DOROTHéE BéCART Journaliste- rédactrice multimédia 33 ans - carte de presse n° 101674
BOOK Déjà demain ? Extérieurs Design
Groupe Digicia Média Bimestriel déco/design consacré aux jardins contemporains
Rédactrice en chef (CDI, 2010-2013) Rédactrice en chef adjointe (CDI, 2008-2010)
STUFF
Groupe B&B Média Mensuel masculin dédié aux loisirs numériques
Rédactrice en chef adjointe (CDI, 2006-2008) Critique musicale (CDI, 2005-2008)
c’est de saison
déco
Voyage dans l’espace
PAUL OTT
Habiller son jardin de manière futuriste tout en protégeant son intimité, voilà ce que propose le studio d’architectes autrichien heri&salli avec la Landscape Fence.
8 I extérieurs design
Aérienne, cette clôture de jardin a été conçue spécialement pour préserver l’intimité des résidents et mettre en perspective le magnifique paysage environnant. Le cabinet d’architectes heri&salli, basé à Vienne, a pensé cette structure de métal comme un cocon entourant la piscine de la villa. Partiellement ouverte, elle offre une vision tridimensionnelle de l’espace grâce à des dalles métalliques en forme de diamants. Ces dernières sont fixées sur un axe géométrique, ce qui donne la possibilité de les faire pivoter afin de laisser passer la lumière. Ses courbes, elles, donnent une impression de gigantisme. La partie la plus protégée accueille du mobilier aux formes voluptueuses qui semble émerger du sol. Ainsi sont intégrés une table et des loungers. La baignade se fait à l’air libre, puisque la structure est beaucoup plus légère et discrète au-dessus de la pièce d’eau. Landscape Fence, design heri&salli.
extérieurs design I 9
c’est de saison
déco
Tout en transparence Du béton translucide : une innovation qui va inspirer plus d’un designer ! Utilisable pour des cloisons, des murs ou même des luminaires ou des meubles, ce matériau regorge de possibilités. Le Litracon, dont le nom vient de l’anglais Light-transmitting Concrete, a été créé par l’architecte hongrois Aron Losonczi en 2001. Il est composé à 96 % de béton et à 4 % de fibre optique, ou fibre de verre. En fonction de la luminosité, qu’elle soit artificielle ou naturelle, on voit se dessiner des formes, comme des ombres chinoises. À travers le mur de son salon, on apercevra, par exemple,des silhouettes passer ou des branches d’arbre danser au gré du vent. De nuit, si le salon est éclairé, les passants distingueront les formes du mobilier intérieur. Sans éclairage, la matière ressemble à du granit. Le Litracon a les mêmes propriétés d’isolation que le béton classique. De nombreux projets sont en cours, et Byzance Interior, l’importateur exclusif du matériau, a déjà pensé à des applications outdoor : des luminaires d’extérieur ont ainsi été créés pour un musée américain. Les idées fusent : tables basses, sols lumineux, mobilier d’extérieur... seule limite à son utilisation, ses dimensions : il est en effet conditionné sous forme de briques (60 x 30 cm). Litracon, béton translucide, design Aron Losonczi, chez Byzance Interior, prix sur demande.
8 I extérieurs design
extérieurs design I 9
tendance l Expérience
MAP / NATHALIE PASQUEL
RETOUR VERS
LE FUTUR
À quoi ressembleront les jardins dans dix, vingt ou cinquante ans ? Réponse anticipée de paysagistes d’aujourd’hui, résolument tournés vers l’avenir des espaces verts.
F
TEXTE DOROTHÉE BÉCART PHOTOS WWW.MAP-PHOTOS.COM
Hommage flottant ■ Parmi ses influences, Diarmuid Gavin cite volontiers la série télévisée Star Trek et la science-fiction en général. Son dernier jardin en date semble tirer son inspiration du film Avatar, avec son « œil » végétalisé flottant au-dessus d’un jardin tout en vagues de Miscanthus sinensis, de Carex comans 'Frosted Curls', de Panicum et de Buxus sempervirens soigneusement taillés.DESIGNER : Diarmuid Gavin.
104 I extérieurs design
uture nature. Rime riche... de possibilités. Car le paysage, en 2011, se situe à la croisée des chemins, à plus d’un titre. Le regain d’intérêt des particuliers pour leurs jardins, les enjeux écologiques à venir, la nécessité de redonner sa place au végétal dans les villes de demain... l’époque, riche en questionnements, portée par l’enthousiasme et la bienveillance du grand public, est décidément passionnante. Les réponses d’ores et déjà apportées par les paysagistes le sont tout autant. Certains se projettent dans un avenir fondamentalement vert, faisant danser un pas de deux à l’architecture et au végétal dans des structures étonnantes ou utiles, comme les « fermes verticales », tours nourricières urbaines destinées à écourter la distance entre le lieu de production et le lieu de consommation. D’autres s’inscrivent dans la lignée d’une tendance amorcée il y a une dizaine d’années, et qui vise à faire du jardin un lieu de vie comme n’importe quelle autre pièce de la maison : à leur initiative, l’architecture fait son entrée dans les espaces verts, une architecture légère, aux formes débridées, mais respectueuse de son environnement, faisant écho aux formes et aux couleurs de la nature. Tous soignent leurs extérieurs dans le moindre détail, conviant dans leurs créations art, sciences et technologies dans un souci permanent d’harmonie, comme dans un récit de science-fiction utopiste. Nul besoin de boule de cristal ou de capsule temporelle : l’avenir, c’est maintenant ! extérieurs design I 105
tendance l Expérience MAP/NATHALIE PASQUEL
Architectures végétales Éléments naturels et construits se mêlent jusqu’à se confondre. Ces intrications inédites redessinent les jardins d’avenir.
