Plus Benin de décembre 2011

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N EN UM VE ÉR NT EDO D EU OU XS B EM LE N° 2659-2660 • du 25 décembre 2011 au 7 janvier 2012 AIN ES

L’HOMME DE L’ANNÉE… C’EST VOUS !

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 52e année • jeuneafrique.com

RD CONGO AFRIQUE, ÉTATS-UNIS, EUROPE, CHINE : LE CASSE-TÊTE KABILA SÉNÉGAL IDRISSA SECK DIT TOUT DÉVELOPPEMENT POURQUOI L’AFRIQUE FRANCOPHONE EST À LA TRAÎNE

Spécial 26 pages

Peut-il changer

le Bénin?

ÉDITION BÉNIN 2 500 F CFA

• BONI YAYI L’homme pressé • OPPOSITION Cherche leader • PORTRAITS Ils incarnent la relève • MÉDIAS La guerre des chaînes privées • GRANDS CHANTIERS Agriculture, infrastructures, finances publiques. Faut-il y croire ?



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Ce que je crois BÉCHIR BEN YAHMED • bby@jeuneafrique.com

SAMEDI 24 DÉCEMBRE

Sur deux élections…

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ous allons passer d’une année à la suivante, de 2011 à 2012. La tradition dicte de saisir le moment pour échanger des vœux. Je commence donc cette livraison de mon Ce que je crois hebdomadaire en souhaitant à chacune et à chacun d’entre vous qui trouvez intérêt à me lire une très bonne année 2012 et vous promets de faire de mon mieux pour continuer à mériter votre intérêt. Cet agréable devoir accompli, je consacrerai ce dernier Ce que je crois de 2011 à des observations qui sont une épitaphe de l’année qui se termine et, en même temps, un coup de projecteur sur celle dans laquelle nous allons entrer. ■

Qui de nous n’a observé qu’il n’y avait jamais eu autant d’élections à travers le monde ? Il y en a eu beaucoup en 2011, dont certaines importantes, et on nous en annonce un très grand nombre pour 2012. Des pays comme la Libye et la Birmanie, qui affichaient leur dédain pour les consultations démocratiques, ont déclaré s’y être convertis, et je m’attends à ce que Cuba et même la Corée du Nord adoptent sous peu ce mode d’expression de la volonté des peuples. Les élections sont-elles devenues pour autant non seulement transparentes et contradictoires, mais honnêtes ? Pas encore, loin s’en faut ; on ne peut que constater et déplorer que dans beaucoup trop de pays situés en Europe de l’Est, en Asie centrale, dans le monde arabe et en Afrique subsaharienne, elles servent encore de « couverture » à des hommes et à des régimes pour se maintenir abusivement au pouvoir et reporter toute alternance aux calendes grecques. L’année qui s’achève nous a servi une bonne vingtaine d’exemples. Qui nous posent un problème : comment débarrasser le monde de ce triste reliquat du XX e siècle ? ■

Parmi les élections qui se profilent en 2012, deux retiennent notre attention et font déjà beaucoup parler d’elles. Elles se tiendront en avril-mai pour la première et en novembre pour la seconde. JEUNE AFRIQUE

En seront affectés les destins de deux grands pays sur lesquels sont braqués tous les regards : la France et les États-Unis. Dans ces deux pays, la situation économique mais aussi la personnalité de leurs présidents respectifs, candidats à leur propre succession, font que Nicolas Sarkozy pour la France et Barack Obama pour les États-Unis courent le risque de ne pas être réélus. Si cela advenait, ce serait, dans un cas comme dans l’autre, un séisme politique, car le rejet par les électeurs d’un président qui se présente pour un second mandat est exceptionnel, rarissime : en France, en près d’un demi-siècle de V e République, seul Valéry Giscard d’Estaing a connu une telle déconvenue, tandis qu’aux États-Unis, où seize élections présidentielles se sont tenues depuis 1953, on n’a vu que deux présidents, le démocrate Jimmy Carter et le républicain George H. W. Bush, « louper la marche ». La non-reconduction de Nicolas Sarkozy en mai prochain et de Barack Obama en novembre n’est, pour le moment, qu’une hypothèse de travail. Mais il ne me paraît pas incongru de nous hasarder à examiner leurs conséquences. ■

Nicolas Sarkozy Il a dit lui-même que, s’il était battu, son parti exploserait et que la droite française, qu’il avait réussi à rassembler, aurait le plus grand mal à continuer d’exister comme force unie à même de revenir au pouvoir en 2017. Il est en effet probable qu’elle irait en partie renforcer l’extrême droite et le Front national, dont la présidente, Marine Le Pen, n’a que 43 ans, alors que les possibles dirigeants de la droite sont déjà dans la soixantaine. Une autre partie chercherait à se constituer au centre droit : lequel serait trop faible et trop hésitant pour prétendre être autre chose qu’un appoint de la gauche. Dans l’hypothèse où elle aurait gagné la présidentielle en mai et/ou les législatives en juin, la gauche française serait-elle pour autant dans la position dominante qu’elle a connue en 1981 et 1988 ? Je pense N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012


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Ce que je crois qu’il lui manquerait le chef fédérateur de grande envergure qu’a été François Mitterrand jusqu’à ce que la maladie affaiblisse, à partir des années 1990, son emprise sur son gouvernement et son parti. À cela s’ajoute que le pays traîne un endettement excessif de l’État, accumulé sur plus de trente ans, conjugué à une grave désindustrialisation et à un déséquilibre structurel de son commerce extérieur. Dans le meilleur des cas, il lui faudra dix à vingt ans pour retrouver ses équilibres. ■

Barack Obama Contrairement à Nicolas Sarkozy, le président américain n’a pas (encore) de challengeur plus populaire que lui : les sondages ne promettent la victoire à aucun de ses éventuels concurrents. Mais le taux de chômage aux États-Unis se situe entre 8 % et 9 % de la population active ; or aucun de ses prédécesseurs n’a réussi à surmonter un tel handicap pour se faire réélire. Sans oublier que, dans l’exercice du pouvoir au cours des trois années écoulées, Barack Obama a donné à ses compatriotes l’image d’un intellectuel de type européen, cérébral, un peu trop froid et distant. Il leur apparaît « comme un mari détaché, qui néglige sa femme ». « Fait-il assez attention à nous ? se demandent ses compatriotes. Comprend-il nos besoins ou bien fait-il seulement mine de nous écouter ? »

Nous sommes à dix mois du scrutin, et rien n’est joué : des événements intérieurs ou extérieurs peuvent changer la donne en faveur de Barack Obama, ou en sa défaveur. La situation économique du pays, même si elle ne peut ni beaucoup s’améliorer ni se détériorer gravement, reste le facteur principal, celui qui conditionnera, en novembre 2012, le moral – et le vote – des électeurs… ■

Les éventuelles défaites de Sarkozy et d’Obama constitueraient donc deux séismes politiques. Mais seraient-ils de la même amplitude ? Bien évidemment, non ! D’abord, parce que leurs pays ne sont pas de la même dimension. Ensuite, parce qu’un éventuel échec de Nicolas Sarkozy serait grave pour lui, bien sûr, et important pour la droite et la gauche françaises. Tandis qu’un échec de Barack Obama, le premier président africain-américain de l’Histoire, ramènerait son pays, sur le plan politique, au XXe siècle. Même s’il a déçu nombre de ses admirateurs pour s’être incliné devant un système politique qu’il n’a pas même ébréché, il compte déjà parmi les grands présidents américains. Un second mandat devrait lui permettre de se hisser à un niveau encore plus élevé. ● (Lire aussi pp. 80-87.)

Humour, saillies et sagesse Pour vous faire sourire, grincer des dents – ou réfléchir –, ici, chaque semaine, une sélection subjective, la mienne, de ce qui a été dit ou écrit au cours des siècles par des hommes et des femmes qui avaient des choses intéressantes ou drôles à nous dire. B.B.Y. Ì L’égalité n’est jamais acquise ; c’est toujours un combat. François Mitterrand Ì La politique est une guerre sans effusion de sang et la guerre une politique sanglante. Mao Zedong Ì Un mensonge peut faire le tour de la terre le temps que la vérité mette ses chaussures. Mark Twain

Ì Les femmes sont des fleurs offertes à nos désirs, Mais il faut prendre leur cœur avant de les cueillir. Jean-Jacques Goldman Ì Il y a deux choses d’infini au monde : l’univers et la bêtise humaine… mais pour l’univers j’en suis pas très sûr. Albert Einstein

Ì Qui a de l’argent met dans sa poche qui n’en a pas. Léon Tolstoï

Ì N’oubliez pas que la terre se réjouit de sentir vos pieds nus et que les vents joueraient volontiers avec vos cheveux. Khalil Gibran

Ì Il y a des personnes réservées qui utilisent le silence pour cacher leur intelligence, mais la plupart le font pour cacher qu’ils en manquent. Nassim Nicholas Taleb

Ì L’inconvénient de vivre longtemps est que la dernière image de soi que le monde ait vue est celle d’un vieillard. Jean Dutourd

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Ì En Inde, quand ça va pas, ils s’immolent, mais ils ne font pas grève. Brèves de comptoir Ì Dans sa maison, le chat se transforme en tigre. Proverbe africain Ì Un fœtus est le scénario d’un homme. Qui en est le metteur en scène ? Jean-Claude Carrière Ì L’administration est un lieu où les gens qui arrivent en retard croisent dans l’escalier ceux qui partent en avance. Georges Courteline Ì On ne fait bien que ce qu’on fait soi-même. Napoléon Bonaparte JEUNE AFRIQUE



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Éditorial

Marwane Ben Yahmed

De Tunis à Kinshasa

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uelle année ! Comment, malgré l’accoutumance à cette drogue que sont pour les journalistes les éruptions de l’actualité, ne pas être pris de vertige lorsque l’on déroule le film des événements de 2011 (lire « Grand angle » pp. 28-43) ? N’en déplaise aux Cassandre, affolés par l’arrivée au pouvoir des islamistes en Tunisie, en Égypte ou au Maroc et prédisant un véritable pandémonium aux protagonistes de cette extraordinaire aventure qui a bouleversé le Maghreb et le Moyen-Orient, le monde arabe est de facto en pleine renaissance. Malgré les incertitudes, les doutes et les erreurs qui ne manqueront pas de jalonner ce cheminement à tâtons en terra incognita, une certitude : le progrès n’est plus l’apanage d’un Occident aujourd’hui sclérosé, dévoré par ses excès et ses peurs. Le progrès, et la dynamique qu’il induit, est désormais arabe. Le pluralisme, la diversité, le débat, la culture du compromis, la quête de liberté, la prise de risques – y compris physiques –, la défense de valeurs morales (justice, égalité, droits de l’homme, lutte contre la corruption, etc.) aussi. Mieux, l’édification de projets de société inédits n’obéit plus aux diktats émanant d’autorités intérieures comme extérieures ou au « copier-coller » de supposées panacées venues d’ailleurs. Les Arabes construisent eux-mêmes leur propre avenir. Qui l’eût cru ?

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RD CONGO LE CASSE-TÊTE KABILA Pour l’investiture du président sortant, les chefs d’État étrangers – y compris africains – se sont fait porter pâle. Ils déplorent les irrégularités du scrutin, mais évitent de souffler sur les braises.

48 SÉNÉGAL IDRISSA SECK : « MON SEUL PROBLÈME, C’EST ABDOULAYE WADE » Interview de l’ex-Premier ministre, chef de file de Rewmi et candidat à la présidentielle de 2012.

Depuis Tunis, le vent du changement s’est mis à souffler sur l’Afrique. Ici, des ouragans ou des bourrasques, là, une imperceptible brise. Mais, partout, le sentiment que rien ne sera plus comme avant, que tout peut arriver, même ce qui était, il n’y a pas si longtemps, impensable.

Cette année ébouriffante s’achève, hélas ! sur le pire des scénarios : le bras de fer qui se déroule sous nos yeux, à Kinshasa, entre Joseph Kabila et Étienne Tshisekedi (lire pp. 10-11). Une élection catastrophique qui aboutit à un hold-up de la démocratie. Un pays pris en otage, une nouvelle fois. Une armée tribalisée qui protège son chef contesté et qui, elle, ne basculera pas dans le camp des partisans du Sphinx de Limete. Une communauté internationale, enfin, qui accepte, certes avec des pincettes, la victoire de Kabila parce qu’elle n’a guère confiance en son opposant : Tshisekedi n’est pas Ouattara. Après la crise postélectorale ivoirienne à la fin de 2010, voici la crise congolaise un an plus tard. Quand on connaît la suite des événements, ça promet pour 2012… ● N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

Toute l’équipe de Jeune Afrique vous souhaite une très bonne année 2012. PHOTOS DE COUVERTURES : BÉNIN : AFP PHOTO/GEORGES GOBET ; GÉNÉRALE : JON BERKELEY

De 2011, nous retiendrons aussi cette incroyable malédiction qui s’est abattue sur la caste des dictateurs. Ben Ali et Moubarak, évidemment. Ali Abdallah Saleh, aussi. Kim Jong-il et Kaddafi, caricatures ubuesques de ce que l’humanité peut produire de pire, surtout. Sans parler des Fidel Castro ou Hugo Chávez, versions caribéennes d’une espèce en voie d’extinction, rattrapées par l’âge ou la maladie.

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Ce que je crois Par Béchir Ben Yahmed Confidentiel

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L A SEM A IN E D E J EU N E A F RIQ U E

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RD Congo Le casse-tête Kabila Kim Jong-un « Grand héritier » sous tutelle Mohamed Abdelaziz Jusqu’au dernier Sahraoui Religion Croissez et multipliez Calendrier Pirelli Les douze émois de l’année Congo-Brazza Pointe de vitesse Médias Atlas du danger Gabon Tous gagnants ? Djibouti-France Partenaires sur de nouvelles bases Libye Dinars made in Europe Turquie-France Toute une Histoire Tour du monde

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G RA N D A N G L E

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L’Homme de l’année, c’est vous JEUNE AFRIQUE


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Dans Jeune Afrique et nulle part ailleurs

L’Homme de l’année, c’est

vous

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+ les 20 événements qui ont fait l’Afrique en 2011

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BONI YAYI PEUT-IL CHANGER LE BÉNIN? Spécial 26 pages

GRAND ANGLE

TUNISIE MÉNAGE À TROIS Adoption d’une petite Constitution provisoire, formation du gouvernement : la coalition au pouvoir peut se mettre au travail.

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80 ÉLECTIONS 2012 GUERRE DES CHEFS PLANÉTAIRE Élections en France, aux États-Unis et en Russie, congrès du PC chinois… Le monde va changer !

136 ÉCONOMIE POURQUOI LES FRANCOPHONES SONT À LA TRAÎNE Manque d’infrastructures, culture d’entreprise moins développée, carences de la gouvernance…

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BANDE DESSINÉE LES CASES DU SIÈCLE Réservées aux enfants, les bandes dessinées ? Grossière erreur ! Les événements politiques présents et passés inspirent désormais les meilleurs auteurs.

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AFRIQUE SUBS A H A R I E N N E

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L E PL U S D E J EU N E A F RIQ U E

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Bénin Boni Yayi II ou l’éloge de la rigueur

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Sénégal Interview d’Idrissa Seck, candidat à la présidentielle 2012 Hommage Adieu, Cesaria. Que la terre te soit légère ! RD Congo Crise de foi 57 bis, rue d’Auteuil Lassana Palenfo, président du Comité national olympique de Côte d’Ivoire Mali « Zorro » est arrivé… Société Albinos stories

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MAGHREB & M OYE N - O R I E N T

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Tunisie Ménage à trois Opinion Israël et le Printemps arabe Maroc Une élite peut en cacher une autre Algérie À quoi sert donc l’Assemblée ? Chrétiens d’Égypte Moral en berne

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EUROPE, AMÉR I Q U E S, ASIE

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2012, année de tous les dangers électoraux Guerre des chefs planétaire spécial 8 pages Parcours Ben Andriamaitso, champion de scratch

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JEUNE AFRIQUE

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ÉC O N O M IE Développement Pourquoi les francophones sont à la traîne spécial 8 pages Interview Ridha Saïdi, ministre tunisien chargé des questions économiques Matières premières Ecobank veut tirer parti de la crise européenne Tunisie Vitalait s’hispanise Baromètre L E D O SSIER Pétrole et gaz L’avenir est au fond de la mer C U LT U RE & M ÉD IA S Bande dessinée Les cases du siècle spécial 8 pages VOUS & NOUS Le courrier des lecteurs Post-scriptum

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Libye Seif el-Islam commence à parler

EYEPRESS/LIBYAN TV/AFP

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EIF ELISLAM KADDAFI VA MIEUX. Soigné par un médecin, il est correctement traité et nourri, mais réclame un avocat et… un poste de télévision. Ces informations émanant d’un enquêteur de l’ONG Human Rights Watch (HRW) qui a pu s’entretenir avec le fils de l’ancien dictateur libyen dans sa résidence surveillée de Zintan, le 18 décembre, viennent démentir les nouvelles alarmistes selon lesquelles il souffrirait d’un début de gangrène, à la suite d’une grave blessure à la main droite subie lors d’un raid de l’Otan sur Bani Walid, fin octobre. Arrêté le 19 novembre non loin de la localité d’Obari, dans le Sud, où il se rendait, dit-il, pour y subir une opération, Seif el-Islam sera transféré à Tripoli dès qu’un lieu de détention sûr aura été aménagé pour l’accueillir, selon les autorités. Ces dernières, qui se disent déterminées à le juger en Libye, ont promis à la Cour pénale internationale de lui fournir toutes les garanties en ce sens d’ici au 10 janvier. Lors de sa conversation avec HRW, le fils Kaddafi a par ailleurs fourni une pré LE FILS DU DÉFUNT « GUIDE » filmé par la télévision cision intéressante : libyenne après son arrestation, le 19 novembre. la villa de Tripoli dans laquelle son frère Seif el-Arab a été tué par un missile de l’Otan, en avril, était utilisée comme lieu de rendez-vous secret entre Kaddafi et Moussa Koussa, son ministre des Affaires étrangères. Le « Guide » s’y trouvait encore quinze minutes avant le début du bombardement. Quand on sait que Koussa est « passé à l’ennemi » peu de temps après et que d’aucuns le soupçonnent d’avoir, depuis longtemps, servi d’informateur aux services occidentaux, il est tentant de faire de lui la « gorge profonde » qui a guidé le tir. C’est en tout cas ce que suggère Seif el-Islam. ● N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

UNION AFRICAINE MAIS SI, LE GABON SOUTIENT PING !

Parce que certains doutaient de la réalité de leur soutien à Jean Ping, président de la Commission de l’Union africaine et candidat à un deuxième mandat, les autorités gabonaises se sont fendues, fin décembre, d’un communiqué pourappuyersacandidature.Il semble que, dès le mois d’août, elles aient adressé un courrier à la Guinée équatoriale pour l’informer de leur position. Depuis, des émissaires ont été dépêchés dans plusieurs capitales africaines afin de solliciter le soutien des chefs d’État et des organisations sous-régionales. Quant au président Ali Bongo Ondimba, il a personnellement écrit à ses pairs. LE CHIFFRE QUI ÉDIFIE

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C’est le budget milliards alloué par les de dollars autorités algériennes à la modernisation de la capitale… qui en a certes bien besoin. Au programme : réfection du réseau routier, aménagement des plages, prolongation du métro et du tramway, construction de logements sociaux, etc.

TUNISIE MABROUK, PAR LA GRANDE PORTE

Un an après la révolution, le groupe tunisien Mabrouk revient sur le devant de la scène. En Algérie, il récupérera le 1er janvier la gestion d’une biscuiterie à Rouiba, qu’il codétient avec Kraft Food, le géant de l’alimentaire. En Tunisie, l’hypermarché Géant, dont la reconstruction s’achève (coût : 36 millions d’euros), rouvrira ses portes début janvier. Mais Ismaïl Mabrouk attend surtout avec impatience le basculement, le 31 décembre, de la Banque JEUNE AFRIQUE


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Politique, économie, culture & société

Boualem Kadi, celle-ci sera opérationnelle à partir du 1er janvier et comptera à la fin de l’année une dizaine de consultants. Michael Page réalise plus de 120 recrutements par an au Maroc, soit entre 15 % et 20 % de son chiffre d’affaires Afrique. Outre le recrutement de dirigeants, sa filiale s’attaquera au marché dumanagementintermédiaire et compte tripler son chiffre d’affaires en trois ans.

RD Congo Tous les chemins mènent à Paris C’EST CE QU’ON APPELLE un marquage à la culotte ! Joseph Kabila, le président congolais, et ÉtienneTshisekedi, le « président élu », ont l’un et l’autre envoyé des délégations à Paris et à Bruxelles entre les 17 et 23 décembre. Côté Kabila, étaient du voyage dans la capitale française : Séraphin Ngwej, Lambert Mende et Kalev Mutond, respectivement conseiller diplomatique du chef de l’État, ministre de la Communication et administrateur de l’Agence nationale de renseignements (ANR). Parmi les responsables rencontrés : André Parant, le chef de la cellule africaine de l’Élysée, Stéphane Gompertz, directeur Afrique au Quai d’Orsay, et Érard Corbin de Mangoux, patron de la DGSE. À noter qu’au cours de son étape parisienne Mende a été pris à partie, le 19 septembre, par des militants de l’UDPS devant l’hôtel Marriott, où il résidait. L’un de ses gardes du corps a été blessé. Le ministre a alors bénéficié d’une protection policière rapprochée et a changé d’hôtel. Au même moment, l’équipeTshisekedi, emmenée notamment par FélixTshisekedi et Samy Badibanga, respectivement fils et proche collaborateur du président de l’UDPS, a eu des entretiens avec Parant et un membre du cabinet d’Alain Juppé, le ministre des Affaires étrangères. ●

internationalearabedeTunisie (Biat) sur un nouveau système d’information fourni par le groupe suisse Temenos.

JEUNE AFRIQUE

MAROC RENAULT MONTE EN PUISSANCE

À Tanger, la nouvelle grande usine marocaine du constructeur français, dont les premiers véhicules seront commercialisés à la fin du premier trimestre de 2012, monte en puissance : mille six cents salariés – sur deux mille – ont

déjà été embauchés. Dirigée par le Turc Tunc Basegmez, elle produira deux modèles de véhicules : le monospace Lodgy, qui sera présenté en mars au salon de Genève, et un petit véhicule utilitaire. RECRUTEMENT MICHAEL PAGE À CASA

Après l’Afrique du Sud en 2006, le cabinet Michael Page, dont le siège est à Paris, ouvre une deuxième filiale africaine, à Casablanca. Dirigée par

L’eurodéputé Vincent Peillon, Youssef Amrani, secrétaire général de l’Union pour la Méditerranée, et André A zoulay, cons eiller de Mohammed VI, animeront une conférence le 10 janvier à Bruxelles afin de faire pression sur l’Union européenne. En dépit des engagements pris, les programmes d’échange d’étudiants avec la rive sud de la Méditerranée restent très faibles et ne bénéficient qu’à une élite. Les organisateurs sont favorables au lancement de programmes permettant aux jeunes diplômés du Sud d’acquérir une expérience professionnelle à l’étranger.

LES DESSOUS D’UNE NOMINATION

Thierry Tanoh à Ecobank

VINCENT FOURNIER/J.A.

JUSTICE UN COLLECTIF D’AVOCATS POUR GBAGBO La défense de Laurent Gbagbo devant la Cour pénale internationale (CPI) s’organise. Avocat principal de l’ancien président ivoirien, le Français Emmanuel Altit a convié deux confrères, l’Ivoirienne Agathe Baroan et le Britannique David Hooper, à rejoindre le collectif accrédité auprès de la juridiction internationale. Altit et Hooper n’en sont pas à leur première collaboration : en 2009, ils avaient défendu conjointement Hormisdas Nsengimana, un prêtre catholique accusé de complicité de génocide devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda, et avaient obtenu son acquittement. L’avocat britannique est également le défenseur devant la CPI du Congolais Germain Katanga, un ancien chef de milice accusé de crimes

de guerre et, comme Gbagbo, incarcéré à la prison de Scheveningen.

UNION EUROPÉENNE ET LES ÉTUDIANTS DU SUD ?

LA NOMINATION, LE 23 DÉCEMBRE, de Thierry Tanoh, vice-président de la Société financière internationale (qui dépend de la Banque mondiale), au poste de directeur général d’Ecobank Transnational Incorporated (ETI) a surpris à l’extérieur. Son nom circulait pourtant avec insistance dans les couloirs de l’institution… Le groupe, qui travaille depuis deux ans à trouver un successeur à Arnold Ekpe, dont le mandat arrivera à échéance en décembre 2012, avait fait appel à un cabinet indépendant de chasseurs de têtes. Avec une obligation : dénicher un Africain francophone compétent afin de respecter l’alternance avec les anglophones. Il était donc clair pour les cadres d’Ecobank qu’il n’y aurait pas de promotion interne. Diplômé de Harvard, Thierry Tanoh entrera en fonction en juillet 2012 mais ne prendra les rênes du groupe que début 2013. Quatre jours avant l’officialisation de sa nomination, il a été reçu par le président Alassane Ouattara afin de l’informer de son départ de la SFI – laquelle détient d’ailleurs 12 % du capital d’Ecobank. N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012


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La semaine de Jeune Afrique

RD CONGO

Le casse-

Pour l’investiture du président sortant, le 20 décembre, les chefs d’État étrangers – y compris africains – se sont fait porter pâle. Mais, s’ils déplorent les irrégularités du scrutin, les Occidentaux évitent de souffler sur les braises. CHRISTOPHE BOISBOUVIER

À

croire qu’ils s’étaient donné le mot… Le 20 décembre, aucun chef d’État d’un pays voisin n’est venu à Kinshasa pour assister à l’investiture de Joseph Kabila. En 2006, pour la même cérémonie, ils étaient tous là, ou presque : Sassou Nguesso (Congo), Bozizé (Centrafrique), Museveni (Ouganda), Nkurunziza (Burundi), Kikwete (Tanzanie), dos Santos (Angola). Le SudAfricainMbekietleGabonaisOmarBongoOndimba étaient aussi de la fête. Cette année, ils ont délégué leur Premier ministre ou l’un de leurs ministres. Seul le Zimbabwéen Robert Mugabe, vieil allié de la famille Kabila, a fait le déplacement. Pourquoi tant d’absents ? « Parce que l’élection présidentielle du 28 novembre n’est pas crédible, dit l’opposant Vital Kamerhe. Les chefs d’État africains sont prudents. » Se sont-ils vraiment donné le mot ? « Pas nécessairement. Ils ont constaté que les Américains et les Européens ne dépêchaient personne à Kinshasa. Ils en ont tenu compte. » De fait, les pays occidentaux, mais aussi la Chine et la Russie, ont assuré le service minimum. Ils ne se sont fait représenter que par leurs ambassadeurs sur place. Même la Belgique a renoncé à envoyer une délégation. Réaction de Lambert Mende, le ministre congolais de la Communication : « Si les Belges ne viennent pas, qu’est-ce que vous voulez que ça nous fasse ? Nous nous contentons de leur ambassadeur. De toute façon, la RD Congo n’a pas fait des élections pour faire plaisir à la Belgique, mais pour démontrer la volonté du peuple congolais. Et cette volonté, c’est que Joseph Kabila prenne les choses en main. » À l’origine de cette grande bouderie internationale, il y a bien sûr les rapports très critiques des observateurs de l’Union européenne et du Centre Carter sur le scrutin. D’ailleurs, la France s’appuie ouvertement sur ces travaux pour « déplorer vivement de graves irrégularités et l’absence de transparence » lors de l’élection. Les États-Unis vont encore plus loin. Hillary Clinton, la secrétaire d’État, se dit « profondément déçue » de la validation des résultats provisoires par la Cour suprême.

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Ì JOSEPH KABILA prête serment, à Kinshasa, le 20 décembre.

Au Capitole, le démocrate Christopher Coons, qui préside la sous-commission africaine du Sénat, se dit très inquiet des risques de dérapages au Congo. John McCain, son collègue républicain, est tout aussi dubitatif. Le jour du vote, Cindy McCain, l’épouse de l’ex-rival de Barack Obama, dirigeait une mission d’observateurs à Goma. Autre raison – moins avouable, celle-là – de la grande retenue de tous les partenaires du Congo : la peur du chaos. Sur place, tous les ambassadeurs savent que la popularité de l’opposant Étienne Tshisekedi complique beaucoup la tâche de Joseph Kabila. Dans une note confidentielle rédigée peu avant l’investiture, un diplomate africain en poste au Congo se risquait ainsi à un pronostic pour le moins alarmiste: « Soit Kabila garde le contrôle de Kinshasa au prix d’une répression, soit il se replie au Katanga, ce qui peut provoquer une nouvelle guerre civile. » Le 18 décembre, quand Tshisekedi s’est autoproclamé président élu « Nous n’avons pas fait et a appelé les forces de l’ordre à « arrêter Kabila » (il a prêté serdes élections pour faire ment à son propre domicile, le plaisir à la Belgique. » 23, faute d’avoir pu se rendre au stade des Martyrs), beaucoup de LAMBERT MENDE chefs d’État ont donc estimé que ce n’était pas le moment de descendre dans l’arène congolaise. PROFIL BAS. Comment sortir de l’impasse ? Les deux principaux adversaires de Joseph Kabila, Étienne Tshisekedi et Vital Kamerhe, proposent que la communauté internationale aide à mettre sur pied une « commission d’évaluation » des résultats de la présidentielle. Tout serait passé au crible: la JEUNE AFRIQUE


PHOTOS : GWENN DUBOURTHOUMIEU

-tête Kabila

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liste électorale, les votes par dérogation et, bien entendu, le comptage des bulletins. « Nous avons besoin de cette commission pour recompter les voix », affirme Kamerhe. De leur côté, trois ONG américaines, International Crisis Group, Enough Project et Eastern Congo Initiative, avancent l’idée d’une médiation internationale. Les deux suggestionsserejoignent…MaislecampKabilaneveutpas en entendre parler. Et, du coup, les grandes capitales occidentales font profil bas. « Le recomptage des voix de la présidentielle, ce n’est pas possible, confie un diplomate de haut rang, à Paris. En revanche, la France demande un dépouillement moins calamiteux des législatives [qui ont eu lieu le même jour que la présidentielle, NDLR]. » À Kinshasa, Kabila semble prêt à faire cette dernière concession. Le 22 décembre, dans la plupart des 169 centres de compilation, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) du très controversé pasteur Ngoy Mulunda a annoncé qu’elle cessait de compter les bulletins des législatives en attendant la mise en place d’une aide technique internationale. Réplique immédiate JEUNE AFRIQUE

L’ACCÈS DU STADE DES MARTYRS bloqué par les forces de l’ordre, le 23 décembre. L’opposant Étienne Tshisekedi a prêté serment à son domicile, dans le quartier de Limete.

de Kamerhe : « Les législatives et la présidentielle ont eu lieu le même jour dans les mêmes bureaux de vote. Si l’on accepte l’aide des experts internationaux pour compter les voix des législatives, pourquoi la refuser quand il faut compter les voix de la présidentielle ? » « CALAMITEUSE ». Cette contradiction en dit long

sur l’embarras des Occidentaux. Ils savent que la réélection de Joseph Kabila a été « calamiteuse », comme le concède notre diplomate français. Mais ils ne veulent pas rebattre les cartes. « Il y a trop de risques de conflit armé », disent les uns. « Tshisekedi n’est pas fréquentable, il n’est pas Ouattara », lancent les autres. À Bruxelles, Paris et Washington, on se prend à rêver : « Si le dépouillement des législatives est transparent, l’opposition sera peut-être majoritaire dans la prochaine Assemblée. Kabila sera alors forcé de cohabiter avec un Premier ministre qui l’obligera à une meilleure gouvernance. » C’est le scénario du Kenya ou du Zimbabwe. Pas sûr que les millions de CongolaisquiontvotéTshisekedisoientd’accord… ● N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012


La semaine de J.A. Les gens ð KIM JONG-UN (la main sur la rampe), entouré de plusieurs personnalités, dont sa tante, KIM KYONG-HUI (devant lui), et le mari de celle-ci, l’ex-général CHANG SONG-TAEK (en veste grise, tête nue), dans un centre commercial de Pyongyang, en 2011.

AP PHOTO/KOREAN CENTRAL NEWS AGENCY VIA KOREA NEWS SERVICE

12

Kim Jong-un « Grand héritier » sous tutelle Encore un peu tendre, le nouveau maître de la Corée du Nord sera chaperonné par une véritable régence mise en place par son père, Kim Jong-il, décédé le 17 décembre.

I

l a 28 ans, le visage poupin, et sa coupe de cheveux, baptisée « coupe de l’ambition » – tonsure très haute au-dessus des oreilles et raie au milieu –, fait un tabac dans son pays. Il a fait ses études près de Berne, parle le coréen, l’anglais, l’allemand, le patois bernois et un peu le français. Selon un de ses anciens camarades de classe, le jeune lycéen, jugé alors « cool mais réservé », aimait sa Playstation, le basket-ball, le groupe Modern Talking, Jackie Chan et une jolie petite amie qui l’attendait « au pays ». Un jeune homme comme les autres, somme toute, s’il ne s’agissait de Kim Jong-un, fils du maître de la Corée du Nord, Kim Jong-il, décédé le 17 décembre d’une crise cardiaque. Fils d’une danseuse née au Japon, Kim Jong-un est le cadet d’une fratrie de trois enfants: il a un frère aîné, Jong-chul, et une petite sœur, mais aussi, nés des unions successives de leur père, trois demi-sœurs

et un demi-frère. Ce dernier, Jong-nam, avait longtemps fait figure de favori pour la succession, jusqu’à ce qu’il perde les faveurs paternelles après son arrestation au Japon, en 2001, pour détention d’un faux passeport portoricain. Et même à Pyongyang,lesNord-Coréensignorenttout de ce « prince de l’étoile du matin », surnom de Kim Jong-un adolescent, promu en 2009 « camarade brillant », avant de devenir aujourd’hui officiellement le « grand héritier ». TRIUMVIRAT. « Notre nouveau dirigeant

est très beau, avec un visage bon et intelligent, comme son grand-père, Kim Il-sung, le père de la nation », confie, entre deux sanglots, la secrétaire d’une délégation nord-coréenne en Europe. À la différence de Kim Jong-il, vêtu d’une éternelle saharienne militaire, Kim Jong-un porte d’ailleurs une veste Sun Yat-sen sombre,

comme Kim Il-sung. Un détail qui n’a rien de fortuit, car, si les Nord-Coréens savent se montrer critiques à l’encontre de Kim Jong-il, tous sont nostalgiques des années Kim Il-sung, sincèrement aimé. La ressemblance est si frappante qu’à Séoul le bruit court que Kim Jong-un aurait subi plusieurs opérations esthétiques. Contrairement à Kim Jong-il, qui avait eu près de dix années de rodage aux côtés de son propre père, le jeune Kim n’aura guère eu le temps de s’accoutumer à ses nouvelles fonctions. Mais s’il n’a guère d’expérience hormis quelquesvoyagesdiplomatiquesenChine, son curriculum vitæ demeure prestigieux: études d’informatique à Pyongyang, puis double cursus de physique à l’université Kim Il-sung et à l’académie militaire du même nom. Pas assez pourtant pour gouverner. C’est donc au couple formé par sa sœur, Kim Kyong-hui, une brillante économiste, et son époux, l’ex-général Chang Song-taek, que Kim Jong-il, prévoyant, avait, depuis plusieurs années déjà, confié la mission de former leur neveu. Le retour sur le devant de la scène du clan Chang, longtemps demeuré en disgrâce, assure en outre au nouveau maître de Pyongyang le soutien de l’armée et l’assurancequelepouvoirnebasculerapas auxmainsdelabrancherivaledelafamille, issue de la seconde épouse de Kim Il-sung. C’estdoncunevéritablerégence,secondée par le général Ri Yong-ho, chef de l’étatmajor interarmées, que Kim Jong-il a mise en place afin d’assurer la transition du pouvoir pendant les trois années de deuil réglementaires. Un triumvirat finalement dans la droite ligne de l’histoire du pays. ● JULIETTE MORILLOT

NOMINATIONS

MEHDI QOTBI MAROC L’artiste peintre a été nommé par le roi Mohammed VI président de la Fondation nationale des musées, le 19 décembre.

N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

NDIAYE BAH MALI L’ex-ministre malien de l’Artisanat et duTourisme a été nommé, le 14 décembre, à la tête du conseil d’administration de la Banque de l’habitat du Mali (BHM-SA).

JEUNE AFRIQUE


EN HAUSSE

13

YAYA TOURÉ

Mohamed Abdelaziz Jusqu’au dernier Sahraoui

Le milieu de terrain ivoirien de Manchester City, âgé de 28 ans, a été sacré footballeur africain de l’année par la Confédération africaine de football (CAF), le 22 décembre, à Accra.

Candidat unique à sa succession, le secrétaire général du Polisario a été réélu à 96 %… pour un onzième mandat.

ABDOULAYE DIOP Le mensuel international The Banker, édité par le groupe FinancialTimes, a décerné, le 19 décembre, au ministre sénégalais de l’Économie et des Finances le prix du meilleur ministre des Finances d’Afrique, édition 2012.

L

e Guinness des records devrait s’en saisir : dans la nuit du 13 au 14 décembre, à Tifariti, quelque part dans le no man’s land qui sépare le mur de défense marocain de la frontière algérienne, Mohamed Abdelaziz, 64 ans, a été réélu pour un… onzième mandat à la tête du Front Polisario. Les quelque 1 600 délégués réunis dans cette localité fantôme à 90 km à l’ouest de Tindouf ont reconduit à 96 % celui qui est leur secrétaire général depuis trente-cinq ans. Inutile de préciser qu’il était l’unique candidat. Un peu gêné peut-être par cette inamovibilité politiquement incorrecte en ces temps de révolutions arabes, celui qui est ipso facto, en vertu de la Constitution, le président de la République arabe sahraouie démocratique (fauteuil qu’il occupe depuis 1982) a tenu à préciser dans un discours de remerciement qu’il aurait, « à titre personnel », souhaité s’effacer. Hélas, les congressistes, manifestement rétifs à l’alternance, en ont décidé autrement. « Je m’incline devant votre choix », a conclu le « líder máximo » du Front. Né à Marrakech, fils d’un sous-officier de l’armée marocaine, ancien étudiant à Rabat, Mohamed Abdelaziz n’a plus remis les pieds dans le royaume depuis 1974, date à laquelle son destin croise celui du fondateur du Polisario, Mustapha El Ouali, auquel il succède en août 1976. Depuis, contre vents et marées, mais avec l’appui constant de ses hôtes algériens, ce Reguibat fait régner dans les camps de réfugiés de Rabbouni une démocratie populaire qui tient beaucoup plus de la résidence surveillée que de la jemaa autogérée. Ni les défections, ni les frondes tribales, ni les intifadas vite réprimées qui agitent régulièrement les tentes de la hamada de Tindouf n’ont eu de prises sur cette excroissance de la guerre froide algéro-marocaine. Abdelaziz, qui a épousé une Sahraouie algérienne (fille d’un élu de Tindouf) et dont deux des frères sont marocains (l’un est avocat à Agadir, l’autre médecin à Casablanca), a fait de la cause indépendantiste l’affaire de sa vie. En 2011, la chute de Kaddafi et l’enlèvement en plein Rabbouni de trois humanitaires européens par les djihadistes d’Al-Qaïda ont quelque peu fragilisé son leadership. Pas suffisamment pourtant pour que se dissipe le microclimat qui, depuis près de quatre décennies, empêche le printemps de souffler sur cette étrange République en exil. ● FRANÇOIS SOUDAN

ZAINAB AL-KHAWAJA Arrêtée le 15 décembre lors d’une manifestation, la blogueuse bahreïnie, 27 ans, proche de l’opposition chiite, a refusé d’être libérée tant que Fathia Abdali Hayat, détenue depuis septembre, resterait en prison. EN BAISSE

KAMAL AL-GANZOURI Le Premier ministre égyptien a nié l’usage de la violence par l’armée sur la place Al-Tahrir et affirmé que les manifestations réclamant son départ étaient menées par des gens qui « ne veulent pas le bien de ce pays ». MATTHIEU NGIRUMPATSE

Ì Lors de la CÉLÉBRATION DE

L’ANNIVERSAIRE

du mouvement indépendantiste, le 27 février 2011, à Tifariti. JEUNE AFRIQUE

JUAN MEDINA/REUTERS

LACOSTE La direction de la maison française de prêt-à-porter a fait retirer l’artiste palestinienne Larissa Sansour de la liste des nominés pour le prix Lacoste Élysée 2011, jugeant son travail « trop propalestinien ». N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

AFP ; REA ; DR ; VINCENT FOURNIER/J.A.

LeTribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a condamné à la prison à vie, le 21 décembre, cet ex-dirigeant hutu pour son rôle dans le génocide de 1994. Quant à Callixte Mbarushimana, la CPI a ordonné sa remise en liberté.


La semaine de J.A. Décryptage

Mauritanie

Cap-Vert

Niger

Mali

Érythrée

Sénégal Gambie Guinée-Bissau

Burkina Faso Guinée

Sierra Leone Liberia

Côte d’Ivoire

Ghana

Tchad

Nigeria

Bénin

Éthiopie

Togo São Tomé e Príncipe

516,47 millions de croyants 62,7 % de la population 23,6 % des chrétiens

dans le monde

Nombre de chrétiens (en millions)

50 10 1

< 0,1

Guinée équatoriale Gabon

Kenya Rwanda

République démocratique du Congo

63,1

Angola

Seychelles Burundi

Zambie

N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

Tanzanie

Malawi

Zimbabwe Namibie

Botswana

Mozambique

Comores

Madagascar

15,4

Maurice Afrique du Sud

40,6

Qu’ils soient catholiques, protestants ou orthodoxes, les Subsahariens représentent près du quart des chrétiens dans le monde.

E

Somalie

Ouganda

Religion Croissez et multipliez n 1910, 1,4 % des chrétiens étaient africains. Un siècle plus tard, ils sont 23,6 %. Telle est l’une des conclusions de l’étude sur le christianisme dans le monde que le Pew Forum, un institut américain qui analyse le poids et l’influence des religions dans la société, a publiée le 20 décembre. S’appuyant sur 2400 sources différentes et un panel d’experts, le Pew Forum a dénombré 516,5 millions de chrétiens en Afrique subsaharienne (sur environ 2,2 milliards dans le monde) en 2010, alors qu’ils n’étaient que 9 millions un siècle auparavant. Le Nigeria (80,5 millions de chrétiens), la RD Congo (63,1 millions)

52,6

Soudan du Sud

Centrafrique

Congo

Estimation de la population chrétienne en Afrique subsaharienne (2010)

Djibouti

80,5 Cameroun

SOURCE : PEW FORUM, DÉCEMBRE 2011

14

et l’Éthiopie (52,6 millions), respectivement aux 6e, 8e et 10e places mondiales, font partie des dix pays qui en comptent le plus, les deux premiers rangs étant occupés par les États-Unis (247 millions) et le Brésil (176 millions). BERCEAU. La percée des protestants se

confirme: ils représentent 35,9 % des chrétiens subsahariens, les catholiques étant 21,4 % et les orthodoxes 4,9 %. Dans des pays de tradition catholique comme la RD Congo, la Côte d’Ivoire et Madagascar, ils forment déjà le groupe le plus nombreux.MêmeenÉthiopie,oùl’Égliseorthodoxe est implantée depuis le IVe siècle, les

Swaziland Lesotho

protestants progressent fortement depuis les années 1980, atteignant 19,2 % de la population (43,5 % pour les orthodoxes). Le christianisme est aujourd’hui plus vigoureux loin de son berceau. Alors que les premières Églises sont nées au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, seuls 0,6 % des chrétiens sont désormais originaires de ces régions. Les protestants sont deux fois plus nombreux au Nigeria (59,7 millions) qu’en Allemagne, la patrie de Martin Luther. Et les catholiques d’Afrique centrale (51,4 millions) dépassent ceux d’Italie (50,2 millions). Dans un précédent rapport, le Pew Forum faisait aussi état d’une poussée de l’islam subsaharien, qui est passé de 15 % en 1910 à 29 % en 2010. Une progression du monothéisme qui se fait aux dépens des religions traditionnelles, même si ces études ne prennent pas en compte le syncrétisme (mêlant différentes croyances), fort répandu en Afrique. ● CHRISTOPHE LE BEC JEUNE AFRIQUE



La semaine de J.A. Décryptage

16

DR

CALENDRIER PIRELLI 2012 BY MARIO SORRENTI

JEUNEAFRIQUE.COM

VIDÉO

Interview de Nadia el-Fani, réalisatrice tunisienne : « Le projet d’Ennahdha est antidémocratique »

SONDAGE Pour vous, Léopold Sédar Senghor reste avant tout… 1

SONDAGE RÉALISÉ PAR JEUNEAFRIQUE.COM ENTRE LE 15 ET LE 22 DÉCEMBRE 2011. 703 VOTES.

4

2 3

1. Un homme de lettres qui a beaucoup fait pour l’Afrique et l’homme noir 33,84 % 2. Le père de l’indépendance sénégalaise 8,40 % % 3. Un président et un intellectuel trop occidentalisé 47,09 % 4. Un homme politique qui a freiné la naissance du multipartisme sénégalais 10,67 % CETTE SEMAINE :

Que pensez-vous des critiques du président tunisien Moncef Marzouki à l’encontre de la politique française dans le monde arabe ?

LA BELLE MILLA JOVOVICH sous l’objectif de Mario Sorrenti.

Calendrier Pirelli Les douze émois de l’année DANS LA CHALEUR VIBRANTE de l’été corse, les cigales craquettent d’étonnement. Sous l’objectif du photographe, la belle Milla Jovovich, qu’on ne présente plus, s’alanguit. Atmosphère rustique chic, on est chez les happy few. Après Richard Avedon (1995, 1997), Annie Leibovitz (2000), Karl Lagerfeld (2011) et bien d’autres depuis 1964, Pirelli, le fabricant italien de pneumatiques,

a confié la conception et la réalisation de son calendrier 2012 au New-Yorkais (d’origine napolitaine) Mario Sorrenti. Il y a des arbres, beaucoup d’arbres, des rochers magnifiques, et des filles, beaucoup de filles qui ne le sont pas moins. Titre de l’ouvrage : Swoon, qu’on pourrait traduire par « extase » ou « pâmoison ». Il y a des choses pires dans la vie, non ? ● J.-M.A.

Congo-Brazza Pointe de vitesse LES 160 KM QUI SÉPARENT POINTENOIRE, la capitale économique du Congo, de Dolisie, troisième ville du pays, ne seront plus un parcours du combattant pour les usagers. Le 22 décembre, ce tronçon de la route nationale n° 1 Brazzaville - PointeNoire (545 km, destinée à rejoindre la route nationale n° 2, dans le Nord) est entré en service. Taillé dans le massif du Mayombe, il permettra de relier Dolisie à PointeNoire en deux heures. Construit en quatre ans, cet ouvrage, fruit de la coopération sino-congolaise, a été réalisé par la China State Construction and Equipment Corporation pour un coût de plus de 299 milliards de F CFA (455,8 millions d’euros). Quelque 2 746 Congolais et 1 027 Chinois ont été employés. Le contrôle des travaux a été assuré par la société française EGIS International. La gestion de cette route, qui sera dotée de deux postes de péage, sera confiée à des sociétés privées, selon Jean-Jacques Bouya, délégué général aux Grands Travaux. Le même jour, le président Denis Sassou Nguesso a donné le premier coup de pioche du tronçon Dolisie-Brazzaville, long de 385 km. Le coût final de ce projet est estimé à plus de 665 milliards de F CFA (1 milliard d’euros), alors que les prestations de contrôle pourraient dépasser les 10 milliards de F CFA initialement prévus. Les travaux devraient être achevés en 2015. ● TSHITENGE LUBABU M.K., envoyé spécial à Pointe-Noire

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JEUNE AFRIQUE


Destination

GUINÉE ÉQUATORIALE

investir au coeur du Golfe de Guinée Une situation unique en Afrique Centrale. Un potentiel pétrolier et gazier exceptionnel.

© Les Éditions du Jaguar - R. Vandermeeren

Les plus grands projets d’infrastructures de la sous-région. Des marchés en pleine croissance dans les secteurs de l’agro-industrie, de la construction, de l’immobilier, de la finance, des transports et du tourisme.

Destination GUINÉE ÉQUATORIALE


La semaine de J.A. Décryptage

Médias Atlas du danger Agressions, arrestations, assassinats… Les journalistes n’ont pas été épargnés en 2011. Reporters sans frontières a établi une liste des dix endroits les plus à risque.

A

vec le Printemps arabe, un vent de liberté et de démocratie a soufflé sur 2011. Pourtant, la presse a vécu des heures sombres. Soixante-six journalistes ont été tués et un millier arrêtés, des chiffres en hausse par rapport à 2010 (57 morts et 535 interpellés). Danssonrapportpubliéle21décembre, Reporters sans frontières (RSF) a recensé, pour la première fois, les dix lieux les plus dangereux au monde pour les professionnels de l’information au cours de l’année écoulée. Ainsi, Manama (Bahreïn), Abidjan (Côte d’Ivoire), la place Al-Tahrir au Caire (Égypte), Misrata (Libye), l’État de Veracruz (Mexique), le district de Khuzdar (sud du Pakistan), les zones métropolitaines de Manille, de Cebu et de Cagayan de Oro (Philippines), Mogadiscio (Somalie), Deraa, Homs et Damas (Syrie) et la place du Changement à Sanaa (Yémen) ont été le théâtre d’agressions, d’arrestations, voire d’assassinats

CHRIS HONDROS/GETTY IMAGES

18

À MISRATA, EN LIBYE, le 20 avril. C’est l’une des dernières photos de l’Américain Chris Hondros, tué le même jour dans les combats.

de journalistes. RSF a donné sa liste dans l’ordre alphabétique, refusant de classer ces lieux par degré de dangerosité. Le Moyen-Orient, cœur des révoltes arabes, est la région du monde qui compte le plus de tués (20 au total), suivie de près par l’Amérique latine, très exposée à la violence et à l’insécurité, notamment avec le trafic de drogue. Parmi les pays, le Pakistan détient le sinistre record des journalistes tués, la plupart assassinés. La Chine, l’Iran et l’Érythrée sont ceux qui les emprisonnent le plus. VIOLS. En Syrie, les correspondants

étrangers ont été expulsés et les autres se sont vu refuser un visa, tandis que sur

la place Al-Tahrir, au Caire, les femmes ont été particulièrement exposées à des viols ou à des agressions sexuelles. Enfin, à Abidjan, au début du mois d’avril, au plus fort des combats opposant les partisans de Gbagbo et ceux de Ouattara, les conditions de sécurité des journalistes se sont gravement détériorées. Surtout, une nouvelle tendance se dessine dans ce rapport : la répression des internautes et des blogueurs, nouveaux acteurs de la sphère médiatique, en particulier dans la mobilisation de la rue. En 2011, 5 d’entre eux ont été tués, 199 arrêtés, 62 agressés, et 68 pays pratiquent la censure du Net. ●

LE DESSIN DE LA SEMAINE

MARIE VILLACÈQUE

Glez FRANCE BONNES FÊTES, RAMA !

Rama Yade va de déboire en déboire ! D’abord, Jean-Louis Borloo, patron du Parti radical, sur qui elle avait placé tous ses espoirs, n’est pas candidat à la présidentielle. Ensuite, elle est accusée de plagiat. Et la voici maintenant radiée des listes électorales de Colombes (Hauts-de-Seine), la commune où elle est élue et dont elle souhaite briguer la circonscription aux législatives de juin 2012, au motif qu’elle aurait menti sur sa domiciliation. Alors qu’elle crie au « complot », une enquête a été ouverte le 22 décembre.

N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

JEUNE AFRIQUE



La semaine de J.A. Décryptage

TIPHAINE SAINT-CRIQ

20

Gabon Tous gagnants?

L’UNION DU PEUPLE GABONAIS en campagne, près de Ndendé, le 9 décembre.

Au lendemain des législatives, les deux camps crient victoire. Le parti présidentiel, parce qu’il a remporté l’écrasante majorité des sièges ; l’opposition, car elle estime que son appel au boycott a été suivi.

locales. En 2009, le taux était de 44 % lors de la présidentielle… » Les partisans du boycott répliquent que les leaders de l’opposition ou des partis alliés qui ont été battus, comme PierreClaver Maganga Moussavou (Mouila), Jean-Valentin Léyama (Moanda), LouisGaston Mayila (Fougamou), Séraphin Ndaot Rembogo (Port-Gentil) ou Paul MbaAbessole(Kango),ontétésanctionnés pour avoir accepté de participer à une élection sans biométrie ni garanties de transparence.

U

n fait est accepté par tous : le Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir) est crédité de 114 sièges sur les 120 que compte l’Assemblée nationale. Avec ses alliés du Rassemblement pour le Gabon (deux élus) et du Centre des libéraux réformateurs (un député), la majorité compte désormais 117 sièges à la Chambre haute. Pour le reste, la classe politique ne s’accorde sur rien. Chaque camp interprète à sa manière le déroulement et l’issue des législatives du 17 décembre. Pour le parti présidentiel, les urnes ont parlé. La majorité absolue lui donne les coudées franches pour appliquer le programme d’Ali Bongo Ondimba, élu en août 2009. La victoire a même une saveur particulière : n’avait-on pas prédit au président une défaite électorale et une humiliante cohabitation avec ses anciens amis de l’ex-Union nationale, résolus à lui couper les ailes ? Même si elle est reconnue par la Commission électorale nationale autonome et permanente (Cenap), la faible participation (34,28 %) n’entache ni la régularité du scrutin ni la légitimité des élus, se convainc-t-on au PDG. N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

En face, ses adversaires, tout en contestant la régularité de l’élection, sont eux aussi paradoxalement satisfaits de l’écrasante majorité obtenue par le PDG. « Ils sont tombés dans le piège. La nature du régime est celle d’un parti unique, qui ne tolère aucun contre-pouvoir », raillent les activistes de la société civile. Le jour du vote, la coalition regroupant les principaux ténors de l’opposition a refusé de présenter des candidats et appelé la population à « rester à la maison ». « Le mot d’ordre a été respecté, car 90 % [sic] des électeurs [746 000 inscrits, NDLR] n’ont pas voté. Comment ne pas y voir le signe d’un soutien de la population à notre appel au boycott ? », souligne Marc Ona Essangui, l’activiste à l’origine de ce front du refus, qui dénonce « un recul démocratique sans précédent avec la mise en place d’une Assemblée nationale de type soviétique ». Jean-François Ndongou, le ministre de l’Intérieur, soutient, lui, que la faiblesse de la participation n’a rien à voir avec le boycott : « Le taux de participation est relativement le même depuis 1996. On ne dépasse pas les 40 % lors des élections

DIALOGUE. Pour faire voter les projets de

loi élaborés par le gouvernement, le PDG n’a plus besoin d’alliés. C’est le principal avantage que cette formation tire de sa large victoire. De son côté, la société civile propose l’ouverture d’un dialogue avec le pouvoir. « Il n’est pas question d’aller quémander des postes, précise Marc Ona. Nous voulons discuter de réforme des institutions, de transparence électorale… » Mais il n’est pas sûr que ce genre de discussions soit une priorité pour Ali Bongo. Des pourparlers tenus pendant de longs mois avec feu Pierre Mamboundou n’ont abouti à rien. Et puis, le président a toujours affiché son horreur des marchandages et des compromissions. Mais pourquoi s’interdire les compromis ? ● GEORGES DOUGUELI, envoyé spécial à Libreville JEUNE AFRIQUE


12-14 octobre 2012

XIVe Sommet de la Francophonie à Kinshasa (RDC)

Francophonie, enjeux environnementaux et économiques face à la gouvernance mondiale

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DU COMMERCE MONDIAL

Production : OIF (Direction de la communication et du partenariat) Conception et création : LUCIOLE • décembre 2011

+ DE DÉVELOPPEMENT


ILS ONT DIT

22

«

ABDELILAH BENKIRANE Chef du gouvernement marocain

« Les Qataris ne vont pas s’excuser matin, midi et soir d’être les habitants les plus riches du monde ! Les Luxembourgeois sont presque aussi fortunés, mais eux, ils ne font rien de leur argent. » DAH OULD ABDI Ancien ministre mauritanien des Affaires étrangères

« Mon arbre généalogique montre que je suis le descendant de Vlad l’Empaleur, alias Dracula. » CHARLES D’ANGLETERRE

«

Le salaire de David Beckham est choquant. À son âge et avec l’état de ses genoux, il va vendre des tee-shirts, c’est tout. » EVA JOLY Candidate écologiste à l’élection présidentielle française (commentant le transfert du footballeur britannique au PSG)

MARK GARTEN/UN PHOTO ; DR

« J’ai le meilleur job dans cette maison, et j’en suis parfaitement consciente… J’ai beaucoup plus de libertés que Barack. Et je me sens vraiment bien. » MICHELLE OBAMA Épouse du président des États-Unis N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

ABOU

Ne comptez pas sur moi pour vérifier la longueur des jupes des femmes ! Dieu a créé l’être humain libre. » LES PRÉSIDENTS Guelleh et Sarkozy ont signé, le 21 décembre, un traité de défense qui tranche avec celui de 1977.

Djibouti-France Partenaires sur de nouvelles bases APRÈS DE LONGS MOIS de négociations, Djibouti et Paris ont enfin dépoussiéré leur accord de défense. Le 21 décembre, au palais de l’Élysée, le président Ismaïl Omar Guelleh a signé avec son homologue français, Nicolas Sarkozy, un nouveau traité de coopération militaire. « L’esprit de l’accord qui nous liait depuis 1977 a changé, explique un proche du chef de l’État djiboutien. Il s’agit d’un véritable partenariat et non plus d’un protectorat. » Le traité version 2011 est expurgé de ses clauses secrètes. Et la présence de la France se veut avant tout dissuasive. « Lorsque l’Érythrée nous a attaqués, les Français n’ont pas voulu intervenir, ce que nous avons pu comprendre, poursuit-on du côté djiboutien. Maintenant, ils vont former nos soldats. » Le loyer annuel de la base (30 millions d’euros) ne change pas, Djibouti n’ayant jamais, contrairement à certaines rumeurs, demandé

d’augmentation. Avant d’être publié intégralement, le texte sera soumis à l’approbation du Parlement français. Avec le départ de sept cents soldats en 2010, le dispositif militaire français à Djibouti avait déjà été allégé, mais il demeure, avec 2100 hommes, le plus important de Paris sur le continent. Situé entre la mer Rouge et l’océan Indien, le pays est un point d’appui idéal dans la lutte contre la piraterie et le terrorisme : d’ailleurs, Djibouti héberge aussi deux autres bases, l’une américaine, l’autre japonaise. Le nouveau traité s’inscrit dans le cadre de la révision des accords de coopération militaire liant la France à ses anciennes colonies africaines, promise par Sarkozy en 2008. C’est chose faite avec le Togo et le Cameroun depuis 2009, avec le Gabon, le Sénégal, la Centrafrique et les Comores depuis 2010, et des négociations sont en cours avec le Tchad et la Côte d’Ivoire. ● JUSTINE SPIEGEL

Libye Dinars made in Europe DE NOUVEAUX BILLETS de 1, 5 et 10 dinars entrent en circulation au début de 2012. Fabriqués au Royaume-Uni et en France, ils remplaceront progressivement ceux de l’ère Kaddafi, notamment celui de 1 dinar à l’effigie du dictateur déchu. Signe des temps, ils sont frappés d’un insigne à la gloire de la révolution du 17 février et représentent des symboles consensuels : peintures rupestres, ruines romaines ou médina de Tripoli. Pour la première fois, la monnaie est bilingue, frappée en arabe et en anglais. Elle vient à point nommé rétablir de la liquidité dans un système monétaire perturbé par la guerre et donner des marges de manœuvre financières au gouvernement, confronté à la grogne des fonctionnaires. ● YOUSSEF AÏT AKDIM JEUNE AFRIQUE


« Maghreb-Orient Express »

« Tendance A »

« Histoires drôles et drôles de gens »

BELLES FÊTES SUR « Afrique en scène »

Crédits photos : Florent Benard - Cathy Thiam - Cameroun Spectacles - Brigitte Baudesson Ça vous play productions - Bernard Yameogo - Kilaohm - Thinkstock

« Tour du Faso »

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« Noces croisées »

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La semaine de J.A. Décryptage

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CHARLES PLATIAU/REUTERS

ð MANIFESTATION DE TURCS de France brandissant leur carte d’électeur devant le PalaisBourbon, à Paris, le 22 décembre.

Turquie-France Toute une Histoire L’adoption, par l’Assemblée nationale française, d’une loi pénalisant la négation du génocide arménien provoque la fureur d’Ankara.

R

ecep Tayyip Erdogan n’y est pas allé par quatre chemins. Après que les députés français ont adopté, le 22 décembre, une proposition de loi sanctionnant d’un an de prison et de 45 000 euros d’amende toute personne qui nierait l’existence d’un génocide – en l’occurrence celui des Arméniens (500000 à 1,5 million de morts entre 1915 et 1917), dont Ankara conteste la qualification et l’ampleur –, le Premier ministre turc a renvoyé la France à son propre passé colonial. « Génocidaire », puisqu’il a abouti « à la mort de 15 % de la population algérienne entre 1945 et 1962, et au massacre de plus de 800 000 Rwandais en 1994 ». Cette loi (déjà votée par l’Assemblée nationale en 2006, avant d’être rejetée par le Sénat en mai dernier) ne fait en

réalité que compléter celle du 29 janvier 2001 marquant la reconnaissance du génocide arménien. Mais Erdogan se montre d’autant plus virulent qu’il a le soutien de l’état-major, des principaux partis d’opposition, des milieux d’affaires et même d’éminents représentants de la communauté arménienne de Turquie, qui refusent que cette douloureuse question fasse l’objet d’une exploitation politique. BROUILLE. Dans les jours qui ont précédé

le vote, deux délégations turques, l’une composée de députés, l’autre de représentants du patronat, s’étaient rendues à Paris pour faire pression sur le gouvernement afin qu’il retire ce texte de l’ordre du jour de l’Assemblée, ainsi que sur les députés et sur les patrons français inquiets

des conséquences de cette brouille. Volkan Bozkir, président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée de Turquie, et Osman Korütürk, député d’oppositionetancien ambassadeur en France, avaient notamment rencontré Alain Juppé et Jean-David Levitte, le conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy. Bien que la proposition de loi émane d’une députée UMP des Bouches-duRhône (où vit une importante communauté arménienne) et qu’elle ait aussi été votée par les socialistes, elle passe pour « téléguidée » par le chef de l’État. Les Turcs accusent Sarkozy de chercher les suffrages des 500000 Arméniens de France en vue de la présidentielle de 2012, de complaire aux électeurs du Front national en manifestant une nouvelle fois son hostilité à la candidature d’Ankara à l’Union européenne et – suprême affront – d’avoir refusé de répondre au coup de fil du président Abdullah Gül. Résultat : la Turquie a rappelé son ambassadeur pour consultation et suspendu toute coopération politique et militaire avec la France. Elle souligne aussi que les échanges commerciaux (12 milliards d’euros en 2010) et les 960 entreprises françaises installées en Turquie (parmi lesquelles Renault, Peugeot, Carrefour, Danone, Lafarge, Alcatel, BNP Paribas…) pourraient pâtir de ce coup de froid. Comme en 2001, Ankara n’exclut pas le boycottage de produits français, l’annulation de contrats (Turkish Airlines projette l’achat de plusieurs Airbus) ou l’éviction d’entreprises lors de passations de marchés publics. La bataille n’est pas finie, puisque le Sénat devrait se prononcer à son tour sur ce texte, ce qu’il ne fera probablement pas avant la présidentielle d’avril-mai 2012… ● JOSÉPHINE DEDET

À SUIVRE LA SEMAINE PROCHAINE

1ER-15

JANVIER Rallye Dakar 2012. Départ de Mar del Plata (Argentine) et arrivée à Lima (Pérou), en passant par le Chili: 9000 km en quatorze étapes, des rives de l’Atlantique à celles du Pacifique. N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

3

ET 10 JANVIER Aux États-Unis, coup d’envoi des primaires du Parti républicain en vue de l’élection présidentielle de 2012 : dans l’Iowa le 3 et dans le New Hampshire le 10.

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JANVIER Centième anniversaire de l’ANC, en Afrique du Sud. Des festivités sont prévues toute l’année, notamment à Bloemfontein (centre du pays), où le mouvement fut créé pour défendre les intérêts de la majorité noire. JEUNE AFRIQUE


"Les causes justes ne se plaident

pas seulement dans les tribunaux."

Benan Khedira Avocate

Lectrice impartiale.

Tous ceux qui font avancer l’Afrique s’y retrouvent. Premier magazine panafricain par sa diffusion et son audience depuis sa création, en 1960, Jeune Afrique est l’hebdomadaire international de référence du continent. Chaque semaine, il propose une couverture objective de l’actualité africaine et internationale ainsi que des pistes de réflexion originales sur les enjeux politiques et économiques de l’Afrique.

www.jeuneafrique.com

Actualité • Analyses • Reportages • Débats


La semaine de J.A. Tour du monde

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SANTÉ

T. NEMEC/ANZENBERGER/ASK

Prothèses suspectes

LE PRÉSIDENT-DRAMATURGE (ET ANCIEN DISSIDENT), au Portugal, en décembre 1990. RÉPUBLIQUE TCHÈQUE

Fin de partie pour Havel

L

«

A VRAIE POLITIQUE, c’est d’être au service du prochain », écrivait Vaclav Havel. Affaibli par la maladie, l’ancien président tchèque s’est éteint dans son sommeil, le 18 décembre. Il avait 75 ans. Tiraillé entre l’écriture et la politique, il avait été propulsé presque par hasard, en 1989, à la tête de la Tchécoslovaquie, puis, après la partition du pays, de la République tchèque (jusqu’en 2003). Il avait réalisé son rêve : ramener son pays au sein de l’Otan et de l’Union européenne. Issu d’une famille influente, il avait refusé l’exil après l’invasion soviétique, en 1968, puis rédigé la Charte 77, un plaidoyer pour les droits de l’homme qui lui valut une longue incarcération. Le dissident-dramaturge reste comme le héros de la « révolution de velours », qui, en 1989, mit fin pacifiquement à plus de quarante années de communisme. Après son départ de la présidence, il avait renoué avec l’écriture. Son premier film, tiré de sa dernière pièce, porte un titre hélas prémonitoire : Sur le départ. ● CORÉE DU SUD-JAPON

Les esclaves se rebiffent LE 14 DÉCEMBRE, les anciennes esclaves sexuelles de l’armée nippone pendant la Seconde Guerre mondiale (elles furent plus de 200 000, dont 80 % de Coréennes) ont manifesté pour la millième fois depuis 1992 à Séoul. Jamais le Japon n’a exprimé la moindre excuse, certains N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

manuels scolaires allant jusqu’à affirmer que les malheureuses avaient été employées comme cantinières. Les 70 « femmes de réconfort » coréennes encore en vie ont donc installé devant l’ambassade du Japon la statue en bronze d’une fillette. Comme un reproche silencieux.

DEPUIS QU’EN 2010 la société française Poly Implant Prothèse (PIP) a été accusée de fabriquer des implants mammaires avec du silicone de mauvaise qualité, huit cas de cancer ont été signalés chez des femmes qui en étaient pourvues. Des prothèses PIP ont été vendues dans une soixantaine de pays en Amérique du Sud, où elles ont été interdites dès 2010, en Europe de l’Est, au Moyen-Orient et en Asie. Au Royaume-Uni, 250 plaintes ont été déposées. Pour l’instant, aucune relation de cause à effet entre implants suspects et cancer n’a pu être établie. LE CHIFFRE QUI BUZZE

1 000

MILLIARDS DE VIDÉOS ont été regardées sur YouTube au cours de l’année 2011. Soit à peu près 140 par Terrien. FRANCE

Une circulaire et des marcheurs PLUS DE SIX MOIS après son entrée en vigueur, la mobilisation contre la circulaire de Claude Guéant, le ministre de l’Intérieur, qui empêche les jeunes diplômés étrangers de rester en France pour y travailler, ne faiblit pas. Une centaine de personnalités, parmi lesquelles Albert Fert, le Prix Nobel de physique 2007, ont lancé une pétition intitulée « Notre matière grise est de toutes les couleurs » afin d’en exiger le retrait. Le 18 décembre, à l’occasion de la Journée mondiale des migrants, des étudiants visés par la circulaire et réunis au sein du Collectif du 31 Mai ont de nouveau manifesté, à Paris. JEUNE AFRIQUE


ARRÊT SUR IMAGE

Mark RALSTON • AFP

CHINE

Coup de chaud à Wukan EXASPÉRÉS PAR LA CONFISCATION DE LEURS TERRES et la corruption de leurs dirigeants, les habitants de Wukan, dans le Guangdong (Sud), ont fini par se révolter. Comme d’habitude, les autorités locales ont répliqué par la répression (blocus, arrestations, décès d’un manifestant en prison). Erreur. À Pékin, le ministre de la Sécurité ne jure plus que par la manière « civilisée » – entendez : la négociation – pour résoudre les crises sociales.

VENEZUELA

Curieuse crèche DES INDIGÈNES déguisés en bergers… Une Vierge Marie et un saint Joseph sous les traits de paysans pauvres… Installée dans le centre de Caracas, cette crèche un peu spéciale suscite la controverse. Parce que le président Hugo Chávez, Constitution vénézuélienne à la main, y trône au milieu d’un aréopage de personnages historiques (dont le Libertador Simón Bolívar) et qu’il vole la vedette à l’Enfant Jésus. L’imagerie catholique au service de la révolution, en somme. ESPAGNE

Gouvernement de combat QUELQUES HEURES après avoir prêté serment devant le roi, Mariano Rajoy a annoncé le JEUNE AFRIQUE

21 décembre les noms de ses treize ministres. Jorge Fernández Díaz, un ex du gouvernement de José María Áznar, a été nommé à l’Intérieur ; Luis de Guindos, ancien directeur de Lehman Brothers pour l’Espagne et le Portugal, à l’Économie ; le député européen José Manuel García-Margallo, aux Affaires étrangères, et le maire de Madrid, Alberto Ruiz-Gallardón, à la Justice. Avec un chômage à 21,5 %, il s’agira d’un gouvernement de combat. 16,5 milliards d’euros d’économie sont prévus dans le budget 2012. KAZAKHSTAN

Anniversaire sanglant À JANAOZEN, la célébration du 20e anniversaire de l’indépendance du Kazakhstan, le 16 décembre, a donné lieu à de violents affrontements entre des grévistes du secteur pétrolier réclamant des augmentations salariales et les forces de l’ordre. Bilan officiel:

14 morts et plusieurs dizaines de blessés. Trois jours plus tard, dans la ville voisine d’Aktau, des milliers de personnes ont bravé la police pour protester contre la répression. L’état d’urgence a été décrété et un couvre-feu instauré à Janaozen jusqu’au 5 janvier. BIRMANIE

Le vent tourne LE VENT DE RÉFORMES qui souffle sur la Birmanie depuis cet été serait-il en train de tourner? Shwe Nya Wah Sayahdaw, le supérieur du temple Sardu Pariyatti à Rangoon, qui avait rencontré Hillary Clinton début décembre, a été démis de ses fonctions et prié de quitter son monastère. Le conseil supérieur bouddhiste, proche du régime, reproche au moine dissident un discours prononcé en septembre à Mandalay lors d’un meeting de la LND, le parti aujourd’hui légalisé de l’opposante Aung San Suu Kyi. N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

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L’Homme RON HAVIV - VII

de l’année, c’est Place Al-Tahrir, au Caire, le 11 février 2011. N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

vous

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La mort du Tunisien Mohamed Bouazizi a lancé une vague de révolutions d’une ampleur inimaginable. En quelques mois, l’onde de choc s’est répandue dans l’ensemble du monde arabe. Des peuples sans frontières ont pris leur destin en main.

