JANVIER 2022
RD CONGO COMMENT SORTIR DE L’ORNIÈRE NO 3108 – JANVIER 2022
30 PAGES
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L’AFRIQUE EN
L’ANNÉE DE TOUS LES DANGERS Démocraties malmenées, dégradation sécuritaire, impact économique du Covid-19, dette, bouleversements géopolitiques… Les signaux d’alerte et les motifs d’inquiétude se multiplient comme jamais depuis près de 20 ans. Il n’est pourtant pas trop tard pour réagir. Et rebondir… SPÉCIAL 300 PAGES
JEUNE AFRIQUE N O 3 1 0 8
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Édition générale
Mohamed Mbougar Sarr • Pap Ndiaye Louise Mushikiwabo • Achille Mbembe Benjamin Stora • Mohamed Tozy Elgas • Francis Akindès • Gilles Yabi Mamadou Diouf…
ZOHRA BENSEMRA/REUTERS
Dossier Santé
Dans le service des maladies infectieuses du centre hospitalier universitaire de Fann, à Dakar, en juillet 2021.
COVID-19
Le virus du changement Si l’Afrique continue de mieux résister à la pandémie que le reste du monde, elle en a tout de même subi les conséquences. Le choc a-t-il été suffisant pour inciter les gouvernants à investir dans des hôpitaux et à mettre en place une couverture maladie universelle ? OLIVIER MARBOT
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es systèmes de santé du continent étaient-ils prêts à faire face à une catastrophe sanitaire telle que celle liée au Covid-19 ? Y a-t-il ne serait-ce qu’un pays parmi les plus avancés en la matière – on songe à l’Afrique du Sud, au Rwanda, aux pays du Maghreb ou à l’Égypte – qui possédait un réseau adéquat de prise en charge des patients, un parc suffisant de laboratoires capables d’analyser les échantillons, des professionnels en nombre suffisant et correctement formés ? À l’évidence, la réponse est non. Deux ans après l’identification du coronavirus dans la région de Wuhan, en Chine, aucune nation au monde n’était armée pour affronter de façon satisfaisante une pandémie planétaire. Avec leurs faibles moyens, beaucoup d’États africains s’en sont finalement mieux tirés que des géants aux capacités apparemment infinies tels que les États-Unis, le Japon ou les grandes nations européennes.
Sacs-poubelle
On a vu, dans ces grands pays, des soignants s’envelopper de sacs-poubelle faute de blouses en nombre suffisant, des malades dans un état critique patienter dans des couloirs d’hôpitaux sans pouvoir être pris en charge. Avec le Covid-19, le monde entier a été mis face à sa propre inconséquence. Car, presque partout, dès qu’il s’agit de freiner la dépense publique, la tendance est la même : on rogne sur les budgets de la santé, on ferme des lits d’hôpitaux, on dérembourse des médicaments et on ne revalorise pas les salaires des infirmiers. Depuis deux ans, chacun a pu mesurer les conséquences de ces choix budgétaires. Mais, souligne Agnès Binagwaho, ancienne ministre rwandaise de la Santé et cofondatrice de la University of Global Health Equity (lire pp. 208-211), le virus a fait plus que cela : « Pour la première fois, ce sont aussi les économies qui ont été ébranlées. Je pense que, cette fois, il y a eu une prise de conscience. Les responsables politiques ont réalisé qu’il était crucial de disposer de systèmes de santé solides. » Lorsqu’une flambée de choléra ou d’Ebola endeuille une région
d’Amérique du Sud ou d’Afrique, tout le monde frémit, bien sûr. Lorsque, quarante ans après son apparition, le VIH continue ses ravages dans le sud du continent, on se lamente. Depuis la crise du H1N1, en 2009, puis les épidémies d’Ebola de la période 2014-2016, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) tirait la sonnette d’alarme, avertissant que la planète n’était pas prête à affronter une crise sanitaire de grande ampleur et, pis, que le niveau global de préparation des infrastructures de santé stagnait dangereusement. Rien n’y faisait. Le Covid a fait entrer le monde dans une autre dimension. Il a donné chair à ces avis pessimistes : selon les calculs du FMI et du Global Preparedness Monitoring Board, il a déjà coûté 11 000 milliards de dollars à l’économie mondiale. Et, bien sûr, cette somme augmente chaque jour. À l’inverse, estiment les mêmes institutions, si l’on voulait mettre à
Contrairement à l’Europe, où chaque pays n’en a fait qu’à sa tête, le continent a réagi de manière plutôt concertée. niveau des systèmes de santé afin qu’ils soient en mesure de juguler une nouvelle pandémie, cet effort représenterait 5 dollars par an et par personne. Calcul simpliste, sans doute, mais, selon beaucoup de professionnels de santé, la pandémie de Covid-19 a paradoxalement eu la vertu de rappeler quelques évidences. La santé de tous est un bien commun. Elle a un coût. Lorsqu’on la néglige, ce sont tous les autres pans de la société qui en pâtissent. Deux ans après le début de la crise, les leçons ont-elles été tirées, en particulier en Afrique? Les lacunes que l’on a pu constater ne sont malheureusement pas une surprise : manque d’infrastructures permettant d’accueillir et de soigner les malades, matériel et médicaments en quantités insuffisantes, pénurie de personnel compétent. Dans
un rapport publié à la fin de 2021, la Fondation Mo Ibrahim souligne que chacun de ces problèmes était connu depuis longtemps.
