des communautés locales et du cercle de Keniéba. La société a également lancé un programme de bourses pour aider 10 jeunes maliens à obtenir des diplômes universitaires dans un grand nombre de disciplines. Il est à noter que 50 % des boursiers sont issus du cercle de Keniéba et que 50 % sont des femmes. Le jeudi 31 janvier 2019 restera journée mémorable pour les populations du village de Fadougou (dans le cercle de Kéniéba) et la société minière B2Gold. En effet, c’est ce jour qu’il a été procédé à l’inauguration et à la remise officielle des clés du nouveau village (une cité moderne) de Fadougou construit par B2Gold pour réinstaller les populations de l’ancien Fadougou. Avec ses 4 400 habitants, l’ancien village de Fadougou sera réinstallé dans « une petite ville moderne » avec des commodités qui n’ont rien à envier aux grandes villes du Mali. D’un coût de 20 millions de dollars, le nouveau site de Fadougou a été construit à 2 km de l’ancien village. Le nouveau village comprend des logements de qualité, une mosquée, une école primaire de neuf salles de classes, un marché, un Cscom avec une salle de maternité, un système d’approvisionnement en eau alimenté à l’énergie solaire avec des bornes fontaines dans tout le village et un éclairage public. Mohamed Lamine Diarra Directeur Pays B2Gold Mali
www.b2gold.com
Grand format MALI ENJEUX
L’INFOGRAPHIE
Cartes à rebattre AÏSSATOU DIALLO
P
révue par l’accord de paix d’Alger de 2015, la réorganisation territoriale a pour objectif de rapprocher l’administration et les services de base (gestion de l’eau, éducation, santé…) des citoyens en transférant aux régions – érigées en collectivités territoriales – des compétences et des ressources financières. Cette réforme a été engagée par la loi no 2012-017 du 2 mars 2012, adoptée sous Amadou Toumani Touré, qui prévoyait d’ores et déjà le passage de 8 régions à 19 et planifiait une réorganisation progressive sur cinq ans. Depuis, seules les régions de Taoudénit et de Ménaka ont été créées, en 2012, et leurs gouverneurs nommés, en 2016, sans qu’elles deviennent réellement opérationnelles pour autant. En octobre 2018, un document présenté comme un avant-projet de loi sur la décentralisation « fuite » sur les réseaux sociaux. Il prévoit le passage de 10 à 19 régions composées de cercles, qui deviennent des « collectivités territoriales de cercle » et dont le nombre passe de 60 à 104. Le district de Bamako conserve son statut particulier et sera, lui, divisé en 10 communes urbaines – au lieu de 6 actuellement. Tollé général. Car si la majorité des Maliens considère que ces réformes sont indispensables, nombreux sont ceux qui demandent à ce qu’un dialogue inclusif leur soit consacré. Les uns dénoncent un redécoupage favorisant les régions du Nord,
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peu peuplées, dont certaines compteraient plus de cercles que celles du Sud. Les autres estiment que la multiplication du nombre de régions et de cercles sera budgétivore et proposent, au contraire, la suppression d’un échelon territorial. Beaucoup s’inquiètent des incidences du redécoupage sur les modes de scrutin et sur le code électoral, en particulier concernant les législatives, pour lesquelles les circonscriptions sont « constituées par les cercles et les communes de district ».
Effectif et superficie
Face à la polémique, le gouvernement, sous la houlette du ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation (MATD), a organisé des conférences régionales du 13 au 17 novembre 2018. L’avant-projet du texte est actuellement discuté au sein du cadre de concertation nationale entre le ministre de l’Administration territoriale et les représentants des partis et de la société civile (également chargé de discuter du calendrier des consultations référendaire et législatives), avant d’être revu en Conseil des ministres, puis soumis à l’Assemblée nationale. « Nous aimerions combiner l’effectif de la population à la superficie du territoire, faire en sorte que la région soit la circonscription électorale et passer à la proportionnelle afin de permettre une meilleure représentativité. Un cercle ne serait donc plus systématiquement égal à un député », explique Babahamane Maïga, le secrétaire général du MATD.
Le projet de redécoupage LÉGENDE Carte fondée sur les documents étudiés par le cadre de concertation 10 régions déjà existantes 9 nouvelles régions envisagées Cercles
KITA
NIORO
• Kita • Kenieba • Sagabari • Sebekoro • Toukoto
• Nioro • Diema • Sandare • Troungoumbe
KAYES • Kayes • Aourou • Bafoulabe • Yelimane
BOUGOUNI • Bougouni • Garalo • Kolondieba • Koumantou • Ouellebougou • Yanfolila
TAOUDÉNIT • Taoudénit • Achouratt • Al-Ourche • Araouane • Boujbeha • Foum-Elba
KIDAL • Kidal • Abeibara • Achibigho • Anefis • Ikadawatane • Takalott • Tessalitt • Tinessako
GAO
NARA • Nara • Balle • Dilly • Mourdiah
DIOÏLA • Dioïla • Banco • Beleco • Fana • Massigui • Mena
TOMBOUCTOU • Tombouctou • Ber • Diré
• Gargando • Gossi • Goundam
• Gourma-Rharouss • Léré • Niafunké • Tonka
• Gao • Almoustarat • Ansongo • Bamba • Bourem • Djebock • Ersane • Outtagouna • Talataye • Tessit • Tinaouker • Wabaria
MÉNAKA • Ménaka • Anderamboukane • Anouzegrene • Fanfi • Inekar • Tidermene
MOPTI KOULIKORO • Koulikoro • Banamba • Kangaba • Kati • Kolokani • Sanankoroba
DISTRICT DE BAMAKO
10 communes
SÉGOU
• Mopti • Djenné • Tenenkou • Youwarou
DOUENTZA
• Ségou • Baroueli • Macina • Niono
BANDIAGARA SAN • San • Bla • Kimparana • Tominian • Yangasso
SIKASSO • Sikasso • Kadiolo • Kignan • Niena
• Douentza • Diankabou • Hombori • Mondoro
• Bandiagara • Bankass • Kor
KOUTIALA • Koutiala • M'Pessoba • Yorosso • Molobala
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Grand format MALI
TRIBUNE
L’art de mettre la charrue avant les bœufs À
FRANÇOIS GRIVELET POUR JA
la fin de 2018, le gouvernement malien a engagé cercles, etc. ? Il serait plus pertinent de combler les défiune réforme territoriale et administrative fortement cits existants avant de se livrer à la création de circonscontestée dans le pays, sur la forme comme sur le fond. criptions auxquelles on ne pourra pas allouer de moyens Nos autorités doivent aussi être réceptives aux arguments et qui seront sans impact pour les Maliens. qui militent en faveur de sa révision. L’initiative gouvernementale n’est pas soutenable en Parmi les critiques sur la forme, on peut citer principamatière de moyens humains, matériels et financiers. lement l’absence de concertation sur la vision qui porte Actuellement, les effectifs d’administrateurs territoriaux le projet, ainsi que sur les modalités pratiques de sa mise compétents ne suffisent pas à occuper tous les postes en œuvre. Pour un pays comme le Mali, très conservateur existants (gouverneurs, préfets, sous-préfets, adjoints), en matière de gestion territoriale, cela est a fortiori ceux des nouvelles circonscriptions rédhibitoire. On peut aussi déplorer la préque l’on prévoit de créer. En répartissant la cipitation à conduire cet exercice périlleux pénurie entre un plus grand nombre, on ne en quelques mois seulement, alors que ce fera qu’appauvrir davantage les représenchantier n’a pas de précédent dans notre tants de l’État. C’est exactement le contraire histoire. de ce qui a été réclamé pour engager le Quant aux insuffisances sur le fond, elles processus ! sont nombreuses. Tout d’abord, le projet n’a pas de rapport direct avec l’accord de paix, nfin, cette nouvelle stratégie de découcontrairement à ce qu’affirme le gouverpage territorial n’introduit d’équité Moussa MARA nement. En effet, l’accord vise à ce que les ni entre les territoires ni entre les comAncien Premier collectivités, ainsi que le transfert de poumunautés. Elle se traduit par la création ministre, président voirs et de moyens à leur bénéfice, soient de circonscriptions que ne justifient ni le du parti Yelema opérationnelles et à ce que leurs aptitudes à nombre d’habitants ni d’autres critères sociosatisfaire les attentes des populations soient économiques pertinents, ce qui risque d’enrenforcées. Il ne demande pas de multiplier traîner des conflits et des divisions pouvant les circonscriptions administratives. C’est un déstabiliser le pays. On ne peut pas non plus appel à la décentralisation effective du pays et à une plus l’expliquer par la volonté de parvenir à une représentagrande responsabilisation des populations à travers leurs tion équitable des populations et des communautés. représentants élus. Ce n’est pas une incitation à la déconL’actuelle iniquité dans ce domaine repose sur un consencentration et au redéploiement de services relevant, pour sus qui prévaut depuis plus de vingt ans et qui est issu l’essentiel, du pouvoir central. des précédents accords de paix. Le projet du gouvernement accroîtrait cette iniquité et la porterait à un niveau e projet de découpage ne peut être justifié ni par les insupportable pour nos compatriotes. De quoi installer questions de fichier électoral ni par l’ambition de rapun climat propice aux conflits intercommunautaires, qui procher l’administration des citoyens. Les électeurs sont déchirerait davantage le tissu social déjà bien entamé déjà pris en compte dans l’actuel fichier. Et si la créapar les crises que nous vivons depuis quelques années. tion d’une circonscription administrative suffisait pour Le gouvernement doit donc revoir sa copie, intensifier y amener des infrastructures, pourquoi de nombreuses et élargir les concertations, mieux préparer des argucirconscriptions déjà existantes sont-elles encore dénuées ments pertinents en faveur du redécoupage du territoire de tout – absence de gouvernorat à Taoudénit, de centres et, surtout, s’engager encore plus vers une décentralisade santé de référence ou de palais de justice dans certains tion réelle du pays.
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L
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LE DÉFI DE LA CONFIRMATION DES RÉSULTATS DE LA BMS-SA Depuis décembre 2017, la Banque Malienne De Solidarité est en tête, en terme de total bilan (720 milliards) et d’emploi (648 milliards F CFA) des banques et établissements financiers de la place au Mali. Un élogieux bilan pour une banque née en 2002 pour lutter contre la pauvreté et faciliter l’accès aux services financiers, à la fois pour, les opérateurs économiques et les acteurs du secteur informel. Après la réussite de la fusion Banque Malienne de Solidarité/Banque de l’Habitat du Mali, une phase de consolidation des acquis s’impose à la BMS-SA en 2019. Les efforts sont orientés vers des horizons porteurs de croissances financières et de portefeuille clients.
Le cap est mis sur la maîtrise Ainsi, cap est des dépenses et l’innovation mis sur la maitrise des dédes services.
penses et l’innovation des services de la Banque. En matière d’innovation, l’accent est mis sur une vulgarisation
intense de la monétique et l’offre de nouveaux produits comme BMS MOBILE permettant au client d’avoir accès à sa situation – au propre comme au figuré – son compte en poche. Mais le produit phare reste BMS CASH, très pratique pour les clients. Avec ce produit, ils peuvent s’envoyer et recevoir de l’argent à travers le monde. La réussite de ce nouveau cap assurera la confirmation des bons résultats de 2017 de la Banque Malienne de Solidarité et lui permettra de mieux s’armer pour booster ses résultats dans un environnement concurrentiel féroce.
© ADOBESTOCK.COM
COMMUNIQUÉ
Entretien avec Monsieur Alioune Coulibaly, Directeur Général de la Banque Malienne de Solidarité (BMS SA)
La Banque Malienne de Solidarité (BMS SA) est une véritable banque de développement de par les missions qui lui sont assignées par les autorités maliennes : contribuer à la réduction de la pauvreté et faciliter l‘accès à l’habitat à travers des financements accordés aux particuliers, aux promoteurs immobiliers et aux coopératives d’habitat.
« Nous sommes une banque au service du développement de l’économie et de la société du Mali. »
Le poids dans l’économie malienne peut être apprécié par la hausse de la contribution au financement de celle-ci. Le montant des financements directs à l’économie est passé de 335 milliards de FCFA en 2016 à 395 milliards de FCFA en 2018. Notre part de marché a progressé de pratiquement un point en deux ans puisqu’elle est passée de 15,3 % en 2016 à 16,2 % en 2018.
QUELS SONT LES SECTEURS D’ACTIVITÉS QUI FONT L’OBJET DE FINANCEMENTS DE LA BMS SA ? La BMS SA finance tous les secteurs de l’économie malienne. Compte tenu de leur impact sur l’ensemble de l’activité économique, les infrastructures (routes en particulier), les transports et l’énergie sont prioritaires. Mais la Banque finance également l’agriculture, le commerce, l’import-export, le logement, etc. Elle assure également le refinancement du système financier décentralisé. Il y a une autre priorité qui est de nature transversale : le financement des PME. Celles-ci sont la véritable source de création d’emplois et de richesse. Nous avons mis en place une nouvelle politique de financement des PME, en écho au dispositif de soutien au
financement des PME initié par la BCEAO. Cette politique met l’accent notamment sur le renforcement du partenariat avec les fonds de garantie et vise également à promouvoir un appui conséquent aux PME évoluant dans le secteur industriel.
QUELLE EST VOTRE STRATÉGIE EN MATIÈRE DE DIGITALISATION DES SERVICES DE LA BMS SA ? La BMS SA est pleinement engagée dans la transformation digitale afin d’apporter des solutions opérationnelles à notre clientèle. Nous avons ainsi lancé BMS Mobile qui est un outil de paiement via le téléphone mobile, basé sur la possibilité pour le client d’alimenter son compte OrangeMoney à partir de son compte BMS et vice versa. BMS Kibaru est aussi une solution sur mobile qui permet au client d’être tenu informé instantanément, par des alertes, de toutes opérations pouvant affecter son compte bancaire. Nous sommes à pied d’œuvre pour mettre en place une solution permettant d’effectuer sur mobile une large palette d’opérations bancaires et d’étendre, au-delà du périmètre de notre réseau d’agences, notre solution de transfert rapide d’argent BMSCash. Par ailleurs, nous sommes en train de finaliser notre affiliation à VISA, ce qui nous permettra de mettre à la disposition de notre clientèle des cartes VISA pour leur faciliter les déplacements à l’international. Il y a une très forte demande de digitalisation de la part de notre clientèle et notre objectif est d’y répondre avec efficacité.