FRANÇOIS SOUDAN

L

e roi Louis XVIII avait tort : ce ne sont pas les grands hommes qui donnent à leur siècle les secousses dont se repaît l’Histoire, ce sont les peuples. Mohamed Bouazizi, mort le 4 janvier 2011, était un grain de cette poussière anonyme que foulent chaque jour depuis toujours les bottes des puissants, de Rio à Pékin en passant par Sidi Bouzid. Pourtant, son geste a fait de l’année qui s’achève un millésime extraordinaire, semblable à ce que furent 1968 et 1989. Partie ● ● ●

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14 janvier

Fu de Zine el-Abidine Ben Ali Fuite après 23 ans de règne en Tunisie

● ● ● d’une petite ville de Tunisie,, l’onde de choc que ue son acte désespéré éré a suscitée s’est répandue dans tout to le mondee arabe, en Europe et jusqu’aux usqu’aux États-Unis. Acéphale, phale, sans programme ni idéologie déologie autre qu’une exigencee de démocratie au sens pur du terme – le gouvernement du peuple par le peuple –, ce mouvement incontrôlable et qui s’est nourri de lui-même a renversé des dictateurs, balayé des appareils répressifs, fait naître une génération d’indignés sans frontières et même occupé Wall Street. À Oakland,

termes de taux d de croissance croissan ance économique ue et extrêmeextrêêmement verrouillée par des verrrouillée p systèmes policiers rs et militaires hypertrophiés. h ophiés. En moins de dix mois pourtant, quatre dicallaient être tatures al balayées (Tunisie, Égypte, (Tu gypte, Libye, Yémen Yémen) et une autre très sérieusement sérieusemen ébranlée lée (Syrie), alors qu’un émirat (Bahreïn) Bahreïn) et deux royaumes (Jordanie, Maroc) se voyaient contraints de précipiter dee profondes réformes. Si la révolution tunisienne, nne, achevée en quatre semaines, a été à la fois l’inspiratrice inspiratrice et le modèle pratique dont les autres se sont servies avec des fortunes diverses, sa sœur ur égyptienne aura fourni le scénario énario le plus abouti. À la différence ifférence de Ben Ali, dont Un mot clé résume l’essence de toutes la fuite sans combat rappelle les révolutions : karama – « dignité ». celle de Louis XVI, Moubarak a résisté, passant du déni à la Moscou, Londres, Le Caire, Sanaa, Tripoli, Damas, colère, puis à la négociation, puis à la dépression à Madrid, Athènes et ailleurs, les centaines de mildemi simulée, enfin à la démission. Entre-temps, liers de protestataires dont le magazine Time a fait le pouvoir aura tiré à balles réelles, coupé l’accès son Homme de l’année avaient avec le marchand à internet, lancé ses nervis à dos de dromadaires ambulant tunisien une communauté de rejet. Ils sur la place Al-Tahrir. Quatre millions et demi savaient ce dont ils ne voulaient plus: du chômage, age, d’Égyptiens se sont mobilisés à travers le de l’arrogance des nantis, de l’humiliation, d’une pays lors de ces « journées de rage », soit classe dirigeante corrompue, d’une oligarchie 8 % de la population de plus de 14 ans. Une financière « omnipuissante ». Jamais sans minorité, comme dans toutes mi tes les révolutions. doute suicide n’aura été plus fécond que celui Mais une minorité suffisante pour renverser la du fils de Manoubia Bouazizi. Évoquant le motif pyramide du pharaon. du sacrifice de Mohamed, cette vieille femme À l’aune de l’histoire tragique de ces spasmes qui a résumé d’un mot clé l’essence de toutes les ont changé le cours de l’Histoire, e, la majorité révolutions, majuscules et minuscules, de 2011 : des révolutions arabes de 2011 11 aura karama – « dignité ». été relativement peu coûteuse en termes de vies humaines. Trois rois ro is INSPIRATRICE. Le hasard a voulu que l’étincelle cents morts en Tunisie, 350 au Yémen, 900 en Égypte. À Tuniss jaillisse au cœur de l’une des dernières ceintures d’autocraties au monde : le Maghreb et le Moyenet au Caire, les forces de l’ordre, Orient. Comme si le mérite final des tyrans était police et armée, ont après un d’avoir su unir leurs peuples contre eux. Nul ne s’y court temps d’hésitation rapiattendait, dans une région plutôt prometteuse en dement basculé du côté des

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15 février

Début de l’insurrection nsurre re en Libye ; le 20 octobre, bre, Mouammar Kaddafi, à la tête du pays ays depuis 42 ans, s, est tué


L’Homme de l’année, c’est vous

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11 février

20 février

Premières manifestations au Maroc ; le 9 mars, le roi Mohammed VI annonce une réforme de la Constitution

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révoltés et accompagné les révolutions ns jusqu’à la chute des raïs. En Libye et en Syrie pourtant, cette façon de remporter la guerre sanss presque la faire s’est heurtée au noyau dur de dictatures résilientes avant de dégénééAl-Jazira a pris rer en conflits civils. Si la victoire plus Twitter, plus Alfinale des insurgés libyens s’est avec une efficacité décuplée la presse clandesconclue au prix de 10 000 à place de la pres radios pirates de 15 000 victimes, c’est parce tine et des radi que la lutte de libération la fin de l’ère soviétique. cyber-révolution dans un pays sans instiCette cybertutions, fortement trin’est pas à l’origine du balisé et très en retard rd tsunami démocraqui a balayé le sur ses voisins quant ant tique qu au développement ment monde arabe, mais d’une classe moyenne enne elle l’a en quelque capabled’imposerun serun turbochargé » sorte « tu rapport de force ce ne et répandu telle une pouvait que se dérouler érouler pandémie, connectant dans la férocité. Pass seuleentre elles les expériences, ment donc à cause des bombarles victoires et les défaites. Elle dements de l’Otan et de la folie a pris naissance dan dans deux États olie d’un puis l’Égypte, « Guide » dévoyé qui finira abattu tu par des policiers, la Tunisie pu combattants hors de contrôle. Quant à la Syrie, pénétration d’internet où le taux de pénétratio elle offre hélas le modèle d’une équation est particulièrement élevé et où il existe ion désespérément insoluble dont la solution ne peut être éduquée issue une nouvelle génération éd que sanglante. D’une part, il existe peu d’exemples ’e le de lla cl classe moyenne à même ê de l’utiliser. d’un peuple faisant preuve d’une telle ténacité À Tunis et au Caire, mais aussi à Damas, Sanaa, face à la terreur – 5 000 morts à ce jour. De l’autre, Benghazi, Rabat, Alger, Nouakchott ou Koweït il est rare qu’un pouvoir opère avec une telle persistance et Tout au long de 2011, « blogueur » aura été sans qu’apparaissent pour le parfait synonyme de « protestataire ». l’instant de failles au sein de son noyau dur, ce que l’historien Jacques Sémelin appelle dans le quotidien City, le mot « blogueur » aura été tout au long français Le Monde un « politicide » – la tentative de de 2011 le parfait synonyme de « protestataire ». destruction systématique de tous les opposants. Reste que partout, de Casablanca à Manama, SACRIFICE. Pas plus qu’internet les islamistes les technologies de l’information ont joué un rôle n’ont été sur la ligne de départ des révolutions capital dans toutes les mobilisations populaires. arabes, mais ils sont sur la ligne d’arrivée, en À cet égard, la « révolution verte » iranienne de tête pour récolter les fruits électoraux de cette 2009, réprimée de la façon que l’on sait, fait a brutale maturation. Récupération ? Conséquence posteriori, malgré son échec, figure de répétition attendue plutôt de cette loi historique qui veut générale. La combinaison internet plus téléphones que les principaux acteurs d’une révolte aboutie cellulaires vidéo, plus Facebook, plus YouTube, ne soient pas ceux qui, ensuite, iront refonder ● ● ● N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

PHOTOS : MBAYE/PANAP MBAYE/PANAPRESS/MAXPPP - HASSAN OUAZZANI - VINCENT BOISOT/RIVA PRESS - AMR DALSH/REUTERS - ALFRED/SIPA - AUDE OSNOWYCZ/WOSTOK PRESS - RÉMI OCHLIK - ONS ABID - RON HAVIV

Démission du président égyptien, Hosni Moubarak, au bout de 29 ans de pouvoir


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SCANPIX NORWAY/REUTERS

Et les

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événements (petits

Trois femmes de paix TOUTESTROIS VÊTUES DETENUESTRADITIONNELLES, la présidente libérienne Ellen Johnson-Sirleaf (à dr. sur la photo), sa compatriote Leymah Gbowee (à g.) et laYéméniteTawakkul Karman, l’une des figures de proue du Printemps arabe, ont reçu le 10 décembre le prix Nobel de la paix. Une récompense consacrée cette année aux femmes, qui « portent la moitié du ciel », selon le proverbe chinois. Une récompense accordée aussi et surtout à une chef d’État qui panse les plaies d’un pays ravagé par quatorze années de guerre civile, à une infatigable militante de la réconciliation, et à une opposante acharnée à la dictature du président Ali Abdallah ah Saleh, qui était au pouvoir depuis trente-trois ans.

● ● ● l’État. En Tunisie, en Égypte, mais aussi en Libye, les islamistes sont en outre ceux qui, sous les régimes défunts, ont consenti les plus gros sacrifices et ont payé les prix les plus forts en termes de détenus, de torturés et de disparus. Rien d’anormal donc à ce que ces brevets de résistance, joints au discrédit des partis politiques traditionnels et au retour du religieux comme valeur refuge, aient joué en leur faveur jusqu’au Maroc. Faut-il s’en inquiéter ou privilégier les raisons de demeurer optimiste ? Pour l’instant, ce dernier sentiment l’emporte sur le premier en dépit du surgissement ici et là des salafistes, qui représentent sans nul doute la face radicale et antidémocratique de l’islamisme. Des formations comme Ennahdha, le Parti de la justice et du développement et les Frères

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musulmans sont certes très conservatrices, et même réactionnaires (surtout cette dernière), mais elles sont aussi traversées de clivages générationnels et irriguées par des courants résolument modernistes. Elles ne se sont pas jusqu’ici écartées du consensus national démocratique qui leur a permis de remporter des élections libres et elles devront à l’avenir tenir compte d’une évolution capitale : l’année 2011 a transformé dans tout le monde arabe la relation entre les pouvoirs et les peuples, ces derniers ayant pris conscience qu’un régime liberticide pouvait être renversé – et appris le mode d’emploi pour y parvenir. Ce n’est donc pas parier sur l’absurde que de penser que si les islamistes veulent changer la Tunisie, l’Égypte ou le Maroc, c’est en définitive l’inverse qui se produira. BOIS VERT. Constat liminaire : la lame de

fond des révoltes populaires n’a pas traversé le désert en cette année 2011, n’en déplaise à ceux qui croyaient aux effets du mimétisme en politique. Fin février, un éditorial prévoyant que les bastions subsahariens de l’autocratie ne seraient guère menacés de par la persistance du communautarisme et le déficit d’acteurs – cette fameuse masse critique de jeunes mondialisés, armés de leurs smartphones et de leurs pages Facebook – avait valu à l’auteur eur de ces lignes une volée de bois vert de la part des es internautes. Comment osait-on désespérer Ouagadougou, Douala ou Libreville ? Dix mois plus tard, « les conditions qui ont conduit aux événements du printemps n’existent nulle part » au sud du Sahara, reconnaît le politologue Achille Mbembe. Il ne suffit pas de réunir les ingrédients de la révolte – usure du pouvoir, mauvaise gouvernance, corruption, népotisme – pour que le chaudron explose. Il faut une maturation invisible et progressive de tout le corps social. L’Afrique subsaharienne n’en est pas encore là. Mais elle y vient à sa manière, plus progressive et peut-être moins éruptive. L’année 2011 a ouvert un chapitre. Elle n’est pas la fin de l’Histoire. ● JEUNE AFRIQUE


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ou grands)

qui ont fait de

2011 2011

une année singulière

Une Un e Mi Miss ss Uni nive vers ve rs,, un anc rs ncie ien ie n pr prés ésid és iden id entt en pri en rison à La Hay aye, ay e, une un e fe femm mme mm e de cha hamb mbre mb re qui fai aitt to tomb mber mb er le pa patr tron tr on du FM FMI, I, dess bo de bomb mbar mb arde deme de ment me ntss de l’O nt ’Ota tan ta n en Lib ibye ye… ye … Qu Quel elle el le ann nnée ée pou ourr un con onti tine ti nent ne nt en pl plei eine ei ne mut utat atio at ion io n ! L’ L’ém émer ém erge er genc ge nce nc e d’ d’un une un e cl clas asse as se moye mo yenn ye nne, nn e, les pro rogr grès gr ès en ma mati tièr ti ère èr e de bon onne ne gouve vern ve rnan ance an ce,, le bon ce ond d tech te chno ch nolo no logi lo giqu gi que qu e da dans ns la té télé léph lé phon ph onie on ie mob obililile… e… L’A ’Afr friq ique ue bou ouge ge.. ge PASCAL AIRAULT, YOUSSEF AÏT AKDIM, JULIEN CLÉMENÇOT, FRIDA DAHMANI, à Tunis, MALIKA GROGA-BADA, CLARISSE JUOMPAN-YAKAM, CHRISTOPHE LE BEC, PHILIPPE PERDRIX, LEÏLA SLIMANI Dossier réalisé par :

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PO RT F O L IO

Bienvenue au Soudan du Sud ’

C

est devant des dizaines de milliers de personnes en liesse et un parterre de dirigeants venus du monde entier que le Sud-Soudan a proclamé son indépendance, le 9 juillet dernier à Djouba, la capitale du nouveau pays, devenant ainsi le Soudan du Sud. Après vingtdeux années d’une guerre civile atrocement meurtrière (2 millions de morts) et un accord de paix laborieusement négocié avec le voisin du Nord, c’est tout un peuple – 8,5 millions d’habitants – qui se prend à rêver. Le défi : construire un État (le 54e en Afrique et le 193e de la planète) et pacifier le pays. Photos : ZED NELSON/INSTITUTE

! TOUT NOUVEL ÉTAT doit créer sa propre police. Ici, les jeunes cadets s’entraînent avec des armes en bois à Torit, à 120 km au sud-est de Djouba.

" ÉLUE MISS SUD-SOUDAN, Rachel Angeth Madit, 21 ans, a perdu quatre frères pendant la guerre. À présent, elle regarde vers l’avenir et recherche des investisseurs pour son agence de mannequinat. N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

JEUNE AFRIQUE


Ces événements qui ont fait 2011

" ENCORE ENFANT, BENJAMIN BOL a fui en Éthiopie sans sa famille. Devenu un entrepreneur prospère spécialisé dans la construction de routes, il a créé une fondation qui soutient 80 jeunes. # SILVER X, MEILLEUR ARTISTE 2010 selon une radio du Sud, chante les difficultés du quotidien. Son père, soldat, a été tué il y a longtemps.

" LE NOUVEAU MINISTRE DE L’INTÉRIEUR, ALISON MONANI MAGAYA, vétéran de la première guerre civile soudanaise, désire avant tout assurer la paix entre ses concitoyens, issus de soixante groupes ethniques différents.

! LA PISCINE DU ROCK CITY HOTEL, À LA PÉRIPHÉRIE DE DJOUBA, voit revenir, les dimanches après-midi, la classe moyenne, qui avait fui la guerre. JEUNE AFRIQUE

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Grand angle FRANÇAFRIQUE

Les guerres de Sarkozy Côte d’Ivoire, Libye : la France est directement intervenue sur le continent. Un changement de cap placé sous la bannière du « droit d’ingérence ».

PHILIPPE WOJAZER/REUTERS

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«

I

l n’est plus concevable que l’armée française soit entraînée dans des conflits internes. […] L’Afrique doit prendre en charge ses problèmes de sécurité », déclarait Nicolas Sarkozy le 28 février 2008 dans son discours du Cap, fixant la nouvelle doctrine de l’ancienne puissance coloniale sur le

! LE PRÉSIDENT FRANÇAIS ET LE PREMIER MINISTRE BRITANNIQUE, DAVID CAMERON, aux côtés du président du CNT, Mustapha Abdeljalil, à Benghazi, le 15 septembre 2011.

continent. Quelques jours plus tôt, au Tchad, alors que le régime Déby était sous la menace d’une colonne rebelle avançant à vive allure sur N’Djamena, le président n’avait « pas autorisé à ce NIGER

SÉNÉGAL

À LA BASE, IL Y A DEUX RAPPEURS, Thiat et Kilifeu, un journaliste, Cheikh Fadel Barro, les délestages qui empoisonnent depuis des mois la vie des Dakarois, et une colère difficilement contenue. Cela se passe le 16 janvier 2011 autour d’un verre de thé, dans un appartement des ParcellesAssainies, l’une des banlieues de la capitale sénégalaise. « On s’est dit : c’est pas possible, on doit arrêter de se lamenter, on doit agir. On a écrit un communiqué dans la foulée,

qu’un seul soldat français tire sur un Africain ». En fait, il y eut bien des tirs… de semonce. Il s’agissait d’« assurer la protection de nos ressortissants », justifiait alors en off un haut fonctionnaire français. Les apparences sont préservées. Trois ans plus tard, en Libye et en Côte d’Ivoire, « l’habillage a été finement ciselé », résume un diplomate ouest-africain pourtant favorable aux deux opérations militaires. La France intervient, mais sous mandat de l’ONU, puisque dans les deux cas une résolution a été adoptée. Qui plus est avec des voix africaines (Gabon, Afrique du Sud et Nigeria). La France frappe, mais elle n’est pas seule puisque la « coalition » en Libye et l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci) sont chargées d’occuper le premier rang. Le tout au nom du principe de la « responsabilité de protéger », adopté par les Nations unies en 2005 et héritier du « droit d’ingérence » cher à Bernard Kouchner. « Gbagbo et Kaddafi avaient dépassé les bornes, nous ne pouvions pas rester les bras croisés : Sarkozy a pris ses responsabilités », se félicite notre diplomate. Il est vrai que les solutions négociées et les compromis préconisés par l’Union africaine ne répondaient pas forcément à l’urgence des situations ni à l’obstination des deux dirigeants, incapables de se rendre à l’évidence.

Alternance sans fracas et on l’a envoyé à toutes nos connaissances », résume Barro. Ainsi est né le mouvement Y’en a marre. Onze mois plus tard, ses leaders, qui affichent près de 400 cellules dans tout le pays, sont les figures de proue de la contestation sociale et les porte-parole d’une jeunesse désenchantée. Membres du M23, le mouvement anti-Wade, ils ont contribué à l’inscription de plus de 350 000 nouveaux électeurs. Et ils comptent bien jouer un rôle d’ici au premier tour de l’élection présidentielle, le 26 février 2012.

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CETTE IMAGE, les Nigériens l’ont vue et revue. Le perdant de l’élection présidentielle 2011, Seini Oumarou, admet sa défaite « malgré les anomalies constatées » et félicite le vainqueur, Mahamadou Issoufou. C’est la première véritable alternance démocratique au Niger. Hormis l’intermède de Mahamane Ousmane, la présidence a été accaparée, depuis 1974, par des militaires. Les temps ont changé. D’abord, après l’éviction de Mamadou Tandja, en 2010, pour avoir voulus’imposerenmodifiantlaConstitution, la junte au pouvoir ne s’est pas livrée à une chasse aux sorcières, et Seini Oumarou, issu du parti présidentiel, a pu se présenter. Ensuite, les militaires sont restés à l’écart du jeu électoral. Enfin, l’amnistie a été accordée à Tandja. Malgré vingt années d’opposition, Issoufou ne semble nourrir qu’une ambition : tout effacer, tout recommencer. JEUNE AFRIQUE


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JUSTICE INTERNATIONALE

Gbagbo, à l’heure des comptes Pour la première fois, un ex-chef d’État est poursuivi par la Cour pénale internationale. L’Ivoirien est soupçonné de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

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aurent Gbagbo dans les rets du procureur Luis Moreno-Ocampo. Un tableau improbable après l’élection présidentielle ivoirienne, le 28 novembre 2010. L’ancien président est pourtant bel et bien incarcéré dans la prison VIP de la Cour pénale internationale (CPI), à Scheveningen, aux PaysBas. Si les partisans du nouveau président, Alassane Ouattara, s’en réjouissent, nombre d’intellectuels africains dénoncent une justice internationale aux ordres des grandes puissances occidentales. « Non, la CPI n’est pas à la solde des Blancs », réplique la Gambienne Fatou Bensouda, le successeur du magistrat argentin, qui devrait mener l’accusation… à condition

BEAUTÉ

La couronne de Miss Angola ÉTUDIANTE angolaise, Leila Lopes a été élue Miss Univers le 12 septembre. Celle qui se voit « comme une femme dotée d’une beauté intérieure » milite pour la paix. Pendant un an, elle est aussi l’ambassadrice du continent. JEUNE AFRIQUE

que les juges de la Cour décident d’ouvrir le procès du premier chef d’État appelé à comparaître devant la juridiction internationale pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité (meurtres, viols, persécutions en tant que « coauteur indirect »). Le transfèrement le 29 novembre de Gbagbo, 66 ans, a marqué la fin d’un feuilleton qui a tenu le monde en haleine. Les proGbagbo et les pro-Ouattara se sont affrontés sur les plateaux télé. Les dirigeants de l’Union africaine ont tergiversé pendant quatre mois avant de demander au locataire du Palais de transmettre le pouvoir à son successeur. La France, les États-Unis, le Burkina et le Nigeria ont déployé d’importants moyens humains, diplomatiques et financiers pour aider les forces pro-Ouattara à capturer Gbagbo le 11 avril dernier, ouvrant, une nouvelle fois, le débat sur le droit d’ingérence. À Scheveningen, Gbagbo reçoit la visite de sa famille, lit des récits historiques et, surtout, passe ses journées à préparer sa défense avec ses avocats. Sa principale cible sera la France, accusée d’avoir porté son adversaire au pouvoir. N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012


Grand angle NAFISSATOU DIALLO

Profession: femme de chambre CETTE EMPLOYÉE du Sofitel de New York est la Guinéenne la plus célèbre au monde. Le 14 mai, elle accusait le directeur général du Fonds monétaire international (FMI), Dominique Strauss-Kahn, de l’avoir agressée sexuellement, déclenchant un emballement médiatique sans précédent. Au rayon des certitudes, Nafissatou Diallo a 32 ans, est originaire de Tchiakoullé, un hameau situé à huit heures de route de Conakry, et élève seule sa fille adolescente dans le Bronx, à New York. Pour le reste, les secrets de la suite 2806 n’en ont pas franchi la porte. Affabulatrice, voire complice d’une machination pour les uns, innocente victime pour les autres… Mais l’histoire ne retiendra qu’une chose : la petite Peule de Tchiakoullé a fait tomber un grand de ce monde.

LUKE MACGREGOR/REUTERS

BUSINESS

Dangote l’insatiable L’ANNÉE 2011 AURA PROFITÉ À ALIKO DANGOTE, le tycoon nigérian qui a bâti sa fortune dans l’importation de ciment à Lagos. Le patrimoine de l’entrepreneur haoussa était estimé à « seulement » 2,1 milliards de dollars fin 2010 (1,6 milliard d’euros). En novembre 2011, il atteignait… 10,1 milliards de dollars. Ce bond, le plus important au monde en une seule année, a propulsé le discret entrepreneur, devenu capitaine d’industrie dans les années 2000, en tête des Africains les plus riches, et à la 51e place mondiale dans le classement du magazine Forbes. Derrière cette ascension, l’introduction à la Bourse de Lagos de Dangote Sugar, Flour Mills et Dangote Cement, qui a gonflé le portefeuille d’« Alhaji » (pèlerin de La Mecque, surnom que lui donnent ses proches collaborateurs). Le magnat ne compte pas en rester là. Après avoir lancé des projets de cimenteries dans onze pays africains, il lorgne le juteux marché des engrais. Pour réussir, le Nigérian s’entoure de professionnels chevronnés, tant africains (tel le Sénégalais Amadou Hott, directeur de Dangote Capital) qu’internationaux (comme l’Indien Edwin Devakumar, directeur de Dangote Cement). Il sait user de son habileté auprès du pouvoir politique, aussi bien au pays qu’à l’étranger. « Sur le continent, il est reçu comme un chef d’État », explique un haut diplomate béninois. En 2012, Aliko Dangote devrait encore prospérer…

SHANNON STAPLETON/REUTERS

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GOUVERNANCE

Small is beautiful Dans l’exercice du pouvoir et le développement économique, ce sont souvent les petits pays qui montrent l’exemple sur le continent.

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aurice,Cap-Vert,Botswana, Seychelles et Afrique du Sud sont les cinq pays qui arrivent en tête de l’indice Ibrahim 2011 sur la gouvernance. Selon le rapport de Transparency International, le Botswana, le Cap-Vert, Maurice, le Rwanda et les Seychelles sont, eux, les cinq pays africains les moins corrompus. Enfin, Maurice, Afrique du Sud, Rwanda, Botswana et Ghana constituent le top 5 N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

en matière d’environnement des affaires, selon l’étude « Doing Business » que publie la Banque mondiale chaque année. Excepté l’Afrique du Sud, ces pays partagent la même réalité géographique : ils sont petits et peu peuplés (moins de 5 millions d’habitants – seuls le Rwanda et le Ghana dépassent ce seuil). Et si on enlève aussi le Botswana et le Rwanda, une autre évidence saute aux yeux : ce sont des îles.

L’enclavement n’est donc pas un handicap. Quant à la proximité entre gouvernants et gouvernés, elle constitue un avantage. Cela se traduit évidemment par unproduitintérieurbrut(PIB)parhabitant plus élevé, avec un effet immédiat sur les conditions de vie. Le partage d’une rente supposée par le pouvoir n’est donc plus une question de survie puisque d’autres sources de revenus s’offrent aux populations. Ce cercle vertueux contribue ainsi à uneformededécrispationpolitique.Lefait que São Tomé, le Cap-Vert et les Comores aient connu une alternance politique en 2011 n’est pas le fruit du hasard. JEUNE AFRIQUE


Ces événements qui ont fait 2011

PORTFOLIO

1 ! (1) À DOUALA, AU CAMEROUN, des salariés à fort potentiel participent à une séance de formation pour développer leurs qualités au travail. (2) LE FILS DU COMMERÇANT DRISS BERKAOUI (qui possède un magasin de carrelage) se fait beau avant de sortir à Témara, près de Rabat, au Maroc. (3) DANS UNE LOINTAINE BANLIEUE DE MAPUTO, au Mozambique, Lázaro Tembe fait de la musculation à 6 heures du matin avant de se rendre au travail.

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Cent millions de consommateurs ’

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émergence d’une classe moyenne sur le continent est une réalité qui s’est encore affirmée en 2011. En Afrique du Nord, plus de 35 millions de personnes entrent déjà dans cette catégorie. En Afrique subsaharienne, le phénomène est plus récent, mais connaît une rapide progression. Près de 95 millions de consommateurs urbains

JEUNE AFRIQUE

dépensent plus de 320 milliards de dollars (245 milliards d’euros) par an. En 2040, ils seront près de 250 millions et constitueront un marché de 1760 milliards de dollars, selon une étude de Proparco. C’est plus qu’en Chine aujourd’hui. Photos : JOAN BARDELETTI/PICTURETANK N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

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Grand angle TÉLÉCOMS

Force 3G NIGER, GABON, CENTRAFRIQUE, CONGO-BRAZZAVILLE… La 3G se développe dans de nombreux pays francophones, qui sautent enfin dans le wagon de l’internet mobile. Et le mouvement devrait se poursuivre en 2012 avec des annonces attendues en Côte d’Ivoire, au Cameroun et en RD Congo. Bien sûr, les smartphones, indispensables pour savourer les plaisirs du haut débit, restent chers – à partir de 80 euros –, mais les opérateurs télécoms devraient tout mettre en œuvre pour en faire baisser les prix. En Afrique du Sud, les échanges de données représentaient déjà 15 % des revenus de Vodacom, soit 450 millions de dollars (330 millions d’euros), entre mars et septembre 2011. Si cette évolution technologique apporte un confort dans la vie quotidienne, elle n’est pas neutre sur le plan politique. La circulation instantanée des vidéos et des informations sur les réseaux sociaux a décuplé le souffle des révolutions arabes…

LIBYE

Le flingue de Kaddafi L’IMAGE A FAIT LE TOUR DU MONDE. Celle d’un jeune rebelle libyen brandissant un pistolet. Cette arme luxueuse est celle de Mouammar Kaddafi, qui vient juste d’être capturé et qui sera tué peu de temps après. Nous sommes le 20 octobre, dans les faubourgs de Syrte. Le destin du pays bascule. La crosse est en bois précieux, et plusieurs gravures enjolivent ce Parabellum plaqué or made in Belgium. On peut y lire : « Cette arme permet que le soleil ne s’absente jamais », ou encore : « La clé pour la vie ». Coût de ce calibre 9 mm semi-automatique considéré comme l’un des meilleurs pistolets au monde : autour de 4 000 euros. Le tyran ne s’en séparait jamais. Jusqu’à sa mort.

THAIER AL-SUDANI/REUTERS

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PALUDISME

Un vaccin en vue, enfin! SANS CONTESTE, 2011 aura été l’année d’avancées majeures dans la recherche contre le paludisme. À un mois d’intervalle, le professeur Pierre Druilhe de l’Institut Pasteur en France et le groupe pharmaceutique britannique GlaxoSmithKline (GSK) rendaient publics des résultats probants d’essais cliniques de vaccins contre cette infection qui a encore causé la mort de 655 000 personnes en 2010, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Essentiellement des enfants africains. Il a fallu vingt-cinq ans de recherches pour parvenir à mettre au point des protocoles viables. En septembre 2011, la revue scientifique New England Journal of Medecine publie les résultats de l’étude réalisée par le professeur Druilhe. Elle porte sur des essais cliniques menés en 2007 au Burkina sur 45 enfants âgés de 12 à 24 mois. Les premières observations font état d’une baisse du nombre d’accès palustres chez ces enfants vaccinés. En octobre, c’est au tour de GSK de faire part de l’avancement de ses travaux. Cette fois-ci, les essais cliniques ont été pratiqués sur 6 000 enfants, âgés de 5 à 17 mois, dans sept pays d’Afrique subsaharienne. Un an après l’inoculation de trois doses d’un vaccin préventif, le risque pour eux de développer le paludisme a été réduit de 56 %, et de 47 % pour les épisodes sévères. Reste à régler la question des financements : GSK a déjà investi 300 millions de dollars (230 millions d’euros) dans ses recherches et prévoit d’en dépenser presque autant d’ici à la production du vaccin, en 2015. Plus que jamais, la participation d’organisations telles que Roll Back Malaria, Malaria Vaccine Initiative ou la Fondation Bill et Melinda Gates sera nécessaire.

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GEORGE STEINMETZ/NATIONAL GEOGRAPHIC

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AFRIQUE DU SUD

Merveilleuse Table Mountain LES INTERNAUTES ONT BON GOÛT. Le 11 novembre, le résultat d’un vote pour choisir les sept « nouvelles merveilles du monde » est tombé. Un jury d’experts avait passé au crible 450 candidatures de toutes les régions du monde.Table Mountain, qui surplombe la ville du Cap,

en Afrique du Sud, arrive en septième position. Seuls le fleuve Amazone, les chutes d’Iguaçu (Argentine, Brésil), la baie de Halong (Vietnam), l’île de Jeju (Corée du Sud), le parc national de Komodo (Indonésie) et la rivière souterraine de Puerto Princesa (Philippines) font mieux.

TABLETTE NUMÉRIQUE

Silicon Congo Le continent entre dans l’ère du tactile. On pourra bientôt lire sur un cousin africain de l’iPad. Ou faire surveiller son cœur par un Cardiopad. Alors, prêt à sauter le pas ?

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VINCENT FOURNIER/J.A.

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n janvier dernier, la crédibilité de Vérone Mankou, 25 ans, porteur du projet de première tablette tactile africaine, n’était pas – de son propre aveu – très élevée. Douze mois plus tard, il est le patron de la start-up la plus en vue au Congo-Brazzaville. Sa création, baptisée Way-C, est sur le point d’être commercialisée dans une dizaine de pays d’Afrique et vient d’être choisie pour un important programme éducatif. À la clé, la garantie d’écouler 200 000 exemplaires, vingt fois plus qu’espéré au départ. Vendue à partir de 230 euros, la tablette ne joue pas la carte low cost. Son microprocesseur de 1,2 GHz ainsi que sa mémoire vive de 512 Mo

satisferont la majorité des utilisateurs. Seuls bémols, l’absence d’une carte SIM – ce qui rend impossible une connexion à un réseau mobile – et un écran de seulement 7 pouces. Il n’empêche, Vérone Mankou savoure le chemin parcouru: « À force de persévérance, j’y suis arrivé ! » Si les premières tablettes sont fabriquées en Chine, une chaîne de production doit voir le jour au Congo. ! LA WAY-C Le secteur de la du Congolais santé pourrait aussi Vérone Mankou tirer profit de l’émercoûtera gence de ce nouveau 230 euros au moins. type de terminal. Au Cameroun, Arthur Zang, 24 ans, a imaginé une tablette capable d’enregistrer à distance le rythme cardiaque des patients. Grâce au Cardiopad, plus besoin de se déplacer dans les rares hôpitaux dotés d’un service spécialisé pour consulter. Avec 30 000 euros, le jeune ingénieur assure être capable de doter les dix régions de son pays d’au moins deux centres de télécardiologie. Mais pour le moment, sauver des vies n’attire pas les investisseurs… N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012


Grand angle

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TUNISIE

LIBYE

« Vous m’avez beaucoup déchu! » Depuis la chute de Ben Ali, les humoristes prennent leur revanche. On rit de tout, avec dérision et gourmandise.

L

e rire est synonyme de liberté. Même sous le régime de Ben Ali, quand les lignes rouges à ne pas franchir dans l’espace public étaient nombreuses et connues, on riait. Certes, sous le manteau, mais on riait. À présent, le souffle révolutionnaire s’accompagne d’immenses éclats de rire. À gorge déployée. Depuis le 14 janvier 2011 et la chute de l’ancien président, les humoristes ont le vent en poupe. « Trop de vicissitudes fait rire », dit le vieil adage. Les Bokbok, personnages du caricaturiste Lotfi Ben Sassi, faisaient déjà les pitres à la une du journal La Presse sous Ben Ali. Aujourd’hui, Ben Sassi revient à la charge dans un album désopilant, La femme est l’avenir de l’homme, grâce à un regard décalé et audacieux. Il y aborde les problèmes identitaires, y épingle les paradoxes des rapports entre les deux sexes et y démonte les poncifs sur les femmes. La fantaisie l’a même conduit à dédicacer le livre en pleine rue. « Je tiens à ce

qu’on ne fasse pas machine arrière, au moment où nous sommes censés faire un bond en avant. Je ne cherche pas à faire rire, je veux simplement amener à réfléchir sur le statut de la femme aujourd’hui », affirme ce bouillonnant père de quatre filles pour lesquelles il déclenche cette bourrasque satirique. Sous le couvert de pseudonymes, la truculence du chat Willis from Tunis et l’ironie cinglante du blogueur -Z- avaient soutenu la révolution et donné de la force à la vague insurrectionnelle. Il est possible de relire ces bons mots diffusés notamment sur Facebook et Twitter. Cérès Éditions les a en effet recueillis dans un livre intitulé Vous m’avez beaucoup déchu! « On avait 10 millions de commentateurs sportifs, on a 10 millions de commentateurs politiques », peut-on lire dans cet album. Bien vu. Quant à l’annonce du chef de l’État, Moncef Marzouki, de vendre les palais présidentiels, elle a été tournée en dérision, devenant « la grande braderie de Carthage ».

JIHAD AHMED est une figure célèbre à Benghazi. Faisant sienne la maxime « words are bullets », ce jeune chante le « rab », un rap en dialecte libyen à la gloire de la révolution du 17 février, depuis la République tchèque où il réside. Sous son nom de scène, Queener, il entonne dès les premières heures du soulèvement populaire contre Kaddafi une harangue contre le dictateur : « Plutôt que d’entendre son peuple, il a menacé, disant que les Libyens sont des rats, qu’ils sont drogués, qu’ils sont des espions de l’Occident et des terroristes… » Aujourd’hui, ses chansons compilées en albums pirates sont en vente libre dans les rues de Tripoli, aux côtés des œuvres de groupes de reggae apparus pendant la guerre. Un genre musical popularisé depuis des années par les immigrés subsahariens – ghanéens et sénégalais notamment – mais resté underground. L’exposition de ces courants musicaux « occidentaux » était inimaginable du temps de Kaddafi, lorsque le numéro deux du régime, Abdallah Senoussi, supervisait personnellement des autodafés de guitares et de textes anglais.

AFRIQUE DU SUD

Charlène, la sirène de Monaco

MAX ROSSI/REUTERS

DEPUIS LE 2 JUILLET, la principauté de Monaco a une nouvelle princesse. Charlène, Sud-Africaine et ex-championne de natation, a capturé le cœur du prince, Albert Grimaldi. Célébrée en grande pompe sur le Rocher, la fête a été ternie par les rumeurs d’une fugue de la fiancée deux jours avant la cérémonie. Pour couronner le tout, la nouvelle princesse a passé sa nuit de noces seule au Oyster Box, un cinq-étoiles près de Durban. Motif ? Albert a préféré dormir en ville pour ne pas rater une réunion du Comité international olympique. Heureusement, une chaude accolade de l’archevêque Desmond Tutu a ramené le sourire sur le visage de la jeune mariée… N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

JEUNE AFRIQUE


Ces événements qui ont fait 2011

RENCONTRES DE BAMAKO

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CULTURE

!YESMINE BEN KHELIL Come on baby… do the revolution, vidéo, 2011.

VINCENT WEST/REUTERS

Les Arabes sont tendance

CINÉMA

Intouchables! Originaires l’une d’Algérie et l’autre du Sénégal, Leïla Bekhti et Omar Sy sont les deux acteurs du moment en France. Pour eux, 2011 a été un cru historique.

JEUNE AFRIQUE

DOMINIQUE CHARRIAU/WIREIMAGE

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lle est arabe, il est noir, et ils sont les nouveaux chouchous du cinéma français. Cette année, impossible de passer à côté de Leïla Bekhti ou d’Omar Sy, les deux acteurs qui montent. La première s’est vu décerner le césar du meilleur espoir féminin en février 2011 pour son rôle de banlieusarde attirée par les feux de la capitale dans Tout ce qui brille. La compagne du non moins bancable Tahar Rahim a ébloui Cannes dans son rôle de femme courageuse et révoltée dans La Source des femmes. Celle qui refuse d’être « l’Arabe de service » s’est en tout cas imposée commeuneactriceauxmultiplestalents qui enchaîne les tournages. Déjà connu du public comme le compagnon de Fred dans l’émission « Service après-vente » du Grand Journal sur Canal+, Omar Sy a prouvé qu’il pouvait être autre chose qu’un excellent humoriste. Son rôle dans Intouchables, vu par 14 millions de spectateurs et élu film préféré des Français cette année, l’a fait entrer dans la cour des grands. Émouvant et sensible, ce grand gaillard de 1,90 m d’origine sénégalaise tourne

actuellement De l’autre côté du périph’, de David Charhon. C’est d’ailleurs ce tournage qui l’aurait empêché d’assister, le 14 décembre, au déjeuner organisé à l’Élysée autour de la projection d’Intouchables.

LES RÉVOLUTIONS qui ont secoué la Tunisie et l’Égypte ont attiré tous les regards occidentaux sur le monde arabe. Un intérêt bien compris et vite suivi sur le plan culturel puisque films, livres, expositions et autres événementsculturelsn’ontcessécetteannée de célébrer le réveil de la jeunesse arabe, parfois même avec une certaine dose d’opportunisme. En tout cas, il y en a pour tous les goûts ! Au rayon cinéma, vous trouverez La Source des femmes, de Radu Mihaileanu, réalisateur roumain, présent à Cannes et juré au Festival international du film de Marrakech. Mais aussi Or noir, de Jean-Jacques Annaud,tournéenTunisieaumoment où éclatait la révolution. Ces films, pourtant peu politiques, ont bénéficié de l’aura du Printemps arabe. Au rayon livres, La Guerre sans l’aimer, de Bernard-Henri Lévy, journal de bord d’un témoin direct de l’insurrection libyenne, a fait l’objet d’une intense campagne de presse. Jean-Pierre Filiu, politologue pourtant plus habitué aux essais pointus, a collaboré à une bande dessinée, et l’écrivain franco-marocain Tahar Ben Jelloun a publié, quelques semaines seulement après les soulèvements, un essai et un roman. Au ThéâtreNanterre-Amandiers(banlieue nord-ouest de Paris), la pièce J’aurais voulu être égyptien, d’Alaa El Aswany, a affiché complet. La Biennale de Venise et la Biennale de la photographie à Bamako n’étaient pas en reste et ont elles aussi mis en valeur des artistes du monde arabe. Dans une Europe vieillissante et en crise, il faut croire quelesappelsàlalibertédelajeunesse font encore rêver… N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012


© STAN HONDA

MADAGASCAR

© ROBB KENDRICK/AURORA

ANDRY RAJOELINA ET BAN KI-MOON, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DES NATIONS UNIES.

Retour à la

démocratie M

adagascar is back ! Après deux années de crise politique, la Grande Île prépare son retour à la démocratie. Sous la houlette du président

de la Haute Autorité de Transition, Andry Rajoelina, le pays s’est engagé dans un processus de réconciliation qui doit déboucher sur l’organisation

MESSAGE

d’élections libres et transparentes d’ici à un an. Pour leur part, les investisseurs envisagent l’avenir avec confiance, puisque 2012 devrait se traduire par une nette reprise de la croissance économique, condition indispensable à l’amélioration des conditions de vie de la population.


© IMAGO/PANORAMIC

ANTANANARIVO, CAPITALE DE MADAGASCAR.

UN GOUVERNEMENT D’UNION NATIONALE Le 16 septembre 2011, la Feuille de route est paraphée par la HAT et la majeure partie des partis politiques malgaches, qui se voient associés aux institutions de transition. Le processus entre en vigueur avec la prise de fonction d’Omer Beriziky, nouveau Premier ministre de consensus, le 2 novembre 2011. Celui-ci forme alors un gouvernement d’union nationale le 21 novembre 2011 qui a finalement recueilli l’adhésion des principales mouvances politiques. Enfin, la composition du Parlement de Transition est dévoilée le 30 novembre 2011. Cette instance de plus de 500 membres est chargée de contrôler le travail du gouvernement, et de ratifier les ordonnances adoptées pendant la transition. En visite officielle en France le 7 décembre dernier, le président de la Haute Autorité malgache de Transition (HAT), Andry Rajoelina, a répété que sa priorité consistait à organiser des élections « le plus rapidement possible », avant la fin de

LE SOUTIEN DE LA FRANCE >

l’année 2012. La date des scrutins devra être fixée par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) entre le 30 avril et le 30 novembre 2012. D’ici un an, Madagascar aura donc tourné la page de la Transition entamée en mars 2009 avec la démission de l’ancien président Marc Ravalomanana.

AVEC L’AIDE DE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE Maintenant que les forces politiques malgaches ont souscrit à une démarche commune, le régime malgache a besoin du concours de tous les partenaires de la Grande Île pour transformer l’essai. Celui-ci peut d’ores et déjà compter sur le soutien de la

ANDRY RAJOELINA ET NICOLAS SARKOZY, PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.

Depuis le début du mois de décembre, le président de la Haute Autorité

de Transition (HAT), Andry Rajoelina, recueille les dividendes diplomatiques de la réconciliation initiée au sein de la classe politique malgache. Du 6 au 9 décembre, le président de la Haute Autorité de Transition s’est rendu pour la première fois en visite officielle en France. Il a été reçu au palais de l’Élysée par Nicolas Sarkozy, qui a salué « la Transition crédible, appuyée par la Communauté internationale, […] actuellement en cours à Madagascar. Raison qui m’a amené à vous recevoir en tant que Chef d’État. […] Je salue la signature de la Feuille de route et sa mise en application qui vous a permis de nommer un Premier Ministre de consensus, d’installer un gouvernement d’union nationale et un Parlement de Transition. En dépit de toutes les difficultés auxquelles vous avez dû faire face, vous avez eu raison de ne pas vous décourager. La Feuille de route est une chance pour Madagascar après trois années de crise car le Peuple malgache n’a que trop souffert. C’est en ami que je vous reçois aujourd’hui. » À l’occasion de cette visite, la France a annoncé qu’elle accordait 10 millions d’euros de dons à Madagascar. Ces fonds sont destinés à deux projets. L’un d’entre eux, financé par l’Agence française de développement (AFD) porte sur l’amélioration des conditions de vie dans les quartiers défavorisés d’Antananarivo, la capitale malgache.


MADAGASCAR SADC, qui s’est engagée « à continuer de soutenir le retour de Madagascar à la normalité constitutionnelle durant cette période de transition et au-delà ». L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) a également rendu hommage au courage et à la détermination du président Rajoelina. De son côté, le 8 décembre, l’Union africaine (UA) a promis la levée des sanctions contre le régime du président Andry Rajoelina. Et quelques jours plus tôt, l’Union européenne a décidé la reprise progressive

ANDRY RAJOELINA ET ABDOU DIOUF, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA FRANCOPHONIE.

et sous conditions de son aide au développement à Madagascar pour accompagner le processus de transition dans ce pays ».

© BOURGET / ALPACA / ANDIA.FR

LA RELANCE DE L’ÉCONOMIE

PLAGE DE L’ÎLOT DE NOSY IRANJA AU LARDE DE L’ÎLE DE NOSY-BE.

DESTINATION TOURISME > Hugues Ratsiferana, directeur général d’Air Madagascar, l’a annoncé : la flotte de la compagnie va prochainement s’enrichir d’un nouvel appareil long-courrier. Cet avion, qui sera acquis en leasing, est destiné à rejoindre la flotte du transporteur national d’ici au mois de mars 2012 pour accroître l’offre en prévision de la haute saison touristique, et il devra pouvoir desservir l’île de Nosy-Be. Air Mad, qui fête cette année son cinquantième anniversaire, profite d’une embellie qui s’est traduite par un taux de remplissage de 75 % sur ses vols long-courriers avec l’Europe. Le transport aérien reste l’une des clés du développement de l’activité touristique. Mais une part croissante de visiteurs gagne la Grande Île en

MESSAGE

bateau. Depuis trois ans, Madagascar figure parmi les destinations choisies par les compagnies de croisière internationales, qui regroupent une clientèle haut de gamme. Plusieurs paquebots ont ainsi fait escale à Majunga, Diego-Suarez, Tamatave et Nosy-Be.

Autre victoire majeure pour la HAT, l’activité économique connaît une phase de relance. La croissance du Produit intérieur brut (PIB) devrait atteindre 2 % en 2012. Après trois exercices difficiles, la Grande Île va enfin voir le bout du tunnel. De son côté, le gouvernement d’union nationale s’est engagé à œuvrer en faveur d’une plus grande stabilité économique et à soutenir la relance du secteur privé, notamment dans le tourisme et l’industrie. Malgré le gel d’une grande partie de l’aide extérieure, l’économie malgache ne s’est pas effondrée à la suite de la crise de 2009. Elle a même légèrement progressé en 2010 grâce, notamment, à une récolte de riz record et à la reprise des activités touristiques. Dans le secteur secondaire, les promesses de développement minier sont immenses. C’est le cas du projet Ambatovy, dirigé par le groupe Sherritt International. D’un investissement global de 5,5 milliards de dollars, il vise à extraire 60000 tonnes de nickel et 5600 tonnes de cobalt pour une durée d’exploitation de plus de 25 ans. La première livraison de cobalt et de nickel est prévue en 2012. L’autre projet majeur, celui que pilote la compagnie Qit Madagascar Minerals (QMM) qui exploite l’ilménite dans la région de Tolagnaro, est parvenu à maintenir en partie ses prévisions de production annuelle pour 2011. D’autres projets devraient voir le jour prochainement, notamment pour le pétrole, le fer, la bauxite et l’uranium. Enfin, le secteur tertiaire est lui aussi riche en promesses, notamment pour les télécoms, avec le développement de la fibre optique, et le tourisme, dont le potentiel demeure largement inexploité. La HAT s’est employée


RIZIÈRES EN TERRASSES PRÈS DE BETANTELY.

à sauvegarder les finances publiques et contenir l’inflation tout en assurant le service de la dette extérieure. Dans leur rapport sur les Perspectives économiques en Afrique 2011, les experts de la BAD et de l’OCDE ont souligné les efforts consentis par le régime malgache pour préserver les fondamentaux : « Lorsque les recettes publiques ont baissé sous l’effet du fléchissement de l’activité économique et des flux d’aide, la prudence de la HAT a permis de maintenir le déficit à un niveau remarquablement bas : 1,6 % du PIB. Dans le même temps, la Banque centrale de Madagascar a engagé une politique monétaire prudente, maintenant l’inflation à moins de 10 % en dépit du renchérissement des denrées alimentaires. » Si le manque de visibilité quant aux évolutions politiques a trop longtemps pesé sur le secteur privé et si l’investissement étranger a pâti de l’incertitude juridique liée à la période de transition, la mise en place de la IVe République et la définition d’une feuille de route consensuelle devraient maintenant permettre de rendre confiance aux investisseurs.

Pour relancer l’économie et améliorer les conditions de vie des Malgaches, le président de la HAT a proposé la mise en œuvre de projets ambitieux, parmi lesquels on peut citer : > La construction de 10 000 logements au prix unitaire de 50 millions de francs malgaches (environ 4 000 euros), avec une priorité pour les jeunes qui bénéficieront de facilités de paiement. > La réalisation d’une cimenterie, « la plus grande dans l’Océan Indien », qui permettra de juguler les pénuries récurrentes de matériaux de construction. Le sac de ciment sera vendu à 14 000 ariary (près de 5 euros). > La réouverture de la Sirama (Siramamy Malagasy), groupe sucrier national. Grâce à la relance de la filière, le kilo du sucre devrait être maintenu en-deçà de 1 400 ariary (50 cents d’euros). > La création d’un tramway dans la capitale, qui souffre du manque de transports en commun. Pour ce projet, le CIF (China International Fund) sera partenaire de l’État malgache. > La modernisation de la flotte d’Air Madagascar. La compagnie nationale, qui contribue au désenclavement du pays, dessert plus de 25 destinations sur l’ensemble du territoire. > L’ouverture d’un Palais du rugby, implanté à Antananarivo, qui compte un nombre croissant d’adeptes du ballon ovale. OUVRIÈRES DE L’INDUSTRIE TEXTILE AU TRAVAIL.

SUPERFICIE > 590 000 km²

POPULATION > 20 millions d’habitants

CAPITALE > Antananarivo

PIB 2010 > 6,56 milliards € RÉPARTITION : - AGRICULTURE > 27 % (riz, vanille, pêche) - INDUSTRIE > 15 % (textile, mines) - SERVICES > 57 % (tourisme)

LANGUES OFFICIELLES > malgache, français, anglais MONNAIE > ariary (2 765 ariary pour 1 € le 11/12/2011)

© BART EIJGENHUIJSEN/HH-REA

MADAGASCAR en bref

DIFCOM/DF - PHOTOS : DR SAUF MENTION.

© BERTHOLD STEINHILBER/LAIF-REA

DES PROJETS AMBITIEUX


Afrique subsaharienne

SÉNÉGAL

Idrissa Seck « Mon seul problème, c’est Abdoulaye Wade » Bis repetita. En avril, l’ex-Premier ministre sénégalais a de nouveau été exclu du parti au pouvoir. Et il sera de nouveau candidat à la présidentielle, le 26 février. Autrefois très proche du chef de l’État, il promet de le battre dans les urnes.

Propos recueillis à Dakar

L

par

ANNE KAPPÈS-GRANGÉ

a prison, a-t-il longtemps répété, est un raccourci vers le Palais. Les sept mois qu’il a passés dans sa cellule de Rebeuss, entre 2005 et 2006, à l’époque où il était accusé de détournement de fonds et d’atteinte à la sûreté de l’État dans l’affaire des chantiers de Thiès, lui ont permis de se forger une image de martyr, il en est convaincu, et d’arriver deuxième à l’élection présidentielle de 2007 (avec 14,9 % des suffrages). Idrissa Seck, 52 ans, n’a jamais fait mystère de ses ambitions. Le 26 février prochain, il compte bien bouter Abdoulaye Wade, 85 ans, hors de la présidence. Elle est loin l’époque où le chef de l’État ne tarissait pas d’éloges sur « ce jeune homme doué » originaire de Thiès, tantôt beau parleur, tantôt tonitruant, mais toujours « doté d’une capacité d’analyse hors du commun ». Lui, l’ex-Premier ministre (de novembre 2002 à avril 2004), dit ne pas avoir d’amertume envers son ancien mentor. Au siège dakarois de son parti, Rewmi, il est précis, concentré. Toujours avare de paroles, mais avec la formule choc, il attaque les ambitions supposées de Karim Wade – l’autre fils, le vrai – et s’agace de la comparaison avec Macky Sall, autre N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

candidat à la présidentielle, autre ancien chef du gouvernement, autre déçu du Parti démocratique sénégalais (PDS, au pouvoir). À Dakar, certains l’ont affublé du surnom de « girouette » en référence à son exclusion du parti (2005), à son retour (2009) puis à sa nouvelle exclusion (2011). Lui proteste, jure qu’il est resté fidèle aux valeurs libérales et que son seul problème, c’est… Abdoulaye Wade. JEUNE AFRIQUE : Vous êtes candidat, mais vous étiez, mi-décembre, au congrès d’investiture d’un autre prétendant au fauteuil présidentiel : Macky Sall. Pourquoi ? IDRISSA SECK : Parce qu’il m’a invité et que,

au-delà des divergences qu’on a pu avoir dans le passé, nous sommes tous les deux déterminés à faire partir le président Wade.

N’était-ce pas une provocation à l’égard d’un rival que l’on donne, pour l’instant, parmi les favoris ?

J’ai mieux à faire. En outre, j’ai déjà dit que j’avais pardonné à Macky Sall le rôle qu’il avait joué dans le complot d’État qui a été organisé contre moi alors qu’il était Premier ministre. À l’époque, il a pu penser qu’il en serait le bénéficiaire, mais il s’est trompé et a été victime du même complot. Il a fini par comprendre que Wade ne travaillait que pour une seule personne : son fils. Fin novembre, vous vous êtes montré offensif à son égard, allant jusqu’à lui demander de « rendre des comptes » sur la gestion de plusieurs milliards de francs CFA versés par Taiwan lorsqu’il était aux affaires…

Qui dit bonne gouvernance dit obligation de rendre des comptes. Trouvez-vous normal que des gens qui ont eu à gérer des sommes colossales n’aient pas reçu la visite d’un inspecteur général d’État ? Rendre des comptes, dans une entreprise

YL

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TOMBÉ EN DISGRÂCE EN 2005, emprisonné pendant sept mois dans l’affaire des chantiers de Thiès, il dit avoir « pardonné » au chef du gouvernement de l’époque, Macky Sall. Pas au président Wade…

JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne chômage. Que l’espérance de vie n’atteint pas 60 ans. Voilà des faits extrêmement précis que je ne perçois pas qu’à travers des statistiques. J’ai vu ma mère porter le toit de notre case, par jour de pluie, pour qu’il ne s’écroule pas sur ses enfants. J’ai vu mes parents se saigner pour ma santé et pour mon éducation. Et ce que je suis devenu par la suite est le résultat de l’effort de ces gens-là. Aujourd’hui, ce parcours exceptionnel, je le veux pour chaque Sénégalais. C’est cela qui retient mon attention, pas une comparaison avec Macky Sall. Dans l’hypothèse d’un second tour, pourriez-vous vous unir avec d’autres candidats pour battre Abdoulaye Wade ?

J’ai déjà dit clairement, et sans attendre de négociations, que quel que soit le candidat de l’opposition qui se trouvera en face du représentant issu du camp présidentiel, il aura mon soutien. L’opposition est très divisée. Ne risque-t-on pas d’avoir un scrutin à un seul tour ?

Non, parce qu’il est impossible que Wade passe dès le premier tour. En juin dernier, si le pouvoir a tenté de réviser la Constitution et de permettre qu’un candidat soit élu avec seulement 25 % des suffrages exprimés, c’est bien parce que le président avait compris qu’il ne pouvait pas avoir la majorité. L’opposition n’avait-elle pas la même certitude en 2007 ?

Les résultats de 2007 correspondaient à une réalité de terrain et je n’ai pas été surpris. Mais regardez : en 2007, le chef de l’État avait réuni 1,9 million de suffrages. Deux ans plus tard, aux élections locales de 2009, sa coalition ne rassemble plus que 1,1 million de voix. Cela veut dire que, dans l’intervalle, presque un électeur sur deux qui avait voté pour lui l’a abandonné. L’autre facteur qu’il faut prendre en compte, c’est que, à toutes les élections depuis 1993, les deux candidats arrivés en tête ont toujours totalisé plus de 75 % des suffrages. Cela veut dire que même si les candidats sont nombreux, et quand bien même ils seraient une cinquantaine, l’électorat, lui, ne se disperse pas.

comme dans un pays, cela se fait. Il n’y a que chez nous que l’on se sent agressé dans ces cas-là. Mais pourquoi ? Si on n’a rien fait, on ne s’énerve pas, on s’explique. Point. Vos parcours, à Macky Sall et à vous, présentent un certain nombre de similitudes… Vos candidatures ne sont-elles pas redondantes ?

J’ai une communauté de destin avec le Sénégal, pas avec Macky Sall. Ce qui m’intéresse moi, c’est qu’un Sénégalais sur deux vit au-dessous du seuil de pauvreté. Qu’un Sénégalais sur deux est au

JEUNE AFRIQUE

Le projet de dévolution monarchique du pouvoir que vous dénoncez a-t-il encore une réalité ?

C’est une évidence. Wade l’a déclaré au quotidien La Croix [édition du 22 juillet 2011, NDLR] : cela ne lui déplairait pas de voir son fils président de la République après sa mort. C’est un projet né il y a longtemps et qui n’a pas changé, même après que Karim Wade a échoué à prendre la mairie de Dakar, en 2009. Avez-vous des doutes quant à la transparence du scrutin présidentiel ?

Non. Le pouvoir n’a aucune possibilité de frauder. ●●● N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

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de bonnes relations. Et en juin 2005, le complot démarre pour m’écarter et installer le fils biologique… Avez-vous le sentiment d’avoir été trahi dans votre affection pour le chef de l’État ?

Non, j’éprouve de la pitié pour lui. Il avait le potentiel pour être un dirigeant africain exceptionnel. Il a été très bien élu. Il n’y a presque pas eu de troubles à l’ordre public pendant son premier mandat : aucune manifestation, une adhésion populaire exceptionnelle… Il avait de très bonnes idées. Mais tout cela s’est évaporé, son leadership a été fissuré par ce projet insensé de dévolution monarchique d’un pouvoir pourtant conquis de haute lutte, par la voix démocratique. C’est l’amertume qui vous fait parler ?

ALIOU MBAYE/PANAPRESS/MAXPPP

Non. C’est le même type de sentiment qu’a dû éprouver le général de Gaulle, qui connut Philippe Pétain en colonel vigoureux et intelligent à Arras, puis en héros à Verdun, et qu’il a vu, vieillard à Vichy, déshonorer la France. J’ai vu Wade opposant exceptionnel, avec des idées novatrices, je l’ai vu commencer par être un bon président… C’est après que tout a changé. Pourriez-vous retravailler pour lui ?

DAKAR,

Aucun doute non plus quant à l’indépendance du Conseil constitutionnel, chargé de se prononcer sur la validité de la candidature de Wade ? ●●●

Ça, c’est le vrai sujet. Si les juges disent le droit, ils doivent dire que Wade ne peut pas être candidat. S’ils ne le font pas, ils perdront toute crédibilité. Faut-il craindre des violences si le Conseil validait la candidature présidentielle ?

Si le président persiste dans sa volonté de violer la Constitution, il y aura risque de violence. Appellerez-vous, le cas échéant, vos militants à sortir dans la rue ?

J’appellerai mes militants à s’opposer à toute violation de la Constitution. Quelles sont vos relations avec Abdoulaye Wade?

Inexistantes. Je n’ai plus aucun contact, direct ou indirect, avec lui.

Vous avez longtemps été son homme de confiance, un deuxième fils, en quelque sorte, avant d’être jeté en prison. Que ressent-on dans ces cas-là ?

On est d’abord surpris. Quand j’ai quitté la primature, le 22 avril 2004, il m’a écrit une lettre dithyrambique, la plus belle lettre que j’aie jamais reçue. Les mois passent, je reste numéro deux du parti. En décembre 2004, nous avons toujours N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

2004. Seck entretenait, jusqu’à son départ de la primature, une relation quasi filiale avec le chef de l’État (au premier plan).

C’est exclu.

SEPTEMBRE

Vous avez pourtant déjà fait des allers-retours dans le passé…

Il y en a eu un, il n’y en aura pas deux. Et puis ce n’était pas à proprement parler un aller-retour. Il faut me faire justice : je suis resté fidèle au PDS. J’en ai été exclu, mais je ne l’ai jamais quitté. Quand l’opportunité m’a été offerte de revenir, je suis revenu, mais toujours en conformité avec les valeurs que je défendais. Vous êtes tidjane. Comptez-vous sur des soutiens dans les communautés religieuses ?

Wade a été un bon opposant. Il a même commencé par être un bon président. C’est après que tout a changé… Je suis musulman et j’ai des soutiens de taille dans toutes les communautés. Mais cette année, il n’y aura pas de ndiguël [consigne de vote des chefs religieux], et c’est le signe que tout peut changer. Vous êtes critique à l’égard du bilan de Wade, un bilan dont vous êtes en partie comptable en tant qu’ancien Premier ministre. Qu’auriez-vous fait différemment ? JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne Je me serais occupé des gens plus que de mon prestige personnel. Au lieu de dépenser des centaines de milliards de francs CFA sur une corniche qui relie le palais de la République à l’aéroport, j’aurais désenclavé la Casamance, le grenier du Sénégal. J’aurais désenclavé la vallée du fleuve Sénégal, je me serais attaché à compléter le réseau hydrographique, je me serais intéressé à tous les villages qui n’ont pas d’eau potable, de salle de classe, de poste de santé et ne serait-ce qu’une piste qui les relie au reste du pays… La priorité, ce n’était pas les grands travaux, c’était de s’occuper des gens, de leur trouver du travail. Comment relance-t-on l’emploi au Sénégal ?

Par l’agriculture. Près de 70 % des Sénégalais travaillent dans le secteur, mais 10 % du produit intérieur brut seulement en provient. Voilà le gap qu’il faut corriger. Chaque année, nous dépensons 211 milliards de F CFA pour importer du riz, 63 milliards pour importer du blé, 12 milliards pour importer du maïs… Voilà près de 300 milliards qui auraient pu être des revenus pour les paysans sénégalais. Nous avons 240000 hectares de terres au bord du fleuve Sénégal. Seuls 60000 sont exploités et aménagés. C’est par là qu’il faut commencer.

À propos de la Casamance: il y a eu ces dernières semaines plusieurs attaques meurtrières alors que Wade avait fait du dossier sa grande priorité. Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ?

Il ne fallait pas écarter les Gambiens et les Bissau-Guinéens des discussions. Où pensezvous que les rebelles soient ? Ce n’est pas de la géostratégie, c’est de la géographie.

Mais la rébellion casamançaise est éclatée et, à la décharge du chef de l’État, il est difficile d’avoir un interlocuteur unique…

Ce n’est pas un argument. On sait parfaitement avec qui on parle. On sait combien de camps il y a, on sait qui les dirige, on sait où ils sont. La question, c’est d’avoir la crédibilité d’un plan et d’impliquer la sous-région. Surtout, il faut redonner le sentiment aux populations de Casamance que c’est pour elles que l’on cherche une solution. Et c’est là que l’on revient au problème de l’enclavement de la région. Comment faire si on a des difficultés à traverser la Gambie, si on n’a pas une voie maritime fonctionnelle, si on n’a pas un accès ferroviaire ou routier… Unifions notre territoire avant de faire des toboggans sur la corniche ! ●

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Afrique subsaharienne

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HOMMAGE

Opinio ons & éditoriaaux

Adieu, Cesaria. Que la terre te soit légère!

C ISMAËL LO Musicien sénégalais

Ü LA « DIVA AUX » est morte, le 17 décembre, à l’âge de 70 ans. Au Cap-Vert, des milliers de personnes ont assisté, le 20 décembre, à son inhumation.

YOURI LENQUETTE/JERRYCOM

PIEDS NUS

esaria Evora, la première fois que je l’ai rencontrée, c’était il y a une douzaine d’années, au cours d’un festival, quelque part en Europe. Elle m’a aperçu au loin et m’a fait signe d’approcher. On a discuté quelques minutes, elle m’a encouragé dans mon travail et demandé des nouvelles du pays. Je me souviens avoir été très ému devant ce bout de femme énergique que j’admirais et dont j’écoutais déjà la musique grâce à mon voisin, M. Lopes, un inconditionnel originaire du Cap-Vert. Cette brève rencontre m’avait donné envie de travailler avec elle. Et avant même que je n’en formule l’idée, c’est elle qui me contacte, par l’intermédiaire de son manager, José da Silva. C’est comme ça que nous avons sorti Africa Nossa, en 2006. Par la suite, on aurait dit que nos destins étaient liés. Nous nous retrouvions partout, sur toutes les scènes du monde : Paris, Londres, Johannesburg, Lanzarote (Espagne)… Avec, à chaque fois, le même plaisir. Cesaria me faisait rire, elle ne pouvait s’empêcher de me taquiner et, entre nous, la langue n’était pas un obstacle : nos deux pays, le Sénégal et le Cap-Vert, sont frères, et José

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parlait bien wolof, la langue la plus répandue au Sénégal, il pouvait traduire. Je me souviens d’une fois où nous nous sommes vus à Mindelo, sur l’île de São Vicente, où elle est née. Je lui avais rendu visite après un concert et, comme d’habitude, elle m’avait accueilli avec ses taquineries : « Comment tu vas, Ismaël? Et ta femme, comment elle va ? Tu sais, un musicien ne doit être marié qu’à sa musique ! » Cesaria Evora, c’était une femme d’une grande sagesse, de cette sagesse forgée dans la tristesse. Inutile de revenir sur sa vie difficile, ses déboires professionnels avant de connaître la célébrité à 50 ans. Elle arrivait à cacher tout cela derrière sa

Elle a montré au monde que la musique africaine est la mère de toutes les autres. jovialité et son sens de l’humour. Mais la mélancolie était là, elle se lisait dans ses yeux. Dans sa musique, dans ses textes, elle livrait tout. Je n’aime pas que l’on dise qu’elle faisait de la musique pour Occidentaux… Cesaria se livrait à son public, à ses fans, il n’y avait qu’à la voir sur scène, aussi bien en Afrique qu’en Europe ou en Amérique. D’une certaine façon, elle a donné une leçon à tous ceux qui en sont encore à faire le distinguo entre les musiques. Elle a montré au monde entier que la musique africaine est la mère de toutes les autres, et qu’elle séduit au-delà des frontières et des cultures. Elle a fait connaître au monde le Cap-Vert, ce petit bout d’Afrique perdu dans l’Atlantique. Grâce à elle, des milliers de personnes ont entendu parler de son archipel, des centaines d’entre elles ont fait le déplacement pour découvrir ce pays magnifique… Mais Cesaria, l’ambassadrice infatigable, ne s’en est jamais vantée. Honorée d’avoir un timbre à son effigie, elle n’en a jamais fait étalage.Tout ce qui comptait, pour elle, c’était de chanter. Aujourd’hui, « la diva aux pieds nus » n’est plus, mais elle aura ouvert la voie à une nouvelle génération d’artistes cap-verdiens, comme Mayra Andrade et Lura, qui porteront haut le flambeau de la morna et du cabo. Tu resteras gravée dans nos mémoires et ta musique nous servira d’héritage à jamais. Adieu Cesaria, repose en paix et que la terre te soit légère. ● JEUNE AFRIQUE


Document :JA26XXPXXX AIR NIGERIA FR.ps;Format :(195.00 x 270.00 mm);Date :23. Sep 2011 - 09:40:27

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Afrique subsaharienne

GWENN DUBOURTHOUMIEU

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RD CONGO

Crise de foi

L’ABBÉ DONATIEN NSHOLE, de la Conférence épiscopale, lors de la cérémonie d’investiture de Joseph Kabila, le 20 décembre à Kinshasa.

Le 12 décembre, l’archevêque de Kinshasa a mis en doute la crédibilité des résultats de la présidentielle, contre l’avis de sa hiérarchie. Et mis en lumière les divisions de l’Église catholique.