1
Ville nourricière ■ Patrick Collins et Laurie Chetwood sont partis d’un constat aussi simple qu’accablant : la ville de Londres ne pourrait nourrir ses habitants que pendant quatre jours si les ravitaillements extérieurs venaient à cesser. Or, ce problème va se poser de façon de plus en plus pressante aux habitants des villes, confrontés au coût grandissant et à l’impact écologique du transport des biens alimentaires. Le duo de paysagistes a imaginé un jardin nourricier dans la lignée des «Vertical Farms», ces projets de culture sous serres géantes qui se multiplient dans le monde entier. DESIGNERS : Laurie Chetwood et Patrick Collins.
2
Zéro impact ■ Dans leur mini-tour à impact
3
Jardin troglodyte ■ La nature se
2 3
MAP/NATHALIE PASQUEL
nul sur l’environnement, qui comporte entre autres un puits canadien, un système de récupération des eaux de pluie, des éoliennes et des panneaux photovoltaïques, poussent fruits et légumes, tandis que sur le plancher des vaches, ce sont les herbes aromatiques, thym, origan, persil, qui s’ébattent au milieu des brins de lavande et des pompons des Allium. Un hôtel à insectes érigé à côté de la tour nourricière complète la réalisation. Il devrait attirer abeilles, oiseaux et chauves-souris. DESIGNERS : Laurie Chetwood et Patrick Collins.
1
pare d’artifices dans cet étonnant micro-jardin urbain imaginé par Tony Smith. Dans une sorte de grottecocon tapissée de gazon artificiel, il invite les citadins stressés à se détendre au cœur d’une végétation luxuriante, puisant dans une palette de plantes d’ombre, avec une dominante de fougères de belle taille. DESIGNER : Tony Smith.
3 extérieurs design I 107
tendance l Expérience
Structures futures Adieu banales pergolas et tonnelles d’un autre âge ! Demain, on passera encore plus de temps dans le jardin, abrité sous des structures hésitant entre biomorphisme et avant-gardisme.
3
MAP / NATHALIE PASQUEL
MAP / GWI / FRANÇOISE DAVIS
4
1
108 I extérieurs design
1
2
MAP / A. BIDDLE
MAP / GWI / FRANÇOISE DAVIS
1
3
Rétro-futuriste ■ Le très médiatique
Diarmuid Gavin, véritable star au Royaume-Uni, assume ses influences inhabituelles pour un paysagiste avec beaucoup de panache. Avec ce jardin habillé de créations d’Eero Aarnio, le designer-star des années psychédéliques, il nous plonge dans un futur antérieur, celui des feuilletons des années 60 comme Le Prisonnier ou Chapeau melon et bottes de cuir. Ce parti pris pop et décalé se retrouve jusque dans la structure ovoïde qui abrite le mobilier, décorée de boules multicolores comme des Bubble-gum. DESIGNER : Diarmuid Gavin.
2
Régression futuriste ■ Cet autre jardin de Diarmuid Gavin lorgne cette fois-ci du
côté d’un célèbre programme enfantin diffusé dans le monde entier à la fin des années 90, les Teletubbies. De drôles de capsules reprenant les formes des topiaires qui parsèment la pelouse abritent de confortables fauteuilsbulles, encore une fois signés Eero Aarnio. Une vision douce et rassurante de l’avenir. DESIGNER : Diarmuid Gavin.
3
Cellules vertes ■ Dans ce jardin
poussent toutes sortes de plantes médicinales aux vertus reconnues : des géraniums, qui entrent dans la composition de diurétiques prescrits aux malades des reins ou encore des digitales utilisées pour soigner les troubles cardiaques. Une pergola en bois issu de forêts
MAP / NATHALIE PASQUEL
écogérées et en plastique recyclé reprend, en version magnifiée, la structure cellulaire des plantes. Ce dessin aussi esthétique que scientifique est repris au sol, constitué d’alvéoles de bois emplies de gravier. Une façon de rendre hommage au règne végétal et à ses bienfaits. DESIGNER : Marcus Barnett / NEX Architecture.
4
Voyage dans le temps ■ Sur le
papier, ce jardin, inspiré de l’expédition dans l’hémisphère Sud du botaniste Joseph Banks à la fin du 18e siècle, regarde plutôt vers le passé. En réalité, il suggère un embarquement immédiat vers le futur, avec sa pergola semblant provenir d’une improbable ville sous-marine. DESIGNER : Ian Barker.
extérieurs design I 109
MAP / N&P MIOULANE
tendance l Expérience
Reflets d’avenir
1
Échappées de pots ■ Sur un beau
2
Dialogue d’anticipation ■ Des
3
mondes parallèles ■ Quand les
4
Tables aquatiques ■ Demain, à
chemin courbe lévitant telle une passerelle ultramoderne au-dessus d’un bassin, des pots en peloton semblent organiser une échappée comme on n’en voit que sur les routes du Tour de France. Une utilisation prioritairement esthétique des cheminements plutôt inédite, qui crée une dynamique particulière dans ce jardin essentiellement aquatique. DESIGNER : Adélaïde Dupré de Pomarède / Ville de Paris.
