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Pierre Frolla: je m'entraîne comme un triathlète

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S'alimenter

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Pierre Frolla est apnéiste et détient de multiples records dans sa discipline. Il enseigne pour partager sa passion mais ne travaille qu’avec des débutants, qu’il tient à sensibiliser sur le bien-être que ce sport peut leur apporter. Et pour devenir un grand champion, il s’est forgé un physique et un mental d’acier, grâce notamment à la pratique du triathlon dans sa préparation.

Propos recueillis par Muriel Hatem

Comment est née votre vocation pour l’apnée ? On naît avec l’envie de respirer car la première chose que l’on fait quand on sort du ventre de sa mère, c’est crier et respirer. Je suis né à Monaco au bord de l’eau, ce qui facilite les choses pour devenir plongeur ou marin. De plus, mon père était membre de l’équipe monégasque de chasse sous-marine et de plongeurs en apnée dans les années 1960. Moi, je suis né en 1975 et j’ai grandi en étant bercé par ses histoires aquatiques. À l’époque, c’était le début de la plongée en apnée: c’est donc pour moi une passion qui a augmenté au fur et à mesure. Au début, j’ai fait d’autres sports comme la natation, le water-polo, du judo et même un peu de foot.

Aujourd’hui pratiquez-vous encore d’autres sports que l’apnée ? La plongée en bouteille et l’apnée sont mes sports de prédilection puisqu’il s’agit de mon travail, mais je pratique énormément de sports. J’ai fait du judo à très haut niveau, je faisais partie de l’équipe nationale jusqu’en 1997. Je pratique pas mal de natation, je fais également beaucoup de chute libre qui est un sport extrême, et depuis 5 ans, je fais beaucoup de swim & run. C’est une activité qui me permet de rester très en forme et qui se partage en binôme ce qui me change de mes autres sports.

Pouvez-vous nous donner votre palmarès ? J’ai 4 records de France en plongée en poids variable, 1 record d’Europe en immersion libre, 1 record d’Europe en poids constant et 4 records du monde : 3 en immersion libre et 1 en poids variable. L’immersion libre est la discipline reine pour moi. C’est descendre sans rien (pas de palme, masque…), juste avec une combinaison et un pince-nez, et on remonte par ses propres moyens. Le poids constant est la discipline la plus connue où on est équipé de palmes pour descendre et remonter. Dans la discipline du poids variable, on est assisté d’un lest pour descendre et on peut soit remonter par ses propres moyens, soit aidé d’un ballon.

Est-il possible pour tout le monde de s’initier à la plongée en apnée ? Oui, car tout le monde est capable de retenir sa respiration. Et puis, c’est une activité qui, au-delà d’être sportive, est bénéfique. On apprend à se relâcher, à se détendre, à se mouvoir en apesanteur. On apprend également à mieux se connaître et à faire preuve de courage à cetains moments. Il y a aussi un esprit de fraternité, car il faut être capable de surveiller une personne qui, à son tour, va vous surveiller. C’est une discipline introspective ; pour pouvoir faire de l’apnée il faut oublier d’avoir envie de respirer, il faut se détacher complètement et se laisser un peu aller. On vit dans un monde très stressant où il est difficile d’avoir un vrai moment pour soi. En apnée, je vais pouvoir vous prendre par la main et vous faire sortir d’une situation dans laquelle vous évoluez au quotidien et de vous permettre de mieux vous retrouver avec vous-même.

Quels conseils donneriez-vous à des personnes un peu craintives pour leur permettre de se laisser aller ? Je leur dirai qu’il faut commencer par avoir envie d’être curieux et de découvrir quelque chose de nouveau. Il faut qu’ils aient envie de se redécouvrir eux, au-delà de la discipline en elle-même et comprennent qu’il s’agit d’une activité de bien-être. On va d’abord commencer par faire des étirements, un peu de ventilation et on va se déconnecter de tout le reste. Je leur expliquerai que ça se pratique en surface et qu’il ne faut pas du tout avoir la crainte de la profondeur et qu’on va découvrir ensemble comment lâcher prise et être capable à un moment de se redécouvrir. Au-delà d’un défi, c’est presque une invitation au voyage, à un retour aux sources.

Faut-il des facultés particulières pour pratiquer l’apnée ? Il y a une limite : il ne faut pas avoir de problème particulier au niveau des bronches ni de problème de compensation au niveau des oreilles et des sinus, qui empêchent de plonger en profondeur. En revanche, ces problèmes permettent tout de même de pratiquer l’apnée statique et dynamique en surface. Au-delà de ça, tout le monde peut pratiquer la plongée en apnée, à tout âge et même avec certains handicaps. Il suffit d’avoir envie tout simplement.

Quelle est votre préparation à la plongée en apnée au quotidien ? En tant qu’athlète, je m’organise autour d’une préparation physique très intense. Pour être un apnéiste performant, il faut être très entraîné. Je m’entraîne donc comme un triathlète : je cours beaucoup, je nage énormément, je fais beaucoup d’exercices de type CrossFit. Il s’agit là d’une préparation générale qui me permet d’avoir une grande capacité pulmonaire, de résister à la fatigue et de récupérer vite. J’ai ensuite toute une partie spécifique où je vais devoir habituer mon corps à descendre en profondeur et à accepter la pression. La transition entre les 2 préparations est très difficile sur une saison. Mais les bénéfices que ça m’apporte en compétence apnéique sont colossaux.

Que peuvent apporter les qualités physiques et mentales d’un apnéiste dans la vie quotidienne ? Il y a une relation avec soi-même qui est importante, savoir qui on est permet de ne pas se dévaluer. Lorsque l’on est capable de faire preuve d’un peu d’introspection, de se détendre, de ventiler, de faire face plus facilement à la pression du regard des autres, du jugement, on vivra mieux. De plus, il s’agit bien évidemment d’une activité physique et sportive. C’est une discipline qui amène un peu d’individualisme, mais aussi beaucoup de fraternité car les gens se réunissent et apprennent à gérer la sécurité des uns et des autres. Et puis, il y a un lien direct avec la protection de l’environnement qui est vraiment très important. Quand on a compris que protéger l’environnement, c’est se protéger soimême, on a un regard tout autre sur la façon dont on doit gérer notre quotidien. Pour moi au-delà de l’enseignement, c’est un mode de vie.

Suivez-vous un régime alimentaire particulier ? Je mange de tout en grande quantité mais pas n’importe quand. Je vais éviter de prendre un repas trop copieux avant d’aller en mer par exemple. En revanche, tout ce qui est oléagineux, comme les cacahuètes ou les noix de cajou, est parfait pour les activités subaquatiques, car c’est riche en énergie et ça prend très peu de place dans l’estomac. ✱

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