Deux mille respirateurs
Entre 2010 et 2019, insistent ses experts, le niveau moyen d’accès à des soins de qualité a progressé sur le continent, mais, depuis 2015, cette progression n’a cessé de ralentir. Au cours de la même période, l’accès aux soins s’est amélioré dans 33 pays du continent, mais a régressé dans 20 autres, parmi lesquels la Guinée-Bissau, la Libye, l’Ouganda, la Namibie ou l’Érythrée. En moyenne, on dénombre, en Afrique, 135,2 lits d’hôpital pour 100000 habitants, et 3,1 lits de soins intensifs. Le continent se partage 2 000 respirateurs, indispensables pour sauver les patients atteints de formes sévères du Covid-19. Dix pays n’en possèdent aucun. Il n’y a que 0,2 médecin et 1 infirmier pour 1000 habitants. Malgré ces failles consternantes, le continent, en particulier l’UA et ses agences spécialisées, a su se mobiliser plus vite et mieux qu’aucune autre instance internationale. Le premier cas de Covid-19 était à peine identifié en Afrique que l’ensemble des ministres de la Santé se réunissaient sous l’égide du CDC, l’agence continentale chargée des problèmes sanitaires. Contrastant avec une Europe où chaque pays n’en faisait qu’à sa tête, l’Afrique a réagi de façon relativement concertée et a très vite lancé les chantiers nécessaires. Mutualisation des capacités de séquençage génétique des échantillons prélevés pour analyse, partage de stocks de masques, mise en place de structures communes en vue de commander les futurs vaccins… L’une des manifestations les plus convaincantes de cette mobilisation est l’Agence africaine du médicament, qui s’apprête à entrer en fonction. Insuffisant, bien sûr. Mais plutôt mieux que dans le reste du monde. Le travail restant à accomplir, hélas, reste immense et, lorsqu’on demande à la professeure Agnès Binagwaho quels sont les chantiers prioritaires, elle lève les bras au ciel : « Mais tout JEUNE AFRIQUE – N° 3108 – JANVIER 2022
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DOSSIER SANTÉ
« C’est le genre de partenariat que j’appelle de mes vœux depuis les grandes épidémies de méningite, souligne-t-il. À l’époque, je plaidais pour que l’on travaille avec les Indiens du SII. Nous devons mettre en place des unités de production qui travaillent pour l’Afrique. Il faut aussi que nos pays aient les moyens d’acheter les sérums fabriqués sur ces sites. La question des brevets est également importante. Selon moi, la priorité serait que l’Afrique propose son propre brevet. Le reste suivra. » Quel que soit l’ordre des priorités, la question du financement se posera naturellement. Et elle n’a pas été laissée de côté par les responsables africains de la santé. « Avec le Covid, estime la professeure Binagwaho, tout le monde a pris conscience du fait que la réponse ne pouvait reposer uniquement sur le secteur et les
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contrôlé la température des malades sans mettre les soignants en danger, il y a eu des livraisons de matériels et de médicaments par drones, des outils d’autodiagnostic et de traçage des malades, mais aussi du matériel en cours d’acheminement… Le partenariat public-privé a permis de développer de nouveaux outils, et, aussi, de maintenir des entreprises à flot. »
Tradipraticiens
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Sérums
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est prioritaire ! Le Covid ne nous a rien appris que nous ne sachions déjà. L’Afrique subit 24 % de la charge de morbidité mondiale, et son personnel de santé ne représente que 3 % des effectifs mondiaux. Ce n’est pas dû au Covid, tout cela était connu avant 2020… » Selon l’ancienne ministre rwandaise, le plus urgent est d’assurer l’accès à la santé pour tous (ce qui suppose des systèmes de couverture maladie universelle), de disposer d’un personnel de santé plus nombreux et, à cet égard, de mettre fin à la fuite des cerveaux, dont elle estime que, rien qu’en matière de médecine, elle a coûté 2 milliards de dollars au continent depuis dix ans. Envoyé spécial de l’OMS pour le Covid et ancien ministre malien de la Santé, son collègue Samba Sow complète la liste : « Le gros sujet du jour, c’est l’épidémiologie de la pandémie. Diagnostiquer, étudier et tracer les cas, les variants… Il y a aussi les questions de financement et, bien sûr, la recherche de vaccins vraiment efficaces. Donc des vaccins développés par – et pour – des Africains. » Dans cette logique, il se félicite du récent accord qui permettra très rapidement au Rwanda, puis au Sénégal, de produire un vaccin à ARN messager en partenariat avec BioNTech.