Miroir, mon beau miroir, à quoi ressembleront les jardins de demain ? Justement, à de jolis jeux de reflets aquatiques ou artistiques entretenant l’ambiguïté entre réalité et (science-)fiction.
bandes de métal poli semblent inviter des échinocactus à un swing endiablé. Un mélange détonnant, voire provocant, qui ouvre cependant de nouvelles pistes aux paysagistes de demain... ou d’aujourd’hui. DESIGNER : Tony Heywood.
1 2
l’heure du dîner, la transparence sera de mise et les conversations couleront de source. C’est ce que semblent suggérer ces deux réalisations et leurs étonnantes tables aquatiques. Dans le jardin de Dean Herald (en haut), où une végétation sauvage côtoie des constructions modernes, la table du dîner se mue en fontaine design. Dans celui de Laurie Chetwood et Patrick Collins (en bas), elle se fait aquarium et ses lignes translucides semblent flotter au-dessus d’un bassin de faible profondeur. Deux propositions claires comme de l’eau ! DESIGNERS : Dean Herald, Laurie Chetwood et Patrick Collins.
MAP / CLIVE NICHOLS
MAP / THOMAS DUPAIGNE
paysagistes se tournent vers l’avenir, comme dans ce jardin créé dans le cadre du festival de Chaumont-sur-Loire en 2008, ils n’hésitent pas à oser le mélange des genres, faisant cohabiter intelligemment naturel et artificiel. Ici, des bandes en plastique effet miroir créent un reflet onirique, telle une porte d’entrée vers une autre dimension ou un monde parallèle... DESIGNER : Pierre-Alexandre Cochez.
4
3
MAP / NATHALIE PASQUEL
MAP / THOMAS DUPAIGNE
4
extérieurs design I 111
tendance l Expérience MAP / CLIVE NICHOLS
MAP / CLIVE NICHOLS
Vision détaillée Plus que jamais, dans les jardins de demain, tout se jouera sur les petits détails. Au programme : incursions high-tech, matériaux inédits et utilisations décalées d’objets quotidiens.
1
FAULDERS STUDIO
FAULDERS STUDIO
MAP / N&P MIOULANE
3
1
1
Illusion réelle ■ De cette petite cour
urbaine, l’architecte Thom Faulders n’a gardé qu’un bel érable japonais, devenu le point de départ d’une formidable illusion d’optique. Le sol du jardinet est en effet habillé de dalles en contreplaqué Hydrotech, un matériau utilisé dans les constructions navales, sur lesquelles des motifs dignes de l’op art de Vasarely sont tracés de sorte que la surface, parfaitement horizontale, semble être animée de reliefs convergeant vers les racines de l’arbre. DESIGNER : Thom Faulders.
2
avenir zen ■ Vu de Chine, le jardin de
demain sera zen et spirituel. C’est la vision apaisée et apaisante du paysagiste Wang Xiangrong, qui invite les futurs amateurs de jardins à de longues
112 I extérieurs design
séances de méditation sous une pergola aux rubans légers. DESIGNER : Wang Xiangrong.
ramener la nature dans la ville ! DESIGNERS : Julien Maieli et Germain Bourré.
3
Recyclage étonnant ■ Le
5
4
Baobab baba ■ Présenté cette année au
paysagiste conceptualiste Tony Heywood convie le végétal et l’artificiel à un dialogue constructif. Émergeant d’un tapis de bris de verre recyclés bleu électrique, des ardoises côtoient ainsi des fétuques. DESIGNER : Tony Heywood.
festival de Chaumont-sur-Loire, ce lampadaire futuriste fonctionne grâce à des cellules photovoltaïques et intègre le végétal à son design. De quoi redessiner les rues de demain en partant d’un principe fédérateur :
Courbes soulignées ■ Les leds n’ont pas fini de révolutionner l’éclairage outdoor. En version bleue dans cette réalisation de Colm Doyle et Dean Lacey, elles soulignent les courbes de la terrasse, sécurisent les abords du bassin attenant, et nimbent le lieu dans une atmosphère futuriste. DESIGNERS : Colm Doyle et Dean Lacey.
6
Art et manière ■ Dans ce jardin d’aromates, des sculptures métalliques futuristes côtoient des brins de thym, faisant cohabiter art et végétal. DESIGNER : Myfanwy Jones.
MAP / N&P MIOULANE
2
5
4
6 extérieurs design I 113
tendances
Bon tuyau
Initiative lancée en 2011, Lille design propose chaque année à cinq créateurs une résidence de cinq jours à l’Ecole supérieure d’art du Nord - Pas-de-Calais pour réaliser leur projet autour d’une thématique donnée. L’an dernier, les heureux élus devaient plancher sur l’utilisation de matériaux de récupération dans la création du mobilier urbain. C’est ainsi que, sous l’impulsion de Mickael Gaujoux, designer, scénographe et paysagiste, ce tube de canalisation a entamé une surprenante seconde vie sous la forme d’une assise collective, créée grâce à une découpe ingénieuse de sa structure. Cette année, cinq nouveaux designers ont imaginé des objets de « pause urbaine », tandis qu’un appel à projets sélectionnera, pour fin 2013, cinq concepts de parc à vélos. Lille Design, assise Uggy, design Mickael Gaujoux.
Tout-terrain n Grâce à une
structure tout en charnières, cette assise généreuse s’adapte aux accidents du terrain, ne craignant ni les pentes, ni les creux. Strucchair, design Dora Medveczky.
design d’avenir... Les designers imaginent le jardin de demain
Plantes flottantes
Idée lumineuse
Étudiant à la Carnegie Mellon University, Franklin Gaw cherchait à créer un objet à la fois utile et à même de reconnecter les hommes avec leur environnement naturel. Fruit de ses réflexions, cette lanterne au design simple possède un véritable supplément d’âme : grâce à un éclairage led efficace et dégageant une faible température, elle se mue en véritable écosystème nomade où peuvent s’épanouir les végétaux ainsi mis en lumière, à admirer à travers son corps en verre acrylique. Franklin Gaw, Eco-Lantern.
