JA 3039 DU 7 AU 13 AVRIL 2019 FOCUS VOYAGES D'AFFAIRES

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ISMAÏL OMAR GUELLEH « Djiboutti

MAROC Jérusalem : l’appel de Rabat

n’a rien à craindre du big bang régionnal »

Une interview exclusive du chef de l’État

RD CONGO Que va faire Katumbi ?

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL NO 3039 DU 7 AU 13 AVRIL 2019

Les six mois qui ont ébranlé l’Algérie Histoire secrète d’une révolution

ÉDITION GÉNÉRALE

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France 3,80 € Algérie 290 DA Allemagne 4,80 € Autriche 4,80 € Belgique 3,80 € Canada 6,50 $ CAN Espagne 4,30 € Éthiopie 67 birrs Grèce 4,80 €

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Guadeloupe 4,60 € Guyane 5,80 € Italie 4,30 € Luxembourg 4,80 € Maroc 25 DH Martinique 4,60 € Mayotte 4,60 € Norvège 48 NK Pays-Bas 5 € Portugal cont. 4,30 € Réunion 4,60 € RD Congo 6,10 $ US Royaume-Uni 3,60 £ Suisse 7 FS Tunisie 4 DT USA 6,90 $ US Zone CFA 2000 F CFA ISSN 1950-1285


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Focus Voyages d’affaires

SYLVAIN CHERKAOUI POUR JA

HÔTELLERIE

La guerre des étoiles

Portées par la demande, les grandes chaînes internationales cherchent à développer leur réseau. Mais les difficultés liées aux montages financiers retardent leurs projets.

NATACHA GORWITZ

«

E

n Afrique francophone, il y a encore des capitales où aucune marque hôtelière internationale n’est implantée et où l’offre est inexistante », déplore Erwan Garnier, directeur du développement en Afrique francophone et lusophone chez Radisson Hotel Group. À Niamey par exemple, où le groupe prévoit justement d’ouvrir un Radisson Blu, son enseigne haut de gamme, dans le courant du troisième trimestre. « Si nous n’y allons pas, la concurrence s’y implantera, car la demande est forte », ajoute le responsable. Deux mois après son ouverture, fin 2017, le Radisson de la cité nouvelle de Diamniadio, près de Dakar, affichait déjà un taux d’occupation de 50 %.

Deux mois après son ouverture, le Radisson de Diamniadio affichait un taux d’occupation de 50 %.

Sur le continent, les capacités d’accueil sont dix fois inférieures à celles relevées en Europe: 0,9 chambre d’hôtel pour 1000 habitants en 2017, selon le cabinet de conseil MKG. D’après W Hospitality Group, plus d’une centaine d’enseignes sont en compétition en Afrique. Des programmes portés par la croissance économique, certes, mais surtout par une hausse de 7 % des vols internationaux vers le continent en 2018. Chaque grande chaîne affiche plus d’une cinquantaine d’hôtels en développement dans son portefeuille africain. Quasi ex æquo avec Hilton, Radisson Blu occupait l’année dernière la première place du podium des marques les plus dynamiques, selon l’agence de conseil nigériane. Sachant qu’elle représente 70 % du portefeuille africain de Radisson Hotel Group, soit une centaine d’hôtels. En Afrique francophone, où AccorHotels occupe historiquement

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le terrain, Radisson vise à doubler son portefeuille d’ici à 2022. Sur dix contrats signés l’année dernière sur le continent, six portaient sur cette zone. Alors qu’il n’était quasiment pas présent en Afrique il y a cinq ans, Marriott se maintient en pole position dans la course à la croissance, avec un objectif de 15000 chambres. Des parts de marché conquises grâce au rachat en 2014 du leader sud-africain Protea, suivi de l’acquisition de son compatriote américain Starwood en 2016, ce qui lui a conféré son assise en Afrique anglophone. Bien implanté en Algérie, Marriott construit par ailleurs treize hôtels au Maroc. Pour accélérer son développement au sud du Sahara, AccorHotels a annoncé en juillet 2018 la création d’un fonds de 1 milliard de dollars. Doté de 500 millions de dollars de capitaux propres, dont 350 millions apportés par le qatari Katara Hospitality, il ambitionne d’ouvrir une quarantaine d’hôtels sous la trentaine de marques dont dispose AccorHotels, de la catégorie économique au haut de gamme. « Ce fonds traduit notre ambition de rester leader en Afrique, en levant l’un des principaux freins au développement hôtelier sur place : le financement », affirme Réda Faceh, vice-président développement pour l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Ouest chez AccorHotels. Compte tenu des 55 établissements (13 000 chambres) déjà en cours de développement, le groupe français pourrait bientôt dépasser les seuils symboliques des 200 hôtels et 40000 chambres sur le continent. Face aux acteurs régionaux présents sur le créneau haut de gamme tels que Mangalis à travers sa marque Noom,