Agnès Binagwaho, ex-ministre rwandaise de la Santé, et le Malien Samba Sow, envoyé spécial de l’OMS pour le Covid-19.
fonds publics. Le privé a un grand rôle à jouer, et c’est assez nouveau dans nos pays, où les groupes privés sont actifs mais investissent peu dans le domaine de la santé. Pour le VIH, par exemple, on continue d’acheter les médicaments sur d’autres continents. » La crise du coronavirus a changé la donne, et le secteur privé s’est fortement mobilisé, au-delà du strict champ médical. Le groupe Dangote a collecté – et donné – des fonds au Nigeria. Puis, au-delà des frontières nigérianes, du matériel de soin a été réuni par des entreprises sud-africaines. Des banques privées kényanes ou rwandaises ont fourni des fonds destinés à l’acquisition de matériel… Des géants miniers comme Barrick, du cacao comme Cargill ou de la téléphonie comme MTN, implantés en Afrique de l’Ouest, ont également fourni des systèmes d’information, des kits de protection, des vaccins et du personnel médical, d’abord pour leurs employés, puis pour les commu nautés qui vivent autour de leurs sites de production, plantations ou bureaux. Le secteur privé en général, ajoute l’ancienne ministre du Rwanda, a contribué à la lutte contre la maladie de multiples façons : « Des robots ont
La répartition de l’accueil des malades entre hôpitaux publics et cliniques privées a elle aussi évolué au gré des urgences. « On partait parfois de loin », note le professeur Samba Sow, qui rappelle que, « dans beaucoup de nos pays, les gens ne vont chez le médecin que quand ça ne va vraiment pas. Sinon, ils se contentent du pharmacien ou du tradipraticien ». L’implication du secteur privé dans la prise en charge des patients Covid s’est faite de façon très variable selon les pays et le parc d’établissements dont ils disposaient, ajoute la professeure Binagwaho : « Les cliniques ont contribué à l’effort général partout, à la mesure de leurs moyens. En général, chaque pays a élaboré un protocole de prise en charge organisant cette répartition des rôles. Souvent, il a aussi fallu faire évoluer les textes pour que les soins liés au Covid soient remboursés par l’assurance maladie, quand elle existe. »
Des robots qui prennent la température des patients, des drones pour livrer des médicaments, des outils d’autodiagnostic… C’est d’ailleurs une autre évolution majeure : l’épisode de la pandémie a abouti à une prise de conscience générale de l’importance d’une couverture maladie universelle. Là encore le continent part de loin, souligne le rapport de la Fondation Mo Ibrahim : si, à l’échelle mondiale, les citoyens paient de leur propre poche 18,1 % de leurs dépenses de santé (le reste étant pris en charge par des systèmes d’assurance publics
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DOSSIER SANTÉ se multiplient. En plus du partenariat avec BioNTech déjà évoqué, le sud-africain Aspen Pharmacare va bientôt produire un sérum Johnson & Johnson ; Sinovac va ouvrir au Caire la plus grosse usine de vaccins d’Afrique, et Moderna annonce une capacité de production de 500 millions de doses déployée
Il n’existe que dix sites de production de vaccins sur l’ensemble du continent. Mais les projets se multiplient. sur plusieurs sites, qui devront être construits d’ici à quatre ans. Quant aux autorités chinoises, elles ont profité du Forum sino-africain organisé à Dakar du 28 au 30 novembre pour accentuer leur effort : 1 milliard de doses offertes en 2022, dont 400 millions fabriquées sur le continent,
