JA 3045 du 19 au 25 mai 2019 dossier BTP & Infrastructure

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ALGÉRIE

RD CONGO Qui contrôle l’armée ?

AHMED GAÏD SALAH : L’HOMME QUI MENACE LA RÉVOLUTION

DOSSIER BTP : quand le bâtiment va…

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL NO 3045 DU 19 AU 25 MAI 2019

Afrique de l’Ouest

État d’urgence L’extension vers le sud de la menace jihadiste concerne désormais tous les pays côtiers de la région. Police, renseignement, forces spéciales, coopération sécuritaire : comment et avec quels moyens ces États vulnérables s’organisent-ils pour faire face au terrorisme ? Enquête.

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France 3,80 € Algérie 290 DA Allemagne 4,80 € Autriche 4,80 € Belgique 3,80 € Canada 6,50 $ CAN Espagne 4,30 € Éthiopie 67 birrs Grèce 4,80 € Guadeloupe 4,60 € Guyane 5,80 € Italie 4,30 € Luxembourg 4,80 € Maroc 25 DH Martinique 4,60 € Mayotte 4,60 € Norvège 48 NK Pays-Bas 5 € Portugal cont. 4,30 € Réunion 4,60 € RD Congo 6,10 $ US Royaume-Uni 3,60 £ Suisse 7 FS Tunisie 4 DT USA 6,90 $ US Zone CFA 2 000 F CFA ISSN 1950-1285

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SEYLLOU/AFP

Dossier BTP

CONJONCTURE

Sur le chantier du train express régional (TER), à la périphérie de Dakar.

La grande reprise 66

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Porté par une croissance plus vigoureuse et par des besoins toujours aussi massifs, le secteur repart de l’avant sur tout le continent et devrait croître de 5,6 % cette année. Avec la Chine en maître d’œuvre.

PIERRE-OLIVIER ROUAUD

O

uverture du chantier du stade olympique de Diamniadio, au Sénégal, premiers coups de pelleteuse du barrage de Nachtigal, au Cameroun, rénovation du pont Houphouët-Boigny, à Abidjan, début de l’édification, à Nairobi, des huit tours de logements de River Estate, porté par un milliardaire chinois… En cette mi-2019, le continent semble en travaux partout. Après une relative stagnation ces dernières années, 2018 a marqué un vrai décollage du BTP. Ce que le consultant Deloitte relevait dans son étude « Africa Construction Trends 2018 », qui recense les projets de plus de 50 millions de dollars. Cumulés, ceux-ci atteignent 471 milliards de dollars, un bond de 53,3 % sur un an. Quant au nombre de chantiers, 482 (contre 303 en 2017), il affiche, lui, une hausse de 59,1 %! « C’est la croissance la plus forte depuis que nous réalisons cette étude, née en 2012. Il s’agit aussi d’un record en valeur », assure Rajiv Sharma, directeur senior chez Deloitte Afrique de l’Est à Nairobi, pour qui, « à l’exception de l’Afrique de l’Ouest et sur le seul critère de la valeur en raison d’un redémarrage assez lent au Nigeria, toutes les régions ont connu en 2018 une hausse à la fois du nombre de projets et de la valeur de ceux-ci ».

L’Afrique de l’Est figure en tête quant au nombre de projets

LES 5 PAYS LES PLUS DYNAMIQUES

(croissance en valeur du secteur de la construction) Éthiopie

16,7 % 14 %

Tanzanie

GLOBALDATA

Cameroun Kenya Nigeria

9,6 %

9,8 %

7,5 %

7,4 %

6,6 %

7% 3,7 %

2,4 % 2018

2019

Ce dynamisme est confirmé par François Farges, directeur international de l’entreprise de travaux publics Razel-Bec, filiale du français Fayat, qui emploie environ 4 000 personnes sur le continent, dont 1 000 en Côte d’Ivoire et, surtout, 2 200 au Cameroun. Dans ce dernier pays, « le niveau d’activité est bon, tiré notamment par les travaux liés à la CAN, même si celle-ci a été finalement déplacée en Égypte. En Côte d’Ivoire, les affaires sont assez dures, mais un grand nombre de projets y voient le jour ».