A

ppauvrie, divisée, l’Église catholique congolaise a bien du mal à parler d’une seule voix. La preuve : la cacophonie ambiante, depuis le 4 décembre dernier. Ce jour-là, alors que les premières contestations des résultats partiels de la présidentielle du 28 novembre annoncés par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) se font entendre, la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) publie une déclaration. Les évêques parlent de leurs 30000 observateurs électoraux déployés « sur une bonne partie de l’étendue du territoire congolais », mais qui n’ont pu couvrir que « 23,9 % des bureaux prévus ». Ils relèvent « des irrégularités, des tentatives de fraude et des violences ». Les choses n’en restent pas là. Le 12 décembre, le cardinal Laurent Monsengwo Pasinya, archevêque de Kinshasa, monte au créneau. Se basant sur des résultats rendus publics par la Ceni trois jours plus tôt, il met en doute la crédibilité du scrutin et estime que les résultats publiés ne sont pas « conformes à la vérité et à la justice ». Il recommande « aux contestataires d’interjeter appel et de recourir aux voies de droit ». Or, le 4 décembre, Mgr Nicolas Djomo, évêque de Tshumbe et président

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de la Conférence épiscopale, avait clairement indiqué que l’Église n’avait pas pour rôle de publier des résultats. Les déclarations de Monsengwo ont deux conséquences. D’abord, elles lui attirent les foudres du pouvoir, comme ce fut déjà le cas en février lorsqu’il avait dénoncé la révision de la Constitution ayant débouché sur le principe d’une présidentielle à un seul tour. Ensuite, Monsengwo se retrouve isolé dans la mesure où la Conférence épiscopale ne le soutient pas publiquement. Pour Aubin Minaku, secrétaire général de la majorité présidentielle, le primat n’a eu

que ce qu’il méritait. « Je reste convaincu que l’Église catholique peut jouer un rôle dans ce pays, notamment en matière d’éducation civique, reconnaît-il. Mais en période électorale, elle doit se contenter de prodiguer des conseils neutres. La position du cardinal Monsengwo est partisane. » Le politologue Mwayila Tshiyembe voit dans les différentes déclarations de l’archevêque de Kinshasa plus qu’un simple coup de gueule. Selon lui, le prélat veut « rester dans l’Histoire comme garant de la légalité, après être passé à côté du dialogue intercongolais au début des années 2000. Il veut se réapproprier les idées et le combat de la Conférence nationale souveraine de 1992, qu’il avait dirigée ». MAMELLES DU POUVOIR. Sur cette

question du manque de transparence de l’élection du 28 novembre, l’Église a montré son visage habituel : celui de la division. L’abbé José Mpundu en est conscient. Curé, doyen d’une paroisse à Matete, une commune populaire de Kinshasa, il ne mâche pas ses mots : « La hiérarchie de l’Église a toujours été du côté du pouvoir. Les loups ne se mangent pas entre eux. » Évoquant le processus électoral, l’abbé Mpundu déplore le « manque d’organisation et d’efficacité » de l’Église, qui n’a mobilisé « que » 30 000 observateurs alors qu’il y avait plus de 60 000 bureaux de vote. Pourtant, souligne-t-il, vu sa très large implantation à travers le pays, elle aurait dû être présente partout. Un autre prêtre, l’abbé Richard Mugaruka, professeur aux Facultés catholiques de Kinshasa, abonde dans le même sens : « La Conférence épiscopale a fait des déclarations sans aucune stratégie de communication,

SOUS MOBUTU DÉJÀ, UNE RELATION AVEC DES HAUTS ET DES BAS LES PASSES D’ARMES ENTRE LES CARDINAUX et le pouvoir ne datent pas d’aujourd’hui. La plus célèbre des batailles a opposé, de 1972 à 1975, le président du Zaïre, Mobutu Sese Seko, au cardinal Malula. Pomme de discorde : la politique du retour à l’authenticité prônée par Mobutu. La querelle atteint son point culminant lorsque le chef de l’État, en voyage à l’étranger en février 1972, décide que le prélat doit quitter le pays avant son retour. Malula doit alors s’exiler pendant trois mois au Vatican. Ce qui n’empêchera pas une réconciliation entre les deux hommes. Lors de son jubilé, en 1984, le cardinal annonça publiquement avoir reçu un généreux cadeau de Mobutu. Quant au cardinal Etsou, successeur de Malula, il avait mis en doute la crédibilité des résultats du second tour de la présidentielle de 2006, remportée par Kabila face à Jean-Pierre Bemba. ● T.L.M.K. JEUNE AFRIQUE


Afrique subsaharienne

Pauvreté, tribalisme, corruption… L’Église souffre des mêmes maux que le reste du pays. pauvreté extrême, choisissent ce qui peut assurer leur survie. Transformés par la force des choses en présidents-directeurs généraux sans base, beaucoup posent des actes individuels sans recourir à une base qu’ils ne maîtrisent plus tout à fait. Selon l’abbé Mugaruka, cette Église, devenue la « propriété privée d’une cinquantaine de personnes », souffre des mêmes maux que le reste du pays : tribalisme, corruption, mauvaise gouvernance, impunité… Et elle a hérité des pratiques coloniales qui la rendaient très proche de l’administration et des milieux d’affaires. S’il admet que l’Église catholique congolaise aspire au changement, il constate un manque d’idées fortes pour une action digne de ce nom. Richard Mugaruka signale un autre aspect dont on ne parle pas assez : la révocation pour mauvaise conduite ces dernières années, par le Saint-Siège, d’une dizaine d’évêques congolais. OUAILLES. Il fut une époque où l’Église était en mesure de suppléer les carences du gouvernement en menant des actions sociales. Aujourd’hui, la paupérisation est telle qu’elle n’est plus capable de jouer ce rôle. C’est la conséquence du départ des différentes congrégations étrangères qui la finançaient et de l’apparition de nombreuses organisations non gouvernementales. Cela réduit l’impact de son discours sur les ouailles. D’où, peut-être, une perte de crédibilité qui fait le bonheur, depuis plusieurs années, des Églises évangéliques. ● TSHITENGE LUBABU M.K. JEUNE AFRIQUE

Il nous a rendu visite au 57 bis | Lassana Palenfo

Faites du sport, pas la guerre Le président du comité olympique ivoirien veut, à sa manière, aider à la réconciliation de son pays.

M

ERCREDI 14 DÉCEMBRE, 15h30. Le général Lassana Palenfo, 70 ans, est au siège de Jeune Afrique. Le président du Comité national olympique de Côte d’Ivoire est pile à l’heure… mais avare de paroles: « Je ne fais pas de politique », répète-t-il quand on l’interroge sur le boycott des législatives par le Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo ou sur le transfèrement de l’ancien chef de l’État à La Haye. Ancien membre du Comité national de salut public (CNSP) du général Robert Gueï, il a fui Abidjan en 2001 et n’y est retourné qu’en mai 2011. En Europe, il passe son temps entre son appartement parisien et le bureau du Comité international olympique (CIO), à Lausanne (Suisse). Aujourd’hui, il affirme que ses relations avec Gueï s’étaient détériorées quelques mois après le coup d’État de Noël 1999, et qu’avec Gbagbo c’était la suspicion réciproque. Il dit, en revanche, entretenir de bons rapports avec le président Ouattara. Mais Lassana Palenfo préfère qu’on lui parle de sport. Président de l’Union africaine de judo (UAJ), vice-président de la Fédération internationale de judo (FIJ) et lui-même ceinture noire (quatrième dan) de judo, il se dit persuadé

BRUNO LEVY POUR J.A.

soutient-il. La seule conclusion à tirer, après le constat du mauvais déroulement de l’élection, aurait dû être l’invalidation et l’annulation. Quant au cardinal Monsengwo, il a personnalisé le débat. S’il avait mis ses propos dans la bouche du bas clergé, qui côtoie au quotidien les 70 % des Congolais qui souffrent, ils auraient eu un autre retentissement. » Les divisions au sein de l’Église catholique se traduisent, concrètement, par une rupture de fait entre le haut et le bas clergé, ce dernier accusant le premier d’être nourri aux « mamelles du pouvoir ». Les évêques, dans un contexte de

MI-DÉCEMBRE, au siège de Jeune Afrique, à Paris.

beaucoup de joie le discours de Drogba, qui appelait à la réconciliation, raconte-t-il. Son combat doit inspirer tous les Ivoiriens. » En attendant de retourner définitivement chez lui, fin décembre, le général Palenfo, qui est aussi président de l’Association des comités nationaux olympiques d’Afrique (Acnoa), appelle les dirigeants sportifs africains à plus de transparence dans la gestion des fonds qui leur sont alloués – allusion aux sanctions infligées par le CIO au président de la Confédération africaine de football (CAF), Issa Hayatou, et au président de la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF), Lamine Diack. « Les associations sportives sont régies par des lois qui disent que l’argent reçu à titre de don doit être viré sur le compte des associations, et non être perçu directement par les dirigeants, martèle-t-il, fût-ce au bénéfice desdites associations. » À bon entendeur… ● ANDRÉ SILVER KONAN

J’ai de bons rapports avec Ouattara, mais je ne fais pas de politique. qu’il peut aider les Ivoiriens à faire la paix avec eux-mêmes. « Le sport peut contribuer à la réconciliation », explique-t-il. Palenfo ne cache pas son admiration devant l’engagement du footballeur Didier Drogba, membre de la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR) de Charles Konan Banny. « J’ai suivi avec

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Afrique subsaharienne nous étions convenus que ce n’était pas cohérent que deux personnes qui avaient mené ensemble la transition, défendu les mêmes valeurs, s’affrontent pour Koulouba. »

MALI

« Zorro » est arrivé…

Un de plus ! C’est au tour de l’ancien Premier ministre Soumana Sako de se lancer dans la course à la présidentielle du mois d’avril. Une quinzaine de candidats se sont déjà déclarés.

RECUL. Il aura donc patienté dix ans, exilé

à Harare (Zimbabwe) par ses fonctions de secrétaire exécutif de la Fondation pour le renforcement des capacités en Afrique. Éloigné, mais pas coupé du Mali, tient-il à souligner : « Je pense même que cela donne du recul et une certaine hauteur. »

S

es partisans l’appellent Zorro. S’il s’en amuse, Soumana Sako se veut plus pragmatique que le héros masqué, martelant que sa priorité est de « restaurer l’autorité de l’État ». Candidat déclaré à la présidentielle d’avril 2012 au Mali, le leader de la Convention nationale pour une Afrique solidaire (Cnas) – sa toute nouvelle formation politique – fait de la lutte contre la corruption et de la renégociation des contrats miniers ses thèmes de campagne. « Quand vous voyez le nombre de personnes qui ont fait le déplacement au Palais de la culture [à Bamako, NDLR] le 18 décembre, cela montre que c’est une préoccupation partagée par tous, explique-t-il. Nous, nous n’avons pas eu besoin de rameuter des gens à l’aide de billets de banque… » Soumana Sako, 61 ans, n’est pas un inconnu de la vie politique malienne. Ex-ministre des Finances de Moussa Traoré (1986-1987), il effectue sa première tentative en 1997. Cette année-là, en compagnie d’autres leaders d’opposition, il se retire de la course « compte tenu des fraudes massives qu’il y avait

Il n’est pas un nouveau venu en politique. Ce ne sera pas non plus sa première tentative.

EMMANUEL DAOU BAKARY

56

À 61 ANS, IL DIRIGE la Convention nationale pour une Afrique solidaire.

eu à l’époque ». Puis en 2002 et 2007, il renonce encore, préférant laisser la place à Amadou Toumani Touré (ATT), dont il avait été Premier ministre durant la transition militaire de 1991 à 1992. « Nous en avions discuté en 2000. Et

Dans la course à Koulouba, une quinzaine de concurrents se sont déjà fait connaître et la caution est pour l’instant fixée à 5 millions de F CFA (7 600 euros). En attendant, parmi les poids lourds de la politique malienne, seuls Dioncounda Traoré, président de l’Assemblée nationale et candidat de l’Alliance pour la démocratie au Mali (Adema), et Soumaïla Cissé, leader de l’Union pour la République et la démocratie (URD), ont été officiellement investis par leur parti. Rien d’effrayant pour Soumana Sako : « Je respecte chacun des candidats, mais je les connais et ils ne me font pas peur. » ● MALIKA GROGA-BADA

Coulisses ZIMBABWE ADIEU VEAUX, VACHES, COTON… Il s’est marié, a divorcé deux semaines plus tard, mais ses ennuis ne sont pas terminés. Le Premier ministre zimbabwéen, MorganTsvangirai, a été condamné par une cour traditionnelle à payer deux vaches, deux moutons et 10 mètres de cotonnade. Son tort? Avoir osé convoler en novembre, mois « sacré » et tabou – la tradition veut que se

marier à cette époque de l’année porte malheur… La cour qui l’a condamné menace de lui envoyer l’équivalent d’un huissier s’il n’obtempère pas. Tsvangirai, lui, a déjà dit qu’il ne reconnaissait pas son autorité. NIGER FINI LA VACHE À LAIT ! Le Niger fêtait, le 18 décembre, le 53e anniversaire de la proclamation de la République. L’occasion

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pour le président Issoufou de dire qu’il était déterminé à poursuivre la lutte contre les détournements de deniers publics. Le pays, a-t-il déclaré, « doit cesser d’être la vache à lait d’une minorité de personnes indélicates ». Il a demandé la levée de l’indemnité des députés soupçonnés de corruption. AFRIQUE DU SUD VACHEMENT CULOTTÉ À 93 ans, Nelson Mandela est toujours – et bien

malgré lui – sous l’œil des caméras. Deux agences de presse sont accusées d’avoir placé sa maison sous surveillance vidéo sans avoir reçu l’accord préalable de la famille de l’ancien héros de la lutte contre l’apartheid. Les caméras ont été enlevées, mais Reuters et Associated Press (AP) sont accusés d’espionnage. Il y a quelques mois, Mandela a décidé de finir ses jours dans son village natal de Qunu (Sud-Est). JEUNE AFRIQUE


MINISTÈRE DE L’AGRICULTURE, DE L’ÉLEVAGE ET DE LA PÊCHE « FAIRE DU BÉNIN, UNE PUISSANCE AGRICOLE »

SABAÏ KATÈ, L’HOMME DE TERRAIN

Fidèle à son engagement de suivre de très près la campagne agricole, il parcourt les champs pour soutenir les producteurs et les agents d’encadrement. Selon les réalités qui se présentent à chaque sortie, Sabaï Katè n’hésite pas à greffer d’autres missions à celle de départ. En quelques mois Sabaï Katè a réussi à imposer sa marque au secteur agricole selon la vision du Président Boni Yayi. Les résultats sont au rendezvous : renaissance de la filière coton, adoption du Plan stratégique de relance du secteur agricole (PSRSA)… teurs généraux des Centres régionaux de promotion agricole (CeRPA), il exige un rapprochement plus direct avec les agents d’encadrement à la base. « Vous devez faire au moins une fois par quinzaine le tour des localités sous votre tutelle pour assurer le suivi du travail d’encadrement que font vos agents à l’endroit des producteurs », recommande-t-il. Aux responsables des Centres communaux de promotion agricole, il impose une visite de terrain par semaine pour s’enquérir des conditions de travail des agents d’encadrement dans les villages et être à l’écoute des producteurs. Un management efficace qui assure le suivi de la campagne agricole depuis le sommet jusqu’à la base. Le ministre luimême s’impose une descente mensuelle sur le terrain. Ce qui lui vaut l’image de « L’homme à la natte au dos » que lui a collée en octobre dernier un producteur de palmier à huile dans le département du Mono au Sud-ouest du Bénin.

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Sabaï Katè (devant en chemise manches longues) dans une palmeraie. Avec sa médiation, la paix est revenue au sein des coopératives de producteurs de palmier à huile et la relance de la filière est prometteuse.

«N

ous vous supplions de nous accorder les mêmes efforts et le même dynamisme comme vous l’avez fait pour le coton ». C’est l’appel au secours que les producteurs de palmier à huile des Unions régionales des coopératives d’aménagement rural ont lancé à l’endroit de Sabaï Katè. Ministre de l’agriculture, de l’élevage et de

la pêche depuis mai 2011, il a multiplié les descentes sur le terrain. « Je ne suis pas un ministre qui reste au bureau. Mon bureau, c’est le terrain et je serai à vos côtés dans les champs, sur les pistes de pâturages et sur les lieux de pêche », indique-t-il pour marquer sa différence de management. Aux direc-

C’est un système novateur de contrôle et de suivi qu’il a mis en place pour contourner les lourdeurs administratives. « Je ne peux pas rester à Cotonou pour attendre les rapports transmis par voie hiérarchique et qui prennent des mois pour me parvenir sans refléter les réalités du terrain », justifie le ministre Sabaï Katè. Pour cette raison, il a élaboré un répertoire de tous les numéros de téléphone portable de chacun des soixante-dix-sept responsables communaux de promotion agricole que connaît le Bénin. Il n’hésite pas à appeler directement et individuellement chacun de ces responsables


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L’igname comme le manioc occupe une place importante dans le dispositif de sécurité alimentaire prévu dans le PSRSA.

communaux sans passer par les Directeurs généraux des CeRPA. « Avec cette méthode, chaque directeur général de CeRPA est obligé d’être en contact quotidien avec ses collaborateurs dans les communes et les villages afin de ne pas se faire surprendre par le ministre. Les gens ne dormaient plus pratiquement. Même à

« MON BUREAU, C’EST LE TERRAIN ET JE SERAI À VOS CÔTÉS DANS LES CHAMPS, SUR LES PISTES DE PÂTURAGES ET SUR LES LIEUX DE PÊCHE »

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des heures avancées dans la nuit, le ministre appelle pour savoir ce qui se passe dans telle ou telle localité. Il vous donne parfois des informations que vous n’avez pas parce qu’il est aussi en contact avec les producteurs et il est ouvert à tous les producteurs qui l’appellent et l’informent de l’évolution de la situation. Les paysans sont dans leur champ de coton et appellent le ministre quand ils constatent quelque chose. C’est une stratégie forte, participative que Katè a utilisée pour gagner la confiance des cotonniers », témoigne Séverin Challa, Directeur général du CeRPA Borgou-Alibori. « Je veux être informé régulièrement et instantanément. Pour les rapports, vous me les ferez parvenir plus tard par la voie administrative traditionnelle », répète souvent le ministre. De la sorte, aucun directeur général de CeRPA ne peut faire des rapports tronqués. Depuis sa nomination, il a déjà effectué, en six mois, plus d’une vingtaine de descente dans les champs et dans tous les départements du Bénin. Parfois même sans informer les Directeurs généraux. Les résultats ne se sont pas fait attendre.

Sabaï Katè (à droite) échange avec un producteur dans son champ.

L’appui des rois et chefs traditionnels et même des élus locaux est sollicité par le ministre. Ici en compagnie du roi de Nikki.

Le coton est relancé De 130 000 tonnes, la campagne dernière, la production cotonnière pointe autour de 300 000 tonnes pour la campagne 2011-2012. La filière coton reprend vie. Les acteurs mêmes de la filière qui n’y croyaient plus trop ont été surpris par la rapidité de cette renaissance. Un record depuis environ sept ans. Un accroissement qui propulse le taux de croissance de l’économie béninoise. « Une augmentation de 50 000 tonnes de coton fait bondir notre taux de croissance d’un point. Nous n’avons pas le droit de nous amuser avec cette filière », déclare le ministre aux producteurs et autres acteurs de la filière dans les champs et à toutes les occasions. Pour donner le bon exemple, il s’est impliqué personnellement, bien qu’ayant rattrapé la campagne à mi-chemin. Face à la menace d’une pénurie d’intrants en pleine campagne, du fait du dépasse-

ment des prévisions d’emblavures, Sabaï Katè, se porte volontaire. Avec l’accord du gouvernement, il effectue un voyage par voiture aller-retour de plus de 6 000 km au Burkina Faso pour approvisionner en intrants les champs de coton en détresse. Le pire est évité. Un geste que les responsables de l’interprofession ont reconnu comme salvateur et inédit. « C’est la première fois que je vois un ministre qui affiche une telle volonté », apprécient certains responsables de l’interprofession qui se préparent à faire face lors de la prochaine saison à un retour massif et déterminant des producteurs grâce au lobbying du ministre de l’agriculture. Un grand pas en avant dont se réjouit l’ancien maire de Banikoara, fils de producteur de coton, lui-même paysan devenu ministre de l’agriculture. Il ne manque aucune occasion d’afficher son bonheur d’être dans les champs.

Sabaï Katè sur le site de lancement de la campagne de commercialisation de coton avec ses collègues ministres de la famille et du commerce.


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Sabaï Katè inaugurant un marché de vente de poissons et autres produits de pêche à Malanville dans l’extrême Nord du Bénin.

Sabaï Katè dans un champ de riz.

Avec la complicité des médecins vétérinaires, il est le premier ministre de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche à organiser une cérémonie de lancement des campagnes de vaccination des bovidés.

Intensifier la culture du riz et gagner le défi de la mécanisation agricole Pragmatisme et spontanéité font l’agenda du ministre Sabaï Katè. Le 8 septembre 2011 le gouvernement décide de mettre rapidement en œuvre un programme d’investissement de 3 milliards F CFA pour l’intensification de la production de riz. Dès le lendemain, il se retrouve sur le terrain aux côtés des élus locaux, des populations et des jeunes pour les sensibiliser à diversifier leur production et leurs revenus au profit de la culture du riz. En effet l’objectif est de passer à court terme d’une production de 150 000 tonnes par an à 300 000 tonnes. C’est l’équivalent de la consommation intérieure. A moyen terme, il s’agit d’atteindre, d’ici trois ans, 550 000 tonnes afin d’exporter plus de 250 000 tonnes de riz et diversifier

l’exportation des produits agricoles. Les sites favorables à la production de riz sont mis à la disposition du gouvernement par les conseils communaux : plus de 20 mille hectares

« NOUS ÉTIONS À 1 % DE MÉCANISATION AVANT 2006. SI NOUS EN SOMMES AUJOURD’HUI À PLUS DE 20 %, CE N’EST PAS LE FRUIT D’UN HASARD », pour la plupart sécurisés. Ce qui augure de bons résultats pour le projet. Peut-être encore mieux que le coton. Sabaï Katè était aussi sur les sites aménageables pour la culture du riz en compagnie des conseillers techniques à l’agriculture du Président de la République.

Au même moment, on le voie décrypter l’état de réalisation des quinze sites devant servir à la construction des centres de réparation et de maintenance des machines agricoles. « Si je n’avais pas décidé de faire cette tournée, je n’aurais pas su que notre souci de mécanisation agricole implique davantage de détermination », avait-il justifié. C’est un défi pour le ministre. « Nous étions à 1 % de mécanisation avant 2006. Si nous en sommes aujourd’hui à plus de 20 %, ce n’est pas le fruit d’un hasard », déclare Sabaï Katè dont le souci est de renforcer la mécanisation agricole en vue de l’augmentation de la production agricole et de l’amélioration de la croissance économique.

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La seule manière de promouvoir la mécanisation agricole est de donner le bon exemple en se mettant soi-même aux commandes d’un tracteur dans un champ en labour.


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Ministère de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche à Cotonou.

C’est le plus grand investissement dans les réformes agricoles depuis 1960. Le plan stratégique de relance du secteur agricole constitue désormais un guide pour tous les acteurs publics ou privés. Ce plan donne priorité à des réformes institutionnelles, met l’accent sur la production et accorde un grand intérêt à la transformation et la commercialisation. Parmi les treize filières majeures retenues figurent le coton, l’ananas, l’anacarde, le palmier à huile, les cultures vivrières, l’aquaculture, le lait et la viande, etc. Avec le Psrsa, il sera ainsi possible de promouvoir le professionnalisme dans le domaine agricole avec la vision qui est de « Faire du Bénin une puissance agricole dynamique à l’horizon 2015, compétitive, respectueuse de l’environnement, créatrice de richesses répondant aux besoins de développement économique et social de la population ». En raison de l’importance de ce plan pour le développement soutenu du Bénin, un séminaire gouvernemental présidé par le président Boni Yayi lui a été consacré le

mercredi 13 décembre 2011 à Cotonou. Étaient présents tous les ministres, des experts, des économistes, le patronat, des agro-industriels…, pour sceller un partenariat public privé.

DES DÉFIS

• La couverture des besoins alimentaire et nutritionnel de la population, • L’amélioration de la compétitivité et de la productivité du secteur agricole et rural • L’amélioration de l’attractivité de l’activité agricole et du milieu rural. Quatre objectifs spécifiques • contribuer à la croissance et à la sécurité alimentaire à travers une production efficace et une gestion durable des exploitations, • réduire de 33 % à 15 % la proportion de la population béninoise souffrant de la faim et de malnutrition, • assurer la compétitivité et l’accès aux marchés grâce à la promotion des filières agricoles, • augmenter de 50% le volume des exportations de produits agricoles.

STRATÉGIES DE MISE EN ŒUVRE

• s’assurer des semences de qualité et des Intrants améliorés disponibles et accessibles, • renforcer la mécanisation qui doit s’adapter aux besoins et aux bourses des producteurs, • faciliter l’accès au financement, aux connaissances professionnelles et aux innovations, • garantir l’aménagement agricole du point de vue opérationnel, la sécurisation et la gestion du foncier.

MINISTÈRE DE L’AGRICULTURE, DE L’ÉLEVAGE ET DE LA PÊCHE 03 BP 2900 Cotonou Tél. : (+229) 21 30 04 96 - 21 30 04 10 TELEX : 5320 FAX : (+229) 21 30 03 26

DIFCOM/FC - PHOTOS : DR

PUBLI-INFORMATION

LE PSRSA VA COÛTER PRÈS DE 2000 MILLIARDS DE F CFA


PHOTOPQR/RÉPUBLIQUE DU CENTRE/PASCAL PROUST

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SOCIÉTÉ

LE CHANTEUR MALIEN SALIF KEITA EN CONCERT, en juin 2010, à Orléans (France). Il est l’un des albinos les plus connus sur le continent.

Albinos stories En Afrique, ils sont souvent montrés du doigt, menacés et persécutés. Certains, pourtant, ont su transformer la couleur de leur peau en atout, jusqu’à se faire un nom sur la scène internationale. Portraits de ces hommes et de ces femmes qui ont réussi, envers et contre tous.

CLARISSE JUOMPAN-YAKAM

L

eurs noms figurent rarement dans le Who’s Who. Ils ne riment pas non plus avec hôtels particuliers ou villas cossues, et pourtant ils ont réussi. Car pour les albinos, parfois surnommés nègres blancs à cause de leur peau sans mélanine, réussir, c’est d’abord dépasser cette anomalie génétique et se réaliser en JEUNE AFRIQUE

tant qu’individus, en dépit de leurs problèmes (sensibilité au soleil, troublesoculaires…),despréjugéset des persécutions. À force de persévérance et grâce à un énorme talent, certains sont même parvenus à gagner un petit bout d’immortalité. Salif Keita est sans doute le plus célèbred’entreeux.Depuisquarante ans, l’enfant mandingue, banni

par les siens, incarne la musique malienne, qu’il a su faire évoluer, et enregistre à Los Angeles, Paris ou Bamako. Il a créé une fondation destinée à promouvoir l’insertion des albinos, et son volontarisme a inspirécertainsdesescompatriotes. C’est le cas de Thierno Diallo, responsable de l’information et de l’orientation à l’ambassade du Mali à Bruxelles. Fils d’intellectuels très tôt divorcés, il est le seul albinos dans ses deux familles recomposées (six demi-frères du côté de son père, cinq du côté de sa mère). Aujourd’hui marié à « une très belle femme toute noire », cet ingénieur de 45 ans quitte la direction générale de la Pyramide du souvenir – construite en hommage aux martyrs et acteurs du 26 mars 1991 – sur de belles réalisations. N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012


Afrique subsaharienne Enquête CURIOSITÉ. Écartelé entre ses deux

régions d’origine – celle de son père, musulmane, dans le Nord, où l’enfant albinos est accueilli comme une bénédiction, et celle de sa mère, dans le Sud, traditionaliste, fétichiste et peu ouverte –, Thierno Diallo s’amuse d’être l’objet de toutes les curiosités. Militant dans l’âme, il bénéficie du soutien de la première dame malienne, Lobo Touré Traoré, et affirme avoir noté uneévolutiondesmentalitésdepuis la création, en 1992, de son association, SOS Albinos, en réaction aux signes de rejet. Comme fermer les yeux, se cracher sur la poitrine ou se pincer le nombril dès qu’un albinos vient à passer, histoire de conjurer le sort. S’il dit avoir vécu dans un environnement protégé, il se souvient qu’un féticheur avait fait trembler ses parents, lorsqu’il était enfant, en insinuant que la chair d’albinos était très prisée par ceux de sa caste. Le combat du moment pour ce « Yé Fégué » (celui qui a une mauvaise vue, en bambara): convaincre le gouvernement malien d’accorder des bourses d’étude à tous les bacheliers. En première ligne pour la défense des droits des albinos, cet amoureux de rumba et de chanson française milite pour une fédération d’associations sur l’ensemble du continent. Thierno Diallo affirme être en contact avec des structures internationales, dont la canadienne Under the Same Sun, qui travaille sur une cartographie africaine de l’albinisme sur un axe Maroc-Zimbabwe. En passant par le Cameroun, qui est, avec le Mali, le pays qui compte le plus d’albinos.

VINCENT FOURNIER/J.A.

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NOMMÉ MINISTRE DES

POSTES ET TÉLÉCOMMUNICATIONS EN 2007, THIERRY MOUNGALLA est issu d’un milieu favorisé. Il dit bien vivre son albinisme grâce à l’amour dont il est entouré (ici en 2008 à Brazzaville).

Albinisme (n.m.):

Anomalie génétique héréditaire qui touche l’homme et certains animaux. Elle est due à un défaut de pigmentation (absence de mélanine) et est caractérisée par une peau très blanche, des cheveux blancs ou blond paille et un iris rosé. Elle entraîne souvent des problèmes oculaires. L’albinisme touche une personne sur 20 000. Son incidence est toutefois beaucoup plus élevée en Afrique subsaharienne que dans le reste du monde. Particulièrement touchés : laTanzanie, l’Afrique du Sud, le Zimbabwe, le Cameroun et le Burundi. N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

Yaoundé a su très tôt les intégrer. On se souvient encore de la voix chaude et envoûtante de Richard Ekoka Sam Ewandè, directeur de la Radiodiffusion nationale, dans les années 1970 et 1980. Aujourd’hui, la jeune génération a son icône, Natacha Dale-Kingue, véritable star de la mode. À 30 ans, des mensurations de rêve timidement dévoilées (1,75 m pour 55 kg; 87-61-88 cm), elle correspond parfaitement aux canons de beauté des agences de mannequins. Mais pour ce top-modèle hors normes, l’histoire d’amour avec la profession ne débute pas par la fable habituelle du casting de rue qui vous expédie sur les podiums. Elle commence en 2001 par l’invitation d’une copine à prendre part à une séance d’entraînement dans une agence spécialisée… juste pour rire. Les photographes s’émerveillent alors de la manière dont son extraordinaire blancheur capture la lumière. Et depuis une dizaine d’années, elle truste les défilés des plus grands stylistes africains, d’Imane Ayissi à Pathé’O en passant par Alphadi. La belle Camerounaise parle sans se presser, cherche ses mots pour expliquer qu’elle est la preuve que la différence peut être un atout. Elle rend grâce à ce corps qui, dit-elle, lui a permis de sortir des arrière-cuisines familiales, où elle aurait pu rester. « Mon physique ne laisse personne indifférent, qu’on le trouve magnifique ou simplement

étrange. » Natacha Dale-Kingue affirme tout oublier sur un podium, jusqu’aux projecteurs qu’elle redoutait à ses débuts à cause de sa piètre vue. Et si elle ne touche pour l’instant que 150 euros par défilé, cette titulaire d’un BTS comptabilité se projette désormais en Shaun Ross, mannequin albinos afro-américain déjà habitué des podiums de Berlin, New York et Paris. Elle s’imagine aussienDiandraForrest,autremannequin africain-américain albinos, révéléeparEliteModel.Mais,lucide, cette native de Douala sait que pour passer de l’anonymat à la gloire il lui faudra travailler et retravailler sa démarche chaloupée. « Parce qu’un albinos doit toujours en faire deux fois plus que les autres. » Médecingénéralisteàl’hôpitaldu district de la Cité verte à Yaoundé, le docteur Abanda Tueche, 28 ans, confirme. Il est passé par toutes les phases, du renoncement à l’exaltation. Au lycée, des camarades aux professeurs, tous lui assuraient qu’il n’y arriverait pas. À l’université, en cours de biologie, il doit disséquer une vingtaine de cochons d’Inde quand ses camarades peuvent s’en tenir à un seul. S’y reprendre à plusieurs fois pour produire une vue microscopique, retourner la nuit au laboratoire pour ses titrations, c’est-à-dire s’entraîner à percevoir les changements de couleur. En école de médecine, entre la 4e et la 6e année, il examine quelque 115 nouveau-nés pour se JEUNE AFRIQUE


Albinos stories

BAGARRES. Pour Jean-Jacques Ndoudoumou, directeur général de l’Agence de régulation des marchés publics, cette anomalie génétique n’a pas non plus été un frein, même s’il admet qu’elle a souvent été invalidante. À l’école, se lever continuellement pour lire au tableau lui a valu bien des noms d’oiseaux de la part de ses camarades, qu’il gênait. Il dit ne plus se souvenir du nombre de bagarres qu’il a dû livrer dans la cour de récréation. Désigné en 2001 pour combattre la corruption, moraliser le secteur des marchés publics et coordonner des actions de bonne gouvernance, cet administrateur civil de 57 ans est passé par divers cabinets ministériels. Il jure qu’il y avait toujours une certaine condescendance dans le regard de ses collègues, persuadés qu’il cachait des tares et avait forcément besoin d’aide pour accomplir certaines tâches. Chef traditionnel de Mvoutessi 1 (120 km au sud de Yaoundé), il s’amuse des marques d’étonnement des participants aux réunions qu’il préside. « Très peu de nos concitoyens conçoivent qu’un albinos puisse se trouver à un tel niveau de responsabilités. » Jean-Jacques Ndoudoumou a tiré parti de son poste pour mener sa croisade pour l’insertion des albinos. Avec fierté, il cite tous « ses jeunes », devenus médecins, ingénieurs ou universitaires. Son Association mondiale pour la défense des intérêts et la solidarité des albinos, l’Asmodisa, reçoit de l’État une subvention annuelle de 1 million de F CFA (1525 euros). « C’est déjà ça », déclare-t-il, philosophe, préférant insister sur les partenariats créés avec les professionnels de santé, notamment en dermatologie et en pharmacie, ce qui permet aux membres JEUNE AFRIQUE

d’obtenir certains produits à des taux préférentiels. Mais ses multiples casquettes, dont celles de président du Comité national paralympique du Cameroun et de propriétaire

En Tanzanie, où ils sont victimes de crimes rituels, 62 albinos ont été tués depuis 2008. de chorale souvent en concert, poussent ses détracteurs à douter de sa capacité à traquer le crime économique. V I TA M I N E C. Jean-Jacques

Ndoudoumou fait fi des critiques. Il vante ses méthodes de travail

et regrette simplement de n’avoir jamais rencontré ces albinos qui ont fait leur chemin en politique, Thierry Moungalla par exemple, ministre congolais des Postes et Télécommunications. Ou encore le député tanzanien Saloum Khalfani Bar’wani, dont l’entrée au Parlement en octobre 2010 avait fait l’effet d’une bombe. Il était le premier albinos élu en Tanzanie, pays qui affiche l’un des plus forts taux de prévalence (un albinos pour 1429 habitants, contre un sur 20000 en moyenne dans le monde) et d’incompréhension : régulièrement, des albinos y sont tués (62 depuis 2008, dont 16 atrocement mutilés). À 51 ans, ce membre du comité exécutif central du Civic ● ● ●

Ì À 30 ANS, LA CAMEROUNAISE NATACHA DALE-KINGUE est une star de la mode, dont les mensurations conviennent parfaitement aux agences de mannequins.

NICOLAS EYIDI POUR J.A.

familiariser avec les pathologies infantiles. Son albinisme en fait un médecin plus pointilleux que les autres. Si le récit de sa vie est peuplé de moqueries et de souffrances, il estime qu’évoquer les problèmes de vue pour justifier l’échec scolaire est une mauvaise excuse. « Il faut identifier son handicap et le dompter », recommande-t-il.

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Afrique subsaharienne Enquête

EMMANUEL DAOU BAKARY POUR J.A.

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United Front (CUF), l’un des deuxprincipauxpartisd’opposition, s’était même payé le luxe de battre le candidat du parti au pouvoir lors des élections générales. Certains de ses adversaires affirmaient par exemple que les albinos n’absorbant pas assez de vitamine C, ils ne peuvent penser clairement. Saloum Khalfani Bar’wani perçoit néanmoins sa victoire comme un ras-le-bol à l’égard des meurtres d’albinos, mais affirme qu’il n’en a pas fait un argument de campagne. Bar’wani fait la fierté des siens, dont Bernard Membe, ministre des Affaires étrangères originaire, ●●●

À 45 ANS, THIERNO DIALLO est un diplomate en poste à Bruxelles. Dans le nord du Mali, d’où vient la famille de son père, un enfant albinos est une bénédiction.

Idées reçues… ... de la plus courante à la plus aberrante !

• L’albinisme est une maladie contagieuse • Les albinos sont généralement le fruit d’une relation adultère entre une femme noire et un homme blanc • Ils ne meurent jamais, mais s’évanouissent dans la nature • En cas d’éruption volcanique, seul le sang des albinos peut calmer le dieu de la Montagne (Cameroun) • Être en possession d’une partie du corps d’un albinos procure richesse et bonheur (Tanzanie). N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

comme lui, de la région pauvre de Lindi. Ou Ernest Kimaya, président de l’Association tanzanienne des albinos. Son cheval de bataille : la défense de leurs droits et la fin des persécutions dans tout l’Est africain. La carrière politique, où priment l’image et la séduction, est évidemment loin d’être aisée pour les albinos. Thierry Moungalla admet ainsi une certaine appréhension à ses débuts, il y a une dizaine d’années. Mais à sa grande surprise, lorsque ses adversaires l’attaquaient sur son albinisme, cela ne le desservait pas, bien au contraire. Issu d’un milieu favorisé et protégé, il dit bien vivre son albinisme grâce à l’amour dont il a été entouré. « Si de bonnes conditions de vie sont assurées, notamment pour ce qui est de la vue, nous n’avons aucune raison, nous autres albinos, d’être considérés comme moins brillants. » Élu député du 7e arrondissement de Brazzaville en 2007, nommé ministre quatre mois plus tard, il se dit fortement impressionné par les actions de Salif Keita dans le cadre de sa fondation, et serait même disponible pour en animer la branche

congolaise. « En le regardant, j’ai eu la preuve frappante que le talent et les compétences triomphaient toujours des préjugés. » PEAU. Sans être aussi connue que

Keita, Annick Mokto exerce elle aussi ses talents au niveau mondial. La fondatrice de l’association Écran total a en effet organisé la première rencontre internationale sur le sujet, à Bruxelles, en avril 2011. Ce qui impressionne chez cette étudiante (elle a interrompu sa scolarité en classe de troisième avant de la reprendre à Bruxelles dix ans plus tard à la Ligue Braille, un institut pour aveugles et malvoyants), c’est son énergie, sa capacité à intéresser les gens sur tous les continents. « Hélas, en Afrique, les enseignants ne sont pas suffisamment formés pour appréhender toute notre singularité. » Dans sa famille, la couleur de sa peau était un sujet tabou. Alors, son truc à elle, c’est libérer la parole: informer le public, les parents d’albinos et les albinos eux-mêmes, car « ne pas savoir pourquoi on est différent est déjà, en soi, une souffrance ». ● JEUNE AFRIQUE


Interview de

M. Jean-Louis BILLON,

Président du Groupe SIFCA et Président de la Plateforme des Acteurs de l'Exportation de la CEDEAO.

Comment expliquez vous le fait que l’Afrique ne participe que faiblement au commerce mondial ? J.L. Billon : En grande partie parce que nous exportons essentiellement des produits à faible valeur ajoutée. Par ailleurs nos entreprises manquent de compétitivité pour nous permettre de faire face à la concurrence mondiale. Quelle réflexion vous inspire l’initiative de ce Forum des Acteurs de l’Exportation de la CEDEAO ? J.L. Billon : Il vient à point nommé, pour nous permettre de dialoguer avec les instances dirigeantes de la CEDEAO, et faire évoluer la région dans un sens favorable à l’investissement, à l’amélioration du climat des affaires et à la compétitivité des entreprises exportatrices. Nous disposons désormais d’une plate forme à cet effet, que nous devons animer et utiliser pour orienter les stratégies de compétitivité des produits de la région. L’initiative EXPECT pour la Promotion des Exportations et la Compétitivité des Entreprises de la CEDEAO était au cœur du Forum de Cotonou. Comment s’assurer qu’elle touche effectivement sa cible ? J.L. Billon : L’initiative EXPECT vise la compétitivité des PME exportatrices, qui sont en principe les plus compétitives de notre région, mais devrait bénéficier à l’ensemble des acteurs des filières agro-industrielles concernées. Par ailleurs, nous avons sélectionné ces filières sur la base de leur potentiel d’exportation, de leur contribution à la sécurité alimentaire et à l’emploi. La mangue, le karité, le riz, l’anacarde, le sésame ou l’huile de palme, sont des filières qui couvrent l’ensemble des pays de la CEDEAO, impliquant de petits agriculteurs, des PME et des grandes entreprises. Je crois que c’est une bonne base.

Au premier rang de droite à gauche : Mr Jean Louis Billon, Président du groupe SIFCA et de la Plateforme des Acteurs de l’Exportation ; Mr Richard Konteh, Ministre du Commerce et de l’Industrie Sierra Leone ; Mme Patricia Francis, Directrice Exécutive du CCI ; Mme Madina Sephou, Ministre de l’Industrie du Commerce et des PME du Bénin ; Mr Robert Akinde, DG ABEPEC ; Mr Kofi Adomakoh, Directeur des Projets et Financement des Exportations AFREXIMBANK.

Quelle y est la place réservée aux échanges intra-régionaux ? J.L. Billon : Elle est centrale. Il a été constaté que les régions qui échangent le plus en leur sein, en tirent un avantage économique certain. A titre d’exemple, les échanges au sein de l’Union Européenne avoisinent les 60%, dans la zone de libre échange Nord Américaine, 40%, et en Afrique à peine 11%. Nous avons donc des efforts à faire, et la mise en place de la Plate-forme des Acteurs de l’Exportation pour identifier les problèmes auxquels font face les entreprises exportatrices, et proposer des solutions y contribue. Si on réussit à réduire les barrières non tarifaires et à appliquer plus sereinement les textes relatifs à la libéralisation des échanges dans l’espace CEDEAO, notre communauté des affaires, pourra véritablement s’épanouir sur un marché régional avoisinant les 280 millions de consommateurs. Et les normes ? J.L. Billon : Pour que nos entreprises affrontent la compétition internationale, il faut que nous dotions la région de normes alignées sur les standards les plus exigeants. Le renforcement des capacités de nos PME pour s’y conformer est une des missions du Réseau des Experts pour l’Entreprise et le Commerce de la CEDEAO, ECOWAS-TEN. En guise de conclusion M. le président quels sont vos espoirs pour le développement économique et social de ce continent ? J.L. Billon : Tirant profit des expériences passées, l’Afrique doit pouvoir se développer en prenant en compte les changements climatiques, en misant sur les énergies renouvelables, en favorisant l’émergence d’entreprises responsables pratiquant un commerce plus équitable . Nous avons la possibilité de nous préparer un avenir meilleur en prenant en compte tous ces aspects.

QUELQUES REPÈRES SUR L'INITIATIVE EXPECT DE LA CEDEAO POUR LA COMPÉTITIVITÉ DES ENTREPRISES À L'EXPORTATION EXPORT PROMOTION & ENTERPRISE COMPETITIVENESS FOR TRADE 2,8 millions de Dollars US d'allocation de lancement de la Commission de la CEDEAO pour la période 2011-2015 approuvée par le Conseil des Ministres en contrepartie aux fonds de l'ACDI a travers le Centre du Commerce International (CCI) et son Programme d’appui aux Capacités de Commerce Régional au Service de l'Afrique, PACCIA II pour le développement de l'infrastructure régionale d'appui et des capacités d'exportation des PME exportatrices dans six chaines de valeur a haut potentiel pour la région : Mangue, Huile de palme, Anacarde, karité, sésame et riz.

PUBLI-INFORMATION

Organe de mise en œuvre : ECOWAS Trade &Enterprise Experts Network (ECOWAS-TEN) 5e

Siège : Abidjan plateau – étage, immeuble de la Chambre Nationale d’Agriculture 27 bp 378 – Abidjan 27 – Côte d’Ivoire Tél. : (+225) 58 69 19 00 E.mail : contact@ecowas-ten.Com Secrétariat technique permanent : 2e étage, immeuble Pharmacie de la Paix Gbegamey 01 bp 6607 Jericho-Cotonou-Benin Tél. : (+229) 21 30 37 35 / 96 86 66 66 E.mail : contact@ecowas-ten.Com

Président : Serge BOMBO Secrétaire Général : Eric GBIAN Sites web : www.ecowas-ten.com Organe d'orientation : Plateforme des Acteurs de l’Exportation (PAE) Président du Groupe Consultatif : Jean-Louis Billon, Président de la CCI-CI et du Groupe SIFCA Promotion et plaidoyer : Forum des Acteurs de l'Exportation, FAE, www.ecowas-ten.com Contact CEDEAO : Philippe TOKPANOU, Conseiller Technique Régional ITC/PACT II, tokpanou@intracen.org


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Maghreb & Moyen-Orient

TUNISIE

Ménage à Après l’adoption d’une petite Constitution provisoire et la formation du gouvernement, la coalition formée par Ennahdha, le Congrès pour la République et Ettakatol peut enfin se mettre au travail. Mais l’enchevêtrement des prérogatives pourrait lui compliquer la tâche.

ABDELAZIZ BARROUHI,

S

à Tunis

idi Bouzid, le 17 décembre 2011. À la cérémonie marquant le premier anniversaire du déclenchement de la révolution par l’immolation de Mohamed Bouazizi, il n’y avait ni portrait du nouveau chef de l’État ni slogan à sa gloire. Signe que l’ère du leader tout-puissant est bel et bien révolue, il n’y avait pas un seul « président » à la tribune officielle, mais trois, côte à côte : Moncef Marzouki, président de la République ; Mustapha Ben Jaafar, président de l’Assemblée nationale constituante (ANC) ; et Hamadi Jebali, président (c’est l’expression en arabe) du gouvernement. Un protocole conforme à l’esprit de la coalition formée après les élections du 23 octobre par leurs partis respectifs – le Congrès pour la République (CPR, gauche nationaliste), Ettakatol (gauche) et Ennahdha (islamiste) –, et qui traduit l’équilibre voulu par la « petite Constitution » provisoire organisant les pouvoirs publics et adoptée par l’ANC, seule et ultime dépositaire de la souveraineté populaire. Aux termes de cette miniloi fondamentale temporaire, les deux chefs de l’exécutif, Marzouki et Jebali, sont tenus d’agir de concert, sous le contrôle de l’ANC. Un système original (lire

trois

l’encadré) mais qui n’en a pas moins soulevé des critiques. Les prérogatives des trois triumvirs sont tellement enchevêtrées que les ténors de l’opposition, après avoir reproché à l’ANC de n’avoir pas conféré au chef de l’État suffisamment de pouvoir, se sont mis à relever tout ce qui, à leurs yeux, constitue de sa part des « empiètements » sur les attributions du gouvernement. Il est vrai que le nouveau président a surpris tout le monde par un départ en trombe, pendant que Jebali planchait sur la composition du gouvernement (lire p. 68). Lors de sa première semaine à la magistrature suprême, Marzouki s’est ainsi rendu, en toute discrétion, dans plusieurs villes du pays pour visiter des familles de martyrs (sur les tombes desquels il s’est recueilli) et des blessés de la révolution, ou pour saluer de vieux militants anti-Ben Ali qui ne pouvaient plus se déplacer ; mais cela, nul ne peut le lui reprocher. Il a reçu successivement, en l’absence de Jebali, les membres du Conseil supérieur des armées et ceux du Conseil supérieur des forces de sécurité intérieure, mais aussi les représentants de l’opposition, du patronat et de la principale centrale syndicale, appelant à une trêve sociale et politique de six mois afin de favoriser la relance de l’économie. Il a également annoncé que les « palais », hormis celui

Préparatifs des CÉRÉMONIES COMMÉMORATIVES DU DÉCLENCHEMENT DE LA RÉVOLUTION,

à Sidi Bouzid, le 17 décembre.

PRINCIPALES ATTRIBUTIONS DU CHEF DE L’ÉTAT • Représente l’État tunisien • Commandant suprême des forces armées • Nomme et révoque, avec l’accord du chef du gouvernement, les cadres de l’armée, les hauts fonctionnaires des Affaires étrangères et les diplomates • Définit la politique étrangère en accord avec le chef du gouvernement • Reçoit les lettres de créance des représentants des États N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

et organisations régionales et internationales • Signe et promulgue les lois votées par l’ANC • Nomme le chef du gouvernement • Exerce l’amnistie • Nomme le gouverneur de la Banque centrale avec l’accord du chef du gouvernement et du président de l’ANC. Une nomination soumise à l’approbation de la Constituante JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient

NACER TALEL/WWW.IMAGESDETUNISIE.COM

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de Carthage, seraient vendus aux enchères et que l’argent récolté serait versé dans un fonds pour l’emploi. En matière de politique étrangère, Marzouki a manqué à deux reprises au devoir de réserve auquel est traditionnellement tenu un chef de l’État. La première fois en qualifiant, dans les colonnes du JDD (daté du 18 décembre), de « considérations culturalistes » les propos de l’ancien ministre français des Affaires étrangères Hubert Védrine, alors que celui-ci, peu suspect de racisme, n’avait fait que déclarer que la France devait s’abstenir de prendre parti pour l’une des chapelles tunisiennes rivales. Sa seconde imprudence a été sa présence, le 19 décembre, au congrès du Conseil national syrien (opposition), qui s’est tenu à Tunis avec sa bénédiction et où il a appelé Bachar al-Assad à s’exiler en Russie. COMPLÉMENTARITÉ. Autre couac, plus compréhensible celui-là : l’hommage qu’il a rendu à l’armée pour avoir défendu la révolution et assuré la sécurité du pays… en omettant de citer le rôle des forces de l’ordre. Il se reprendra plus tard en JEUNE AFRIQUE

Marzouki et Jebali sont tenus d’agir de concert, sous le contrôle de la Constituante.

expliquant, avec son franc-parler coutumier, qu’il avait tellement souffert de la police sous Ben Ali qu’il en a gardé, dans son inconscient, une mauvaise image, reconnaissant qu’elle méritait aussi d’être saluée. Le triumvirat Marzouki-Jebali-Ben Jaafar et le gouvernement ont manifestement encore beaucoup à apprendre. C’est la première coalition au pouvoir dans l’histoire de la Tunisie, après plus d’un demi-siècle de culture du parti unique. La dictature a été remplacée par un système où c’est l’ANC qui gouverne et délègue à chacune des composantes du triumvirat des attributions exécutives, souvent partagées. Ce qui ne constitue pas un problème pour Marzouki. « Les prérogatives, estime-t-il, ce n’est pas le plus important. […] Nous sommes capables de nous asseoir autour d’une table, de discuter et de déterminer ensemble le sort du pays. C’est cela le miracle tunisien. Il faut aussi une concertation avec l’opposition pour trouver ensemble des solutions aux problèmes économiques et sociaux, et résoudre la question du chômage. » S’il est un argument permettant d’accorder un préjugé favorable aux triumvirs, N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012


Maghreb Moyen-Orient c’est celui de leur complémentarité : Marzouki incarne la conception militante de l’exercice du pouvoir, Jebali le pragmatisme islamiste et Ben Jaafar l’indispensable pondération. Dans ces conditions, il est difficile d’imaginer que la coalition puisse être menacée d’éclatement de l’intérieur d’ici à la fin de 2012. Les trois alliés ont appris à se connaître pendant les « années

de braise » et sont d’accord sur les grandes lignes de la politique gouvernementale, tout en laissant à chacun sa liberté durant les débats à venir sur la future Constitution. Seul danger potentiel : la poursuite des sit-in, manifestations et autres grèves qui aggraveraient un peu plus la situation économique et sociale et auraient des prolongements sécuritaires par définition imprévisibles. ●

Savant dosage Dominé par les islamistes, le nouveau gouvernement compte vingt-neuf ministres, dont sept indépendants.

P

our former le premier gouvernement de l’Histoire issu d’élections démocratiques, le Premier ministre, Hamadi Jebali, a dû jouer les équilibristes afin de contenter à la fois son parti, Ennahdha, ses deux « alliés », le Congrès pour la République (CPR) et Ettakatol, et les indépendants. Il se sera écoulé deux mois entre les élections et la prise de fonctions du gouvernement, qui a reçu, le 22 décembre, la confiance de l’Assemblée nationale constituante (ANC). Comme prévu, Ennahdha se taille la part du lion avec 14 des 29 ministères, dont 3 de souveraineté : la Justice, l’Intérieur et les Affaires étrangères. Deux postes clés échoient néanmoins à des indépendants : la Défense, à la tête de laquelle a été reconduit Abdelkrim Zbidi, et les Finances, dont le nouveau titulaire, Houcine Dimassi, a été proposé par Ettakatol. Les deux alliés d’Ennahdha totalisent 8 ministères : 4 pour Ettakatol et 4 pour le CPR. Outre les Finances et la Défense, les indépendants, presque tous des technocrates, se sont vu confier 5 départements ministériels et 7 des 11 secrétariats d’État (les 4 autres étant répartis entre les coalisés). La composition du gouvernement traduit la volonté de la coalition de rompre avec le passé, sauf en ce qui concerne l’armée, qui s’est montrée républicaine en protégeant la révolution. C’est ce qui explique le maintien à la tête du ministère de la Défense d’un indépendant, Abdelkrim Zbidi, 61 ans, professeur de médecine hospitalo-universitaire, ancien ministre de la Santé et ami de l’Égyptien Mohamed el-Baradei, ancien patron de l’Agence internationale de l’énergie N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

HICHEM

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MONCEF MARZOUKI (à dr.) avec HAMADI JEBALI et MUSTAPHA BEN JAAFAR, le 20 décembre, au palais de Carthage.

atomique (AIEA), pour le compte de laquelle il avait assuré des missions d’expertise (applications médicales). Le ministère de la Justice a été confié à Noureddine Bhiri, activiste modéré et avocat de renom, qui s’est consacré avec son épouse à la défense de la plupart des 30 000 membres et sympathisants d’Ennahdha arrêtés au cours des vingt dernières années. NOUVEAUTÉS. C’est un autre dirigeant

historique du mouvement islamiste, Ali Larayedh, qui a pris la tête du ministère de l’Intérieur, dans les caves duquel cet ingénieur de 56 ans a été torturé pendant plusieurs mois lors de sa détention préventive, au début des années 1990, avant d’être condamné à quinze ans de prison. Jebali souhaitait nommer son prédécesseur, Habib Essid, conseiller pour la sécurité intérieure avec rang de ministre, mais le CPR s’y est opposé. Attenduautournant,RafikAbdessalem, 46 ans, nouveau ministre des Affaires étrangères, devra faire la preuve qu’il est à la hauteur de la fonction, ses détracteurs estimant qu’il doit sa nomination à son lien de parenté avec Rached Ghannouchi,

dont il est le gendre. Houcine Dimassi, professeur d’économie et indépendant, a été appelé à la dernière minute au ministère des Finances sur proposition d’Ettakatol, dont le candidat, Khayam Turki, un spécialiste de la finance qui a dirigé la campagne du parti, a fait défection. Dimassi, qui avait refusé de figurer dans le gouvernement de Mohamed Ghannouchi au lendemain de la révolution, est partisan de la remise à plat des finances publiques. Plusieursautrespersonnalitésoccupent des fonctions nouvellement créées ou seront chargées de réformes prioritaires. Parmi elles, le très médiatique Samir Dilou, porte-parole du gouvernement et à la tête d’un nouveau département des droits de l’homme et de la justice transitionnelle. Militant d’Ettakatol, Abderrahmane Ladgham, professeur de médecine et fils de feu Bahi Ladgham, grande figure du mouvement nationaliste et compagnon de Habib Bourguiba, a été chargé du dossier sensible de la lutte contre la corruption. Enfin, Mohamed Abbou, membre historique du CPR, s’est vu confier le ministère des Réformes administratives (lire aussi p 146). ● A.B. JEUNE AFRIQUE



Maghreb Moyen-Orient

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OPINION

Opinions & éditoriaux

Israël et le Printemps arabe

À FRANK NOUMA Correspondant à Paris de Israel Magazine

la veille des révolutions arabes, la situation qui prévalait dans la région n’était pas pour déplaire à Israël, car elle lui permettait d’utiliser sa diplomatie et sa communication afin d’affirmer haut et fort qu’il était le seul État démocratique de la zone. C’était un leitmotiv dans la stratégie de défense de l’État hébreu, notamment au sein des instances internationales. Car comment normaliser ses relations avec des dictatures et faire confiance à des autocrates, qui justifiaient d’ailleurs souvent leurs excès par le fait qu’ils étaient en conflit avec l’« entité sioniste », voire carrément en guerre avec les Juifs ? Cet argument de l’establishment israélien, gauche et droite confondues, n’était pas démagogique. Il exprimait la nature profonde de la perception israélienne du monde arabo-musulman, la réciproque étant tout aussi vraie. Mais avec le glissement du Printemps arabe vers un hiver islamiste, il reste pour Israël la possibilité de maintenir sa ligne politique et diplomatique en recourant cette fois à un argument non moins authentique que le premier : la défiance idéologique que lui vouent les protagonistes islamistes, si « modérés » soient-ils. C’est en effet une réalité que l’islamisme, dans son idéologie autant que dans sa praxis, est résolument anti-israélien, voire, pour certains, résolument antisémite. À moins que cette défiance n’ait été, depuis la naissance des

Frères musulmans en Égypte (1928), qu’un thème mobilisateur destiné à galvaniser les populations arabes. Dans cette nouvelle configuration politique et géopolitique, la grande inconnue reste donc la question de savoir si les islamistes qui ont été portés au pouvoir vont passer de la démagogie à la realpolitik. Autrement dit, quitte à caricaturer, de l’antisionisme primaire au pragmatisme utilitariste. Une telle mutation est d’autant plus envisageable qu’il existe déjà des signes avantcoureurs dans les déclarations volontairement rassurantes des Frères musulmans égyptiens et de leurs alter ego tunisiens. Dans leurs derniers discours, l’on peut deviner cependant l’empreinte des pressions occidentales, et principalement de l’allié historique et stratégique d’Israël, à savoir

Les islamistes au pouvoir vont-ils passer de l’antisionisme au pragmatisme ?

AUDE OSNOWYCZ/WOSTOK PRESS

Ü MANIFESTATION DEVANT L’AMBASSADE D’ISRAËL AU CAIRE, le 19 août, après la mort de trois policiers égyptiens abattus par Tsahal.

N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

les États-Unis d’Amérique. L’enjeu et le pari étant d’obliger dès à présent les islamistes portés au pouvoir à marcher sur les traces de l’AKP turc, dont les dirigeants ont fait leurs preuves en matière de gestion et de bonne gouvernance en Turquie. Il s’agit là d’un pari malgré tout risqué, car l’islamisme turc reste jusqu’à présent un cas très particulier eu égard aux conditions historiques, sociologiques et politiques de son émergence. S’il est probable que l’islamisme triomphant au Maghreb et au Moyen-Orient est capable, par tactique ou par stratégie, de changer d’attitude envers Israël, rien ne nous permet d’affirmer que les islamistes qui viennent d’arriver au pouvoir enTunisie, en Égypte ainsi qu’en Libye puissent se défaire de leurs propres conditions et spécificités historiques, sociologiques et politiques. Autre inconnue, qui peut considérablement peser sur la nouvelle géopolitique : l’attitude iranienne. Si l’islamisme sunnite est capable de mutation, en sera-t-il de même de l’islamisme chiite ? En d’autres termes, l’axeTéhéran-BagdadDamas-Beyrouth (via le Hezbollah) peut-il devenir la réplique de l’arc sunnite Rabat-Alger-TunisTripoli-Le Caire-Ankara ? Rien n’est moins sûr. Une chose est certaine : pour l’État d’Israël, rien ne sera plus comme avant. ● JEUNE AFRIQUE



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Maghreb Moyen-Orient MAROC

Une élite peut en cacher une autre Consciente de l’autisme de ses représentants politiques traditionnels, une partie de la bourgeoisie a choisi de voter pour les islamistes du PJD, dont le profil n’est plus si éloigné du sien.

A

u lendemain des élections législatives du 25 novembre, largement remportées par le Parti de la justice et du développement (PJD, islamiste), l’ambiance est morose dans ce salon des beaux quartiers de Rabat. Ici, la victoire d’Abdelilah Benkirane est une mauvaise nouvelle. « C’est catastrophique pour notre image à l’étranger. Ce parti manque de gens compétents et développe des idées rétrogrades. Je suis très inquiet pour l’avenir du Maroc », confie M., un entrepreneur fortuné qui s’est essayé à la politique ces dernières années. Si par « élite » on entend un groupe de personnes en position de domination à la fois politique, économique et culturelle et qui partagent un certain nombre de valeurs et de comportements, alors M. en fait partie. Et le PJD est à ses yeux un repoussoir sur le plan tant politique que moral. Au Maroc, on a coutume de décrire les élites comme un groupe relativement homogène, en partie parce que cette caste privilégie l’« entre-soi ». Ouverts sur le monde, ses membres ont fait leurs études à l’étranger et disposent à la fois de gros moyens financiers et d’un solide réseau. Dans un pays où l’engagement et le militantisme sont disqualifiés, ces privilégiés sont régulièrement parachutés dans le champ politique. Or, comme l’a démontré le Printemps arabe, aucune élite ne peut espérer se maintenir si elle ne dispose pas d’une certaine autorité morale. Pour le sociologue Mohamed Tozy, le vote du 25 novembre s’apparente en grande partie à un « vote sanction contre des élites » vivant en vase clos et déconnectées de la réalité de la société. Une élite opportuniste, ostentatoire et en manque de légitimé. « Est-ce que j’ai quelque chose à voir avec Moncef Belkhayat ? Est-ce que Salaheddine Mezouar me ressemble ? Au moins, avec le PJD, j’ai l’impression de voir émerger une élite qui parle le même langage que moi », N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

explique Mohamed, étudiant en sciences politiques à l’Université Mohammed-V. À la veille des élections, c’est en effet le G8 – une coalition de six partis rassemblés autour du Rassemblement national des indépendants (RNI) et du Parti Authenticité et Modernité (PAM) – qui incarne avec le plus d’acuité ce système défaillant des élites. Dans un article collectif publié dans Les Cahiers bleus en 2009, « Crise des élites et restructuration du champ politique », Tozy expliquait déjà que le PAM, qui s’est érigé en rempart contre l’islamisme, s’est défini comme un relais des orientations royales. Incarnant une sorte de parti-État, il est difficilement compatible avec la marche de la démocratie et l’esprit du Printemps arabe. « Le G8 est sans aucun doute le plus beau cadeau qu’on pouvait faire au PJD ! » s’amuse Karim Tazi. Le directeur

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PARMI LES DÉPUTÉS DU PJD, ON DÉNOMBRE

31 professeurs de cycle supérieur

16 ingénieurs 9médecins 9

avocats

7

chefs d’entreprise

général de Richbond, société leader dans le textile d’ameublement, est un personnage à part. Issu de la grande bourgeoisie, cet entrepreneur proche de la gauche a annoncé qu’il voterait pour le parti islamiste. Un choix qui a parfois été mal compris dans son milieu. « Dans l’intimité des salons, la grande bourgeoisie occidentalisée défend, un verre de scotch à la main, la laïcité et les libertés individuelles. Mais une fois dans l’espace public, on ne l’entend plus. C’est cette frilosité qui a été sanctionnée », estime-t-il. S’il est l’un des seuls à avoir exprimé publiquement son choix, Karim Tazi n’est pas pour autant un cas unique. « Il y a d’autres gens tout aussi éloignés que moi de la sensibilité du PJD et qui ont choisi de voter pour lui. Leur vote, c’est le rejet d’un système qui s’évertue à se reproduire et à reproduire ses élites. Je ne retrouve pas chez le PJD des valeurs importantes pour moi, comme la laïcité ou l’émancipation de la femme, mais au moins ce parti a une certaine indépendance par rapport au pouvoir, un fonctionnement interne démocratique, un véritable ancrage populaire, et fait un travail parlementaire sérieux. » Un vote pragmatique plutôt qu’idéologique ? « Exactement, ajoute Tazi. La bourgeoisie s’est rendu compte que l’autisme du pouvoir, incarné par le G8, nous menait à la catastrophe. Aussi frileuse soit-elle, elle s’est en partie désolidarisée de son parrain. » OPÉRATION SÉDUCTION. Mais le PJD ne doit pas sa victoire seulement à l’aveuglement de ses adversaires. Ses dirigeants ont eux aussi compris qu’ils devaient convaincre au-delà de leur base et qu’il leur serait impossible de parvenir au pouvoir sans opérer une percée au sein de cette élite. Contrairement à l’image que l’on peut en avoir, le PJD n’est pas un parti populaire. Il s’est embourgeoisé et compte dans ses rangs des cadres, des médecins, des avocats ou des ingénieurs. Il a été rejoint par de grands entrepreneurs, comme l’ancien patron des patrons Abderrahim Lahjouji ou l’homme d’affaires tangérois Samir Abdelmoula, ou encore par des personnalités culturelles, comme le comédien Yassine Ahajjam. Depuis 2003 déjà, le PJD coopte des technocrates, formés localement, ou des entrepreneurs de la bourgeoisie pieuse. « Ce recrutement a permis de rénover l’image du parti et JEUNE AFRIQUE


Maghreb Moyen-Orient

AMP PRESS

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ABDELILAH BENKIRANE (au centre), avec MOHAMED HORANI, le patron des patrons marocains, le 26 octobre, à Rabat.

de lui apporter l’argument d’efficacité managériale qui lui manquait », explique Tozy. Tout comme l’AKP turc, le PJD s’est prévalu de sa compétence technique et de sa modération idéologique. Il s’est même mis en situation de nouer d’éventuelles alliances contre nature, convaincu que ce qu’il perdrait dans sa base, il le regagnerait ailleurs. « Durant ces élections, le PJD a réussi une percée par le haut. Il est parvenu à rassurer l’élite en multipliant les contacts, les rencontres et les conférences », analyse Mohamed Masbah, chercheur au Centre marocain d’études contemporaines, un think-tank proche du PJD. Un homme comme Lahcen Daoudi, marié à une Française et parfaite incarnation d’un islamisme modéré, a été mandaté pour tranquilliser les chancelleries, les hommes d’affaires et les professionnels du tourisme. Pour Cédric Baylocq, chercheur associé au Centre Jacques Berque, « il y a une explication presque mécanique au report de voix de certains cadres ou hommes d’affaires vers le PJD. Certains patrons se sentent lésés par l’existence de réseaux de corruption et de népotisme dont ils sont exclus. Ils considèrent que l’exercice de leur métier est inéquitable et espèrent que l’arrivée au pouvoir des islamistes, qui ont mis la lutte anticorruption au cœur de leur programme, assainira la situation ». JEUNE AFRIQUE

Reste que, avec la victoire du PJD, les ses pires opposants », ajoute-t-il. Et c’est élites font brutalement face à la réalité peut-être cette nécessité de composer d’une société très conservatrice et éloiet de faire alliance avec d’autres partis gnée des valeurs cosmopolites. Un récent qui rassure. Sur le plan économique, les intérêts sondage indique que 77 % des Marocains de classe de la grande bourgeoisie ne sont favorables à l’interdiction de la vente d’alcool, 57 % à la suppression de tous les sont pour l’instant pas menacés, d’autant festivals et 68 % à une nouvelle politique que le programme du PJD met en avant culturelle plus conforme aux valeurs de l’islam. Du Plus inquiets, d’autres nantis coup, certains craignent craignent que leurs libertés que leurs libertés indiviindividuelles ne soient menacées. duelles ne soient menacées et écoutent avec effroi les propos populistes des islamistes sur l’initiative privée. Même les propositions populistes sur les augmentations l’homosexualité, les mères célibataires ou les événements culturels. d’impôts des classes aisées ont fait long feu, les islamistes s’engageant à s’attaquer LIBÉRALISME. « On ne devrait pas avoir plutôt à l’évasion fiscale. Benkirane a peur du PJD. C’est une expérience que d’ailleurs rappelé que « l’ère où Hassan II l’on doit tenter, mais il ne faut pas croire demandait aux hommes d’affaires de que cela va révolutionner le Maroc », se concentrer sur leurs activités écotempère Faouzi Chaabi, preuve vivante nomiques plutôt que sur la politique que l’on peut être le fils de l’homme le est finie. Aujourd’hui, les politiques et plus riche du pays, président du Souissi, les hommes d’affaires doivent œuvrer le quartier chic de Rabat, et compter des ensemble afin de reconstruire le nouamis parmi les hauts cadres islamistes. veau Maroc ». Mais beaucoup craignent Lui dont la famille a bâti une partie de sa qu’en cas d’échec le PJD ne revienne fortune sur les hôtels et les supermarchés à ses anciennes amours et ne délaisse sans alcool reconnaît qu’il fait partie de la son discours policé et bourgeois pour bourgeoisie conservatrice. « La balle est reprendre des positions extrêmes sur dans le camp du PJD, qui, pour gouverner, des sujets de société comme la place des va devoir ouvrir de nouveaux canaux et femmes ou la liberté de conscience. ● discuter avec tout le monde, y compris LEÏLA SLIMANI N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012


OMAR SEFOUANE POUR J.A.

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ALGÉRIE

À quoi sert donc l’Assemblée?

Décriée en raison de l’absentéisme de ses membres et pour avoir « édulcoré les réformes politiques », la Chambre basse du Parlement est au centre d’une controverse sans précédent.