et des pourparlers annoncés avec 19 pays. « La Chine a été la première à faire de ses vaccins un bien public mondial, notamment pour les pays en développement », a répété à Dakar Wang Yi, le ministre chinois des Affaires étrangères, avant d’appeler à la levée des brevets. Un nouvel ordre sanitaire mondial va-t-il émerger de cette pandémie ? Les pays les moins avancés du continent en matière de santé vontils enfin se conformer aux objectifs ambitieux que s’était fixés l’OUA (future Union africaine) en 2001 à Abuja : 15 % des budgets des États consacrés à la santé ? « Avons-nous le choix ? s’interroge la professeure Agnès Binagwaho. Il y a au moins une épidémie chaque année, une pandémie tous les dix ans. Ce n’est pas pendant la guerre qu’on apprend à fabriquer des canons ! Maintenant que la prise de conscience a eu lieu, il faut construire des systèmes de santé solides, former du personnel, financer l’accès de tous à la santé. Et nous devons le faire nous-mêmes, car personne ne nous aidera. »
WASSIM JDIDI/PANORAMIC
ou privés), ce taux atteint 33,3 % en Afrique. L’OMS estime pour sa part que seuls 48 % des habitants du continent ont accès à un niveau de soins correspondant à leurs besoins. À moyen terme, juge la chercheuse rwandaise, la production locale de médicaments, de vaccins et de matériel devra devenir la priorité. « Cette crise nous a montré que le monde occidental se moquait pas mal de ce qui nous arrive, constatet-elle sèchement. Moins de 10 % des Africains sont vaccinés pendant que les pays riches stockent des centaines de millions de doses qui arrivent à expiration ! Cela a eu le mérite de nous prouver que nous ne pouvions compter que sur nousmêmes, ce qui est une bonne chose. À nous de prendre notre avenir sanitaire en main. » Là encore la situation est connue : pour ne parler que des vaccins, il n’existe que dix sites de production sur l’ensemble du continent, dont quatre ne fournissent que des prestations de base, du type conditionnement en flacons. Mais les projets
L’hôpital Abderrahmen-Mami, près de Tunis.
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DOSSIER SANTÉ
FUITE DES CERVEAUX
Quand les blouses blanches tournent casaque Les jeunes médecins africains sont souvent tentés de parfaire leurs études en Occident puis de s’y installer. L’amélioration des systèmes de soins, la création de filières d’excellence et la reconnaissance mutuelle des diplômes font partie des remèdes destinés à limiter cette hémorragie.
ANDREW TESTA/PANOS-REA
STÉPHANIE WENGER
Étudiants en première année de médecine au chevet d’une patiente, à l’hôpital de La Rabta, à Tunis.
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est un campus rutilant, dans un quartier de Kigali, à proximité de grands hôtels, de palais des congrès et de centres commerciaux. Depuis sa création, en 2015, l’University of Global Health Equity (UGHE) accueille des étudiants de toute la sous-région, dont 70 % de filles grâce à une politique
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de recrutement attentive à l’égalité homme-femme. Après avoir lancé, à ses débuts, des masters en santé publique (recrutant à bac+3), l’université, que finance notamment la Fondation Bill & Melinda Gates, a ouvert des bachelors (post-bac) pour permettre à des jeunes d’entamer leurs études médicales dans l’établissement et de devenir,
cinq à dix ans plus tard, des médecins généralistes ou des chirurgiens. Ceux qui, en décembre, auront réussi leurs examens – des étudiants originaires d’Ouganda, de Tanzanie, du Burundi et de RD Congo – intégreront donc, dès leur première année d’études supérieures, cet établissement d’un nouveau genre. L’UGHE vise en effet à former
DOSSIER SANTÉ intégralement des professionnels de santé pour un continent dont le personnel médical part souvent parfaire sa formation en Europe ou en Amérique du Nord. Et qui ne revient jamais, laissant son pays d’origine en situation de sous-effectif.