Hamdallaye, ACI 2000 BPE 1280 – Bamako, MALI Tél. : (223) 20 29 54 16 / 12/ 08
JAMG - PHOTOS : D.R. SAUF MENTION
QUEL EST LE POIDS DE LA BANQUE MALIENNE DE SOLIDARITÉ DANS L’ÉCONOMIE MALIENNE ?
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ÉCONOMIE
Pas d’avancée sans le privé
Pour faire décoller la croissance et financer les chantiers indispensables à son essor, l’exécutif en appelle aux chefs d’entreprise. Lesquels répondent pour l’instant présent.
ALAIN FAUJAS, envoyé spécial
L
e FMI n’est pas avare de compliments sur le pilotage économique du pays. « La performance économique du Mali a été globalement positive, déclarait Mitsuhiro Furusawa, son directeur général adjoint, en décembre dernier. La stabilité macroéconomique a été rétablie en dépit de conditions difficiles, marquées par une insécurité persistante, une volatilité des prix des produits de base et des conditions météorologiques défavorables. Les réformes entreprises par les autorités au cours des cinq dernières années ont permis de jeter les bases d’une croissance solide et d’une inflation maîtrisée. Cependant, réduire de manière significative la pauvreté reste un défi. » Et la grogne sociale actuelle le confirme. Tour à tour, magistrats, enseignants, bouchers, boulangers, gardiens de prison ont cessé le travail pour défendre leur pouvoir d’achat. Mi-janvier, le gouvernement a signé un accord avec l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM), principal syndicat de fonctionnaires. Il prévoit notamment une harmonisation des grilles indiciaires et de l’âge de départ à la retraite, ainsi que la création de 8 600 emplois pour ces derniers. « Nous sommes satisfaits, commente Yacouba Katile, le secrétaire général de l’UNTM, mais nous allons en surveiller le suivi, car les gouvernements ont souvent traîné les pieds pour appliquer des accords antérieurs. »
Le nouveau programme d’infrastructures prévoit la construction de plus de 8 000 km de routes en dix ans (ici, le troisième pont de Bamako, inauguré en 2011).
XINHUANET/ANDIA.FR
Déficits récurrents
Le gouvernement a beaucoup de mal à satisfaire toutes ces revendications, car les caisses sont vides. Comme toutes les années électorales, 2018 a été une mauvaise année pour les recettes budgétaires de l’État. « Des régions entières ne produisent plus de richesses du fait des troubles, explique Yacouba Katile. Les agents des douanes et des impôts se sont réfugiés à Bamako pour fuir le terrorisme. » Selon le Parti pour la renaissance nationale (Parena, opposition), qui cite des chiffres communiqués par le ministère des Finances, les impôts ont rapporté 32 % de moins que prévu, les douanes 33 % de moins et les domaines 71 %. La croissance économique n’est donc pas aussi « solide » que le dit le FMI. Elle risque de plafonner autour de 5 % dans les prochaines années, et la croissance démographique (3,9 % par an) réduira à peu de chose les bienfaits de la première sur le niveau de vie. D’autre part, elle est fragile puisqu’elle repose sur l’or (lire pp. 134-136) et le coton (lire p. 128), dont les prix mondiaux sont imprévisibles. Quant au budget de l’État, il est amputé de précieux moyens par les déficits récurrents de la compagnie publique Énergie du Mali (EDM), qui vend 97 F CFA (environ 0,15 euro) un kilowattheure qui lui coûte 138 F CFA… La bonne nouvelle est que le gouvernement a pris des mesures pour faciliter la vie des entreprises privées
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Grand format MALI ÉCONOMIE
Éducation, autonomisation des femmes et décentralisation
Manque le capital humain. « C’est une source d’inquiétude car il est très faible, déclare la Sénégalaise Soukeyna Kane, directrice pays du Groupe Banque mondiale pour le Mali, la Guinée, le Niger et le Tchad. Selon les statistiques officielles, les enfants maliens reçoivent 5,6 années d’éducation en moyenne, mais du point de vue de la qualité, la durée de leur scolarité n’est que de 2,7 ans. Autrement dit, s’il y a eu d’importants progrès dans l’accès à la scolarisation, les résultats en matière d’acquisition des connaissances ne sont pas satisfaisants. C’est pourquoi nous travaillons,
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REPÈRES Une croissance stable 17,4
45,9
24,2
9,5
4,9 % (5 %)
14,3
7%
(6,9 %)
7,4 % (7 %)
Sénégal
5,3 % (5,4 %)
Mali
Niger 10,6
5,9 % (6 %)
6%
Burkina Faso
1,5
(6,3 %)
4,5 % (4 %)
5,3
Côte d’Ivoire
Guinée-Bissau
Bénin
4,7 % Togo
(5 %)
Volume du PIB, à prix courants, 2018, en milliards de dollars Évolution du PIB réel, à prix constants, 2018 (projections pour 2019)
Des IDE en berne
Un développement humain faible
(Flux entrants, en millions de dollars)
556
Pour l’année 2017
Nombre d’habitants
398
18 100 000
356 308 275
266
Taux de croissance 3,9 % par an
Espérance de vie
58,5 ans
144
2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017
Moins de 24 ans
66,5 %
L’agriculture en première ligne Répartition du PIB par secteur, en %
Population urbaine
39,9 %
Primaire
38,3
Secondaire
16,6
Population au-dessous du seuil de pauvreté (1,90 $/jour)
71,4 %
Tertiaire
36,7
Autres
8,4
Indice de développement humain (IDH) 0,427, soit le 46e rang africain et le 181esur 189 pays classés au niveau mondial
SOURCES : AUTORITÉS NATIONALES, FMI, CNUCED, PNUD 2018
maliennes. « Son dialogue avec le secteur privé s’améliore », se félicite Cyril Achcar, directeur général du groupe Achcar Mali Industries (AMI, qui comprend notamment les Grands Moulins du Mali), président de l’Organisation patronale des industries du Mali (Opim) et vice-président du Conseil national du patronat du Mali (CNPM) chargé de l’industrie. « Le gouvernement a accepté l’an dernier qu’une partie de la commande publique aille aux PME et que le taux de TVA appliqué aux produits made in Mali soit réduit de 18 % à 9 %, poursuit-il. Nous avons bon espoir d’aller plus loin. Ce pays dispose de ressources qui pourraient lui valoir des résultats extraordinaires. Par exemple, la production du maïs a bondi, et je l’achète désormais au Mali pour préparer des aliments pour bétail, et non plus en Argentine. » Divine surprise, le 15 février, le Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maïga, est venu avec quatorze de ses ministres devant le CNPM annoncer un gigantesque « programme d’infrastructures économiques ». Celui-ci a pour objectif de dépenser, sur dix ans, jusqu’à 15 milliards de F CFA pour construire ou réhabiliter 8700 km de routes et d’autoroutes, six ponts (dont un quatrième, à péage, à Bamako), trois ports secs, une zone économique spéciale à Sikasso et une ville nouvelle dans le Nord. Comme l’État n’a pas les moyens financiers de ses ambitions, le Premier ministre a demandé au patronat de se lancer dans des partenariats public-privé (PPP), grâce au cadre législatif et réglementaire bâti en 2017. « D’accord, a répondu le patron des patrons, Mamadou Sinsy Coulibaly, mais à la condition que vous digitalisiez l’administration, seul moyen de tordre le cou à la corruption, que vous releviez de leurs fonctions 1 600 fonctionnaires inaptes à travailler avec le secteur privé et que vous vous débarrassiez immédiatement de 200 autres, indélicats. » Il n’empêche que le patronat ne boude pas son plaisir. « Nous sommes enfin en présence d’une vision, applaudit Cyril Achcar. Jusqu’à présent, les ministres ne duraient pas, et il était impossible de bâtir quelque chose. Désormais, nous voyons une équipe compétente et soudée autour du Premier ministre et du ministre de l’Économie et des Finances. Elle nous donne un cap, et c’est extraordinairement important pour le secteur privé. »
mobilisation des fonds en leur faveur tout en mettant y compris dans le préscolaire, sur la qualité de l’édul’accent sur le renforcement de leurs capacités », dit-elle. cation, qui peut être assurée notamment par un enseigneSi la situation sécuritaire se dégrade dans le Centre, de ment plus fréquent dans les langues maternelles. » nombreux signes laissent penser que se mettent en place Soukeyna Kane privilégie aussi la question démograles bases d’un redressement économique et social, seule phique. « Elle est incontournable, puisque l’indice synsolution pour arracher les racines du terrorisme et assuthétique de fécondité est de 6,06 enfants par femme, rer un avenir aux 300 000 jeunes arrivant sur le marché un niveau qui nuit au développement, juge-t-elle. Pour du travail chaque année. Rien n’est joué, mais rien n’est accélérer la baisse de cet indice, il est impératif d’invesperdu, dans la course-poursuite à laquelle se livrent le tir massivement dans les services de santé reproductive, désordre et le développement. comme l’ont fait avec succès plusieurs pays, tels le Malawi ou l’Éthiopie. Mais il faut surtout donner une plus grande autonomie aux femmes, Un cadre maîtrisé malgré tout Projections Estimations notamment à travers leur alphabétisa2016 2017 2018 2019 2020 tion, leur scolarisation et le développement de leurs activités rémunératrices. (variation annuelle en %) Il faut aussi s’appuyer sur les chefs reliPIB réel, à prix constants 5,3 2,1 4,9 5,0 4,9 gieux et traditionnels qui, contrairement Inflation moyenne annuelle 0,2 1,4 2,0 2,0 2,1 aux idées reçues, s’investissent de plus (en % du PIB) en plus en faveur de l’autonomisation Solde budgétaire global – 3,4 – 3,6 – 3,5 – 3,0 – 3,0 des filles. Au Mali, et plus généraleTotal des recettes et dons 20,6 20,6 18,9 20,5 21,1 ment au Sahel, plusieurs de nos projets Total des dépenses et prêts nets 24,0 23,9 22,1 23,5 24,1 financent ces approches. » Investissement intérieur brut 20,0 19,6 20,6 20,9 21,6 Pour Soukeyna Kane, la décentralisadont État 9,9 9,5 8,1 8,9 9,6 tion (lire pp. 118-119) permet d’impliquer et de responsabiliser les communauSolde extérieur courant – 8,1 – 6,5 – 7,4 – 7,2 – 7,4 tés dans la gestion des affaires locales. Exportations de biens et services 23,1 22,7 23,1 21,5 19,9 Importations de biens et services 41,2 38,0 38,9 38,1 36,7 « Pour soutenir cette dynamique, il est opportun d’accorder une attention parDette publique totale 31,8 35,9 37,3 37,5 38,1 ticulière au transfert des ressources Dette extérieure 25,3 23,4 24,8 24,2 24 aux collectivités territoriales ou à la
DES MONTAGNES D’OR BLANC
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Le succès de la campagne 2018-2019 ne dépendra pas que du ciel ou des nuisibles. La Chine étant le premier acheteur mondial de coton, on surveillera de près ses démêlés avec les États-Unis. Mais, que les deux pays ouvrent ou non les hostilités commerciales, les 200 000 producteurs maliens recevront une bonne nouvelle : le prix du coton ne devrait pas baisser. Il est même déjà passé de 250 F CFA à 255 F CFA le kg (moins de 0,40 euro). La Compagnie malienne pour le développement des textiles (CMDT) a engagé un programme d’investisse-
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PRODUCTION DE COTON-GRAINE
En tonnes, pour la campagne 2017-2018 Mali Burkina Faso Bénin Côte d'Ivoire
728 644 611 759 597 985 413 238
ment industriel, financé à hauteur de 20 milliards de F CFA (30,5 millions d’euros) par un pool bancaire national emmené par la Banque de développement du Mali (BMD), qui devrait protéger un peu le pays de la fluctuation des prix. Dans le
SOURCE : PR-PICA
Le Mali devrait demeurer le champion africain du coton, avec une production attendue supérieure à 700 000 tonnes pour la campagne 2018-2019. En dépit des inondations et de la chenille légionnaire, il avait déjà produit plus de 728 600 t de coton-graine (+ 67 % en cinq ans) sur 703 652 ha emblavés (+ 46 %) au cours de la campagne 2017-2018. Ce qui le classe nettement devant son challenger, le Burkina Faso, dont les 612 723 t obtenues à partir de 879 000 ha prouvent qu’il se remet mal de l’abandon du coton OGM.
cadre de ce plan, la société publique a signé en 2016 un contrat avec le français Géocoton pour la modernisation de trois usines d’égrenage (à Dioïla, Koumantou et Sikasso) et la construction de deux nouvelles unités, l’une à Kimparana, dans la région de Ségou, l’autre à Kadiolo, à proximité de la frontière ivoirienne, afin d’augmenter de 100 000 t la capacité nationale. L’usine de Kadiolo (45 000 t), inaugurée en juillet 2018, est la dix-huitième de la CMDT, dont elle a porté la capacité d’égrenage à 620 000 t. ALAIN FAUJAS
SOURCES : AUTORITÉS MALIENNES ET FMI, DÉCEMBRE 2018
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COMMUNIQUÉ
AVIS D’EXPERT
Fatoumata SIDIBÉ-DIARRA Avocate Barreau de Paris - Barreau du Mali
Secteur minier, enjeux nationaux et attractivité des investissements : les défis Le continent africain au sous-sol riche en ressources naturelles, s’est progressivement imposé comme une destination minière incontournable. Toutefois cette position, ainsi que le niveau des investissements dans le secteur, ne se traduit pas par les performances économiques attendues. Afin de bénéficier de retombées économiques directes et rapides, les gouvernements ont souvent été tentés par des mesures, prises de manière non inclusive et sans concertation avec les opérateurs privés intervenant dans le secteur, dans un contexte de débat sur le « nationalisme des ressources ». Ces décisions traduisant l’écart entre les attentes des pouvoirs publics et la réalité du secteur. En effet, les États producteurs du continent africain disposent rarement seuls, des capacités financières et techniques nécessaires à l’exploitation de leurs ressources minières. À ce titre, attirer les investisseurs, bien souvent étrangers, est une condition sine qua non du développement du secteur et de facto de retombées positives sur leur économie, en termes de développement et de recul de la pauvreté. Les États ont ainsi privilégiés des mesures dites de « contenu local » pour permettre des retombées concrètes et visibles pour les populations. Les codes miniers ont donc progressivement imposé aux exploitants privés des obligations de recruter et se fournir en biens et services localement ou de recourir à des sous-traitants nationaux. Cependant cela ne s’est pas accompagné de mesures concrètes telles que des politiques incitatives de création de PME en capacité de répondre de manière efficiente et suivant certains standards aux besoins des sociétés minières. D’autre part, l’apport fiscal du secteur minier étant extrêmement important, les États le considèrent bien souvent comme un secteur principalement pourvoyeur de rentrées fiscales et ont parfois mis en place des réformes fiscales pour le moins agressives. Or le secteur minier doit être totalement intégré à l’économie.