L

Assemblée populaire nationale (APN, Chambre basse d’un Parlement bicaméral où le Conseil de la nation fait office de Sénat) est particulièrement mal-aimée. De toutes les législatures, la sixième (2007-2012), qui s’achève dans quelques mois, est sans conteste la plus controversée. Mal élue (à peine 35 % de participation lors des législatives de

Dans l’imaginaire collectif, elle n’est une simple caisse de résonance mai 2007), elle se caractérise aussi par un fort émiettement de la représentation politique (389 députés pour 20 partis), avec sept groupes parlementaires. Mais le « paysage politique » de l’APN a ceci de particulier qu’il n’est pas figé. Le nomadisme politique a fait des ravages. Une trentaine d’élus ont changé d’étiquette depuis le début de la législature. Fadéla Chelouche Belgacem, élue du FLN, le N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

confirme : « Notre parti compte désormais 160 sièges, alors que nous n’en avions que 136 en début de législature. De nombreux indépendants et représentants d’autres partis nous ont rejoints. » Le nomadisme n’est pas le seul facteur de confusion. Il y a aussi le phénomène des dissidences. Ainsi le Mouvement de la société pour la paix (MSP, d’obédience Frères musulmans) compte-t-il officiellement 51 députés, mais, dans les faits, une scission interne a amputé son groupe parlementaire d’une vingtaine d’élus se réclamant désormais du Mouvement pour la prédication et le changement (MPC, non reconnu). Ce n’est toutefois pas cette « bouillabaisse politique » qui vaut à l’Assemblée critiques et reproches. MACHISME. Dans l’imaginaire collectif, l’APN, outrageusement dominée par la majorité présidentielle (FLN, Rassemblement national démocratique [RND] et MSP, soit un total de 250 députés sur 389), n’est qu’une simple caisse de

Les Algériens seront appelés à RENOUVELER LA LÉGISLATURE en mai 2012.

résonance, une machine à entériner les décisions du gouvernement et à adopter ses projets de loi. Si bien que le groupe parlementaire du Rassemblement pour la cultureetladémocratie(RCD,deSaïdSadi, opposition laïque, 19 députés) a décidé de suspendre ses activités parlementaires en mars 2011. Autre parti d’opposition, le Parti des travailleurs (PT, de Louisa Hanoune, d’obédience trotskiste, 26 députés) n’a jamais cessé de revendiquer la convocation de législatives anticipées. Que reproche-t-on à l’institution que préside Abdelaziz Ziari, professeur de médecine, ancien ministre et ex-conseiller d’Abdelaziz Bouteflika ? D’abord, l’absentéisme des députés, qui donne souvent l’image affligeante d’un hémicycle aux trois quarts vide au cours des sessions d’interpellation du gouvernement. Autre grief adressé à l’actuelle législature : son côté machiste. La représentation féminine au sein de l’Assemblée dépasse à peine 7 %. Un reproche balayé d’un revers de main par Farida Illimi, députée FLN d’Alger centre. « Mon mandat passe avant mon statut de femme. Je représente autant les citoyennes que les citoyens qui m’ont élue. » Un argument qu’appuie Nadia Chouitem, députée du PT : « Bien sûr que je suis fière (lire la suite page 76) JEUNE AFRIQUE


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Maghreb Moyen-Orient

ð Voir l’interview en vidéo sur jeuneafrique.com

CONFIDENCES DE | Abdelaziz Ziari, président de l’Assemblée populaire nationale

« Ceux qui nous attaquent s’en prennent à la démocratie » Ì Les députés ont interpellé l’exécutif 300 fois par an en moyenne Ì Le vote islamiste dans la région n’est pas idéologique

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JEUNEAFRIQUE: Quel bilan tirez-vous de la législature que vous présidez ? ABDELAZIZ ZIARI : J’ai toutes les raisons d’en être fier. L’ensemble des composantes politiques de notre Assemblée a pu s’exprimer en toute liberté. L’opposition a défendu ses points de vue, tout comme la majorité. Durant cette législature, nous avons interpellé l’exécutif à 1 100 reprises, avec 850 questions orales et 695 écrites. Soit une moyenne de 300 interpellations par an. Nous avons en outre enregistré 25 propositions de loi, dont 12 émanant de députés de l’opposition. Élue par 35 % du corps électoral, l’Assemblée semble traîner un déficit de légitimité… Cet argument me fait rire. Il y a quelques jours, des législatives ont été organisées au Maroc. Les résultats du scrutin que l’on sait ont nourri commentaires et éditoriaux. Ces élections ont été présentées comme des noces démocratiques avec un taux de participation de 40 %. Pourquoi, avec cinq points de participation en moins, serions-nous frappés d’illégitimité ? L’APN est un réel espace démocratique. Quand le débat contradictoire se situe dans l’hémicycle, c’est qu’il n’est pas dans la rue. Et Dieu sait à quel point les Algériens sont conscients des périls et menaces d’une rue transformée en tribune politique. JEUNE AFRIQUE

des citoyens, pas pour celle des partis. Nomade ou pas, l’élu tire sa légitimité du suffrage universel et non du programme d’un parti. On nous a également accusés de vouloir réduire la participation féminine dans les assemblées élues, alors que nous avons consolidé sa présence. En décrédibilisant l’APN, ce n’est pas au régime ni au système que l’on s’en prend, mais à la démocratie. Les ennemis de cette dernière se recrutent parfois dans des endroits insoupçonnés.

OMAR SEFOUANE POUR J.A.

rofesseur de gastro-entérologie, ancien ministre et exc o n s e i l l e r d ’A b d e l a z i z Bouteflika, Abdelaziz Ziari, 66 ans, défend bec et ongles l’institution qu’il préside depuis mai 2007. Membre du bureau politique du FLN, il s’exprime également sur son parti et sur la montée de l’islamisme dans la région.

L’ANCIEN CONSEILLER DE BOUTEFLIKA se dit fier du travail accompli par les députés depuis 2007.

On reproche à votre institution son effacement lors des révélations de scandales financiers ou de l’assassinat du chef de la police. Pourquoi aucune commission d’enquête parlementaire n’a-t-elle été mise en place ? Au nom de la séparation des pouvoirs. Le Parlement ne peut se saisir d’une affaire entre les mains de la justice. On accuse l’APN d’avoir édulcoré, voire vidé de leur substance, les réformes politique proposées par le président Bouteflika… Ce sont les propos de l’opposition, qui est dans son rôle. Amplifié par les médias, cela devient la vérité. En fait, on reproche à la majorité d’avoir rejeté le projet gouvernemental visant à déchoir de son mandat l’élu qui change de parti au milieu de la législature. J’assume totalement ce choix, car je suis pour la république

Les révolutions arabes ont pris une tournure inattendue avec les victoires électorales des islamistes. Redoutezvous une contagion en Algérie, qui renouvelle sa législature en mai 2012? C’est au pied du mur que l’on reconnaît le maçon. Maintenant que l’euphorie révolutionnaire est retombée dans ces pays et que les urnes ont parlé, il faut reconstruire l’État, se doter d’un système politique, choisir entre les régimes parlementaire, présidentiel ou semi-présidentiel, parvenir à une réconciliation nationale et relancer la machine économique. L’Algérie a franchi, dans des conditions tragiques, toutes ces étapes. Dans notre région, le vote islamiste n’est pas idéologique, mais une sanction contre la corruption des élites et le déficit de justice sociale. Chez nous, la corruption n’a jamais atteint de tels

Nomade ou pas, l’élu tire sa légitimité du suffrage universel. sommets. Quant à la justice sociale, je vous renvoie au montant des transferts sociaux prévus chaque année par le budget de l’État. ● Propos recueillis à Alger par CHERIF OUAZANI N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

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Maghreb Moyen-Orient Hanoune, secrétaire générale du PT et mois plus tard, les nouveaux textes de loi élue d’Alger. Mais les véritables stars sont adoptés en Conseil des ministres, de l’hémicycle sont moins connues en puis transmis au bureau de l’Assemblée. dehors des murs de l’Assemblée. Seuls « À l’issue de trois mois de travaux en les observateurs avertis de la vie parlecommissions et de débats en plénière, mentaire connaissent Ali Brahimi, un les textes adoptés sont remaniés, édulcorés, voire vidés de leur substance dissident du RCD, et Mohamed Hadebi, député islamiste d’Ennahda. Ces deux réformatrice », affirment en chœur des élus de l’opposition et de la majorité. En élus, qui ne sont pas du même bord, fait, la bouillabaisse politique est quasi réussissent à faire salle comble à chapermanente, mais le débat est réellecune de leurs interventions au cours ment démocratique. Quels que soient des débats en plénière. Leur gouaille, ses déboires (l’Alliance présidentielle leur rhétorique et leur hostilité à tout ce qui provient du pouvoir en ont fait a enregistré la défection des islamistes lors des votes), la majorité parvient à les vedettes de l’hémicycle. maintenir sa « domination arithméENCADREMENT. Avocat, M e Miloud tique » au-delà des dissidences grâce BOUILLABAISSE. « Avec une rémunéà l’apport de députés indépendants, et Brahimi (aucun lien de parenté avec Ali, cité plus haut) est particulièrement attentif ration vingt fois supérieure au salaire même, parfois, d’une partie de l’opponational minimum garanti (SNMG), les à l’institution qui « produit la législation ». sition. « Si l’on excepte les islamistes députés incarnent la catégorie socioprod’Ennahda [3 députés, NDLR], il n’y a pas À propos de l’actuelle APN, son jugement fessionnelle la mieux payée… par minute de position figée chez les élus, analyse est tout en nuances: « C’est peut-être l’Asde présence », relève Mounir Damerdji, Hocine Khaldoun, député étudiant à la faculté de droit d’Alger. FLN. Les frontières idéoloDeux stars : Ali Brahimi, dissident Outre le reproche qui leur est fait de giques sont ténues. » du RCD, et Mohamed Hadebi, toucher des revenus indus, les élus de la L’ hémic ycle est un député islamiste d’Ennahda. nation ont acquis récemment la réputaauthentique espace démotion d’être des « empêcheurs de réformer cratique où le débat contraen rond », selon la formule d’un ancien dictoire s’exprime aussi bien en plénière semblée la moins légitime, car mal élue, bâtonnier d’Oran. À la suite des révoqu’en commissions. Ses personnalités mais c’est sans doute l’une des meilleures lutions arabes, le président Abdelaziz les plus connues ? Outre son président, législatures en termes de composantes Bouteflika avait décidé, le 15 avril 2011, Abdelaziz Ziari (FLN), le perchoir assuhumaines, avec de brillants élus et un de réformer profondément la pratique rant une bonne visibilité, deux députés bilan loin d’être catastrophique. » Il est vrai démocratique par l’introduction d’un sortent du lot. Au sein de la majorité, que l’APN compte 84 % d’universitaires, nouvel arsenal juridique visant à améMiloud Chorfi, chef du groupe parleune proportion record. « Notre institution liorer le code électoral et la loi sur les mentaire du RND (du Premier ministre, peut se vanter d’avoir créé les meilleures partis et sur le mouvement associatif, Ahmed Ouyahia) et ancien commentaconditions pour la performance des élus, à dépénaliser les délits de presse et à teur sportif, partage la palme du député note Boualem Tatah, ancien directeur de libéraliser l’espace audiovisuel. Cinq le plus célèbre avec l’opposante Louisa centres de recherche en science nucléaire, aujourd’hui directeur de la formation et des études législatives au sein de l’APN. FAIBLE ÉMIETTEMENT Nos ateliers encadrent en permanence REPRÉSENTATIVITÉ députés et fonctionnaires parlemenTaux de participation élus issus taires, aident les premiers à apprendre aux législatives de 2007 : à rédiger une loi ou un amendement, et de 20 partis sensibilisent les seconds à la pratique démocratique. » Selon Boualem Tatah, près de la moitié des députés utilisent les nouvelles technologies de l’informaPrincipaux griefs tion et, pour certains, ont une activité soutenue dans les réseaux sociaux. Les principaux partenaires de l’APN en termes de formation continue se recrutent parmi les agences onusiennes (principalement le Programme des Nations unies pour MAJORITÉ le développement, le Pnud), le Congrès PRÉSIDENTIELLE PRIVILÉGIÉS et des ONG américaines dont l’activité ÉCRASANTE est consacrée à la démocratisation des Ils touchent fois institutions. ●

(suite de la page 74) d’appartenir à la formation qui compte le plus d’élues (11 sur 26, soit 43 % de femmes), mais la cause des femmes est également portée par des collègues hommes. Je ne pense pas que cette législature soit particulièrement machiste. » Autre argument à décharge : l’APN est l’institution de la République la plus exemplaire en matière de parité. « Sur près de 800 fonctionnaires parlementaires, affirme avec une pointe d’orgueil Daouia Tadinit, ancienne magistrate à la Cour des comptes et chargée de l’audit de la gestion de l’APN, 400 cadres et agents de maîtrise sont des femmes. »

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35 %

250 députés sur 389

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le salaire minimum

CHERIF OUAZANI, envoyé spécial JEUNE AFRIQUE



PAULINE BEUGNIES/OUT OF FOCUS

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! Funérailles des VICTIMES DU MASSACRE du 9 octobre, à la cathédrale Saint-Marc, au Caire.

CHRÉTIENS D’ÉGYPTE

Moral en berne

hommes de la communauté qui avaient résisté », raconte Irini, femme de ménage de 50 ans dont le mari, chiffonnier, a été incarcéré. Le sentiment d’insécurité a Au début de la mobilisation, les étufranchi un nouveau seuil après la mort, le diants et quelques jeunes entrepreneurs 9 octobre, de vingt-quatre personnes, en chrétiens étaient pourtant sur la place majorité coptes, dans des affrontements Al-Tahrir, aux côtés de leurs concitoyens avec les forces de police. musulmans. « Mon fils de 20 ans a été de Du coup, les rumeurs les plus folles circulent, comme en témoigne Bénédicte, tous les meetings et concerts. Depuis sa naissance, il n’a connu que Moubarak une coopérante française au sein coop et voulait ardemment le chan chande l’enseignement catholique : anl’e gement pour pouvoir enfin n « On m’a appelée plusieurs Combien sont-ils ? fois pour me dire que l’école fo s’exprimer librement », confie Yvonne, enseignante dans laquelle je travaille avait brûlé ou qu’une des dans une école primaire. religieuses avait été assassi« Certains jeunes popes née alors que ce n’était pas ou encore des jésuites soit entre 8 % et vrai. étaient en première ligne vr » Une psychose par12 % de la population sur la place Al-Tahrir », ajoute te fois fo entretenue par certains sœur Maria, une catholique, qui qu membres memb mb du clergé. « À l’église, reconnaît toutefois que la majorité ajorité on nous a conseillé de voiler nos du clergé et les plus âgés étaient hésitants. filles et de ne plus sortir qu’accompagnées », précise Irini. ÉGALITÉ. Mais aujourd’hui, la peur a « Au début, nous pensions que la révorepris le dessus, en particulier chez les plus lution serait l’occasion de faire avancer pauvres, en raison des violences intercomnotre combat pour l’égalité. Depuis des munautaires. À Moqatam, des combats années, nous luttons pour défendre la de rue entre chrétiens et islamistes ont liberté de se convertir au christianisme, de construire des églises, de garder sa foi fait 5 morts et 75 blessés à la mi-mars. La passivité des forces de l’ordre a donné même si l’on se marie avec un musulman. aux premiers le sentiment qu’ils ne pouMais les militaires sont plus sensibles aux vaient compter que sur eux-mêmes pour pressions des fondamentalistes qu’à la se défendre. « Les militaires ne sont arrivés restauration de la justice », regrette l’avocat qu’après coup et ont arrêté la plupart des Naguib Gabriel, personnalité influente au

Avec la victoire électorale des islamistes et la montée de l’insécurité, l’inquiétude des Coptes est en train de virer à la psychose.

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epuis la chute de Hosni Moubarak, le 11 février 2011, lesCoptesduCaireontlemoral en berne. Et la victoire du Parti de la liberté et de la justice (PLJ, proche des Frères musulmans) ainsi que la percée d’Al-Nour (salafistes) aux élections législatives ne sont pas pour les rassurer. Que ce soit à Héliopolis et à Zamalek, fiefs de la bourgeoisie, dans le quartier historique copte de Chobra, prisé par la classe moyenne, ou à Moqatam, où vivent les chiffonniers, les chrétiens de la mégapole du Nil se disent pessimistes sur leur avenir. « La révolution a coupé le cordon de sécurité qui empêchait les fondamentalistes, en particulier les salafistes, de lancer des actions contre les chrétiens », explique Miranda, 32 ans, professeure de français dans une école catholique. « Je suis le seul résident chrétien de mon immeuble, raconte Attia Tomas, expertcomptable de 62 ans. Avant, cela ne me posait aucun problème. Mais j’avoue qu’aujourd’hui j’ai peur. Pas de mes voisins musulmans, avec qui je m’entends bien, mais des pilleurs et des islamistes, qui profitent de l’absence de la police pour se livrer à des exactions contre notre communauté. »

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Entre 6 et 10 millions,

JEUNE AFRIQUE


« Nous sommes convaincus qu’il faut agir indépendamment de l’Église. » NAGUIB GABRIEL, avocat

patriarche, qui a demandé aux jeunes Coptes de ne pas aller place Al-Tahrir, Moubarak ne serait jamais tombé. » « Nous sommes désormais convaincus qu’il faut agir indépendamment de l’Église », ajoute Naguib Gabriel, qui anime de nombreuses réunions pour faire avancer les dossiers. D’autres chrétiens, issus des milieux aisés, veulent investir le monde politique, à l’instar de l’homme d’affaires Naguib Sawiris, avec son Parti des Égyptiens libres. Pour autant, le vote n’obéit par un réflexe communautaire. « À la présidentielle, je ne voterai pas forcément pour un Copte, confie Yvonne. Amr Moussa, qui m’apparaît comme un musulman modéré, aura sans doute ma voix, même si je regarderai attentivement ce qu’il dira à propos des Coptes. En tout cas, je ne voterai pas pour Mohamed el-Baradei, qui a vécu trop longtemps à l’étranger. Et encore moins pour les Frères musulmans, qui n’ont intégré des Coptes dans leurs listes que pour la façade. » ● CHRISTOPHE LE BEC, envoyé spécial JEUNE AFRIQUE

Maghreb & Moyen-Orient

SALAH HAMOURI LA DÉPÊCHE DE TROP

nouvelle fait l’effet d’une bombe. Le 20 décembre, Richard Prasquier, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), se fend d’un éditorial où il traite Hamouri de criminel parjure, tandis que le site JSSNews conclut : « Pour bien des Israéliens, c’est Hamouri qui mérite de mourir. » Mais dans le même temps, Reuters reconnaît que Hamouri n’a jamais tenu ces propos et annule la dépêche. « Une erreur de transmission entre les bureaux de Cisjordanie et de Jérusalem », explique-t-on à l’agence… ●

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MOHAMAD TOROKMAN/REUTERS

sein de la communauté. Pour celui qui a notamment défendu Camelia Shahata, dont les salafistes ont prétendu qu’elle avait été kidnappée par son entourage pour empêcher sa conversion à l’islam, la situation est « bien pire qu’avant ». Fatalement, certains Coptes se radicalisent. « Avant, nous faisions profil bas ; aujourd’hui, nous nous défendons, lâche Marguerite, une enseignante. L’autre jour, dans le bus, quand un salafiste s’est mis à raconter des mensonges sur les chrétiens et à menacer les femmes non voilées, ma sœur lui a répondu vertement. Nous n’allons pas nous laisser faire. » De fait, les Coptes s’organisent, mais, phénomène nouveau, au sein de mouvements indépendants de l’Église orthodoxe (qui rassemble 90 % des chrétiens égyptiens). « J’obéis au pape en ce qui concerne le jeûne, la prière et ma vie spirituelle, mais pas en ce qui concerne la politique, précise Attia Tomas. On sait bien que ce n’est pas le pape Chenouda III ni son clergé qui vont nous donner nos droits, tant ils ont été proches de l’ancien régime. Si les fidèles avaient suivi les conseils du

Coulisses

Libéré le 18 décembre par Israël après six ans de détention, le Franco-Palestinien Salah Hamouri, soupçonné d’avoir voulu assassiner le rabbin Ovadia Yossef, a été victime dès le lendemain d’une erreur médiatique. Le 19 décembre, les médias israéliens relaient une dépêche de Reuters selon laquelle il aurait affirmé que « lui et ses deux complices avaient eu raison de chercher à tuer le rabbin ». En Israël, la

IRAK RIVALITÉS AU SOMMET Le départ du dernier convoi américain d’Irak, le 18 décembre, a fait resurgir les rivalités communautaires. Le jour même, le vice-président sunnite Saleh al-Mutlaq accusait le Premier ministre chiite Nouri al-Maliki d’être « pire que Saddam Hussein ». Le lendemain, l’autre vice-président sunnite, Tarek al-Hachimi, soupçonné de terrorisme, fuyait au Kurdistan autonome, se disant prêt à être jugé si le dossier était transféré dans sa région d’asile, mais

Maliki a sommé les autorités kurdes de le livrer. MAURITANIE PREMIÈRE PÉTROLIÈRE Après avoir financé, en 2009, les premières opérations de forage dans le bassin de Taoudenni (Nord-Est), le groupe français Total a signé, le 18 décembre, un accord avec le gouvernement mauritanien sur l’exploration et la production de pétrole en mer, à 80 km au large de Nouakchott. Ce contrat est le « premier du genre dans la zone profonde

de l’offshore mauritanien », a indiquéTaleb Ould Abdivall, le ministre du Pétrole. LIBYE TARHOUNI, LE LIBÉRAL Professeur d’économie à Seattle avant la révolution, AliTarhouni est de retour aux États-Unis. Ministre des Finances et du Pétrole au sein du Conseil national de transition (CNT), Tarhouni, aujourd’hui ambassadeur extraordinaire, envisage de créer un parti libéral afin de contrer l’influence moyen-orientale au sein du gouvernement.

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Europe, Amériques, Asie

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2012, ANNÉE DE TOUS LES DANGERS

Guerre

planétaire Scrutins présidentiels en France, aux États-Unis et en Russie… Congrès du Parti communiste en Chine… À la fin de l’année qui s’annonce, le monde ressemblerat-il encore à ce qu’il est aujourd’hui ?

ILLUSTRATION CHRISTIAN ROUX POUR J.A.

I

ls sont aussi différents qu’on peut l’être, et leurs relations ne sont pas toujours sans nuage. Mais les cas de Nicolas Sarkozy (p. 82-83) et Barack Obama (p. 84-85) présentent de troublantes similitudes. Leur élection (en mai 2007 pour le premier, en novembre 2008 pour le second) avait suscité autant d’espoirs – démesurés – que de résistances – farouches. Espoirs déçus, résistances exacerbées… La crise financière, puis économique et désormais politique leur a singulièrement compliqué la tâche et a rendu vaines la plupart de leurs promesses, à supposer qu’ils aient jamais eu l’intention de les tenir. Leur réélection ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices. Surtout, s’il faut en croire les sondages, celle du président français, mais sait-on jamais ? Rien de tel en Russie (p. 86), où le système national-soviétique verrouillé à double tour exclut, en principe, toute surprise : après l’intérim du pâle Dmitri Medvedev, Vladimir Poutine semblait assuré d’une réélection en forme de plébiscite. Mais une invraisemblable arrogance dans la répartition des rôles avec son acolyte, les fraudes massives et maladroites auxquelles les législatives du 4 décembre ont donné lieu puis les manifestations de protestation d’une ampleur sans précédent qui se sont ensuivies ont changé la donne. Faute d’adversaire à sa mesure, le tsar Vladimir sera reconduit en mars, mais quelque chose, sans doute, s’est brisé. De surprise, il n’y aura point à Pékin (p. 87), où la démocratie ne se pratique qu’en vase clos, au sein d’un Parti communiste aux effectifs pléthoriques : 80 millions de membres. L’affrontement feutré entre conservateurs et réformateurs ayant manifestement tourné à l’avantage des premiers, Xi Jinping deviendra le numéro un à l’issue du 18e congrès, en octobre. La seule inconnue, mais de taille, concerne la composition du bureau politique. Celle-ci déterminera, cinq ans durant, la politique menée par la deuxième puissance mondiale. D’autres scrutins d’importance plus locale auront lieu en 2012, notamment à Taiwan (dès ce mois de janvier), au Mexique (en juillet) et au Venezuela (en octobre). Mais de cela, bien sûr, nous aurons l’occasion de reparler. ● JEAN-MICHEL AUBRIET

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JEUNE AFRIQUE


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ÉLECTORAUX

des chefs

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Europe, Amériques, Asie FRANCE

Sarkozy sur un fil

Après quatre années d’outrances de comportement et d’accaparement du pouvoir, le président sortant se retrouve, tous les sondages le confirment, en grande difficulté. Peut-il encore rebondir ? Oui, mais sa marge de manœuvre est étroite.

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LES PROGRAMMES ? NON, L’IMAGE

De Gaulle jugeait de l’avenir des dirigeants selon leur capacité à « prendre figure ». Ce qu’on appelle aujourd’hui « l’image » n’a fait que renforcer cette équation personnelle rebaptisée « présidentialité ». Elle dépend de l’ensemble des qualités ou défauts supposés que les électeurs attribuent aux candidats. Plus on approche de l’échéance, plus ils conditionnent leur confiance. On a constaté en 2007 que la personne pesait souvent plus lourd que le programme dans la décision finale des électeurs et pouvait même faire bouger l’habituel clivage gauche-droite. C’est sa bonne image qui a assuré la victoire de Sarkozy. Les trois quarts de ses partisans, parmi lesquels les deux tiers des ex-électeurs lepénistes, avaient « envie qu’il soit président ». Un peu plus de la moitié seulementluipréféraientRoyalpoursesqualités personnelles, les autres ne la choisissaient que pour « barrer la route » à la droite. C’est encore sur des critères d’image (« il a l’étoffe d’un président », « il comprend les gens ») que Hollande a surclassé ses six concurrents à la primaire socialiste. La comparaison reste à son avantage face à Sarkozy, particulièrement pour la capacité de rassemblement. Une enquête du Cevipof auprès de plus de 5000 personnes confirme que le chef de l’État l’emporte pour les qualités attachées à la « présidentialité ». Mais dès que les questions portent sur l’affectif et le social – plus de

ils persistent à dissocier la crise de ses ramatisées par la menace conséquences : Sarkozy leur apparaît d’une dégradation de la note le meilleur pour lutter contre la crise, française, la crise mondiale et ses dernières secousses euromais c’est au socialiste Hollande, réputé péennes ont permis à Nicolas Sarkozy plus social, qu’ils font le plus confiance de monopoliser de nouveau l’intérêt pour les protéger de ses conséquences. D’où ce résultat non moins médiatique, réduisant paradoxal : l’UMP a beau François Hollande à une dénoncer l’inconsistance du présence quelque peu candidat socialiste, celui-ci ectoplasmique, ce qui demeure le plus constant commence d’ailleurs à inquiéter ses supporteurs dans la faveur des sondages, si l’on en croit leur impaoù le champion des somtient « Vas-y, pépère ! » mets diplomatiques peine au contraire à s’élever. Par deux recueilli par Le Monde. P re m i e r à av o i r fois déjà, en octobre 2008 exprimé des doutes puis en septembre 2011, 22 AVRIL -6 quant à la réélecla crise avait rehaussé sa MAI tion du président de la cote, retombée comme un soufflé les mois suivants. Les stratèges République, Alain Juppé est encore le de Hollande ne pourraient s’inquiéter premier à capter un « retour de l’espoir », de la remontée de Sarkozy que si elle non seulement dans les sondages, mais, plus significativement, dans « un respersistait ou reprenait, puis s’amplifiait soudain, comme ce fut le cas en jansenti de terrain positif ». Aux arguments habituels de la propagande sarkozienne, vier 2007, quand Ségolène Royal, après il ajoute le thème gaulliste par excelavoir constamment dépassé lence de « la voix de la France », redeSarko dans les intentions de Sarko pour lutter contre la crise. vote, l’a vu passer devant venue « haute et forte dans le monde ». Mais Hollande pour protéger elle dès l’annonce de sa L’économiste Bruno Jérôme rappelle que les Français de ses conséquences. Ronald Reagan puis George W. Bush candidature et son entrée réussirent à se faire réélire grâce à ce en campagne. phénomène de « ralliement au drapeau » Toujours donné vainqueur dans un justice, moins d’inégalités, davantage de alors qu’ils avaient eux aussi à gérer une rapport de l’ordre de 40 %-60 %, Hollande pouvoir d’achat –, Hollande se détache crise internationale majeure. Certains peut se permettre de baisser encore irrésistiblement. conseillers élyséens en viennent à sousans risque de perdre. C’est tout juste Deux critères viennent cependant haiter que la crise dure assez longtemps s’il ne le souhaite pas. « Ces sondages brouiller les prévisions : si la gauche peut se targuer d’un progrès significatif pour prolonger ses « effets anxiogènes » excessifs n’ont aucun sens et risquent de jusqu’au jour du scrutin, où l’on sait que démobiliser les électeurs », déplore-t-il. de sa crédibilité gouvernementale avec les indécis peuvent faire la différence. Jean-Luc Mélenchon va plus loin dans 12 points gagnés en deux ans, la méfiance Cynisme réaliste, mais mauvais calcul. l’alarmisme : « Commencer la campagne générale de l’opinion envers la politique L’aggravation de la crise généralise la en disant que Sarkozy est déjà battu, n’a jamais été aussi élevée, et aussi partac’est la certitude de se retrouver avec peur, multiplie les mécontentements et gée – moitié-moitié – entre les deux camps. un désastre. » explique pour finir qu’après sa remontée d’octobre et novembre Sarkozy recule Excessifs en faveur de Hollande ou pas, ENCOMBRANT BILAN de nouveau. les sondages ont du moins un « sens » On le trouve exposé, ce bilan de Sarkozy, On a déjà noté ce paradoxe (J.A. pour Sarkozy : ils prouvent la force et, en 200 pages dans les vitrines de la librairie à la fois, le retournement de ce même no 2656, du 4 au 10 décembre 2011) : si les UMP. La menace d’une dégradation de électeurs accordent toujours la priorité désir de changement qui l’avait porté la note française, désormais considérée à la réduction de la dette et des déficits, au pouvoir. comme inévitable, est l’occasion pour le N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

JEUNE AFRIQUE


2012, année électorale parti majoritaire d’en renouveler dans une note interne la défense et l’illustration: les fondamentaux de l’économie demeurent solides, le système bancaire est renforcé, la France a des institutions efficaces, la règle d’or budgétaire, rejetée par les socialistes français mais adoptée par la plupart des social-démocraties européennes, garantit le retour aux engagements du traité de Maastricht. L’Élysée est néanmoins bien conscient que la dégradation aura des effets dévastateurs non seulement sur une économie entrée en récession, mais, plus gravement, sur une opinion qu’il sera plus difficile au président de convaincre de la validité de son bilan et de la crédibilité de son projet. Henri Guaino, son conseiller spécial, pose la bonne question quand il remarque : « À nous de faire ce qu’il faut pour empêcher qu’une crise de confiance ne se déclenche. » Mais il n’apporte pas, ou pas encore, de bonnes réponses. Que peut-on faire quand la crise accroît la demande de protection, mais en réduit les moyens ? Comment travailler davantage quand c’est l’embauche qui manque le plus, et qu’une augmentation d’un seul point du taux de chômage pénalise tout candidat sortant d’une baisse de 2 % des suffrages ? Comment rassembler les Français quand la moitié d’entre eux trouve déjà que la politique de rigueur, à peine engagée pourtant, « va trop loin », et que la moindre annonce d’une velléité d’économies supplémentaires déclenche une grève préalable d’avertissement ? GARDEZ-MOI DE MES AMIS !

Soulagé par l’abandon de Jean-Louis Borloo, voilà que Sarkozy doit s’inquiéter de l’entrée en lice de Dominique de Villepin ; un petit candidat de plus, mais qui peut grandir et devenir une vraie menace s’il atteint 6-7 % des intentions de vote. C’est bien parce qu’il avait pris toute la mesure de ce danger que Borloo a fini par se retirer. Les villepinistes objectent que la diversité des candidatures fournira à Sarkozy d’utiles réserves de voix pour le second tour. À condition de ne pas trop l’affaiblir au premier, dont les résultats exceptionnellement élevés en 2007 lui avaient permis de trouver chez les électeurs de Jean-Marie Le Pen et de François Bayrou de précieux appoints pour le second. Ce qui est loin d’être garanti pour 2012. Plus de la moitié des sympathisants de Marine Le Pen déclarent réserver leur choix. JEUNE AFRIQUE

FACE-À-FACE OU QUITTE OU DOUBLE?

Qui de Sarko ou de Hollande a le plus à attendre ou à craindre du face-àface télévisé d’avant le second tour ? La question n’est pas anecdotique, quand 15 % des électeurs déclarent attendre cette confrontation pour se décider. On conseille aux deux probables finalistes et à leurs manageurs de lire le captivant chapitre consacré par Valéry Giscard d’Estaing dans ses Mémoires à ses deux face-à-face avec François Mitterrand : tout y est dit sur les précautions à prendre, du contrôle de la prise d’image à l’importance des yeux « qui ne peuvent jamais dissimuler la vérité », en passant par la bouteille d’eau minérale; comme sur les erreurs à éviter, principalement l’arrogance des attitudes et l’anticipation des coups fourrés. Giscard reconnaît qu’à l’inverse de 1974 il n’a pas réussi lors du débat de 1981 à marquer de point décisif. Ce n’est pourtant pas à l’indécision de cet ultime affrontement mais à « la violence du désir de changement » qu’il attribuera son échec. Trente et un an après, c’est encore toute la difficulté pour Nicolas Sarkozy que de faire évoluer les « tendances ». Il ne dit plus « j’ai changé » en restant le même. Mais il a transformé sans le dire son personnage. La majorité de l’opinion reconnaît qu’il « se démène », quand, il y a encore un an, elle lui reprochait de la ramener. Il lui reste à combler, au moins en partie, le capital de sympathie gaspillé en quatre années d’outrances de comportement et d’accaparement du pouvoir. Il ne pourra plus lancer à François Hollande : « Vous n’avez pas le monopole du cœur », comme Giscard à Mitterrand en 1974. Mais il devra, s’il n’est pas trop tard, en apporter la preuve dans sa campagne. Et en convaincre O OT PH par ses projets. ● DE HENRI MARQUE LI C.

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Europe, Amériques, Asie ÉTATS-UNIS

Obama par gros temps

L’apparition d’un chômage de masse assombrit les perspectives de réélection du président sortant. Même s’il l’emporte encore nettement dans les sondages sur tous ses adversaires républicains.

C

l’Amérique conservatrice, il a pris pour cible la « cupidité écœurante » des nantis. Du Occupy Wall Street dans le texte, quand les républicains s’obstinent à défendre le laisser-faire économique. Au Congrès, ils refusent pour l’instant de reconduire la ristourne sur les cotisations salariales, parce que les démocrates prévoient de financer cette mesure par une taxe frappant ceux dont les revenus dépassent 1 million de dollars par an. Et tant pis si cette mesure est censée créer entre 600 000 et 1 million d’emplois…

nouveau des miracles l’an prochain ? était le 30 novembre, à Autre avantage de taille : le trésor de New York. Une centaine guerre d’Obama, dont le montant devrait de fidèles du mouvement Occupy Wall Street, démanavoisiner 1 milliard de dollars. Ce sera telé quinze jours plus tôt, tentent un sans doute la campagne la plus chère de baroud d’honneur en occupant Times SA RÉSISTANCE À LA CRISE toute l’histoire électorale américaine. Square quelques heures durant. Leur Face à la pire récession depuis plus Et ça vaut bien quelques huées devant cible ? Barack Obama, qui présidait à le Sheraton… d’un demi-siècle, Obama a des arguments l’hôtel Sheraton tout proche un dîner de à faire valoir. En 2009, son « paquet » collecte de fonds pour la de relance de 787 milliards de dollars SA DÉFENSE DES présidentielle de 2012. Un a empêché l’économie mondiale de CLASSES MOYENNES gouffre sépare désormais plonger plus profondément. Il a aussi Obama surfe également sauvé de la banqueroute l’industrie le premier président afrisur la vague déclenchée cain-américain et ceux qui, par le mouvement Occupy automobile américaine et mené à bien en 2008, ont contribué à le Wall Street, en dépit de la réforme de l’assurance maladie – en attendant que la Cour suprême statue faire roi : les jeunes et les son absence de revensur sa constitutionnalité. minorités. Ni la crise écodications concrètes. Les Américains prennent nomique ni l’opposition féroce des républicains ne peu à peu conscience de LA FAIBLESSE DES RÉPUBLICAINS suffisent à expliquer cette l’ampleur des inégalités Mais le principal atout d’Obama reste 6 NOVEMBR E désaffection. La vérité est dans leur pays. En dix ans, la faiblesse de son futur adversaire répuqu’en raison, sans doute, les plus riches d’entre eux blicain. L’un après l’autre, les favoris pour de sa nature trop portée à la concilia– le fameux 1 % de la population – ont l’investiture déçoivent : du bug constertion Obama n’a pas tenu ses promesses vu leur revenu doubler, tandis que celui nant de Rick Perry, incapable de se soude changement. Avec 43 % d’opinions venir pendant cinquante-sept secondes, des autres baissait de 10 %. positives, sa cote de popularité n’a jamais en direct à la télé, du ministère qu’il préRéduction des cotisations salariales, été si basse. Dans un pays hanté par le allongement des allocations chômage, tendait vouloir démanteler, aux frasques pressentiment de son déclin, Obama réduction du déficit budgétaire par l’augsexuelles de Herman Cain. Bref, le Grand mentation des impôts des plus riches… Old Party (GOP) se cherche un sauveur. suivra-t-il le chemin d’un Jimmy Carter ou d’un George H. W. Bush, battus sans Obama s’érige en superdéfenseur des Aux dernières nouvelles, le costume a été appel à l’issue de leur premier mandat ? classes moyennes. En déplacement début endossé par le peu sympathique Newt La partie est encore loin d’être jouée. décembre dans le Kansas, au cœur de Gingrich, l’ancien speaker de la Chambre Quel que soit son adversaire républicain – Newt Gingrich, Mitt Romney ou un DÉSAMOUR OU RETOUR DE FLAMME? autre –, la lutte sera âpre. Le président sortant, en bon golfeur qu’il est, part ENTRE OBAMA ET LES MINORITÉS, tout avait pourtant bien commencé. avec un handicap. Mais il dispose aussi Le 4 novembre 2008, 95 % des Africains-Américains, 67 % des Latinos, de sérieux atouts. 63 % des Asiatiques et 78 % des Juifs avaient voté pour lui. Les premiers à

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LES PLUS

1. SA « DREAM TEAM » ÉLECTORALE

QG flambant neuf à Chicago, équipes en place dans trente-huit États, mobilisation sans précédent via les réseaux sociaux… La machine de campagne d’Obama tourne déjà à plein régime. Aux manettes, on retrouve Jim Messina, David Plouffe et David Axelrod, les hommes qui, en 2008, avaient mené une campagne en tout point exemplaire. Feront-ils de N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

déchanter ont été les Latinos : nombre record d’expulsions (450 000 par an depuis 2009), projet de réforme de l’immigration dans les limbes… Conscient que cet électorat sera crucial en 2012, notamment dans des États comme le Nevada ou le Colorado, où la population latino a explosé, le président sortant a récemment « humanisé » sa politique à leur égard. En décidant de surseoir aux expulsions des sans-papiers ayant des attaches familiales dans le pays, il espère un retour de flamme. De même, les électeurs juifs ne seraient plus que 54 % à approuver son action. Mais son soutien à Israël et son rejet de la récente demande d’adhésion de la Palestine aux Nations unies devraient lui valoir un regain d’affection. La communauté noire, quant à elle, malgré un léger décrochage (de 90 % à 80 % d’opinions favorables) continue de regarder Obama avec les yeux de Chimène. ● J.-É.B.

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2012, année électorale campagne, en août dernier, devant la des représentants, qui, malgré diverses menace agitée par les républicains d’un casseroles qu’il traîne derrière lui – il a défaut de remboursement de la dette. Sa la manie de divorcer et de se remarier cote de popularité avait alors plongé en avec sa maîtresse du moment – et ses déclarations à l’emporte-pièce, caracole dessous des 40 % d’opinions favorables. en tête des intentions de vote. Alors que Les démocrates font le pari – risqué – que l’ancien gouverneur Mitt Romney, le les républicains paieront en 2012 le prix plus dangereux pour Obama car le plus de leur intransigeance idéologique. Deux à même de rallier les voix du centre, tiers des Américains les rendent en effet responsables des blostagne depuis plusieurs mois. cages à Washington. Le Tea Party, qui détient la clé de plusieurs primaires, notamment celle de l’Iowa, LA DÉMOBILISATION C’est le montant estimé le 3 janvier, le juge pas DE SON ÉLECTORAT des ressources assez conservateur. C’est la grande inconnue financières dont dispose Obama pour sa Un troisième homme du prochain scrutin : quel campagne (750 millions peut-il émerger pendant sera le taux de participaen 2008) les primaires ? Et pourquoi tion des couches qui avaient pas Ron Paul, le représentant voté pour Obama en 2008, du Texas au Congrès ? Pour le GOP, en particulier les jeunes (particice serait une très bonne nouvelle. Car, pation record de 66 %) et les minorités ? Les volontaires, dont le rôle dans si l’élection avait lieu aujourd’hui, un la campagne de 2008 avait été essenrécent sondage révèle qu’Obama battrait Romney de 8 points et Gingrich de tiel, sont aujourd’hui beaucoup moins 13 points. nombreux…

1 milliard de dollars

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JEAN-ÉRIC BOULIN,

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à New York

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Souvent accusé par ses adversaires d’être un président « faible », « distant » ou « trop cérébral », Obama a échoué à réconcilier l’Amérique bleue (démocrate) et l’Amérique rouge (républicaine), comme il s’y était engagé. Au Congrès, où l’ambiance n’a jamais été si délétère, il s’est fait tailler des croupières par l’opposition républicaine. Et il a perdu la guerre budgétaire déclenchée par le GOP après le triomphe de ce dernier aux législatives de novembre 2010. Contraint de reconduire les exemptions d’impôt décidées par George W. Bush en faveur des Américains les plus aisés, il a dû capituler en rase

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2. SES ÉCHECS FACE AU CONGRÈS

H IS T O

Et si en 2012 les Américains se rappelaient avant tout que c’est sous la présidence d’Obama que leur pays a découvert le chômage de masse ? Le taux des salariés privés d’emploi est en effet passé de 7,3 % en janvier 2009 à 8,6 % aujourd’hui, avec un pic à 10,1 % en 2010. C’est là le talon d’Achille de sa présidence. Depuis les années 1930, aucun président n’a été réélu avec un taux de chômage si élevé. Tablant sur 8,5 % en 2012, la Maison Blanche croise donc les doigts pour que sa stratégie de défense des classes moyennes porte ses fruits.

Soixante-quinze pour cent des Américains estimant que leur pays va dans la mauvaise direction, les perspectives de réélection du sortant pourraient paraître sombres. Un analyste du New York Times estimait récemment que face à Romney, candidat moins marqué à droite que Gingrich, et avec une croissance économique de 0 % en 2012, Obama n’avait que 17 % de chances de l’emporter. Le pourcentage remontait à 60 % avec une croissance de 4 %. Or elle devrait être de 2,3 % en 2012… Pour Obama, qui se compare volontiers à un capitaine contraint de naviguer par gros temps, c’est donc du 50-50. ●

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1. LE CHÔMAGE DE MASSE

4. L’INCONNUE DE LA CROISSANCE

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LES MOINS

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Europe, Amériques, Asie

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SERGEI KARPUKHIN/REUTERS

TROIS VÉTÉRANS…

MANIFESTATION ANTI-POUTINE, à Moscou, le 10 décembre. RUSSIE

Jeu de rôles

L’un est le chef du gouvernement, l’autre, celui de l’État. Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev avaient prévu d’échanger leurs fonctions. Mais ils ont commis l’imprudence de se dévoiler trop tôt. Du coup, l’opération s’annonce plus compliquée que prévu.

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Le 4 mars, face à Poutine, on retrouvera sans doute trois vétérans : Ziouganov, débarrassé des verrues qui le défiguraient mais pas de son idéologie passéiste ; Jirinovski et son folklore xénophobe ; et Grigori Iavlinski, pour le parti libéral Iabloko. La commission électorale a déjà validé plusieurs candidatures : celles du gouverneur d’Irkoutsk et de l’ex-maire de Vladivostok (proches du Premier ministre), d’une activiste, d’un homme d’affaires et de Mikhaïl Prokhorov, un oligarque de 46 ans dont on ne sait s’il roule pour Poutine ou s’il souhaite fédérer des forces libérales : la classe moyenne citadine et la jeunesse diplômée, qui rejettent un système rongé par l’immobilisme et la corruption. À la tête de 18 milliards de dollars, le roi du nickel (il est notamment le patron du groupe Norilsk) s’est vu confier en juin, avec l’aval du Kremlin, les rênes de Juste Cause, un petit parti de droite, avant d’en être privé, en septembre. Pour prouver son indépendance, il promet, s’il est élu, de sortir de prison l’oligarque Mikhaïl Khodorkovski, à qui Poutine voue une haine tenace. … ET QUELQUES OUTSIDERS

La candidature d’Edouard Limonov, out était réglé comme du papier Cette vague de protestation n’est pas de une forte tête ultranationaliste qui bon augure pour Poutine, dont la populas’est rapprochée des libéraux, a quant à musique. Vladimir Poutine, le Premier ministre, s’était entendu rité longtemps stratosphérique n’a cessé à elle été invalidée. Quelques outsiders avec Dmitri Medvedev, son sucde s’effriter en 2011, passant cesseur au Kremlin, pour permuter à noude 68 % en janvier à 51 % en L’opposition est hétéroclite décembre, selon l’institut veau leurs rôles lors de la présidentielle du et divisée. Comment pourrait-elle VTsIOM, qui lui est pour4 mars 2012. Mais lorsqu’en septembre il a annoncé que la partie était jouée d’avance, tant très favorable. « Il n’est proposer une alternance ? l’ex-agent secret a perdu plus le chouchou pourraient profiter des difficultés de des Russes, mais il va gagner une bonne occasion de se Poutine pour avancer leurs pions, tels taire. D’abord, il a humilié la présidentielle : pour qui Alexeï Koudrine, son ancien ministre ses ouailles – les cadres de d’autre pourrait-on voter ? » des Finances, très apprécié à l’étranger, Russie unie – en leur signicommente Vladimir Pozner, qui a annoncé son intention de créer un fiant que leur vote d’invesun vieux routier de l’analyse parti de droite. titure était une mascarade; politique. Constat cruel, mais Dans la confusion ambiante, les vieux ensuite, il a provoqué une lucide. Pour l’heure, on voit appareils – sclérosés, mais bien organisés opinion qui, pour être soumal comment l’opposition, – que sont Russie unie et le PC devraient vent passive, n’a guère hétéroclite et divisée, pourvoir leurs champions arriver en tête. apprécié qu’on le lui 4 MARS, 1er TOUR rait proposer une alternance. Crédité de 42 % d’intentions de vote dise aussi crûment. D’autant qu’elle est durement par VTsIOM, contre 11 % à Ziouganov, Résultat : Russie unie a réprimée, quand elle n’est pas Poutine, qui l’avait emporté haut la main subi un sérieux revers aux législatives du carrément à la solde du Kremlin. Depuis en 2000 (52,9 %) et en 2004 (71,2 %) sera 4 décembre (49,5 % des voix officiellement, des années, celui-ci s’assure au Parlement peut-être contraint à un second tour pour grâce à des fraudes massives ; moins de les bonnes grâces du Parti communiste de la première fois de sa carrière. C’est la 30 %, si l’on en croit l’ONG l’Observateur Guennadi Ziouganov et du Parti libéralnorme en démocratie, mais, en Russie, citoyen). Exaspérés, les Russes ont manidémocrate de l’ultranationaliste Vladimir cela vaudrait avertissement. ● festé dans les grandes villes du pays pour Jirinovski, ou suscite la création de petits JOSÉPHINE DEDET réclamer en vain un nouveau scrutin. partis d’appoint. N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

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JASON LEE/REUTERS

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CHINE

LE PALAIS DE L’ASSEMBLÉE DU PEUPLE, dans la capitale.

La bataille des neuf empereurs C’est une quasi-certitude : Xi Jinping sera le prochain président, et Li Keqiang, le prochain Premier ministre. Mais qui intégrera le bureau politique du PC ? C’est l’enjeu principal du 18e congrès.

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que l’on peut dire actuellement, c’est que le renforcement de la lutte contre la dissidence et l’augmentation considérable du budgetdelasécuritéintérieuretémoignent du poids accru des conservateurs. » Le budget de la police est cette année le premier poste de dépenses de l’État, devant celui de l’armée. Ce qui signifie que, à quelques mois d’une transition politique importante, le Parti montre ses muscles. Les dissidents étant impitoyablement pourchassés, nulle voix discordante ne devrait gâcher la fête.

son zèle militant: chants révolutionnaires es « neuf empereurs ». C’est ainsi que l’on désigne les membres perdanslesécoles,programmescommunistes manents du bureau politique du d’un autre âge sur les chaînes de télé Parti communiste chinois (PCC). locales… Surtout, il est parvenu à bouter Véritable cœur du pouvoir, cette instance les mafias locales hors de Chongqing. Aux sera presque entièrement renouvelée lors antipodes de ce héraut communiste, on de son 18e congrès, en octobre 2012. Seuls trouve un Wan Qingliang, le patron de Xi Jinping et Li Keqiang, successeurs désiCanton. Discret et cultivé, ce docteur en gnés du président Hu Jintao et du Premier management incarne l’aile ministre Wen Jiabao, resteront en place. réformatrice du Parti. Les conservateurs ont le vent en Ces représentants de la « cinquième poupe. L’augmentation du budget génération » des dirigeants commuMONTRER SES MUSCLES nistes font déjà leurs classes sur la Bienentendu,l’attribution de la sécurité intérieure le prouve. scène internationale : visites officielles, des postes au sein du proréception de personnalités étrangères, chain bureau politique fournira une indi« Jamais Pékin n’a accepté de se laisdiscours-programmes… cation précieuse quant à la politique qui ser déborder par une opposition, quelle Reste qu’en coulisses la bataille pour sera menée au cours des cinq prochaines qu’elle soit. Jamais il n’a envisagé l’évenle pouvoir est loin d’être achevée. années. « C’est l’éternelle lutte tualité d’une rupture politique, qui supSi Xi Jinping semble faire de pouvoir entre les réformaposerait la reconnaissance d’opinions consensus, la position de teurs et les conservateurs, plurielles au sein de la société et une Li Keqiang est plus fracommente le sociologue volonté réelle de partage du pouvoir », gile. Celle des sept autres Jean-Louis Rocca. Au sein explique Stéphanie Balme. Cet « entre« empereurs » du Politburo du Parti, il existe des tensoi » décrit par la sinologue se retrouvera aussi. Plusieurs personnasionsentreceuxquiveulent sans nul doute dans l’équipe qui s’apprête lités émergent, comme Bo davantage d’ouverture, à prendre les rênes de la deuxième éconotamment politique, et nomie mondiale. Xilai. Surnommé le Prince rouge, le très médiatique les partisans d’un commuDans l’horoscope chinois, l’année 2012 chef du parti communiste nisme orthodoxe. Il est est celle du Dragon, symbole de puissance. OCTOBRE deChongqing,unegrande très difficile de savoir ce Et, en l’occurrence, de la puissance sans métropole du centre du qui se passe réellement partage du Parti communiste chinois. ● e S 18 CONGRÈ pays, s’est rendu célèbre par lors d’un congrès. Tout ce STÉPHANE PAMBRUN, à Pékin DU PC JEUNE AFRIQUE

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PARCOURS | D’ici et d’ailleurs

PLUS CONNU SOUS LE NOM DE DJ KODH, le jeune homme explore le pan le plus technique de la musique électronique.

Ben Andriamaitso Champion de scratch Arrivé en France à 3 ans, le Malgache est devenu champion du monde des DJ en 2000. Il continue depuis à développer son art de la platine.

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ixes, rave parties, scratchs… Une foule de termes aux sonorités branchées, un peu obscurs pour les profanes, se bousculent dans la bouche de DJ Kodh. Aucun doute : si sa culture est mi-française mi-malgache, sa terre d’élection est le monde du DJing. Un monde à part, à le croire, dans lequel il a plongé très tôt par l’intermédiaire de son frère qui, à la fin des années 1980, participait à un mouvement en plein essor: celui du hip-house, mélange de hip-hop et de techno apparu à Chicago. Sa passion pour l’électro, très liée au monde de la nuit et souvent qualifiée d’underground, n’est donc qu’en partie l’effet du hasard. Lorsque Ben Andriamaitso ajoute ces sons étrangers à son univers musical,

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la vie des dancefloors est bien loin de ses préoccupations. Il a 15 ans, et ses soirées ne sont rien d’autre que des boums entre copains. Ils écoutent surtout du rap, jusqu’au jour où l’un deux se ramène avec « une cassette remplie de scratchs ». Déclic immédiat. Poser ses mains sur une platine vinyle et modifier la vitesse de lecture, la tonalité du morceau… Un plaisir dont il ne pourra bientôt plus se passer. C’est à Rouen, entre 1993 et 1998, qu’il fait ses premières armes. Le quartier de la Grand-Mare lui offre une initiation sans pareil qu’il approfondira ensuite à Paris, où il vit encore aujourd’hui. De toutes parts, la ville normande est à cette époque animée par une riche effervescence musicale. Ben s’attache à certains lieux, à commencer par ce

street park près du stade Saint-Exupéry où sont organisés chaque week-end des matchs de basket. Avec d’autres DJ, il anime ces compétitions et, très vite, se perfectionne. Il prend aussi ses quartiers dans le magasin Katapult, dans le centre-ville, tenu par deux vrais amoureux de l’électro, et mixe lors des nombreux pots qu’ils organisent. Bientôt, c’est son quotidien tout entier qui prend les couleurs de sa musique. Un jour, il franchit la porte d’une radio associative, HDR, où il est accueilli à bras ouverts. D’abord invité permanent, il devient animateur d’une émission hebdomadaire. Un peu plus tard, en juin 1999, il décide de participer aux championnats de DJing. Lors de la Coupe de France, il sort vainqueur de la première discipline (le pass pass, rythmique avec deux disques), et deuxième dans l’autre (le scratch). Ces titres lui valent d’être sélectionné, l’année suivante, pour le championnat du monde organisé par DMC – la compétition la JEUNE AFRIQUE


plus reconnue et la plus pointue de la communauté –, au cours duquel il remporte son titre. Le succès est suivi d’une faste période de tournée internationale. Bachelier depuis peu et inscrit à l’UFR (unité de formation et de recherche) de droit, sciences et gestion de Rouen pour rassurer une mère réticente à l’idée d’une carrière artistique, il décide finalement de quitter le système scolaire. Sollicité de toutes parts, il regarde l’avenir avec sérénité. À raison : son flair l’a poussé à se spécialiser dans une pratique marginale qui suscite l’intérêt de certains musiciens et musicologues. Le turntablism, un terme opaque qui désigne le pan le plus technique de l’électro. En somme, il s’approche de la philosophie de la musique électroacoustique, développée notamment par le compositeur Pierre Henry, et ce par pur goût des tendances émergentes, de l’inédit. D’où le métissage qui caractérise ses créations. Outre une influence hiphop majeure, « un côté un peu rétro 90, avec une dose de Chicago house et un truc rétro garage anglais » font son originalité actuelle, qui s’exprime à travers son groupe Voice Hands Machine. Une association avec les rappeurs new-yorkais de Tres Coronas, un travail de testeur auprès de la marque MixVibes et diverses autres expériences vont dans le sens d’une grande ouverture à la diversité… Et de la recherche d’une dimension festive qui, selon lui, viendrait de ses origines malgaches. C’est du moins ce qu’il dit ressentir lorsqu’il part pour certains voyages. Sensation de déjà-vu, impression floue de retour à une époque passée, Madagascar l’habite, bien qu’il ne connaisse la Grande Île qu’au travers de ses parents. « Dans ma musique, je recherche une immédiateté, une jouissance de l’instant telle qu’on peut la ressentir dans les danses et les sonorités africaines », dit-il, conscient qu’en France l’électro est bien éloignée de cet idéal. Il rêve tout de même de se rapprocher de cette manière de vivre son art en tournant dans son pays et, pourquoi pas, sur le continent. ● ANAÏS HELUIN Photo :

VÉRONIQUE BESNARD pour J.A.

Le Prix Roi Baudouin pour le Développement en Afrique vise à récompenser des personnes ou des organisations qui contribuent de manière importante au développement en Afrique.

D’une valeur de 150.000 euros, le Prix 2012-2013 sera décerné début 2013 au Palais Royal de Bruxelles. Pour présenter une candidature, veuillez compléter le formulaire sur notre site internet (www.kbprize.org) pour le 15 février 2012 au plus tard.

T. +32-2-549.02.73 I F. +32-2-511.52.21 www.kbprize.org I info@kbprize.org



LE PLUS

de Jeune Afrique

POLITIQUE BoniYayi, l’homme pressé DÉCRYPTAGE Une croissance et un équilibre précaires ÉCONOMIE Et que ça ne chôme pas! MÉDIAS Chaînes privées recherchent financements

Boni Yayi II ou l’éloge de la rigueur

BÉNIN

ALAIN CHATENET/SIPA

Réélu en mars dernier après un premier mandat jugé parfois brouillon, le chef de l’État entend concilier accélération des réformes et assainissement des finances publiques. Y parviendra-t-il ?

JEUNE AFRIQUE

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LE PLUS

Le Plus de Jeune Afrique

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de Jeune Afrique

Prélude

BÉNIN Boni Yayi II ou l’éloge de la rigueur

Philippe Perdrix

Au-delà des apparences

L

es apparences sont parfois trompeuses. Le Bénin fait figure de modèle démocratique dans les manuels d’histoire, qui rappellent à raison l’héritage de la Conférence nationale de 1990. Il est immanquablement cité lorsqu’il s’agit de lister les rares alternances politiques menées sans fracas sur le continent. Il suscite enfin une légitime admiration, car la joute politicienne sur les bords de la lagune se décline toujours avec virulence, mais dans le respect de la Constitution – que l’on ne bricole pas. Alors qui sont aujourd’hui les véritables artisans et les dignes héritiers de cette tradition ?

cette nouvelle période, Yayi II, est lourde. À leurs leaders de ne pas décevoir. Les opérateurs économiques sont-ils plus vertueux ? Il suffit d’aller se promener au port de Cotonou ou de discuter avec des patrons du secteur privé, désespérés par le comportement de confrères et la voracité de certains fonctionnaires, pour se faire une idée. La 175e place sur 183 pays dans le classement « Doing Business 2012 » de la Banque mondiale sur l’environnement des affaires est également une grave anomalie pour un pays où règne la liberté. Le coût de ces faiblesses structurelles est élevé. Le port et les douanes (la moitié des recettes de l’État) ne sont pas les leviers au développement qu’ils devraient être.

La classe politique ? Des ministres performants, des ténors de haut niveau et des intellectuels brillants occupent avec talent les premiers rangs. Mais derrière le L’instituteur, le piroguier, la ménarideau, les députés adeptes de la mallette gère et le paysan ont de bonnes raisons, pour voter une loi sont si nombreux que le dans ces conditions, de se sentir trahis. Ils président Boni Yayi n’avait pas jugé utile créent la richesse, mais gagnent peu. Ils de se constituer un groupe parlementaire se rendent aux urnes, mais leur situation durant son premier mandat. Cela ne servait à rien La Conférence nationale de 1990 a puisque, au final, il fallait fait du pays un modèle démocratique. payer. Autant, dans ces conditions, gouverner par Qui en sont les dignes héritiers? ordonnances et décrets ; cela coûte moins cher. Un élu du peuple n’évolue guère. Le Bénin pourrait bien se vantant devant un ambassadeur en ainsi rejoindre la trajectoire des vieilles poste à Cotonou du tarif pratiqué dans les démocraties européennes et se trouver allées de l’Assemblée nationale donnait menacé dans ses équilibres par un popuraison au chef de l’État. Espérons que lisme rampant teinté de régionalisme. la confortable majorité présidentielle Les tribuns de pacotille sont prêts, leur issue des dernières élections législatives redoutable rhétorique déjà en place. Aux puisse mettre un terme à ces scandaleuses véritables hommes d’État de travailler et de pratiques. cesser d’invoquer sans cesse un glorieux De ce point de vue, la responsabilité passé pour mieux dissimuler les turpitudes des deux formations politiques – Forces du présent. La Conférence nationale n’est cauris pour un Bénin émergent (FCBE) et pas un pactole dans lequel on peut puiser. Renaissance du Bénin (RB) – structurant Mais un butin qu’il faut protéger. ●

BONI YAYI L’homme pressé

GOUVERNEMENT Pascal Koupaki, le profil de l’emploi p. 100 TRIBUNE Albert Tévoédjrè, médiateur de la République p. 105 OPPOSITION En stand-by

p. 106

INTERVIEW Ataou Soufiano, président de la CCIB

p. 110

ÉCONOMIE Et que ça ne chôme pas ! p. 115 MARITIME Petit bassin, grandes ambitions

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p. 118

COMMERCE Dantokpa, le ventre de Cotonou p. 121

MÉDIAS Chaînes privées recherchent financements p. 125 PORTRAITS La relève est annoncée p. 128 TRIBUNE Pascal Wanou, directeur du Fitheb

JEUNE AFRIQUE

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Le Plus de Jeune Afrique

BONI YAYI

L’homme

Réélu en mars, le chef de l’État doit accélérer le rythme des réformes, institutionnelles comme économiques. Le tout sous le signe de la rigueur. Pas simple…

MALIKA GROGA-BADA,

B

«

envoyée spéciale

oni Yayi est un homme libéré du poids de la campagne, il peut donc se mettre au travail. Et il veut que ça aille vite ! » déclare Albert Tévoédjrè, médiateur de la République du Bénin (lire sa tribune p. 105). En effet, Thomas Boni Yayi est un homme pressé. Il s’est rendu compte qu’un quinquennat passe bien trop vite, surtout lorsque l’on doit se battre sur plusieurs fronts : juguler les contrecoups d’une crise financière mondiale, réformer un secteur cotonnier en déconfiture et un système de santé dépassé, guerroyer avec une opposition pugnace et des syndicats rétifs… Le Boni Yayi qui a été réélu dès le premier tour de la présidentielle du 13 mars dernier, avec 53,14 % des voix, est aussi un homme nouveau. « Il a du ressort et il a enfin compris la mécanique béninoise, observe même un opposant. À présent, il sait exactement ce qu’il faut faire pour atteindre ses objectifs. » L’ex-banquier s’est donc mué en politicien, maniant la carotte et le bâton pour se faire entendre. « La méthode est un peu brusque parfois, reconnaît l’un de ses confidents. Mais c’est ainsi que fonctionne la politique béninoise et qu’il parviendra à atteindre son but », à savoir : laisser son empreinte sur le Bénin, être celui par qui le changement est arrivé. RALLIEMENT D’OPPOSANTS. S’il est fermement décidé à mettre le pays sur les rails du développement, le chef de l’État sait que la chose est impossible dans un climat tendu. Aussi s’est-il attelé dans un premier temps à apaiser la sphère politique. Cela n’a pas été très difficile : abattu par sa défaite, l’ex-candidat de l’Union fait la nation (UN, la coalition d’opposition, lire pp. 106-107) à N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

Le 5 décembre, le président béninois a relancé le CONSEIL DE L’ENTENTE en accueillant à Cotonou ses homologues burkinabè, ivoirien, nigérien et togolais.

la présidentielle, Adrien Houngbédji, s’est retiré de l’arène, passant le plus clair de son temps hors du pays. Quant à son Parti du renouveau démocratique (PRD), il se meurt, depuis que l’exsecrétaire général Moukaram Badarou a rejoint le camp Yayi. Deuxième coup dur pour l’UN : la défection en mai dernier de la Renaissance du Bénin (RB). Son président, Léhady Soglo, avait pourtant été la cheville ouvrière de la coalition. En annonçant son appartenance à la « majorité plurielle » au sortir d’une rencontre avec le chef de l’État, il signait le ralliement de ses députés aux Forces cauris pour un Bénin émergent (FCBE), la mouvance présidentielle au Parlement. « Puisque Boni Yayi effectue son dernier mandat et que la Cour constitutionnelle a coupé court JEUNE AFRIQUE


Éloge de la rigueur

pressé

Montée en puissance 19 mars 2006 Victoire deThomas BoniYayi au second tour de la présidentielle (74,6 % des voix), devant Adrien Houngbédji. Il succède à Mathieu Kérékou (1972-1991 puis 1996-2006). 13 mars 2011 BoniYayi est réélu au premier tour (53,14 % des voix), devant Adrien Houngbédji (35,64 %) et Abdoulaye BioTchané (6,14 %).

SALAKO/APANEWS

30 avril 2011 Élections législatives. La majorité présidentielle remporte 41 sièges sur 83, contre 30 pour la coalition de l’opposition.

à toutes les spéculations en s’opposant à toutes les réformes, le chef de l’État se concentre sur l’essentiel : son bilan et son action », justifie Léhady Soglo. Pour sa part, Boni Yayi n’a de cesse de rappeler qu’il s’agit bien de son second et dernier mandat, et qu’il n’a pas l’intention de se livrer à une quelconque acrobatie juridique pour rester au pouvoir. Dernier rappel en date : en novembre, lors de la visite du pape Benoît XVI. Son leitmotiv, désormais, c’est la « refondation ». Pas celle à l’ivoirienne, qui a vu les caciques de l’ex-pouvoir s’enrichir impunément ; mais une refonte du Bénin, de son économie et de ses institutions. Il faut dire qu’il n’a pas le choix. Avec une croissance de 3,8 % en 2011 au lieu des 6 % espérés, l’économie béninoise va assez mal JEUNE AFRIQUE

28 mai 2011 Pascal Irénée Koupaki est nommé Premier ministre.

L’ex-banquier s’est mué en politicien, maniant la carotte et le bâton pour se faire entendre.

(lire pp. 115-117). La production cotonnière est en baisse, et la réforme entamée lors du premier mandat ne semble pas porter ses fruits. Quelque 90 % des actifs travaillent dans le secteur informel, et l’État tire l’essentiel de ses ressources (55 % du budget national) du Port autonome de Cotonou, qui peine à se réformer (lire pp. 118-119). L’heure est donc à l’austérité, et le président béninois se voit contraint de donner des signes de bonne gouvernance. Le nombre de conseillers a été réduit d’un tiers (lire p. 99), le gouvernement resserré : 26 membres au lieu de 30. Le poste de Premier ministre, abandonné depuis 1998, a été remis au goût du jour, et c’est l’ex-ministre du Développement et de la Prospective, Pascal Koupaki, qui hérite de la fonction (lire pp. 100101). Auprès des bailleurs de fonds et des partenaires au développement, cet homme sérieux, à la limite austère, est un atout certain pour le président. De par ses anciennes fonctions, il était déjà au cœur des grands dossiers, et son peu d’ambition politique – a priori – ne le distraira pas dans la conduite des affaires de l’État. Autre avantage : il est très respecté des partenaires sociaux. À peine entré en fonction, Pascal Koupaki a dû négocier avec les fonctionnaires, bien décidés à rendre le pays ingouvernable. Au terme de longs mois de négociations, le Premier ministre et les syndicats ont trouvé un terrain d’entente : des augmentations successives de salaires, de 5 % sur les deux ans à venir, de 10 % en 2014. « DÉPOUSSIÉRER » LA CONSTITUTION. Pour

sa part, le président se concentre désormais sur la diplomatie. Il est temps que le petit Bénin devienne grand. Pour obtenir la présidence de la Commission de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), il monte au créneau, multipliant les rencontres avec les chefs d’État des pays membres. De la même façon, il accepte avec un plaisir non dissimulé de reprendre ses activités de président du Conseil de l’entente, qui tente de renaître de ses cendres : du 5 au 8 décembre, à Cotonou, une réunion a ainsi rassemblé autour du président béninois ses homologues ivoirien, togolais, burkinabè et nigérien. Sur le plan intérieur, Bon Yayi mène ses réformes à grand train. Il faut mettre en route la loi portant création d’une Cour des comptes et d’une Haute Cour de justice. Déjà passée devant les députés en août, une loi contre l’enrichissement illicite et la corruption a été votée, ce qui devrait faire oublier les deux scandales financiers retentissants du premier quinquennat : en 2009, une histoire de détournement d’argent dans le cadre de l’organisation du sommet de la Communauté des États sahélo-sahariens (CenSad); en 2010, l’affaire ICC Services, du nom d’une des structures de « placement » qui avaient ● ● ● N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

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Le Plus de J.A. Bénin ð Le président veut laisser son empreinte sur le pays et sur sa capitale économique, COTONOU.

ELIOT PRESS

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● ● ● floué, à hauteur de plus de 100 milliards de F CFA (150 millions d’euros), des centaines de milliers de petits épargnants dont une grande partie n’a pas encore été dédommagée. Également en chantier, une loi référendaire – une première fois retoquée par le Conseil constitutionnel – qui autoriserait à amender la Constitution, « pas pour la tripatouiller, mais la dépoussiérer », souligne Amos Elègbè, conseiller spécial à la politique du président béninois. Sur le plan économique, la mise sur pied du Programme de vérification des importations (PVI), attribuée à Bénin Control – dont le patron, Patrice Talon, est un proche de Boni Yayi –, doit optimiser les recouvrements des recettes douanières et, surtout, écarter les douaniers indélicats du processus de recouvrement.

« Même si les idées sont bonnes, on a toujours l’impression d’un grand cafouillage. »

Qui sera le dauphin? Boni Yayi ne se représentera pas en 2016. En coulisses, les pronostics vont bon train au sein de la mouvance présidentielle.

A

utour du chef de l’État, ce ne sont ni les appétits ni les capacités qui manquent. Parmi les noms qui circulent pour succéder à Thomas Boni Yayi en 2016, citons d’abord celui de Mathurin Coffi Nago. Originaire de Bopa, dans le Mono (Sud-Ouest), il est l’actuel président de l’Assemblée nationale. Universitaire, N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

« Même si les idées sont bonnes, c’est la manière qui continue de poser des problèmes. On a toujours l’impression d’un grand cafouillage », commente un businessman béninois. Comme dans l’affaire des primes des agents de la fonction publique : en novembre, un audit des structures d’État révélait que certains directeurs d’administration touchaient des primes deux fois plus élevées que leurs salaires. « Il y a d’abord eu une annonce de suppression, puis, deux jours après, on a parlé d’une suspension, commente cet homme d’affaires. Comme si les décisions étaient prises à l’emporte-pièce. » Il n’empêche que cette spontanéité ne semble pas nuire à la popularité du président béninois. Dans les salons et les maquis, ses décisions sont même accueillies avec une certaine satisfaction. « On a le sentiment qu’il prend les choses en main, déclare un fonctionnaire. Pendant très longtemps, rien ne bougeait au Bénin, alors que maintenant, on a l’impression que le gouvernement travaille. » Pour le conseiller spécial Amos Élègbé, l’explication est simple : « Les Béninois ont compris que l’objectif de Boni Yayi, c’est de

UN HOMME D’AFFAIRES BÉNINOIS

moraliser les institutions. Il y a un problème de morale et d’éthique dans la société béninoise que nous sommes bien décidés à corriger. » D’où le retour dans l’enseignement public de l’instruction civique et morale, dès la prochaine rentrée académique. ●

ex-doyen de la faculté des sciences agronomiques de l’université d’AbomeyCalavi, où il enseignait la biochimie et les sciences alimentaires, il se fait discret, évitant autant que faire se peut les débats politiciens. Autres dauphins possibles : le Premier ministre, Pascal Koupaki, et le ministre de l’Analyse économique, du Développement et de la Prospective, Marcel de Souza. Tous les deux originaires de Ouidah, ils bénéficient, pour le premier, d’un large capital sympathie auprès de la population et, pour le second, des statuts de beau-frère du

président et de neveu de Mgr Isidore de Souza, l’ex-président du Haut Conseil de la République, qui organisa les premières élections démocratiques du pays. Enfin, l’actuel ministre des Affaires étrangères et de l’Intégration africaine, Nassirou Bako-Arifari : originaire de Karimama (extrême Nord), l’ancien député d’opposition rallié au camp présidentiel pourrait surfer sur la vague nordiste pour prendre la relève du chef de l’État. Mais, comme le dit un ministre en fonction, rien ne sert de courir: « La meilleure façon pour un potentiel candidat de se griller pour 2016, c’est de sortir du bois dès maintenant. » ● M.G.-B. JEUNE AFRIQUE


RÉPUBLIQUE DU BÉNIN - MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE ET DES FINANCES

Direction Générale des Douanes et Droits Indirects

DOUANES BÉNINOISES : PILIER DE L’ÉCONOMIE NATIONALE

Communiqué

Colonel Théophile SOUSSIA, Directeur Général

La Direction Générale des Douanes et Droits Indirects (DGDDI) est l’une des régies financières relevant du Ministère de l’Économie et des Finances (MEF). Traditionnellement et à titre principal, elle accomplit trois missions à savoir une mission fiscale, une mission économique et une mission de surveillance et de sécurisation de la chaîne logistique internationale. Elle contribue dans une grande proportion à la mobilisation de ressources au profit du trésor public. Mais aujourd’hui, sous l’impulsion du Ministre de l’Économie et des Finances, les douanes béninoises

sont en pleine mutation traduite par l’accélération des actions de réforme pour une douane moderne, efficace et transparente, qui contribue à la création des conditions favorables à la mobilisation des recettes, la fluidité du commerce et au développement économique et social du Bénin.

de l’hinterland afin de faciliter le commerce à ces pays sans littoral et de désengorger le Port de Cotonou. De même, l’avènement du Guichet Unique fera du Port de Cotonou, une escale de référence dans la sous région et un facteur de célérité des opérations de dédouanement.