Le choix de la France
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il n’y avait en moyenne que 4,5 médecins pour 10 000 habitants en Afrique durant les années 2012-2016. Parallèlement, indique la Fondation Mo Ibrahim, la proportion des médecins formés sur le continent a augmenté dans les hôpitaux occidentaux. Aux États-Unis, elle a crû de 27 % entre 2008 et 2018, ce qui équivaut à l’installation de 1 médecin par jour – le plus souvent formé en Égypte, au Ghana, au Nigeria ou en Afrique du Sud. Les praticiens africains francophones font, eux, le plus souvent
le choix de la France, où ils suivent des filières de spécialisation hospitalière à la fin de leurs études médicales, avant de finir par s’établir dans l’Hexagone. Certains États d’Afrique
En 2019, le Sénégal comptait 0,88 médecin pour 10 000 habitants, le Burkina 0,94 et le Rwanda 1,19. subsaharienne sont particulièrement affectés par cette hémorragie de soignants. En 2019, le Sénégal comptait 0,88 médecin pour 10 000 habitants, le Burkina Faso 0,94 et le Rwanda 1,19. À son échelle, l’UGHE de Kigali compte bien inverser la tendance. « L’éducation médicale a un coût
élevé, que la majorité de nos étudiants ne peut assumer. C’est pourquoi, chez nous, les études et l’hébergement sont gratuits. Ce qui nous importe, c’est la capacité de ces jeunes à être de bons praticiens. C’est sur ce critère qu’ils sont sélectionnés », explique le chirurgien éthiopien Abebe Bekele, doyen de la faculté de médecine de l’UGHE. En application du programme Umusanzu (« contribution », en kinyarwanda), les jeunes qui commenceront leurs études à l’UGHE en 2022 signeront un accord avec leurs ministères de la Santé respectifs : une fois leur diplôme obtenu, ils s’engagent à travailler pendant six à neuf ans dans leur pays d’origine. En retour, leur ministère leur promet de les embaucher. Pour les étudiants en master, des partenariats existent déjà entre l’UGHE et des hôpitaux rwandais, notamment à Kigali et dans le
DOSSIER SANTÉ district de Butaro, près de la frontière ougandaise. Abebe Bekele n’était pas enseignant quand il est devenu doyen de la faculté de médecine d’Addis-Abeba, en 2012 : « Je n’étais pas préparé à diriger une faculté. J’ai appris sur le tas. Nous manquons de professionnels prêts à assumer leur rôle en matière de structuration de nos systèmes de santé. Dans les ministères comme dans les universités, il y a besoin de médecins! Certains diplômés de l’UGHE seront en mesure de conduire des politiques publiques efficaces », fait-il valoir. La sociologue Christelle Fifaten Hounsou, spécialiste des migrations et des professions médicales (à l’université Paris-VII et à l’Institut Convergences Migrations), analyse avec prudence le phénomène de la « fuite des blouses blanches ». « De tout temps les médecins se sont déplacés pour se former », rappelle-t-elle. À l’en croire, cette émigration africaine est le plus souvent favorisée par les politiques de santé des pays occidentaux. « Si de nombreux médecins africains sont restés en France, c’est aussi et surtout parce qu’on y avait besoin d’eux : le système hospitalier français est en sous-effectifs, et il y a de véritables déserts médicaux en zones rurales », estime-t-elle. « Pour que des filières de formation locales puissent maintenir des médecins sur le continent, ajoute la spécialiste, il faut que les États africains soient prêts à investir dans leurs systèmes de santé, aussi bien publics que privés. » Ces derniers peuvent, si on les aide financièrement, prendre en charge une part grandissante de patients, y compris ceux qui ont des revenus modestes. En matière de formation médicale, constate la chercheuse, la tendance est au renforcement de l’offre privée. C’est le cas au Maroc, en Tunisie, au Sénégal, au Burkina Faso. Dans ces pays, les filières publiques d’enseignement universitaire de bon niveau existent également, et attirent au-delà de leurs frontières. Ainsi, depuis quelques années, le Maroc et la Tunisie ouvrent la porte à d’autres étudiants africains et ont rendu les
© UGHE
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Diplômés de la University of Global Health Equity (UGHE), au Rwanda, en 2019.