26
extérieursdesign
Voiture verte
Réconcilier l’automobile et la nature, une gageure ? Pas pour le fabricant de portes de garage Novoferm Habitat, qui, dans le cadre d’un partenariat avec le VIA et avec la complicité de l’agence de design nantaise Part de rêve, a lancé un prototype de porte végétalisée semblable à un mur végétal. Le petit plus ? Une poignée en bois certifié PEFC, en cohérence avec l’esprit écologique du projet. Ce modèle ne fera hélas pas l’objet d’une commercialisation dans l’immédiat. Novoferm Habitat, porte de garage NovoSide végétalisée, design Part de rêve.
Pourquoi les belles plantes se cachent-elles ? Ce support végétal, perché sur un piétement ultra-light dont les entrelacs rappellent la ramure des arbres, les met joliment en lumière. Pour un peu, on pourrait croire Espace versatile qu’elles flottent, innocentes, au-dessus des hommes… Amaury Poudray, support végétal.
La plasticienne Édith Magnan invite à une belle réflexion sur l’appropriation des espaces publics au travers d’une structure inédite, réalisée avec la complicité du fabricant de tissus intelligents Dickson. La toile Orchestra est, ici, tendue sur un double cadre qui permet d’improviser, par exemple au cœur d’un parc public, des espaces évolutifs à géométrie variable, créés par la position spécifique ou les mouvements de chacun des occupants. Édith Magnan, Espaces pliables.
extérieursdesign
27
tendances
2
4
3
5
1
coup double
Chaque année, à l’initiative de Balcoon et Paysagis, les étudiants du Lisaa imaginent les objets qui façonneront les jardins de demain. Cette année, ils ont planché sur le thème « coup double ». Résultat : des créations multifonctionS aussi inédites que prometteuses, dont certaines seront exposéEs lors du festival « Jardins, jardin ». // 1 // Oiseaux de lumière n Deux étudiants poètes ont revisité la traditionnelle mangeoire à oiseaux en version lumineuse : le toit de l’objet aux contours familiers est tapissé de cellules photoélectriques. Inversé à la nuit tombée, il éclaire de ses pans lumineux jardins et balcons. Kurst, design Ksenia & Maxime. // 2 // Banc aquaphile n Ce banc bimatières comporte une réserve d’eau intégrée. Son assise en bois, légèrement inclinée, recueille tout naturellement les eaux de pluie, stockées ensuite dans sa structure. Un robinet intégré permet de récupérer l’eau pour arroser les plantes de sa terrasse ou de son balcon. Ce projet sera exposé aux Tuileries, dans le cadre du festival « Jardins, jardin ». O Eau, design Émilie Eybraly
de légumes. Louise Garo et Célie Bertrand ont créé un potager flanqué d’un lombricomposteur inodore et ergonomique : il suffit de pousser un tiroir pour libérer le terreau frais qui nourrit les légumes plantés dans la jardinière. Ce projet pédagogique qui dédramatise le lombricompostage sera lui aussi exposé du 31 mai au 2 juin aux Tuileries, lors du festival « Jardins, jardin ». Cycle, design Louise Garo et Célie Bertrand. // 4 // Soleil de nuit n La nuit, cette table boisée au design racé révèle sa seconde nature : un luminaire parfaitement intégré à son plateau se fait jour, et diffuse une douce clarté grâce à l’énergie accumulée pendant la journée grâce à de discrètes cellules photoélectriques. Eclipse, design Quentin Boursier
et Thomas Cagna.
// 3 // Écologique et décomplexé n Personne n’a envie de prendre un bain de soleil en compagnie de centaines de lombrics. Pourtant, les lombricomposteurs permettent de nourrir ses plantes à moindre frais, en se débarrassant des épluchures
16
extérieursdesign
// 5 // Jardi-treille n Avec sa ramure inspirante pour les plantes qui viennent y grimper, cette treille biomorphique séduit d’emblée les amateurs de design poétique. La forme de ses « branches » permet de récupérer l’eau de pluie, guidée jusque dans la jardinière à réserve d’eau. Delta, design Agathe Chaton et Claire Thimon.
© Kiyoshi Kuroda
ART NUMÉRIQUE
Les artistes du XXIe siècle ont troqué leurs pinceaux pour des palettes numériques, et apprivoisé les nouvelles technologies pour créer des mondes inédits et fascinants. Portrait d’une nouvelle avant-garde.
ARTS
PIONNNIERS
Textes Dorothée Bécart Illustrations : Cyril Anguelidis, Carol-Ann Braun, Miguel Chevalier, Kiyosho Kuroda, Kenzo Minami, Yoann Montalban, Cris Orfescu
Latent Insect, de Kiyoshi Kuroda Cet artiste Tokyoite qui mêle photographie et dessin numérique s’est inspiré des estampes japonaises traditionnelles et des livres de sciences naturelles pour créer ces tableaux de jeunes femmes en proie à d’inquiétants insectes.