À cet effet, le Gouvernement a mis en place en collaboration avec la société Bénin Control SA, un Programme de Vérification des Importations (PVI) de nouvelle génération qui vise essentiellement l’amélioration des recettes, l’intensification de la lutte contre la fraude douanière et l’insécurité, la facilitation des formalités d’enlèvement des biens au cordon douanier et la compétitivité du Port de Cotonou.

Par ailleurs, l’informatisation des procédures et des services douaniers sera aussi un atout fondamental pour l’élimination des goulots d’étranglement qui annihilent les efforts engagés pour la modernisation des douanes béninoises.

Ce nouveau programme prend en compte l’utilisation des technologies innovantes comme le scanner pour des contrôles rapides aux frontières et le tracking pour le suivi électronique des marchandises en transit. En ce qui concerne la promotion du partenariat avec le secteur privé, la société ATRAL a érigé à Allada, un Terminal à Conteneur dédié aux pays

Au demeurant, les douanes béninoises sont résolument engagées aujourd’hui et mieux que par le passé pour assumer convenablement la place de choix qu’elles occupent dans l’édification d’un Bénin prospère et économiquement viable. DIRECTION GÉNÉRALE DES DOUANES ET DROITS INDIRECTS (DGGDI)

Bd de la Marina , 01 BP 400 COTONOU Tél : + 229 21 56 54/55 - Fax : +229 21 67 86

Numéros verts: 81 00 00 01 & 82 00 00 02

E-mail : douanes_beninoises@yahoo.fr Site web : douanes-beninoises.net


Le Conseil Présidentiel de l’Investissement

Place aux affaires ! L

PUBLI-INFORMATION

e Président Boni YAYI veut en finir avec les entraves à l’investissement au Bénin. La création en 2006 du Conseil Présidentiel de l’Investissement, organe de réflexion, de propositions et de suivi des recommandations répond à ce souci. Cinq ans plus tard, les résultats sont plutôt flatteurs et les réformes mises en place au courant de l’année 2011 incitent à encore plus d’optimisme. Le Conseil Présidentiel de l‘Investissement est « chargé de promouvoir le dialogue direct entre l’État et le Secteur Privé afin d’identifier les problèmes importants qui constituent des obstacles à l’investissement et qui requièrent l’intervention du Gouvernement ». Et, depuis septembre 2008, le Secrétariat Permanent du CPI est également chargé de suivre l’évolution des indicateurs du rapport « Doing Business ».

DES RÉFORMES SALUTAIRES Les efforts conjugués du CPI et des autres acteurs, notamment les 6 sous-comités « Doing Business », ont permis de braver des résistances et d’adopter des mesures visant à fluidifier les procédures parmi lesquelles : • le remplacement par une simple déclaration sur l’honneur de la contrainte de production du casier judiciaire préalable à toute création d’entreprise ; le dépôt du casier judiciaire proprement dit devant intervenir 75 jours plus tard sous peine de l’annulation de l’acte de création de la société. • la prise d’un arrêté interministériel pour rendre applicable le décret n° 2009542 du 20 octobre 2009 qui oblige tous les usagers à confier au Guichet Unique de Formalisation des Entreprises (GUFE) leur formalité d’enregistrement au registre du commerce et du crédit mobilier ; • la suppression de la perception des frais d’enregistrement des Statuts des entreprises sociétaires d’un montant de 6 000 F CFA • le plafonnement à 5000 F CFA de la redevance payée pour l’obtention de la carte de commerçant et de la carte d’importateur • l’allongement à 2 ans contre un an précédemment, de la « durée de validité de la carte professionnelle de commerçant et de la carte d’importateur à partir de la date de leur signature ». • la promulgation de la loi n°2008 du 28 février portant code de procédure

Mr Nasser Yayi, (à gauche) Secrétaire Permanent du CPI et Mr Houngbedji, (à droite) Conseiller Technique du Président de la République à la Promotion du CPI.

Le Conseil Présidentiel de l‘Investissement est « chargé de promouvoir le dialogue direct entre l’État et le Secteur Privé. civile commerciale, sociale, administrative et des comptes. POURSUIVRE LES MUTATIONS D’autres mesures sont imminentes comme : • le projet d’installation d’un guichet unique à la mairie de Cotonou pour accélérer le processus de délivrance des permis de construire. • la modernisation du Registre de Commerce et de Crédit Mobilier (RCCM) pour se conformer aux normes OHADA. • l’effectivité du Guichet Unique de Formalisation des Entreprises, prévue pour le 31 décembre 2011, pour réduire

considérablement les délais, les coûts ainsi que les procédures de création des entreprises. l’allégement des procédures de transfert de propriété et la réduction du coût des opérations au niveau des mairies.

Il convient évidemment de ne pas oublier la relance du dialogue direct entre l’État et le Secteur Privé avec l’organisation des sessions du CPI Animé depuis le 19 octobre 2011 par M. Olawole Nasser YAYI, Secrétaire Permanent du CPI, ainsi que par M. Aurèle Houngbedji, Conseiller Technique du Président de la République à la Promotion du CPI, - chacun détenteur d'un Ph.D en économie, jeunes, dynamiques, discrets mais efficaces, co-organisateurs avec le Corporate Council on Africa (C.C.A) et l'Ambassade du Benin près des USA, du Forum " Doing Business in Benin " en 2008 à Washington, DC - le CPI et son personnel sont conscients que de nombreux défis restent encore à relever, notamment une meilleure promotion du Dialogue PublicPrivé cher au Président YAYI garant d'un assainissement accéléré de l'environnement des affaires que tout le monde appelle de ses vœux. Secrétariat Permanent du CPI : Tél. : +229 21 30 98 52 / +229 21 30 53 67 / +229 97 97 98 54 E.mail : spcpi_presidence@yahoo.fr ; olawoley@hotmail.com ; aurele.houngbedji@yahoo.com

MÉCANISME DE FONCTIONNEMENT DU GUFE (Selon les dispositions du Décret N°2009-542 du 20 octobre 2009)


Éloge de la rigueur CABINET PRÉSIDENTIEL

Conseillers particuliers

APA

YVES TROUGNIN

Proches collaborateurs du chef de l’État, ils sont de ceux qui font et défont les réformes. Présentation des éminences grises qui « hantent » le palais de la Marina.

! MARIAM ALADJI BONI DIALLO, diplomate chargée des Affaires étrangères, et ÉDOUARD OUIN-OURO, secrétaire général de la présidence.

L

a nouvelle avait fait grand bruit danslelanderneaubéninois.Deux mois après sa réélection, Thomas Boni Yayi avait procédé à des « réaménagementstechniques»àlaprésidence. « Certains conseillers s’étaient présentés au palais comme tous les jours, mais ils ont été sommés de rentrer chez eux, sans explications », se souvient un habitué du palais de la Marina. Malgré ce coup de théâtre, les plus fidèles stratèges du cabinet présidentiel ont été reconduits, certains, même, avec des pouvoirs renforcés. C’est le cas d’Édouard Ouin-Ouro, l’ex-directeur général adjoint du cabinet civil du chef de l’État. Il s’est vu confier le secrétariat général de la présidence. « Bien trop de pouvoirs dans les mains d’un seul homme », maugrée-t-on dans les couloirs de la présidence comme dans

ceux de la primature. Parmi ses attributions, rien de moins, en effet, que « la conduite de la politique de la nation » et « le suivi de l’activité gouvernementale ». Presque autant de prérogatives que le Premier ministre, Pascal Koupaki, dont la fonction n’est par ailleurs pas inscrite dans la Constitution. Bien que la presse locale se plaise à se faire l’écho de tensions persistantes entre les deux hommes, l’un et l’autre veillent à afficher, devant le chef de l’État, une image d’unité. Égalementreconduitedanssesfonctions de conseillère spéciale aux Affaires diplomatiques, l’ex-ministre des Affaires étrangères (2006-2007) Mariam Aladji Boni Diallo, qui n’a aucun lien de parenté avec leprésident,restetoutaussidiscrètequ’efficace. Elle est au cœur des réflexions sur la place du Bénin dans le monde. On l’a vue

très active sur le dossier de la présidence de la Commission de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), disputée par le Bénin et le Burkina Faso, et elle ne manquera pas de l’être tout autant sur celui de la remise en selle du Conseildel’entente,quiaréuni début décembre, à Cotonou, les chefs d’État béninois, burkinabè, ivoirien, nigérien et togolais. Mariam Aladji Boni Diallo accomplit sa mission parallèlementàcelled’Edgard Kpatindé, officiellement chargé des relations politiques et économiques avec l’Union européenne et la Russie, mais dont les conseils s’étendent bien au-delà.

INDÉBOULONNABLE. Un nouveau venu,

l’ex-directeur de la Société de gestion des marchés (Sogema) Joseph Tamégnon, a fait son entrée au cabinet présidentiel en tant que conseiller technique à l’Économie, au côté du professeur Fulbert Géro Amoussouga, directeur de l’École doctorale de la faculté des sciences économiques et de gestion de l’université d’Abomey-Calavi, et président du Conseil d’analyse économique. Bien entendu, l’indéboulonnable Amos Elègbè reste conseiller politique du chef de l’État. Les rouages et coulisses de la démocratie béninoise n’ont aucun secret pour ce professeur de géographie qui a servi sous tous les présidents depuis Kérékou. Et qui, à coup de phrases cinglantes, prend un malin plaisir à ramener l’opposition à ses contradictions. ● MALIKA GROGA-BADA

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Le Plus de J.A. Bénin ZOOM SUR…

Pascal Irénée Koupaki, le profil de l’emploi On dit que c’est pour lui que le président a créé le poste de Premier ministre – qui ne figure pas dans la Constitution. Depuis six mois, ce technocrate concentre les attributions… et les attentions.

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alais de la Marina. C’est l’heure du Conseil des ministres. Le chef de l’État ayant d’autres obligations, c’est le Premier ministre, Pascal Irénée Koupaki, 60 ans, qui dirige la séance. Chacun fait le point sur ses dossiers, lui soupèse, arbitre et tranche. En deux heures, l’affaire est rondement menée et tout le monde retourne à son emploi du temps surchargé. « Il est très efficace au cours des réunions et ça va vite, avec lui », glisse un ministre. Après avoir occupé pendant deux ans le portefeuille stratégique de la Prospective, du Développement, de l’Évaluation des politiques publiques et de la Coordination de l’action gouvernementale, s’il y a bien une chose que Pascal Koupaki sait faire, c’est prendre des initiatives rapidement. Supervisant tous les grands dossiers, l’ex-banquier était déjà au cœur des décisions et, pour la majorité des Béninois, avant même l’annonce officielle de sa nomination le 28 mai dernier, il était clair que le poste devait lui revenir. Désormais à la tête du gouvernement, « PIK », comme l’appellent ses compatriotes, n’en garde pas moins ses attributions précédentes. En témoigne l’intitulé à rallonge de sa fonction : Premier ministre chargé de la Coordination de l’action gouvernementale, de l’Évaluation des politiques publiques, du Programme de dénationalisation et du Dialogue social. FIDÈLE NUMÉRO DEUX. Dans le fond,

rien ne change vraiment. Lors du premier quinquennat de Thomas Boni Yayi, Pascal Koupaki était déjà numéro deux dans l’ordre protocolaire béninois et assurait l’intérim du chef de l’État lors de ses déplacements. L’opération, toute cosmétique soit-elle, a tout de même permis de préserver les équilibres régionaux N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

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Surnommé « MONSIEUR LA RIGUEUR », il passe pour méthodique et peu ambitieux.

dans un pays où le clivage Nord-Sud tend à se creuser. En nommant ce natif de la ville côtière de Ouidah au poste de Premier ministre, Boni Yayi était en effet sûr de contenter son électorat sudiste, qui a été pour beaucoup dans sa victoire. Sans compter que jamais le technocrate n’a tenté de lui faire de l’ombre, délaissant même la présidence de son mouvement, l’Union pour le développement du Bénin nouveau (UDBN), pour se consacrer aux affaires de l’État. Fidèle, donc. Mais pas complaisant. « Je suis un homme qui a sauté dans le

train sans connaître sa destination », se plaît-il à préciser. Dans les couloirs du palais de la Marina, on confirme qu’il n’hésite pas à s’opposer, si besoin, à son mentor : « Il fait partie de ceux qui peuvent tout dire au chef de l’État, même les choses les plus rudes », confie un familier de la présidence. En tout cas, son franc-parler ne semble pas lui avoir porté préjudice. Depuis que Boni Yayi a été élu en 2006, Pascal Koupaki est de tous les gouvernements, ses attributions ratissant de plus en plus large et ses fonctions JEUNE AFRIQUE


Éloge de la rigueur montant en puissance à chaque remaniement. Successivement ministre de l’Économie et des Finances (2006), de la Prospective et du Développement (2007), puis ministre d’État (2009), PIK faisait déjà office de superministre à la fin du premier quinquennat. MISTER YAYI ET DOCTEUR « PIK ». Le technocrate, qui ne fait montre d’aucune ambition, est surnommé « Monsieur la rigueur » par certains de ses collaborateurs. Il est réputé appliqué, méthodique, calme. Même l’opposition béninoise, pourtant prompte à la critique, salue son côté « structuré, organisé et réfléchi ». De quoi contrebalancer le caractère tumultueux du chef de l’État. Et force est de constater que, six mois après la formation du gouvernement, le tandem Yayi-Koupaki fonctionne plutôt bien. Le président occupe les terrains politique et diplomatique, pendant que son Premier ministre investit le champ financier… et le front de la contestation sociale. Dans ce domaine, le début du second mandat a été secoué par des crises à répétition. Entre menaces de grèves générales des syndicats et débrayages récurrents des fonctionnaires, la machine béninoise, déjà en difficulté, s’est davantage grippée. Et c’est au Premier ministre qu’est échue la délicate mission de rencontrer les secrétaires généraux des centrales syndicales

À l’école Ouattara De la BCEAO au FMI, Pascal Koupaki a fait ses premières armes auprès du chef de l’État ivoirien. Parcours.

N

é à Ouidah en mai 1951, Pascal Irénée Koupaki obtient une maîtrise de sciences économiques en économétrie et planification à l’Université nationale du Bénin en 1975, puis un DESS en théories macroéconomiques à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne (1977). Il achève son cursus étudiant à Dakar, au Centre ouest-africain de formation et d’études bancaires (Cofeb), l’institut de formation de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). De 1979 à 1990, c’est donc tout naturellement qu’il fait ses premières JEUNE AFRIQUE

et de mener les discussions, notamment sur la revalorisation des salaires. « Il sait parler aux gens et est capable de reconnaître quand les revendications sont fondées. Il n’est pas de mauvaise foi comme d’autres… » déclare Pascal Todjinou, secrétaire général de la Confédération générale des travailleurs du Bénin, pourtant réputé pour ses féroces critiques à l’égard des membres du gouvernement. « Grâce à lui, au moins, nous serons consultés pour l’élaboration de la loi sur le droit de grève », ajoute-t-il. Ce que confirme l’un de ses camarades : « Avec PIK, on n’est pas toujours d’accord. Mais, au moins, on peut discuter. »

Premier ministre consensuel, donc, « mais pour combien de temps ? » s’interroge un observateur de la politique béninoise : « Pour que la croissance remonte, il faudra faire des sacrifices… Et puis il n’est pas sûr que PIK puisse s’opposer aux décisions un tantinet populistes de son chef. » Combien de temps ? C’est en effet la question que se posent nombre de Béninois, qui pensent déjà à 2016 et voient en Koupaki le plus probable dauphin de Boni Yayi. À moins que la rigueur – qui pour l’heure est son apanage –, liée à l’exercice du pouvoir, n’use sa cote de popularité. ● MALIKA GROGA-BADA

UNE PRIMATURE EN DUR AU BÉNIN, où la Constitution ne fait aucune allusion à la fonction, le Premier ministre ne tire pas sa légitimité du Parlement. C’était une promesse de campagne du président sortant que de s’adjoindre une primature. Le 28 mai 2011, près de deux mois après sa réinvestiture, le « détenteur du pouvoir exécutif » – qui, comme le dispose la Constitution, peut décider de déléguer une partie de ses pouvoirs, à l’exception de son domaine propre (nomination des ministres, des présidents des institutions de la République, accréditation des ambassadeurs, droit de grâce…) – a « recréé » le poste de Premier ministre – disparu en 1998 –, lui-même conservant le statut de « chef du gouvernement ». Hébergé pendant plus de quatre mois au premier étage du nouveau bâtiment de la présidence, alors que ses collaborateurs directs étaient hébergés au ministère du Plan, Pascal Koupaki a intégré les nouveaux locaux de la primature début octobre, dans la zone résidentielle qui jouxte l’aéroport de Cotonou. ● C.M.

armes en tant qu’économiste principal, puis directeur et assistant du gouverneur – Alassane Ouattara – au siège de l’institution bancaire régionale, sis dans la capitale sénégalaise. AV E C H O U N G B É D J I AU S S I . En

de directeur du département des études et de la monnaie. Il sera membre du gouvernement de la banque jusqu’à son admission à la retraite, en avril 2006. Pascal Koupaki revient alors au Bénin, où le chef de l’État nouvellement élu, Thomas Boni Yayi, le place successivement à la tête de deux portefeuilles

novembre 1990, Pascal Koupaki suit Ouattara, nommé Premier ministre de Côte d’Ivoire, À son actif : les réformes et devient son directeur structurelles de secteurs comme adjoint de cabinet pendant trois ans. En sepla banque, le coton, l’industrie… tembre 1994, il devient (Économie puis Prospective), et enfin à la conseiller du directeur général adjoint du Fonds monétaire international (FMI) primature. À son actif: les réformes struc– Ouattara encore – et ne revient au Bénin turelles de plusieurs secteurs, notamqu’en avril 1996, en tant que directeur ment la banque, le coton, les télécoms et de cabinet du Premier ministre, Adrien l’industrie. Son principal échec reste celui Houngbédji. En mai 1998, il retourne à de la privatisation de l’outil industriel de la BCEAO, où il occupera les postes de la Société nationale pour la promotion directeur du département de la recherche, agricole (Sonara). ● de conseiller spécial du gouverneur et CÉCILE MANCIAUX N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

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Le Plus de J.A. Bénin MINISTRES

Les poids lourds du gouvernement En dehors de Koupaki, trois hommes ont l’oreille de Boni Yayi. Des relations privilégiées qui, pour la plupart, se sont forgées avec le temps.

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ð MARCEL DE SOUZA, ministre et beau-frère du président.

YVES TROUGNIN

vant d’être le beau-frère du président, Marcel de Souza, 58 ans, ministre de l’Analyse économique, du Développement et de la Prospective, est surtout un ami de longue date de Thomas Boni Yayi. Les deux hommes sont entrés à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) la même année, en 1978. S’ils ont gravi les échelons chacun de son côté, Boni Yayi à la Banque ouestafricaine de développement (BOAD) et Marcel de Souza à la BCEAO, dont il fut le directeur pour le Bénin, le premier n’a pas hésité à faire appel au second lors de son élection à la tête du pays en 2006. Porte-parole du candidat Boni Yayi pendant la dernière campagne présidentielle, Marcel de Souza a hérité du très stratégique ministère dirigé par Pascal Koupaki lors du premier quinquennat. Issifou Kogui N’Douro, 62 ans, ministre d’État chargé de la Défense nationale depuis 2007, est lui aussi un ami de plus de quinze ans. Géographe de formation et ancien directeur adjoint aux

finances de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), il partage avec le chef de l’État aussi bien sa vision de la politique que sa foi évangélique. Fin observateur de la vie politique béninoise, « intuitif et doté d’une grande capacité d’anticipation », selon un collaborateur, Issifou Kogui N’Douro arrondit les angles, tempère le président ou tranche lorsque des conflits divisent ses collaborateurs les plus proches. CERCLE RESTREINT. Enfin, dernier arrivé

dans le cercle restreint du chef de l’État : Jonas Aliou Gbian, 46 ans, ex-fondé de pouvoiràl’antennebéninoisedelaBCEAO et conseiller spécial à l’économie lors du premier quinquennat, de 2006 à 2011. Natif de la petite commune d’Ina, dans le Borgou(Centre),ilasuffisammentimpressionné le chef de l’État pour que celui-ci lui confie le tout nouveau superministère de l’Énergie, des Recherches pétrolières et minières, de l’Eau et du Développement des énergies renouvelables. ● MALIKA GROGA-BADA

Une femme aux Finances Titulaire depuis mai 2011 de ce portefeuille stratégique, Alayi Adidjatou Mathys vise les 4 % de croissance l’an prochain.

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otée d’un sens aigu de la repartie et d’une bonne dose d’humour, la Porto-Novienne Alayi Adidjatou Mathys est la première femme titulaire du portefeuille de l’Économie et des Finances au Bénin. Hors de question d’insinuer que cette nomination n’est qu’une récompense pour ses bons et loyaux services dans la campagne de Thomas Boni Yayi. La riposte fuse, directe : « Si vous croyez que le président nomme ses ministres sur la base du copinage, c’est que vous le connaissez bien mal. » À 55 ans, celle qui a fait tout son parcours professionnel dans l’administration béninoise – qu’elle a intégrée en 1982, d’abord au ministère de l’Enseignement N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

supérieur et de la Recherche scientifique – ne considère ses fonctions que « comme une autre façon de servir le Bénin ». De fait, pas sûr que ce maroquin soit un cadeau. L’économiebéninoisepiquedunezdepuis une dizaine d’années et sa croissance a décru de moitié en deux ans, passant de 5 % à 2,6 % entre 2008 et 2010. Dès sa prise de fonctions, en mai, la grande argentière s’est attelée à l’élaboration d’un emprunt obligataire de 50 milliards de F CFA (76 millions d’euros), destiné à relancer la machine béninoise et à investir, notamment, dans l’énergie, l’agriculture et les infrastructures routières. Avec succès : ce sont finalement 64 milliards de F CFA qui ont été récoltés sur

ALEXANDRE DUPEYRON POUR J.A.

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Âgée de 55 ans, elle a fait toute sa carrière dans l’ADMINISTRATION béninoise.

le marché sous-régional, dont les deux tiers au Bénin. La ministre peut donc se concentrer sur son prochain objectif : doper la croissance afin de passer la barre des 4 % en 2012. ● M.G.-B. JEUNE AFRIQUE


PROJET DE COMPÉTITIVITÉ ET DE CROISSANCE INTÉGRÉE

Connecter le produit béninois au marché : telle est la feuille de route donnée au Projet de Compétitivité et de Croissance Intégré (ProCCI)…

ments. Il accompagne le promoteur dans ses activités de préparation, de mise en œuvre ou de suivi de projets d’entreprise à travers :

Faire du Bénin un pays phare de la sous-région ouest africaine, un pays qui s’appuie sur son potentiel naturel et géographique ; exploite sa proximité avec le Nigeria, son appartenance à l’UEMOA et sa position verticale entre la mer et l’hinterland pour développer une industrie de biens et services à forte valeur ajoutée. Telle Dieudonné Bléossi est la mission assignée au ProCCI, DAHOUN Projet multidimensionnel, qui contriCoordonateur National du ProCCI bue au développement du secteur privé et à la mise en place d’une administration de développement. Il est mis en œuvre à travers deux composantes principales.

• Une assistance technique à l’étude et à l’identification des opportunités. • Un soutien à l’élaboration des plans d’affaires. • Une assistance à la promotion des projets. • Une contribution à la recherche d’associés et d’opportunités financières aux promoteurs. • Une aide à la recherche d’investisseurs privés et à la levée de fonds sur les marchés financiers locaux et internationaux.

Une première composante « Amélioration de l’Infrastructure de Développement des Affaires » dont les résultats les plus importants portent entre autres sur : • La Création de l’Agence pour la Promotion des Investissements et des Exportations (APIEX). • La Conception d’un Cadre d'intermédiation financière dynamique et adapté. • La Consolidation des réformes structurelles.

PUBLI-INFORMATION

Cette première composante ainsi décrite sert de logistique institutionnelle à la composante 2 « Développement des produits et des marchés » qui fonde ses interventions sur deux instruments nouveaux : • L’Infrastructure Minimale Intégrée d'Expansion Commerciale (IMIEC) qui propose entre autres un ensemble de services non financiers offerts par des spécialistes formés et compétents sur les besoins réels des entreprises béninoises, et crée le Système Proactif d’Informations Commerciale (SPIC) qui renseigne toutes les chaînes de valeurs des produits béninois. • Le Fonds de Développement des Projets (FDP) qui est l’une des sous composantes phare du ProCCI. À propos du Fonds de Développement des Projets jets (FDP) Avec 3 420 millions de F CFA dédiés au développement ment de l’entreprise et l’entreprenariat au Bénin, le FDP est un instrument qui a pour vocation le financement de toutes tes les activités de préparation des projets d’investissee-

Une stratégie qui traduit aussi le besoin de réajuster l’approche du développement du secteur privé pour cibler les investissements productifs en mettant l’accent sur la nécessité d’améliorer l’environnement des affaires par le renforcement du « partenariat public-privé ». Innovation pour la zone Ouest Africaine, le FDP couplé aux autres instruments du ProCCI fera du Bénin un pays propice à l’investissement. Le Fonds a été lancé le 8 septembre 2011 et a déjà enregistré plus d’une centaine de dossiers de soumission de projets en cours d’étude pour le seul troisième trimestre. Contact du Projet : Avenue Jean Paul 2, Quartier les Cocotiers lot G11, 08 BP 1099 Cotonou-Bénin Tél. : +229 21 30 12 39 - Fax : +229 21 30 12 39 Email : procci@proccibenin.org www.proccibenin.org Contact à Washington Mr Papa Demba THIAM Finance and Private Sector Development Room J-8-125, Mail Stop: J 8-808 The World Bank Group INTERNATIONAL BANK FOR RECONSTRUCTION AND DEVELOPMENT


MINISTÈRE DE L'ENVIRONNEMENT, DE L'HABITAT ET DE L'URBANISME

Un exemple de logement économique

BLAISE AHANHANZO GLELE

SIX MOIS D’ENGAGEMENT POUR LA PROTECTION ET L’AMÉLIORATION DU CADRE DE VIE DES BÉNINOIS

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our la mise en œuvre de son programme de gouvernement suite à sa réélection, le président de la République, Dr Boni YAYI a procédé à la formation de son premier gouvernement de l’ère de la Refondation le 28 Mai 2011. Dans cette nouvelle équipe, le portefeuille de l’Environnement, de l’Habitat et de l’Urbanisme a été confié à Blaise AHANHANZO GLELE, ancien maire de la Ville d’Abomey. Les premières actions du nouveau Ministre vont dans le sens de :

>>> Rendre pérenne la campagne de reboisement

Dèssanominationàlatêtedecedépartement,BlaiseAHANHANZO GLELE a posé des actes qui traduisent sa vision du développement de ce secteur. Ainsi, dans le domaine de l’environnement, il a participé à la Journée Nationale de l’Arbre du 1er Juin 2011. Des milliers de plants ont été mis en terre dans plusieurs villes. Un accent particulier a été mis sur l’entretien et le suivi de ces jeunes pousses. Aussi des instructions ont-elles été données pour le lancement d’une campagne de salubrité et de nettoyage de la côte marine qui reçoit des touristes…

PUBLI-INFORMATION

>>> Faire prendre conscience aux populations des dangers

liés à la pollution atmosphérique Pour se faire, il y a eu : intensification de la sensibilisation des populations sur les effets néfastes de la pollution atmosphérique ; réalisation à Cotonou de vingt-quatre séances de contrôle/réglage gratuit des émissions de gaz d’échappement des véhicules motorisés ; lancement du processus d’agrément/ conventionnement des garages pour le contrôle anti pollution.

>>> Sauver les forêts classées Blaise AHANHANZO GLELE a conduit successivement deux

missions dans les départements de l’Alibori et de l’Atacora où sévissait une destruction des forêts classées dont le parc W, principale richesse touristique encore viable au Bénin. Il s’est alors avéré nécessaire pour le ministre de mettre en œuvre des mesures visant la protection du couvert végétal. Un plan directeur de la protection des forêts a déjà été élaboré et soumis à l’appréciation des maires du Bénin.

>>> Protéger les côtes béninoises de l’érosion côtière

Pour mener à bien les travaux afférents à la protection des côtes béninoises contre l’érosion côtière, il est prévu une table ronde des partenaires financiers du Bénin pour boucler le dossier.

>>> Accompagner le développement des

villes dans l’élaboration de nouveaux projets Un plan pilote de viabilisation des berges lagunaires de Cotonou est en cours d’élaboration. Indispensable selon le Ministre, en raison de l’évolution de la mobilité urbaine et du fort taux d’accroissement des villes, le programme de la viabilisation de la berge lagunaire de Cotonou a été lancé. Ce programme vise d’une part à donner à la ville l’aspect d’un site touristique et d’autre part à trouver une solution au problème de stationnement dans la ville.

>>> Promouvoir et renforcer le programme de construction de logements économiques En accord avec l’Agence Foncière de l’Habitat, le Ministre s’est attelé à donner un coup de pouce à l’avancée du programme de construction de 10 000 logements économiques. Un autre programme de 20 000 logements est en cours d’élaboration et les promoteurs immobiliers à l’International sont attendus pour le soutenir. Photos : H.Raoul

MINISTÈRE DE L'ENVIRONNEMENT, DE L'HABITAT ET DE L'URBANISME 01 BP 3502 Cotonou - Tél. : (+229) 21 31 77 71 - Fax : (+229) 21 31 51 09 - E-mail : spmuhbenin@yahoo.fr


Éloge de la rigueur

TRIBUNE

Opinions & éditoriaux

Terre de contrastes

V. FOURNIER/J.A.

D ALBERT TÉVOÉDJRÈ Médiateur de la République du Bénin

EPUIS QUELQUES SEMAINES, tous les observateurs internationaux avertis remarquent que le Bénin est au carrefour d’événements de portée significative. Du 18 au 20 novembre, le pape Benoît XVI y a effectué une mission pastorale pour signer et remettre l’exhortation apostolique postsynodale, fruit de la deuxième assemblée du synode des évêques pour l’Afrique de 2009. De tous les pays du continent qui auraient pu valablement abriter cette manifestation de très grande portée, c’est sur le Bénin que le Saint-Père a pointé son bâton de pèlerin. Le 5 décembre, le Bénin a de nouveau focalisé l’attention internationale en accueillant les activités de relance du Conseil de l’entente. Au terme de cette séance de travail marathon, le chef de l’État béninois, Thomas Boni Yayi, s’est vu crédité de la confiance de ses pairs. Il a été confirmé président en exercice de cette institution, mère de toutes les organisations régionales en Afrique de l’Ouest. Enfin, deux semaines seulement après sa visite de travail en Afrique du Sud à l’invitation de Jacob Zuma, le président béninois a accueilli à Cotonou son homologue sud-africain, le 11 novembre. Une journée de travail au cours de laquelle les deux chefs d’État ont signé plusieurs accords vitaux de partenariat. Ce sont là des signes qui indiquent que ce pays du golfe de Guinée, petit par la taille mais doté d’un destin privilégié dans la sous-région, reste un carrefour d’importance en Afrique.

pour que ces contentieux électoraux soient vidés. Ainsi se manifeste le contraste béninois, qui tire sa force du refus obstiné de la violence et de l’engagement de la grande majorité pour une démarche pacifique d’expression de préférence politique. Il nous manque cela dit une chose essentielle : la discipline sociale librement consentie. Nous n’avons pas encore intériorisé cette fibre patriotique qui fait opter prioritairement pour l’intérêt général sous-tendu par la mystique du travail et le respect scrupuleux du bien public. À preuve, des comportements relayant grogne sociale permanente et délinquance administrative continuent de prospérer; toutes choses qui font perdre des recettes colossales à l’État et hypothèquent de ce fait l’avènement du progrès pour le bienêtre de tous.

Il est temps qu’au renouveau démocratique succèdent le renouveau du comportement et la discipline sociale.

Dans la fièvre des élections présidentielle et législatives en préparation, il y a quelques mois seulement, ce pays était traversé par de violentes convulsions, relayées par des rumeurs alarmistes qui avaient fait craindre le pire. Malgré toutes les intrigues politiciennes et les querelles de clocher, force est de constater aujourd’hui qu’aucune perte en vies humaines n’a été déplorée, qu’aucun cas de détenu d’opinion consécutif à ces deux élections n’a été enregistré. En revanche, il y a eu de multiples contestations qui, passés les dards lancinants des premiers instants de l’échec, ont fini par prendre les voies les plus autorisées et légales, devant les tribunaux et les instances constitutionnelles, JEUNE AFRIQUE

Comme j’ai déjà eu à le dire, un pays qui vit dans la promotion et la culture de la grève pour un oui ou pour un non ne peut aller bien loin. Il faut en finir. C’est aussi cela que j’ai voulu souligner en présentant mon dernier rapport d’activités de médiateur de la République : « Toutes formes de revendications qui devraient aboutir à ce que les enfants des travailleurs et des autres n’aillent plus à l’école ou que leurs familles et celles des autres citoyens ne bénéficient plus de soins de santé nécessaires à la préservation des ressources humaines nationales, toutes formes de revendications qui conduiraient à bloquer le fonctionnement des institutions et qui tombent ainsi sous le coup des interdictions formelles voulues par la Constitution, ne peuvent qu’être proscrites avec l’accord du peuple souverain et le soutien éclairé de la communauté internationale des défenseurs des droits de la personne humaine. » Il est temps qu’au renouveau démocratique succèdent le renouveau du comportement et la discipline sociale. Ce défi appelle l’émergence, à partir du Bénin, d’une contribution nécessaire à la promotion de l’intelligence politique dont le monde et singulièrement notre continent ont aujourd’hui le plus grand besoin. ● N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

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Le Plus de J.A. Bénin

ANGE GNACADJA/APA

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POLITIQUE

Opposition en stand-by

Il y a eu l’échec d’Adrien Houngbédji, candidat de l’Union fait la nation au scrutin de 2011. Puis Léhady Soglo a claqué la porte de la coalition. Aujourd’hui, celle-ci se cherche un nouveau présidentiable.

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a calebasse s’est finalement fissurée. Lorsque les barons de l’opposition béninoise ont créé, en mars 2008, l’Union fait la nation (UN), reprenant la symbolique du récipient pour sceller leur pacte commun, l’ambition était clairement affichée. Les battus de l’élection présidentielle de 2006 – dont les scores cumulés au premier tour dépassaient les 55 % – avaient enfin décidé de faire cause commune autour d’une seule bannière et de mettre sous silence leurs rivalités. Cet ovni politique suscitait alors un peu de moquerie et une bonne dose d’incrédulité. De fait, cette unité suintait le calcul et masquait difficilement le choc des ambitions. La bagarre, feutrée mais implacable, entre les deux champions, Adrien Houngbédji (Parti du renouveau démocratique, PRD) et Léhady Soglo (Renaissance du Bénin, RB), pour obtenir enpetitconclavel’investitureàlaprésidentielle de mars 2011 a été de ce point de vue éclairante. Habile et madré, Houngbédji l’a emporté sur un Soglo pas encore totalement affranchi d’une encombrante tutelle N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

parentale – l’ancien couple présidentiel Nicéphore et Rosine Soglo (1991-1996). Cette passe d’armes va laisser des traces. Empêtré dans l’affaire des « Madoff béninois » (ICC Services et consorts) à seulement quelques mois de la fin de son premier mandat, fragilisé par un bilan en demi-teinte et menacé par des félons déboussolés par son incapacité à « faire

HOUNGBÉDJI (PRD), SOGLO (RB) et AMOUSSOU (PSD), en septembre 2010. Depuis, l’alliance a fait long feu.

de la politique » et à discipliner le travail gouvernemental, Boni Yayi n’en menait pas large en 2010. Mais avec l’énergie du désespoir, grâce à un engagement sincère pour son pays, poussé par une foi inébranlable en son destin… et aidé par les bons conseils des communicants d’Euro RSCG, il a inversé la tendance en quelques mois. CRASH. En face, l’UN n’est jamais parvenue à gommer l’apparence d’un club de Sudistes revanchards incapables de proposerunprojetnational.Aprèsunecinglante défaite (le chef de l’État l’a emporté

2013, L’ÉPREUVE DE VÉRITÉ « LES PROCHAINES ÉLECTIONS MUNICIPALES permettront d’évaluer l’impact du départ de la RB [Renaissance du Bénin, NDLR] », avance Bruno Amoussou, le président de l’Union fait la nation (UN), pas particulièrement inquiet. Selon lui, bon nombre de militants de la RB ont été déboussolés par le revirement des Soglo. Autant d’électeurs à conquérir, notamment à Cotonou, lors des élections municipales de 2013. « Il y aura vraisemblablement un candidat UN », avance-t-il. De son côté, Léhady Soglo déroule sa propre stratégie. Son alliance avec le pouvoir lui permet d’accélérer les projets dans sa ville (transports publics, aménagements urbains, construction de nouveaux marchés…) et donc de se constituer un bilan pour 2013 et une rampe de lancement pour… la présidentielle. « En 2016, la recomposition politique sera totale puisque BoniYayi ne se représentera pas. Dans ces conditions, une proximité avec le pouvoir sortant ne sera pas forcément un avantage. Il y aura une prime à la rupture », pronostique Amoussou. ● PH.P. JEUNE AFRIQUE


Éloge de la rigueur dès le premier tour avec 53,14 % des voix) suivie d’une déconvenue aux législatives d’avril, l’ovni, qui n’a jamais vraiment été en orbite, s’est crashé. Premier à lâcher les commandes : Léhady Soglo. Son amertume de ne pas avoir été retenu ressurgit. « Il faut tirer les leçons de ces échecs : comment peut-on imaginer qu’une équipe défaillante soit reconduite ? » s’interroge-t-il. En clair, le président de la RB demande à prendre les manettes de l’UN et que les vieux briscards – le vaincu, Adrien Houngbédji, et le président de la coalition, Bruno Amoussou – soient mis sur la touche. Tous deux ont atteint la limite d’âge (70 ans) dans la course à la prochaine présidentielle, en 2016. « Houngbédji a été le maillon faible de l’UN », tranche Soglo en privé. Dans l’entourage du candidat, on accuse au contraire la RB de ne pas avoir suffisamment mouillé la chemise durant la campagne électorale. Ambiance. Le divorce annoncé est tout proche. Le 23 mai, la RB répond favorablement aux appels du pied de Boni Yayi et rejoint

n’est pas porté par un présidentiable la « majorité présidentielle plurielle », qui compte ainsi 63 sièges sur 83 à l’Assemn’a pas d’avenir, mais en deux semaines blée nationale. À la clé pour la RB, un Léhady a claqué la porte. C’était un peu poste de ministre (Blaise Ahanhanzorude. » Quel avenir, dans ces conditions, Glèlè à l’Environnement, l’Habitat et pour cet attelage improbable ? l’Urbanisme), une place au bureau de Bruno Amoussou « aimerai[t] bien se l’Assemblée nationale et une présidence de commission L’UN n’est jamais parvenue (celle des Affaires sociales). à gommer l’apparence d’un « Mais, surtout, un deal sur club de Sudistes revanchards. Cotonou… En échange de leur ralliement, les Soglo ont obtenu un accord pour les municipales de retirer » et a d’ores et déjà laissé les rênes 2013, avec un désistement en leur faveur de sa formation, le Parti social démocrate de la formation présidentielle [Forces (PSD), à Emmanuel Golou. Houngbédji cauris pour un Bénin émergent, NDLR] », est, lui, en silence radio depuis sa défaite. persifle Bruno Amoussou. « Faux, cette « Nous allons tenir en janvier une convenquestion n’a pas été abordée », rétorque tion, et les débats sont en cours pour trouLéhady Soglo, le maire adjoint de la capiver notre présidentiable. La question est tale économique, bien décidé à défendre de savoir s’il faut l’exposer tout de suite son bilan en 2013 – avec son père comme ou le protéger d’ici à 2016 », explique le tête de liste ? premier. « Je n’ai pas d’actualité politique et j’ai beaucoup voyagé, nous en sommes au stade de la réflexion », reconnaît le second. SILENCE RADIO. « Quant au rajeunisLe rebond n’est pas pour tout de suite. ● sement de l’UN, nous étions prêts à en PHILIPPE PERDRIX discuter, ajoute Amoussou. Un parti qui

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Le Plus de J.A. Bénin DÉCRYPTAGE Alain Faujas

Une croissance vacillante, un équilibre précaire

C

OMMENT LES BÉNINOIS ne seraient-ils pas moroses ? Quelque 47 % d’entre eux vivent avec un revenu inférieur au seuil de pauvreté et leur misère s’aggrave, ce qui vaut au Bénin d’être classé 167e sur 187 pays dans le rapport 2011 sur le développement humain publié par le Programme des Nations unies pour le développement (134e sur 169 pays en 2010). La croissance de son économie est vacillante : 5 % en 2008, 2,7 % en 2009, 2,6 % en 2010 et 3,8 % espérés en 2011. Les réserves de change permettaient de garantir 7,6 mois d’importations en 2008, mais seulement 6,4 mois en 2011. Ce n’est guère brillant. Et l’économie du Bénin est sans conteste la moins dynamique de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), après la Côte d’Ivoire.

Il faut dire que l’équilibre précaire dans lequel le pays vit en permanence a été perturbé en 2010 par les inondations, qui ont affecté les deux tiers du territoire et provoqué 250 millions de dollars (environ 190 millions d’euros) de pertes cumulées, en raison aussi bien des destructions d’immeubles et d’infrastructures que des pertes de récoltes, notamment de coton, qui est le premier produit d’exportation du Bénin. L’année 2010 a été marquée également par l’effondrement de structures financières de microcrédit, qui fonctionnaient de façon frauduleuse sur le modèle dit « de Ponzi », utilisé par l’escroc américain Madoff. Quelque 150000 épargnants ont été grugés et appauvris. Cependant, ces catastrophes expliquent moins les médiocres performances du Bénin que trois sujets d’inquiétude récurrents : le port de Cotonou, le carburant et la fonction publique.

Ajoutons que sa productivité est faible et que, si le Nigeria se décidait à créer chez lui des installations portuaires modernes, comme son président en manifeste l’intention, il pourrait en résulter un effondrement du trafic au port de Cotonou, avec les conséquences dramatiques que cela aurait pour l’économie nationale. Le carburant est un produit ultrasensible en Afrique subsaharienne. Comme beaucoup d’autres gouvernements de la région, celui de Pascal Irénée Koupaki a subventionné lourdement l’essence, en pratiquant une sous-évaluation des valeurs importées. Ce qui a réduit les taxes prélevées au profit du budget de l’État. Il n’en demeure pas moins que les hydrocarbures venus en contrebande du Nigeria se vendent sur le bord de la route deux fois moins cher qu’à la pompe. Ce système est donc à la fois coûteux, inefficace et injuste, puisqu’il profite aussi aux populations plus fortunées. Quant à la fonction publique, elle se comporte en prédatrice. Certes, les salaires n’y sont pas mirobolants, mais sa masse salariale représente 45 % des recettes fiscales totales du Bénin et a progressé de 83 % en cinq ans. Elle pèse 7,3 % du produit intérieur brut – soit le ratio le plus élevé de l’UEMOA – et son importance étouffe les investissements d’avenir. Il est inquiétant de constater que les grèves répétées de fonctionnaires ont débouché, en août, sur un accord augmentant immédiatement les agents des Finances de 25 %, ceux des autres ministères voyant cette progression s’étaler sur cinq ans. La Cour constitutionnelle a annulé cet accord. Dans ce contexte de moyens budgétaires très contraints, il est heureux que le gouvernement ait renoncé à bâtir sa politique économique pour la période allant de 2011 à 2015 sur un scénario de croissance de 6 % par an. Comme le lui a dit le Fonds monétaire international (FMI), cette hypothèse était « très optimiste ». Les autorités béninoises ont retenu un scénario de 4,5 % par an, mais le défi n’est pas mince pour autant : pour réaliser cet objectif – que le FMI a qualifié de « plus réaliste » –, le gouvernement devra abandonner la mollesse dont il fait preuve dans l’exécution des réformes qu’il affirme vouloir mener. ●

Les trois sujets d’inquiétude récurrents sont le port de Cotonou, le carburant et la fonction publique. Le Bénin étant un couloir de transit vers l’hinterland et vers le géant nigérian voisin, le port de Cotonou est l’une de ses principales sources d’activité économique et de recettes budgétaires. Malgré des réformes et, par exemple, la création d’un guichet unique pour les importateurs en juillet 2011, il est toujours au cœur des plus graves corruptions dont pâtit le pays. N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

JEUNE AFRIQUE


Mobilisation de l’épargne publique sur le marché financier de l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) à travers l’emprunt obligataire « CAA-BÉNIN 6,5 % 2011-2016 », un nouveau pari réussi pour la Caisse Autonome d’Amortissement du Bénin sous tutelle du Ministère de l’Économie et des Finances.

PUBLI-INFORMATION

Le Gouvernement de la République du Bénin a autorisé le Ministre de l’Économie et des Finances à procéder à l’émission d’un emprunt obligataire par appel public à l’épargne d’un montant indicatif de 50 milliards de F CFA sur le marché financier régional de l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) à travers la Caisse Autonome d’Amortissement (CAA). (1 Euro = 655,957 F CFA).

Allons à la découverte de la Caisse Autonome d’Amortissement (CAA) du Bénin à travers ses missions et ses résultats.

Créée depuis 1966, la Caisse Autonome d’Amortissement (CAA) est l’institution sous tutelle du Ministère de l'Économie et des Finances. Elle est chargée de la mobilisation des ressources extérieures et intérieures et de la gesAdam Dende Affo tion de la dette publique au Bénin. A ce titre, elle Directeur Général gère la dette extérieure, procède à l’émission des emprunts obligataires par appel public à l’épargne et La CAA en collaboration avec un consortium de Sociétés de Gestion et d’Intermédiation (SGI), a assure le service de la dette publique. Au fil des années, cette conduit avec un savoir faire remarquable cette opération qui institution a montré sa capacité à gérer la dette publique. est la troisième du genre qu’émet l’État béninois sur le marché Depuis 2006, sous le leadership de son Directeur financier régional après celles de 2000 et de 2007. Général Adam DENDE AFFO venant du secteur privé, la En effet, en janvier 2007, l’État béninois a émis CAA a connu des réformes et des changements significatifs sur son deuxième emprunt obligataire pour un montant indicatif le plan de l’organisation du travail qui ont entraîné une nette de 40 milliards de F CFA qui a permis de lever plus de 54 mil- amélioration de ses performances et de son efficacité. liards de F CFA, soit un taux de réalisation de 135 % environ. Au regard de l’importance des ressources exToutes les échéances de cet emprunt ont été régulièrement honorées à bonne date et la dernière échéance est prévue pour térieures dans le Budget Général de l’État, la CAA a développé une stratégie en collaboration avec toutes les autres structures le mois de janvier 2012. de la chaîne de l’aide extérieure en vue de leur mobilisation. L’emprunt obligataire de 2011 dénommée Cette stratégie s’est traduite par une offensive « CAA-BÉNIN 6,5% 2011-2016 » est remboursable sur 5 ans dont 1 an de différé au taux de 6,5% l’an. Le remboursement dans la recherche de financement sous l’impulsion du Ministre de l'Économie et des Finances. Ainsi, dans le cadre de la mobidu capital sera annuel et constant à partir de 2013. lisation des ressources extérieures, d’avril 2006 au 31 octobre A la clôture des souscriptions le 31 octobre 2011, plus de 145 requêtes de financement ont été adressées 2011, un montant de 63 810 370 000 F CFA a été mobilisé, à divers bailleurs de fonds, plus de 1 180 milliards de F CFA soit un taux de souscription de 128 %. L’opération a connu d’accords ont été signés pour plus de 514 milliards de F CFA une forte participation des personnes physiques et morales du de ressources mobilisées par l’entremise de la CAA pour le financement de projets de développement au Bénin. Bénin et des autres pays de l’UEMOA. Le succès de cette opération témoigne une fois encore de la Enfin, Par rapport à la dette publique (dette extéqualité de la signature de l’État béninois sur le marché financier régional. Les fonds collectés serviront au financement rieure + dette intérieure), le taux d’endettement est de 28 %. Il est inférieur à la norme communautaire (UEMOA) de 70 %. d’une partie du Programme d’Investissements Publics (PIP).

CAISSE AUTONOME D'AMORTISSEMENT 01 BP 59 Cotonou - République du Bénin Tél. : (+229) 21 31 42 61 : 21 31 47 81 - Fax : (+229) 21 31 53 56 / E-mail : caa@firstnet.bj


Le Plus de J.A. Bénin

Ataou Soufiano « Le secteur privé doit se dégager de toute tutelle » En fin de mandat, le président de la Chambre de commerce et d’industrie du Bénin revient sur son bilan. Et imagine à quoi pourrait ressembler, dans le futur, cette institution que le gouvernement veut dépoussiérer.

É

luàlatêtedelaChambredecommerce et d’industrie du Bénin (CCIB) en 2003, Ataou Soufiano, 46 ans, achève fin décembre son deuxièmeetderniermandatàlaprésidence de l’assemblée consulaire. Il est par ailleurs chargé de mission auprès du chef de l’État pour la réhabilitation de Porto-Novo, et président de la Maison de l’Afrique, à Paris.

JEUNE AFRIQUE : Quel bilan faites-vous de vos huit ans à la tête de la Chambre? ATAOU SOUFIANO: Nous nous sommes

inscrits dans une dynamique de modernisation de l’institution, d’une part, et de développement économique, d’autre part. La CCIB s’est notamment dotée, dans tous les départements, de sièges modernes, construits sur fonds propres. Nous nous sommes également illustrés, dans les départements, par la construction ou l’extension de certains marchés, d’aires

Ì À 46 ans, l’homme d’affaires est par ailleurs président de la MAISON DE L’AFRIQUE, à Paris. Dans le rapport « Doing Business » 2012 de la Banque mondiale, le Bénin recule de la 170e à la 175e place. Comment l’expliquer, et en quoi l’État pourrait-il améliorer le climat des affaires ?

Le Bénin n’est pas un pays isolé dans le monde. Il a donc subi les conséquences des crises successives qui ont secoué l’économie mondiale depuis 2008. Le gouvernement est à l’écoute du secteur privé et nous travaillons en étroite collaboration avec lui, mais nous militons cependant pour un environnement qui garantisse encore mieux la sécurité et la prospérité de toutes les initiatives en affaires, ce qui n’est

Nous militons pour un environnement qui garantisse mieux la sécurité des initiatives. de foire, d’entrepôts, etc., et, en matière de développement, nous proposons régulièrement des formations gratuites aux entrepreneurs. Sur le plan de la coopération, nous avons multiplié les contacts pour faire découvrir le Bénin aux investisseurs du monde entier, au sein des rencontres de la Chambre islamique de commerce et d’industrie, de la Conférence permanente des chambres consulaires africaines et francophones ou encore de la Chambre consulaire régionale de l’UEMOA [Union économique et monétaire ouest-africaine, NDLR]. N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

pas toujours le cas chez nous. L’arrivée du code des investissements est une avancée significative, et l’allègement de certaines mesures fiscales, sur notre conseil, devrait être un élément déclencheur pour la mise en place des affaires. Nous disons par ailleurs aux opérateurs économiques qu’ils doivent avoir le courage de formaliser leurs entreprises pour espérer un accompagnement qualitatif de l’État. Début octobre, à un mois des élections consulaires, le gouvernement a suspendu le processus pour le renouvellement de

YVES TROUGNIN

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la CCIB afin, dit-il, de dépoussiérer les textes et de créer une chambre plus représentative de l’ensemble des secteurs d’activités. Cette suspension ne risque-t-elle pas d’entacher l’image de la Chambre ?

Nos textes ne sont pas si désuets que ça, mais nous sommes cependant disposés à prendre en compte les propositions du gouvernement. C’est d’ailleurs pour cette raison que, lors de la dernière session de l’assemblée consulaire, à Dassa, le 2 décembre, nous sommes allés dans le même sens que lui, à travers une motion qui s’inscrit dans sa vision : la CCIB sera ouverte à de nouveaux groupements professionnels qui n’y étaient pas encore représentés. Maintenant, le chef de l’État doit s’intéresser à ce dossier et remettre très vite les pendules à l’heure ; c’est ce qu’attendent les opérateurs économiques du pays. Estimez-vous qu’une organisation similaire à celle du Medef français serait pertinente au Bénin ?

Oui, cette réorganisation sur le modèle du patronat français va nous faire du bien. Cela va rendre le secteur privé plus fort et le dégager de toute tutelle qui peut lui être préjudiciable. En attendant, on va faire avec l’existant et resserrer les rangs pour rendre notre institution consulaire plus forte. ● Propos recueillis par MALIKA GROGA-BADA JEUNE AFRIQUE


MINISTÈRE DE L’ÉNERGIE, DES RECHERCHES PÉTROLIERES ET MINIÈRES, DE L’EAU ET DU DÉVELOPPEMENT DES ÉNERGIES RENOUVELABLES

Le Ministère de l’Énergie, des Recherches Pétrolières et Minières, de l’Eau et du Développement des Énergie Renouvelables (MERPMEDER) a pour mission d’élaborer et d’assurer la mise en œuvre de la politique du Gouvernement dans les domaines de l’Énergie, des Hydrocarbures, des Mines, de l’Eau et des Énergie Renouvelables. À ce titre, dans tous les secteurs dont il a la charge, il assure, en collaboration avec tous les acteurs concernés, la promotion et la mise en valeur des ressources énergétiques, pétrolières, minières et hydrauliques.

I - SECTEUR DE L’ÉNERGIE CADRES INSTITUTIONNEL ET LÉGISLATIF Le secteur électrique béninois est géré par les institutions ci-après : • la Communauté Électrique du Bénin (CEB), société bi-étatique Bénin-Togo, qui assure la production et le transport de l’énergie électrique pour le compte des deux pays. Elle est régie par le Code bénino-togolais de l’électricité ; • la Société Béninoise d’Énergie Électrique (SBEE), qui gère le segment de la distribution de l’énergie électrique au Bénin ; • l’Agence Béninoise pour l’Électrification Rurale et la Maîtrise d’Énergie (ABERME) qui a en charge la mise en œuvre du programme d’électrification rurale. Ce programme est soutenu par le fonds de l’électrification rurale.

PUBLI-INFORMATION

ACTIONS EN COURS Pour améliorer l’autonomie énergétique du pays, le Gouvernement du Bénin a financé

sur fonds propres, en attendant l’aboutissement des projets privés et régionaux, la construction d’une centrale à gaz de 80 MW, réalisée par la société américaine CAI. La mise en service de cette infrastructure est prévue en janvier 2012. D’un autre côté le Gouvernement s’est engagé dans un partenariat avec le secteur privé ; ce qui a abouti à la signature d’une première convention de concession (BOO) avec la Société norvégienne Jacobsen-Elektro pour la construction et l’exploitation d’une centrale de 50 MW dont les travaux devraient démarrer au cours du premier trimestre 2012. Dans le cadre du Programme d’Urgence adopté, une centrale à gaz à cycle combiné de 450 MW d’un coût de 624 millions de dollars sera réalisée au Bénin par la société américaine SITHE GLOBAL POWER VENTURES, LLC. Ce programme prévoit également une ligne

Unités de production de la turbine à gaz située à Maria Gléta.

de transport d’interconnexion Nigeria-Bénin-Togo-Ghana en 330 kV (dorsale côtière de transport d’énergie électrique reliant la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Bénin, le Togo et le Nigeria) est en cours de réalisation. Les tronçons du Bénin et du Ghana sont financés par la Banque Mondiale et la BAD alors que le tronçon du Togo est financé par la KFW. Le tronçon Nigeria-Bénin déjà réalisé, a été financé par le Gouvernement du Nigeria, la BAD et la BOAD. Notons que le Gazoduc de l’Afrique de l’Ouest, récemment achevé, qui alimente en gaz le Bénin, le Togo et le Ghana et financé entièrement par le secteur privé (CHEVRON, SHELL, NNPC du Nigeria, BENGAZ du Bénin, VRA du Ghana, SOTOGAZ du Togo) peut être considéré comme l’un des plus grands projets de la CEDEAO dans ce secteur Avec cette infrastructure qui consacre ainsi l’existence


MINISTÈRE DE L’ÉNERGIE, DES RECHERCHES PÉTROLIERES ET MINIÈRES, DE L’EAU ET DU DÉVELOPPEMENT DES ÉNERGIES RENOUVELABLES

Monsieur Jonas Aliou Gbian, Ministre en charge de l’Énergie et des Mines.

Tanks à fuel et zone de traitement d’eau.

d’un véritable marché sous-régional de gaz à usage industriel, de bonnes perspectives s’offrent au Bénin en matière de production d’énergie électrique. Le projet de Barrage hydro-électrique d’Adjarala (147 MW) d’un coût de 400 millions de dollars US environ va alimenter le Bénin et le Togo. Ce projet est aujourd’hui intégré aux projets prioritaires retenus par le WAPP et sera financé par la Banque Mondiale, la BEI, la KFW, la BAD, la BOAD, les Fonds Arabes, etc.

AUTRES POTENTIALITÉS ÉNERGÉTIQUES DU BÉNIN • Le solaire Sur la base du potentiel existant dans ce domaine, révélé par une étude récemment réalisée par le Gouvernement béninois avec l’appui du PNUD, deux centrales solaires sont prévues dans les deux prochaines années. L’une de 6 MW pourrait être installée par la société française HELIOS et l’autre de 20 MW par la société allemande TELEFUNKEN. Les discussions avec ces deux entreprises sont

Projets pour lesquels un partenariat technique et financier est recherché : Dans le cadre de la mise en valeur des potentialités énergétiques du Bénin, cinq projets de barrages à but multiple (Électricité-Agriculture-Alimentation en Eau) attendent des partenaires techniques et financiers pour leur développement dans le cadre du partenariat public-privé (BOT). Il s’agit de : • Kétou-Dogo (Puissance :108,8 MW, Énergie à produire : 237 GWh) ; • Vossa (Puissance : 79,2 MW, Énergie à produire : 212 GWh) ; • Olougbé Ter (Puissance : 29,4 MW et Énergie à produire : 72 GWh) ; • Béthel-bis (Puissance : 42 MW et Énergie à produire : 93 GWh) ; • Bétérou (Puissance : 23,2 MW et Énergie à produire : 55 GWh) ; Pour améliorer le confort en matière d’éclairage dans les villes, le Bénin s’engage dans un vaste programme d’utilisation du système solaire photovoltaïque pour l’éclairage public et les signalisations lumineuses. Ce programme prévoit l’installation de lampadaires solaires pour l’éclairage public dans toutes les grandes villes du pays d’ici 2015.

‘’ ÉNERGIE DISPONIBLE, EN QUANTITÉ, EN QUALITÉ, DE FAÇON CONTINUE ET À UN PRIX SUPPORTABLE AUSSI BIEN POUR LES POPULATIONS QUE POUR LE SECTEUR PRODUCTIF ‘’ très avancées pour la signature des concessions et des contrats d’achat vente. • La biomasse énergie Au regard du niveau de production agricole au Bénin, la quantité mobilisable des déchets et résidus issus de l’exploitation agricole, notamment du coton peut permettre d’installer des centrales électriques totalisant 300 MW par le système de gazéification. Une convention de concession est en cours de discussion avec la société Euro Négoce pour installer une centrale à biomasse au Bénin. • L’éolien Les données disponibles aujourd’hui à 10 m d’altitude montrent que la vitesse maximale du vent au Bénin enregistrée sur la côte est de 6 m/s ; ce qui ne permet pas de produire l’énergie à un coût compétitif par rapport aux

autres sources. Il est alors envisagé d’entreprendre des études pour mesurer la vitesse du vent à 40 m, 60 m et 80 m d’altitude. Avec l’augmentation du prix de pétrole et l’engagement du Bénin à développer les énergies renouvelables pour prendre sa part dans la réduction des gaz à effet de serre, le pays a bon espoir de produire de l’énergie éolienne dans les années à venir. RÉFORMES Les réformes engagées dans le secteur ont permis : • d’ouvrir le segment de production aux privés avec la révision du code bénino-togolais de l’électricité; • de décharger la SBEE de l’électrification rurale avec la création de l’ABERME ; • d’engager le processus de la mise en place de l’Autorité de Régulation du secteur de l’électricité ; • d’élaborer une formule d’indexation des tarifs qui sera bientôt approuvée par le Gouvernement. Cette réforme sera achevée par la participation du secteur privé à la gestion de la SBEE. Il est essentiel de noter qu’un nouveau cadre législatif et réglementaire attrayant pour les investissements du secteur privé dans le secteur électrique est en cours de validation par le Gouvernement. PERSPECTIVES Au regard de tout ce qui précède, on peut affirmer que le Bénin a de bonnes perspectives énergétiques, c’est-à-dire que la vision ‘’Énergie disponible, en quantité, en qualité, de façon continue et à un prix supportable aussi bien pour les populations que pour le secteur productif ‘’ sera réalisée d’ici 2015.


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II - SECTEUR DE L’EAU Le Bénin dispose d’un important potentiel en eau pouvant lui permettre d’amorcer son développement économique et social. Ainsi, le volume annuel écoulé des ressources en eau de surface est évalué à environ13 milliards de mètres cubes tandis que la capacité annuelle de recharge des aquifères d’eau souterraine est estimée à 2 milliards de mètres cubes. Par ailleurs, le pays est doté d’un réseau hydrographique dense et bien réparti sur toute l’étendue du territoire national. En ce qui concerne les usages de l’eau, on constate qu’à peine 4 à 8% seulement de cet énorme potentiel en eau sont actuellement utilisés. Cela signifie que le potentiel hydrique est encore très peu mobilisé et que la maîtrise des ressources en eau est également très peu développée.

faire les anticipations rationnelles pour la durabilité de la ressource.

CADRE STRATÉGIQUE ET DE GESTION DU SECTEUR DE L’EAU

En termes de réalisations, il est à noter que le secteur de l’eau fait partie de ceux qui sont sur le bon sentier de l’atteinte des OMD. A cet effet les Autorités béninoises ont planifié cet objectif dans la stratégie d’Approvisionnement en Eau Potable (AEP) avec des cibles annuelles de desserte. Ainsi, à fin décembre 2010, la situation de la desserte se présente comme suit : • le taux de desserte en eau potable en milieu rural est passé de 35% en 2002 à 57,2% en 2010, pour une cible OMD de 67,3% en 2015 ; • le taux en milieu urbain a évolué de 47% en 2002 à 58,5% en 2010, pour une cible OMD de 75% en 2015.

Au plan stratégique, le secteur de l’eau est encadré par deux stratégies relatives à l’approvisionnement en eau potable distinctement en milieu rural (2005-2015) et en milieu urbain (2006-2015), en cohérence avec les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et la Stratégie de Croissance pour la Réduction de la Pauvreté (SCRP). Ces deux stratégies sont adossées à la politique nationale de l’eau (PN-Eau) de l’Etat Béninois. En dehors de ces deux stratégies mises en œuvre respectivement par la Direction Générale de l’Eau (DG-Eau) et la Société Nationale des Eaux du Bénin (SONEB), le secteur s’est doté d’un document de plan d’action national de gestion intégrée des ressources en eau (PANGIRE). La mise en œuvre de ce plan permettra, aux différents acteurs de mieux gérer les demandes multisectorielles de l’eau autour d’un dialogue efficace et de

RÉALISATIONS DANS LE CONTEXTE DE L’ATTEINTE DES OBJECTIFS DU MILLÉNAIRE POUR LE DÉVELOPPEMENT (OMD)

Vu le caractère hautement vital et stratégique de l’eau pour le Gouvernement du Bénin, l’approvisionnement en eau potable des populations est inscrit dans les actions prioritaires du Gouvernement du Docteur Boni YAYI pour son second quinquennat. ‘’LE BÉNIN DISPOSE D’UN IMPORTANT POTENTIEL EN EAU POUVANT LUI PERMETTRE D’AMORCER SON DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL. ‘’

PERSPECTIVES • Réalisation des OMD

Aujourd’hui, bien que le secteur soit sur le sentier des OMD, il urge d’innover en matière de mobilisation des financements

Autre vue des unités de production de la turbine à gaz de Maria Gléta

pour ne pas compromettre les progrès accomplis ces cinq dernières années. En effet, le secteur doit faire face à l’amenuisement des ressources extérieures et se développer à partir des ressources internes propres capables d’assurer sa viabilité à long terme. • Renforcement de la professionnalisation de la gestion des ouvrages à travers le Partenariat Public Privé (PPP) Afin de préserver ses importants acquis en matière d’approvisionnement en Eau Potable des populations le Bénin envisage la mise en place d’un partenariat public privé en matière de gestion des ouvrages d’alimentation en eau potable dans tout le pays. Dans ce cadre il est prévu le démarrage du programme intégré d’appui à la gestion professionnalisée des Adductions d’Eau Villageoises (AEV), soutenu par la Société Financière Internationale (SFI), le Programme Eau et Assainissement de la Banque Mondiale et l’Etat Béninois, qui permettra de mieux structurer les opérateurs privés délégataires des ouvrages. L’innovation ici réside dans l’option du renforcement des capacités des collectivités locales et des délégataires avec la mise en place de facilités de financement auprès des structures bancaires locales. • Mise en œuvre de la Gestion Intégrée des Ressources en Eau La mise en œuvre effective de la gestion intégrée des ressources en eau permettra au Bénin de s’engager résolument sur la voie d’une vision intégrée et partagée de la gestion des ressources en eau, au moment où les prémices des changements climatiques sont perceptibles.


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Champ de postes de transformation.

III - SECTEUR DES HYDROCARBURES tentiel important en hydrocarbures. L’arrivée récente des Majors du secteur comme la compagnie nationale brésilienne PETROBRAS est un signe positif et rassurant. ‘’DE1982 À1998, LE BÉNIN A PRODUIT PLUS DE 22 MILLIONS DE BARILS DE PÉTROLE BRUT ‘’

IV - SECTEUR MINIER POTENTIALITÉS MINIÈRES DU BÉNIN

Le Bénin dispose d’importantes potentialités en substances minérales qui ont fait l’objet durant des décennies de plusieurs programmes d’exploration. Des gisements sont mis en évidence ainsi que des indices de minéralisation. Il s’agit : • de l’or filonien et alluvionnaire à Perma, Sina-Issiré et Sarga. • du fer à Loumbou-Loumbou et Ma-

dékali dans les communes de Karimama et Madekali avec une réserve de 506 millions de tonnes de minerai contenant 46 à 52 % de fer et 13 à 15 % de silice. • de phosphates dans la Mékrou d’une teneur moyenne de 25,2 % de P2O5 estimés à 5,5 millions de tonnes. • des Matériaux de Construction dont les plus connus sont le calcaire, le marbre, les argiles, le kaolin, les pierres ornementales Ce potentiel minier nécessite l’apport de technologie, de savoir-faire et de ressources financières dans le cadre d’un Partenariat Public-Privé pour sa mise en valeur. Dans ce cadre, le Bénin vient de conclure en novembre 2011 avec les canadiens, un contrat de prospection géophysique aéroportée de l’ensemble de son territoire, dont les résultats pourraient être déterminants pour le développement de ce secteur.

MINISTÈRE DE L’ÉNERGIE, DES RECHERCHES PÉTROLIERES ET MINIÈRES, DE L’EAU ET DU DÉVELOPPEMENT DES ÉNERGIES RENOUVELABLES Avenue Jean Paul II 04 B.P. Cotonou - République du Bénin. N° IFU : 4200901839118 - Tél. : (+229) 21 31 29 07 / 21 31 29 24 / 21 31 29 38 Fax : (+229) 21 31 35 46 - Email : spmmeh@intnet.bj

DIFCOM/FC - PHOTOS : DR

Le Bénin est membre fondateur de l’Association des Producteurs de Pétrole Africain (APPA), et abrite le siège du Fonds APPA pour la coopération technique. De 1982 à 1998, le Bénin a produit plus de 22 millions de barils de pétrole brut, sur le gisement de Sèmè, champ qui a été mis en exploitation par la société norvégienne SAGA Petroleum.sa. Le Bassin sédimentaire Côtier du Bénin est aujourd’hui divisé en 17 blocs pétrolifères : • 2 sur terre ferme « Onshore » :(blocs A et B). • 15 en mer « Offshore » (Blocs 1 à 15). Plusieurs compagnies pétrolières internationales ont récemment montré un intérêt pour l’exploration pétrolière au Bénin. Au total, 24 puits ont été forés sur le Bassin sédimentaire Côtier du Bénin de 1960 à ce jour dont15 puits positifs. Actuellement les intenses travaux de recherche (géologie et géophysique) en cours sur le Bassin Sédimentaire Côtier du Bénin ont montré que ce bassin dispose d’un po-


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JEAN CLAUDE MOSCHETTI/REA

Éloge de la rigueur

ÉCONOMIE

Via la création de trois agences et d’une banque spécialisées, LE GOUVERNEMENT VEUT MODERNISER L’AGRICULTURE.

Et que ça ne chôme pas! Les priorités du plan 2011-2016 s’articulent autour de trois axes : la relance du secteur agricole, le développement des infrastructures et l’assainissement des finances publiques.