AFIN D’ACCÉLÉRER SON DÉVELOPPEMENT AU SUD DU SAHARA, ACCORHOTELS A CRÉÉ UN FONDS DOTÉ DE 1 MILLIARD DE DOLLARS. 68

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ANTOINE LORGNIER/ONLY FRANCE

Focus Voyages d’affaires

Les programmes de fidélité constituent un atout important (ici, le Sofitel d’Assouan).

les chaînes mondiales font prévaloir leur respect des standards internationaux, notamment en matière de sécurité. Auprès des investisseurs, leur force de distribution représente l’un de leurs meilleurs arguments de vente : grâce à son alliance concrétisée en 2016 avec le chinois Huazhu Hotels Group, AccorHotels compte plus de 145 millions de membres dans son programme de fidélité. Quant à Louvre Hotels Group, racheté par le numéro deux mondial, Jin Jiang, il bénéficie déjà des 120 millions de membres du holding chinois (qui a également acquis en février 94 % de Radisson Hospitality AB, son pilier Afrique, Moyen-Orient, Europe).

Diversifier son offre entre « lifestyle » et résidence

Le plus dur cependant n’est pas de signer mais d’ouvrir… « Seulement 41 % des hôtels dont l’ouverture était annoncée pour 2018 ont effectivement démarré leur activité l’année dernière, note Trevor J. Ward, directeur général de W Hospitality Group. Des retards dus essentiellement à des difficultés dans les montages financiers, à des problèmes de titrisation du foncier, aux délais de livraison ou d’obtention d’autorisations administratives. « En seulement trois ans, nous avons développé notre maillage en Afrique de l’Est. Il est beaucoup plus difficile de pénétrer les marchés de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale », souligne Alain Sebah, président de Golden Tulip (Louvre Hotels). Présent dans 14 pays avec 45 établissements, Golden Tulip prévoit de

s’ouvrir au Sénégal et au Cameroun en 2019. Et les travaux de deux projets situés à Abidjan devraient démarrer cette année. « Contrairement aux idées reçues, l’Afrique de l’Est pèse assez peu dans la dynamique de développement actuelle. Elle ne concentre qu’un petit nombre d’acteurs », fait remarquer Philippe Doizelet, associé du cabinet de conseil Horwath. AccorHotels, qui a ouvert il y a deux ans un siège régional à Johannesburg, veut renforcer sa présence en Afrique anglophone. En 2018, le français a signé six projets (1117 chambres) répartis entre Accra, Lagos, Maputo et Lusaka, sous ses enseignes Pullman, MGallery et Mövenpick (rachetée l’an dernier). L’acquisition de 50 % de Mantis lui a également permis d’étoffer son offre haut de gamme, notamment en Afrique du Sud. Face à la concurrence accrue, la plupart des chaînes diversifient leur offre, avec du lifestyle, du resort, de l’appart-hôtel ou de la résidence, et s’attaquent à la gamme intermédiaire. « La clientèle locale et régionale peut représenter jusqu’à la moitié des utilisateurs de notre réseau Ibis », affirme Réda Faceh. Près de 20 % des projets de Hilton sont développés sous son enseigne de moyenne gamme Hilton Garden Inn. Louvre Hotels a ouvert son premier complexe, de plus de 400 chambres, sous ses marques Campanile, Kyriad et Première Classe, à Casablanca en septembre 2018. Un créneau sur lequel misent également des acteurs régionaux tels qu’Onomo, Azalaï ou Mangalis (Yaas et Seen).