www.stuffmag.fr | 97
ART NUMÉRIQUE
UN ART, DES ARTS
1
Voici quelques-uns des grands courants de la création numérique Le Pixel art Véritable travail de brodeuse, le Pixel art consiste à réaliser une image pixel par pixel. Les pixel-artistes travaillent soit « à plat » (comme le japonais Ten_Do_Ten, ci-contre) soit en 3D isométrique (comme le collectif EbOY). http://hello.eboy.com/eboy/ Le Net.art Le Net.art - et sa déclinaison le Flash Art - est une discipline qui n’existe que par et pour Internet. Chaque année, le Web Flash festival présente les créations de jeunes Net.artistes francophones (comme Yoann Montalban, ci-contre, l’un des lauréats de 2006). www.flashfestival.net/2006/ Le NanoArt Le NanoArt est l’art d’un seul homme, Cris Orfescu, son fondateur. Cette discipline naissante consiste à retravailler à l’aide de logiciels de retouche des images de microparticules obtenues grâce à un microscope électronique. http://nanoart.blogspot.com/ Digigraphie La digigraphie est une technique d’impression haute qualité développée par Epson. Equivalent moderne de la lithographie, elle permet à des photographes et de jeunes artistes (comme Cyril Anguelidis, ci-contre) d’éditer des séries limitées de leurs oeuvres. www.digigraphie.com Art comportemental LInstallations artistiques dotées d’un comportement autonome. N’existant que par leur contact direct avec le public, elles sont souvent installées en pleine ville, comme à Issy-Les-Moulineaux, tous les deux ans, dans le cadre du festival 1er contact (ci-contre, Fantôme(s), une oeuvre de Vincent Lévy). www.lesiteducube.com ... mais aussi Par extension, tous les artistes ayant recours aux logiciels de traitement de l’image (Painter, Photoshop, Illustrator, Flash), pour leurs créations peuvent être considérés comme artistes numériques (comme, cicontre, le japonais Kiyoshi Kuroda). www.deviantart.com
100 | www.stuffmag.fr
2
3
1. Embryo est une image travaillée par Cris Orfescu à partir d’une micro-bulle formée dans de la résine 2. Flamingo est une nano-sculpture réalisée par l’hydrolyse d’un produit chimique 3. Body Parts 1 a été réalisé à partir d’images au microscope de micro-particules d’oxyde de Cobaltlégende Cris Orfescu vit dans un drôle d’univers, service de leur imagination. Illustrator, peuplé de créatures fantasmagoriques Photoshop, Paint ou Flash sont pour eux qu’on dirait venues d’une autre planète. autant de nouveaux pinceaux. « Ces artistes Cet artiste américain d’origine roumaine prolongent un travail ancestral de l’image, s’intéresse à ce que nous ne voyons pas : les résume Florent Aziosmanoff, directeur de la nanoparticules. Dans son laboratoire-atelier, création au Cube, le centre de création l’oeil collé à un puissant microscope numérique d’Issy-Les-Moulineaux. Ils ont électronique, il s’amuse à sculpter tous une forte culture de l’image, et, par l’imperceptible. à partir ailleurs, maîtrisent très de ses créations « Citation citation citation bien leur outil ». nanoscopiques, Décomplexée par ces retouchées et colorisées citation citation citation puissants outils de par ordinateur, il réalise création, la nouvelle citation citation” de grandes toiles qu’il génération n’hésite expose partout dans le monde. Cobalt, titane pas à faire tomber les barrières entre les arts. ou lithium se muent sous ses pinceaux C’est le parti-pris du collectif japonais No numériques en créatures familières, comme Wall Between the Art (1) ou de l’agence de ce flamant rose qui déploie ses ailes fuschia création Tasha Hisha (2), qui a conçu une dans un étrange monde parallèle. Auréolé de installation vidéo superposant art de rue, Djprestigieuses récompenses, Cris Orfescu se ing, projection de vidéos Quick Time et présente aujourd’hui comme le leader d’un chorégraphies. nouveau mouvement artistique qu’il a luiLes artistes de l’ère numérique disposent même initié : le NanoArt. d’un mode de diffusion privilégié : Internet. Ce poète de l’invisible fait partie de ces Loin de se résumer à une salle d’exposition à artistes qui, loin de s’effaroucher de l’arrivée grande échelle, la Toile se révèle être un des nouvelles technologies, les ont mis au formidable terrain d’expérimentations. À tel
ART NUMÉRIQUE
Reflections 1, de Cris Orfescu Pour réaliser ce tryptique coloré, Cris Orfescu a agrandi des microparticules de Cobalt et de Lithium et a retouché à l’ordinateur l’image monochrome obtenue au microscope.
QUESTIONS
À Chris Orfescu
créateur du NanoArt
Comment définiriez-vous le NanoArt ? C’est une nouvelle forme d’art qui s’intéresse aux nanostructures, qu’elles soient naturelles ou manipulées par l’homme, par des procédés chimiques ou physiques. Je vais un peu plus loin en colorisant les images monochromes obtenues au microscope, puis en les retouchant. Enfin, je les imprime pour rendre ces toutes petites merveilles accessibles au grand public. Quel message se cache derrière le
NanoArt ? Il s’agit d’une réflexion sur le progrès technologique. C’est une façon de faire prendre conscience de l’impact des nanotechnologies sur nos vies. Ces dernières peuvent être aussi bénéfiques que dangereuses, voire fatales pour l’homme. Mes oeuvres séduisent le public d’un point de vue esthétique, puis suscitent sa curiosité et engendrent des questionnements qui me paraissent tout à fait bénéfiques.