formations payantes pour les étrangers non boursiers. Des politiques d’entente et d’harmonisation doivent aussi être construites à un échelon régional, voire panafricain ou international. L’objectif ? Faciliter l’ouverture de postes à des médecins originaires d’autres pays du continent et favoriser la reconnaissance mutuelle des diplômes. C’est cette mission
« Pour retenir les médecins, il faut leur permettre de travailler dans des conditions optimales. » que s’est fixée la Conférence internationale des doyens et des facultés de médecine d’expression française (Cidmef). Elle regroupe des représentants de 150 universités et établissements francophones de formation médicale sur tous les continents, et délivre des accréditations reconnues mondialement. « Les facultés de médecine de Marrakech et de Tunis ont obtenu l’accréditation Cidmef. Ce sera bientôt le cas pour celles de Sousse et de Yaoundé », se réjouit le pédiatre tunisien Ahmed Maherzi, vice-président de la Cidmef. « Quand la qualité de
leur formation dans leur pays d’origine est reconnue, les médecins africains sont moins tentés d’aller se former dans des pays plus développés puis d’y faire carrière », souligne cet ancien doyen de la faculté de médecine de Tunis (2011-2017), aujourd’hui professeur invité à Montréal. « Il appartient à chaque pays de mener une politique appropriée pour retenir ses médecins. Cela implique d’améliorer la qualité de la formation, d’assurer un salaire adéquat aux soignants et, surtout, de leur permettre de travailler dans des conditions optimales », précise-t-il. Les établissements de formation doivent aussi entamer leur mue. « Les facultés de médecine ont surtout favorisé la formation dans les hôpitaux universitaires, faisant ainsi la promotion des spécialités aux dépens de la médecine générale », analyse Ahmed Maherzi, pour qui il faut revoir cette stratégie. « Organiser un système de santé par territoire, autour d’un campus médical et d’un centre hospitalier régional installés dans une ville de taille moyenne permettrait de former des praticiens dont les compétences seraient en phase avec les besoins de la population. C’est bien plus efficace que de forcer de jeunes médecins urbains à exercer quelques années dans des déserts médicaux, fût-ce dans leur propre pays », conclut le Tunisien. JEUNE AFRIQUE – N° 3108 – JANVIER 2022
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DOSSIER SANTÉ
HÔPITAUX
Tesalys, le Terminator des déchets Présente sur le continent depuis 2014, cette entreprise française s’est taillé une place sur un marché en plein essor depuis la pandémie de Covid-19. La clé de son succès ? Un appareil broyeur et stérilisateur.
TESALYS
AURÉLIE BENOIT
Le « banaliseur » détruit et désinfecte 60 kg de matériels médicaux souillés par jour.
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epuis quelques mois, un drôle d’équipement a trouvé sa place au sein du centre hospitalier de Bondoukou, en Côte d’Ivoire. L’appareil, un « banaliseur », broie et stérilise (avec de la vapeur à 135 °C) seringues, compresses et cotons. Commercialisé par la société Tesalys, fondée à Toulouse en 2012, le
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système Steriplus a été déployé dans trois autres établissements ivoiriens durant les derniers mois de 2021. Ces machines, qui traitent chacune 60 kg de stocks par jour, permettent de répondre au problème que pose, avec de plus en plus d’acuité, la gestion des déchets médicaux dans les établissements de santé. Le continent produit plus de 282 000 tonnes de ce
type de déchets par an, dont 15 à 20 % sont considérés comme dangereux. La question de leur stérilisation reste trop souvent négligée dans de nombreux pays. Sur le marché mondial de leur retraitement, estimé à 2 milliards d’euros, le continent africain joue encore une partition très discrète. Pis,90 %deses déchetsmédicaux échouent dans des décharges ou
DOSSIER SANTÉ des incinérateurs non conformes aux normes sanitaires. « Cela présente un double risque : épidémique et environnemental », déplore Miquel Lozano, cofondateur de Tesalys.