D’où la nécessité de concilier les différents intérêts en présence.
Les États ne pourront faire l’économie de certaines mesures impératives afin d’attirer les investissements étrangers, accroître la rentabilité de ceux-ci et leur contribution à la croissance économique. Cela passe par une vision claire, partagée et à long terme du secteur.
Un cadre juridique sûr et incitatif, concourant à un climat des affaires stable, est indispensable. En effet, les projets miniers restent des investissements lourds et risqués, la sécurité juridique reste donc essentielle, notamment via les clauses de stabilisation. La stabilité politique et juridique d’un pays constitue des éléments essenUne approche tiels dans la prise à reconsidérer : avec de décision et le un accent sur le cadre « benchmarking » de l’investisseur. Un autre législatif, la bonne élément essentiel : la gouvernance bonne gouvernance. et le développement Soit une gestion effides infrastructures. cace et transparente des recettes minières ou des titres miniers. Cela doit se traduire par un accent mis sur la formation des ressources humaines, le « renforcement des capacités » des administrations avec une réelle appropriation des enjeux géologiques et économiques et la mise à disposition publique des informations géologiques et minières. En outre, le déficit du continent en matière d’infrastructures de transport, ou encore en matière énergétique, entraîne un surcoût pour les porteurs de projets miniers. Des projets de partenariat public-privé bien pensés devraient contribuer au développement des infrastructures et celle de l’attractivité de l’État concerné. Enfin, ces améliorations ne peuvent être menées qu’en privilégiant la communication et la concertation tant avec les investisseurs qu’avec les populations locales. Le secteur minier sera alors susceptible de répondre aux attentes de développement des populations tout en restant un secteur attractif et rentable pour les investisseurs privés.
FSD CONSEILS Cabinet d’Avocats Bamako – Mali
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COMMUNIQUÉ
L’ACCÈS À L’ÉNERGIE POUR TOUS EST NOTRE PRIORITÉ L’Agence Malienne pour le Développement de l’Énergie Domestique et de l’Électrification Rurale (AMADER) est un établissement public créé en 2003. Sa mission principale : la maîtrise de la consommation d’énergie domestique et le développement de l’accès à l’électricité en milieu rural et périurbain. Le renforcement de la réglementation du secteur énergétique et des institutions qui y sont liées seront, à ce titre, cruciales.
> ÉLECTRIFICATION RURALE
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L’AMADER s'engage dans la promotion de l’accès à l'électricité du milieu rural à travers des partenariats public/privé, notamment par : • Le développement et la réalisation des projets d’électrification rurale sous financement de l’État et de ses partenaires ; • Le suivi du Contrat d’Autorisation et du cahier des charges des opérateurs d’électrification (permissionnaires) rurale ; • L’assistance technique et financière aux Permissionnaires d’électrification rurale.
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> ÉNERGIE DOMESTIQUE Dans sa mission de développement de l’énergie domestique, l’AMADER est chargée de : • Promouvoir la production, la diffusion et l’utilisation des équipements économes en bois-énergie ; • Favoriser l’utilisation d’énergies renouvelables ; • Intensifier la promotion de l’utilisation des combustibles de substitution au bois-énergie (gaz butane, briquettes combustibles…) ; • Communiquer sur l’utilisation des équipements économes d’électricité (lanternes solaires, lampes à basse consommation, rafraîchisseurs d’air par évaporation) ; • Appuyer les Services de Contrôle Forestiers.
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Accroissement du taux d’accès à l’électricité en milieu rural : de 1 % en 2003 à 19 % en 2018 ; Formation de 800 opérateurs d’électrification rurale ; Appui à la production et diffusion des équipements économes d’énergie : 1781338 foyers améliorés ; 1698458 lampes basse consommation ; 129278 réchauds ; Appui à la consommation de gaz butane (subvention de l’État) : 125 138 tonnes, contribuant à la réservation de 563 123 ha de forêt ; Création et réhabilitation de 282 marchés ruraux de bois ; Aménagement de 1 142 000 ha de forêt ; Plus de 6500 lampes solaires certifiées Lighting Africa offertes dans les écoles et centres sociaux communautaires ; Diffusion d’environ 10 000 lampes solaires.
> PROJETS EN COURS L’État malien, la Banque mondiale, l'Agence française de développement (AFD), la BADEA, le Fonds Abou Dhabi pour le développement et l'UEMOA s'engagent dans un vaste projet de remplacement des centrales thermiques en milieu rural par des centrales hybrides solaires. Près de 150 villages bénéficieront de cette mis à niveau. Le Mali, avec ses partenaires de la BID et ONEE Maroc, prévoit également l'électrification de 24 villages, à partir de deux centrales solaires.
Le siège social de l’AMADER à Bamako, Mali
Colline de Badalabougou - Immeuble N°02 de l’ex CRES - BP E 715 Bamako, Mali - Tél. : (+223) 20 23 85 67
Email : amader@amadermali.net - Site internet : www.amader.gouv.ml
JAMG - Photos : D.R.
Avec l’appui des acteurs du secteur de l’énergie, du département de tutelle et du département chargé des finances, les activités de l’AMADER ont permis d’atteindre ces résultats : • Plus de 300 localités électrifiées ; • 34 centrales hybrides solaires réalisées pour une puissance totale solaire installée de 2,84 MWc ;
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> LES RÉALISATIONS
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STRATÉGIE
Boubou Cissé
Ministre de l’Économie et des Finances
« Nous continuerons à réduire les impôts des entreprises »
Propos recueillis à Bamako par ALAIN FAUJAS
près trois ans à la tête du ministère de l’Économie, Boubou Cissé, 45 ans, s’est imposé comme l’un des poids lourds du gouvernement. Avec le Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maïga, il prépare un recentrage de l’économie afin qu’elle ne dépende plus exclusivement de l’or et du coton. Comme il l’explique à JA, cela suppose un programme d’infrastructures de 15 milliards de F CFA (22,87 millions d’euros). Étant donné que l’État ne peut financer seul cet effort, il convie le secteur privé à un partenariat pour mener à bien ce décollage.
A
Boubou Cissé : Nous avons fait plus en 2014, avec 7 %. Et depuis, notre croissance moyenne annuelle est supérieure à 5 %. C’est une croissance robuste, que nous avons obtenue grâce à des efforts importants en matière de réformes et de consolidation macroéconomique. Nous avons changé la structure de notre budget: jusqu’en 2015, il était pour 80 % consacré à des dépenses de fonctionnement et pour 20 % à des investissements ; depuis, 40 % à 45 % sont destinés à ces dépenses d’investissements. Celles-ci ont été réorientées vers des infrastructures et des filières porteuses. Ainsi, le chef de l’État a décidé d’augmenter de 6 % à 15 % la part de l’agriculture dans notre budget. Nous sommes conscients que pour lutter efficacement contre la pauvreté, il nous faudrait une croissance encore plus forte. Notre plan quinquennal 20192023 devrait nous permettre de la hisser à 7 % puis, à terme, à 10 %. Il doit changer
SYLVAIN CHERKAOUI POUR JA
Jeune Afrique : Pourquoi la croissance de votre économie ne dépasse-t-elle pas 5 % par an ?
structurellement la base de notre économie, qui dépend trop du secteur primaire, de l’or et du coton, vulnérables aux chocs externes. Nous devons développer notre industrie et l’orienter vers la transformation des produits agricoles, comme le coton, la gomme arabique, l’anacarde et la mangue, pour lesquels nous disposons d’un avantage comparatif.
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Pourquoi les recettes publiques rentrentelles mal ?
De 2014 à 2018, nous avons amélioré chaque année nos recettes budgétaires d’une centaine de milliards de francs CFA. En 2018, nous avons connu un accident de parcours. Bien sûr, l’insécurité a gagné le centre du pays et a fortement contribué à l’augmentation de la fraude, comme le prouve la diminution statistique de nos importations. Le fléchissement de l’économie y a contribué aussi, l’élection présidentielle ayant créé un climat d’expectative. Quels sont les objectifs du programme d’infrastructures économiques 20182023 qu’a annoncé le Premier ministre le 15 février et qui comporte notamment 8 700 km de routes ?
NOMBRE DE FONCTIONNAIRES TROUVENT QUE LEURS SALAIRES NE SUIVENT PAS LE COÛT DE LA VIE. NOUS TÂCHONS DE RÉPONDRE À LEURS DEMANDES SANS METTRE EN DANGER LE BUDGET DE L’ÉTAT.
Sans investissements publics importants, il sera difficile de nous développer au rythme souhaitable. D’autre part, notre vaste pays n’est pas bien « maillé ». Par exemple, il n’y a pas de liaison directe entre Sikasso et Mopti, alors que la seconde est une grande consommatrice des produits de la première. Ce programme facilitera les échanges entre les différentes régions et améliorera notre cohésion sociale. Son exécution coûtera 5 milliards de F CFA [plus de 7,62 millions d’euros] sur cinq ans et 15 milliards sur dix ans. Nous allons décliner ces projets dans une loi de programmation, et ils deviendront une obligation pour l’État. Celui-ci n’a pas les moyens de les financer seul. C’est pourquoi nous nous tournons vers le secteur privé, auquel nous proposons des partenariats public-privé [PPP]. Nous avons voté une loi PPP en 2016, pris ses décrets d’application et créé une unité PPP pour en suivre les résultats. L’État apportera au secteur privé les garanties et le « confort » nécessaires. Depuis deux ans, la confiance est revenue et nous allons tout faire pour la consolider. Il y a deux ans, vous annonciez la fusion de taxes sur les salaires et la baisse de leurs taux. Où en est-on ?
Cela a été réalisé dans la loi de finances 2019. Nous avons fusionné la taxe emploi jeunes avec la taxe pour la formation professionnelle et abaissé leur taux de 5,5 % à 4,5 %. Le privé s’est dit satisfait. Nous allons continuer avec les impôts sur les
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sociétés et sur les bénéfices industriels et commerciaux. Mais, comme ce sont de gros pourvoyeurs de recettes pour l’État, nous menons des études complémentaires pour en mesurer l’impact sur nos finances. Le patronat malien se plaint que la lutte contre la corruption, la mise en place d’un guichet unique et les PPP avancent trop lentement. Êtes-vous d’accord ?
Nous ferons tout ce qui permettra de faciliter la vie du secteur privé, car il contribue à l’intérêt collectif en créant des emplois, en payant des impôts et en investissant. La question de la corruption est l’une de nos préoccupations majeures, comme en témoigne la création de l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite. Il nous faut être encore plus performants. Mais cette lutte n’est pas seulement de la responsabilité de l’État. S’il y a corruption, c’est qu’il existe un corrompu et un corrupteur. Il faut que le privé fasse des efforts lui aussi. Pourquoi y a-t-il autant de grèves au Mali ? Comment y répondez-vous ?
Elles portent surtout sur des revendications salariales, car la pauvreté existe dans le pays, elle s’est même aggravée à certains endroits. Une bonne partie des fonctionnaires trouvent que leurs salaires ne suivent pas le coût du panier de la ménagère. Nous tâchons de répondre à leurs demandes sans mettre en danger le budget de l’État. Nous avons accordé des augmentations significatives aux intéressés… et pas du tout insignifiantes pour ledit budget. Quelle est la réforme qui vous tient le plus à cœur pour 2019 ?
C’est la mise en œuvre du plan quinquennal 2019-2023, car il va dessiner l’avenir de notre pays. Nous orientons notre vision vers l’industrialisation, une meilleure gestion des finances publiques et un meilleur maillage du Mali. Ce document est achevé. Ce mois-ci, en mars, nous le soumettrons à une conférence nationale qui réunira l’État, les collectivités locales, les partenaires sociaux et le privé afin qu’ils partagent cette stratégie. En juin ou juillet, nous organiserons un groupe consultatif des bailleurs pour qu’ils s’engagent à nos côtés, afin de réaliser le Mali que nous voulons.
COMMUNIQUÉ
Groupe TOGUNA : Une vision globale & & stratégique du développement TOGUNA SARL : Fondée en 1994, elle évolue dans l’importation et la distribution de produits phytosanitaires, de semences et d’appareils de traitement des cultures. En fin 2018, elle s’est dotée d’une ligne de conditionnement de produits. Phytosanitaires, première réalisation du genre dans la sous-région en partenariat avec BASF, premier groupe mondial de chimie.
TOGUNA MOTORS : Spécialisée dans l’assemblage et la distribution d’équipements agricoles de marque FOTON LOVOL et représentant exclusif des camions SINOTRUK au Mali. Elle assure également un service après-vente de qualité. ACTIVITÉ PRINCIPALE : Agro Business. EMPLOYÉS : Plus de 1 200 salariés.
TOGUNA AGRO INDUSTRIES SA : Société Anonyme fondée en 2006 est la première unité au Mali de production d’engrais NPK de type bulkblending avec une capacité installée de plus de 600 000 tonnes par an. Nos produits sont aujourd’hui distribués dans plusieurs pays de la sous-région à travers la mise en place d’un vaste réseau de distribution. Toujours à l’écoute des préoccupations de son marché, l’entreprise étend ses activités avec le rachat de la SEPT S.A. en 2009 pour exploiter le phosphate naturel de Tilemsi (PNT). Le PNT par sa forte teneur en phosphore (P2O5) de 31% et en calcium (CaO) de 41% est recommandé par la recherche agronomique comme amendement sur des sols acides. TOGUNA MINING CORPORATION SARL : Évolue dans les mines avec l’exploitation d’un gisement de dolérite en fournissant aux professionnels du BTP du gravier de qualité. Elle a élargi ses activités avec l’exploitation du minerai de calcaire (matière première dans la composition du ciment).
Unité de mélange Toguna
CERTIFICATION : ISO 9001-2015. RECHERCHE : Un département R&D et un laboratoire de tests d’analyses physico-chimique. Une collaboration avec les instituts de recherches pour une adaptation et une amélioration continues de la qualité de nos produits. PARTENAIRES : États, Instituts de recherche nationaux & sous régionaux, groupements & associations agricoles, particuliers. TRANSPORT : Parc de plus de 600 camions, engins lourds. FONDATION TOGUNA : Constructions d’écoles et de salles informatique entièrement équipées, de centres de santé, d’infrastructures culturelles à travers tout le pays.