L

agriculture, les infrastructures – portuaires et aéroportuaires – et les réformes politico-financières. Tels sont les trois axes économiques autour desquels Thomas Boni Yayi a axé l’essentiel de sa stratégie des grands chantiers. Pour cela, il a mis en place, dès le début de son second mandat, en mars dernier, deux plans de relance de l’agriculture et de l’économie. Avec un double objectif : améliorer les recettes de l’État et résorber le chômage des jeunes, « une bombe à retardement qui menace tous les dirigeants africains », explique Marcel de Souza, ministre de l’Analyse économique, du Développement et de la Prospective : « Le Printemps arabe est là pour nous le rappeler. » Au Bénin, plus de 50 000 diplômés sortent des universités et des grandes écoles chaque année, et, sur une population active de 4,4 millions de personnes, le secteur privé formel et l’État réunis JEUNE AFRIQUE

n’en emploient que 103 000. Selon les estimations des autorités, 70 % de la population vit, directement ou indirectement, de l’agriculture, qui demeure encore très traditionnelle. C’est donc pour endiguer le problème du chômage et de l’emploi précaire que le

gouvernement a lancé le plan stratégique de relance du secteur agricole. RETOUR À LA TERRE. Ce programme vise

à inciter les jeunes diplômés au « retour » à la terre. Dans ce but, le gouvernement a créé, en partenariat avec des opérateurs privés étrangers (notamment indiens) et nationaux, trois agences qui seront opérationnelles dans trois à douze mois. Installée à Ouidah (à 42 km à l’ouest de Cotonou), l’Agence de mécanisation ● ● ●

NOUVELLES OPTIONS POUR BÉNIN TÉLÉCOMS LA PRIVATISATION de BéninTélécoms est dans l’impasse. Après avoir rejeté l’offre d’achat (pour 26 milliards de F CFA, soit 39,6 millions d’euros) de l’adjudicataire provisoire, MarocTélécom, et déclaré l’appel d’offres international infructueux, le gouvernement béninois change de stratégie. La privatisation reste à l’ordre du jour, mais un nouveau plan stratégique à court terme est en train d’être élaboré dans le bureau de Max Ahouèkè, ministre de la Communication. Ce plan, qui devrait être rendu public au plus tard fin mars, vise à réduire la dette de l’entreprise (200 milliards de F CFA) par une réduction progressive de la charge d’exploitation. Au moins deux options sont étudiées : la vente à un opérateur privé, pour un montant de 30 milliards de F CFA, de la licence GSM de Libercom, propriété de BéninTélécoms ; ou la fusion de l’entreprise avec Bell Bénin Communications, opérateur privé de téléphonie mobile à capitaux A.S.K. majoritairement béninois. ● N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012


Le Plus de J.A. Bénin ● ● ● agricole doit permettre au pays de monter ses premiers tracteurs dans moins d’un an. « Il n’est pas normal qu’en 2011 nous continuions de cultiver nos terres avec des houes et des machettes, s’indigne Marcel de Souza. Nous allons inverser cette tendance. » L’Agence de promotion des filières agricoles sera quant à elle créée sur les cendres de la Société nationale pour la promotion agricole (Sonapra, principale société cotonnière), et l’Agence d’aménagement hydro-agricole aura pour mission de viabiliser les vallées des fleuves Niger et Mono, notamment. Le plan prévoit par ailleurs une banque nationale pour le développement de l’agriculture. Pour l’heure, l’État a réussi à mobiliser 5,3 milliards de F CFA (8,1 millions d’euros) – essentiellement des fonds privés – sur les 10 milliards qui doivent en constituer le capital. Boni Yayi compte sur « un véritable partenariat public-privé pour bâtir une économie compétitive, débarrassée des faiblesses d’une administration non performante et fondée sur la lutte contre l’impunité, la corruption et les infractions connexes », souligne un conseiller du président.

RÉVOLUTION VERTE. Le plan straté-

gique du secteur agricole s’articule aussi autour du développement des filières et des usines de transformation locales. Outre le coton (avec une production de 300 000 tonnes par an en moyenne), l’État est en train d’organiser douze autres filières : maïs, riz, manioc, anacarde, palmier à huile… « L’organisation de la filière

JEAN CLAUDE MOSCHETTI/REA

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Le développement des usines de TRANSFORMATION locales (ici la Compagnie béninoise de textile) est un point clé de la réorganisation des filières.

du riz est en train de porter ses fruits, se réjouit Marcel de Souza. Nous sommes déjà à 150 000 t produites cette année, alors que nous ne produisions pas du tout de riz auparavant. Notre besoin se chiffre à 200 000 t. Nous comptons être autosuffisants en riz très rapidement, pour atteindre notre objectif de 500 000 t par an et viser l’exportation. » Autre retombée positive de l’organisation des filières agricoles : pour la campagne 2010-2011, la production de maïs, nourriture de base au Bénin, est passée de 1 million à 1,3 million de tonnes, soit 350 000 t de plus que ce qu’il faut pour couvrir les

besoins du pays. Et le gouvernement mise sur une légère augmentation cette année. « Nous visons une révolution verte. Autrement dit, nous voulons que le Bénin soit le leader sous-régional en matière d’agriculture»,affirmeMarceldeSouza.Un vœu pieux ? Toujours est-il que Boni Yayi etsongouvernementsouhaitentsedonner les moyens d’atteindre leur objectif. Pour soutenir le développement du secteur, six usines de transformation de produits agricoles (tomates, ananas, agrumes, noix et amandes d’acajou, mangues) vont voir le jour et devraient être opérationnelles avant la fin du premier trimestre de 2012.


Éloge de la rigueur Les infrastructures sont un autre chantier majeur du quinquennat. À ce titre, Marcel de Souza révèle qu’un ambitieux projet de port minéralier et commercial en eau profonde, capable d’accueillir des bateaux de 20 m de tirant d’eau, est à l’étude. Il devrait être construit à SèmèPodji, non loin de la frontière avec le Nigeria, et s’étendre sur 1 028 ha, pour un coût de 400 milliards de F CFA. Le gouvernement sollicite l’appui de structures et d’opérateurs financiers américains. Il n’est pas sûr que ce projet voie le jour sous Boni Yayi, dont le mandat prend fin en 2016, mais les membres du gouvernement s’activent à sa concrétisation. De même, les études de faisabilité du futur aéroport international de GloDjigbé, dans la banlieue de Cotonou, semblent avancer. Le gouvernement a signé un contrat en BOT (build-operatetransfer, ou construction-exploitationtransfert) avec un groupe sud-africain pour bâtir une aérogare quatre fois plus grande que celle de Cotonou (250 ha). AUDITS TOUS AZIMUTS. Enfin, sur le front des réformes destinées notamment à instaurer une meilleure gestion des comptes de l’État, les chantiers sont plus

Tandis que l’opposition crie à la « démagogie », la majorité parle de réformes « nécessaires ». controversés. Tandis que l’opposition crie à la « démagogie », la mouvance présidentielle soutient à fond, surtout à l’Assemblée nationale, où elle est majoritaire, des réformes « nécessaires ». Dans ce domaine, le premier chantier mis en œuvre par Boni Yayi concerne le port de Cotonou, premier pourvoyeur du budget national : le Programme de vérification des importations (PVI) de nouvelle génération vise à y doubler les recettes douanières (lire pp. 118-119). Moins consensuel a été l’audit organisationnel et fonctionnel de la présidence de la République, des ministères et de toutes les structures gestionnaires des fonds publics, commandé par le président juste après sa réélection. Ces audits tous azimuts visaient, en théorie, l’assainissement des finances publiques. Qu’en est-il au final ? Difficile de l’évaluer. ● ANDRÉ SILVER KONAN JEUNE AFRIQUE

DES RÉSULTATS EN DEMI-TEINTE BUR BURKINA BURKIN FASO FAS

PIB (en milliards de dollars, en prix courants, éch. de gauche) 8 5

Kandi

BÉNIN Djo Djougou

Parakou

TOGO

6

4,6 5,5

GHANA

Abomey

(variation du PIB, en %, en prix constants, éch. de droite) 5 8 7,5 6,6 6,6 4,3 4

4

NIGERIA

Ouidah Porto Novo

3,8 3

2 2,7

Cotonou

150 km

6,7

Croissance

0

Golfe du Bénin

2,6 * Prévisions

2007 2008 2009 2010 2011* 2012*

POPULATION 9,6 millions d’habitants

SUPERFICIE 112 620 km2

INFLATION 4%

INVESTISSEMENTS DIRECTS ÉTRANGERS

PIB PAR SECTEUR

EXPORTATIONS DE BIENS

IMPORTATIONS DE BIENS

0 %''" 171 millions de dollars 0 %''2 135 millions de dollars 0 %'&' 111 millions de dollars

2

0 .,#!-#,$ 38 % 0 +$*/1(-#,$ 15 % 0 )$,)#-#,$ 47 %

1,4 milliard de dollars, soit 21,2 % du PIB

2,2 milliards de dollars, soit 33,3 % du PIB

PRINCIPAUX FOURNISSEURS

PRINCIPAUX CLIENTS

Chine 36,2 % États-Unis 13, 3 % Thaïlande 6,6 % France 6,5 %

Chine 17,8 % Inde 15,9 % Niger 5,6 % États-Unis 5,3 %

Quelle place dans l’UEMOA ? Développement humain

PIB par habitant

(en dollars, en 2010)

(rang sur 187 pays classés)

Sénégal Togo Bénin Côte d’Ivoire Mali Guinée-Bissau Burkina Faso Niger

Côte d’Ivoire Sénégal Mali Bénin Burkina Faso Guinée-Bissau Togo Niger

155e 162e 167e 170e 175e 176e 181e 186e

701 682 610 508 457 375 0

(en % du PIB) 31,4

19 18,9 18,4 16,3 9,8 9,5 0

10

20

30

200 400 600 800 1000 1200

Climat des affaires

Investissements Niger Sénégal Burkina Faso Togo Mali Bénin Guinée-Bissau Côte d’Ivoire

1 043 980

(rang sur 183 pays classés)

Mali Burkina Faso Sénégal Togo Côte d’Ivoire Niger Bénin

45,9

40

146e 150e 154e 162e 167e 173e 175e

50

SOURCES : FMI, SEPT. 2011. BANQUE MONDIALE, OCT. 2011. PNUD, NOV. 2011. CNUCED, JUILLET 2011 N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

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Le Plus de J.A. Bénin

VALENTIN SALAKO

118

Handicap : le port de Cotonou est limité par la taille de son PLAN D’EAU. MARITIME

Petit bassin, grandes ambitions D’un côté, de nouvelles infrastructures doivent augmenter ses capacités. De l’autre, un meilleur recouvrement des ressources douanières vise à le rendre plus rentable. Le port de Cotonou tente de rivaliser avec ceux de Dakar et Abidjan.

U

n long serpent de 300 m de béton armé, coulé sur des blocs de pierre, soutenu par de gigantesques pylônes en pleine mer… L’épi d’arrêt de sable du Port autonome de Cotonou (PAC) fait la fierté des Béninois. Mais c’est d’abord un investissement majeur – 14,6 milliards de F CFA (22,2 millions d’euros), financé principalement par les États-Unis à travers le projet Millennium Challenge Account Bénin – qui place directement le PAC en situation de concurrence avec ses homologues de Côte d’Ivoire et du Sénégal. L’infrastructure, livrée en mars 2011, est destinée à lutter contre l’ensablement du chenal, de la passe d’entrée et du bassin portuaire.Maispasseulement.Ellepermet de réduire le temps d’attente des navires en rade et, pour ceux qui ont un important tirant d’eau (jusqu’à 12 m), d’accoster au N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

PAC. Jusqu’à cette année, coincé entre le sable et les formalités administratives, un navire de grande taille pouvait facilement passer un mois au port. Il ne manquait plus à ce dernier qu’un petit mètre cinquante de profondeur supplémentaire pour jouer à armes égales avec son adversaire direct dans un pays francophone, le Port autonome d’Abidjan (PAA). INCONTOURNABLE? Autreprojetdetaille:

le français Bolloré Africa Logistics, concessionnaire du terminal à conteneurs depuis 2009 – et pour vingt-cinq ans –, s’attelle à construire de nouvelles infrastructures qui permettront de porter le trafic annuel de conteneurs de 321000 à 1 million d’équivalents vingt pieds d’ici à vingt ans. Le « petit » port de Cotonou voit grand. Limité par son plan d’eau de 80 ha, (contre 1 000 ha pour Abidjan et 177 ha

pour Dakar), le PAC mise aussi sur la construction de ports secs pour imposer le Bénin comme un point de passage incontournable du trafic sous-régional. Celui de Parakou, dans le nord du pays, d’un coût de 70 milliards à 100 milliards de F CFA (le devis n’est pas encore bouclé), devrait s’étendre sur 100 ha. Sa réalisation est cependant freinée par une querelle politico-financière entre le gouvernement et le premier attributaire du marché, le BéninoisSamuelDossou,ainsiqued’autres investisseurs étrangers qui frappent à la porteduprojet.Unequerellerelativiséepar Joseph Ahanhanzo, directeur général du PAC: « Il s’agit juste de renforcer le premier opérateur avec un deuxième. L’objectif est d’accélérer les travaux. » Autre problème : l’impraticabilité du réseau ferroviaire qui relie le nord au sud. « L’idée d’un port sec va avec celle du transport des marchandises, explique Joseph Ahanhanzo. Il faut donc au préalable réhabiliter les rails. » Les autorités estiment que cette phase préalable devrait être bouclée au plus tard en 2012, et que le port sec de Parakou devrait être JEUNE AFRIQUE


Éloge de la rigueur

Trafic annuel de conteneurs, en milliers d’équivalents vingt pieds (unité de mesure d’environ 30 m3)

DAKAR

460

ABIDJAN

648

LOMÉ

270

TEMA

555

LAGOS

750

COTONOU

321

des douaniers du Bénin (Sydob), qui dénoncelaprivatisationd’uneopération dont la corporation avait le monopole. En réalité, le gouvernement soupçonne les douaniers de délivrer des redevances fantaisistes aux transitaires et de faire perdre des recettes à l’État. Le PVI, diton au ministère de l’Économie et des Finances, vise « à améliorer le recouvrement des ressources douanières, à travers une meilleure appréciation de la valeur qui doit permettre le dédouanement ». Un cadre du ministère de l’Économie maritime et des Infrastructures portuaires révèle qu’avec le PVI « l’État espère au minimum doubler ses recettes douanières [plus de 300 milliards de F CFA attendus cette année, NDLR] d’ici à 2015 ». PIRATERIE. La mise en œuvre du PVI pourrait cependant s’avérer en partie contre-productive dans la guerre économique à laquelle se livrent les ports de la région pour fidéliser les importateurs et exportateurs des pays de l’hinterland. Ainsi les opérateurs nigériens craignent-ils un accroissement des redevances, alors que Cotonou reste actuellement pour eux la destination la plus avantageuse. « Le transit de la tonne entre le Bénin et le Niger vaut 36 000 F CFA… alors qu’en passant par Lomé, au Togo, ou Tema, au Ghana, le prix varie entre 58000 et 70000 F CFA », affirmait Mahamane Salah, le président du Syndicat national des commerçants duNiger,lorsd’unboycottduPACdécidé par les opérateurs nigériens en mai 2011. Reste enfin la question de la piraterie: le phénomène, apparu depuis peu dans le golfe de Guinée, commence à toucher

opérationnel au plus tard à la fin de 2013. Objectif : séduire les opérateurs économiques basés au Niger (notamment le français Areva, producteur d’uranium), au Mali, au Burkina Faso et au Tchad. C’est aussi une façon pour le PAC de freiner l’ambition dévorante du PAA sur le marché de l’hinterland. Quant au port sec de Tori Cada, dans le Sud, d’une superficie de 101 ha et dont le coup d’envoi des premiers travaux devrait être donné ce mois-ci par le président Objectif : séduire les opérateurs Thomas Boni Yayi, il vise économiques basés au Mali, au principalement le marBurkina Faso, au Niger et au Tchad. ché intérieur. Coût du projet : 70 milliards de les côtes béninoises et fait fuir certains F CFA. Les entreprises Hemos (Bénin) et navires. « Nous avons une patrouille CIAT(Côted’Ivoire),quiontraflécemarconjointe Bénin-Nigeria sur les eaux ché, ont deux ans pour finir les travaux. territoriales des deux pays, révèle Joseph Ahanhanzo. En outre, nous avons solliRÉFORMES. Au-delàdesinfrastructures, cité l’Union africaine et l’ONU dans une la stratégie du gouvernement repose approche régionale. La France et les aussi sur des réformes administratives, États-Unis se proposent de nous accomet notamment sur celle du Programme pagner dans ce combat, et l’Afrique du de vérification des importations (PVI). Sud va nous appuyer avec des forces Alors qu’un tel programme est déjà navales. » Le PAC contre-attaque… ● en vigueur au port d’Abidjan, le PVI a ANDRÉ SILVER KONAN été combattu en vain par le Syndicat JEUNE AFRIQUE

N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

SOURCES : CNUCED, ISEMAR, 2010

Loin derrière les champions


cdpa

est leader dans la distribution de produits alimentaires et contribue au développement de l’économie béninoise par des initiatives d’investissement socialement responsable.

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Passionné d’élevage, nous produisons pour le Bénin et la sous-région des œufs frais, sains et de la viande de volaille made in Bénin.

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VALENTIN SALAKO

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COMMERCE

Chevauchement de tôles et de bâches, CE TEMPLE DE LA CONSOMMATION s’étend sur 18 ha.

Immersion dans le ventre de Cotonou Plus de 1 million d’acheteurs de toute la région convergent chaque jour au marché de Dantokpa. Gros pourvoyeur de recettes pour l’État, il pourrait rapporter beaucoup plus s’il était mieux géré.

I

l s’étend, à perte de vue, depuis le pont Martin-Luther-King qui relie l’ouest et l’est de Cotonou. Aussi loin que porte le regard, c’est un chevauchement hétéroclite de tôles rouillées par les intempéries et de bâches sombres qui battent au vent. Tout autour de la gigantesque ruche, des milliers de personnes s’affairent. Installé en bordure de la lagune qui joint le lac Nokoué au golfe de Guinée, le marché international de Dantokpa est sans doute le plus célèbre d’Afrique

de l’Ouest et d’Afrique centrale. Fierté nationale pour les uns, honte absolue pour les autres, ce gigantesque centre commercial à ciel ouvert étonne, dégoûte, amuse, fascine. « Ce marché a grandi et s’est étendu dans la plus parfaite anarchie, maugrée un homme d’affaire béninois. On a l’impression que les autorités se satisfont de toute cette insalubrité. » Chérifath, en revanche, s’y sent bien. Perchée sur une pile de pagnes, elle dit tenir cette boutique de sa mère, avant

d’éclater de rire en cherchant à se rappeler depuis combien de temps : « Je ne m’en souviens plus ! Mon fils venait de naître, je crois… » Un fils de 32 ans, désormais, et qui tient d’ailleurs lui aussi commerce, de pièces détachées, à Dantokpa. « Le marché est grand, il y a souvent de nouvelles vendeuses, mais dans ce périmètre on se connaît toutes, dit Chérifath en désignant ses consœurs. Tout ça, c’est la famille ! » LABYRINTHE. Avec ses 18 ha de superficie

(l’équivalent de 25 terrains de football), le marché de Dantokpa est un véritable labyrinthe. Une succession de couloirs étroits, bordés d’échoppes colorées. Dans ● ● ●


Le Plus de J.A. Bénin ● ● ● ses travées défoncées, on presse, on pousse, on cogne, on invective. On suffoque, abruti de chaleur, pris à la gorge par les vents saturés d’odeurs en provenance de la lagune. Et, surtout, on fait des affaires. Autour du marché, ruelles et trottoirs ont eux aussi été réquisitionnés par les commerçants, ambulants ou non, bien décidés à prendre part à ce festival de la dépense. Ici, on trouve de tout. Du pagne en wax de qualité supérieure à ses pâles imitations made in China. Des produits cosmétiques américains à leurs contrefaçons nigérianes. Des bijoux « bling LES CLIENTS viennent du Togo, du Ghana, de Côte d’Ivoire, du Nigeria… bling » dignes des rappeurs américains aux somptueuses parures en or fin en l’équipement, l’entretien et la gestion provenance du Moyen-Orient. Vêtements, heurte au manque de financements. « Les des marchés reviennent aux mairies, chaussures, électroménager, téléphones loyers à Dantokpa sont très bas. En 2010, Dantokpa, de par son statut de marché portables, produits vivriers… Dantokpa lesrecettesdelaSogematournaientautour international, est géré par la Sogema, est un carrefour de l’Afrique consumériste de 800 millions de F CFA [1,2 million d’euet vorace, où se mêlent toutes les monsous la tutelle du ministère de l’Intérieur. ros, NDLR], explique Joseph Tamégnon. « C’est une décision qui va à l’encontre Ce qui est très en deçà des moyens nécesnaies et nationalités de la sous-région. même de la loi sur la décentralisation », saires à l’entretien et à la modernisation Les acheteurs viennent de l’intérieur du pays pour se ravitailler, mais aussi du s’indigne-t-on à la mairie de Cotonou, où du marché. » À raison de 1 300 F CFA par Togo, du Ghana et de Côte d’Ivoire pour l’on ne manque pas de critiquer au pastrimestre pour un box dans le corps prinles pagnes et les alcools, du Nigeria et sage la « gestion calamiteuse du marché » cipal du marché et de 25 000 F CFA pour par la Sogema et l’État. De leur côté, ces du Cameroun pour l’électroménager et un magasin, c’est en effet trois fois moins les téléphones, du Niger et du Burkina derniers ne donnent aucun signe laissant cher que les tarifs pratiqués, par exemple, Faso… pour tout. à penser qu’ils pourraient un jour céder sur un marché d’Abidjan. S’il est impossible d’évaluer avec précile marché à la mairie, qui « a déjà fort à sion le nombre de visiteurs quotidiens, la faire avec la gestion de la ville ». RÉSISTANCE DES SYNDICATS. Chaque Société de gestion des marOutre la collecte de la tentative d’augmentation des loyers s’est chés (Sogema, entreprise redevance des loyers, la heurtée à la résistance des syndicats de EN UN MOT publique dont dépend Sogema a la charge de l’ascommerçants. « Chez nous aussi c’est la le marché de Dantokpa) sainissementdumarché,de crise », râle Victoire, vendeuse de bijoux, estime qu’environ 1,5 milla construction de magatout en reconnaissant que le loyer de lion de personnes passent sins et d’entrepôts et de leur son box n’est pas exorbitant. « De toute si signifie ifie « sur le les bord bords chaque jour à Dantokpa. attribution. Elle coordonne façon, avec le nombre de commerçants de la lagune de Dan » Plus surprenant, il est tout aussi le raccordement aux qu’il y a ici, la Sogema gagne beaucoup (« le serpent », en langue aussi difficile de déterréseauxd’eauetd’électricité d’argent, c’est de son côté que vient le fon). Un autel dédié à cette divinité tutélaire miner le nombre exact avec la Société béninoise problème », ajoute-t-elle. Et de pointer de la prospérité et de de commerçants qui y d’énergie électrique (SBEE) du doigt, en vrac : les magasins attribués l’abondance se trouve opèrent. « En 2007, lors et la Société nationale des à des commerçants « qui ne paient pas au cœur du marché. d’un recensement global, eaux du Bénin (Soneb). Il leur loyer en raison de relations bien on les avait estimés à enviy a cependant bien longplacées », les agents collecteurs indélicats, ron 26 000 », explique Joseph Tamégnon, temps que des travaux de réhabilitation dont les fonds récoltés ne parviennent conseiller économique du président de ces réseaux n’ont pas eu lieu. Les comjamais aux caisses de la Sogema (« Ils Thomas Boni Yayi et ancien directeur merçants établis dans les bâtiments n’ont viennent vous encaisser et vous donnent de la Sogema. Des chiffres qui, précisepas de problèmesd’approvisionnementen un reçu, mais c’est un faux… »), ou encore t-il, ne tiennent évidemment pas compte électricité: il leur suffit d’appeler la Sogema les aménagements insuffisants. des vendeurs ambulants, prompts à se s’il y a un raccordement ou une réparation En 2008, l’État a tout de même financé glisser entre les mailles du filet pour ne à faire. Pour ceux qui sont aux abords, des travaux au sein du marché, avec s’acquitter d’aucune charge. c’est en revanche chacun pour soi… Et l’assainissement de quatre hectares, inutile de préciser que les branchements pour 5 milliards de F CFA. La même BRAS DE FER. Dantokpa est depuis une anarchiques pullulent, générant autant de année, un petit millier de nouveaux dizaine d’années au cœur d’un bras de fer risques de voir un accident se produire. magasins ont aussi été construits. Et Si elle est consciente de la nécessité entre les pouvoirs publics et la commune le marché géant de Dantokpa s’est de Cotonou. Bien que la loi de décend’agir pour développer les équipements, agrandi… encore un peu plus. ● tralisation dispose que la construction, les services et la sécurité, la Sogema se MALIKA GROGA-BADA

DANTOKPA

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JEUNE AFRIQUE

VALENTIN SALAKO

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MINISTÈRE DU DÉVELOPPEMENT, DE L’ANALYSE ÉCONOMIQUE ET DE LA PROSPECTIVE

Sur les nouveaux sentiers du développement au Bénin S’agissant du Guichet Unique, il simplifiera énormément les formalités douanières et limitera les risques de corruption en faisant payer en une seule fois dans une banque désignée, tous les frais, droits et taxes requis lors de l’enlèvement des marchandises.

Monsieur Marcel de Souza, Ministre du Développement, de l'Analyse économique et de la Prospective.

D

ans un contexte économique mondial caractérisé par la crise et surtout en prenant en compte les atouts naturels du Bénin, le Gouvernement a fait l’option de donner une impulsion nouvelle à l’action de développement en ciblant trois pôles de concentration des investissements pour les prochaines années. Il prend ainsi le pari d’engager autour de ces trois pôles, les réformes et actions qui permettront, à brève échéance, de renforcer l’attractivité et la compétitivité de l’économie béninoise.

PUBLI-INFORMATION

Le premier moteur est relatif au pôle commerce/services/transport dont la contribution à la production de la richesse nationale est bien en deçà des attentes légitimes en raison des déperditions dont il est l’objet. Les réformes ici envisagées concernent le Programme de Vérification des Importations (PVI) et la mise en place du Guichet Unique. Le PVI permettra de faire asseoir les recettes douanières sur les valeurs effectives des importations par le scanning et le tracking. Ces deux techniques constituant des systèmes électroniques qui permettent d’observer avec précision le contenu des conteneurs et de suivre l’itinéraire des marchandises depuis leur sortie du Port jusqu’au lieu de mise à la consommation.

Le second moteur identifié pour la dynamisation de l’économie béninoise est l’agriculture. À cet égard, le Gouvernement a déjà élaboré un Plan Stratégique de Relance du Secteur Agricole (PSRSA) qui vise à faire du Bénin à l’horizon 2015, une puissance agricole, dynamique, compétitive, attractive et respectueuse de l’environnement. La mise en œuvre de cette stratégie appelle la création d’au moins quatre structures de promotion des entreprises agricoles à savoir : • La Banque Nationale de Développement Agricole (BNDA); • L’Agence de Développement de la Mécanisation Agricole (ADMA); • L’Agence de Promotion des Aménagements Hydro-agricoles (APAH); • L’Agence Béninoise de Promotion des Filières Agricoles (ABeProFA). En prélude à la mise en œuvre de cette stratégie globale, les initiatives ci-après sont d’ores et déjà mises en œuvre. Il s’agit : • du lancement du Programme de Promotion de l’Entrepreneuriat Agricole (PPEA) qui vise à offrir des opportunités d’emplois aux jeunes dans l’agriculture par la formation et l’installation de gestionnaires de fermes. La première génération de cette race d’entrepreneurs sera opérationnelle à l’horizon juin 2012. • de l’implantation de six usines-témoins destinées à la transformation de produits locaux notamment la tomate, l’ananas, les agrumes, l’amande d’acajou, la noix d’acajou, la mangue respectivement dans les

localités de Kpomassè, Allada, Zakpota, Bantè, Parakou et Natitingou. Enfin, la réalisation des infrastructures spécifiques constitue le troisième moteur identifié pour l’accélération de la croissance de l’économie béninoise. Dans ce cadre, il est prévu : la construction sur plus de 1000 ha d’un nouvel aéroport international à Glodjigbé à 30 km de Cotonou. La première pierre de l’édifice a été posée le 13 décembre 2011 par le Président de la République ; la construction d’un Port en Eau Profonde à Sèmè, à 20 km de Cotonou pour recevoir des navires gros porteurs ; la construction de deux Ports secs respectivement à Tori et à Glodjigbé ; la construction d’un barrage hydro-électrique à Adjarralla en collaboration avec la République du Togo et qui permettrait, un tant soit peu, de réduire la dépendance énergétique du pays. Il convient de préciser que compte tenu de ses moyens limités, l’État béninois a décidé du financement de l’ensemble des activités et investissements prévus dans le cadre du Partenariat Public-Privé. Aussi, plusieurs bailleurs ont-ils déjà été identifiés pour les prendre en charge à des conditions très avantageuses pour l’État Béninois.

MINISTÈRE DU DÉVELOPPEMENT, DE L’ANALYSE ÉCONOMIQUE ET DE LA PROSPECTIVE Route de l’Aéroport, 08 BP : 755 Cotonou Tél. : +229.21.30.94.00 Fax : +229.21.30.49.05 contact@developpement.bj www.developpement.bj


VALENTIN SALAKO POUR J.A.

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Dernière-née, CANAL 3 a fait de l’information son credo, qu’elle décline en français, fon, goun et yorouba. MÉDIAS

Chaînes privées recherchent financements Elles sont trois face à la télé publique, l’ORTB. LC2, Golfe TV et Canal 3 se livrent une concurrence acharnée pour conserver leur audience. Et, surtout, s’assurer des recettes publicitaires.

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omment survivre lorsque l’on se partage, à trois, le sud du Bénin ? Cette question, les dirigeants de LC2, Golfe TV et Canal 3 se la posent tous les jours. De fait, les trois chaînes de télévisions privées du pays doivent déployer des trésors d’ingéniosité pour conserver leur audience et tenter de voler des téléspectateurs à leurs concurrents. Le calcul, simple, est commun à toutes les chaînes du monde : plus elles réunissent de téléspectateurs, plus elles ont de chances d’intéresser les annonceurs. Aussi, bien qu’elles soient toutes trois généralistes, LC2, Golfe TV et Canal 3 ont chacune choisi de se positionner sur un créneau particulier. REPENSER LA CIBLE. Née en 1997, LC2 est la première chaîne privée du pays. Fondée par le journaliste et désormais

homme d’affaires Christian Lagnidé, elle a dû s’adapter chaque fois qu’une concurrente faisait son apparition. « Pendant longtemps, LC2 a été seule, et l’arrivée de Golfe TV puis celle de Canal 3 l’ont un peu bousculée, confie Léonce Adiléhou, responsable commercial et marketing de la chaîne. Ces nouveaux concurrents nous ont obligés à repenser notre stratégie et, surtout, notre cible. » LC2 s’est ainsi recentrée sur un public jeune, avide « de sensationnel et de spectacle », en axant sa programmation sur les divertissements. Musique, mode et séries ont la part belle: jusqu’à 60 % de la programmation. Positionnement radicalement différent pour Golfe TV : les programmes d’actualités y représentent 80 % du contenu. La chaîne n’en a cependant plus le monopole depuis l’arrivée, en 2005, de Canal 3. En effet, cette dernière, dont le promoteur

est le député et homme d’affaires béninois Issa Salifou (patron de Bell Bénin), a fait de l’information son credo. « En étudiant le marché, nous avons constaté que nos pics d’audience se faisaient au moment des news, explique Malick Gomina, directeur général de Canal 3. Et en comparant avec ce que faisaient les autres, nous avons vu ce que nous pouvions apporter en plus : des informations un peu plus longues, en français, mais aussi dans les principales langues du sud du pays, le fon, le goun et le yoruba. » INFO OU PROMO? La principale difficulté

pour les chaînes privées reste de trouver des financements. « C’est un challenge quotidien, confirme Léonce Adiléhou. Il faut sans cesse réfléchir à la manière de rentabiliser au mieux nos programmes. Malheureusement, la publicité représente moins de 40 % du budget de LC2. Or la télévision est budgétivore… Alors nous nous rabattons sur l’événementiel. » Crise oblige, les annonceurs traditionnels – opérateurs de téléphonie, ● ● ●


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Le Plus de J.A. Bénin

LIFTING À L’ORTB L’OFFICE DE RADIODIFFUSION et télévision du Bénin (ORTB) n’a pas les mêmes soucis de trésorerie que les chaînes privées. De par son statut de média d’État, elle bénéficie non seulement de la couverture de l’ensemble du territoire béninois – ce qui en fait un partenaire de choix pour les annonceurs –, mais aussi de subventions. Son budget tourne autour de 10 milliards de F CFA (15,2 millions euros) pour l’ensemble de ses services de radio et télévision. Bien qu’à l’ORTB, on ne considère pas les chaînes privées comme des concurrentes, la direction a toutefois compris la nécessité de se rapprocher du jeune public. Une deuxième chaîne de télévision nationale est donc en préparation, dont le lancement est prévu pour le début de 2012. La construction d’un studio de 80 m2 est presque terminée, et la direction planche déjà sur des programmes « plus urbains ». Un nouveau concurrent de poids pour LC2, Golfe TV et Canal 3. ● M.G.-B.

assurances, brasseurs – réduisent leurs budgets publicitaires, et il faut bien combler le manque à gagner. Activités associatives, forums, réunions, séminaires de réflexion… Tous les événements qui nécessitent – ou réclament – une couverture médiatique font l’affaire. « Lorsqu’une association ou une organisation désire que les médias couvrent un événement qu’elle organise, elle se tourne vers la chaîne de télévision de son choix, qui lui facture cette couverture », explique Malick Gomina. En fonction du caractère social ou commercial de la manifestation, les « prestations » coûtent au client entre 55 000 et 250 000 F CFA (de 84 à 380 euros). Canal 3 couvre ainsi de 20 à 25 manifestations par jour, qui alimentent ses différentes plages d’information. Pour mieux se rapprocher du public et de ces événements quotidiens, la chaîne s’est par ailleurs déployée dans plusieurs villes du pays – Porto-Novo, Lokossa, Abomey, Parakou, Natitingou –, avec une à deux équipes de reportage par antenne. « Cela nous permet d’être

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ou américains, explique Léonce Adiléhou. Aujourd’hui, avec le satellite, ils ont accès à ce qui se fait ailleurs sur le continent et dans le monde. Ils comparent et ils veulent la même chose. » Aussi, à LC2, plateaux télé et concepts d’émission font l’objet de longues réflexions. Et force est de reconnaître que la chaîne peut se targuer d’avoir les programmes les plus dynamiques du paysage audiovisuel béninois. À Canal 3, le plus grand succès est sans aucun doute la mise en place d’une matinale, dès 7 heures, à l’instar de ce qui se fait sur les grandes chaînes européennes. DUMPING. Alors que de nouvelles télé-

visions sont sur le point d’être lancées (la Haute Autorité de l’audiovisuel et de la communication a donné des agréments, mais pas encore attribué les canaux), les patrons de chaînes privées s’inquiètent de ce surplus de concurrence à venir. Même si, grâce au satellite, LC2, Golfe TV et Canal 3 couvrent l’ensemble du territoire béninois, côté hertzien, celles-ci sont

réactifs et de ne pas attendre deux à trois jours avant de passer un élément dans le journal », explique le directeur de Canal 3. Sachant que, en matière d’événementiel, le premier pourvoyeur n’est autre que l’État, dans le cadre de l’aide à l’audiovisuel, le président Boni Yayi a instauré une nouvelle règle: les autorités ont signé une convention Tous les événements qui réclament avec les différentes chaînes une couverture médiatique de télévision privées, qui – payante – font l’affaire. couvrent aussi bien les activités gouvernementales que encore cantonnées à Cotonou et à sa les audiences du chef de l’État, afin que périphérie. D’importants efforts restent tout le monde puisse récolter le même niveau d’information… et de rétribution. par ailleurs à déployer pour améliorer la Et même si les chèques n’arrivent pas formation des techniciens et des journalistes. « Pour ma part, je pense qu’il faut toujours à l’heure, les télévisions sont sûres d’assurer ainsi une bonne partie déjà améliorer l’existant, analyse Léonce Adiléhou. Mettre en place une codification de leur financement. tarifaire dans la publicité, par exemple, Pour se démarquer, les chaînes béniparce que certaines chaînes pratiquent noises font aussi preuve d’innovation. « De un dumping sur les prix… » Lequel compar nos observations et notre expérience, promet la survie de ses concurrentes. Et nous nous rendons compte que les télésla pluralité du paysage audiovisuel. ● pectateurs béninois sont tout aussi exiMALIKA GROGA-BADA geants que leurs homologues européens


ZOOM

DIRECTION GÉNÉRALE DES IMPÔTS ET DES DOMAINES DU BÉNIN

Modernisation de l’administration fiscale béninoise

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résentez-nous la Direction Générale des Impôts et des Domaines ?

La Direction Générale des Impôts et des Domaines (DGID) est l’une des trois régies financières qui concourent à près de 45 % à la mobilisation des ressources fiscales nécessaires à la mise en œuvre du programme d’action du Gouvernement. La DGID est chargée : • de la détermination de l’assiette, de la liquidation, du contrôle, du contentieux et du recouvrement de tous les impôts et taxes ; • de la conservation foncière, des hypothèques et autres droits fonciers ; • de la gestion du domaine privé de l’État. En terme de réalisations, la DGID est demeurée une régie en plein dynamisme comme en témoigne la fulgurante évolution de ses recettes qui sont passées de 120 143 583 987 de F CFA en 2001 à 264 714 373 483 F CFA en 2010.

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uels sont les défis à relever par la DGID ?

Ces défis concernent notamment : • l’élargissement de l’assiette de l’impôt par la fiscalisation du secteur informel ; • l’allègement de la charge fiscale et la simplification des procédures ; • la mise en place d’une fiscalité pour les micro-entreprises du secteur informel ; • la mise en œuvre et la généralisation de l’Identifiant Fiscal Unique (IFU) ; • la finalisation et la mise en œuvre de la réforme de la fiscalité personnelle ; • le renforcement des capacités des agents et l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail ; • l’informatisation intégrale de tous les services fiscaux ;

• l’amélioration de la relation avec les usagers ; • la mise en place d’un cadre de concertation entre l’administration fiscale et le secteur privé.

• la création de Centres des Impôts (petites et moyennes entreprises) ;

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En la matière, nos ambitions se résument aux points suivants : 1 . Élaborer et valider un Plan d’Orientation Stratégique de l’Administration Fiscale (POSAF) pour les cinq années à venir ; 2 . Mettre en place un Système Intégré de Gestion des Impôts et Taxes (SIGTAS) ; 3 . Poursuivre la modernisation de la DGID à travers la généralisation de l’Identifiant Fiscal Unique (IFU) ; 4 . Renforcer les capacités des agents et améliorer leurs conditions de vie et de travail ; 5 . Doter la DGID d’un site Web accessible à tous les contribuables nationaux comme étrangers.

uelles sont les stratégies mises en place pour atteindre les objectifs assignés à la DGID ?

Pour atteindre ses objectifs, la DGID s’est engagée dans un processus de modernisation par des réformes législatives, organisationnelles et structurelles au nombre desquelles, on peut citer : • la réforme sur l’Identifiant Fiscal Unique (IFU) ; • la réforme de l’Impôt sur le Revenu des Personnes Physiques (IRPP) et de l’impôt sur les Sociétés (IS) ; • les réductions des taux des impôts BIC, BNC et des tranches de revenus soumis à l’IPTS et à l’IGR ; • les exonérations fiscales accordées aux entreprises nouvellement créées ;

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uelles sont les perspectives de la DGID ?

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uelles sont vos difficultés?

Les moyens mis à la disposition de la DGID ne sont pas en adéquation avec les objectifs fixés, ce qui entrave l’atteinte des prévisions et la mise en œuvre des différentes réformes engagées.

DIRECTION GÉNÉRALE DES IMPÔTS ET DES DOMAINES 01 BP 369 Tél. : (+229) 21 30 57 27 / 21 30 50 42 Fax : (+229) 21 30 37 61 Cotonou, République du Bénin < Mariama SOUMANOU BABA - MOUSSA > Directrice Générale des Impôts et des Domaines

MESSAGE


Le Plus de J.A. Bénin PORTRAITS

La relève est annoncée Du bureau d’un élu local à ceux de quelques patrons bien inspirés, en passant par un atelier d’artiste… Rencontre avec ceux qui font le renouveau béninois, version années 2010.

André Todjé Élu utile 42 ans, conseiller municipal de Sô-Ava, président de Gsade-ONG

et des partenaires. À Cotonou, les ONG et les ambassades le connaissent. Ce type est sérieux. Résultat : son association, le Groupe de solidarité et d’appui au développement endogène (Gsade-ONG), qu’il a créée en 2007, a déjà construit des passerelles, des latrines, des abris pour le marché, des entrepôts ; réhabilité des écoles, des pistes ; distribué des vivres, des cahiers et du mobilier dans les écoles ; et fourni des pirogues pour le ramassage scolaire. « Chaque année, des enfants se noient en allant à l’école », rappelle André Todjé,

CAMILLE MILLERAND POUR J.A.

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l a été le plus jeune maire du Bénin, de 2003 à 2008. Aujourd’hui, si André Todjé n’est plus le premier magistrat de Sô-Ava, commune des rives du lac Nokoué, près de Cotonou, ses habitants peuvent toujours le voir sillonner la lagune en pirogue. Malgré le chaotique scrutin municipal de 2008, l’indécrottable animateur communautaire, qui a fait ses armes dans les années 1990 au Service diocésain de développement et d’action caritative, est resté fidèle à ses engagements. Celui qui est parvenu à faire passer le budget de sa commune de 47 millions à 250 millions de F CFA (de 71 650 à 381 000 euros) en cinq ans, essentiellement grâce à des appuis extérieurs (Emmaüs, Rotary, Oxfam, CCFD…), poursuit son travail. En France et en Italie notamment, il a des amis, des mécènes

qui rentre de France et d’Italie avec de nouveaux engagements. Parmi ses projets : une pirogue informatique, équipée de panneaux solaires, et le lancement d’une radio communautaire. ● PHILIPPE PERDRIX

Sidikou Karimou La caisse et la presse 32 ans, directeur général du groupe Le Matinal

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VALENTIN SALAKO POUR J.A.

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N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

est en 2001 qu’il entre comme stagiaire à la comptabilité du journal. Alors fraîchement diplômé en finance, Sidikou Karimou espère plutôt trouver une place dans une banque. Mais en attendant, ce handballeur du club Flowers de Cotonou intègre Le Matinal, dont le fondateur, le journaliste Charles Toko, offre régulièrement des stages aux joueurs. Depuis, il n’a plus quitté la « boîte », gravissant les échelons jusqu’à ce que Charles Toko lui passe la main pour en faire l’un des plus jeunes patrons de presse du pays. Dix ans après son arrivée au journal, Sidikou Karimou est directeur général du groupe Le Matinal, qui comprend le premier quotidien du Bénin (avec un tirage de 5 000 exemplaires), une radio et un site internet (nés en 2003), une régie publicitaire et, bientôt, espère-t-il, une chaîne de télévision. Chiffre d’affaires annuel : environ 200 millions de F CFA (305 000 euros). La recette du boss ? « Faire tourner le journal avant tout comme une entreprise. » Une évidence qui ne va pas toujours de soi dans ce petit pays d’Afrique de l’Ouest. ● MALIKA GROGA-BADA JEUNE AFRIQUE


Éloge de la rigueur

VALENTIN SALAKO POUR J.A.

Sunu). Titulaire d’un DESS en droit des assurances obtenu à l’Institut des assurances de Paris, elle commence sa carrière en 1982 au siège abidjanais de l’Union des assurances de Paris. Après vingt-trois ans de services, elle décide de voler de ses propres ailes et s’installe au Bénin, au marché encore en devenir. Dans un pays où les trois quarts des actifs travaillent dans le secteur informel, sans protection sociale, les assureurs doivent batailler ferme pour toucher les populations. « C’est un traÉvelyne Fassinou de tous les jours, il faut Pasionaria des assurances vail aller au-devant des com53 ans, directrice générale d’Avie Assurance merçants sur les marchés ou dans les magasins, pour leur expliquer l’importance de préparer u Bénin, l’assurance-vie est sa retraite. » La méthode semble porencore balbutiante, ce qui ter ses fruits : Avie a collecté plus de rend le challenge d’autant 1 milliard de F CFA (environ 1,5 million plus passionnant. » Les défis ne font d’euros) de primes en 2010. ● pas peur à Évelyne Fassinou, direcM.G.-B. trice générale d’Avie Assurance (groupe

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Adédognin Abimbola Tête de gondole 43 ans, fondateur du NoMad

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VALENTIN SALAKO POUR J.A.

nseignant, musicien, commerçant… « Adé » Abimbola est un insatiable touche-à-tout. « Ce que j’aime, c’est tenter des choses », explique-t-il en souriant, confortablement installé dans ses bureaux du quartier Missèbo, à Cotonou. Envoyé en pension en France à l’âge de 12 ans, ce fils de commerçant s’oriente presque naturellement vers des études de marketing. Diplômé de l’École supérieure de commerce de Toulouse en 1991, il commence sa carrière dans la distribution, chez Carrefour puis chez Decathlon, numéro un européen de l’équipement sportif, avant de rentrer au Bénin en 1997, là où il se sentait plus utile. Depuis, Adé Abimbola a ouvert en 2000 un restaurant et une cave, Le Repaire de Bacchus, puis a lancé le NoMad (Nouveau modèle africain de distribution), qui regroupe une activité de vente en gros de produits alimentaires et des supérettes distribuant des produits de la marque Casino. Parti de rien, le NoMad pèse aujourd’hui 450 millions de F CFA (686 000 euros). Et Adé Abimbola songe déjà à faire des petits dans les pays voisins. ● M.G.-B. JEUNE AFRIQUE

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Ministère de la santé

RÉFORMES DANS LE SECTEUR DE LA SANTÉ AU BÉNIN Dorothée A. KINDE GAZARD, Ministre de la santé.

Le Bénin vers l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement ! Avec une population estimée à environ 9 millions d’habitants en 2011, le Bénin est l’un des pays situé en Afrique de l’Ouest où les conditions de vie sont des moins reluisantes. Depuis quelques années, de nombreuses réformes ont été engagées dans plusieurs domaines. Dans le secteur de la santé, les réformes sont multiples et se poursuivent. À la tête de ce département ministériel, le professeur Agrégé en Médecine Dorothée Akoko KINDE- GAZARD, ancien et nouveau Ministre de la Santé avec un leadership reconnu pèse de toute sa capacité intellectuelle et managériale pour améliorer les conditions socio-sanitaires des populations.

Gratuité de la prise en charge de la césarienne et des soins liés au paludisme, Le Régime d’Assurance Maladie Universelle " une avancée notable "

PUBLI-INFORMATION

Trois ans déjà que la mesure de gratuité de la césarienne a été lancée et deux mois que la prise en charge gratuite des soins liés au paludisme chez les enfants de moins de cinq ans et les femmes enceintes est effective dans les formations sanitaires. Ces deux réformes majeures pour le secteur ont une incidence financière, pour ce qui concerne la gratuité de la césarienne, près de 2,5 milliards de Franc CFA par an à raison de 20 000 césariennes dans plus de 20 formations sanitaires et 8 milliards de Francs CFA pour la prise en charge gratuite des cas de paludisme dans toutes les formations sanitaires publiques. Le ministère de la santé, l’un des ministères Depuis lors, il est noté un déclin significatif des décès stratégiques est chargé d’améliorer les conditions d’enfants de moins de 5 ans. D’autres réalisations socio sanitaires des familles. En effet, l’actuelle importantes sont remarquables dans le secteur « Le Bénin vision du Bénin en matière de santé stipule à savoir l’élaboration et la mise en œuvre du disposera en 2025 que : « Le Bénin dispose en 2025 d’un plan national de développement du secteur d’un système de santé système de santé performant basé de la santé (Pnds) et du plan stratégique de sur des Initiatives publiques privées, développement des ressources humaines ; performant basé individuelles et collectives, pour l’offre le reversement en cours de 8 264 agents sur des Initiatives de la disponibilité permanente de soins à statut précaire en Agents contractuels de publiques privées, de qualité, équitables et accessibles aux l’État pour une amélioration des conditions Populations de toutes catégories, fondées de vie du personnel. Par ailleurs, le Régime individuelles et sur les valeurs de solidarité et de partage d’Assurance Maladie Universelle (RAMU) qui collectives » de risques pour répondre à l’ensemble des permettra d’améliorer la couverture sociale et besoins de santé du peuple béninois ». favorisera à tous un accès équitable aux soins de santé sera lancé le 19 décembre 2011. Cependant Pour y parvenir, cinq domaines prioritaires ont été retenus dans pour garantir un climat social apaisé, Dorothée Akoko KINDE le Plan National de Développement Sanitaire (Pnds), il s’agit de GAZARD dès sa prise de fonction en juin 2011 a procédé à la Réduction de la mortalité maternelle et infantile, la prévention l’installation du conseil sectoriel de dialogue social. Ainsi, plus et la lutte contre les maladies et l’amélioration de la qualité d’un milliard de FCFA au titre de diverses primes ont été payées des soins, la valorisation des ressources humaines du secteur, aux personnels de santé pour l’année 2011. le renforcement du partenariat dans le secteur et la promotion de l’éthique et de la responsabilité médicale, l’amélioration du Quelles perspectives dans le secteur mécanisme de financement et le renforcement de la gestion du secteur. À en croire le Ministre de la santé, la contribution du et quel espoir pour les populations ? secteur au bilan du gouvernement et pour le second quinquennat du Chef de l’État, le Dr Thomas Boni Yayi s’articulera autour des Après 6 mois passés à la tête du secteur sanitaire, Dorothée grandes réalisations. Akoko KINDE GAZARD envisage pour l’année 2012 d’accorder plus d’attention à réaffirmer la volonté de faire contribuer la santé à la réduction de la pauvreté et de renouer avec les soins de santé primaires. De nombreuses actions ont été menées avec des résultats positifs et importants enregistrés pour une amélioration sensible des indicateurs de santé. Cependant, d’importants défis restent à relever notamment la mise en œuvre des réformes institutionnelles et organisationnelles du secteur.

Dorothée A. KINDE GAZARD, Ministre de la santé, au chevet d'un malade.

Ministère de la santé 01 BP 882 Cotonou Tél. : (229) 21 33 21 41 / 21 33 21 63 / 21 33 21 78 Fax : (229) 21 33 04 64


Éloge de la rigueur

Gatien Adjagboni Expert en marketing 35 ans, fondateur de Tincy Groupe

Zinkpé Artiste de proximité 42 ans, peintre et plasticien

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VALENTIN SALAKO POUR J.A.

MALIKA GROGA-BADA

VALENTIN SALAKO POUR J.A.

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atien Adjagboni est intarissable lorsqu’il parle d’études de marché, d’analyse et de stratégie. L’ingénieur marketing – dont le cabinet Tincy compte parmi ses clients Vlisco (textile), Guinness (bière), MTN (télécoms) et bien d’autres – a même mis sur pied un concept type sur lequel il teste ses théories : une boulangerie. Misant sur la qualité du service, la rapidité, l’hygiène et la diversité de l’offre (32 sortes de pains, ce qui est inédit à Cotonou), celle-ci a réalisé un chiffre d’affaires de 213 millions de F CFA (325 000 euros) en 2010. « C’est juste une mise en route. Mon objectif, c’est une chaîne de 20 boulangeries et un chiffre d’affaires de 1 milliard de F CFA d’ici à quatre ans. » En attendant, Gatien Adjagboni continue de prodiguer ses bons conseils à son principal employeur, British American Tobacco. ●

art s’est imposé à moi », explique Zinkpé. Autodidacte, couturier puis rat de bibliothèque (« pour comprendre l’histoire de l’art »), il s’est très vite fait remarquer. D’abord à Abidjan, lors de sa première exposition, en 1993. « J’ai aussitôt décidé que la création était une affaire sérieuse », confie Zinkpé, qui aurait pu être grisé par le succès, les voyages… Mais il lui manquait une dimension, capitale : la reconnaissance des siens. « Mes œuvres ne leur parlaient pas. J’ai fait des expositions en plein air et rien n’a été volé ! » se souvient-il. Cette prise de conscience s’est alors traduite dans une œuvre réaliste et imaginative, contemporaine et fidèle aux racines béninoises. Que ce soit pour ses « taxis-Zinkpé » ou ses époustouflantes constructions de jumeaux, l’artiste, qui travaille aussi avec des artisans à Abomey, sa ville natale, est fidèle à son environnement. « Je veux pratiquer l’art avec mes proches. » Et le partager avec d’autres : à partir de janvier, les habitants de Rosny-sous-Bois, en banlieue parisienne, pourront à leur tour interroger le mythe des jumeaux, dont les sculptures prendront place dans l’espace public. ● PHILIPPE PERDRIX

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Le Plus de J.A. Bénin

TRIBUNE

Opinions & éditorriaux éditoriaux

Le développement de la culture, une culture du développement

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PASCAL WANOU Directeur du Festival international de théâtre du Bénin

AISONS UNE ANALYSE SIMPLE. Le Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb) se déroule simultanément dans dix villes du pays. Pendant douze jours, plus de 400 artistes, nationaux et internationaux, vont à la rencontre des Béninois pour présenter leurs œuvres. À chaque étape de leur périple, ce sont autant d’hôteliers et de restaurateurs qui connaissent un pic d’activité. Tous les soirs, entre 500 et 5 000 personnes se rassemblent sur les lieux de représentation, salles municipales ou places de village. Ce qui suscite un regain d’activité pour les maquis, échoppes et boutiques dont les ventes dépendent du nombre de noctambules. Sans parler des zémidjans, nos célèbres motos-taxis, qui multiplient leur nombre de courses par deux, trois ou quatre. Et que dire des milliers de Béninois qui, le temps d’une soirée, oublient leurs soucis quotidiens? Ma conclusion est simple : en douze jours, la biennale du théâtre contribue à doper aussi bien l’activité économique du pays que l’indice du bonheur individuel de milliers de Béninois. Comment se fait-il que le développement ne concerne que les indicatifs économiques ? Où place-t-il l’épanouissement humain? Certains diront que la culture, dans la di ver sité de son expression – danse, chant, théâtre, sculpture, peinture… –, est l’opium du peuple. Pour nous, elle rend la vie, rassemble, nourrit, inspire, console… Ce que la charte culturelle du Bénin confirme en son article 50: « La promotion artistique et culturelle contribue, au même titre que les autres secteurs du développement, à la création de la richesse nationale et requiert, à cet égard, une attention particulière ainsi que des investissements significatifs de la part des pouvoirs publics et des opérateurs économiques. » Bien heureusement, les nouvelles autorités béninoises ont compris le rôle que la culture peut jouer dans notre recherche de développement. Ainsi le Fonds d’aide à la culture est-il passé à 1 milliard de F CFA (1,5 million d’euros) aujourd’hui, contre 350 millions de F CFA il y a quelques années. L’effort est énorme, certes, mais nous espérons plus. Le souhait et le combat de tous les acteurs culturels seraient que l’État consacre

au moins 1 % du budget national au développement des arts et de la culture, et que le montant de sa subvention au Fonds d’aide à la culture soit multiplié au moins par trois. Le Bénin est pauvre. Nous n’avons ni pétrole, ni minerais, ni aucune mine d’or auxquels nous raccrocher. Mais la richesse dans laquelle nous pouvons et nous devons puiser, c’est notre patrimoine culturel. Divers, foisonnant, source inépuisable d’inspiration pour les artistes de ce pays et même d’ailleurs. Par ces temps de crise où l’Afrique en général et le Bénin en particulier sont durement secoués, il est des valeurs auxquelles nous devons nous abreuver. La onzième édition du Fitheb, qui se déroulera du 27 mars au 7 avril 2012, sera celle du renouveau, avec pour thème « L’économie du théâtre en Afrique ». L’occasion pour les professionnels et les amateurs du secteur d’échanger, de témoigner de l’évolution des politiques culturelles de leurs pays et – pourquoi pas ? – de proposer des solutions aux gouvernants pour faire du théâtre un aspect du développement. Une trentaine de troupes feront le déplacement d’Afrique, de Belgique, de France et de ses territoires d’outre-mer, de Suisse et d’Haïti. Cette année, pour la première fois, nous

La biennale du théâtre dope aussi bien l’activité économique du pays que le bonheur individuel de milliers de Béninois.

N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

expérimenterons le off, en salle ou en plein air, afin de toucher plus de public, et nous ouvrirons le festival à une autre forme d’expression scénique, le conte. Autre innovation : l’agrandissement des villages du Fitheb, qui se déclineront désormais dans les trois plus grandes villes du Bénin : Cotonou, Porto-Novo et Parakou. Lorsqu’en 1990, Antoine Dadélé, directeur de la recherche et des échanges culturels du Bénin,Tola Koukoui, metteur en scène, etYves Bourguignon, directeur du Centre culturel français de Cotonou, ont mis sur pied cette manifestation, ils caressaient le désir de la voir se pérenniser et grandir, devenir un lieu de rencontre et de partage par excellence entre tous les francophones. « Enterré » à maintes reprises, le Fitheb est toujours là, plus déterminé que jamais à donner au théâtre la place qui lui revient dans la société béninoise et en Afrique. ● JEUNE AFRIQUE


MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE MARITIME MINISTÈRE DE L'ÉCONOMIE MARITIME, DES TRANSPORTS MARITIMES ET DES INFRASTRUCTURES PORTUAIRES

Réformes portuaires : Solution de développement

SOCIÉTÉ BÉNINOISE DES MANUTENTIONS PORTUAIRES

La SOBEMAP en plein essor La Société Béninoise des Manutentions Portuaires (SOBEMAP) est une société d’État à caractère commercial et industriel dotée de l’autonomie financière.

De grandes réformes sont actuellement en cours pour rendre le port de Cotonou plus compétitif : le programme de vérification des importations de nouvelle génération, la mise en service du guichet unique pour le commerce extérieur et du terminal à conteneurs d’Allada et la réforme de la filière de vente de véhicules d’occasion.

Professeur Soumanou Seïbou- Grue à conteneurs. Toleba, Directeur Général.

Monsieur le Ministre, Jean-Michel Abimbola, Délégué Auprès du Président de la République, Chargé de l’Économie Maritime, des Transports Maritimes et des Infrastructures Portuaires.

L

e PVI (Programme de Vérification des Importations de nouvelle génération) comporte deux volets essentiels : le scanning et le tracking. Avec le scanning, il est désormais possible à la douane de connaître le poids réel des conteneurs et leur contenu. L’État peut ainsi contrôler toutes les entrées. Avec le tracking, le suivi électronique des marchandises devient une réalité. Il ne sera plus possible de détourner l’itinéraire des conteneurs ou des véhicules en transit. La mise en œuvre du guichet unique pour le commerce extérieur permet de simplifier les formalités douanières. En attendant d’autres projets de Ports secs, le terminal à conteneurs de la société ATRAL (Agence de Transit et de Logistique) constitue le prolongement du port de Cotonou. Une voie ferrée relie le Port de Cotonou à celui d’Allada.

PUBLI-INFORMATION

Grâce à ces reformes, le Port de Cotonou gagne en fluidité. A cet effet, il a été à nouveau jugé conforme aux normes Code ISPS en Octobre denier. Aussi, grâce au programme MCA, il y a le prolongement de l’épi d’arrêt de sable de 300 mètres ce qui permet aux grands navires d’accoster et favorise les opérations de transbordement. La filière des véhicules d’occasion, connaît aussi des changements. Un contingent de près de 400 agents (policiers, militaires…) a été constitué pour sécuriser le corridor. Aussi, la modernisation est en cours à travers l’aménagement des voies d’accès, l’électrification des parcs, et la sécurisation des recettes par un guichet unique. Ministère de l'Économie Maritime, des Transports Maritimes et des Infrastructures Portuaires BP 987- Cotonou Tél. : +229 21314664 - 21314633 / Fax : +229 21310617 - 21313274 Sites web : www.ecomaritime.gouv.bj - www.ecomaritime.net Page facebook : Ministère de l’Économie Maritime.

Transport de sacs de riz.

Parc Tampon Unique (PTU).

SOBEMAP, la force d’un partenaire ! Son capital social s’élève à 7 600 000 000 F CFA et elle exerce depuis 1969 sur la plate forme portuaire de Cotonou, les activités suivantes : • Manutention portuaire (la principale) : Manutention bord (Stevedoring) Manutention terre (Acconage) • Transit Port et Aéroport ; • Consignation maritime ; • Gestion de parking gros porteurs. La SOBEMAP a entamé une série de réformes pour la satisfaction de sa clientèle et pour un partenariat gagnant gagnant. SOBEMAP 01 BP 35 Cotonou Tél. : (+229) 21 31 41 45 / 21 31 40 06 / 21 31 39 83 Fax : (+229) 21 31 53 71 E-Mail : sobemap@intnet.bj Site web : www.sobemap.com


MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE MARITIME DIRECTION GÉNÉRALE DU PORT AUTONOME DE COTONOU

Le port de Cotonou, un port à vocation régionale qui gagne le pari de la modernité 90 % des échanges commerciaux du pays, génère en période exponentielle 45 à 50 % des recettes fiscales et 80 à 85 % des recettes douanières, le Port de Cotonou a une vocation régionale.

PORT À VOCATION RÉGIONALE Grâce à sa situation géographique privilégiée, le port de Cotonou est le débouché à la mer le plus proche, le couloir d’accès le plus rapide, le moins accidenté pour desservir l’Est des pays sans littoral tels que le Mali et le Burkina Faso. Il est le premier port de transit de la République du Niger de même que le port de relais et de transbordement le plus proche et le plus rapide vers le Nigeria. Le trafic en transit par le Port de Cotonou bénéficie des facilités et avantages tels que le délai de franchise illimité, l’exonération de la redevance de passage, la priorité d’accostage et de traitement des navires transportant des marchandises jugées stratégiques pour les pays de l’hinterland, des possibilités de révision ponctuelle des tarifs de redevance sur la chaîne portuaire en tenant compte de la nature et du tonnage de la marchandise, de sa destination ainsi que le délai de fidélité du client.

MODERNISATION ET RENFORCEMENT DE LA CAPACITÉ INFRASTRUCTURELLE DE L’OUTIL PORTUAIRE D’importants investissements ont été consentis pour la réalisation des travaux prévus au projet « Accès aux Marchés » du programme du Bénin pour le Millenium Challenge Account. Les plus importants sont le prolongement sur 300m linéaires de l’épi d’arrêt de sables avec une carapace en blocs d’acropode en béton armé ; la construction d’un quai en paroi moulée de 600 m de longueur avec une côte de dragage à -15 m ZH ; la mise en œuvre du plan de zoning et de circulation, le renforcement du système électrique et d’éclairage, de lutte contre l’incendie, de vidéo-surveillance, de radiocommunication, l’acquisition et l’installation de nouveaux équipements de déchargement de vrac solide, etc. Direction Générale du Port Autonome de Cotonou 01 BP 927 RP, Avenue de la Marina Tél. : +229 21 31 52 80 / 21 31 28 90 Fax : +229 21 31 28 91 / 21 31 43 87 E.mail : pac@leland.bj Cotonou – République du Bénin

Joseph Ahanhanzo, Directeur Général du Port Autonome de Cotonou.

DES RÉFORMES ET INITIATIVES PERTINENTES POUR UNE SATISFACTION TOTALE ET DURABLE DE NOS CLIENTS ET PARTENAIRES Le Programme de Vérification des Importations (PVI) de nouvelle génération, initié pour assister la douane béninoise dans le cadre de la modernisation de ses différentes opérations prend en compte plusieurs étapes dont l’inspection avant embarquement des marchandises, l’inspection par scanner, le suivi électronique des marchandises en transit, la gestion automatisée des magasins. L’implémentation de ce programme vise à terme à améliorer les recettes douanières et à réduire substantiellement le fléau récurrent des faux frais qui obèrent la compétitivité du système portuaire béninois. En outre, la mise en place au port de Cotonou d’un centre de contrôle informatisé pour la gestion des camions gros-porteurs a essentiellement pour but de fluidifier le trafic au port et dans la ville de Cotonou, d’assurer la traçabilité des matériels roulants ainsi que la visibilité du fret et de fournir en temps réel aux transporteurs des informations relatives à la localisation et au suivi de leurs camions depuis les parcs en passant par le port avec les opérations de chargement et de déchargement jusqu’à destination. Cette opération a été confiée au Groupe à la Société STTB, une Société Anonyme parrainée par le Gouvernement béninois par Décret pris en Conseil des Ministres le 17 Mars 2010. Elle apporte pour cette opération un équipement ultra moderne, un personnel qualifié et responsable pour permettre à la population béninoise, notamment celle de la capitale Cotonou de circuler plus facilement dans un environnement ordonné et moins pollué. Par ailleurs, le Guichet Unique du port de Cotonou quant à lui est déjà opérationnel. Cet outil moderne constitue une plate-forme unique, dématérialisée et interactive à l’usage de la communauté portuaire et dédiée à la facilitation du commerce. Les opérateurs économiques pourront donc optimiser leurs transactions en termes de coût et de délai par la simplification de leurs procédures et formalités pour l’entrée, la sortie ou le transit des marchandises, l’amélioration de l’efficacité de la chaîne logistique. Soutenu par le chef de l’État, M. Joseph AHANHANZO, Directeur Général du Port Autonome de Cotonou (PAC) a été l’homme qu’il fallait pour mettre en œuvre les différentes réformes.

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Hier les réformes administratives, aujourd'hui, les réformes portuaires.

Le Président Boni Yayi en compagnie de Nicéphore Dieudonnée Soglo lors de la cérémonie d'inauguration des infrastuctures portuaires.


MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE MARITIME LE CONSEIL NATIONAL DES CHARGEURS DU BÉNIN

COMPAGNIE BÉNINOISE DE NAVIGATION MARITIME

Des réformes pour de meilleurs services aux chargeurs

« Servir vite et bien »

À ce titre, le CNCB a signé avec la Société d’Exploitation et de Gestion du Guichet Unique du Bénin (SEGUB), un contrat qui a permis l’accroissement des recettes et la sécurisation des fonds de l’office. Pour le mois d’octobre, l’office a connu une amélioration des prestations facturées au guichet unique dans l’ordre de 92% par rapport à la moyenne mensuelle à fin septembre (dernier mois avant l’entrée en vigueur du contrat avec SEGUB). Cet accroissement a atteint 112% en novembre. Le Service Financier et du Recouvrement, récemment mis en place, permettra d’améliorer sensiblement les performances de l’office en matière de recouvrement. À la dernière foire de la CEDEAO qui s’est tenue à Lomé (TOGO), le CNCB a apporté son soutien à certaines entreprises béninoises qui ont su faire valoir leurs produits sur le marché sous régional. Très bientôt, un creuset d’échanges permanents entre le CNCB et les chargeurs sera mis en place. Il permettra de relever les problèmes qu’endurent quotidiennement les chargeurs et d’établir entre l’office et ces acteurs, une vision prospective de l’activité portuaire au Bénin. Aujourd’hui, les formations proposées aux chargeurs et aux acteurs de la chaîne des transports sont adaptées aux nouvelles exigences du secteur portuaire béninois. La politique de gestion des parkings gros porteurs de l’office a été revue afin de mettre à la disposition des transporteurs routiers de marchandises, tout au long du corridor béninois, des parkings qui leur offrent un agréable cadre de repos et de sécurité. Le Trade Point, interface commerciale qui offre aux opérateurs économiques via internet, de nombreuses opportunités d’affaires, sera très bientôt disponible sur toute l’étendue du territoire national. Aujourd’hui plus qu’avant, le CNCB est ouvert à ses usagers pour des solutions à leurs préoccupations. Conseil National des Chargeurs du Bénin Zone résidentielle Lot 557 Parcelle B 06 BP 2528 Cotonou, Direction générale, Tél. : +229 21 31 59 47 Tél. : +229 21 31 59 60 Fax : +229 21 31 59 07 E-Mail : cnbc@intnet.bj Sites web : www.tradepoint.org - webwww.cncbenin.com

Hadi-LaÏ Landou, Directeur Général, Administrateur des Affaires Maritimes.

La Compagnie Béninoise de Navigation Maritime (COBENAM) après une léthargie refait surface. Elle ambitionne de reprendre ses activités de Transport Maritime, par l’exploitation dans les prochains mois, de navires de transport mixte passagers et marchandises. Elle mettra également en exploitation de grands magasins pour accroitre la capacité de stockage de marchandises à l’extérieur du port. Avec le financement officiel de sous-antennes transit à la frontière entre le Bénin et le Togo, elle opte pour le développement de son activité de transit au port, à l’aéroport jusqu'aux frontières terrestres. Le dynamisme de ses agents accompagnera certainement ses ambitions selon la devise : « Servir vite et bien ».

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Marie Diane Tossa Gbossou épouse Agossa Directrice Générale du CNCB.

En conformité avec la vision du Chef de l’État, le Docteur Boni YAYI, celle de faire du Bénin, un pays phare, prospère et bien gouverné, Marie Diane Tossa Gbossou Agossa, dès son arrivée à la tête de cet office, a enclenché de nombreuses réformes afin, non seulement de redonner confiance aux chargeurs et aux acteurs de la chaîne des transports, mais également en vue d’accroître les revenus de l’office et sa contribution aux actions de développement de l’État.

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Le Conseil National des Chargeurs du Bénin, office doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière, a essentiellement pour missions : la défense des intérêts des chargeurs et l’accompagnement des acteurs de la chaîne des transports.