INTERVIEW

Hadi Moussa

Directeur régional Afrique et Moyen-Orient chez Airbnb

« Nous ne menaçons pas les groupes hôteliers »

La plateforme de réservation en ligne se pose comme une solution pour compenser la limitation des capacités d’accueil. Propos recueillis par NATACHA GORWITZ

majoritaires en Afrique francophone. La plupart viennent de France, d’Allemagne, de GrandeBretagne et des États-Unis, pays où Airbnb est très bien implanté. Cependant, nous observons une croissance du nombre de voyageurs nationaux et régionaux. Cette tendance est d’autant plus forte que le marché est mature. Par exemple, 44 % des Sud-Africains ayant recouru à Airbnb pour voyager ont utilisé la plateforme pour séjourner dans leur propre pays. Au Kenya, la croissance de la demande domestique est supérieure à 200 %!

e responsable décrypte pour JA la stratégie du site sur le continent.

L

Jeune Afrique : Quels sont vos marchés les plus dynamiques sur le continent? Hadi Moussa : Le conti-

nent dans son ensemble est un marché très dynamique. Près de 3,5 millions de voyageurs y ont réservé leur séjour en passant par Airbnb depuis sa création, en 2008. L’Afrique du Sud est notre plus gros marché, non seulement par le nombre de voyageurs mais aussi par celui des hôtes. Le Maroc est, quant à lui, leader en Afrique francophone, zone où les chiffres de croissance sont très encourageants. Par ailleurs, le nombre de voyageurs double chaque année dans certains pays comme la RD Congo, le Cameroun, la Guinée ou la Tunisie.

Comment parvenez-vous à vous distinguer aux yeux des voyageurs d’affaires ?

Comme dans le reste du monde, huit voyageurs sur dix réservent via la plateforme parce qu’ils veulent explorer une destination en se logeant au plus près des locaux. Les visiteurs internationaux sont

MIKAEL BUCK/AIRBNB

Quel est le profil de vos voyageurs en Afrique?

Nous nous assurons que les logements sont équipés de tous les services fondamentaux nécessaires : accès au wifi, poste de travail, heure de check-in flexible… Le manque d’infrastructures hôtelières peut-il être un facteur de croissance pour Airbnb ?

La grande majorité de nos utilisateurs choisissent des quartiers où il y a peu d’hôtels et privilégient Airbnb justement pour cette raison. Ceci dit, Airbnb peut aider à la croissance du tourisme dans des destinations où il y a peu d’infrastructures conventionnelles et créer ainsi de nouvelles opportunités économiques. En

Afrique, les hôtes inscrits sur Airbnb ont gagné plus de 400 millions de dollars en louant leur logement. Airbnb constitue-t-il une menace pour les chaînes hôtelières ?

Au contr aire, n ous s omme s complémentaires. Selon nos études, au moins 30 % des voyageurs Airbnb affirment qu’ils n’auraient pas effectué leur séjour s’ils n’avaient pas pu se loger via la plateforme. Et leur principale motivation est d’habiter dans des quartiers peu touristiques grâce au partage de logement. Notre mission n’est pas d’entrer en compétition avec les chaînes. Nous cherchons à repenser le voyage et à satisfaire les demandes de tous nos utilisateurs. Nous avons ainsi commencé à intégrer sur notre plateforme des boutiqueshôtels, dont nous assurons qu’ils proposent une expérience locale authentique conforme à la ligne de notre marque. Nous avons lancé cette offre partout dans le monde, y compris en Afrique.

Le faible montant des impôts que paie votre plateforme fait souvent polémique. Comment travaillez-vous avec les États pour encadrer les séjours réservés via Airbnb ?

Nous pouvons aider les États à collecter les taxes touristiques et les reverser aux autorités. Nous n’avons pas commencé à le faire sur le continent. Nous sommes actuellement en discussion avec le Maroc pour avancer sur ce sujet.