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INDUSTRIES EXTRACTIVES
Une filière en or
Multiplication du nombre d’opérateurs, entrée en exploitation de nouvelles mines, hausse de la production sur plusieurs sites… Le secteur aurifère se porte particulièrement bien. ALAIN FAUJAS
es gouvernements successifs ont beau essayer de diversifier les productions du pays pour éviter de dépendre des fluctuations erratiques des prix mondiaux d’une seule matière première – comme le leur conseillent les bailleurs de fonds depuis des années –, rien n’y fait : l’or conforte année après année
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sa place de première ressource du Mali. Selon les chiffres officiels, il a été produit 60,8 tonnes (2,14 millions d’onces) du précieux métal en 2018, soit une progression de 20 % par rapport à l’année précédente. L’or continue de représenter les trois quarts des recettes d’exportation, un quart des recettes budgétaires et 8 % du PIB national. Cette production record fait du Mali le troisième producteur d’or du continent
CHIFFRES RECORD mines industrielles actives
11 000 salariés
60,8 t
produites en 2018
75 %
des recettes d’exportation
25 %
du budget de l’État
8% du PIB
Le canadien B2Gold a extrait 439 068 onces de la mine de Fekola en 2018.
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KATIE BROMLEY/B2GOLD
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derrière l’Afrique du Sud et le Ghana. Elle a été obtenue après la mise en exploitation de la mine de Fekola, fin 2017, par le canadien B2Gold – qui a annoncé avoir battu des records de production l’an dernier grâce à ce gisement à ciel ouvert, dont ont été extraites 439 068 onces (12,45 t) en 2018 –, et elle sera plus soutenue encore en 2019 avec la montée en puissance de la mine de Syama, dont l’australien Resolute Mining a lancé l’exploitation en 2018.
Mercure ou cyanure
Installé au Mali depuis une quinzaine d’années, le géant canadien Barrick Gold – devenu numéro un mondial de l’extraction minière de l’or depuis sa fusion avec Randgold Resources début janvier – est satisfait de ses mines de Loulo-Gounkoto (700 000 onces, soit près de 20 t par an) et de celle de Morila, en voie d’épuisement, « où nous prévoyons de céder la place à une installation agro-industrielle après notre départ », explique Mahamadou Samake, directeur régional du groupe
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pour l’Afrique de l’Ouest. « Les coûts sont assez élevés, notamment ceux de l’énergie, qui pèsent pour 30 % à 40 % dans nos frais d’exploitation, mais celle-ci demeure rentable à partir de 1 000 dollars l’once, grâce à des règles rigoureuses de contrôle des coûts », ajoute-t-il. À la fin du mois de février, les cours mondiaux approchaient des 1 300 dollars l’once. Les compagnies minières cohabitent difficilement avec les chercheurs d’or artisanaux, qui empiètent sur leurs concessions et ont souvent recours à des procédés d’extraction dangereux, utilisant le mercure ou le cyanure. « Ils nous font du tort en envahissant nos zones de sondage, poursuit Mahamadou Samake. Nous sommes pourtant prêts à leur céder des couloirs d’orpaillage après étude des placers [dépôts alluvionnaires], à leur apporter de l’eau et à faire des forages à leur profit, mais pas n’importe comment. » Un constat que confirme la Chambre des mines du Mali (CMM). « Des concessions sont squattées, et cela gêne les
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industriels, qui emploient 11 000 salariés, reconnaît le président de l’instance consulaire, Abdoulaye Pona. Mais l’exploitation artisanale existe au Mali depuis le XIIe siècle, et les 350 placers répertoriés sont exploités par 500 000 orpailleurs, qui font vivre des millions de personnes. En fait, les autochtones sont les premiers géologues du Mali. » La production artisanale représenterait 6 t par an. « Mais nous pensons qu’elle dépasse les 20 t », affirme Abdoulaye Pona. Et comme il n’existe au Mali aucune obligation de vendre son or à la Banque centrale – contrairement à d’autres pays voisins –, certains se risquent à avancer le chiffre d’une quarantaine de tonnes, ce qui semble cependant peu vraisemblable.
Dans ce climat d’incertitudes et de frictions entre artisans et industriels, Lelenta Hawa Baba Ba, la ministre des Mines et du Pétrole, tente de mettre un peu d’ordre. Certes, l’avenir s’annonce sous les meilleurs auspices pour l’or malien, puisqu’aux treize mines industrielles exploitées par onze opérateurs – « dont la bonne santé témoigne que le secteur se porte bien », selon la ministre – s’ajouteront bientôt d’autres sites, à commencer par celui de Bagama, dans la région de Kayes, qui doit entrer en production en 2020. « Nous disposons de 900 t de réserves prouvées », ajoute Lelenta Hawa Baba Ba, qui sait ce dont elle parle car elle est ingénieure en géologie et était, avant son entrée au gouvernement, en septembre 2018, directrice nationale de la géologie et des mines. La ministre estime que les disputes entre orpailleurs et industriels « sont un souci, car les premiers sont devenus de petits industriels équipés de matériels plus modernes qu’autrefois. L’État essaie donc d’organiser la filière, en créant pour eux des couloirs d’exploitation – après avoir évalué leurs teneurs en or. Il faut aussi qu’ils parlent aux industriels. » Malgré les efforts de ces derniers pour amadouer les orpailleurs, les conflits ne semblent pas près de cesser : le « métal des dieux » a pour défaut, depuis la nuit des temps, de brouiller la raison des personnes les plus sensées.
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Le projet arrivera un peu tard pour les 498 cheminots maliens de Transrail privés de salaire par la fermeture du chemin de fer BamakoDakar et surtout pour les sept morts que comptent leurs grévistes de la faim, mais il « fait rêver » Abdoulaye Pona, le président de la Chambre des mines du Mali : 4 740 km de nouvelles voies ferrées, dont 3240 au Mali, pour relier Kidal aux ports de Conakry (Guinée), Dakar (Sénégal) et San Pedro (Côte d’Ivoire). « Depuis trois ans, nous travaillons à désenclaver notre pays, qui regorge de matières premières comme l’aluminium, le fer ou l’uranium, assure Abdoulaye Pona. Ces voies ferrées permettraient d’exploiter de nouvelles mines et d’acheminer leur production vers les trois ports, mais aussi de transporter des marchandises et des passagers à 120 km/h. » Pour concrétiser ce « rêve », le 14 février, la Chambre des mines a signé avec le bureau d’étude et de conseil en ingénierie et en recherche appliquée (Cira), de Seydou Coulibaly, une convention confiant à celui-ci des études de préfaisabilité portant sur quatre axes. Le premier irait de Koulikoro à Dakar et desservirait Bamako, Kayes et Diboli. Le second partirait de Bamako et descendrait vers le port de San Pedro, via Bougouni, Kadiolo, Odienné et Man – « ce projet est déjà soutenu par l’Uemoa », rappelle Abdoulaye Pona. Le troisième relierait Bamako à Conakry, via Bougouni et Kankan. Le quatrième irait de Bamako à Kidal, via Ségou, Djenné, Mopti, Tombouctou et Gao. Afin de ne pas dépendre d’un seul pays et de diversifier les ports qui exporteront les minerais, Abdoulaye Pona n’entend sacrifier aucun des quatre projets, et ce malgré leur prix. « Nous cherchons des partenaires privés pour réaliser ces infrastructures, dont le coût est estimé à 14 milliards de dollars. Le retour sur investissement devrait être effectif en moins de vingt ans. Nous ne voulons pas de sociétés chinoises qui imposent leur main-d’œuvre et leur technologie, et nous espérons que les entreprises françaises les plus compétentes se porteront candidates », souligne le président de la chambre consulaire, qui vient de recevoir un premier candidat… Alors que les études de préfaisabilité ne seront bouclées que dans six mois.
EN PROJET
Frictions entre artisans et industriels
Des trains nommés désir
COMMUNIQUÉ
Ministre du Développement Industriel et de la Promotion des Investissements M. Moulaye Ahmed BOUBACAR
INDUSTRIES MALIENNES :
LE «MADE IN MALI» AU CŒUR DE GRANDES RÉFORMES
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ans sa politique de booster les investissements, le Gouvernement du Mali a fait du développement industriel et de l’amélioration continue de l’environnement des Affaires, une priorité avec d’importantes réformes dans les domaines juridique et réglementaire. Le pays dispose d’un ambitieux programme d’investissements prioritaires pour se hisser à l’horizon 2020 sur la voie de l’émergence économique. La mobilisation significative de capitaux étrangers et nationaux destinés au financement de projets d’investissements structurants jouera un rôle capital dans la valorisation de son immense potentiel économique. Une vision du Président de la République, Chef de l’État SEM Ibrahim Boubacar KEITA, portée par le ministre malien du Développement Industriel et de la Promotion des Investissements.
Le Ministre Moulaye Ahmed BOUBACAR, ambitionne de faire du secteur industriel, le moteur de croissance de l’économie à travers la mobilisation d’investissements conséquents. Son objectif de faire contribuer le secteur privé au développement économique et à l’amélioration des conditions de vie des populations s’est déjà traduit par la mise en œuvre d’importantes réformes législatives et réglementaires en vue de rendre efficient l’environnement des affaires et favoriser l’activité économique. Au premier rang de ces réformes, la modification du Code des Investissements avec comme innovation, le rehaussement du seuil des investissements pour les entreprises éligibles au régime A, faisant passer ce seuil de 12,5 millions à 100 millions de F CFA pour permettre de réduire l’octroi des exonérations dont le montant est actuellement très élevé. Un nouveau dispositif d’élaboration et de contrôle des politiques mis en œuvre en matière de développement des Petites et Moyennes Entreprises est également disponible et sa mise en œuvre est assurée par la Direction Nationale des PME à travers le Programme d’Appui au Développement des PME, assorti de son plan d’action 2019-2023. Le département, suivant la mission qui lui a été assignée par le Gouvernement, travaille sans cesse à la promotion du potentiel économique du pays, à la modernisation et à la valorisation des principales productions brutes des différents secteurs de l’économie.
L’accélération du développement économique dans l’optique de la réduction de la pauvreté passe impérativement par l’industrialisation en vue de tirer le meilleur profit de la transformation locale des matières premières nationales notamment agricoles.
seurs-industriels. La nouvelle loi sur les Partenariats Public intègre la prise en charge des bonnes pratiques internationales et vise à permettre au secteur privé de jouer tout son rôle dans la réalisation des grands chantiers de développement au Mali.
C’est dans ce registre que s’inscrit l’érection du Centre pour le Développement Agro-alimentaire (structure rattachée au département) en Agence, avec comme objectif principal la création d’une masse critique d’entreprises de transformation agroalimentaire formelles et structurées.
Le Guichet Unique Electronique du Commerce et des Transports contribuera à renforcer la collaboration dans un environnement sécurisé entre les services techniques et les opérateurs économiques, de manière rapide.
Promouvoir « la production industrielle locale », suppose mettre en exergue l’admirable génie industriel malien qu’il importe d’encourager et de soutenir par le biais d’une consommation locale accrue et plus soutenue. Aujourd’hui, les efforts sont orientés vers la promotion de la consommation des productions industrielles nationales : le « Made in Mali ». La nouvelle Agence pour le Développement Agro-alimentaire permettra d’accroître les capacités managériales des entreprises agro, de faciliter leur accès au financement et d’améliorer leur compétitivité sur le marché national et sous régional. Des actions d’envergure ont été menées pour faciliter la pratique des affaires notamment le Cercle de Réflexion économique, la création de nouvelles zones industrielles, l’appui aux industries locales de transformation, la rationalisation du cadre de dialogue État - secteur privé, en vue de mieux répondre aux préoccupations majeures du secteur privé et l’organisation très prochaine de la rencontre investis-
Le secteur de la micro finance connaîtra des jours meilleurs avec la mise en œuvre imminente du mécanisme de refinancement des systèmes financiers décentralisés. L’architecture législative sur les Zones Économiques Spéciales (ZES) est en pleine construction et ce dispositif mettra à la disposition des investisseurs, un environnement attractif et sécurisé par l’octroi d’incitations fondées sur les performances économiques, la simplification des procédures administratives, l’amélioration des régimes appliqués aux droits de propriété et un accès ciblé au crédit foncier. Le forum « Invest in Mali » que le département organise en novembre prochain, permettra à notre pays de montrer aux investisseurs nationaux et étrangers, l’immense potentiel dont dis-pose le pays pour l’exploitation duquel toutes ses réformes sont initiées. Le ministre Moulaye Ahmed BOUBACAR est très optimiste, car la mise en œuvre de ces initiatives permettra au Mali de s’inscrire au rang des pays émergents dans un avenir immédiat.
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SOCIÉTÉ Dans le quartier Faso Kanu, à Bamako.
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Laïcs mais pas trop? jeuneafrique no 3036 du 17 au 23 mars 2019
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Près de 60 000 personnes se sont rassemblées le 10 février au stade du 26-Mars de Bamako à l’appel du Haut Conseil islamique du Mali, qui a exigé la démission du Premier ministre.
AÏSSATOU DIALLO et BABA AHMED
EMMANUEL DAOU BAKARY
D Le pays est réputé pour son esprit d’ouverture et sa diversité culturelle. Les partis confessionnels y sont même interdits. Pourtant, associations et dignitaires religieux gagnent en influence.
eux épisodes récents soulignent l’influence des leaders religieux musulmans dans la société malienne. Le 10 février, près de 60 000 personnes sont réunies au stade du 26-Mars de Bamako, à l’appel de Mahmoud Dicko, président du Haut Conseil islamique du Mali (HCIM, lire pp. 140-141), et de Bouyé Haïdara, le chérif de Nioro. L’imam Dicko dénonce la mauvaise gouvernance et demande le départ du Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maïga. C’était la première fois dans l’histoire du Mali indépendant qu’un rassemblement de cette ampleur réclamait le départ d’un homme politique. En se posant comme le défenseur « des valeurs sociétales et religieuses », Mahmoud Dicko bénéficie d’un large soutien au sein de la population. Deux mois plus tôt, en décembre, le même Dicko était monté au créneau contre un projet de manuel scolaire d’éducation sexuelle « complète » qui comprenait une approche pédagogique plus tolérante à l’égard de l’homosexualité. Un sujet tabou sur lequel le gouvernement finira par reculer, jusqu’à abandonner l’ensemble du projet. À la suite du meeting du 10 février, les imams du HCIM ont publié un communiqué demandant à l’État de « criminaliser la pratique de l’homosexualité », et le porte-parole de l’organisation, Issa Kao Djim, a annoncé la création d’un mouvement – sous le leadership de l’imam Dicko – pour lutter contre la vente d’alcool, la prostitution et toutes les autres pratiques interdites par l’islam.