COBENAM BP 2032 – Cotonou – Bénin Telex : 5225/5212 Tél. : +229 21 31 54 10 / 21 31 56 11 / 21 31 09 79 Fax : +229 21 31 36 42 ; 21 31 09 79 E-mail : dct@cobenam.com / hlandou@yahoo.com


Économie

GOUVERNANCE

DÉVELOPPEMENT

Pourquoi les

Le fossé

franco 133

EAC

millions d’habitants

Communauté d’Afrique de l’Est

96

78,7

milliards $

Ouganda

millions d’habitants

Kenya

6,3%

Rwanda Burundi

70,2

Tanzanie

milliards $

8,5%

3,7% 42

2,9%

MARCHÉS FINANCIERS

Chacun ses points forts

millions d’habitants

UEMOA

72,7

3,6%

4%

milliards $

CEMAC

Union économique et monétaire ouest-africaine

Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale

Tchad

Mali Niger

Sénégal

GuinéeBissau

Burkina Faso Côte d’Ivoire

Cameroun

Bénin

Guinée équatoriale

Togo

Centrafrique

Congo

Gabon

DES BLOCS LINGUISTIQUES EN COMPÉTITION Nombre d’habitants N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

PIB 2010

Croissance annuelle moyenne depuis 2006

Inflation annuelle moyenne depuis 2006 JEUNE AFRIQUE

SOURCES : ÉTAT DE L’AFRIQUE 2010, BAD, FMI, BANQUE MONDIALE, AFRICA FACEBOOK STATISTICS

136


ENTREPRISES

Toutes à la conquête du continent

INTERVIEW

Ridha Saïdi Ministre délégué chargé

des questions économiques deTunisie

MATIÈRES PREMIÈRES

Ecobank veut tirer parti de la crise européenne

phones sont à la traîne 193,7

Nigeria

68,8

Angola Kenya

31,4

Ghana

31,3

Éthiopie

29,7 23

Tanzanie Côte d’Ivoire

22,8

Cameroun

22,4

Ouganda

17

Guinée équat.

14

Les anglophones dominent au sud du Sahara (PIB 2010 en milliards de dollars, hors Afrique du Sud)

Les bons élèves et les cancres Le premier et le dernier pays subsaharien (hors Afrique du Sud) pour chaque indicateur ABONNÉS À LA TÉLÉPHONIE MOBILE (pour 100 habitants)

Gabon

107

Éthiopie

8

CONSOMMATION D’ÉLECTRICITÉ

(en kWh/habitant, 2009)

Gabon

922

Éthiopie

46

PRIX DU LITRE D’ESSENCE (en $/litre, 2010)

Guinée équatoriale

19 998 Burundi

192

ESPÉRANCE DE VIE

(en années, 2009)

Cap-Vert

74

Centrafrique Sierra Leone Guinée-Bissau

47

ABONNÉS À FACEBOOK

(en % de la population)

Cap-Vert

Sénégal

Nigeria

RD Congo

1,84 0,44 JEUNE AFRIQUE

PIB/HABITANT (en $, 2010)

4,4 (620 260 abo.) 1,29 (915 400 abo.)

Manque d’infrastructures, culture d’entreprise moins développée, carences de la gouvernance… Dans un dossier de huit pages, Jeune Afrique explique pourquoi les États subsahariens adeptes de la langue de Molière sont souvent distancés par leurs voisins anglophones.

ALAIN FAUJAS

S

ans aucun doute, l’Afrique subsaharienne francophone perd du terrain sur sa sœur anglophone, même en excluant l’Afrique du Sud. Sur les terres – plutôt dans l’ouest du continent – où fleurit la langue de Molière, c’est la langueur qui domine ; de Dakar à Yaoundé et Kinshasa, on rêve d’émigration. Sur les terres – plutôt dans l’Est – où règne celle de Shakespeare, l’activité est trépidante ; d’Accra à Lagos et Nairobi, on fourmille de projets et on règle ses factures d’un clic ou par téléphone. Pour mesurer ce décalage, laissons de côté la corruption et les conflits ethniques, des fléaux aussi répandus dans l’une de ces deux Afrique que dans l’autre. Oublions l’exception d’un Zimbabwe longtemps à la dérive, où les folies économiques d’un pouvoir autocratique avaient déchaîné une inflation de 200 000 000 %. Et tournons-nous vers les chiffres globaux. Ils sont implacables. Les pays francophones pèsent 19 % du produit intérieur brut moyen de l’Afrique subsaharienne, quand les anglophones en représentent 47 % (hors Afrique du Sud). Les pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), à dominante francophone, croissent à la cadence de 3,4 % en moyenne par an depuis dix ans, et ceux de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), à dominante anglophone, à 5,4 %. Selon le classement du rapport « Doing Business » de la Banque mondiale, qui mesure la qualité de l’environnement des affaires, les Africains anglophones sont plus favorisés que leurs frères francophones:illeurestplusfaciledecréerdesentreprises, de dédouaner leurs importations et d’obtenir le N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

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138

Économie paiement de leurs créances. Les communications téléphoniques coûtent au Bénin quatre cents fois plus cher qu’au Ghana. En ce qui concerne le développement humain, sept des dix pays les plus mal classés (sur 187) par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) sont des États africains francophones, et l’on retrouve trois d’entre eux aux trois dernières places : le Burundi, le Niger et la RD Congo.

ou des transports les politiques ont été plus conservatrices en matière de tarifs, explique-t-il. Cela a généré un déficit en infrastructures – aveuglant dans le cas du Cameroun ou du Sénégal – qui a un impact fort sur le développement. » Thierry Tanoh, vice-président pour l’Afrique subsaharienne de la Société financière internationale (SFI, du groupe Banque mondiale), le rejoint sur ce point : les infrastructures sont, avec la taille des marchés, les deux grandes faiblesses des pays francophones. Des carences qu’il illustre par des anecdotes : « La patronne d’une entreprise agroalimentaire du Niger se désespère, raconte-t-il, parce qu’elle a atteint son plein développement sur son marché national limité et qu’il lui est impossible d’exporter les produits qu’elle serait en mesure de fournir en raison des obstacles réglementaires et des coûts de transport. » Autre exemple, ce transporteur de cacao, habitant lui aussi un pays francophone, lui aussi désespéré: « Normalement, un camion s’amortit sur trois ans, rappelle Thierry Tanoh. En raison du très mauvais état des routes dans son pays, son matériel est hors d’usage en un an. Il y a de quoi décourager les investisseurs, qui visent évidemment le moindre risque. »

IRRÉMÉDIABLE ? Le développement dépend d’une foule de facteurs ; le non-développement aussi. Cinq experts de l’Afrique ont accepté de séparer l’important de l’accessoire, de distinguer les freins Les communications institutionnels des pesanteurs téléphoniques coûtent culturelles et d’analyser les mauquatre cents fois plus cher vaises habitudes à la lumière des questions monétaires ou géoau Bénin qu’au Ghana. politiques afin de répondre à ces lancinantes questions : d’où vient ce handicap ? Est-il irrémédiable ? Pour Jean-Michel Severino, gérant du fonds Investisseur et Partenaire pour le développement, consacré aux PME africaines, et ancien directeur général de l’Agence française de développement (AFD), ce sont les conflits qui ont plombé « TRAVAILLER ENSEMBLE ». Les pays francol’Afrique francophone. « Deux de ses grands pays, phones sont trop petits et trop peu peuplés. « Si l’on la RD Congo et la Côte d’Ivoire, ont connu au cours exclutlaRDCongo,ilfautreconnaîtrequelesgrands de la dernière décennie des troubles majeurs qui pays africains sont anglophones ou lusophones, ont affecté le développement de toute la zone, poursuit-il. L’intégration des marchés est donc la alors que celle-ci avait connu depuis les indépenseule solution pour compenser ce handicap. Or si dances une progression comparable à celle des les organisations intégratrices sont nombreuses pays anglophones. » dans la zone francophone, en réalité ce sont les Le franc CFA lui semble aussi avoir été un faranglophones, avec la SADC [Communauté de développement de l’Afrique australe, NDLR] et deau, bien qu’il ait mieux contenu l’inflation que les monnaies non alignées sur l’euro. « Durant la dernière décennie, le franc CFA a été fort, souligne l’ancien directeur général de l’AFD, et on peut imaginer que les pays aux monnaies flottantes se sont mieux adaptés que ceux utilisant cette monnaie commune. Mais s’il a défavorisé les exportations, ce n’est pas tant le niveau du franc CFA que son régime qui est en cause, car celui-ci induit une évolution monétaire déconnectée de la conjoncture africaine. Il faudra que les responsables africains réfléchissent sereinement aux bons mécanismes à lui substituer, mais qui ne devront ni mettre fin à l’union monétaire Un magnat d’Afrique francophone, c’est : régionale ni couper totalement les liens entre l’euro et le franc YÉRIM SOW JEANLOUIS BILLON COLIN EBARKO MUKETE CFA. » • 45 ans • 47 ans • 56 ans Dernière explication, pour • Sénégalais • Ivoirien • Camerounais Jean-Michel Severino : les • Très discret, il a bâti sa • Sa famille détient 44 % de • Il détient 30 % de MTN infrastructures, plus défifortune, estimée à plus Sifca (557 millions d’euros Cameroon (CA estimé à cientes en terre francophone. de 200 millions d’euros, de CA en 2010). Il est aussi à 380 millions d’euros en 2010) « Je suis frappé de voir que dans dans les télécoms, la la tête de Sifcom, actionnaire et un groupe de communication banque et l’immobilier. d’Orange Côte d’Ivoire. (télévision, internet, publicité). le domaine de l’énergie, de l’eau N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

JEUNE AFRIQUE


Pourquoi les francophones sont à la traîne

Les 5 premiers aéroports subsahariens (millions de passagers en 2009)

Lagos: 5,6

Abuja: 3,2 Khartoum: 2,1

Les 5 premiers ports subsahariens (Nombre de conteneurs équivalent vingt pieds en 2010)

Lagos: 750000 Mombasa: 615000 Tema: 555000 Dakar: 460000

surtout le mode de financement des États. « Dans les pays de l’Ouest africain où la rente générée par les produits de base minéraliers et énergétiques est omniprésente, l’argent ne passe pas par les citoyens, mais va directement des sociétés minières et pétrolières vers les gouvernements, explique-t-il. Ce processus procure bien des occasions de “capture” de cette rente dans un système très opaque. Il n’implique pas les populations qui ne paient pas d’impôts, faute de revenus, et qui sont donc peu soucieuses du bon emploi des deniers publics. » L’argent serait moins facile en terre anglophone, ce qui expliquerait non seulement une moindre gravité des conflits, mais aussi un contrôle réel des gouvernants, deux facteurs d’efficacité macroéconomique. Enfin, Shanta Devarajan souligne que les francophones sont plus souvent enclavés que les anglophones et qu’il leur en coûte donc plus pour commercer en raison des insuffisances criantes des infrastructures. « Le port de Lomé ne fonctionne pas correctement et ce sont les pays de l’hinterland qu’il dessert qui en paient le prix fort, dit-il. Les pays les plus dynamiques en Afrique sont des pays côtiers. » Si l’on résume ces analyses, on découvre sans surprise que les causes du retard de l’Afrique francophone sont connues de longue date et ● ● ●

Un magnat d’Afrique anglophone, c’est : ALIKO DANGOTE

• 54 ans • Nigérian • L’homme le plus riche d’Afrique est à la tête d’un empire de 7,7 milliards d’euros, notamment dans le ciment et la minoterie. Son dernier projet : créer onze cimenteries au sud du Sahara. JEUNE AFRIQUE

MIKE ADENUGA

• 58 ans • Nigérian • « The Guru » possède un pactole de 3,3 milliards d’euros, acquis dans les télécoms (Globacom), le pétrole (Conoil) et la banque (Equitorial Trust Bank).

UHURU KENYATTA

• 50 ans • Kényan • Le patrimoine du vice-Premier ministre et ministre des Finances s’élève à 384 millions d’euros, acquis dans l’agriculture, la banque, l’immobilier et les médias. N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

DR ; VINCENT FOURNIER/J.A. ; ONYISI ; NOOR KHAMIS/REUTERS

Addis-Abeba: 3,5

Abidjan: 648000

francophone, il pointe d’abord le fait que les pays de l’Ouest « disposent d’importantes ressources naturelles, richesse qui est corrélée avec leur fragilité née de la multiplication des conflits, plus graves qu’en Afrique de l’Est ». Mais ces conflits ne concernent pas que les pays francophones : la Sierra Leone et le Liberia, notamment, ont été ravagés par les combats. SYSTÈME OPAQUE. Shanta Devarajan incrimine

Nairobi: 5

SOURCES: ISMAR, CNUCED

l’EAC, qui sont les plus actifs pour regrouper leurs forces, alors qu’ils n’ont pas la même monnaie ! » Pour Anthony Bouthelier, président délégué du Conseil français des investisseurs en Afrique (Cian), si les entreprises hexagonales mettent le cap sur les pays anglophones, comme Lafarge ou L’Oréal, c’est aussi parce que « la régionalisation des marchés fonctionne plutôt mieux que dans l’ouest du continent ». « Le Kenya, l’Ouganda, le Rwanda, le Mozambique donnent l’impression de vouloir travailler ensemble », ajoute-t-il. Mais pour lui, la psychologie collective compte aussi : « Les pays de culture anglo-saxonne sont plus orientés vers les affaires et l’esprit d’entreprise ; leurs habitants ont moins envie de devenir fonctionnaires que les Africains de culture française. » C’est aussi ce que relève Serge Michailof, professeuràl’Institutd’étudespolitiquesdeParis,etancien de la Banque mondiale et de l’AFD. Assurément, dit-il, « la formation des élites dans les pays anglophones, en particulier des élites administratives, y est pour quelque chose, puisqu’on y inculque la conviction que le business privé est essentiel pour le processus de développement. La formation dispensée par des enseignants très gauchisants en France ne va pas du tout dans le même sens… » Serge Michailof ajoute que « le franc CFA surévalué a joué un rôle très négatif, mais c’est surtout son caractère déresponsabilisant qui a été nuisible, car il est piloté par l’ancienne puissance coloniale ». Shanta Devarajan, économiste en chef pour l’Afrique à la Banque mondiale, est plus nuancé. Il estime que l’écart entre ces deux blocs linguistiques est « moins fort qu’on ne le dit » et que les pays anglophones ont connu eux aussi des années difficiles. Parmi les causes de la langueur

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VERBATIM

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JEAN-MICHEL SEVERINO Gérant d’Investisseur et Partenaire pour le développement, ancien directeur général de l’Agence française de développement

« Dans l’énergie, l’eau ou les transports, les politiques ont été plus conservatrices en matière de tarifs [en Afrique francophone]. Cela a généré un déficit en infrastructures. » THIERRY TANOH Vice-président de la SFI (groupe Banque mondiale) pour l’Afrique subsaharienne

« Si l’on exclut la RD Congo, les grands pays africains sont anglophones ou lusophones. L’intégration des marchés est la seule solution pour compenser ce handicap. » ANTHONY BOUTHELIER Président délégué du Conseil français des investisseurs en Afrique (Cian)

« Les pays de culture anglo-saxonne sont plus orientés vers les affaires et l’esprit d’entreprise ; leurs habitants ont moins envie de devenir fonctionnaires. » SERGE MICHAILOF Professeur à l’Institut d’études politiques de Paris

« Le franc CFA surévalué a joué un rôle très négatif, mais c’est surtout son caractère déresponsabilisant qui a été nuisible, car il est piloté par l’ancienne puissance coloniale. » SHANTA DEVARAJAN Économiste en chef pour l’Afrique de la Banque mondiale

VINCENT FOURNIER/J.A.

« Dans les pays de l’Ouest africain, l’argent va directement des sociétés minières et pétrolières vers les gouvernements. Cela procure bien des occasions de “capture” de cette rente. » N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

que leurs remèdes figurent dans les refrains serinés par les organismes multilatéraux pour accélérer le développement d’un continent longtemps laissé à l’écart. Évidemment, le franc CFA est un problème. Certes, il sert de ciment aux francophones, mais on constate – comme dans le cas de l’euro – qu’une monnaie sans gouvernance ni vision communes peut se révéler un handicap, surtout quand elle est pilotée depuis Paris. L’exemple des pays d’Afrique de l’Est, vastes et peuplés, démontre que les investissements et la richesse se dirigent là où les consommateurs sont nombreux. Pour l’Afrique de l’Ouest, cela implique d’aller au-delà de la simple suppression des frontières et de déboucher sur une intégration des politiques budgétaires, tâche héroïque que l’Europe elle-même a beaucoup de mal à mener à bien. C’est ●●●

Le franc CFA sert de ciment, mais une monnaie sans vision ni gouvernance communes peut se révéler un handicap. pourquoi l’on écoutera le commissaire européen Michel Barnier, qui a appelé, le 15 décembre à Genève, « le continent immense qu’est l’Afrique à organiser et à mutualiser ses marchés pour qu’ils deviennent des marchés communs ». Un conseil de connaisseur. On ne s’étonnera pas que la quête de la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption se retrouvent en tête des remèdes que l’Afrique francophone a intérêt à appliquer pour éviter que ses matières premières ne se changent en malédictions économiques et politiques. La rente doit être d’appropriation publique et contrôlée par les citoyens. TENTATIONS DE L’ASSISTANAT. On ne rappellera

jamaisassezquelesinsuffisancesdesinfrastructures routières, ferroviaires, portuaires et énergétiques étranglent la croissance, en Afrique francophone plus qu’ailleurs. C’est vers elle que doivent se diriger en priorité les 31 milliards de dollars (près de 24 milliards d’euros) supplémentaires dont aurait besoin chaque année l’Afrique subsaharienne, selon une étude de la Banque mondiale, pour mettre ses infrastructures au niveau de ses besoins. Reste l’éducation. C’est elle qui peut promouvoir l’esprit d’entreprise et chasser les tentations de l’assistanat. C’est elle qui donnera aux classes moyennes en cours d’émergence à Dakar, Lomé ou Brazzaville l’envie de créer de la vraie richesse – et non de subir la misère – et les outils pour le faire. Les Africains francophones n’ont pas encore perdu, à condition que leurs gouvernants, leurs banques, leurs enseignants et leurs élites jouent le jeu de l’ouverture et de la modernité. Banal, donc faisable. ● JEUNE AFRIQUE


Pourquoi les francophones sont à la traîne

Gouvernance Chacun ses points forts Sur le terrain des affaires, les pays proches des Anglo-Saxons ont une nette avance. Dans le domaine politique, la lutte est plus serrée.

E

Quand il s’agit de gouvernance n matière de corruption, économique, en revanche, les difles pays anglophones ne férences apparaissent nettement. se distinguent guère des francophones: le dernier Cinq des six dernières places du classement de l’ONG Transparency classement « Doing Business » International loge la majorité des 2012, établi par la Banque monSubsahariens à la même mauvaise diale, sont occupées par des enseigne. Parmi les États montrés de longévité moyenne pays francophones : le Tchad, des chefs d’État en du doigt, on trouve des adeptes la République centrafriAfrique de l’Ouest de la langue de Molière (Burundi, caine, le Congo, la Guinée et (11,5 en Afrique RD Congo, Tchad, Guinée) comme la RD Congo. Ses détracteurs de l’Est) de celle de Shakespeare (Soudan, dénoncent l’inspiration libérale Zimbabwe) ou de Cervantès anglo-saxonne du classement ; (Guinée équatoriale). Et parmi les reste qu’il prend en compte des quelques bons élèves, un anglocritères peu contestables, la faciphone, le Botswana (32e sur 182), lité à créer une entreprise et les mais aussi un lusophone, le Cappratiques concurrentielles. Vert (41e) et un adepte du multilinMais si des pays comme le guisme comme le Rwanda (49e). Rwanda ou le Liberia, proches des

6 ans

Partager g le sourire e de millions de planteurs planteu urs En tant que leader international et Chef de file mondial dans la gestion de la « Supply Chain », Olam a engagé des partenariats avec les planteurs en Afrique et dans les pays émergents. Nous nous basons sur notre Charte de Développement Durable « Livehood Charter » pour créer un partenariat gagnant avec les planteurs, basé sur la transparence et la confiance. Nous

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Anglo-Saxons, ont choisi la voie de l’ouverture économique, les francophones se distinguent par leur participation à des démarches mettant en avant le rôle de coordinateur de l’État. Ainsi, parmi les 21 pays africains suivant les démarches de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE, qui vise la publication par les autorités et les entreprises des revenus tirés du sous-sol), 14 sont francophones. Et sur le plan démocratique, les différences s’observent plutôt à l’échelle régionale que linguistique. Avec la vague d’alternance en Afrique de l’Ouest, la longévité moyenne des chefs d’État de la région est tombée à 6 ans… contre 11,5 ans en Afrique de l’Est et 14,5 ans en Afrique centrale. La langue ne fait rien à l’affaire. ● CHRISTOPHE LE BEC

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Économie « La Bourse régionale des valeurs mobilières d’Abidjan, ajoute-t-il, a été créée en misant sur les privatisations dans la sous-région. Et il n’y a pas eu de réelle stratégie pour inciter les entreprises à y recourir. » LES PME OUBLIÉES. « La BRVM

JACOB SILBERBERG/PANOS-REA

Dans la salle des marchés du NIGERIAN STOCK EXCHANGE, à Lagos.

Bourse Le fossé Les places financières de la zone franc peinent à exister face à leurs concurrentes régionales. La faute à des blocages culturels, mais aussi à un manque de volonté politique.

N

airobi,Lagos,Gaborone (Botswana), ou encore Accra : en zone subsaharienne (hors Afrique du Sud), les Bourses des pays anglophones comptent plus de sociétés cotées, affichent de plus fortes capitalisations et attirent plus d’investisseurs étrangers que les places francophones, bien plus étroites et peu animées. À la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM, baséeàAbidjan),quiregroupepourtant les huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), les introductions sont rares et les volumes échangés bien maigres (voir tableau). La situation n’est guère plus brillante au Douala Stock Exchange et encore moins à la Bourse des valeurs mobilières d’Afrique centrale (BVMAC, basée à Libreville), sauvée de justesse de la fermeture cette année grâce à une recapitalisation de 3 milliards de F CFA (4,6 millions d’euros). Si ces problèmes de visibilité ne sont pas l’apanage des Bourses francophones, comme les experts le reconnaissent, c’est en revanche pour elles qu’ils se posent avec le N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

plus d’acuité. Lorsqu’à la BRVM la valeur des transactions atteint à peine le million de dollars par jour (environ 765 000 euros), elle approche 5 millions de dollars à Nairobi. Et tandis qu’on compte 80 transactions par jour à Abidjan, on en recense 150 à Accra et près de 3 000 à Nairobi. D’après Cyrille Nkontchou, le fondateur de la plateforme financière et boursière Liquid Africa, consacrée aux marchés africains, la première raison de ce décalage est « d’ordre culturel ». Il n’est pas dans la mentalité des chefs d’entreprise et des épargnants des pays francophones de se rendre sur les places financières pour se financer ou y investir. De fait, quand 217 sociétés sont cotées à Lagos et 55 à Nairobi, on n’en dénombre que 39 à Abidjan (en majorité des filiales de groupes étrangers), 3 à Douala et… aucune à Libreville(seullemarchéobligataire y est développé). Mais au-delà de l’aspect culturel, « il manque une réelle volonté politique » en Afrique francophone, affirmeunéconomistedelaBanque africaine de développement (BAD).

est la seule Bourse en Afrique qui ne dispose pas de compartiment destiné aux PME », souligne SamuelMaréchal,PDGdeMaréchal & Associés Finance, un cabinet qui a piloté l’introduction de Pétro Ivoire (Côte d’Ivoire) et de Money Express (Sénégal) sur la place parisienne, en septembre et en octobre. Annoncé depuis 2008, le projet de création d’un marché moins réglementé destiné aux PME-PMI peine à se concrétiser face aux hésitations du Conseil régional de l’épargne publique et des marchés financiers (CREPMF), régulateur de la BRVM. Pour ne rien arranger, ce dernier tente d’instaurer une nouvelle règle obligeant les sociétés à se faire noter par une agence avant toute entrée en Bourse. Objectif : rassurer les investisseurs. « Si une telle règle peut se justifier pour les émissions obligataires des États, elle découragera les entreprises et provoquera même la sortie de celles qui sont déjà cotées », redoute-t-on à la direction de la BRVM. Pendant ce temps, au Ghana, les autorités ont signéunaccordavecFidelityCapital Partners, un fonds de capital-risque qui gère un portefeuille de près de 32 millions de dollars en Afrique de l’Ouest, pour promouvoir les PME et leur future cotation. ● STÉPHANE BALLONG

Abidjan, un poids plume régional Bourses (données au 31.12.2010)

BRVM

(Abidjan)

Ghana Nairobi Nigerian SE SE SE

Capitalisation (en milliards de dollars)

6,9

13,68

14,49

66,2

Nombre de sociétés cotées

39

36

55

217

Nombre de sociétés d’intermédiation

21

20

50

206

Nombre de transactions en 2010

23 000

31 674

721 367

1 913 000

Valeur des transactions en 2010 (en millions de dollars)

220

102

1 369

5 290

JEUNE AFRIQUE

SOURCES : BRVM, ASSOCIATION DES BOURSES AFRICAINES

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Bâtir aujourd'hui la richesse de demain

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Économie

PAUL GAPPER/ALAMY

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BASÉ À NAIROBI, SAFARICOM est l’un des pionniers du paiement via les téléphones mobiles.

Entreprises Toutes à la conquête du continent

commercedegrosetdedétailaainsi ajouté 2 points de croissance au PIB (7,4%pourletrimestre,contre8,4% pour l’ensemble de l’année 2010). Avec trois principales sociétés, cotées à Lagos, dans le raffinage et la distribution de sucre (Dangote Sugar), la fabrication de farine et de pâtes (Dangote Flour Mills) et le ciment (Dangote Cement), Aliko Dangote, première fortune d’Afrique, a ainsi basé sa réussite sur des produits de consommation courante – et subventionnés – dont les ventes ont été boostées par la hausse du pouvoir d’achat. Selon le National Bureau of Statistics, le revenu par habitant a doublé entre 2004 et 2010. PIONNIER. À une échelle moindre,

le Kenya (environ 40 millions d’habitants) domine l’Afrique de l’Est. Malgré une inflation à deux chiffres, les entreprises du pays bénéficient De moins en moins timides, les sociétés francophones élaborent des de son retour à la croissance depuis stratégies internationales. Mais elles partent avec du retard. Profitant de 2010. Le tourisme, les services leurs marchés plus vastes, les nigérianes et les kényanes dominent. financiers, les télécommunications et l’immobilier sont les secteurs les ue les géants de l’écoagroalimentaire – Flour Mills of plus dynamiques. nomie sud-africaine ou Nigeria, Sifca (Côte d’Ivoire) – et La poussée de la consommation Des géants ceuxsituésdanslenorddu transport aérien – Kenya Airways, bénéficie au leader national des subsahariens télécoms, Safaricom, qui s’est taillé continent soient exclusn’y Ethiopian Airlines. (hors Afrique du Sud) change rien. La bagarre au sommet une réputation internationale de Ces champions font partie des entre les champions francophones, pionnier dans le transfert d’argent 500 plus grandes entreprises du anglophones et même lusophones à partir d’un mobile (avec son continent (voir le hors-série de oppose toujours les acteurs des service M-Pesa). Si le groupe, Jeune Afrique « Les 500 premières détenu à 40 % par le brimêmes secteurs. L’angolais entreprises africaines »). Mis à part milliards d’euros tannique Vodafone, subit Sonangol, le nigérian Oando, la Sonangol (qui se classe deuxième Le chiffre d’affaires de la guerre des prix lancée Sociétéivoiriennederaffinage(SIR), derrière l’algérien Sonatrach, avec Sonangol, premier le kényan KenolKobil ou encore un chiffre d’affaires de 16,8 milliards par son concurrent indien groupe d’un pays les camerounais Société nationale d’euros), ils ont affiché en 2010 un Bharti Airtel, il se développe lusophone des hydrocarbures et Sonara le chiffre d’affaires (CA) compris entre en misant sur les services à démontrent: les groupes pétroliers près de 570 millions d’euros pour valeur ajoutée (échanges de dominent de la tête et des épaules Sifca et 3,8 milliards d’euros données, SMS, services financiers), le classement des premières entrepour MTN Nigeria. qui représentent 31,7 % de son CA prises africaines. La présence aux pour le semestre clos au 30 sepmilliards d’euros avant-postes de miniers, comme CONSOMMATION. L’écart tembre, contre 25,2 % sur la même Le chiffre d’affaires de le zambien Konkola Copper Mines de revenus entre Sifca et MTN Nigeria, première période en 2010. ou le gabonais Comilog, confirme MTN Nigeria reflète la large Parmi les 50 premiers groupes entreprise d’un pays la suprématie des industries domination des grands de la sous-région, on compte anglophone extractives. groupes anglophones. À 27 kényans, avec KenolKobil, Et ce sont toujours des mêmes commencer par ceux venus Safaricom et Kenya Airways sur activités que viennent les outsidu Nigeria et du Kenya, les deux le podium. Mais ceux-ci ne se ders : télécoms – MTN Nigeria, principaux marchés. Les entrecantonnent pas dans leurs Sonatel (Sénégal), Safaricom prises nigérianes peuvent miser frontières. KenolKobil milliard d’euros (Kenya) –, matériaux de construcsur le dynamisme de la plus grande se place chez les nouLe chiffre d’affaires de la Société ivoirienne veaux producteurs de tion – Dangote Cement (le nigééconomie d’Afrique de l’Ouest, avec de raffinage, premier près de 160 millions d’habitants. pétrole voisins : après rian est le numéro un africain), groupe d’un pays Bamburi Cement (Kenya) –, Au troisième trimestre 2010, le l’Ouganda et le Rwanda, il francophone

Q

16,8

3,8

1,5

N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

JEUNE AFRIQUE


Coulisses

MORCELÉ. Dans l’Ouest, les entre-

prises francophones sont confrontées à un paysage plus morcelé. Pas de grands marchés comme le Nigeria ou le Kenya, mais de petits États.C’estl’undesprincipauxfreins au développement des entreprises, qui les pousse à sortir de leurs bases. Fort d’une part de marché de 61 % au Sénégal, l’opérateur historique Sonatel s’est imposé comme un acteur majeur des télécoms en Afrique de l’Ouest. Numéro un au Mali, avec 69 % de parts de marché, la filiale de France Télécom (42,3 % du capital) est également présente en Guinée et en Guinée-Bissau. Le Niger pourrait être une nouvelle destination. Une stratégie d’internationalisation qui n’entame pas les résultats du groupe Sonatel, avec un chiffre d’affaires record en 2010 (913 millions d’euros) et une marge opérationnelle (Ebitda) de 54 %. Volontéidentiquepourlepremier groupe privé ivoirien, qui réalise encore 85 % de son activité dans son pays. Après la crise, Sifca reprend son offensive en Afrique de l’Ouest, notamment dans l’hévéa et l’huile de palme. En 2011, le groupe devrait atteindre une production de 88000 t de sucre, 260000 t d’huile de palme et 140000 t de caoutchouc sec. Pour diversifier ses approvisionnements, il n’hésite pas poser des jalons en terre anglophone, au Ghana, au Liberia et au Nigeria. Sa filiale libérienne, qui a plus que triplé la surface de ses plantations d’hévéa, s’est engagée à construire une usine de caoutchouc et à investir 25 millions d’euros sur les dix prochaines années. Étapes suivantes: la Guinée et le Sénégal. Mais il en faudra plus pour concurrencer les géants anglophones. ● JEAN-MICHEL MEYER JEUNE AFRIQUE

FOTOLIA

s’implantera bientôt au Soudan du Sud. Omniprésente dans le ciel africain, Kenya Airways possède un relais dans la sous-région avec la compagnie tanzanienne Precision Air, dont le CA a été multiplié par 1,5 entre 2008 et 2010 (56,6 millions d’euros). Moins connus, le brasseur East African Breweries ou les supermarchés Nakumatt se sont implantés dans presque tous les pays d’Afrique de l’Est.

Entreprises

MALI EXPORTATEUR DE SUCRE DÈS 2012 Avec le démarrage prochain de deux usines, le pays devrait devenir dès 2012 un exportateur de sucre. Détenue à 60 % par la Chine et à 40 % par le Mali, la sucrerie de Sukala, dans la région de

S

M

marchés

Ségou (Centre), se prépare pour le lancement de ses activités en marsavril. Dotée d’une capacité de production annuelle de 100000 t de sucre blanc et de 9,3 millions de litres d’alcool, elle représente un investissement de 22 milliards de F CFA (33,5 millions d’euros). Toujours dans la région de Ségou, le complexe agro-industriel de Markala devrait aussi être lancé en 2012. Il vient de bénéficier d’un prêt de 10 milliards de F CFA de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) pour l’aménagement de 14000 ha en vue de produire 1,48 million de tonnes de canne à sucre par an. Le Mali produit environ 35000 t de sucre par an et en consomme près de 150000 t. Ces deux usines devraient donc plus que couvrir le déficit. ●

• ALGÉRIE (1) Les importations atteignent 42,63 G$ sur les 11 premiers mois (+ 16,83 %) • ALGÉRIE (2) Associé à la Banque extérieure d’Algérie et au Fonds national d’investissement, l’assureur AXA lance sa filiale • BURKINA FASO

S•

Le canadien Sarama Resources investit 16,7 M$ dans l’exploration aurifère CEDEAO La BIDC accorde un prêt de 4,6 M€ au pétrolier guinéen Bisary Gaz

Service • CAMEROUN Victoria Oil & Gas a vendu sa première production

locale de gaz et prévoit d’atteindre 44 M de pieds cubes par jour en 2014

ANGOLA MALVERSATIONS PÉTROLIÈRES Le Fonds monétaire international (FMI) s’étonne de la disparition mystérieuse de 32 milliards de dollars (24,1 milliards d’euros) des comptes publics angolais entre 2007 et 2010, soit 25 % du PIB, selon l’institution. Une partie de cette somme (7,1 milliards de dollars), déjà identifiée lors d’une enquête menée par les autorités auprès de la société pétrolière nationale, Sonangol, semble avoir été versée sur des comptes à l’étranger. Selon le FMI, les investigations se poursuivent. ● TUNISIE YAZAKI QUITTE GAFSA Alors qu’il avait annoncé en 2009 vouloir créer plus de 5 000 emplois en Tunisie, l’équipementier automobile et câblier japonaisYazaki a annoncé le 20 décembre la fermeture définitive de ses installations dans la région de Gafsa. En cause, la grève des 15 et 16 décembre, qui aurait entraîné le

paiement d’importantes pénalités à ses clients. S’il fuit laTunisie, le japonais agrandit ses usines marocaines deTanger et Kenitra, où il compte déjà 5 000 salariés, en prévision du démarrage de l’usine RenaultTanger Med. ● LIBYE PATRONS FRANÇAIS EN VISITE Le secrétaire d’État français au Commerce extérieur, Pierre Lellouche, était àTripoli du 20 au 22 décembre, accompagné d’une centaine de chefs d’entreprise. À cette occasion, Airbus a repris contact avec Afriqiyah et Libyan Airlines pour la livraison d’appareils commandés avant la guerre, et Air France a signé un contrat de maintenance avec ces compagnies. La délégation comptait aussi des responsables de groupes de BTP (Vinci), de logistique (Bolloré), ainsi que des sociétés bancaires (BNP Paribas), pharmaceutiques (Sanofi) et pétrolières et gazières. ● N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

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Décideurs

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INTERVIEW

Ridha Saïdi

MINISTRE DÉLÉGUÉ CHARGÉ DES QUESTIONS ÉCONOMIQUES

« Nous voulons faciliter l’implantation d’entreprises étrangères en Tunisie » Tout juste nommé dans le nouveau gouvernement tunisien, Ridha Saïdi défend l’approche à la fois sociale et libérale de son parti Ennahdha. Un projet qui peine encore à convaincre les décideurs.

social. Les paroles du Prophète insistent sur ce point : celui qui n’a pas de moyens de transport ou de maison, il faut l’aider. Nous défendons une approche globale. Ennahdha signifie « renaissance ». Elle doit être culturelle, sociale et économique. Sur le plan économique, quels seront vos axes d’action majeurs?

Tout d’abord combattre le chômage, mais aussi assurer l’équité sociale, lutter contre la corruption et rétablir un équilibre régional dans le budget de l’État. Avec l’ancien régime, 80 % des ressources étaient allouées à 20 % du territoire [régions côtières, NDLR].

ONS ABID POUR J.A.

Et vos priorités en matière d’emploi ?

M

embre du bureau exécutif du parti Ennahdha, Ridha Saïdi, 49 ans, a été nommé le 22 décembre ministre délégué chargé des dossiers économiques. Drôle de destin pour ce militant, ingénieur de formation, ancien directeur régional de la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (Steg), détenu seize ans par l’ancien régime pour son engagement politique. Désormais superconseiller du chef du gouvernement, Hamadi Jebali, il doit défendre les orientations de son mouvement au sein du nouvel exécutif né de l’accord politique avec Ettakatol (gauche) et le Congrès pour la République (gauche nationaliste). À la fois sociale et libérale, la politique de relance N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

des islamistes entend développer les emplois publics et les grands travaux tout en favorisant l’investissement privé. Aujourd’hui, les observateurs attendent la mise en œuvre de ces grands principes. Mais le financement de ce plan d’action reste flou, et l’idéologie islamiste est encore anxiogène pour beaucoup de décideurs. JEUNE AFRIQUE: Le siège d’Ennahdha est situé dans un quartier d’affaires, est-ce un signe ? RIDHA SAÏDI : L’économie est

une des composantes principales de notre vision de la société, car il n’y a pas de vie digne sans travail. Avoir notre siège dans un quartier d’affaires, c’est être proches des acteurs économiques. Mais le développement doit aussi être

À TUNIS, DANS LES LOCAUX

D’ENNAHDHA,

le 21 décembre.

L’État doit prendre en charge une partie de la demande en créant entre 30 000 et 40 000 postes dans l’administration et les entreprises publiques comme la Steg ou la Société nationale d’exploitation et de distribution des eaux (Sonede). Des milliers de postes seront également offerts grâce aux projets de construction d’infrastructures que nous projetons de réaliser. Toutes ces embauches ne risquentelles pas de nuire à la performance des entreprises publiques ?

Le taux d’encadrement de ces entreprises est faible. Pour les moderniser et améliorer leur gouvernance, il faut du sang neuf. Quels sont vos projets dans les infrastructures ?

Il y a le prolongement de l’autoroute située au nord-ouest vers l’Algérie et la construction de celle qui reliera Enfidha à Kairouan, Sidi Bouzid, Kasserine et Gafsa, des JEUNE AFRIQUE


Décideurs zones délaissées durant les dernières décennies. Il n’y aura pas d’investissements privés dans ces régions si l’on n’améliore pas les axes de communication. Nous pensons également renforcer le réseau ferré en créant des ramifications vers le sud-ouest et le centre-ouest. Le projet de métro léger [tramway] dans la ville de Sfax est aussi une priorité. Quelle est l’enveloppe pour ces investissements ?

Environ 1,8 milliard de dinars [924 millions d’euros]. Pour les financements, nous avons eu des contacts avec la Banque islamique de développement, le Fonds arabe pour le développement économique et social, la Banque européenne d’investissement. Cette stratégie n’augmentera-t-elle pas l’endettement public ?

Le niveau d’endettement de la Tunisie est d’environ 42 % du PIB, notre but est de ne pas dépasser 47 %. Pour respecter nos engagements, nous voulons mettre en place des solutions alternatives, comme la finance islamique, y compris dans les banques traditionnelles. Le prêteur fait alors partie du projet : il assume les gains, mais aussi les éventuelles pertes. Un comité de réflexion pour un projet de loi sur la finance islamique avait déjà été formé par Jalloul Ayed [ancien ministre des Finances].

Le secteur privé a-t-il encore une place ?

Oui, et elle est essentielle. Nous réfléchissons à assouplir le code des investissements pour faciliter l’installation d’entreprises étrangères. Le pays possède de vrais avantages comparatifs,notammentenmatière de ressources humaines, pour accueillir des unités de production à haute valeur ajoutée dans les technologies de l’information et de la communication(TIC),lesindustries mécaniques et électriques, et le secteur pharmaceutique. Concernant les TIC, nous prévoyons en 2012 la construction d’un nouveau pôle dans la banlieue sud de Tunis pour accueillir des start-up. Nous avons aussi des contacts dans le domaine

Certes, nous sommes un parti islamique, mais un parti modéré. des hautes technologies avec des investisseurs allemands, français, canadiens, turcs et chinois. N’effrayez-vous pas les investisseurs ?

Nous sommes certes un parti islamique, mais modéré, avec la volonté de bâtir une Tunisie ouverte. C’est pour cela que nous réaffirmons notre volonté de renforcer nos liens avec nos partenaires traditionnels de l’Union

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européenne. Ils sont venus nous rencontrer le 7 décembre dernier, ils souhaitaient des éclaircissements sur notre position. Nous les avons rassurés. L’Europe, qui représente 80 % de nos échanges commerciaux, restera notre partenaire privilégié. Nous ambitionnons même d’obtenir à terme un statut avancé [une coopération économique renforcée]. Les investisseurs du Golfe sontils eux aussi vos interlocuteurs privilégiés ?

Effectivement, les Qataris et les Émiratis ont, par exemple, déjà fait des propositions concernant la raffinerie de Skhira pour y investir 1,5 milliard de dinars. Le Qatar suivait déjà ce projet au temps de Ben Ali, mais on lui réclamait un pot-de-vinde700millionsdedinars. Vous avez aussi souhaité rassurer les hommes d’affaires tunisiens…

Tout à fait, nous avons rencontré les responsables de la Bourse de Tunis et du patronat. Les chefs d’entreprise ont eu peur qu’Ennahdha applique la charia. Nous les avons rassurés. Nous soutenons l’investissement privé et nous sommes très attachés à la performance des acteurs économiques. Nous sommes aussi favorables à la Bourse, car elle ne peut que favoriser la transparence et la bonne gestion des sociétés. ● Propos recueillis à Tunis par JULIEN CLÉMENÇOT

HOSSAM KAMAL EGYPTAIR Hossam Kamal prend la suite de Hussein Massoud à la tête d’Egyptair. Ce dernier vient d’être nommé ministre de l’Aviation civile en Égypte.

JEUNE AFRIQUE

HENRY OBI EMPEA Premier président du conseil Afrique de l’Emerging Markets Private Equity Association, Henry Obi est aussi directeur exécutif de Helios Investment Partners.

THOMAS CAMARA SIR Thomas Camara, patron de la Société multinationale de bitume (SMB), succède à Joël Dervain à la tête de la Société ivoirienne de raffinage (SIR).

N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

DR/REUTERS

ON EN PARLE


Marchés financiers avec le quatrième groupe bancaire sud-africain, Nedbank, avance ses pions. Sa filiale française, EBI SA, spécialisée dans le financement des opérations des multinationales en Afrique et des sociétés africaines commerçant avec l’Europe, vient de porter son capital social de 20 à 50 millions de dollars pour se donner plus de moyens. RESTRUCTURATION. Présidé par JOSEPH OKANGA/REUTERS

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MATIÈRES PREMIÈRES

Les difficultés de financement de l’import-export POURRAIENT FAIRE FLAMBER LES PRIX.

Ecobank veut tirer parti de la crise européenne Dans la tourmente, les banques du Vieux Continent devraient réduire leurs crédits aux sociétés de négoce. Libérant ainsi un terrain que le groupe panafricain compte bien investir.

L

a crise de la dette qui sévit en Europe et qui malmène les principales banques du Vieux Continent est en passe de produire son premier effet (indirect) en Afrique. Contraintes de renforcer leurs fonds propres, les banques européennes devraient lever le pied sur le financement des activités d’import-export de matièrespremièresetdeproduitsde base, un secteur qui pourrait alors connaître de graves problèmes en 2012. Les spécialistes tablent sur un resserrement de 25 % à 30 % des crédits accordés aux sociétés de négoce. Le coût du crédit devenant plus élevé, les importateurs pourraient répercuter la hausse sur leurs prix. Et, au final, pénaliser les consommateurs. Déjà, BNP Paribas, Crédit agricole et Société générale, les principaux établissements qui financent ce secteur – avec plus de la moitié des prêts accordés –, ont décidé de réduire significativement la voilure. Ils veulent économiser N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

environ 300 milliards de dollars (près de 230 milliards d’euros) dans ce domaine d’ici à 2013. Le montant total des crédits accordés par ces établissements en Afrique et au Moyen-Orient approche les 500 milliards de dollars par an, selon une récente étude du pôle recherche du groupe Ecobank Transnational Incorporated (ETI). Les analystes affirment que les banques occidentales se concentreront, l’an prochain, sur leurs plus gros clients (Cargill, Glencore…). « Les acteurs de taille plus modeste devraient faire une croix sur toute possibilité d’obtenir un crédit en 2012 », a même déclaré au Financial Times le patron d’une société de négoce. Le terrain cédé par les établissements européens devrait être rapidement occupé par les institutions financières asiatiques (notamment chinoises), mais aussi par des établissements africains. Et en la matière, ETI, qui vient de former un lien capitalistique

230

milliards d’euros C’est le montant que BNP Paribas, Crédit agricole et Société générale veulent économiser d’ici à 2013

le Gabonais Christophe JocktaneLawson, EBI SA, qui a démarré ses activités en juin 2009, multiplie les initiatives pour monter en puissance. « Nous ciblons les activités des grands groupes comme Glencore, Vitol ou encore Trafigura, dont les besoins de paiement à l’international sont importants », affirme Christophe Bourland, le directeur général d’EBI SA. Outre le financement des échanges intercontinentaux, ETI mise sur le commerce régional, qui areprésenté86,2milliardsdedollars en 2010, l’équivalent de 10,9 % des échanges de toute l’Afrique subsaharienne avec le reste du monde. Là aussi, le groupe entend profiter de la restructuration bancaire qui s’opère en Europe et qui devrait se traduire par le retrait de groupes étrangers d’Afrique de l’Ouest. Mais Ecobank a-t-il les moyens de ses ambitions ? Paul-Harry Aithnard, le directeur du département recherche du groupe, répond par l’affirmative. « D’abord, indique-t-il, l’acquisition récente de la banque nigériane Oceanic Bank a permis de renforcer notre assise financière, avec un total de bilan [cumulé, NDLR] de près de 18 milliards de dollars. Ensuite, l’assise géographique du groupe [32 pays] est un véritable atout. » Un

« Nous ciblons les activités des grands groupes comme Glencore, Vitol ou encore Trafigura. » CHRISTOPHE BOURLAND, directeur général d’EBI SA

atout suffisant? ETI devra compter avec les autres banques africaines, notamment avec celles d’Afrique du Sud. Mais l’enjeu est de taille. ● STÉPHANE BALLONG JEUNE AFRIQUE


Baromètre

Vitalait s’hispanise Le groupe ibérique Kaiku acquiert 45 % du capital de la Centrale laitière de Mahdia.

I

l aura fallu un an et demi pour boucler le tour de table : le groupe Kaiku, numéro deux espagnol du segment haut de gamme de la transformation de lait, est entré au capital de la société tunisienne Centrale laitière de Mahdia (CLM, marque Vitalait). La firme ibérique a acquis pour 25 millions de dinars (12,8 millions d’euros) les 45 % détenus par le fonds d’investissement Tuninvest. « Cette opération est le premier investissement étranger depuis la fin de la révolution tunisienne », s’enthousiasme Hakim Khelifa, du groupe Africinvest (maison mère de Tuninvest). La relation entre les deux sociétés n’est pas nouvelle. En 2006, elles ont signé un contrat d’assistance technique pour développer la branche de produits frais de CLM. Fort de ce partenariat, Kaiku a rapidement montré son intérêt pour entrer au capital. « Nous envisagions une cotation sur la Bourse de Tunis, explique Moez Klebi, directeur du contrôle de gestion, nous l’avons retardée pour permettre à Kaiku de nous rejoindre. » En 2010, CLM a affiché un chiffre d’affaires de 126 millions de dinars et prévoit d’atteindre 138 millions de dinars cette année. Il emploie 480 personnes et transforme 120 millions de litres de lait dans son unique usine de Mahdia. « Nous prévoyons de nous développer grâce à cet accord, précise Moez Klebi, mais il est encore tôt pour en parler. » CLM espère notamment reprendre ses exportations en Libye, suspendues à cause de la guerre. ●

Égypte : 2011 finit mal VALEURS

SECTEUR

COURS au 21 décembre (en dollars)

ÉVOLUTION depuis le début de 2011 (en %)

Alexandria Mineral Oils

PÉTROCHIMIE

11,05

+ 71,4

Abu Qir Fertilizers Sidi Kerir Petrochem. Telecom Egypt Orascom Constr. Ind. Orascom Telecom Hold. Eg. Co. for Mobile Services

ENGRAIS

37,25 1,99 2,2 33,78 0,5 14,02

+ 28,2 – 7,4 – 21 – 25,4 – 30,2 – 44,7

3,55 3,32 0,52

– 51,5 – 56,6 – 63,1

NSGB Commercial Inter. Bank Talaat Moustafa Group

PÉTROCHIMIE TÉLÉCOMS CONSTR./ENGRAIS TÉLÉCOMS TÉLÉCOMS BANQUES BANQUES IMMOBILIER

LA BOURSE ÉGYPTIENNE aura fini l’année comme elle l’avait commencée : par une dégringolade. En décembre, la reprise des tensions politiques a même eu raison du rebond enregistré fin novembre. Au final, 2011 se solde sur une lourde perte, l’indice des trente premières capitalisations ayant reculé de 48,1 % (au 20 décembre) et la capitalisation de l’ensemble du

marché ayant fondu de 36,9 %, selon le courtier Kamco. Dans le lot, peu de valeurs sortent indemnes. Les plus touchées ont été les sociétés immobilières et les banques. À l’inverse, les valeurs de la pétrochimie ont bien résisté, comme – plus marginalement – celles de la santé. Alexandria Mineral Oils Co. (Amoc) a ainsi enregistré la meilleure performance du marché en 2011. ●

Valeur en vue GHABBOUR AUTO Espoirs irakiens BOURSE Le Caire • CA 2011 (9 premiers mois) 679 millions d’euros (+ 8,3 %) COURS 20,26 LE (21.12.2011) • OBJECTIF 25,50 LE

AVEC PLUS DE 125 500 véhicules vendus, Ghabbour Auto (GB Auto) est l’un des leaders de la distribution et de l’assemblage automobile en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Représentant de Hyundai (53,8 % du chiffre d’affaires, CA, et 79,7 % de l’Ebit) et de Mazda, il est le leader du marché égyptien des voitures de tourisme. Le management fonde de grands espoirs sur la reprise du pouvoir d’achat en Irak (23,2 % du CA et 13,2 % de l’Ebit), où GB Auto est présent via la marque Hyundai. Déjà, en 2011, l’effondrement du marché Kais Kriaa, égyptien a été compensé par la croissance appréciable analyste financier des ventes irakiennes. GB Auto est aussi le principal chez AlphaMena acteur égyptien sur le marché des véhicules à trois roues. Afin de renforcer sa présence dans le segment des autobus, il a lancé une usine d’assemblage en coentreprise avec l’un des leaders mondiaux du secteur, le brésilien Marcopolo. Enfin, sa branche financement clients contribue de manière croissante aux profits (4,5 % en 2011 contre 0,4 % en 2009). » ●

DR

TUNISIE

Marchés financiers

MICHAEL PAURON JEUNE AFRIQUE

N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

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Dossier

Pétrole & gaz

EXPLORATION-PRODUCTION

L’avenir est au fond L’offshore et l’offshore profond (au-delà de 500 m d’eau) stimulent l’activité. Pour le continent, ils devraient mobiliser plus de 50 milliards d’euros d’investissements dans les cinq années à venir.

MICHAEL PAURON

L

orsqu’en2007lacompagniebrésilienne Petrobras met au jour le gisement de Tupi, par 2 140 m de fond, le secteur se retrouve en ébullition, comme sorti de sa léthargie. Ce champ recelant 5 à 8 milliards de barils de réserves (40 % des réserves nationales) a placé le pays sud-américain parmi les premiers producteurs de la planète. Une prouesse technique, puisque, en plus de la profondeur d’eau, le pétrolier est allé forer 3 000 m de sable et de roche, puis 2 000 m de sel (antésalifère). De l’autre côté de l’Atlantique, la découverte brésilienne a réveillé les appétits. Le français Total ne cache plus son enthousiasme pour ses projets en Angola, où il a acquis de nouveaux blocs (il est déjà le premier opérateur du pays). Objectif: explorer là aussi les couches antésalifères, sur une zone considérée comme le miroir de la côte brésilienne. « Le golfe de Guinée fait partie du “triangle d’or” [côte ouest-africaine, golfe du Mexique, Brésil, NDLR], et, dans sa partie sud, les zones antésalifères sont une cible clé à fort potentiel, pas encore totalement testée », explique N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

La région attire les projets Répartition géographique des programmes d’infrastructures sous-marines à venir (prévisions, en %)

ainsi Duncan Clarke, le PDG du cabinet de conseil Global Pacific and Partners. L’anecdote sud-américaine révèle surtout une nouvelle donne: l’activité offshore, qui génère plus du quart de la production mondiale, est la plus dynamique et celle qui offre le plus de perspectives économiques. Les succès enregistrés et les technologies permettant d’aller de plus en plus loin ont dopé l’exploration et la production dans l’offshore profond (à partir de 500 m sous la surface de l’eau) et très profond (à partir de 1 500 m), qui représentent aujourd’hui 20 % de la production offshore mondiale. Ce chiffre devrait passer à 30 % d’ici à 2016. Les réserves (gaz et pétrole) qui seront développées en offshore profond avoisineront 28 milliards de barils équivalent pétrole et nécessiteront pas moins de 210 milliards de dollars (plus de 160 milliards d’euros) d’investissements (+ 60 % par rapport à la période 2006-2010). « DE PLUS EN PLUS LOIN ». Le continent afri-

Europe de l’Ouest

Afrique

AsiePacifique

24 %

(18 % en 2011)

32 %

20 % 5% 17% 2%

Russie et CEI

Amérique Amérique du Nord latine

SOURCES : IFP, ODS-PETRODATA

cain se taillera la part du lion, avec le tiers de ces investissements (soit plus de 50 milliards d’euros). Depuis la découverte du champ Jubilee au Ghana parTullowOil,lesforagesnecessentdesemultiplier. Sur les 1300 puits sous-marins programmés dans le monde entre 2011 et 2015, selon l’Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (Ifpen), 374 ont déjà été forés en Afrique en 2011. « Nous allons de plus en plus loin, là où nous n’aurions jamais imaginé aller il y a encore dix ans », explique ainsi André Coajou, président du cabinet de consulting Atlantic Seahorse. Cette vigueur bouleverse JEUNE AFRIQUE


de la mer l’ensemble des métiers du pétrole, y compris les sociétés de services offshore qui voient leur chiffre d’affaires progresser avec la demande mondiale, mais doivent adapter leur offre. « L’augmentation de l’offshore profond est un fait majeur, explique ainsi Rodolphe Bouchet, directeur régional Afrique de l’Ouest du groupe Bourbon (lire p. 158). Cela change notamment la nature des bateaux : ils doivent être plus grands pour transporter plus de choses en un seul voyage, l’ancrage devient anecdotique au profit du positionnement dynamique… » De la Mauritanie à l’Angola (où, respectivement, Total et BP ont signé des accords ce mois-ci) et de la Somalie au Mozambique, l’acquisition de blocs offshore ne se tarit pas. La « superjunior » britannique Tullow Oil a ainsi obtenu 10 700 km2 au large de la Mauritanie, alors que les premiers développements (sur Chinguetti notamment, où Tullow est partenaire et non opérateur) y ont été plutôt décevants. « Pour nous, la Mauritanie garde un potentiel important. Cette fois, nous serons opérateurs, et nous prouverons que la région est riche », assure ainsi Tim O’Hanlon, vice-président de la firme britannique (lire son interview pp. 152-153). Au Sénégal, la junior du milliardaire australo-roumain Frank Timis, African Petroleum, a remporté deux blocs pour une surface supérieure à 18 000 km2. Selon Dave Fassom, directeur de la société Stellar Energy, spécialisée dans les contrats pétroliers, la valeur des deals en Afrique devrait dépasser en 2011 celle de 2010, année de tous les records avec 7 milliards de dollars (contre 3 milliards en 2009). JEUNE AFRIQUE

LAURENT PASCAL

Dossier

LA PLATEFORME PAZFLOR, AU LARGE DE L’ANGOLA, exploite quatre réservoirs, environ 1 200 m sous la surface.

Partout, l’activité offshore ouvre de nouvelles possibilités d’affaires. « En Côte d’Ivoire, les perspectives sont bonnes, estime ainsi Hugues Moreau, directeur général de la société ivoirienne de services aériens International Aircraft Services (IAS), car le gouvernement entend notamment développer le secteur énergétique. » Surtout, le pays récolte les fruits des explorations, puisque l’américain Vanco, en collaboration avec le russe Lukoil et l’ivoirien Petroci, a annoncé le 7 décembre avoir mis au jour un gisement à 93 km au sud-est d’Abidjan, par 1 689 m de fond. En Afrique de l’Est et en Afrique australe, où IAS et Bourbon se disent sollicitées de manière croissante, la surprise vient du gaz naturel. Le large des côtes en regorgerait (lire encadré). Touscesprojetsdedéveloppementaugmententle poids de l’Afrique dans le commerce pétrolier mondial. Ainsi, sa part dans le nombre de constructions de plateformes fixes devrait passer de 8 % en 2011 à au moins 15 % (dépassant l’Europe), selon l’Ifpen. Même tendance, bien sûr, pour les infrastructures sous-marines : l’Afrique cristallisera 24 % de ces constructions, contre 18 % en 2011. « Personne ne peut dire ce qui va arriver, mais les tendances sont très positives, poursuit Duncan Clarke. D’autant que les campagnes de forage passées ont été très limitées. Donc je m’attends à plusieurs découvertes analoguesàcelledeJubilee,ycomprisdansdeseaux plus profondes et les bassins non forés. » Les fonds marins africains n’ont pas fini d’être fouillés. Reste aux États à tout faire pour éviter une catastrophe équivalente à celle du golfe du Mexique en 2010. « Les contraintes en matière de pollution et de rejets pour les compagnies pétrolières devraient continuer à s’intensifier, notamment [en raison des] problèmes liés à des incidents de production », prévient d’ailleurs l’Ifpen. Qu’il soit entendu. ●

UN NOUVEL ELDORADO GAZIER LE LITTORAL ORIENTAL ET AUSTRAL du continent serait comparable à la mer du Nord, dont les réserves gazières ont enrichi l’Europe. Au Mozambique, ENI a annoncé en octobre avoir identifié un gisement qui pourrait produire 300000 barils équivalent pétrole par jour en 2016. Cette découverte, après celles d’Anadarko, fera du pays l’un des premiers producteurs mondiaux. Reste à consacrer suffisamment de moyens au développement de cette filière. Selon Ecobank, 230 milliards de dollars (176 milliards d’euros) seront nécessaires sur cinq ans pour étendre les capacités de production de gaz naturel liquéfié en Afrique subsaharienne et 22,6 milliards pour mettre en place des centrales électriques au gaz naturel. Parmi les partenaires sur lesquels peuvent compter les pays de la région, la Chine, qui a signé en octobre un contrat de 1,7 milliard de dollars pour la construction d’une unité de production d’électricité enTanzanie. Anadarko travaillerait de son côté sur un projet d’usine de liquéfaction au Mozambique. ● M.P. N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

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Dossier Pétrole & gaz INTERVIEW

Tim O’Hanlon

V ICE - PRÉSIDENT

DE

T ULLOW O IL

« Nous avons déjà investi 1 milliard de dollars dans le lac Albert » La « superjunior » poursuit son expansion sur le continent, non sans heurts. Le point sur ses projets et sur les difficultés qu’elle rencontre.

U

ne production moins importante que prévue sur le gigantesque champ Jubilee (1,2 milliard de barils) au Ghana, des relationscompliquéesaveclaRDCongo et l’Ouganda (où Tullow Oil attend de pouvoir lancer l’exploitation des 2,5 milliards de barils détectés dans le lac Albert)… Interrogé lors de l’Africa Oil Week (du 1er au 4 novembre dernier), au Cap, Tim O’Hanlon répond sans ambages à Jeune Afrique.

DR

152

JEUNE AFRIQUE : Sur le champ Jubilee, dont vous êtes l’opérateur, votre production journalière est de 80 000 barils/jour contre 120 000 attendus. Pourquoi ? TIM O’HANLON : C’est un pro-

blème d’ordre technique, temporaire, et en cours de règlement. Comme pour tous les champs, rien ne se passe parfaitement comme prévu. Nous avons lancé la production à partir d’un certain nombre

de puits. Il va falloir en creuser un ou deux de plus pour augmenter notre production. Mais ce qu’il est important de noter, c’est que cela ne touche aucunement les réserves. J’ajoute qu’il y a eu aussi pas mal de découvertes alentour, ce qui va permettre de maintenir cette production dans le futur.

« Nous allons débuter les forages sur nos blocs entre le Kenya et l’Éthiopie, une région jamais explorée », annonce LE « MONSIEUR AFRIQUE » DE LA COMPAGNIE

Qu’en est-il de vos autres explorations au Ghana ?

BRITANNIQUE.

Plus à l’ouest, à Tano Deep, nous avons trouvé plusieurs champs,

BATAILLE DE DOCUMENTS À KAMPALA LE DÉPUTÉ OUGANDAIS GERALD KARUHANGA (Youth Western Uganda) a accuséTullow Oil d’avoir versé des sommes conséquentes à trois ministres pour obtenir la concession du lac Albert. Propos étayés par des documents (dont des virements bancaires). « Outrageant et complètement diffamatoire », s’est insurgé Aidan Heavey, le PDG de la firme pétrolière. À son tour, il a pu fournir les résultats d’une enquête diligentée par les autorités ougandaises : aucun des comptes mentionnés n’appartient aux banques citées. Reste une question : qui est derrière cette affaire ? « Nous ne pouvons pas spéculer sur qui a fourni ces documents, mais ils ont commencé à être diffusés à Kampala à la mi-2010 », assureTullow. ● M.P. N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

séparés mais situés dans la même zone, pour un total d’au moins 400 millions de barils exploitables. Tano est plus sophistiqué et demande un peu plus de puits d’appréciation. D’ici à janvier, nous allons proposer aux autorités un plan de développement. Il faudra alors attendre encore quelques mois pour obtenir le feu vert du gouvernement. En Ouganda, vous êtes accusé d’avoir corrompu des ministres (lire encadré). Qu’en est-il, et cela affecte-t-il votre calendrier ?

Nous serons en retard par rapport à nos prévisions de production. Chaque jour de retard est triste pour nouset pour l’Ouganda. Nous avons été jetés en pâture au milieu de règlements de comptes politiques. Nous pensons que le problème sera rapidement réglé, et tous les partenaires [le français Total et le chinois Cnooc, NDLR] sont prêts à travailler dès le lendemain. JEUNE AFRIQUE


Dossier

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Il y avait déjà eu des problèmes lors du rachat des deux blocs appartenant à Heritage. Ce n’est pas bon signe pour l’avenir…

De l’autre côté du lac Albert, en RD Congo, vous avez été évincés alors que vous aviez des contrats signés. Que s’est-il passé ? Combien aviez-vous investi ?

Grâce à Dieu, notre investissement se limitait à quelques billets d’avion ! En fait, nous disposions d’un contrat signé mais il nous manquait l’ordonnance présidentielle pour son entrée en vigueur. Le président, Joseph Kabila, a donc annulé les documents, qu’il a immédiatement refaits au nom d’une autre société – inconnue dans le secteur – avec l’ordonnance présidentielle dans la foulée. Il est très difficile de travailler en RD Congo en toute transparence et proprement. Mais la logique d’avoir le même opérateur des deux côtés du lac Albert prendra le dessus un jour ou l’autre. J’imagine que le président regrette déjà. Quels sont vos autres projets sur le continent ?

Fin octobre, nous avons signé un nouvel accord en Mauritanie. Nous serons opérateur sur un bloc de 10 700 km2. Nous étions déjà présents dans ce pays, mais pas en tant qu’opérateur. Nous allons par ailleurs débuter les forages sur nos blocs entre le Kenya et l’Éthiopie, une région jamais explorée. Enfin, nous poursuivons notre travail en Sierra Leone, où nous avons déjà foré et trouvé du pétrole avec [l’américain] Anadarko. Quelles sont les réserves découvertes en Sierra Leone ?

Ce sont des champs difficiles à définir. Nous avons besoin de plus de puits d’appréciation. ● Propos recueillis au Cap par

MICHAEL PAURON JEUNE AFRIQUE

ISMAIL ZETOUNI/REUTERS

Vous avez raison, mais le président nous a dit qu’il veut finaliser cette affaire. Il le faut. Nous avons déjà investi 1 milliard de dollars [747 millions d’euros] dans le lac Albert, et tous les contrats sont prêts.

Un ouvrier DANS LE CHAMP PÉTROLIER D’AMAL (est du pays), le 7 octobre. LIBYE

Convalescence éclair

La production reprend plus rapidement que prévu. Elle devrait retrouver mi-2012 son niveau d’avant le conflit.

D

eux mois après la mort 55 000 auparavant. « Toutes nos deKaddafi,commentva opérations en mer ont redémarré, la Libye ? Et plus exaca-t-il précisé, mais nous attendons tement, comment va le que les infrastructures portuaires secteur pétrolier? Réponse: mieux soit opérationnelles pour relancer que prévu. Paolo Scaroni, le patron nos activités à terre. » L’autre motif de l’italien ENI, premier producde satisfaction tient au fait que la teur étranger du pays, ne cachait France – et donc indirectement d’ailleurs pas sa satisfaction lors du le groupe pétrolier français – sort Congrès mondial pétrolier de Doha renforcée de la crise, dans un pays début décembre. « La production assis sur les premières réserves d’or d’ENI [en Libye, NDLR] est actuelnoir d’Afrique. lement proche des 200 000 barils Les choses se passent donc plutôt équivalent pétrole par jour », bien pour la Libye, qui n’envisageait contre 280 000 avant la crise, D’aucuns anticipaient une remise a-t-il dit. Une à plat des contrats. Mais l’italien situation rasENI affiche sa sérénité. surante pour le groupe italien, qui tire du pays presque un tiers pas de retrouver son précédent de sa production totale. Serein, niveau de production avant deux Paolo Scaroni l’est aussi sur l’avenir ans. « Le pays produit actuellement d’ENI à Tripoli, alors que Rome 1 million de barils par jour », a indiavait tardé à reconnaître le Conseil qué Abdallah el-Badri, secrétaire national de transition (CNT) et général de l’Organisation des pays que d’aucuns anticipaient déjà une exportateurs de pétrole (Opep). remise à plat des contrats. « Je n’ai Toujours selon l’Opep, Tripoli jamais été inquiet à ce sujet », a devrait revenir à 1,3 million de rétorqué l’Italien. barils par jour à la fin du 1er triLe français Total est lui aussi doumestre 2012 et à 1,6 million, soit sa blement satisfait. Fin novembre, production d’avant-guerre, à la fin Jacques Marraud des Grottes, direcdu second trimestre. Tripoli espère teur Afrique, confiait que le pétromême atteindre dans les années à lier avait recouvré une production venir 2 millions de barils par jour. ● de 49 000 barils par jour, contre M.P. N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012


Dossier Pétrole & gaz ALGÉRIE

De l’art délicat de diriger Sonatrach

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ans un pays qui dépend à plus de 95 % de l’exportation des hydrocarbures, le département de l’Énergie et des Mines est aussi stratégique que celui de la Défense nationale ou de l’Intérieur. En arrivant au pouvoir en 1999, Abdelaziz Bouteflika décide de confier ce ministère à Chakib Khelil. Ingénieur de formation, l’homme est connu des milieux de la finance internationale puisqu’il a réalisé l’essentiel de sa carrière à la Banque mondiale. Il a, entre autres, été chargé des questions énergétiques en Amérique latine. Aux yeux du chef de l’État, le ministre de l’Énergie est bien plus qu’un cadre aux compétences reconnues mondialement. Chakib Khelil fait partie du « cercle présidentiel », une sorte de groupe restreint de ministres avec lesquels il entretient des relations personnelles de longue date. Dès sa nomination à la tête de l’Énergie, Khelil s’est employé à mettre en place des mécanismes lui assurant le plein contrôle de

ZOHRA BENSEMRA/REUTERS

Entre les PDG de la société d’hydrocarbures et leur ministère de tutelle, la cohabitation n’a jamais été un long fleuve tranquille. Décryptage.

OUAHAB HEBBAT/AP/SIPA

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de vouloir placer les ressources énergétiques du pays sous le contrôle de compagnies étrangères, notamment américaines. Le ministre de l’Énergie devra attendre la réélection d’Abdelaziz Bouteflika pour faire adopter sa loi. EMPRISE. La victoire ne sera que

de courte durée. En 2006, le président revient sur sa décision et fait adopter une nouvelle mouture plus restrictive pour les compagnies étrangères. Cet échec n’empêche pas Chakib Khelil de préserver son emprise sur le groupe Sonatrach et l’ensemble des entreprises du secteur. Mohamed Meziane, alors nommé PDG de la En 2006, Bouteflika fait adopter compagnie pétrolière, est dans l’obliune loi plus restrictive pour gation de jouer les seconds rôles. Fort les compagnies étrangères. de son pouvoir, le Sonatrach. Entre 2001 et 2003, il ministre supervise tous les aspects parvient même à se faire nommer liés aux passations de marchés. par Bouteflika PDG par intérim Abdelaziz Bouteflika est finalement de la compagnie pétrolière. C’est contraint de se séparer de Chakib durant cette période qu’il élabore Khelil en mai 2010, après les mulune nouvelle loi destinée à libératiples scandales qui ont éclaboussé liser le secteur des hydrocarbures. Sonatrach. Youcef Yousfi hérite de Le Front de libération nationale ce poste. (FLN), alors dirigé par Ali Benflis, Chimiste de formation, Yousfi s’oppose à ce texte et accuse Khelil est déjà passé par le ministère de N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

DE 1999 À 2010, CHAKIB KHELIL (à g.) a géré le portefeuille de l’Énergie et des Mines. Youcef Yousfi (à dr.) en a ensuite hérité.

l’Énergie et des Mines avant d’être nommé ambassadeur d’Algérie au Canada, puis auprès des Nations unies, et enfin en Tunisie. À peine installé, il découvre un secteur totalement démantelé. Aux côtés de Noureddine Cherouati, le nouveau PDG de Sonatrach, il revoit l’ensemble des procédures d’attribution de marché. Le binôme Yousfi-Cherouati semble efficace. En apparence seulement. Au cours du printemps 2011, la presse annonce le limogeage du PDG à la demande de son ministre de tutelle. Conscient de la gravité de la situation, Cherouati organise une conférence de presse pour démentir cette information. En réalité, il ne fait que retarder son départ. Début novembre, les rumeurs reprennent de plus belle. Noureddine Cherouati tente la même stratégie en saisissant la presse. Abdelaziz Bouteflika le démet le jour même depuis Doha, où il participe au Forum des pays exportateurs de gaz. Abdelhamid Zerguine est alors promu nouveau PDG. Si les raisons de cette révocation restent mystérieuses, c’est bien le ministre qui a encore obtenu gain de cause. ● TAREK HAFID JEUNE AFRIQUE



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C

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CAC International a fait de l’audit et du commissariat aux comptes sa spécialité, mais il exerce aussi ses activités en termes de conseil financier, juridique et fiscal, ainsi qu’en conseil en systèmes d’information et de gestion. Des références de classe mondiale

Un professionnalisme éprouvé

CAC International réalise pour le compte des États l’audit des coûts pétroliers des compagnies pétrolières Eni (Italie) et Total (France), au Congo, ainsi que du consortium Esso/Chevron/Petronas au Tchad. Il est commissaire aux comptes de la Société générale de banques au Cameroun (SGBC) et d’autres institutions bancaires et boursières. Dans le domaine des télécommunications, CAC International a été commissaire aux comptes d’Orange au Cameroun. Il a réalisé l’audit opérationnel du Chemin de fer Congo-Océan (CFCO) et fournit une assistance comptable au groupe pharmaceutique Pfizer au Cameroun. Dans le secteur public, CAC International, commissaire aux comptes de la SNH (Société nationale des hydrocarbures, Cameroun) depuis 1996, a accompagné en 2008 le gouvernement nigérien dans la signature du contrat pétrolier d’Agadem. Depuis 2010, il assiste également le Tchad dans l’organisation de ses appels d’offres relatifs à la mise sur le marché de blocs pétroliers. Suite à des malversations, CAC International, qui a élaboré la loi anti-corruption congolaise, a achevé en 2011 l’audit des procédures comptables et budgétaires de la BEAC (Banque des États de l’Afrique centrale). Une institution qu’il assiste actuellement dans la réforme desdites procédures.