Quels rapports entretient la communauté artistique avec les nouvelles technologies ? De plus en plus d’artistes s’y mettent, bien que la plupart continue à travailler de façon traditionnelle. Les nouvelles technologies offrent des possibilité illimitées en terme de création. Par ailleurs, la communauté artistique reçoit plutôt bien mon travail. J’ai même reçu plusieurs récompenses, ce qui constitue pour moi une vraie reconnaissance de « mon » NanoArt...
www.stuffmag.fr | 101
ARTZOOM NUMÉRIQUE
2
3
2. Esse Lawson 3. Samssoul Deux autres peintures de ce jeune artiste qui utilise la digigraphie comme moyen de diffusion de ses oeuvres
1 1. La joueuse n°1, de Cyril Anguelidis Cette joueuse fait partie d’une série limitée de digigraphies où l’artiste représente des femmes prises au piège de la surconsommation. Une réflexion à la fois ludique et lucide sur notre époque...
QUESTIONS
À
Cyril Anguelidis artiste digigraphe
102 | www.stuffmag.fr
Quel est l’apport de la digigraphie ? La digigraphie anoblit un peu la sortie jet d’encre. Elle emploie des encres qui résistent dans le temps, et produit un rendu beaucoup pus fin que les imprimantes classiques. Le fait qu’il y ait huit cartouches permet d’aller beaucoup plus loin en terme de teintes et de couleurs. Enfin, le label digigraphie permet aux artistes de sortir des séries limitées, numérotées, de leurs oeuvres numériques.
S’agissant d’une oeuvre numérique, les gens perçoivent-ils cette notion de rareté ? Warhol faisait déjà de la sérigraphie, et on peut se demander s’il ne faisait pas des copies en douce pour ses amis... Mais de toute façon, on ne peut pas s’amuser à faire des milliers de tirages. Nous évoluons dans un milieu très petit, et un artiste perd rapidement sa crédibilité quand les collectionneurs qui s’y intéressent réalisent que des copies supplémentaires se baladent dans la
nature... Pensez-vous que la digigraphie soit un moyen de démocratiser l’art numérique ? Elle permet un accès budgétaire plus facile, car une digigraphie, dans l’ensemble, est moins chère qu’un original. Je pense toutefois qu’il faut que cette forme d’art se démocratise, mais pas trop, sinon elle va perdre son côté sacré...
ART NUMÉRIQUE
OEUVRES VIRTUELLES ? point qu’elle a donné son nom à un art numérique à part entière : le Net.art. Ce dernier se nourrit du Web et de ses possibilités d’interaction. Les Net.artistes Marika Dermineur et Stéphane Degoutin puisent dans le moteur de recherche « images » de Google l’essence même de Googlehouse, une création artistique impliquant les internautes (3) ; Sophie Blum, de son côté, offre une expérience ludico-artistique en Flash avec Des générations (4). Nées du Web et n’existant que par lui, ces oeuvres pourraient passer pour de jolis gadgets : pourtant, les Net.artistes engagent une véritable réflexion sur leur média de prédilection. Nicolas Boulard s’interroge ainsi sur la circulation de l’information à l’heure des médias de masse (5) tandis que Julien Lassort réinvente le téléphone arabe dans Breaking phone, animation interactive (6). Malgré l’ambition et la qualité des projets de ces jeunes artistes, l’art numérique se cherche encore. Sans doute la nature-même de certaines oeuvres, quasi-virtuelles, y est-elle pour beaucoup. « En France, peu d’artistes numériques, a fortiori ceux qui travaillent sur le réseau, parviennent à vivre uniquement de leur art, reconnaît Guylaine Monnier, directrice du groupe Regart.net, qui propose formations multimédia et résidences d’artistes autour du Net.art. Aux Etats-Unis, des grandes entreprises comme Nike n’hésitent pas à se muer en mécènes (voir encadré) en demandant à des artistes branchés de concevoir des sites Web. Epson, de son côté, propose à des peintres numériques comme Cyril
NY pizza, de Cyril Anguelidis Cyril Anguelidis fait partie de cette génération d’artistes qui n’a jamais peint qu’avec une palette graphique et des logiciels tels que Painter et Photoshop.
« Citation citation citation citation citation citation citation citation citation citation » Anguelidis de matérialiser leurs oeuvres grâce à un procédé d’impression de haute qualité, la digigraphie. Cet équivalent moderne de la bonne vieille lithographie permet à une dizaine d’artistes de sortir des séries limitées de leurs travaux. Au Cube, on voit même plus loin : chaque samedi, en partenariat avec la Fnac Digitale, le centre de création numérique présente au grand public une installation artistique sur un écran LCD ou Plasma. Le commerce de ces oeuvres pourrait être opérationnel dans un futur proche. Mais si la reconnaissance du milieu artistique se concrétise – la discipline commence à être enseignée aux
RANDES QUAND LES G SE MÊLENT D’ART ENTREPRISES simple soutien : les grandes
x soring ou main forte au Mécénat, spon t pas à prêter en e une sit ag hé ss n’ pa es au entrepris s, y gagnant ue iq ér s aux m ca le nu s C’est surtout jeunes artiste avec l’époque. e t. as Ne ph s de en à l en image bi rement appe Nike fait réguliè es Etats-Unis, où ur créer des sit po vis Da tte Joshua s ». Cette nave ire to ra artistes comme bo la « s se e de un ur et to ire au ôt alimenta événementiels web design plut en du ue tre rç en pe te en en perman t moins bi che artistique es indre leurs véritable démar s préfèrent adjo ue iq ér m nu s te lais de tis ar Pa s le le e où m , France ues com stitutions artistiq ations indépendantes st services à des in ife ien is que des man recevoir le sout Tokyo. Mais tand l continuent à iva s st te Fe tis sh ar s Fla de biennales, comme le Web édia les années du m ds ro an ac gr M ou de e lle d’Adob e matérie à accepter l’aid ine d’entre n’hésitent pas rraine une diza pa i qu n, so Ep e m in en terme m ga co le ch high-te graphie. Outre gi di la r sa de e dr él son d’am iore eux dans le ca elle permet à Ep estions e, gg qu su ar x m au de e e âc d’imag ute qualité gr ha n sio es pr im technique d’ des artistes. www.stuffmag.fr | 103
ART NUMÉRIQUE
© Kenzo Minami / CWC-i
2
3 2. Gothic Mythology, de Tomoyuki Yonezu Ce photographe japonais retravaille ses photos afin de leur donner une esthétique mêlant culture nippone et occidentale 2. Le Cube Lieu d’exposition , de rencontres et d’apprentissage de l’art numérique, le Cube fêtera ses cinq ans le 23 septembre
1
1. Eleven, de Kenzo Minami Cet artiste japonais vivant à New York présente ses oeuvres comme un chaos contrôlé, nées de la frustration qu’il éprouvait lorsqu’il travaillait comme designer 3D pour le compte de grandes entreprises. Eleven fait partie des six oeuvres qu’il a exposées au Cube, centre de création numérique d’Issy-Les-Moulineaux, au printemps dernier.