Hormis le Cameroun, où le groupe mène d’importants chantiers routiers autour de Douala, Razel-Bec vient de moderniser l’aéroport de Maputo, au Mozambique, et conduit par exemple des travaux hydrauliques au Sénégal. Il s’attend à ce que le secteur reste dynamique dans les zones où il est présent, qu’il cherche à étendre à l’Afrique de l’Est, très allante. De fait, l’est du continent figure en tête quant au nombre de projets (28,8 %), selon Deloitte, devant l’Afrique du Nord, qui, avec 22,6 % des chantiers, s’affiche leader en matière de valeur (31,5 % du total). Dans ce contexte porteur, la vigueur du BTP va se renforcer en Afrique subsaharienne, jugeait le cabinet britannique GlobalData fin 2018 dans ses prévisions, confirmées à JA ces derniers jours. « Après une croissance que nous estimons à 4,4 % en 2018, le secteur devrait connaître une accélération – à 5,6 % cette année et à 6,2 % environ l’an prochain –, portée par le domaine des infrastructures, l’expansion de l’exploitation pétrolière ainsi que de meilleures conditions climatiques », prédit l’économiste égyptienne Yasmine Ghozzi, de GlobalData. En ce qui concerne les secteurs, l’énergie et les infrastructures de transport comptent parmi les principaux pourvoyeurs de travaux. Ils pèsent, à parts à peu près égales, 47,1 % de la valeur des projets identifiés par Deloitte. Ils restent toutefois précédés par l’immobilier commercial, industriel et résidentiel, qui s’arroge plus d’un quart de la valeur des chantiers. De fait, les projets de villes ou de quartiers nouveaux, comme Diamniadio, près de Dakar, Eko Atlantic, à Lagos ou Yennenga, près de Ouagadougou (lire encadré) font florès. Avec une tendance nouvelle: le développement de la promotion immobilière privée pour les logements intermédiaires ou supérieurs, en marge de l’offre de grands ensembles de type HLM ou de condominiums de luxe. « En Afrique de l’Ouest et en Afrique de l’Est, il y a un boom de la demande de logements individuels de qualité, tirée

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Dossier BTP CONJONCTURE

par la classe moyenne et aussi par la diaspora », témoigne le Togolais Yao Attignon, fondateur de la start-up Wizodia. Installée en région parisienne, cette jeune pousse représentée au Cameroun, au Togo et bientôt en Côte d’Ivoire surfe sur cette tendance en qualifiant des promoteurs locaux et en assurant un suivi des chantiers pour les membres de la diaspora voulant investir au pays. Malgré ce climat dynamique, tout n’est pas rose. Certains pays restent à l’écart. Ainsi en est-il du Gabon, qui peine à se remettre de la crise de l’or noir et où la construction demeure en souffrance. Il en va de même en Angola. À Luanda, la frénésie de chantiers d’antan n’est plus qu’un souvenir. Au Maroc, les programmes d’infrastructures sont pour l’essentiel achevés. Et le bâtiment, qui a connu une mini-crise immobilière ces dernières années pour cause d’excès de l’offre et de produits mal ciblés, reste en phase stationnaire. C’est ce que montrent les ventes de ciment en 2018, à leur plus bas niveau depuis 2007. Quant au Nigeria et à l’Afrique du Sud, des économies souffreteuses ces dernières années, ils sortent juste la tête de l’eau. GlobalData y attend cette année une croissance respective du BTP de 3,7 % et 0,7 %. Il en va tout autrement pour l’autre poids lourd africain : l’Égypte. Après

une période difficile, son PIB devrait croître de 5,5 % cette année, et le pays des Pharaons connaît un emballement constructif! Pour relancer l’économie, le président Abdel Fattah al-Sissi, aidé par les pays du Golfe et le FMI, a lancé un nombre incalculable de chantiers. « Le secteur est soutenu par le programme de développement urbain du Caire, note Yasmine Ghozzi. Celui-ci pourrait conduire à créer 23 villes nouvelles, à quoi s’ajoute une poussée de l’amélioration des infrastructures de transport : métros, trains régionaux ou projets fluviaux. » L’Égypte compte ainsi le plus grand nombre de projets identifiés par Deloitte, devant le Kenya et l’Éthiopie, avec 46 chantiers et un total de 79,2 milliards de dollars.

CERTAINS PAYS SONT À LA TRAÎNE, COMME LE GABON OU L’ANGOLA. QUANT AU MAROC, TOUT Y EST ACHEVÉ.