D’Alger à Kigali
Ce constat a rapidement poussé Lozano, qui fut directeur export dans plusieurs entreprises du secteur de la santé, et son associé, JeanMichel Rodriguez, à prospecter sur le continent. « Nous avons commencé en Algérie en 2014, deux ans à peine après le lancement de notre activité, indique-t-il. Nos machines, compactes, sont parfaitement adaptées aux marchés où les filières de traitement ne sont pas structurées. » Face à l’absence de réglementation, l’accès à des financements est essentiel pour convaincre les acheteurs potentiels. Avec des équipements allant de 50 000 à 500 000 euros, Tesalys entend s’adresser à toutes les bourses. Mais, pour les structures
publiques locales, l’addition reste souvent trop salée. Le recours à l’aide d’organismes internationaux est donc privilégié. « Plusieurs bailleurs de fonds, tels que la Banque africaine de développement, ont soutenu l’acquisition de nos machines », indique
En Afrique, 90 % des seringues ou compresses usagées échouent dans des décharges non appropriées. Olivier Makpolo, responsable du développement en Afrique subsaharienne à Tesalys. Dans certains pays, les gouvernements ont eux-mêmes pris le sujet à bras-le-corps. « Dès qu’il est question d’environnement, le Rwanda, par
UNE STRATÉGIE INTERNATIONALE AMBITIEUSE Le Groupe INOVIE est un acteur majeur du diagnostic représentant 18 % de l’activité de biologie médicale privée en France métropolitaine et dans les DOM TOM, également présent à l’international, via INOVIE AFRICA et INOVIE MENA, déjà implanté au Liban (pays dans lequel INOVIE est devenu leader en moins de 3 ans), au Maroc, au Cameroun, et en Côte d’Ivoire.
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exemple, fait preuve d’un plus fort volontarisme que bien d’autres pays d’Afrique », note Makpolo. Parallèlement à son offre d’équipementier, Tesalys propose des actions de formation et développe une activité de conseil pour aider les autorités à structurer les filières. La crise liée au Covid-19 n’a fait que renforcer ces besoins. « Il a fallu gérer de nombreux déchets issus des tests [de dépistage]. Le grand public a alors pris conscience du problème », remarque Miquel Lozano. La demande étant croissante, d’autres sociétés, comme le libanais Averda ou le belge Ecosteryl, ont emboîté le pas à Tesalys. Mais, selon l’entreprise toulousaine, dont les activités en Afrique représentent un quart de son chiffre d’affaires, il y a de la place pour tous. Pour continuer à avancer ses pions sur le continent, elle envisage d’implanter plusieurs antennes en Afrique d’ici trois à cinq ans.
L’EXPERTISE DANS LE DIAGNOSTIC MÉDICAL
En 2022, INOVIE continue de se développer à l’international avec des partenariats de confiance, en cours de constitution, en RDC, en Algérie, et dans la péninsule arabique. INOVIE AFRICA apporte ainsi différentes solutions personnalisées au Moyen Orient et en Afrique, en s’implantant localement, et en adaptant son modèle économique aux spécificités du marché territorial du pays.
Ces solutions, à partir de solides partenariats avec les acteurs locaux, peuvent prendre la forme : - Sous-traitance locale des tests de spécialité (B2B) pour les établissements de soins et les laboratoires de proximité, et/ou - D’implantation de points de diagnostics médicaux (B2C), et/ou - D’internalisation d’actes de routine (B2B), avec la gestion de laboratoires et/ou d’établissements de soins.
Enfin, en 2021, INOVIE a décidé de mettre toute son expertise au service de la communauté médicale et de la population africaine, via la Fondation INOVIE AFRICA. Celle-ci a pour mission de promouvoir la R&D, de faciliter la création de réseaux de diagnostic, la formation en biologie médicale en Afrique, et l’accompagnement des jeunes biologistes médicaux dans leur projet entrepreneurial. Cette année, INOVIE a rejoint French Healthcare, association lancée par le ministère des Affaires Étrangères et du Développement International pour promouvoir la vision française en matière de santé mondiale.
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