QUESTIONS
À
Florent Aziosmanoff
directeur de la création au Cube
104 | www.stuffmag.fr
Quel public vient naturellement vers l’art numérique ? Ceux qui viennent facilement sont les jeunes et les personnes âgées qui se sont équipées pour communiquer avec le reste de leur famille. Ces publics drainent d’autres personnes, qui viennent découvrir un nouveau genre d’expression artistique. Quand ils sont confrontés aux oeuvres présentées au Cube, tout se passe de façon simple, naturelle. Les jeunes, notamment, n’ont pas besoin d’ « apprendre » l’art numérique : ils le vivent.
On a l’impression que la culture de l’image n’a jamais été aussi forte. Estce un atout pour les jeunes artistes ? Etre capable de faire de l’image, ça n’est pas automatiquement être un artiste. Devenir artiste, ce n’est pas juste posséder le matériel et maîtriser une technique ; c’est consacrer sa vie à ce que l’on veut exprimer, et cela suppose d’en faire son activité principale. Or, dans le milieu de l’art numérique, les artistes sont souvent amenés à faire autre chose pour gagner leur vie, ce qui ne leur laisse pas le loisir de développer de véritables
projets, ambitieux et nécessitant temps et argent... Qu’est-ce que le numérique apporte à l’art ? Ce qui est propre au numérique, c’est de pouvoir rendre les oeuvres capables de réagir à leur environnement, grâce, notamment, aux techniques de l’intelligence artificielle. Au Cube, nous mettons ces technologies à disposition des artistes en résidence. De tous temps, on a pu fabriquer des objets, mais jamais leur donner un comportement...
ART NUMÉRIQUE
UN PUBLIC CURIEUX ET IMMÉDIATEMENTCONQUIS Beaux-Arts -, celle du public se fait encore attendre. « Dans l’esprit des gens, l’art numérique reste lié au jeu vidéo », déplore Florent Aziosmanoff. Il est vrai que des jeux comme le très onirique Elektroplancton, sur la Nintendo DS, entretiennent le doute. Mais afin de dissiper ce malentendu, le Cube organise, tous les deux ans, un festival d’art numérique à ciel ouvert, 1er contact. Ce dernier fait la part belle aux oeuvres comportementales, des installations interactives poétiques disséminées dans la ville d’Issy-LesMoulineaux. Des plantes virtuelles se balancent au gré du flux des passants ; des méduses engagent un pas de deux avec les badauds ; un miroir numérique superpose leur image à celle d’autres promeneurs... Ces oeuvres atypiques remportent l’adhésion du public, peu habitué à ce que l’art sorte des musées pour venir à lui. Les Net.artistes, de leur côté, présentent chaque année leurs oeuvres dans le cadre du Web Flash Festival, organisé au Centre Pompidou par le groupe Regart.net. La manifestation remporte un succès grandissant, bien au-delà du milieu des artistes Web et Flash : il y a deux ans, la soirée de clôture s’est même jouée à guichet fermé. Preuve, s’il en était besoin, que le public est réceptif à cette nouvelle forme d’art : des curieux de tous âges se pressent tous les dimanches au Cube pour découvrir les oeuvres d’artistes confirmés comme Maurice Benayoun et s’initier aux techniques de création multimédia. A la fois accessible par sa nature même et méconnu, l’art numérique n’en est encore qu’à ses balbutiements. Mais à l’ère du tout numérique, il pourrait bien devenir un art majeur, et l’un des témoignages les plus fidèles de notre époque. Le neuvième art ? 1. Lauréat du Web Flash festival 2006, Yoann Montalban souhaite donner un aspect artisanal à ses oeuvres, avec ses décors peints à la gouache et ses personnages crayonnés 2. Carol-Ann Braun fait partie de s artistes parrainés par le Cube qui réfléchissent avec la Fnac Digitale à la commercialisation de leurs oeuvres 3. Sur-natures de Miguel Chevalier est l’une des oeuvres comportementales développées au Cube. Elle consiste en un jardin poétique qui réagit aux mouvements des passants.