Le fonds Africa50 commence à prendre son envol

Et du côté des opérateurs ? Dans le concert des pelleteuses et des centrales à béton, un chef d’orchestre domine: la Chine. Incontournables, les groupes de l’empire du Milieu s’arrogent 33,2 % des projets recensés par Deloitte, loin devant les entreprises locales (23,9 %) et à des années-lumière des groupes

OUAGADOUGOU CIBLE LES CLASSES MOYENNES L’avenir de la construction ne se résume pas aux grands projets ou aux barres HLM à la pékinoise. Il passe aussi par le concept de ville durable. C’est ce que veut mettre en pratique le groupe de BTP burkinabè CGE en association avec le cabinet français Architecture-Studio sur le projet de Yennenga, une ville nouvelle située près de Ouagadougou. Ce concept urbain intégré

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de 80 000 habitants à terme donne toute sa place au principe de mixité. Il doit associer de l’habitat social à du logement ciblant les classes moyennes, voire la diaspora, et des activités commerciales. Le tout étant inscrit dans une optique de résilience, par exemple face aux pluies de l’hivernage. Architecture-Studio démarre juste les études

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français (3,1 %). Chaque semaine ou presque, la Chine marque un peu plus l’Afrique de son empreinte. Le continent est l’un des hubs de ses « nouvelles routes de la soie », et elle a promis d’y investir 60 milliards de dollars ces prochaines années. Pour preuve, le prêt de 1,26 milliard de dollars consenti mi-mai au Nigeria par China Eximbank pour moderniser le chemin de fer LagosIbadan. Un projet qui sera réalisé par le groupe public China Civil Engineering Construction Corp (CCECC). Principal bras armé de Pékin dans le BTP en Afrique, CCECC, qui vient d’achever la mosquée géante d’Alger, participe sur le continent à des projets équivalant à 39,5 milliards de dollars, selon GlobalData. Il est suivi, de même source, par le turc Yapi Merkezi (34,3 milliards de dollars) et par la filiale nigériane du contractant pétrolier italien Saipem (30,5 milliards). Et, tout comme dans le rail nigérian, l’emprise chinoise s’affirme aussi à travers le cash. Pékin finance 18,9 % des 482 projets relevés par Deloitte ! Un avantage compétitif, car « le financement demeure un point critique pour le montage de projets du fait des taux élevés des banques commerciales », note François Farges, de Razel-Bec, qui structure de plus en plus de packages comprenant travaux et fonds. Un modèle qu’entend suivre l’américain Bechtel avec les agences de crédit d’export de son pays pour le méga­ projet d’autoroute Nairobi-Mombasa. En matière de financement, un acteur panafricain commence à prendre son envol : Africa50. Issu d’une initiative de la BAD, ce fonds doit, selon un accord récent, financer pour 660 millions de dollars le pont rail-route Kinshasa-Brazzaville, dont l’inauguration des travaux a été promise pour août 2020. Si ce vieux serpent de mer sort du fleuve Congo, c’est que vraiment le BTP va!

d’avant-projet après validation des hypothèses techniques par CGE et par les autorités. Le cabinet parisien va par ailleurs proposer une étude pour l’écoquartier de Marcory, une commune d’Abidjan, en Côte d’Ivoire, dans le cadre de l’appel à projets Ville durable en Afrique qu’a lancé Bercy en vue du sommet AfriqueFrance de 2020. P.-O.R.


Usine Cimencam de Nomayos

Visite d’usine par les autorités administratives dirigée par le directeur général de Cimencam

Allocution du directeur général des cimenteries du Cameroun, Cimencam

Le 2 avril 2019, Cimencam, filiale du Groupe Lafargeholcim, leader mondial des produits et solutions de construction, a inauguré sa nouvelle usine à Nomayos. Avec une capacité de production de ciment de plus de 2 millions de tonnes par an, Cimencam est devenu le premier producteur du Cameroun. Chiffres clés

4 unités : Bonabéri, Figuri, Olembé et Nomayos

3 carrières : Joungo, Foumbot (pouzzolane), Bidzar (calcaire)

8 dépôts de ciment

400 employés

3 actionnaires : LafargeHolcim Maroc Afrique (LHMA) : 55 % ; Société nationale d’investissement du Cameroun (SNI) : 43 % ; collaborateurs : 2 %