Idéologie wahhabite
Un autre événement vient illustrer l’influence de certains leaders religieux sur les grandes questions de société. Au matin du 19 janvier, alors qu’il se rend dans sa mosquée de Bamako pour la prière du fajr (« l’aube »), l’imam Abdoul Aziz Yattabaré est poignardé par un jeune homme et succombe à ses blessures quelques heures plus tard. Son assaillant, Moussa Guindo, s’est lui-même rendu à la police. L’assassinat de cet éminent représentant de la
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communauté musulmane (il était directeur de l’institut Mahadi islamique de Missira, une école coranique, et avait conduit la délégation du HCIM à Tombouctou, en 2012, pour discuter avec le chef jihadiste Abou Zeid) a plongé le pays dans l’émoi et provoqué un tollé chez les dignitaires religieux. Depuis, certains d’entre eux réclament l’application de la peine de mort. Même si celle-ci est prévue dans la législation du pays, elle est extrêmement rarement prononcée, et la dernière exécution d’un condamné à mort remonte à 1980. Si les leaders religieux musulmans sont aussi influents, c’est que plus de 90 % des Maliens se revendiquent de cette confession. Ils pratiquent un islam malékite, l’une des écoles du droit musulman sunnite majoritaire en Afrique de l’Ouest qui prend notamment en compte la coutume locale lorsqu’elle n’est pas contraire à la religion. Ce qui – jusqu’à présent tout du moins – permettait une relative cohésion entre la religion et la culture des ethnies du pays. De plus, jusqu’à la crise de 2012, le dialogue interreligieux fonctionnait. Mais le saccage d’églises et l’enlèvement d’une religieuse dans le centre du pays – revendiqué par le Jamaat Nosrat al-Islam wal-Mouslimin (JNIM, Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, dirigé par Iyad Ag Ghaly) montre que la religion musulmane au Mali a pris pour certains un tournant wahhabite plutôt extrémiste. « Ce phénomène de glissement vers un islam plus radical s’est fait progressivement, depuis une trentaine d’années », analyse Bréma Ely Dicko, chef du département sociologie et anthropologie à l’université de Bamako.
Mahmoud Dicko
Président du Haut Conseil islamique du Mali (HCIM)
Quel était le rôle initial du HCIM et le joue-t-il encore ? Le HCIM fait office d’interface entre les pouvoirs publics et la communauté musulmane. C’est son rôle et c’est ce que nous faisons. S’il y a un problème sociétal, c’est à nous d’alerter 140
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les autorités. Si ces dernières ont un message pour la population, elles se tournent vers nous pour le relayer. Peut-on parler de la montée d’un islam politique au Mali ? Que signifie islam politique ? Je ne connais
EMMANUEL DAOU BAKARY POUR JA
« Nos gouvernants pensent que nous n’avons pas d’opinion »
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Plus de 90 % des Maliens se disent musulmans.
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Au Mali, lorsqu’il s’agit des droits des femmes, il y a un flou entre religion et cultures. Quand un mari bat sa femme, on dit à celle-ci: “Si tu es frappée, ton enfant aura la baraka.” Pourtant ce n’est écrit nulle part dans le Coran. Cela découle de la coutume dans certaines ethnies. Lorsqu’une nouvelle mariée va s’installer chez son époux, il y a dans son trousseau un fouet. Le message est clair: “Si tu fais une bêtise, ton mari a le droit de te frapper.” Cette confusion entre religion et cultures a encore de beaux jours devant elle tant que tout le monde n’en prend pas conscience, et étant donné que ce sont les hommes qui sont aux postes de décision. Ce sont encore eux qui font les prêches dans les mosquées et en sont les premiers bénéficiaires.
qu’un islam. Lorsqu’un musulman s’intéresse à la vie de son pays, est-ce qu’il fait de sa religion une religion politique ? On peut parler de leaders religieux musulmans politiques, mais il n’y a pas d’islam politique. Êtes-vous un leader religieux politique ? Je ne suis pas un politique, mais je suis un leader et j’ai des opinions. Si cela est politique, je suis politique.
Certains estiment que le Mali va vers un islam de plus en plus rigoriste. Partagez-vous ce constat ? Je ne vois pas les choses comme cela. L’islam du Mali, qui est un pays musulman à plus de 90 %, a toujours été tolérant. Les gens confondent l’islam et la société malienne, ce qui est une erreur. C’est cette société qui, ellemême, devient exigeante, qui pense que la gouvernance doit être améliorée. Selon vous, pourquoi la crise sécuritaire dans
DIAKITÉ KADIDIA FOFANA Porte-parole du Collectif des amazones contre les violences faites aux femmes
le Nord et le Centre s’aggrave-t-elle ? Quand les dirigeants gouvernent seuls, cela ne peut pas marcher. Ils nous traitent comme les Occidentaux nous traitaient en leur temps. Souvenez-vous de l’article 13 de la charte de l’impérialisme : « Les pays du Tiers Monde n’ont ni culture ni civilisation qui ne se réfèrent à la civilisation occidentale. » Nos gouvernants pensent que nous n’avons pas d’opinion. Aujourd’hui, nous sommes dans un carcan où
c’est la communauté internationale qui vient voir si nos élections se sont bien passées. Il est temps que nos dirigeants s’assument ! Ce système de démocratie représentative qu’on nous impose ne fonctionne pas chez nous. Les peuples africains doivent se dire qu’il serait temps d’essayer autre chose. La démocratie est universelle, mais, chaque pays et chaque peuple ayant sa spécificité, elle doit s’appuyer sur nos valeurs sociétales et religieuses.
Propos recueillis par A.D.
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Depuis la sécheresse qui a frappé le Sahel dans les années 1970-1980 et les programmes d’ajustements structurels, les ONG financées par les pays du Golfe ont multiplié leurs bons offices humanitaires. « Dans certaines parties du pays, ce sont les organisations islamiques, soutenues pour la plupart par l’Arabie saoudite, qui remplacent l’État dans ses fonctions régaliennes. Partout où il y a une mosquée, il y a en général une médersa, un puits et de plus en plus souvent un centre de santé, poursuit le sociologue. Les mosquées mettent également en place des associations de femmes, de jeunes et d’hommes, avec des prêches et des activités au quotidien. Ce qui permet
de mieux diffuser l’idéologie wahhabite. » En plus de l’appareil militaire abîmé, celui de la justice est souvent pointé pour sa corruption. « On n’a jamais vu quelqu’un possédant plus de 50 millions de F CFA [76 224 euros] se faire mettre en prison, déplore un ancien général de la police malienne. Tout le monde est corrompu, du juge au ministre, en passant par les agents de l’État ! » Le rapport annuel publié par le bureau du vérificateur général constate que des dizaines de milliards de F CFA sont détournés ou perdus pour cause de mauvaise gestion ou de corruption. Sans que cela donne lieu à des actions au pénal. Aussi le sentiment d’injustice grandit-il, de même
Quand la musique est bonne
EMMANUEL DAOU BAKARY POUR JA
Sur la scène de Radio libre, le 14 février.
Franchir les portes de Radio libre, c’est entrer dans un temple du reggae. Et venir partager l’amour des Maliens pour la musique, loin du rigorisme de certains. En 2005, le chanteur ivoirien Tiken Jah Fakoly a ouvert cet espace de musique live dans le quartier populaire de Niamakoro, à Bamako. Son image est fortement associée au club, dont les murs sont tapissés de portraits de « Tiken », de son compatriote Ismaël Isaac et du chanteur sud-africain Lucky Dube, ainsi que de célèbres
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rastafaris ou leaders révolutionnaires tels que Thomas Sankara et Haïlé Sélassié. Les couleurs panafricaines et maliennes (le rouge, le jaune et le vert) sont également à l’honneur. Pour 2000 F CFA (3 euros), tous les jours sauf le lundi, les mélomanes peuvent assister à des concerts dès 23 heures. La programmation mixe stars et jeunes talents. « Au départ, nous faisions surtout du reggae, mais on a ouvert la scène à la musique mandingue pour séduire plus de Bamakois. Radio libre fait
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salle comble, surtout lorsque Tiken s’y produit. Il est attaché au lieu et y vient en général une fois par mois », explique Aboukary Napo, gérant du bar. Pour Lamine Traoré, un jeune client, ce qui fait son succès, « c’est qu’il est accessible et permet de se défouler ». Depuis le début de l’année, Radio libre a engagé des travaux d’aménagement. En plus du bar-club et du restaurant sur le toit de l’immeuble, une boîte de nuit sera créée au rez-dechaussée, afin d’attirer une
clientèle plus jeune. Quant au studio de radio, qui a donné son nom à l’établissement, il devrait bientôt être opérationnel lui aussi.
Un succès qui fait des émules
À l’affiche en ce moment, le samedi soir : Rokia Koné, chanteuse très en vue de la scène musicale malienne et par ailleurs membre du collectif les Amazones d’Afrique, aux côtés d’artistes comme Mamani Keïta, Angélique Kidjo, Mariam Koné et Kandia Kouyaté. Ce samedi de la mi-février, une centaine de spectateurs sont installés dans des fauteuils disposés en demicercle autour de la scène. Ils sirotent leurs boissons et discutent en attendant l’arrivée de l’artiste, de ses musiciens et des quelques danseurs qui les accompagnent. Entre deux titres, Rokia Koné échange avec le public, pendant qu’un petit groupe, près de la scène, esquisse quelques pas au rythme de la musique mandingue. Le succès de ce concept a inspiré la création d’autres bars à Bamako. AÏSSATOU DIALLO
que le nombre de ceux qui souhaitent l’instauration de la charia au-delà du mariage et du baptême. Lors de l’occupation de la ville de Douentza (à l’est de Mopti) par le Mouvement pour l’unicité du jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), en 2012, des habitants ont d’ailleurs témoigné des restrictions imposées par les jihadistes, tout en reconnaissant « l’équité » de « leur » justice. « Lorsqu’il y avait un litige entre deux personnes, chacun venait avec ses témoins, et la justice était rendue en quarante-huit heures au maximum, raconte un homme. Il y avait ensuite un suivi du jugement rendu et une mise en garde adressée à celui qui perdait pour éviter toute récidive. Le nombre de vols avait diminué. » Cette charia reste cependant moins violente dans sa pratique que celle mise en œuvre à Gao, par exemple, où les islamistes avaient procédé à des amputations en 2012. Selon Mahmoud Dicko, l’islam du Mali demeure tolérant : « C’est la société malienne elle-même qui devient plus exigeante en matière de gouvernance », assure-t-il. Investis de cette adhésion populaire, certains leaders religieux ont démontré leur capacité de mobilisation à des fins politiques et n’hésitent plus à défier l’État. Comme l’a déjà illustré le bras de fer qu’ils ont tenu, de 2009 à 2011, contre le code de la famille (lire encadré ci-contre), et qu’ils ont fini par gagner.
UN CODE DES PERSONNES ET DE LA FAMILLE EXPURGÉ En 2009, l’Assemblée nationale du Mali avait adopté un code des personnes et de la famille progressiste qui a irrité les islamistes et contraint les parlementaires et le gouvernement à reculer. Le texte ne sera promulgué qu’en décembre 2011, après avoir été renvoyé en seconde lecture, soigneusement expurgé de ses mesures phares pour les droits des femmes. Celles qui prévoyaient que le mariage civil soit le seul retenu comme légal, que l’âge minimal d’une
jeune fille pour se marier soit porté à 18 ans et que la sœur hérite à part égale avec ses frères. Celles qui stipulaient que la femme est l’égale de l’homme ou que les époux se doivent mutuellement fidélité, protection, secours et assistance. Et, plutôt que de disposer que la loi « assure la protection de la femme et de l’enfant », le nouveau code a préféré affirmer qu’elle « assure la protection de la personne humaine et de la famille ». BABA AHMED
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LIVRES
Adame Ba Konaré
Historienne, ancienne première dame du Mali
« Le griot évolue avec son temps » Propos recueillis par BENJAMIN ROGER
istorienne et femme de lettres, l’ancienne première dame du Mali vient de publier Le griot m’a raconté… Ferdinand Duranton, le prince français du Khasso, biographie d’un colon français qui, au début du XIXe siècle, épousa la princesse Sadioba Diallo, fille du roi du Khasso (une région du HautSénégal correspondant à l’actuel Ouest malien). Marraine de l’association Tabital Pulaaku International, pour la promotion de la culture et de la langue peule, Adame Ba Konaré s’alarme par ailleurs des conflits intercommunautaires qui agitent le centre du pays.
H
Jeune Afrique : Pourquoi avoir consacré un livre au personnage de Ferdinand Duranton ? Adame Ba Konaré : Quand je travaillais
sur mon Dictionnaire des femmes célèbres du Mali, je suis tombée sur une princesse, Sadioba Diallo, qui était la fille du roi du Khasso. Elle avait épousé un Français du nom de Ferdinand Duranton en 1825. Cela m’a paru assez étrange, donc j’ai fait des recherches sur ce personnage. Qui était cet homme qui, au début du XIXe siècle, avait épousé une princesse malienne ? Je suis remontée à ses origines, à ce qu’il avait fait… Et ce Duranton m’a paru déterminant dans l’histoire de la région. Il ne croyait pas aux négociations et avait développé une théorie en faveur de la guerre. À l’époque, il y avait des conflits interminables entre les rois locaux. Tout ce qui intéressait la France était le commerce, notamment celui de la gomme. Les chefs de Duranton, qui avait été envoyé dans le haut fleuve Sénégal pour nouer des relations amicales avec ces rois, estimaient qu’il fallait avancer prudemment et gagner leurs faveurs. Duranton, lui,
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pensait au contraire qu’il fallait intervenir militairement. Il est le père de l’interventionnisme militaire français dans cette région. Il est aussi celui de l’ingérence : il disait qu’il fallait être au plus près des rois qui servaient les intérêts français. Pour le reste, l’historienne que je suis ne s’encombre pas de considérations politiciennes sur son statut [de colon]. Je m’accroche aux faits. Pourquoi avez-vous raconté sa vie à travers la rencontre entre son descendant, Nicolas Duranton, et le griot djeli Madi Kouyaté ?
Utiliser ces personnages romanesques était une façon de faire d’une pierre deux coups. Je voulais raconter l’histoire de Duranton et revaloriser la fonction du griot. Le griot est un historien. Son savoir est fondé sur la transmission orale, l’écoute, la mémorisation, la récitation… Il se transmet de bouche à oreille. Les historiens africains de ma génération ont abondamment utilisé la tradition griotique comme source d’information. Les griots sont formés dans des écoles spécialisées, ils apprennent leur métier. Ils sont incontournables. Dans les années 1960, les historiens ont institutionnalisé la tradition orale et en ont fait une source aussi valable que les documents écrits.