La confiance exprimée par ces entreprises et institutions, CAC International, intégré au réseau international d’Ernst & Young de 1983 à 2005, la doit à une expérience éprouvée par près de trente ans d’activité. Ses standards de travail sont conformes aux normes internationales et adaptés aux spécificités et aux enjeux africains. Ses professionnels, recrutés au sein des plus grandes écoles de commerce et d’ingénieurs, sont également formés à la maîtrise de l’environnement institutionnel, juridique et fiscal du continent africain.

CONTACT

1043 Rue de l’hôpital, Bonanjo BP 443 Douala - Cameroun Tél. : + 237 33 43 01 71 / + 237 33 43 01 30 E.mail : cacinternational@cac-international.com Site internet : www.cac-international.com

DIFCOM/FC PHOTOS : DR

CAC International


Dossier Pétrole & gaz

BOURBON

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Deux navires du groupe EN OPÉRATION AU GABON. SERVICES MARITIMES

Bourbon en eau calme

JUNIORS. Le CA de la branche

L’armateur spécialisé dans les activités liées à l’offshore pétrolier progresse au rythme des succès de l’exploration en haute mer.

L

e Surfer tangue à l’approche de la plateforme géante. Le jour tombe, et la torchère, dont la chaleur inonde les passagers du navire, éclaire une mer d’huile. Plusieurs fois par jour, le bateau effectue l’aller-retour entre Luanda et Pazflor, la barge de Total ancrée à 150 km au large des côtes angolaises. Bourbon, la société française propriétaire du navire, est l’un des acteurs des services offshore les mieux implantés dans la zone et le golfe de Guinée. Sur ce seul contrat, elle compte trois bateaux d’intervention et cinq de transport. Il en coûte250000dollars(190000euros) par jour au contractant. Le sous-traitant profite pleinement du boom mondial de l’exploration en eau profonde et ses prix progressent en conséquence. Le bilan de l’année 2011 s’annonce bon : son chiffre d’affaires (CA) au premier semestre a augmenté de 18,8 % par rapport à la même période en 2010. Le groupe, dont le CAaprogresséde28%parandepuis 2002 pour atteindre 849,9 millions d’euros en 2010, vise un taux de croissance annuel moyen de 17 % jusqu’en 2015. Autre signe de bonne santé: le plan Bourbon 2015 N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

Leadership Strategy, lancé cette année, qui vise à créer une flotte de 600 navires offshore, pour un investissement total de 2 milliards de dollars. Au 30 juin, le groupe en avait déjà engagé 63 %, et il lui restait 115 navires à réceptionner. RECONVERSION. Bourbon, c’est une histoire peu banale. Celle d’une sucrerie et d’une rhumerie nées à la Réunion en 1948 du regroupementdeplusieursaffairesfamiliales. Après s’être diversifié dans la grande distribution, la pêche industrielle et lesproduitslaitiers,legroupedécide de se concentrer sur ses activités maritimes. Il rachète, en 1996, les sociétés Les Abeilles (remorquage) et Setaf-Saget (transport). Bourbon s’introduit ensuite à la Bourse de Paris en 1998 et cède ses autres activités. Le déménagement du siège de Sainte-Marie à Paris, en 2005, clôt ce volet de son histoire. Une stratégie payante. Bourbon intervient dans le transport de personnel et de matériel, dans le ravitaillement, l’ancrage et le remorquage de plateformes en haute mer, dans l’installation, la maintenance et la réparation sous-marines… « Nous sommes présents dans

toutes les grandes zones d’activités pétrolières, principalement dans le golfe de Guinée, en Asie du Sud-Est (Thaïlande, Indonésie, Malaisie, Vietnam),auMoyen-Orient(Qatar), en Méditerranée (Égypte, Libye), au Brésil, dans le golfe du Mexique et en mer du Nord », détaille Rodolphe Bouchet, directeur régional Afrique del’OuestdeBourbon.Lecontinent, zone d’intervention historique, représente la moitié des résultats du groupe. Sur la terre ferme, Bourbon est implanté au Nigeria, au Ghana, au Cameroun, au Gabon, au Congo et en Angola, à travers des bureaux de vente et des ateliers de réparation. « Nous employons en tout 4 000 personnes sur le continent, dontenmoyenne65%depersonnel local », précise Bouchet. Afrique ne cesse de croître, même si sa part dans le revenu global diminue depuis dix ans. « Le Ghana et la Côte d’Ivoire font partie de ces pays qui ont ouvert de nouvelles possibilités », souligne le directeur régional. La junior Tullow Oil, qui a découvert le champ Jubilee au Ghana, est l’un des clients. En outre, une forte demande commenceàémanerdeSierraLeone,du Liberia, ainsi que d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe. « Nous avons déjà eu comme client BG Group en Tanzanie, rappelle Bouchet, et nous serons présents pour le développement des dernières découvertes de gaz au Mozambique. » Très lié aux majors (Total, Exxon, BP, etc.), Bourbon a élargi son portefeuille avec l’arrivée en force de juniors, qui représentent à ce jour

« Nous employons 4 000 personnes sur le continent, dont en moyenne 65 % de personnel local. » RODOLPHE BOUCHET, directeur Afrique

20 % à 30 % de sa clientèle. Au large de Luanda, le Surfer s’éloigne de la plateforme de Total, l’un des plus gros clients du groupe. Un autre viendra demain matin, prolongeant le ballet incessant des armateurs de l’industrie pétrolière. ● MICHAEL PAURON JEUNE AFRIQUE


La demande d’énergie en Afrique devrait être de 65 pour cent plus élevée en 2030 qu’en 2005. C’est pourquoi il est essentiel que nous continuions à investir dans le développement de nouvelles ressources énergétiques qui peuvent aider à répondre à la demande en Afrique et ailleurs dans le monde. En Afrique, nous avons investi près de 25 milliards d’USD au cours des cinq dernières années pour explorer et développer de nouveaux projets énergétiques. Ces investissements créent des emplois et stimulent la croissance économique. Nous formons également les travailleurs locaux et contribuons à construire des écoles et hôpitaux. Qu’il s’agisse de prospection ou de production de nouvelles sources d’énergie, d’approvisionnement de nouveaux produits pétroliers ou d’investissement dans les collectivités, ExxonMobil fait plus qu’exploiter du pétrole et du gaz. Nous contribuons au développement futur de l’Afrique. En savoir plus sur notre travail sur exxonmobil.com

Document :465208euro_44866_M01B.pdf;Page :1;Date :02. Nov 2011 - 09:36:23;reperes_generes195X270

Les investissements réalisés aujourd’hui déterminent l’avenir énergétique du monde.


Dossier Pétrole & gaz

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CARBURANT

YOURI LENQUETTE POUR J.A.

Elton, un petit jeune aux dents longues

Déjà présente en Gambie, l’enseigne sénégalaise souhaite se développer dans la région ouest-africaine. En s’appuyant sur des partenaires locaux et autonomes.

L

année 2012 sera africaine pour Elton Oil. Le distributeur d’essence et de lubrifiants, créé en août 2000 par une poignée d’investisseurs sénégalais restés mystérieux,entendselanceràlaconquête de la sous-région ouest-africaine. Côte d’Ivoire, Liberia, Sierra Leone, Mali… la feuille de route est bien remplie. « En Côte d’Ivoire, nous voulons redémarrer notre activité. Au Liberia et en Sierra Leone, les besoins sont énormes. Au Mali, le secteur est très concurrentiel et nous nous orientons plutôt vers l’approvisionnement des mines en produits pétroliers. » Babacar Tall, le patron d’Elton depuis le départ de son cofondateur Papa Moctar Sarr, énumère les ambitions de la société sénégalaise avec confiance et modestie. Dans un marché historiquement dominé par Total, suivi de Shell (devenu Vivo Energy il y a peu), Elton a su se faire une place assez rapidement avec son concept de stations-service intégrées baptisé « Oasis » (carburant, lavage, réparation auto et libre-service alimentaire) et son statut, revendiqué jusquedanslespublicités,desociété N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

« 100 % sénégalaise ». Dans un marché où les prix restent déterminés par les autorités publiques, se distinguer par les services s’est révélé fondamental. Résultat : la société se classe désormais au quatrième rang national, loin derrière Total et Shell certes, mais au coude à coude avec Libya Oil. Elton atteint ainsi 10 % de part de marché, contre 11 % environ pour le distributeur libyen. AUTONOMIE. Etlacroissanceconti-

nue: cinq nouveaux points de vente sont venus compléter en 2011 un réseau qui en compte désormais une trentaine, pour les automobilistes mais aussi pour les pêcheurs. Avec environ 90 millions d’euros de

LES

STATIONS-

SERVICES OASIS intègrent lavage, réparation auto et produits alimentaires.

chiffre d’affaires en 2011, Elton Oil est même devenu l’une des plus importantes entreprises du pays. Et a exporté très tôt son concept Oasis, en commençant par la Gambie. La filiale locale réalise désormais 26 millions d’euros de chiffre d’affaires environ chaque année. « Avec 35 % de part de marché, nous sommes le numéro un, se félicite Babacar Tall. Elton Sénégal détient 67 % de la filiale gambienne, et le secret de la réussite a été de trouver le bon partenaire local. » À Banjul, Eltons’estassociéàAmadouSamba, un prospère homme d’affaires, propriétaire d’une cimenterie et d’une société d’eaux minérales, qui est aussi administrateur de grandes entreprises. Un choix fondamental pour Elton… car si le modèle reste le même d’un pays à l’autre, l’autonomie du management est un élément central pour la société sénégalaise : hors de question, affirme-t-elle, de faire comme ces multinationales aux processus hypercentralisés. Du coup, le début de l’année 2012 sera consacré à la sélection de partenaires locaux et à la construction de business plans détaillés. Avant d’entrer dans le vif du sujet dans un second temps. En Côte d’Ivoire, Elton retrouvera une configuration de marché proche de celle du Sénégal, avec la présence des mêmes leaders (Total et Shell), mais aussi d’acteurs locaux, tel Pétro Ivoire (lire l’encadré). Au Liberia et en Sierra Leone, la situation se rapprochera davantage de celle connue en Gambie, avec un marché plus ouvert. ● FRÉDÉRIC MAURY

CONSOMMER LOCAL DE LIBREVILLE À ABIDJAN TOTAL, SHELL, LIBYA OIL… Dans un marché qui s’est peu à peu concentré, les grandes enseignes internationales de distribution de carburant ont assis leur domination. Seules résistent les sociétés locales qui ont émergé depuis une dizaine d’années. Au Sénégal, Eydon Petroleum monte aux côtés d’Elton Oil. Pétro Ivoire s’est imposé à Abidjan, avec une part de marché de 14 % pour le carburant et de 15 % pour le gaz butane. PetroGabon, né au tournant du millénaire et détenu à 100 % par des privés gabonais, annonce détenir 30 % du marché national des stations-service et 56 % de celui du gaz. Et il souhaite s’étendre dans la région de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), quand Pétro Ivoire, lui, veut s’attaquer à l’Afrique de l’Ouest. ● F.M. JEUNE AFRIQUE


Dossier

OGIM

pétrole, pour techniciens de production généralement issus des filières mécanique et chimie ayant obtenu un bac + 2. Enfin, l’institut ouvrira en février 2012 à Tétouan, près des champs pétroliers du Sud tunisien, un cursus d’opérateurs pétroliers de niveau baccalauréat.

L’ÉTABLISSEMENT PROPOSERA BIENTÔT quatre cycles d’un an, dont trois à Monastir. ÉCOLE

L’Ogim se fait une place

En quatre ans, l’Oil and Gas Institute of Monastir a déjà formé 150 ingénieurs et techniciens de l’industrie pétrolière. La plupart sont employés par des multinationales présentes en Tunisie.

E

t si la Tunisie était la destination incontournable pour une formation aux métiers de l’industrie du pétrole? Bien que ce secteur n’y soit pas particulièrement dynamique, le pays peut se prévaloir d’une intense activité liée à la découverte de nombreuxgisementsquiproduisenttous les ans quelque 8 millions de tonnes équivalent pétrole (gaz et liquide). Pas étonnant, dans ces conditions, qu’une école consacrée à cette industrie ait vu le jour. Et quatre ans après sa création, l’Oil and Gas Institute of Monastir (Ogim) s’installe dans le paysage et s’assure même une visibilité à l’international, la plupart des 150 ingénieurs et techniciens (10 % de Subsahariens) formés jusqu’ici étant employés par des compagnies américaines, françaises ou autrichiennes présentes sur le sol tunisien. « En 2010, nous avions deux étudiants français qui sont partis le 13 janvier 2011, chassés par la révolution, souligne Jalel Hadhri, fondateur et président du comité scientifique. Ils s’étaient JEUNE AFRIQUE

laissé séduire par la qualité de nos enseignements. » Il est vrai que l’institut privé bénéficie de l’appui technique de partenaires comme CGGVeritas pour la géophysique, l’École nationale d’ingénieurs de Monastir pour les équipements mécaniques et les fondamentaux, ou encore Schlumberger pour les logiciels liés à l’ingénierie du réservoir. L’établissement propose trois cycles d’un an, à Monastir. Le premierformedesingénieursenamont pétrolier, recrutés à bac + 4 ou 5 (électronique, mécanique, génie industriel,géniedesprocédés,informatique industrielle). Au terme de leur parcours, ils décrochent un diplôme généraliste couvrant une large gamme de métiers du secteur, de l’exploration à la production. Le second cycle, celui des ingénieursforeurs, s’adresse à la fois aux cadres des compagnies pétrolières et aux particuliers en quête d’une spécialisation pointue. Le troisième offre un programme très spécifique, fortement orienté

Coût de la formation de

4 100 à

7 700 euros

ENDURANCE. Dans tous les cas, l’admission se veut plus sélective au fil des ans. Dans un pays qui affiche un fort taux de chômage, pas question d’accueillir ceux qui cherchent juste un label pour orner leur CV. Outre le traditionnel dossier, elle implique désormais un entretien de motivation. Car il faut être capable de supporter des conditions extrêmes (en mer, sur une plateforme de faible surface) et donc justifier d’une grande endurance et de qualités de travail en équipe. Petite originalité de l’établissement confessée par le directeur : un certain sexisme lors des sélections, notamment dans le cycle techniciens. Les hommes sont privilégiés, les femmes ayant souvent beaucoup de mal à se faire recruter après leurs études, en particulier sur les champs pétrolifères. Elles ont en revanche leurs chances en programme ingénieurs, puisque, aumêmetitrequeleshommes,elles sont demandées dans les bureaux d’études.Lesdépartementsingénierie du réservoir, qui préparent les projets de forage des compagnies pétrolières, offrent également de belles opportunités. Tout comme les sociétés de service. En ce qui concerne les salaires, les étudiants de l’Ogim, recherchés par les compagnies étrangères de la place, s’en sortent plutôt bien :

Il faut être capable de supporter des conditions extrêmes, en mer, sur une petite plateforme. de 2 000 à 3 000 dinars (de 1 000 à 1 500 euros) annuels chez l’autrichien OMV par exemple, contre 1 000 dinars dans les entreprises nationales.Unjusteretoursurinvestissement, les coûts de formation allant de 8 000 à 15 000 dinars. ● CLARISSE JUOMPAN-YAKAM N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

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Culture & médias

Les cases du siecle Réservées aux enfants, les bandes dessinées ? Grossière erreur ! Les événements politiques présents et passés inspirent désormais les meilleurs auteurs.

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JEUNE AFRIQUE


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L

Dossier réalisé par

NICOLAS MICHEL

esclavage (Bourgeon), la Et si ce travail sur le passé existe, c’est Première Guerre mon- aussi parce qu’il y a une forte demande diale (Tardi), l’Holo- des lecteurs. L’œuvre la plus emblémacauste (Spiegelman), tique – Maus, d’Art Spiegelman, paru au la guerre d’Algérie (Lax milieu des années 1980 et portant sur le et Giroud, Ferrandez), le génocide juif – a été traduite en 30 langénocide rwandais (Stassen, Masioni), les gues, a reçu le prix Pulitzer en 1992 et a attentats du 11 Septembre (Spiegelman): vu chacun de ses deux tomes s’écouler on ne compte plus les grands événements à plus de 1 million d’exemplaires, après du XXe et du XXIe siècle racontés avec avoir été refusée par les plus prestigieux un indiscutable brio par les auteurs de éditeurs américains. BD. Longtemps méprisés, repoussés aux Plus récemment, grâce au travail marges de la littérature et de la création pionnier de l’Américain d’origine malplastique, les meilleurs scénaristes et taise Joe Sacco (Gorazde), les auteurs dessinateurs sont désormais choyés par de bande dessinée n’hésitent plus à d’éminents spécialistes qui voient dans se saisir de l’actualité, apportant une leur travail un excellent moyen de vulga- touche humaniste aux sèches nouvelles riser et d’incarner leur savoir. Ainsi l’historien Benjamin Stora préfaceDessinateurs et scénaristes t-il Dans l’ombre de Charonne, un apportent une touche humaniste album de Désirée et Alain Frappier aux sèches nouvelles du monde. sur la répressionpolicière, le 8 février 1962, d’une manifestation contre l’OAS à la fin de la guerre d’Algérie. « On du monde. Ledit Sacco donne ainsi la ressort de cette lecture convaincu de la parole aux immigrants africains, aux nécessité de passer aussi par les images femmes tchétchènes ou aux habitants de pour porter des histoires, toucher un Gaza, quand le Suisse Patrick Chappatte, public de jeunes qui ne connaissent pas dans BD reporter, enquête en dessins cette période », écrit-il. Une conviction sur le Printemps arabe, la vie à Nairobi qu’il répète dans une autre préface, celle (Kenya) et la crise ivoirienne. Parfois, d’Octobre noir, signé de l’écrivain Didier l’humour parvient à s’inviter sur des Daeninckx et du dessinateur Mako sur le sujets terriblement sérieux. Ainsi, dans massacre du 17 octobre 1961, à Paris. Mais Quai d’Orsay, Christophe Blain et Abel l’historien n’est pas le seul à s’impliquer Lanzac racontent-ils avec une férocité pour promouvoir le 9e art. Le spécialiste jouissive la préparation, en coulisses, de l’islam contemporain et des questions du discours que le ministre français des de terrorisme Jean-Pierre Filiu s’est pour Affaires étrangères Dominique de Villepin sa part associé au dessinateur David B. prononça à la tribune des Nations unies (L’Ascension du haut mal) pour un projet pour dire le refus de la France de partiplus qu’ambitieux : raconter l’histoire ciper à la guerre contre l’Irak… des relations entre les États-Unis et le Parmi les nombreuses œuvres parues Moyen-Orient dans Les Meilleurs Ennemis en 2011 ou à paraître en 2012, Jeune (Futuropolis). Afrique vous propose sa sélection. ●

JEUNE AFRIQUE

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Culture médias

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Bande dessinée

JOE SACCO

Israël-Palestine

SACCO – DELISLE – CHAPPATTE

Porte-parole des sans-voix De plus en plus de dessinateurs se comportent en reporters, privilégiant le temps long à l’immédiateté. Même, et surtout, lorsqu’il s’agit de couvrir des conflits comme ceux qui agitent le Moyen-Orient. interminable conflit israélopalestinien est couvert, à longueur d’année, par des hordes de journalistes. Les images et les commentaires plus ou moins partisans s’accumulent jusqu’à former un inextricable embrouillamini défiant toute velléité de compréhension. Dans ce contexte, le recul que les auteurs de bande dessinée ont la possibilité de prendre est un avantage considérable. Condamnés à travailler lentement (le temps de réaliser des croquis), relativement discrets (carnet et crayon pour seules armes), ils se positionnent dans le temps long plutôt que dans l’immédiateté, dans la réflexion plutôt que dans la réaction. Chroniques de Jérusalem, du Québécois Guy Delisle – déjà auteur de Chroniques birmanes –, raconte ainsi la vie d’un jeune père de famille dont la N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

CHAPPATTE

L

femme, expatriée pour Médecins sans frontières (MSF), travaille en Palestine. Touche par touche, case par case, Delisle brosse le portrait d’une société qu’il découvre au gré de ses rencontres et de ses visites touristiques, par l’intermédiaire des histoires que lui racontent les uns et les autres ou, plus simplement, à la faveur de ces petits événements du quotidien (un embouteillage, un problème de clés, une sortie au parc avec les enfants…) qui en disent tant sur l’atmosphère d’une ville, d’un pays. Faussement naïf, très efficace, le trait de l’auteur-dessinateur est à l’image du propos : clair et sans appel. Sans le moindre effet de manches, la violence politique, économique, religieuse, sociale imprègne chaque page, alors même que Guy Delisle a in fine refusé de se rendre sur cette colline où tous les journalistes JEUNE AFRIQUE


Les cases du siècle

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LA BÉDÉTHÈQUE HÈQUE E DE… PAHÉ

Chroniques de Jérusalem, de Guy Delisle, Delcourt, 338 pages, 25 euros

Reportages, de Joe Sacco, Futuropolis, 204 pages, 25 euros

allaient observer ce qui se passait dans la bande de Gaza à l’heure de l’opération Plomb durci, quand l’aviation israélienne bombardait sans répit la ville exsangue… En se mettant en scène et en rapportant de nombreux témoignages, le Québécois suit l’exemple de Joe Sacco – le créateur le plus en vue de ce genre nouveau qu’est la BD reportage. Dans Gaza 1956 et Reportages, l’Américain d’origine maltaise s’intéresse lui aussi de près au conflit israélo-palestinien. À Hébron, à Gaza, il est allé sur le terrain recueillir les témoignages de ceux qui vivent la guerre au jour le jour. Refusant avec force l’idée qu’un bon reportage doive être équilibré vis-à-vis des deux camps, il écrit : « L’équilibre ne doit pas être un écran de fumée pour cacher la paresse. S’il existe une, deux ou davantage de versions des événements, un journaliste doit explorer et examiner chacune des affirmations. Mais à la fin, il doit aller au fond des choses et en

BD reporter, de Chappatte, GlénatCourrier internationalLe Temps, 116 pages, 18 euros

rendre compte de manière indépendante. » Et il ajoute, pour enfoncer le clou: « Je me soucie surtout de ceux qui ont rarement l’occasion d’être entendus, et je ne crois pas qu’il m’incombe de contrebalancer leurs voix avec les excuses bien ourdies des puissants. Ces derniers sont souvent excellemment servis par les médias traditionnels et les organes de propagande. » Une position qui semble appelée à faire école. Ainsi, le Suisse Chappatte, très doué pour la caricature et le dessin d’humour, s’est essayé lui aussi – avec un peu moins de réussite – à la BD reportage. Avec BD reporter, du Printemps arabe aux coulisses de l’Élysée, il entraîne ses lecteurs du Caucase à la Tunisie, de la Palestine à la Côte d’Ivoire, en s’octroyant même une petite pause sous les ors de la République française. À l’heure d’internet et de l’info instantanée, la BD humaniste semble paradoxalement à même d’imposer son propre tempo. ●

La Vie de Pahé, tome I : « Bitam », de Pahé Quand un petit Noir raconte la France de chez ses ancêtres les Gaulois, c’est super cool. Le Pygmée géant, de Jano et Jean-Luc Fromental L’histoire d’un Pygmée XXL qui devient star de la NBA. Rêvons un peu ! Les Sales Blagues, la totale, de Vuillemin Provocateur, trash, grande gueule, j’en raffole ! Dipoula, de Sti et Pahé Les aveugles avaient Daredevil, les chauves-souris Batman, les albinos ont Dipoula. Le Grand Duc, de Hugault et Yann L’histoire d’un pilote allemand qui affronte le nazisme. Pur réalisme dans le dessin et les couleurs. Les Rabbit, de Sti L’histoire d’une famille de lapins dessinée par un gars du Nord, comme moi, pas de Bitam mais d’Armentières. Ali 9, roi de la République gabonaise, de Pahé Après Papa Bongo, le fiston Ali prend le pouvoir. Et pas pour quarante ans, a-t-il promis…

GUY DELISLE

Gabonaises… Gabonais…, de Pahé Papa Bongo pour les nuls, trop rigolo ! PAGE DE GAUCHE : Sabha Abu Mousa cherchant les bijoux de sa belle-fille dans sa maison détruite par les Forces de défense israéliennes, à Khan Younès, de Joe Sacco (en haut). Extrait de Dans l’enclos de Gaza, de Chappatte (en bas). CI-DESSUS : Extrait de Chroniques de Jérusalem, de Guy Delisle. JEUNE AFRIQUE

Mandrill, de Barly Baruti et Frank Giroud Un pur régal de mon mentor, le Kisanganien Barly, au dessin. N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

DR

bonais Dessinateur gabonais


Bande dessinée

Irak

LA BÉDÉTHÈQUE DE… PAT MASIONI

Auteur de Rwanda 1994

Bitterkomix, la revue sud-africaine publiée par L’Association Une anthologie subversive, provocante, anticléricale, antimilitariste, antiraciste.

CHRISTOPHE BLAIN ET ABEL LANZAC

Quai d’Orsay, côté cour Avec leurs Chroniques diplomatiques, les auteurs français poursuivent leur plongée dans les coulisses du discours d’Alexandre Taillard de Vorms « contre la guerre au Lousdem »…

Tank Girl, de Rufus Dayglo et Alan Martin Une série très fun et déjantée. J’ai un faible pour le dessin de mon pote londonien Rufus.

P

armi tous les candidats à l’élecévénement. S’il dit ne pas s’être docution présidentielle de 2012, menté sur Dominique Galouzeau de Dominique de Villepin a un Villepin – alias Alexandre Taillard de avantage de poids : il est le Vorms dans la BD –, Christophe Blain héroshilarantd’unebandedessinéeparle croque à la perfection, donnant une ticulièrement caustique. grande importance à ses Tiré à 100000 exemplaires mouvements et, surtout, après l’incroyable succès à la manière dont ses du tome I, bientôt adapté mains accompagnent ses au cinéma par le réalimots. « J’ai le sentiment sateur français Bertrand que, dans l’exercice du Tavernier, le tome II de pouvoir, il faut brasser de Quai d’Orsay, chroniques l’air. Mais c’est aussi une diplomatiques raconte en caractéristique du personeffetlesquelquessemaines nage : il est dans l’envolée qui précédèrent le désorlyrique », déclarait Blain mais célèbre discours du à Jeune Afrique lors de la ministre des Affaires étransortiedutomeI.MaisQuai Quai d’Orsay, gères de Jacques Chirac d’Orsay ne serait pas aussi chroniques diplomatiques, à la tribune des Nations réussi si Taillard de Vorms de Blain et Lanzac, unies. Si, si, souvenezn’était entouré d’une galeDargaud, 108 pages, vous, c’était le 14 février rie de personnages secon16,95 euros 2003, et la France, avec un daires particulièrement lyrisme proprement gaullien, refusait travaillés. Bien sûr, le secrétaire d’État l’option militaire défendue par l’Améaméricain Colin Powell est aisément rique de George W. Bush en Irak… reconnaissable sous le pseudonyme de Informé par un certain Abel Lanzac, Jeffrey Cole; d’autres seconds couteaux auteur chargé à l’époque des « langages » le sont moins – mais leurs attitudes, leurs aux Affaires étrangères, le dessinateur petits vices, leurs manigances, bref, leur ChristopheBlain(LeRéducteurdevitesse, humanité, contribuent à faire de cette Isaac le pirate) s’est lancé le défi de plongée dans le quotidien de la politique raconter en images les coulisses de cet un grand moment de rire. ●

Secrets : L’Angélus, de Homs et Giroud L’histoire d’un secret de famille. Époustouflant ! Le Dernier des Mohicans, ns, de Cromwell ll Une vraie claque. Une vraie aie leçon dans le genre roman n graphique.. Où le regard ne porte pas, d’Abolin et Pont Un chef-d’œuvre magistral doté d’une narration poétique qui ne laisse personne insensible ! Jazz Maynard, de Raule et Roger Une narration de génie sur le plan tant scénaristique que graphique, où tout est mouvement et rythme. Konungar, de Runberg et Juzhen Le graphisme de ce dessinateur chinois, hors du commun, est dépaysant. Liberty, de Warnauts et Raivess L’histoire e commence à Kinshasa, ma ville,, et finit à NewYork. k.

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La Fille de Paname, de Galandon et Kas Une jeune blonde rêve de devenir actrice et se retrouve sur le trottoir, à Paris. Captivant ! JEUNE AFRIQUE

VINCENT FOURNIER/J.A.

Culture médias

LANZAC ET BLAIN

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Les cases du siècle

HUGO PRATT

Éthiopie

HUGO PRATT

Sur la piste de Corto Maltese Maltese propose un whisky à son ami danakil Cush. Celui-ci, croyant, refuse de boire. Intervient alors un commandant anglais qui qui associent les dessins de reproche à Corto d’avoir Pratt aux photos de Marco offert à boire à un « indiD’Anna et aux textes de gène ». « […] Alors Cush, Marco Steiner, remontent pour affirmer son mépris la piste du héros imaginaire de l’autorité, transgresse la jusqu’à Grandvaux, où son règle du Prophète et affronte créateur est mort en 1995. le blasphème et la prison, Hugo Pratt. Les Embringué dans bien des écrit Marco Steiner. Cush ne Lieux de l’aventure, de Hugo Pratt, Marco événements du début du boit l’alcool que parce qu’il D’Anna, Marco Steiner, XX e siècle, Corto Maltese vaut mieux, parfois, défier Casterman, 242 pages, continue de parler au lecteur l’autorité imposée que suivre 29,95 euros du XXIe – prouvant au passage des préceptes religieux. De que Hugo Pratt est bien le précurseur du toute façon, le Prophète connaît bien la foi de ses disciples. Seuls les sots ont besoin roman graphique, en vogue aujourd’hui. Exemple. Dans Les Éthiopiques, Corto de preuves. » Difficile de faire plus actuel. ●

En promenant son héros sur toutes les mers du monde, dans l’agitation du début du XXe siècle, le dessinateur italien a signé une œuvre d’avant-garde.

S

a page Wikipédia commence ainsi : « Né à La Valette, sur l’île de Malte, le 10 juillet 1887, d’un père originaire de Cornouailles, marin dans la Royal Navy, et d’une gitane, originaire de Séville, il est de nationalité britannique. Officiellement, il réside à Antigua, dans les Petites Antilles… » Les aficionadosaurontreconnuCortoMaltese, le beau gosse aventurier créé par le dessinateur italien Hugo Pratt. Infatigable bourlingueur,lemarinausésoninimitable caban d’un bout à l’autre de la planète – en Éthiopie, en Irlande, en Sibérie, en Suisse, dans les Caraïbes… Les Lieux de l’aventure,

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Culture médias

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Bande dessinée

Wanatolie

CRAIG THOMPSON

Habibi, de Craig Thompson, Casterman, 674 pages, 24,95 euros

CRAIG THOMPSON

L’eunuque et la prostituée Avec Habibi, vaste roman graphique, l’auteur américain signe une histoire d’amour époustouflante dans un pays imaginaire : la Wanatolie. N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

C

est un pavé monumental, un roman graphique de 674 pages. Habibi, de l’Américain Craig Thompson, est un chef-d’œuvre appelé à devenir culte. Si les premières pages pouvaient laisser craindre une fascination orientaliste

accumulant les clichés – calligraphie, arabesques, harem, références aux contes, etc. –, la puissance narrative et le talent graphique de l’auteur s’allient vite pour plonger le lecteur dans un monde onirique qui tantôt séduit par sa poésie, tantôt horrifie jusqu’à la nausée. Habibi, c’est d’abord une histoire d’amour entre une jeune fille et un enfant noir. Vendue à un scribe à l’orée de l’adolescence, enlevée par des marchands d’esclaves, Dodola parvient à sauver le petit Zam – bientôt surnommé Habibi – et lui permet de survivre dans le désert en offrant son corps aux caravaniers de passage… Sa réputation se déployant audelà des dunes, elle est enlevée par un sultan dont elle devient bientôt la favorite. Abandonné à son sort, passionnément amoureux de celle qui fut comme une mère et comme une sœur pour lui, Zam est recueilli par un groupe d’eunuques et, désespéré, décide de sa propre castration. Ces deux-là, Qaïs et Leïla des temps modernes, parviendront-ils à se retrouver ? Impossible de résumer leurs mésaventures et leur passion sans trahir le monde délirant dans lequel nous entraîne Craig Thompson. Mélangeant éléments du passé et détails actuels, architecture religieuse et gratte-ciel futuristes, références aux livres sacrés et contes païens, ornementation et dessin contemporain, l’auteur marche en équilibre sur la ligne fragile qui sépare Éros et Thanatos. La lecture n’est pas de tout repos: Thompson dessine ad nauseam la violence extrême d’une société qui méprise les femmes et s’évertue à tuer le désir. Au fond, Habibi est un regard sans concession porté sur les interdits religieux et les contradictions mortifères de leurs thuriféraires. ● JEUNE AFRIQUE


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LA BÉDÉTHÈQUE HÈQUE E DE… JEAN-PIERRE FILIU FILIU

DAENINCKX ET MAKO

Les Éthiopiques, de Hugo Pratt Le désert n’a jamais été aussi sublime. Le Jeu des hirondelles, de Zeina Abirached Une fresque si profondément libanaise qu’elle en devient universelle.

Algérie

Carnets d’Orient, de Jacques Ferrandez Le premier pour s’y plonger et tous les suivants sans s’en lasser.

FRAPPIER – DAENINCKX – MAKO

Deux dates pour mémoire 17 octobre 1961, 8 février 1962. Cinquante ans après, deux BD évoquent la répression policière organisée par Maurice Papon.

M

assacres d’Algériens à Paris ; répression violente, près de la station de métro Charonne, d’une manifestation de « défense républicaine » contre l’Organisation de l’armée secrète (OAS) : 17 octobre 1961, 8 février 1962. À la tête de la police parisienne, un certain Maurice Papon. « Il faut maintenant que ces deux dates soient définitivement liées comme signe de fraternité entre l’immigration ouvrière algérienne et les militants de France qui ont refusé la guerre livrée en Algérie », écrit l’historien Benjamin Stora. Sorties en librairie à quelques mois d’intervalle, deux BD permettent d’oresetdéjàd’allerdanscesens.Octobre noir, de l’écrivain Didier Daeninckx et du dessinateur Mako, raconte le terrible

Dans l’ombre de Charonne, de Désirée et Alain Frappier, Mauconduit, 136 pages, 17 euros JEUNE AFRIQUE

destin de Fatima Bedar, une adolescente de 15 ans jetée à la Seine dans la nuit du 17 octobre. Dans l’ombre de Charonne, de Désirée et Alain Frappier, évoque de son côté l’histoire de Maryse Douek, qui manqua mourir dans la bousculade du métro Charonne. De facture radicalement différente, les deux œuvres se complètent et se répondent, hantées par l’image des policiers membres des «compagniesdedistrict»,casqués,enveloppés dans leur raglan noir et armés de leur « bidule », ce manche de pioche avec lequel ils tabassèrent sans pitié. Plus fouillé, Dans l’ombre de Charonne a le mérite de replacer les événements du 8 février dans leur contexte politique en mêlant dessins, images d’archives, coupures de presse – et d’établir clairement les responsabilités. ●

Gaza 1956,, de Joe Sacco cco Une rigoureuse leçon de méthode historique. Les Freak Brothers, de Gilbert Shelton L’intégrale, parce que tout est bon dans le Shelton. Malos Tiempos, de Carlos Giménez La guerre civile à Madrid, de 1936 à 1939, vue et vécue par les sans-grades. Usagi Usa gi Yojimb Yojimbo, de Stan Sakai Mon samouraï préféré est… un lapin, et j’achète tous ses mangas depuis quinze ans. Le Singe, de Milo Manara et Silverio Pisu Une adaptation torride et percutante du classique chinois. Les Pauvres Aventures de Jérémie, tome I : « Les Jolis Pieds de Florence », de Riad Sattouf Enfin pouvoir rire du désir masculin.

Octobre noir, de Daeninckx et Mako, Adlibris, 64 pages, 13,50 euros

La croisade s’amuse, de Jul Enfin pouvoir rire d’Al-Qaïda. N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

BRUNO LEVY POUR J.A.

Spécialiste de l’islam contemporain


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Culture médias DROIT DE RÉPONSE à la direction de Radio France Internationale

La fusion renforcera RFI

V

OUS AVEZ CONSACRÉ dans votre publication du 18 décembre 2011 deux pages se faisant l’écho des réticences suscitées au sein de RFI par le projet de fusion avec France 24. Ce papier, très unilatéral, suscite de notre part les clarifications suivantes : Contrairement à ce que vous avez pu laisser entendre, RFI n’est pas menacée. Ce projet ambitieux a été longuement réfléchi. Il est l’aboutissement d’un processus engagé il y a trois ans avec la création de l’Audiovisuel extérieur de la France. Cette fusion est nécessaire car l’évolution du monde des médias à l’international nous impose de nous adapter. C’est pourquoi nous devons rassembler nos forces et les expertises de RFI, de Monte Carlo Doualiya et de France 24 et créer ensemble une entreprise ambitieuse. Cette démarche est une évolution naturelle adoptée désormais par tous les grands groupes qui sont nos concurrents. La réussite spectaculaire du pôle arabophone en est la preuve éclatante. L’alliance réussie de Monte Carlo Doualiya, notre filiale arabophone, et de France 24 en arabe s’est traduite par une explosion des audiences de nos deux médias pendant les révolutions arabes. Ils sont devenus la référence dans cette partie du monde. Contrairement aux chiffres que vous avancez, aucune incertitude budgétaire ne pèse sur la gestion des trois médias de l’AEF. Ils sont tous à l’équilibre depuis qu’Alain de Pouzilhac les préside. Pour ce qui concerne RFI, les faits parlent d’eux-mêmes: l’économie générée par la première réorganisation et

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le plan de départs volontaires survenus en 2009 a été redéployée à hauteur de 80 % dans les développements stratégiques de RFI et de sa filiale arabophone : notoriété, réorganisation des grilles, lancement du swahili par exemple… Les cultures d’entreprise sont certes différentes, mais ce qui nous rassemble est de loin plus important que ce qui nous sépare : une même manière de hiérarchiser l’information, la primauté accordée au traitement de l’actualité internationale et africaine, le regard français sur le monde, regard de confrontation des idées, dans un esprit d’honnêteté et d’impartialité. Ce qui nous rassemble, c’est aussi l’incroyable diversité de nos équipes, la richesse de leurs origines. Cette proximité d e s a p p r o ch e s constitue le socle d’un projet éditorial fort. Il est fondé sur l’alliance de l’expertise et de la réactivité, l ’ i m p o rt a n c e d u reportage, du direct, du témoignage, mais aussi une place importante donnée au débat, à l’analyse, à la mise en perspective. Aux côtés de trois langues communes, des langues de grande importance continueront d’être déclinées en radio mais pourront s’enrichir sur le web de vidéos issues de la télévision. De nouvelles langues seront lancées pour conforter encore notre dimension de proximité sur le continent africain.

développent des synergies, nos antennes seront encore plus riches pour mieux répondre aux demandes et à l’exigence toujours plus forte de nos auditeurs, téléspectateurs et internautes. Le service public, c’est avant tout celui de nos publics. Nous en connaissons les missions. Nous y serons toujours fidèles. Le dialogue est au cœur de nos préoccupations. Nous multiplions depuis des mois les échanges avec les femmes et les hommes de cette entreprise dans un souci de transparence et de compréhension. Une fusion constitue un choc, une rupture dans les habitudes, et génère forcément de l’anxiété. Enfin, l’encadré que vous consacrez à Alain de Pouzilhac est d’une surprenante malveillance. Son litige avec Havas n’a rien à voir avec

Le service public, c’est avant tout celui de nos publics. Nous y serons toujours fidèles.

Il n’existe pas dans le groupe de « média de deuxième division ». Les performances et la réalité des audiences de chacun d’entre eux sont la preuve et le reflet de la qualité de nos contenus. Demain, en

l’Audiovisuel extérieur de la France. Concernant les procès avecVincent Bolloré, la justice française a toujours donné raison à Alain de Pouzilhac, huit décisions de justice étant prononcées contre Vincent Bolloré, dont la dernière pas plus tard que la semaine dernière. ● GENEVIÈVE GOËTZINGER, directrice déléguée de RFI

NDLR

Le but de cet article n’était évidemment pas de porter tort à une chaîne de radio (et de télévision) très écoutée (et regardée) par nos lecteurs, mais de donner à ces derniers quelques clés d’explications sur une crise qui les a privés de RFI pendant deux semaines. JEUNE AFRIQUE


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DIRECTEUR GÉNÉRAL DU VITIB.SA Sous l’autorité du Conseil d’Administration, vous prenez en charge l’ensemble des problématiques relatives au Développement, à la Promotion et à la Gestion d’une zone franche en matière de TIC et de biotechnologie. À ce titre, vous assurez : • la définition de la politique et l’élaboration d’un plan stratégique de développement de la zone ; • le développement social en favorisant l’emploi et la qualité de vie des usagers et des riverains. Titulaire d’un Bac+5, vous avez une expérience professionnelle de 10 ans minimum dont 3 à 5 ans dans des fonctions de direction. Vous devez avoir : des connaissances approfondies dans le domaine des TIC et de la biotechnologie ; une capacité à développer une vision à long terme ; des capacités managériales avérées ; une bonne connaissance du marché des TIC ; une expérience acquise à l’international ; une maîtrise du français et de l’anglais ; une maîtrise des outils informatiques et de bureautique. Poste basé en Côte d’Ivoire. Merci d’adresser C.V, lettre de motivation et prétentions salariales à cifip.vitib@yahoo.fr. Seuls les candidats dont les dossiers auront été retenus seront contactés.

DIRECTEUR, AGRICULTURE ET POLITIQUES EUROPE ONE est une organisation de campagne et de plaidoyer soutenue par plus de 2,5 millions de personnes à travers le monde qui lutte pour l’éradication de l’extrême pauvreté et des maladies évitables, particulièrement en Afrique. ONE a des bureaux à Abuja, Berlin, Bruxelles, Johannesburg, Londres, Paris et Washington. Nous recherchons un(e) Directeur(rice), Agriculture et Politique Europe (Agriculture et Europe Policy Director) pour travailler comme un des piliers de notre équipe politique mondiale. Il s’agit d’une position de management dont les responsabilités sont d’effectuer des analyses politiques et des études sur les principales thématiques de la mission de ONE, en particulier sur les questions liées au développement agricole et, plus généralement, aux politiques européennes de développement. Le(la) candidat(e) idéal(e) est un(e) manager expérimenté(e) qui travaille bien en équipe, il(elle) a accumulé de l’expérience (7 à 10 années) dans les questions substantielles de politique du développement et a une très bonne compréhension de comment un plaidoyer pertinent et efficace peut apporter des changements de politiques. Pour lire l’offre entière, merci de cliquer sur le lien suivant : http://www.one.org/c/international/about/4161/ Pour poser votre candidature: merci d’envoyer votre candidature en anglais à recruitmentuk@one.org contenant votre CV ainsi qu’une lettre de motivation mettant en exergue comment vous répondez aux compétences et expériences demandées dans l’offre d’emploi. Merci de préciser également si vous êtes actuellement autorisé à travailler dans l’Union européenne. Date de clôture des candidatures : le 10 janvier 2012 à 18h00 GMT Entretiens : entre fin janvier et début février 2012. Nous remercions tous les candidats pour leur intérêt. Nous ne sommes en mesure de répondre qu’aux candidats qui auront été sélectionnés pour les premiers entretiens. Si vous n’avez pas été contactés dans les 3 semaines suivant la date de clôture des candidatures, votre candidature n’a malheureusement pas été retenue.

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Annonces classées AVIS DE RECRUTEMENT D’UN EXPERT RESPONSABLE ADMINISTRATIF ET FINANCIER Le Réseau des Aires Protégées d’Afrique Centrale (RAPAC) recherche un Expert Responsable Administratif et Financier (E.R.A.F) pour le programme ECOFAC V qui sera basé à Libreville au Gabon. Le (la) candidat (e) doit satisfaire aux conditions ci-après : • Etre ressortissant d’un des pays membres de la COMIFAC et de la CEEAC ; et/ou des pays de l’Union Européenne et ACP ; • Etre titulaire d'un diplôme universitaire (Bac + 4/5 ans) en administration, finances, gestion, commerce, ou équivalent ; • Avoir au minimum 15 ans d’expériences professionnelles dont 8 années de pratiques des procédures de gestion du FED. Les dossiers de candidature doivent être adressés de préférence par courrier électronique (format PDF) ou par courrier postal, le 15 janvier 2012 au plus tard à l’adresse suivante : Monsieur Jean Pierre AGNANGOYE, Secrétaire Exécutif du RAPAC, BP 14 533 Libreville, Gabon : secretariat.executif@rapac.org ; jp_agnangoye@yahoo.fr ; avec copie à jmsionneauctprapac@yahoo.fr Le dossier de candidature contient : - une lettre de motivation ; - un CV détaillé avec photo d’identité en couleur ; - des copies des références universitaires et professionnelles pertinentes pour le poste ; - une note de synthèse assortie des commentaires sur la compréhension des termes de référence ; - une offre financière (rémunération minimum souhaitée) - deux lettres de recommandation, émanant de personnalités ou institutions crédibles ayant connu le candidat. Pour plus d’information, consultez les termes de référence complets sur le site Web www.rapac.org

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RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO - MINISTÈRE DE L’ÉNERGIE - SOCIÉTÉ NATIONALE D’ÉLECTRICITÉ (SNEL)

APPEL À LA MANIFESTATION D’INTÉRÊT

N° Avis : AMI/316/PMEDE/BCECO/DG/DPM/GK/2011/SC Pays : République Démocratique du Congo (RDC) Source de financement : Don IDA H 2960 – DRC Nom du Projet : Projet de Développement des Marchés d’Electricité pour la Consommation Domestique et à l’Export (PMEDE) Services de consultant : Audit des états financiers de la Société Nationale d’Electricité (SNEL) pour les exercices 2011, 2012 et 2013. Date de publication : 21 décembre 2011

Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo (RDC) a obtenu un financement de l’Association Internationale de Développement (IDA) en vue de financer le Projet de développement des marchés d’électricité pour la consommation domestique et à l’export (PMEDE), et a l’intention d’utiliser une partie de ce financement pour effectuer les paiements autorisés au titre d’un contrat relatif aux services de Consultant chargé de réaliser les audits des états financiers de la Société Nationale d’Electricité (SNEL) pour les exercices 2011, 2012 et 2013. La mission du Consultant consiste, pour chaque exercice considéré séparément, à réaliser l’audit financier des comptes annuels de la SNEL conformément aux normes internationales d’audit, à effectuer toutes les vérifications et les contrôles qu’il peut juger nécessaires en la circonstance et émettre son opinion sur ces comptes. L’examen devra comprendre toutes les observations, tests, vérifications et confirmations jugés nécessaires par l’auditeur et, entre autres, les tâches principales suivantes : (i) préparer et planifier l’exécution de sa mission afin de comprendre les activités de SNEL, la stratégie de gestion, les systèmes comptables et de contrôle interne et les circonstances récentes d’évolution des performances de l’entreprise (ii) réaliser l’audit de façon à obtenir une assurance raisonnable de l’absence de distorsion significative dans l’image que les états financiers donnent de la SNEL ; (iii) procéder à l’examen, par sondage, des éléments probants qui justifient les montants et informations figurant dans les états financiers ; (iv) évaluer le respect des dispositions du système de contrôle interne, noter les contrôles inexistants ou ceux qui nécessitent des améliorations et faire des propositions pour renforcer le système de contrôle interne ; etc. Pour garantir au mieux l’objectivité de l’opinion, le cabinet d’audit et d’expertise comptable de réputation internationale à recruter devra : - Être indépendant et faisant profession habituelle de réviser les comptes, régulièrement inscrit au Tableau d’un Ordre des Experts Comptables reconnu au plan international par l’IFAC ou la FIDEF, ou tout autre organisation régionale de comptabilité et d’audit reconnue par l’IFAC et la FIDEF - Avoir une expérience confirmée en audit financier des entreprises de la même taille que la SNEL. Des expériences de mission d’audit similaires des comptes annuels des entreprises du secteur de l’électricité et jugées satisfaisantes seraient un avantage considérable. - Avoir un personnel clé constitué au moins : (i) d’un Expert Comptable Diplômé justifiant d’au moins 15 ans d’expérience d’audit financier et ayant une bonne connaissance des procédures de gestion financière et comptable dans les entreprises industrielles à caractère commercial et opérant dans le secteur de l’électricité,, (ii) d’un Chef de mission ayant au moins un diplôme de niveau BAC+ 5 au moins en Audit ou en comptabilité et

justifiant d’une expérience de 10 ans au moins en matière d’audit financier notamment dans les opérations du secteur de l’électricité ; (iii) un spécialiste en passation de marché ayant une expérience prouvée d’au moins 5 ans; et (iv) un ingénieur électricien ayant une expérience d’au moins 10 dans le secteur. Le personnel minimum requis est detaillé dans les termes de référence de la mission. La mission du Cabinet portera sur trois exercices qui sont : • Exercice 1 : audit des comptes clos au 31.12.2011 • Exercice 2: audit des comptes clos au 31.12.2012 • Exercice 3 : audit des comptes clos au 31.12.2013 La durée de la mission d’audit est estimée à 8 semaines calendaires pour chaque phase. La Société Nationale d’Electricité (SNEL), par l’entremise du Bureau Central de Coordination (BCECO) avec la participation de l’équipe de la SNEL, invite les candidats admissibles à manifester leur intérêt à fournir les services décrits ci-dessus. Un Consultant sera sélectionné en accord avec les procédures définies dans les Directives « Sélection et Emploi de Consultants par les Emprunteurs de la Banque Mondiale » (Edition mai 2004, révisée en octobre 2006, et mai 2010). Les cabinets intéressés peuvent consulter les Termes de Référence de la mission et obtenir des informations supplémentaires à l’adresse ci-dessous, de lundi à vendredi aux heures suivantes : de 9h00 à 16h00 (TU+1). Les manifestations d’intérêt rédigées en langue française doivent parvenir, par courrier ou par courriel, à l’adresse ci-dessous au plus tard le mercredi 18 janvier 2012 et porter clairement la mention « AMI/316/PMEDE/BCECO/DG/DPM/GK/2011/SC – Recrutement du Cabinet chargé de l’Audit des comptes financiers de la SNEL pour les exercices 2011, 2012 et 2013 ». BUREAU CENTRAL DE COORDINATION (BCECO) Pour le compte de la Société Nationale d’Electricité (SNEL) A l’attention de Monsieur MATONDO MBUNGU, Directeur Général a.i Avenue Colonel Mondjiba, n°372 - Concession UTEXAFRICA - KINSHASA / NGALIEMA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO - TÉL. (243) 815 136 729 (243) 819 999 180 Email : bceco@bceco.cd avec copie à dpm@bceco.cd; bcecobceco@yahoo.fr ; dpmbceco@yahoo.fr MATONDO MBUNGU Directeur Général a.i du BCECO

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N° 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

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Vous nous

Le courrier des lecteurs

GABON LÉGISLATIVES, LE GRAND TEST

HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL INDÉPENDANT • 52e année • N° 2657 • du 11 au 17 décembre 2011

INTERVIEW FATOU BENSOUDA : « NON, LA CPI N’EST PAS À LA SOLDE DES BLANCS »

SÉNÉGAL LES SONDAGES DE LA DISCORDE

jeuneafrique.com

CÔTE D’IVOIRE GBAGBO CONTRE-ATTAQUE

Envoyez-nous vos réactions, vos réflexions, vos coups de gueule ou de cœur à redaction@jeuneafrique.com ou au 57 bis, rue d’Auteuil, 75016 Paris. Joseph Kabila

Au nom des damnés de la terre JE NE COMPRENDS pas le silence absurde des médias français à propos du Martiniquais Frantz Fanon. Pas la moindre émission de télévision ou de radio ; pas le plus petit article de presse écrite. Jeune Afrique non plus n’en a pas parlé. Pourtant, l’homme est célèbre et devrait vivre en chacun de nous. Son œuvre ainsi que ses coups de gueule sont superbement gravés dans mon cœur et mon esprit. Alors, je m’interroge : pourquoi restent-ils donc si silencieux sur le personnage, ces nombreux Français justes et valeureux de métropole que je connais… ? Frantz Fanon a été un être merveilleux, qui a défendu la liberté et l’honneur de l’homme. Jeune Afrique devrait lui consacrer un numéro spécial. Pour le bien de tous les damnés de la terre, encore trop nombreux outre-mer. ●

RD Congo… Partout les sortants ont été reconduits malgré les irrégularités dénoncées par leurs oppositions. Pourquoi ce qui est vrai ailleurs ne s’appliquerait-il pas dans le pays de Laurent Gbagbo ? Tout simplement parce que ce dernier a été un président hors norme, qui ne plaisait pas à l’Occident, en particulier à la France. Comme disait La Fontaine : « Selon que vous serez puissant ou misérable, Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. » ● GNAHORÉ DOUADJI, Paris, France

Pour services rendus JE TIENS À SALUER Jeune Afrique pour l’excellent travail accompli par son équipe. Je profite par ailleurs de son canal pour féliciter

Réponse De nombreux journaux français ont consacré plusieurs articles au cinquantième anniversaire de la disparition de Frantz Fanon, ainsi qu’à la réédition de sa biographie et de l’ensemble de son œuvre. Et Jeune Afrique n’a pas été en reste. Votre hebdomadaire a rendu hommage au psychiatre martiniquais dans son numéro 2656, édition du 4 au 10 décembre 2011. ● LA RÉDACTION

L’injustice de la CPI LE TRANSFÈREMENT à la Cour pénale internationale de Laurent Gbagbo est injuste. Mais il a au moins le mérite de lui offrir une tribune pour dénoncer le complot français dont il a été la victime. Sur le continent, entre 2009 et 2011, des élections présidentielles se sont tenues dans plusieurs pays : Bénin, Burkina Faso, Gabon, Cameroun, N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

RD CONGO

Étienne Tshisekedi

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J.A. NO 2657, du 11 au 17 décembre 2011.

le président Joseph Kabila, réélu le 28 novembre. Que Dieu l’aide à présider aux destinées de notre somptueux pays. ● EL EZECHIAS KIAKEDIKA, Kinshasa, RD Congo

Élections africaines : figures imposées PARTOUT EN AFRIQUE NOIRE, les résultats des élections sont connus avant la tenue des scrutins. Dans ces conditions, il ne sert à rien, je pense, d’appeler le peuple à aller voter, sa volonté n’étant jamais prise en compte. Un choix, généralement dicté de l’extérieur, lui est toujours imposé. ● DJEFF MUNGONDJI KIKOTI, Bulungu, RD Congo

Pour la Casamance, j’accuse

ALBERT BARDOT, Sète, France

BEN CURTIS/AP/SIPA

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IL Y A DOUZE ANS, à son arrivée au pouvoir, Abdoulaye Wade promettait de résoudre le problème casamançais en cent jours. À quelques mois de la fin de son deuxième mandat, aucune solution ne se profile. La Casamance, région du sud du Sénégal, est toujours en proie à une rébellion armée vieille de trente ans. Limitée au départ à quelques individus, donc facilement gérable, cette rébellion s’est internationalisée au début des années 1990, avec l’instabilité dans l’Ouest africain (Liberia, Sierra Leone, Côte d’Ivoire…). À cause du laxisme des autorités de Dakar, qui n’ont pas pris en compte les spécificités de la OBSÈQUES de victimes région, les personnes chargées du dossier l’ont de la catastrophe du Joola, plutôt complexifié. Résultat: les populations sont en 2003, à Dakar. terrorisées, prises sous les feux croisés des deux camps, l’armée et les rebelles. Préoccupé par les seules échéances électorales, le gouvernement ne fait plus du règlement de ce problème casamançais une priorité, ce qui est profondément inacceptable. Le rôle premier d’un État n’est-il pas d’assurer la sécurité des personnes et des biens? C’est même une exigence et un droit qu’il convient de rappeler une fois encore. Abdoulaye Wade avait pourtant toute latitude pour résoudre cette épineuse question. Depuis 1978, il compte des élus dans la région. Après le naufrage du Joola, en septembre 2002, dont la majorité des victimes était originaire de la Casamance, il aurait pu écrire une nouvelle page d’histoire. Pour cela, il aurait fallu audace, volonté, ambition et respect pour le Sénégal, la Casamance et ses populations. Des qualités que les autorités sénégalaises n’ont visiblement pas. ● THIERNO RAMPNOUX DIALLO, président de Horizon Afrik, Paris, France JEUNE AFRIQUE


Vous nous

LATIF CAMARA, Neuchâtel, Suisse

Aux ministres qui passent entre les mailles du filet TOUTE NATION SE CONSTRUIT dans le temps – souvent dans la douleur. Cette construction aboutit, dans le meilleur des cas, à un niveau de développement social et économique justifiant toutes les peines et sacrifices consentis. C’est dans cet esprit que le « prince » forme son JEUNE AFRIQUE

LETTRE DE NIAMEY

VINCENT FOURNIER/J.A.

Dlamini-Zuma et Ping dos à dos EN CETTE FIN 2011, année mémorable, le moment est venu de mettre l’Union africaine face à son immobilisme et à son incompétence dans la gestion des crises. En Côte d’Ivoire, panel de chefs d’État africains et réunions multiples ne lui ont pas permis d’installer le président élu, Alassane Ouattara, dans ses fonctions. Dans le cadre de la crise libyenne, le président sénégalais, Abdoulaye Wade, a cru bon de débarquer à Benghazi sans mandat de ses pairs… Une visite inopinée, si peu appréciée qu’il s’en est retourné dans son pays avec « un peu de vent » de révolution arabe dans ses valises : à son retour, des manifestations contre la vie chère et les coupures intempestives de courant l’attendaient. Il avait donc mieux à faire dans son pays ! Quant à Jean Ping, président de la Commission de l’Union africaine, il était si transparent pendant ces crises que c’en devenait touchant ! Jacob Zuma n’a pas fait mieux. Versatile, il est allé soutenir son ami Kaddafi à Tripoli avant d’approuver, quelques jours plus tard, la résolution 1973 autorisant les frappes aériennes contre son pays. À chaque fois, l’Union africaine, mal organisée et mal inspirée, a brillé par son inefficacité. Elle devrait en tirer les conséquences ! Il est donc incompréhensible de voir ses dirigeants actuels déjà en campagne. Que Jean Ping renonce à se représenter et que Jacob Zuma renonce à proposer la candidature de son ex-épouse, Nkosazana DlaminiZuma. Cela permettrait aux jeunes cadres compétents de restructurer de fond en comble cette organisation, qui en a tant besoin. ●

SI UN JOUR VOUS RENCONTREZ quelqu’un qui prétend ne pas aimer le Niger, vérifiez bien que ce n’est pas un pudique qui n’avoue jamais ses élans affectifs. Avec la fin de l’année, les rapports internationaux – qui d’ailleurs impressionnent de moins en moins – iront de leurs classements désignant toujours le Niger comme le pays le plus pauvre au monde. Mais rien ne dit que, cette fois, les Nigériens en seront affectés. Un brin euphoriques, ils rappellent volontiers au visiteur leurs raisons d’espérer. Après avoir écarté un président qui avait perdu le sens des réalités (MamadouTandja), ils ont conduit un processus électoral unanimement salué. Ils ont découvert du pétrole et ont inauguré leur première raffinerie à Zinder. Certes, quelques Occidentaux grincheux laissent entendre que les Chinois sont là, nombreux. Jalousies. Il y a assez de place dans ce vaste Niger pour tout le monde. Parmi les autres succès, la signature de la charte deTable Mountain, qui dépénalise les délits de presse (diffamation) ; la qualification de l’équipe nationale pour la Coupe d’Afrique des nations ; la tenue du Festival international de la mode africaine, IBRAHIM SY SAVANÉ à Abidjan, le fameux Fima d’Alphadi. Selon en 2009. certains, tout cela n’apporte rien au pays. Au moins les hôtels sont-ils pleins. Si ces touristes congressistes ne consomment pas, ils aiment le Niger. Et le Niger aime qu’on l’aime. Qu’est-ce qui plaît tant aux touristes ? La beauté âpre du pays. Certains s’insurgent contre les consignes de sécurité qui leur interdisent de sortir de Niamey. La zone n’est pas sûre. C’est bien possible, car on rencontre quelques personnages énigmatiques. À défaut de devenir le pays le plus riche dans quelques décennies, je prophétise qu’il sera l’un des plus socialement équitables de la région. ● IBRAHIM SY SAVANÉ, président de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle de Côte d’Ivoire

gouvernement et lui donne le pouvoir d’entreprendre toutes actions de nature à améliorer le bien-être public. En échouant, le ministre trahit non seulement le peuple, mais aussi le prince. Un tel revers finit toujours par retourner le peuple contre ce dernier. Nul ne remet en question la difficulté de la tâche ministérielle. On pourrait même témoigner quelque empathie au ministre si à l’incompétence ne s’ajoutait pas tant d’arrogance de sa part. Car, en dépit de leur manque de vision, un grand nombre de ces ministres osent se prendre pour des politiques. Qu’il en soit ainsi. Mais n’oublions pas qu’Aristote incluait dans cette même catégorie abeilles et

fourmis. À ceci près qu’il reconnaissait à ces dernières une capacité à vivre socialement les unes avec les autres. Une telle harmonie fait cruellement défaut au sein des gouvernements, tant les rivalités propres à l’homme masquent l’intérêt suprême de la nation. L’Histoire nous enseigne que le soulèvement des peuples n’est jamais fortuit. Il est toujours la manifestation d’un essoufflement de la patience face à ceux qui pratiquent la politique du nombril. Le bon prince a le devoir de s’entourer de bons ministres. À défaut, il insulte l’avenir de la nation. ● AIMÉ EMMANUEL YOKA, Singapour N o 2659-2660 • DU 25 DÉCEMBRE 2011 AU 7 JANVIER 2012

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HEBDOMADAIRE INTERNATIONAL POLITIQUE, ÉCONOMIE, CULTURE

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Post-scriptum Fouad Laroui

Fondé à Tunis le 17 oct. 1960 par Béchir Ben Yahmed (52e année) Édité par SIFIJA Siège social : 57 bis, rue d’Auteuil – 75016 PARIS Tél. : 01 44 30 19 60 ; Télécopieurs : rédaction : 01 45 20 09 69 ; ventes : 01 45 20 09 67 ; Courriel : redaction@jeuneafrique.com DIRECTION

Prévision pour 2012

C

omme en chaque fin d’année, les voyants, les Madame Soleil, les extralucides y vont de leurs prédictions. Il est étrange que quatre siècles après Descartes l’humanité soit encore à un tel degré de sottise, mais c’est ainsi. Ces charlatans vont nous dire avec beaucoup d’aplomb ce qui va se passer en 2012, escomptant que tout le monde aura oublié, dans douze mois, à quel point ils se sont trompés – sauf sur le 1 % de prévisions qui finissent nécessairement par se réaliser : Mandela mourra bien un jour et il y a chaque année une inondation quelque part. Au lieu de lire ce que ces escrocs diront ce mois-ci, pourquoi ne pas nous intéresser à ce qu’ils avaient prévu… l’an dernier ? JeanDidier, « voyant, astrologue », affirmait que 2011 serait marquée par une nette reprise du pouvoir d’achat en France. Il précisait : « La crise va s’estomper petit à petit. » Faux ! Jean-Didier prévoyait aussi une révolte des agriculteurs (une jacquerie ?) « qui marquera les esprits ». Ça vous a marqué, vous ? Il annonçait « des menaces entre la Corée du Nord et la Corée du Sud ». Bof, ça ne dure que depuis 1950, pas de raison que ça se calme cette année… « Je vois un tsunami dans l’océan Indien, l’océan Atlantique, le golfe du Mexique et la mer des Antilles. » La seule région que l’astrologue n’ait pas couverte, c’est le Japon… Oups, Fukushima… Notons aussi que « le monde du show-business et des médias sera en deuil ». Ce génie du tarot nous révèle donc ce fait inouï : contrairement à ce qu’on pourrait croire, les gens du showbiz et des médias ne sont pas immortels. Incroyable !

Passons à Alexandre D., qui se dit médium. « L’Inde sera traversée par des vagues climatiques » [sic]. Mais qu’est-ce que cela veut dire, « des vagues climatiques » ? Pourquoi pas : les États-Unis seront traversés par des vents biodégradables et la Chine par des glaçons dyslexiques ? « D’ici à 2020, affirme Alexandre D., le mythe de l’Atlantide révélera ses secrets. » Gageons que d’ici à 2020, plus personne ne saura ce qu’Alexandre D. avait dit dix ans plus tôt. Mes propres prévisions : d’ici à 2345, on en saura plus sur l’assassinat de Kennedy. Anthony B., « voyant, astrologue et écrivain », affirmait l’an dernier « voir » un important problème lié à Israël et l’Iran, et qui « secouerait le monde ». Courage, Anthony ! Il reste encore quelques jours pour ce cataclysme. À propos de l’Iran, Fabienne L. (« numérologie et astrologie ») faisait cette prédiction stupéfiante pour 2011 : « On reparlera de l’arme nucléaire. » Franchement, même mon chat (qui regarde beaucoup la télé) était capable de prédire ça… Elle annonçait aussi « inflation et hausse du prix de l’essence dans le monde ». Là, mon chat ne se serait pas abaissé à dire des choses aussi banales. Cela dit, elle n’a pas tout faux. « 2011 : le Pakistan sera montré du doigt. » Je viens de montrer le Pakistan du doigt sur mon atlas, bravo, Fabienne ! Bon, on s’arrête ici. L’exercice est aussi amusant qu’inutile. Cela fait des siècles que les escrocs qui prétendent prévoir l’avenir se trompent lamentablement. Et cela fait des siècles qu’on les écoute. La crédulité et la sottise ne disparaîtront pas en 2012 : c’est bien la seule chose dont on peut être sûr pour l’année qui vient… ●

Directeur de la publication : BÉCHIR BEN YAHMED (bby@jeuneafrique.com) Directeur général : Danielle Ben Yahmed Vice-présidents: Aldo de Silva, Danielle Ben Yahmed, François Soudan, Amir Ben Yahmed Actionnaire principal : Béchir Ben Yahmed RÉDACTION Directeur de la rédaction : François Soudan (f.soudan@jeuneafrique.com) Directeurs exécutifs : Marwane Ben Yahmed (mby@jeuneafrique.com), Amir Ben Yahmed (aby@jeuneafrique.com) Rédactrice en chef déléguée : Élise Colette (e.colette@jeuneafrique.com) Rédacteur en chef technique : Laurent Giraud-Coudière Conseillers de la direction de la rédaction : Hamid Barrada, Abdelaziz Barrouhi (à Tunis), Aldo de Silva, Dominique Mataillet, Renaud de Rochebrune Responsable de la communication : Vanessa Ralli (v.ralli@jeuneafrique.com) Secrétariat : Chantal Lossou, Joëlle Bouzignac Chefs de section : Joséphine Dedet (La semaine de J.A.), Philippe Perdrix (Grand angle), Anne Kappès-Grangé (Afrique subsaharienne), Tarek Moussa (Maghreb & Moyen-Orient), Jean-Michel Aubriet (Europe, Amériques, Asie), Cécile Manciaux (Le Plus de J.A.), Jean-Michel Meyer (Économie), Séverine Kodjo-Grandvaux (Culture & médias), Clarisse Juompan-Yakam (Vous & nous) Secrétaires de rédaction : Sabine Clerc, Fabien Mollon, Ophélie Négros Rédaction : Pascal Airault, Youssef Aït Akdim, Stéphane Ballong, Pierre Boisselet, Tirthankar Chanda, Julien Clémençot, Georges Dougueli, Tony Gamal Gabriel, Malika Groga-Bada, André Silver Konan (à Abidjan), Christophe Le Bec, Nicolas Michel, Fabien Mollon, PierreFrançois Naudé, Ophélie Négros, Cherif Ouazani, Michael Pauron, Laurent de Saint Périer, Leïla Slimani, Justine Spiegel, Tshitenge Lubabu M.K., Marie Villacèque ; collaborateurs : Edmond Bertrand, Christophe Boisbouvier, Frida Dahmani, Muriel Devey, André Lewin, Patrick Seale ; accords spéciaux : Financial Times RÉALISATION Maquette: Émeric Thérond (conception graphique, premier maquettiste), Christophe Chauvin, Stéphanie Creuzé, Valérie Olivier; révision: Nathalie Bedjoudjou (chef de service), Vladimir Pol; fabrication: Philippe Martin (chef de service), Christian Kasongo; service photo: Dan Torres (directrice photo), Nathalie Clavé, Vincent Fournier, Claire Vattebled; documentation: Anita Corthier (chef de service), Sylvie Fournier, Florence Turenne, Angéline Veyret JEUNEAFRIQUE.COM Responsable éditoriale : Élise Colette, avec Pierre-François Naudé ; rédaction : Camille Dubruelh, Vincent Duhem et Jean-Sébastien Josset Responsable web : Jean-Marie Miny ; studio : Cristina Bautista, Haikel Ben Hmida et Maxime Pierdet VENTES ET ABONNEMENTS Directeur marketing et diffusion : Philippe Saül ; responsable ventes au numéro : Philippe Blanc ; ventes au numéro : Sandra Drouet, Dhouha Boistuaud ; abonnements : Vanessa Sumyuen avec: COM&COM, Groupe Jeune Afrique 18-20, avenue Édouard-Herriot, 92350 Le PlessisRobinson. Tél. : 33 1 40 94 22 22 ; Fax : 33 1 40 94 22 32. E-mail : jeuneafrique@cometcom.fr ●

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