E D C M Q @LafargeHolcim www.cimencam.com/fr Allocution de l’Administrateur, Directeur Général de LafargeHolcim Maroc Afrique- Emmanuel Rigaux

Située à quelques kilomètres de Yaoundé, cette nouvelle cimenterie a représenté un investissement de près de 28 milliards de Francs CFA. Elle vient s’ajouter aux autres unités en opération du groupe : une cimenterie intégrée à Figuil, une station de broyage à Bonabéri, une centrale à béton à Olembé, à Yaoundé, et très bientôt une station de broyage à Nomayos.

UNE DYNAMIQUE DE DÉVELOPPEMENT Cimencam est la seule société du secteur présente dans toutes les régions du Cameroun et envisage d’exporter. « Avec cette usine et celle de Figuil, nous pouvons désormais exporter des quantités extrêmement importantes de ciment et nous allons faire du Cameroun la plateforme du groupe en Afrique centrale » affirme Benoît Galichet, directeur général de Cimencam. L’inauguration de la nouvelle usine s’inscrit dans un contexte de forte croissance du marché local et de développement de l’activité de la filiale. La capacité de production de l’unité de Nomayos est de 700000 tonnes. Cimencam envisage un développement progressif puisqu’il s’agit d’une usine modulaire. Un deuxième silo est prévu En mai 2018, Cimencam a lancé les études techniques pour la construction de l’extension de son unité de broyage dans l’usine de

Figuil : un investissement de 40 milliards de Francs CFA est envisagé. Par ailleurs, des travaux de modernisation sont également en cours à l’usine de Figuil.

DES CIMENTS ADAPTÉS AUX BESOINS L’innovation est une priorité afin de répondre aux attentes du marché. « Nous voulons offrir des solutions nouvelles » explique Benoît Galichet. La société va lancer le Multix, un ciment moins cher que le Robust, qui permet de répondre à beaucoup d’applications. La société va bientôt proposer du ciment blanc produit au Cameroun ainsi que du ciment hydraulique : un produit qui permet de faire du béton sans craindre l’humidité. « Nous voulons couvrir toute la chaîne de la construction et accompagner les grands projets d’infrastructures dans les prochaines années » ajoute-t-il. Autre priorité : la responsabilité sociétale et environnementale. L’usine de Nomayos est respectueuse de l’environnement car les nuisances sonores et atmosphériques ont été réduites au minimum. En s’inspirant du Plan 2030 de Lafargeholcim, Cimencam s’est dotée d’une stratégie de responsabilité sociétale toute aussi ambitieuse, soutenue par la volonté de créer, sur fond d’autonomisation, de la valeur pour ses parties prenantes.

Accueil de monsieur le ministre des mines, de l’industrie et du développement technologique, représentant personnel du chef de l’État

JAMG - PHOTOS : D.R.

COMMUNIQUÉ

CIMENCAM DEVIENT LE PREMIER PRODUCTEUR DE CIMENT DU CAMEROUN

Haie d’honneur pour l’accueil du représentant personnel du chef de l’État du Cameroun


Dossier BTP

MATÉRIAUX

Inoussa Kanazoé accélère l’industrialisation de Cim Metal Après son propre pays et la Côte d’Ivoire, le Burkinabè s’attaque au marché malien. Objectif: faire de son groupe le leader du secteur en Afrique de l’Ouest. NADOUN COULIBALY, à Ouagadougou

ncouragé par la percée de Cimfaso dans son pays et principal marché, le consortium burkinabè Cim Metal Group multiplie les projets cimentiers pour devenir numéro un en Afrique de l’Ouest francophone. Une casquette d’industriel qui confirme l’ancrage du self-made-man Inoussa Kanazoé dans les affaires. Le très discret patron de Cim Metal Group, qui a fait ses armes dans l’importation de ciment à partir des années 1990, poursuit la transformation de son groupe en un acteur industriel de premier plan. Après avoir lancé CimFaso en 2015, puis l’usine Cim Ivoire pour environ 60 milliards de F CFA, soit plus de 90 millions d’euros – d’une capacité de 3 millions de tonnes, elle a été implantée dans la zone portuaire d’Abidjan au début de cette année –, il s’apprête à franchir un nouveau cap en commençant la construction de Cim Mali. « Nous avons déjà signé avec le gouvernement malien la convention pour le démarrage des travaux, prévu avant la fin de l’année 2019. Nous préparons l’appel d’offres pour désigner l’entreprise qui réalisera l’usine », a affirmé à Jeune Afrique Inoussa Kanazoé. L’aventure de l’entrepreneur de 53 ans sur le marché malien vise à poursuivre l’expansion régionale du groupe Cim Metal. Au Mali, le cimentier va investir au total 110 milliards de F CFA, dont 60 milliards seront consacrés à une future unité de broyage de clinker. Autodidacte, Inoussa Kanazoé s’est révélé comme