Le 12 février, à Bamako, au Musée de la femme Muso Kunda, dont l’ancienne première dame est la présidente et fondatrice.
Les griots ont-ils autant de poids dans la culture contemporaine ?
Le griot occupe toujours la même fonction sociale et continue de jouer son rôle, mais sa fonction change. Ce n’est pas un personnage statique et figé ; il évolue avec son temps, avec la technologie. Il a conscience qu’il peut améliorer son savoir grâce aux outils informatiques et aux technologies de l’information: smartphones, WhatsApp, réseaux sociaux… Toutes ces facilités dont nous bénéficions aujourd’hui, le griot les utilise également.
Le griot m’a raconté… Ferdinand Duranton, le prince français du Khasso (1797-1838) Adame Ba Konaré Éditions Présence africaine 2018, 248 pages, 18 euros
NICOLAS RÉMÉNÉ POUR JA
Que faire pour rétablir la paix entre communautés peules et dogons dans le Centre ?
On a parfois l’impression que le griot est un personnage moyenâgeux figé sur ses codes et ses règles. C’est faux. Le griot s’adresse d’abord aux vivants, il mobilise la mémoire des anciens pour sécher les larmes des vivants. Il ne rappelle les morts que lorsqu’ils peuvent servir d’exemples. Les gens ont toujours besoin de lui. Toutes les grandes familles ont leur griot. Les partis politiques et leurs dirigeants aussi. Le griotisme est né avec les hommes de pouvoir et continue à les servir. Vous êtes la marraine de Tabital Pulaaku International. Dans une récente tribune, vous avez dénoncé les crimes commis contrelacommunautépeuledansleCentre et demandé à l’État de « désamorcer la bombe de la polarisation ethnique ». Avezvous le sentiment d’avoir été entendue?
Nous assistons à une crise grave avec ce Centre qui s’embrase. Malheureusement, ces guerres intercommunautaires font craindre le risque d’explosion de la nation et courir la menace d’une guerre civile. Des appels comme le mien peuvent mettre la pression, mais il faut surtout engager rapidement un processus de dialogue inclusif. Il faut mobiliser l’ensemble des Maliens pour réfléchir à ce problème et le prendre à bras-le-corps. Sinon cela risque d’être fatal à l’avenir et à l’unité de notre pays.
Il faut d’abord rétablir le dialogue. L’État a le rôle et le devoir régalien d’assurer la sécurité des citoyens. C’est sa mission première. Dogons et Peuls ont toujours cohabité, il est dommage que cette cohésion vole en éclats de la sorte. Il n’y a pas d’autre solution que d’instaurer un débat national, qui rassemble l’ensemble des Maliens. Il faut prendre la parole, expliquer, inviter chacun à débattre et mettre les moyens pour calmer le jeu. Il y a beaucoup de solutions, mais, encore une fois, les plus essentielles résident dans les mains des tenants du pouvoir, c’est-à-dire de nos gouvernants. IBK et son gouvernement font-ils assez sur cette question ?
Je ne veux pas indexer quelqu’un en particulier, mais j’attends plus de l’exécutif. L’État doit faire davantage et mettre tous les moyens pour obtenir la paix. Le constat est là et malheureusement il est amer. Il faut vite éteindre le feu de la guerre intercommunautaire.
Pourquoi aviez-vous écrit une lettre ouverte à Emmanuel Macron après son élection, en mai 2017 ?
Quand il a été élu, j’ai vu en lui un président jeune, qui se voulait au-dessus des partis. Je me suis dit qu’il allait renouveler le discours sur le continent et que la France allait enfin avoir une bonne politique africaine. Je pensais qu’il allait renouveler les règles du jeu. L’a-t-il fait ?
NOUS ASSISTONS DANS LE CENTRE À UNE CRISE GRAVE ENTRE DOGONS ET PEULS. IL FAUT MOBILISER L’ENSEMBLE DES MALIENS POUR RÉTABLIR LA PAIX.
Il n’a pas fini son mandat, donc je ne peux pas apprécier son œuvre dans son intégralité, mais, honnêtement, je trouve qu’il n’y a pas eu de changement radical avec la politique de ses prédécesseurs. Comment va votre mari ?
Mon mari va bien. Il est à Bamako.
SesrapportsavecIBKsesont-ilsaméliorés?
[Rires] Allez leur poser la question ! Moi, je suis une personne indépendante, je ne me mêle pas des affaires des autres. Quand j’ai des problèmes, je les résous directement.
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ANNONCES CLASSÉES MINISTÈRE DES FINANCES ET DU BUDGET *************** DIRECTION DE CABINET ************* P161730-DON IDA D2150-CF
Concernant cette rubrique, adressez-vous à Fabienne Lefebvre Tél. : 01 44 30 18 76 - Fax : 01 44 30 18 77 - Email : f.lefebvre@jeuneafrique.com DIFCOM Régie publicitaire centrale du Groupe Jeune Afrique 57 bis, rue d’Auteuil 75016 Paris - France
RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE UNITÉ - DIGNITÉ - TRAVAIL *************
MINISTÈRE DES FINANCES ET DU BUDGET
Projet d’appui à la Gestion des dépenses et Investissement et aux Réformes
AVIS DE SÉLECTION DE CONSULTANTS ASSISTANCE TECHNIQUE – RECRUTEMENT D’UN AGENT COMPTABLE CENTRAL DU TRÉSOR (ACCT) EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE RÉFÉRENCE : N° 11 /MFB/RCA NOM DU PROJET : APPUI À LA GESTION DES DÉPENSES ET INVESTISSEMENTS PUBLICS ET AUX RÉFORMES (AGIR) Le Gouvernement de la République Centrafricaine a obtenu un financement auprès de l’Association Internationale pour le Développement (AID) du groupe de la Banque Mondiale pour couvrir les frais du Projet d’Appui à la Gestion des Dépenses et Investissements Publics et aux Réformes (AGIR) et entend utiliser une partie de ces fonds aux paiements de services de consultants pour l’Agent Comptable Central du Trésor (ACCT).
RECRUTEMENT
Le recrutement de L’ACCT intervient suite à l’engagement du Ministère des Finances et du Budget dans plusieurs réformes, notamment celle de la gestion de la Trésorerie et de la Comptabilité de l’Etat qui reste l’une des causes de la fragilité de la chaine des dépenses. L’objectif général de la mission de l’ACCT est d’améliorer la gestion des finances publiques en consolidant le rétablissement de la chaine d’exécution budgétaire et comptable et de poursuivre la fiabilisation de la comptabilité publique, tout en sécurisant la gestion de la trésorerie. Le candidat recherché doit être diplômé de troisième Cycle (BAC + 5) en sciences économiques, comptabilité publique, finances publiques ou en droit de préférence avec une spécialisation dans le domaine du Trésor et/ou budget ou dans un domaine pertinent. Un diplôme dans le domaine de l’administration financière (option Trésor) constitue un atout, avec une solide expérience d’au moins 10 ans dans des postes de responsabilité supérieure de l’administration centrale du Trésor et avoir été soit comptable public principal soit comptable public centralisateur au moins 3 ans. (Se référer aux termes de références pour d’autres expériences requises et les rapports à fournir). Le candidat devra Jouir de ses droits civiques ; (ii) n’avoir jamais fait l’objet de sanctions pénales ou disciplinaires ; et (Centrafricaine) pour une durée d’un an renouvelable une (1) fois. Le consultant fera l’objet d’une période de probation de six mois. Le renouvellement du contrat est conditionné au résultat d’une évaluation de la performance selon les critères des résultats indiqués dans les termes de référence. L’évaluation sera faite par le Directeur Général du Trésor et de la Comptabilité Publique et validée par le Ministre des Finances et du Budget et l’Unité de Gestion du Projet AGIR. Les candidats intéressés peuvent faire parvenir leur candidature à l’adresse indiquée ci – dessous sous pli fermé indiquant le poste souhaité avec un dossier comprenant : • Un Curriculum - Vitae détaillé incluant les références (adresse e-mail et numéro de téléphone) de deux personnes pouvant confirmer les missions réalisées et indiquées dans le CV ; • Une note méthodologique expliquant la compréhension de la mission ; • Une lettre de couverture faisant ressortir l’expérience pertinente du candidat par rapport au poste convoité ; • Une copie des diplômes ; • Un casier judiciaire datant de moins de trois (3) mois. La date limite de dépôt des candidatures initialement fixée pour le 18 Mars 2019 est prorogée au 4 Avril 2019 à 15 heures (heure locale). Les candidatures peuvent être déposées en personne ou envoyées par mail à l’adresse suivante : Secrétariat du projet AGIR/Ministère des Finances et du Budget Adresse : Bâtiment de l’ancienne CAADE, Boite Postale : 912 Ville Bangui, Pays : République Centrafricaine Téléphone : (236) 75.85.75.65 /75.50.26.11 ; Adresse électronique : assistantespm.projetagir@gmail.com - coordonnateur.projetagir@gmail.com Les termes de références du poste pourront être transmis aux candidats qui en font la demande par e-mail aux adresses mails ci-dessus mentionnées, ou retirés au bureau du projet AGIR Le Coordonnateur du Projet AGIR Guy – Bruno KOYAYORO - SOBO
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République Tunisienne
AVIS GÉNÉRAL DE PASSATION DES MARCHÉS (AGPM) TUNISIE PROJET DE TRANSPORT DE GAZ NATUREL - TUNISIE [TUN 1013] La Tunisie a obtenu de la Banque Islamique de Développement un prêt pour financer le projet de transport du gaz naturel en Tunisie. Objectifs du Projet : L’objectif global de ce projet est le renforcement du réseau national de transport du gaz naturel qui s’inscrit dans le cadre du programme de développent réseau gaz 2016-2020 pour satisfaire les besoins de la demande croissante du gaz naturel et l’alimentation en gaz naturel des communes.
Les acquisitions de Biens et de Travaux seront effectuées conformément aux Directives pour la Passation des marchés financés par la Banque Islamique de Développement (dernière édition). Marchés de Biens et de Travaux : La passation des marchés de biens et de Travaux sera effectuée par voie d’appels d’offres internationaux (AOI) et comprendra cinq appels d’offres constitués comme suit : A1-Appels d’offres N° 1 : constitué de deux lots : • LOT N°1 : Les études, la fourniture et la construction du gazoduc de la région du sahel (environ 50 km, 12” HP) et ses ouvrages Annexes pour satisfaire les demandes urgentes en gaz de la région, • LOT N°2 : Les études, la fourniture et la construction des gazoducs à Skhira, M’saken et Mourouj (environ15 km, 20” HP) et leurs ouvrages annexes et ce pour assurer l’alimentation en gaz naturel de la future centrale de Skhira et renforcer l’alimentation en gaz naturel de la centrale de Sousse A2-Appels d’offres N° 2 : constitué de deux lots : • Lot N° 1 : Les études, la fourniture et la construction du gazoduc Bourbiaa -Zriba (environ 45 km, 28” HP) et ses ouvrages annexes, et ce, pour palier aux demandes croissantes en gaz naturel par le renforcement de la capacité de prélèvement en gaz du gazoduc existant 20’’à partir du gazoduc Trans-Tunisien et satisfaire les besoins futurs du nord et du sud du pays, notamment les centrales électriques existantes et futures. • Lot N° 2 : Les études, la fourniture et la construction du gazoduc ZribaM’saken (environ 75 km, 28” HP) et ses ouvrages annexes, et ce, pour palier aux demandes croissantes en gaz naturel par le renforcement de la capacité de prélèvement en gaz du gazoduc
A3- Appels d’offres N° 3 : constitué de deux lots : • LOT N°1 : Les études, la fourniture et la construction des gazoducs et de leurs ouvrages annexes pour l’alimentation des communes d’El Hamma et Seliana. (respectivement environ 40 km en 12”, et 40 Km en 8”) et ce pour contribuer à assurer la fourniture du gaz naturel aux régions intérieures du pays. • LOT N°2 : Les études, la fourniture et la construction du gazoduc et de ses ouvrages annexes pour l’alimentation des communes de Kebeli (environ 70 km en 12”HP et 10 Km en 8” MP) et ce pour contribuer à assurer la fourniture du gaz naturel aux régions intérieures du pays. A4- Appels d’offres N° 4 : Constitué de deux Lots: • LOT N°1 : fourniture des Skids de filtration et de Comptage aux postes suivants : • Poste de filtration et de comptage de la Zriba • Poste Prélèvement de Henchir El Gort • LOT N°2 : fourniture des Skids de filtration et de Comptage aux postes suivants : • Poste Départ de JERBA • Poste Départ Nord Ouest • Poste Départ BOUSALEM - LE KEF – DAHMANI • Poste Départ BOUARADA & TEBOURSOUK • Poste de Prélèvement de SIDI BOUZID • Poste de Prélèvement de TATAOUINE • Poste de Prélèvement de GHRABET
AVIS DE MARCHÉS
Le projet comprendra cinq composantes réparties comme suit : Composante A1 : Etudes, Fourniture et Construction du gazoduc de la région d’el Sahel et des tronçons de gazoducs Skhira, M’saken et Mourouj et leurs ouvrages annexes. Composante A2 : Etudes, Fourniture et Construction du gazoduc Mourouj- M’saken et ses ouvrages annexes. Composante A3 : Etudes, Fourniture et Construction des gazoducs alimentant les Communes d’El Hamma, Kebeli, Siliana et leurs ouvrages annexes. Composante A4 : Fourniture des Skids de filtration et de Comptage. Composante A5 : Fourniture des postes de détente et des accessoires.
existant 20’’à partir du gazoduc Trans-Tunisien et satisfaire les besoins futurs du nord et du sud du pays, notamment les centrales électriques existantes et futures.