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Focus Voyages d’affaires

BUREAUX

YOURI LENQUETTE POUR JA

moitié, selon une étude interne, travaillent en dehors de leur bureau deux jours et demi par semaine et peuvent accéder, grâce à leur carte de membre, à ses 3300 sites dans le monde. En plus des services conventionnels – domiciliation, secrétariat téléphonique, gestion de courrier, accès à internet haut débit et à des salles de réunion –, les opérateurs cherchent à encourager le réseautage au travers d’événements ou en développant leurs propres applications de mise en relation. Le succès d’un site, lequel doit être beau, fonctionnel et bien situé, dépend aussi de l’optimisation de l’espace, la norme appliquée étant de 6 à 7 m2 par poste. L’entrepreneuse Sokhna Camara gère sa plateforme Avenir Consulting depuis le centre Agora, à Dakar.

Coworking et réseautage font bon ménage Lesespacesdetravailpartagéspourraientreprésenterjusqu’à 30%du portefeuille immobilier des entreprises d’ici à 2030. NATACHA GORWITZ

e Tunis à Casablanca, en passant par Tanger et Rabat, Regus (dont la maison mère, IWG, est installée à Zurich) a récemment multiplié les ouvertures d’espaces de travail partagés. Et le leader mondial du secteur ne compte pas s’arrêter là. Deux centres d’affaires ouvriront leurs portes en ce mois d’avril, à Sétif et à Libreville. Au Maroc, son deuxième marché par la croissance derrière l’Afrique du Sud, IWG a doublé ses capacités en trois ans et gère désormais 16 lieux de coworking dans le royaume. « Si les quartiers d’affaires sont des lieux de prédilection pour s’implanter, reconnaît Tarek Abou-Zeinab, directeur régional chez Regus, notre stratégie sera toujours d’être au plus près de nos clients et donc de nous rapprocher aussi des zones résidentielles. » Présent dans une vingtaine

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de pays à travers 150 centres d’affaires, IWG (dont le chiffre d’affaires s’élevait en 2018 à 2,48 milliards de livres sterling, soit 2,89 milliards d’euros), via les marques Regus et Spaces, a pris l’avantage sur son principal concurrent, l’américain WeWork, qui a prévu d’ouvrir son premier site sur le continent au troisième trimestre, dans la banlieue de Johannesburg. Les multinationales comme Google, qui fut l’un des premiers clients de Regus sur le continent, y représentent l’essentiel de sa clientèle. Mais les entrepreneurs locaux sont de plus en plus nombreux. « Un porteur de projet peut démarrer chez nous en coworking puis grandir, embaucher et opter pour un bureau privé », explique Tarek Abou-Zeinab. Qu’ils soient directeurs de filiale ou start-uppeurs, ils peuvent s’appuyer sur le réseau panafricain d’IWG pour ouvrir de nouveaux bureaux régionaux. Ce dernier cible aussi les voyageurs d’affaires, dont la

Économiser sur les coûts et ne pas signer de bail

En Afrique, les espaces de travail flexibles couvrent 0,5 % du marché actuel de bureaux, contre 3 % en moyenne dans le monde. Pourtant, la demande est là. « Sur les marchés africains, au-dessous de cinquante salariés, il n’est pas rentable d’avoir ses propres locaux. La prise de risque juridique, financière et opérationnelle n’en vaut pas la peine », souligne Grégoire Schwebig, fondateur de Haussmann Group. En faisant appel à un opérateur, les entreprises économisent les coûts d’exploration et, surtout, ne signent pas de bail. « Or les multinationales sont souvent présentes dans les hubs régionaux avec des effectifs très réduits d’une dizaine ou d’une vingtaine de personnes », ajoute le responsable, qui compte déjà parmi ses clients L’Oréal, Total, Uber et Nokia. Créée en 2014, cette jeune entreprise dont le siège opérationnel est situé à Johannesburg a prévu d’ouvrir cinq centres d’ici à la fin de l’année: deux à Abidjan, un à Kampala, un à Kigali et un à Dar es-Salaam. Et elle ambitionne d’en ouvrir une cinquantaine dans les cinq ans à venir, dans les principales capitales africaines. Selon le cabinet Jones Lang LaSalle, le marché du coworking pourrait représenter jusqu’à 30 % du portefeuille immobilier des entreprises d’ici à 2030.




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