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HIPPOLYTE SAMA

E

Le patron va investir 60 milliards de F CFA dans une usine de broyage de clinker au Mali.

négociant-importateur de produits de grande consommation (sucre, riz, etc.) avec Kanis Commodities et, surtout, de ciment. Une activité qu’il lance à la fin des années 1980, en pleine révolution burkinabè. À ses débuts dans le commerce, « Kanis », comme l’appellent affectueusement ses concitoyens, a vendu des glaces alimentaires. En 1985, avec 13 500 F CFA, il émigre en Côte d’Ivoire – comme nombre de ses compatriotes – et y vit de petits boulots. « À mon retour à Ouagadougou, en 1987, j’avais économisé 150 000 F CFA. » « C’est avec cette somme que j’ai commencé le commerce de friperie, poursuit le patron. En 1990, j’ai peu à peu étendu mes activités à l’importation de ciment. Au départ, je partais

en camion à Lomé en acheter 10 t et revenais les vendre à Ouaga. Dès que le stock s’épuisait, je repartais m’approvisionner chez Cimtogo [Ciments du Togo]. » Cinq ans plus tard, il fonde la Société de commercialisation du ciment (Sococim-Burkina), qui grappille rapidement entre 65 % et 70 % du marché, avec plus de 600 000 t vendues. Lorsqu’il accueille JA dans les bureaux de Kanis International, au cœur du quartier d’affaires de la capitale burkinabè, le businessman se montre loquace, contrairement à ses habitudes. « C’était un bon jour. En général, le patron parle peu », glisse l’un de ses lieutenants. Une discrétion qui contraste avec l’entregent de l’entrepreneur, décrit par ses partenaires comme « futé dans les affaires ».

Restructurer toutes les branches d’activité du consortium

En commençant fin janvier à vendre les productions de Cim Ivoire, le natif de Ouagadougou a conforté sa stature d’industriel. « Cim Metal Group veut devenir le leader du secteur en Afrique de l’Ouest francophone », affirme Poco Tapsoba, directeur général du consortium. À mesure de l’expansion du groupe dans la sous-région, Inoussa Kanazoé restructure ses activités. Dans cette optique, Cim Metal Group a débloqué 68 milliards de F CFA afin d’acquérir 100 wagons pour sa branche logistique et de renforcer son parc, de 2 000 camions actuellement. Cela doit permettre au groupe de maîtriser les coûts de transport du clinker, un composant essentiel pour la production de ciment. Par ailleurs, Inoussa Kanazoé a investi 25 milliards de F CFA dans une fonderie (tôle et fer) d’une capacité d’au moins 60 000 t par an


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Dossier BTP MATÉRIAUX

implantée à Ouagadougou. Ce projet prévoit la fabrication de tôles, de fer à béton et de fils d’attache. Pour le moment, l’usine fabrique uniquement du fer recuit. Le groupe, qui construit depuis 2016 Cimasso, ou « la maison du ciment », à Bobo-Dioulasso, est également en production. D’un coût de 60 milliards de F CFA, cette usine sera, selon nos informations, inaugurée par les autorités burkinabè. Inoussa Kanazoé indique que l’investissement dans trois cimenteries et une fonderie s’élève à plus de 172 milliards de F CFA, apportés essentiellement par la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) et des établissements locaux comme Société générale, Coris Bank International et Ecobank. Grâce à ces investissements, Cim Metal espère que l’industrie va représenter 65 % de son chiffre d’affaires (200 milliards de F CFA), contre 40 % l’an dernier. Une augmentation imputable à l’entrée en production de Cim Ivoire et de Cimasso. À Abidjan, Cim Ivoire aura fort à faire pour s’imposer face à la concurrence. Le consortium ambitionne de redistribuer les cartes entre des