A5- Appels d’offres N° 5 : constitué de Trois lots : • LOT N°1 : la fourniture des postes de détente et d’odorisation suivants : • postes 19/4 bar de capacités différentes • postes 76/20 bar de capacités différentes • postes 76/20/4 bar de capacités différentes • LOT N°2 : la fourniture des tubes en acier suivants : • 50 Km de Tubes Ø 4” • 70 Km de Tubes Ø 8” • LOT N°3: la fourniture des Vannes en acier Ø12”, 8” et 4” Les dossiers d’appel d’offres seront disponibles à partir de Juin 2019 Les candidats intéressés peuvent obtenir des renseignements supplémentaires et doivent confirmer leur intérêt par écrit auprès de : Monsieur LAKHOUA Hédi Directeur de la Direction Equipement Gaz / Direction Centrale de la Production et du Transport Gaz. Société Tunisienne de l’Electricité et du Gaz (STEG) Téléphone : 00216 71 959 677 Télécopie : 00216 71 959 817 Courriel : hlakhoua@steg.com.tn Site internet : www.steg.com
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ANNONCES CLASSÉES
RÉPUBLIQUE DE CÔTE D’IVOIRE Union - Discipline - Travail
MINISTÈRE DE L’ÉQUIPEMENT ET DE L’ENTRETIEN ROUTIER
PROJET DE TRANSPORT URBAIN D’ABIDJAN (PTUA) AVIS D’APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL N° T 28/2019
Travaux de construction et d’aménagement de voies primaires lot 1 : Travaux de dédoublement de la route de Dabou sortie Ouest (19 km). lot 2 : Travaux de dédoublement de la route de la Prison Civile Sortie Est (23 km). lot 3 : Travaux d’aménagement du boulevard Latrille (7.3 km). lot 4 : Travaux d’aménagement de la voie périphérique (Y4) de la ville d’Abidjan (Boulevard de France redressé – Route d’Alépé : (section 1, PK 00+00 à PK14+200). lot 5 : Travaux d’aménagement de la voie périphérique (Y4) de la ville d’Abidjan (Route d’Alépé – Route de la prison civile : (section 2, PK 14+200 à PK 26+500). N° d’Identification du projet : P-CI-D00-004 - AAOI N° : T 28/2019
APPEL D’OFFRES
1. Le présent Avis d’Appel d’Offres International (AAOI) suit l’avis général de passation des marchés du projet paru dans Development Business en ligne AFDB 837-08/16 du 17 août 2016 et sur le portail de la Banque (www.afdb.org). 2. Le Gouvernement de la République de Côte d’Ivoire a reçu un prêt auprès de la Banque Africaine de Développement (BAD) et un don du Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM) pour couvrir le coût du Projet de Transport Urbain d’Abidjan (PTUA) et entend affecter une partie du produit de ce prêt aux paiements relatifs aux marchés pour les travaux de dédoublement de la route de Dabou sortie Ouest (19 km) ; travaux de dédoublement de la route de la Prison Civile Sortie Est (23 km) ; travaux d’aménagement du Boulevard Latrille (7.3 km) et travaux d’aménagement de la voie périphérique (Y4) de la ville d’Abidjan (26.500 km). 3. L’Agence de Gestion des Routes (AGEROUTE), agissant en tant que Maître d’Ouvrage Délégué au nom et pour le compte du Ministère de l’Equipement et de l’Entretien Routier, invite par le présent Appel d’Offres, les soumissionnaires intéressés à présenter leurs offres sous pli fermé, pour exécuter les travaux de dédoublement de la route de Dabou sortie Ouest (19 km) ; travaux de dédoublement de la route de la Prison Civile Sortie Est (23 km) ; travaux d’aménagement du Boulevard Latrille (7.3 km) et travaux d’aménagement de la voie périphérique (Y4) de la ville d’Abidjan (24.08 km), en cinq (05) lots distincts et décrits ci-après : Lot 1 : Travaux de dédoublement de la route de Dabou sortie Ouest Les travaux concernent la reprise du profil en travers en 2x3, à partir du carrefour Gesco en traversant les quartiers de Yopougon et Songon pour rejoindre le carrefour de Jacqueville sur une longueur de 19 045 ml. Lot 2 : Travaux de dédoublement de la route de la Prison Civile Sortie Est Les travaux concernent la reprise du profil en travers en 2x3, à partir du carrefour de la zone industrielle en traversant les quartiers de Yopougon, Abobo jusqu’au carrefour de N’DOTRE en traversant les quartiers d’Abobo et d’Anyama pour rejoindre le carrefour de Thomasset sur une longueur de 23 029 ml. Lot 3 : Travaux d’aménagement du Boulevard Latrille Les travaux concernent l’aménagement de la voie en 2x2, à partir du carrefour du Petro Ivoire, jusqu’au carrefour du CHU d’Angré, y compris l’aménagement de deux (02) avenues, sur une longueur totale de 7 300 ml. Lot 4 : Travaux d’aménagement de la voie périphérique d’Abidjan Y4 (Boulevard de France redressé – Route d’Alépé : (section 1, PK 00+00 à PK14+200) Les travaux concernent la construction d’une route neuve en 2x2, à partir du carrefour du Boulevard de France redressé à Cocody, jusqu’au carrefour de la route d’Alépé sur une longueur de 14 200 ml. Lot 5 : Travaux d’aménagement de la voie périphérique d’Abidjan Y4 (Route d’Alépé – Route de la prison civile : (section 2, PK 14+200 à PK 26+500) Les travaux concernent la construction d’une route neuve en 2x2, à partir du carrefour de la route d’Alépé, jusqu’au carrefour de la route d’Adzopé sur une longueur de 12 300 ml. 4. Une visite des sites et une réunion d’information sont prévues. Les candidats désireux d’y participer sont invités à se rendre au siège de la Cellule de Coordination du Projet de Transport Urbain d’Abidjan (PTUA) de l’AGEROUTE à l’adresse 1 ci-dessous indiquée le 27 mars 2019 à 8 h 00. La visite de site se terminera le même jour et une réunion d’information prévue le 28 mars 2019 à la même adresse à 15 heures 00 minute. 5. Critères d’évaluation et de qualification : Les critères d’évaluation et de qualification sont définis à la section III du volume I du Dossier d’Appel d’Offres (Procédures d’Appel d’Offres, marché et formulaires).
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6. L’Appel d’Offres International se déroulera conformément au Cadre de passation des marchés pour les opérations financées par le Groupe de la Banque, Edition Octobre 2015. Il est ouvert à tous les soumissionnaires des pays qui répondent aux critères de provenance, tels que définis dans les « Règles et Procédures pour les acquisitions de biens et travaux » de la Banque Africaine de Développement, Edition de mai 2008, révisée en juillet 2012 qui sont disponibles sur le site web de la Banque à l’adresse : http://www.afdb.org. 7. Les marchés issus de cet Appel d’Offres seront passés sur prix unitaires. 8. Le délai d’exécution des travaux est fixé comme suit : Lot 1 : dix-sept (17) mois ; Lot 2 : dix-sept (17) mois ; Lot 3 : quatorze (14) mois ; Lot 4 : vingt (20) mois ; Lot 5 : vingt (20) mois ; 9. Les candidats intéressés admissibles peuvent obtenir de plus amples renseignements et consulter le document d’Appel d’Offres auprès de la Cellule de Coordination du Projet de Transport Urbain d’Abidjan (PTUA) de l’Agence de Gestion des Routes (AGEROUTE), dont l’adresse figure ci-dessous, les jours ouvrables (lundi au vendredi) de 8 heures à 12 heures et de 15 heures à 17 heures. Les candidats intéressés peuvent acheter un jeu complet du Dossier d’Appel d’Offres en langue française en faisant la demande écrite à l’adresse 1 indiquée ci-dessous accompagnée du versement non remboursable de deux cent mille francs CFA (200 000 FCFA) ou trois cent quatre virgule quatre-vingt-dix euros (304.90 €). La méthode de paiement sera l’espèce ou le chèque certifié au nom de « Compte des Ressources Propres PTUA ». Les dossiers seront retirés sur place et non envoyés par courriers express. 10. Les offres doivent être déposées sous enveloppe cachetée délivrée à l’adresse 2 ci-dessous au plus tard le 15 mai 2019 à 10 heures (heure locale : Temps Universel) et doivent être clairement marquées :
Le soumissionnaire doit préciser le(s) lot(s) pour le(s)quel(s) il postule. Les offres doivent être valides durant une période de Cent Quatre Vingt (180) jours suivant la date limite de dépôt des offres et accompagnées de garanties de soumission d’un montant comme suit : Lot 1 - Dédoublement de la Route Sortie Ouest : sept cent trente millions (730 000 000 FCFA) de francs FCFA. Lot 2 - Dédoublement de la Route Sortie Est : Huit cent soixante-dix millions trois cent cinq mille (870 305 000 FCFA) de francs FCFA. Lot 3 - Aménagement du Boulevard Latrille : cinq cent soixante-quinze millions (575 000 000 FCFA) de francs FCFA. Lot 4 - Travaux d’aménagement de la voie périphérique (Y4) de la Ville d’Abidjan -Section 1 (PK 00+00 à PK14+200) : neuf cent millions (900 000 000 FCFA) de francs FCFA Lot 5 - Travaux d’aménagement de la voie périphérique (Y4) de la Ville d’Abidjan -Section 1 (PK 14+200 à PK26+500) : six cent trente millions (630 000 000 FCFA) de francs FCFA, ou de leurs contre-valeurs dans une monnaie convertible. La garantie de soumission devra couvrir une période de (180 jours+28 jours) 208 jours suivant la date de remise des offres.
APPEL D’OFFRES
« Projet de Transport Urbain d’Abidjan (PTUA) -Soumission pour TRAVAUX DE CONSTRUCTION ET D’AMÉNAGEMENT DE VOIES PRIMAIRES LOT 1 : TRAVAUX DE DÉDOUBLEMENT DE LA ROUTE DE DABOU SORTIE OUEST (19 KM) LOT 2 : TRAVAUX DE DÉDOUBLEMENT DE LA ROUTE DE LA PRISON CIVILE SORTIE EST (23 KM) LOT 3 : TRAVAUX D’AMÉNAGEMENT DU BOULEVARD LATRILLE (7.3 KM) LOT 4 : TRAVAUX D’AMÉNAGEMENT DE LA VOIE PÉRIPHÉRIQUE (Y4) DE LA VILLE D’ABIDJAN -SECTION 1 (PK 00+00 A PK14+200) LOT 5 : TRAVAUX D’AMÉNAGEMENT DE LA VOIE PÉRIPHÉRIQUE (Y4) DE LA VILLE D’ABIDJAN -SECTION 2 (PK 14+200 A PK26+500) ».
La garantie de soumission sera délivrée par une Banque ou un Etablissement financier agréé dans un pays de l’espace UEMOA / BCEAO. Si un soumissionnaire produit une garantie émanant d’une banque étrangère (banque hors espace UEMOA / BCEAO), alors la banque émettrice de cette garantie doit avoir un correspondant établi et agréé dans un pays de l’espace UEMOA / BCEAO et qui se portera garant de ladite garantie par écrit. 11. Les plis seront ouverts en présence des représentants des soumissionnaires qui souhaitent être présents à l’ouverture, le 15 mai 2019 à 10 heures 30 mn (heure locale : Temps Universel), dans la salle de réunion du Siège de l’Agence de Gestion des Routes (AGEROUTE) au 2ème étage. NB : Un soumissionnaire ne peut être attributaire de plus de deux lots. Les adresses auxquelles il est fait référence ci-dessus sont : Adresse 1 : Cellule de Coordination du Projet de Transport Urbain d’Abidjan (PTUA) sise à la Riviera 2, Eglise Sainte Famille, ilot 2904, lot 242, Tél 22 51 01 51 Adresse 2 : AGEROUTE - SIÈGE Secrétariat de la Direction des Marchés et Contrats Sise Avenue Terrasson de Fougères Immeuble AGEROUTE 3ème étage - 08 BP 2604 ABIDJAN 08 - CÔTE D’IVOIRE Tél. : (225) 20 25 10 00 / 20 25 10 02 / 20 25 14 82 - Fax : (225) 20 25 10 23 - Site web: www.ageroute.ci Email : ageroute@ageroute.ci et copie à mameite@ageroute.ci et isouattara@ageroute.ci
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MINISTÈRE DU PLAN, DE LA STATISTIQUE ET DE L’INTÉGRATION RÉGIONALE -=-=-=-=-=-=-=--= PROJET D’APPUI AU DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES ET LA COMPÉTITIVITÉ (PADEC) - PHASE DE PRÉPARATION DU PROJET
AVIS À MANIFESTATION D’INTÉRÊT N° 004/MPSIR/2019/UGP PADEC
RECRUTEMENT DU CONSULTANT CHARGÉ D’ÉLABORER LE MANUEL DE SUIVI ÉVALUATION DU PADEC
DIVERS - MANIFESTATION D’INTÉRÊT
I- Contexte La République du Congo a obtenu de la Banque mondiale une avance de préparation pour le Projet d’Appui au Développement des Entreprises et la Compétitivité (PADEC) qui vise entre autres objectifs, la mise en œuvre de l’axe diversification de l’économie envisagé dans le Plan National de Développement (PND). A cet effet, l’Unité de Gestion du PADEC a l’intention d’utiliser une partie du financement pour effectuer des paiements au titre du contrat suivant : Recrutement du Consultant chargé d’élaborer le manuel de suivi évaluation du PADEC. II- Tâches et Responsabilités Sous l’autorité directe du Coordonnateur du Projet, le Consultant sera chargé entre autres de : • Élaborer un manuel de suivi et évaluation (MSE) portant sur les procédures au niveau du projet et le présenter lors d’un atelier de validation ; • Élaborer le manuel de S&E en utilisant une approche participative, de manière à produire un document consensuel de référence en la matière ; • Organiser des visites des structures impliquées dans la mise en œuvre du projet ; • Élaborer un plan de collecte de données ; • Élaborer un plan d’évaluation de la qualité des données ; • Élaborer les outils spécifiques permettant une bonne circulation de l’information etc. III- Qualifications requises Le (la) candidat (e) doit : • Avoir au moins un diplôme supérieur de niveau Bac + 5 en économie, en statistique ou un diplôme supérieur dans un domaine similaire ; • Avoir au minimum dix (10) ans d’expérience dans le domaine de suivi et évaluation en général et au minimum cinq (05) ans dans le suiviévaluation des projets/programmes de développement ; • Avoir élaboré au moins trois (03) manuels de procédures des projets/programmes de développement IV- Dépôt des candidatures Les candidats intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires et les termes de référence complets à l’adresse indiquée ci-dessous de 8 h 00 à 12 h 00 et de 14 h 00 à 16 h 00 (heure locale). Les dossiers de candidatures comprenant : une lettre de motivation, un curriculum vitae, des copies de diplôme, des certificats de travail ou tout autre document justifiant de l’expérience, doivent être déposés sous plis fermé ou envoyés par courrier électronique à l’adresse ci-dessous au plus tard le 05 Avril 2019 à 16H00, heure locale avec la mention : « Avis de recrutement Consultant chargé d’élaborer le manuel de suivi évaluation du PADEC ». Contact Monsieur le Coordonnateur du Projet PADEC Rue LOCKO Isaac n° 05 et 06 /Secteur Blanche Gomez Tél. : (242) 22 613 18 38 / 06 931 00 10 / 06 670 74 79 E-mail : padec2019@gmail.com - Centre-ville/Brazzaville-CONGO Fait à Brazzaville, le 13 mars 2019 Le Coordonnateur, Benoît NGAYOU
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AVIS À MANIFESTATION D’INTÉRÊT (SERVICE DE CONSULTANTS FIRME) République Démocratique du Congo Ministère des Infrastructures, Travaux Publics et Reconstruction - Cellule Infrastructures Projet d’Aménagement de la Route Batshamba –Tshikapa, Section Loange - Lovua. Secteur : Transport - Référence de l’accord de financement : Don FAD n°: 2100155023025 N° d’Identification du Projet : P-CD-DB0-002 - AMI N° : 004/MITPR/CI/BAD/2019 1. Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo (RDC) a reçu des financements du Fonds Africain de Développement (FAD) afin de couvrir le coût du projet d’aménagement de la route Batshamba -Tshikapa, section Loange - Lovua (64,4 km) et a l’intention d’utiliser une partie des sommes accordées respectivement au titre du don FAD n° 2100155023025 pour financer le contrat de prestations des services d’audit des états financiers dudit projet. 2. Les services prévus au titre de ce contrat comprennent les prestations de l’audit des comptes du projet susmentionné pour les exercices 2018 et 2019. Ces services sont: la vérification des états financiers du projet, de tous les relevés de dépenses présentés à l’appui des demandes de retrait, l’examen des dépenses pour déterminer si elles sont admissibles au regard des accords de financement et au rapport d’évaluation, l’analyse des mouvements de fonds sur les comptes spéciaux liés au projet. L’établissement d’une opinion sur le respect des procédures de la Banque et sur le solde des comptes spéciaux en fin d’exercice, l’adéquation entre les transactions financières effectuées et la période considérée, de même que les soldes à la fin de cette période, jugées admissibles et correctes, la vérification de la gestion et l’utilisation des comptes spéciaux conformément à l’accord de financement et si les contrôles applicables à ce mode de décaissement sont adéquats.
4. Les critères d’éligibilité, l’établissement de la liste restreinte et la procédure de sélection seront conformes aux « Règles et Procédures pour l’utilisation des Consultants » de la Banque Africaine de Développement, Edition de Mai 2008, révisée en Juillet 2012, qui sont disponibles sur le site web de la Banque à l’adresse : http://www.afdb.org. L’intérêt manifesté par un consultant n’implique aucune obligation de la part de l’Emprunteur de le retenir sur la liste restreinte. 5. Les consultants intéressés peuvent obtenir des informations supplémentaires à l’adresse mentionnée ci-dessous aux heures suivantes d’ouverture de bureaux : du lundi au vendredi de 09h00 à 12h00 et de 13h00 à 15h30 (heure locale) : Cellule Infrastructures, Sise 70 A, Avenue Roi Baudouin, Commune de la Gombe, Kinshasa -République Démocratique du Congo. Tél. : (+ 243) 81 010 26 81/ (+ 243) 99 315 22 26, E-mail : info@celluleinfra.org, Site web : www.celluleinfra.org. 6. Les expressions d’intérêts, en langue française, doivent être déposées en 2 exemplaires à l’adresse physique de la Cellule Infrastructures mentionnée ci-dessus ou par courrier électronique à l’adresse recrutement.cf@celluleinfra.org, au plus tard le 28/03/2019 à 14h30 (heure locale) et porter expressément la mention « AMI N° 004/ MITPR/CI/BAD/2019- recrutement d’un cabinet chargé de l’audit des Etats financiers du projet d’aménagement de la route Batshamba -Tshikapa, section Loange – Lovua pour les exercices 2018 et 2019 ». Théophile NTELA LUNGUMBA Coordonnateur
MANIFESTATION D’INTÉRÊT
3. La Cellule Infrastructures du Ministère des Infrastructures, Travaux Publics et Reconstruction, ci-après dénommée « l’Organe d’Exécution » (OE), invite les consultants à présenter leur candidature en vue de fournir les services décrits ci-dessus. Les consultants intéressés doivent fournir les informations indiquant leurs expériences et capacités démontrant qu’ils sont qualifiés pour les prestations (documentation, référence de prestations similaires, expérience dans des missions comparables, disponibilité des connaissances nécessaires parmi le personnel permanent ou ponctuel, une lettre de motivation (2 pages maximum) expliquant les motivations profondes d’intérêts pour le présent projet, les qualifications et expériences spécifiques pertinentes et similaires à prendre en compte pour l’examen des
expériences d’intérêts en vue de la constitution de la liste restreinte, etc.). Les consultants peuvent se mettre en association pour augmenter leurs chances de qualification.
Call for Expressions of Interest The International Telecommunication Union (ITU) is the leading United Nations agency for information and communication technologies, with the mission to connect the world. The ITU calls for expressions of interest for suitably qualified and experienced individuals to serve on its Independent Management Advisory Committee (IMAC). Like other audit committees established by UN specialized agencies, the role of the IMAC is to provide expert advice and assist the ITU Council and the Secretary-General in fulfilling their governance responsibilities, including ensuring the effectiveness of ITU’s internal control systems, risk management and governance processes. The IMAC is composed of five independent expert members serving in their personal capacity. New members will serve for a term of four years, as from 1 January 2020. For further information concerning the Terms of Reference for the IMAC, the selection process for the candidates and the address to which the application form duly completed in English must be sent, please visit the following website: itu.int/imac Complete applications must be received by 31 March 2019 in order to be considered. Only applicants selected for the interviews will be contacted.
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LE COURRIER DES LECTEURS Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à courrier@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris TRUMP
Un langage de vérité qui séduit
J’ai apprécié l’éditorial de François Soudan sur le capital sympathie dont bénéficie Donald Trump sur le continent (JA no 3035, du 10 au 16 mars). Certes, les Africains pourraient détester le président américain, comme les y poussent les médias occidentaux par la manière dont ils rendent compte de son action. Pour farfelu et ignoble qu’il soit – notamment pour avoir qualifié les États africains de « pays de merde » –, Trump a le mérite, à
travers son administration, de tenir un langage de vérité aux gouvernements africains. C’est bien le secrétaire d’État adjoint américain aux Affaires africaines qui s’est inquiété sans ambiguïté de l’arrestation de l’opposant camerounais Maurice Kamto et de la non-résolution du conflit qui endeuille les régions anglophones du Cameroun. Ce n’est pas un diplomate quelconque en poste à Yaoundé profitant du désintérêt de Trump pour l’Afrique pour s’exprimer… LAURENCE PENDA MADIBA Douala, Cameroun
MAROC
La Jamaa réagit
CENTRAFRIQUE
Faut-il croire au gouvernement inclusif ?
Quelles chances l’accord de Khartoum a-t-il de conduire à la paix ? Quelle caution prêter aux quatorze groupes armés parties à l’accord, peu habitués à se soumettre à la moindre règle ? En contrepartie de l’engagement de cesser les combats, ces mêmes groupes armés se voient proposer des postes au sein du nouveau gouvernement. En les intégrant au sein de ce gouvernement dit « inclusif », l’accord de Khartoum fait entrer des loups dans la
bergerie. Le désir de reconnaissance, l’accès aux responsabilités, la perspective d’échapper à une impasse suffiront-ils à les convaincre de rentrer dans les rangs ? Je n’en suis pas certain. Ils n’ont jamais pu renoncer à la violence et au pillage. Leurs réactions et leurs exigences sont imprévisibles. Se contenteront-ils de ce qui leur est proposé? Déjà, certains menacent de sortir de l’accord. C’est un pari audacieux que ce gouvernement inclusif. Je ne parviens pas à y croire… PATRICK DAVID Fontenay-aux-Roses, France
spiritualité éclairée respectant les spécificités sociales, culturelles, législatives… des peuples, ne cesse d’attirer les adeptes d’un islam ouvert et tolérant.
À la suite de la parution, dans notre dernière livraison (JA no 3035), de l’article de Fahd Iraqi sur le mouvement islamiste marocain Al Adl Wal Ihsane, nous avons reçu un long « droit de réponse » signé du responsable des relations extérieures de ce mouvement, Mohamed Hamdaoui. Nous en publions ici l’essentiel, tout en maintenant pour notre part notre analyse et nos commentaires.
4. Il serait inimaginable de croire qu’un membre de Justice et Spiritualité puisse changer de cap et faire preuve de violence, d’intolérance ou de menaces pour l’autre, sachant bien que l’adhésion à notre approche éducative par des citoyens marocains ou étrangers n’entraîne nullement leur adhésion à notre association strictement limitée au Maroc.
« Tout en distinguant entre le droit d’expression et la liberté d’analyse et de commentaire d’une part, et les accusations mensongères, la désinformation et la diffamation de l’autre, j’ai l’honneur de vous faire part des précisions et éclaircissements suivants:
5. Le mouvement Justice et Spiritualité appelle au respect des différences culturelles et religieuses caractérisant les peuples et les nations et à la non-ingérence dans leurs affaires intérieures. Sa stratégie pacifiste vise à propager les valeurs de la fraternité et de la charité humaines et du dialogue.
1. Le mouvement Justice et Spiritualité est une association marocaine légale, créée conformément aux lois en vigueur, et les différents tribunaux du Maroc ont toujours reconnu sa légitimité lors des procès (politiques) de ses membres. 2. Le mouvement Justice et Spiritualité rejette toute forme de violence et de terrorisme, et ce depuis sa création au début des années 80. Son fondateur M. Abdessalam Yassine était reconnu auprès des intellectuels, des politiques, et même auprès de l’État pour sa non-violence. 3. Le mouvement Justice et Spiritualité rejette le principe d’ingérence dans les affaires intérieures des États et des communautés, comme il refuse toute dépendance vis-à-vis de l’étranger. Toutefois, sa
6. Le mouvement Justice et Spiritualité n’a jamais failli aux principes fondateurs de la société, de la démocratie, des libertés publiques, des droits de l’homme et de la justice sociale, comme il n’a jamais accepté d’adhérer à de faux processus de changement. Une position qui lui a valu toutes sortes de restrictions: des journaux interdits, des dirigeants détenus, la mise sous résidence surveillée du fondateur, des procès préfabriqués, des activités publiques arrêtées, et une action subversive permanente menée de concert par des parties, connues et inconnues, contre son image, et dernièrement la dangereuse vague de mise sous scellés d’une dizaine de maisons des membres du mouvement. Malgré ses attitudes d’opposition, l’État n’a jamais osé taxer ce mouvement des termes diffamatoires employés par Jeune Afrique. »
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POST-SCRIPTUM Fouad Laroui
Escrocs nigérians et aigrefins suisses ous recevons tous de ces mails, de temps à autre : un gus que nous ne connaissons ni d’Ève ni d’Adam est à l’article de la mort et il souhaite, avant de passer l’arme à gauche, nous léguer la somme de 23000050,15 dollars. Il y a mille variantes de cette escroquerie, mais leur point commun est celui-ci : quelqu’un que nous n’avons jamais vu, que nous ne connaissons pas, tient à nous rendre milliardaires du jour au lendemain. À nous les yachts, les châteaux et les bolides ! Si un inconnu nous arrêtait dans la rue pour nous proposer de nous filer un p’tit milliard, que ferions-nous ? Nous hausserions les épaules et passerions notre chemin, sans même répondre. Allons, on ne nous la fait pas ! Alors pourquoi cette arnaque vieille comme les rues (elle s’appelait « duperie des lettres de Jérusalem » au XVIIIe siècle) fonctionne-t-elle encore aujourd’hui ? Mystère. C’est surtout de Lagos que partent ces mails, à tel point qu’on appelle cette arnaque « fraude 419 », de l’article du code pénal nigérian qui la sanctionne. J’ai toujours éclaté de rire à la réception d’une nigériane « lettre de Jérusalem » avant de l’effacer promptement – est-il possible d’être benêt au point de se faire prendre à cette ruse cousue de câble blanc ?
N
Et pourtant… Et pourtant, je dois avouer, le rouge au front, que je viens de me faire « avoir » par une arnaque similaire. Honte, honte à bibi qui se croyait plus malin que d’autres ! Il faut dire que ceux qui m’ont piégé y sont allés au pinceau là où Lagos manie la truelle. Or donc, l’autre jour, j’achetai un billet de train Paris-Barcelone. J’étais sur le site de la SNCF, que je fréquente depuis le fardier de Cugnot. Je me sentais en sécurité. Garde baissée, nez au vent, vigilance nulle. Après l’achat dudit billet, et alors que je rêvais de Gaudi et de sa Sagrada Familia, voilà que le site me propose une réduction sur mon prochain billet de train. Pourquoi pas ? Un petit clic, on me demande les données de ma carte de crédit, etc., et c’est alors que…
Une arnaque vieille comme les rues.
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je n’aurai à débourser que 299 euros. Joie, joie, pleurs de joie, comme disait l’ami Pascal. C’est donc exactement le truc nigérian: on vous fait croire que vous allez gagner quelque chose mais en fait c’est vous qui payez… Plus retors encore: le contrat contient une clause de rétractation (la loi les y oblige), mais il s’avère impossible d’imprimer le document idoine (la copie devient illisible) ni de l’utiliser directement. Du grand art dans la filouterie. Mon sang ne fit qu’un tour. J’envoyai à ces aigrefins un mail à incendier le mont Blanc, promettant de venir personnellement dans les alpages leur arracher tous les poils du corps s’ils s’avisaient de prélever un seul zloty sur mon compte. Je trime comme un bagnard pour gagner ma vie, ce n’est pas pour enrichir la déjà riche Confédération ! Je reçus le lendemain un mail annulant piteusement mon contrat. Tout est bien qui finit bien. Mais combien de pigeons se font-ils ainsi avoir? Ils croient traiter avec la SNCF mais c’est la mafia du coucou qui est de l’autre côté de l’écran. Alors, quelle est la différence entre un filou suisse et un escroc nigérian? Le premier est plus subtil. Et c’est tout. C’est vraiment tout.
Document inimprimable
… et c’est alors que je reçois un mail me confirmant le contrat (quoi ???) que je viens de passer avec une entreprise suisse qui n’a rien à voir avec la SNCF et qui autorise ces escrocs de gruyère à prélever chaque mois 18 euros sur mon compte ! Pour quelle contrepartie ? Eh bien, ils vont me proposer chaque mois des promotions. Par exemple, voici un scoubidou vert, un litre d’eau mouillée ou une sucette de poivre ; au lieu de payer 300 euros pour les acquérir,
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