À ABIDJAN, SA FILIALE CIM IVOIRE AURA FORT À FAIRE POUR S’IMPOSER FACE AUX CONCURRENCES CHINOISE ET INDIENNE. géants tels que le chinois Prestige Cement, l’indien Diamond Cement, le suisse LafargeHolcim ou encore le marocain Ciments de l’Afrique (Cimaf ), qui possède des cimenteries dans la ville ainsi qu’à San Pedro. S’il se dit assez serein à l’annonce de l’arrivée du marocain Ciments modernes (Cimod), de la filiale ivoirienne Atlantic Ciment du marocain Anouar Invest, du turc Oyak et de Sino-Ivoire, le groupe de Kanazoé espère que ses nouveaux investissements dans la cimenterie vont lui permettre de doubler son bilan pour atteindre 435 milliards de F CFA. « Nous sommes sereins, car les investissements réalisés nous rendent compétitifs sur le marché ivoirien, estimé à 4,5 millions de t par an pour une capacité de

12 millions de t. Nous produisons dans notre usine du ciment qualitatif obtenu par un procédé fondé sur la technologie de pointe apportée par l’allemand Loesche Group, l’un des leaders mondiaux de broyeurs verticaux », assure Essam Daoud, le directeur général de Cim Ivoire. L’ancien dirigeant de Cimaf, qui salue déjà une baisse des prix sur le marché, entend toutefois poursuivre les investissements dans ce projet intégré pour connecter, à terme, l’usine au port par un chemin de fer. Solidement implantée au Burkina, sa filiale CimFaso capte 45 % de la demande nationale de ciment, estimée à plus de 2,5 millions de t. Leader national incontesté de l’importation de riz (300 000 t/an), le groupe diversifié, qui emploie quelque 5 500 collaborateurs, n’entend pas s’arrêter là. Il a annoncé son intention d’investir dans les ressources vertes via sa filiale Cim Motors en édifiant une centrale mix de 50 MW. « Elle peut être solaire ou hybride. L’objectif est de minimiser nos coûts en énergie, qui représentent 10 milliards de F CFA en moyenne », précise Kanazoé.

AHOEFA SIDONIE KPOGNON

ESSAM DAOUD

Cette Togolaise de 47 ans, formée en audit et contrôle de gestion à l’Institut africain d’administration et d’études commerciales de Lomé, occupe depuis 2016 le poste stratégique de directrice financière et comptable de Cim Metal Group. Elle a fait ses débuts dans l’industrie du ciment chez Cimtogo en 1996 avant de superviser de 2012 à 2015 le projet de Cimburkina, filiale de l’allemand Heidelberg.

Ancien patron de la filiale burkinabè du groupe marocain Ciments de l’Afrique (Cimaf), il a pris les rênes de Cim Ivoire alors qu’une rude bataille se livrait sur le marché ivoirien. Auparavant senior manager conseil et audit chez KPMG à Rabat, il connaît très bien le secteur cimentier en Afrique de l’Ouest.

L’ARGENTIÈRE

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L’EXPERT

S.GARCIA/HANSLUCAS POUR JA

S.GARCIA/HANSLUCAS POUR JA

DR

S.GARCIA/HANSLUCAS POUR JA

SA GARDE RAPPROCHÉE

RAHIM KANAZOÉ

POCO TAPSOBA

Ce financier de 29 ans, nanti d’un master 2 en fiscalité appliquée et d’une licence en finance et audit comptable de l’Institut burkinabè des arts et des métiers (université de Ouagadougou), a rejoint le groupe en 2011 comme coordonnateur de la fonderie. Il a été propulsé à la tête des filiales cimentières (CimFaso et Cimasso) du Burkina.

Formé en électronique à l’Institut polytechnique de Yamoussoukro, Poco Tapsoba, 42 ans, pilote la stratégie d’industrialisation du groupe, dans lequel il est entré en 2002 pour gérer l’approvisionnement. Également diplômé en gestion par le CIESA, ce fidèle compagnon jouit de l’oreille attentive du patron.

LA JEUNESSE AU POUVOIR

LE POLYTECHNICIEN


Vivre le progrès.

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