SOKAL, O DU HUITIÈME ART AU JEU VIDÉ
1 3
2
Créateur du célèbrer inspecteur Canardo, Benoît Sokal fait, depuis une dizaine d’années, des allerretour entre BD et jeux vidéo, avec des titres comme Syberia ou son petit dernier, Paradise. Vous travaillez dans l’univers du jeu vidéo depuis 1996. Faites-vous figure d’exception dans le monde de la BD ? Le monde de la BD s’est intéressé à l’ordinateur pour faire... de la BD. La plupart des bédéistes restent dans leur bulle, rassurés de faire un métier d’artisan, où l’on domine la création la de A à Z. Il y a des passerelles entre plus c’est mais , BD et le jeu vidéo souvent en sens inverse – des infographistes qui se mettent à la BD. En ce qui me concerne, c’est vraiment une aventure personnelle.
Quel est votre support favori ? La BD est un vrai espace de liberté, à tous les niveaux, parce qu’elle ne coûte pas cher à mettre en place et qu’on a une liberté de ton qu’on n’a pas dans les jeux vidéo. Les jeunes filles dénudées dans la BD Paradise ... n’apparaissent pas dans le jeu vidéo laire tacu spec côté un a ier Mais ce dern que n’a pas la BD... Qu’est-ce que le numérique change, pour vous ? C’est un outil formidable pour adhérer à l’imaginaire. L’artiste a besoin à d’outils qui lui permettent d’adhérer un rer adhé faire d’y et nte, ce qu’il raco public de plus en plus abreuvé d’images. Par ailleurs, ça peut changer totalement la manière de dessiner, parce qu’on a le droit au repentir.
www.stuffmag.fr | 105
DEMAIN…
QUESTIONS
À
David Jackson
directeur marketing chez E Ink Quelles sont les différentes applications de l’E Ink ? Dans un premier temps, notre technologie se posera en solution alternative aux écrans classiques là où ces derniers pèchent, c’est-à-dire en terme de lisibilité. Cela devrait donner second souffle aux e-books et engendrer le développement des e-newspapers. Mais vous retrouverez notre technologie à votre poignet (N.D.L.R. : Seiko a d’ores et déjà fabriqué sa montre E Ink, la Spectrum, vendue en série limitée au Japon ; voir notre cahier du futur dans le n° 43 de Stuff), sur les panneaux d’affichage, et sur les écrans de vos mobiles. Pourquoi l’E Ink part-il à l’assaut de la presse ? La technologie d’affichage que nous proposons approche, qualitativement, le papier imprimé. Elle le surpasse même en terme de contraste. Par ailleurs, elle n’est pas gourmande en énergie, en tout cas bien moins que les écrans LCD, OLED ou plasma : elle n’utilise qu’1/100 à 1/1000 de l’énergie qu’ils consomment, car elle ne recourt pas au rétro-éclairage, et affiche des images statiques, sans avoir besoin de dispositifs particuliers pour la maintenir comme les écrans « classiques ». Elle offre donc la possibilité de créer des supports de lecture munis de petites batteries, réduisant de fait leur poids et leur taille. Légers, nomades, ils offriront toutes les caractéristiques des journaux, avec en plus un contenu vivant, qui se réactualisera en temps réel. Pour l’instant, l’E Ink n’offre que l’affichage en noir et blanc. À quand la couleur ? Nous sommes en train de développer le Color E Ink, mais il faudra attendre notre annonce officielle pour en savoir plus (N.D.L.R. : un prototype réalisé en partenariat avec la société Toppan a toutefois été présenté au public en octobre 2005, voir page suivante).
E-PAPER
Texte Dorothée Bécart Illustrations : Emmanuelle Neyret / Photos : DR
lejournal de demain C’est peut-être la fin de l’ère Gutenberg : le papier électronique pourrait provoquer, à plus ou moins long terme, la disparition de l’encre et du papier traditionnel. Le point sur une révolution qui va changer en profondeur le visage de la presse.
C’est un rituel auquel Luc se plie tous les matins : principales réticences que les accros au café/clope/ à peine sorti du lit, il descend acheter son journal du matin opposent à la disparition du papier. quotidien préféré au kiosque du coin et s’accoude Et pourtant, le papier électronique, ou e-paper, est au zinc du café où il a ses habitudes, pour l’une de révolutions technologiques les plus attendues. « En fait, le papier électronique ou l’encre électronique commenter l’actualité autour d’un expresso. « Au travail, on m’appelle “Luc les mains noires” » viennent d’un besoin assez ancien, remontant à trente plaisante le jeune trentenaire. ou quarante ans, d’avoir un papier qui Quand on lui parle « L’encre numérique est à la différence du papier traditionnel réinscriptible, communiquant » d’un journal électronique, constituée de millions serait téléchargeable sur un analyse Bruno Rives, fondateur dispositif nomade – et, de l’observatoire Tebaldo, spécialisé de microcapsules. » accessoirement, qui ne salit dans les nouvelles technologies. pas les doigts –, Luc se braque : « Lire sur un écran, Le développement des nanotechnologies a accéléré c’est fatigant. Et puis mon journal, je le plie, je le roule, le mouvement, rendant possible la création d’une encre je l’écrase au fond de mon sac à dos si je veux ; numérique constituée de millions de microcapsules, de je n’ai pas envie d’y faire attention comme à mon l’épaisseur d’un cheveu, dont le comportement varie iPod, je suis assez malade comme ça quand il se prend en fonction des charges électriques qu’on leur applique une rayure ». En quelques phrases, Luc a exprimé les (voir schéma). Xerox, grand acteur de l’impression,
L’encre électronique est composée de millions de microcapsules du diamètre d’un cheveu, emprisonnées dans un film. Chaque capsule contient autant de particules noires que de particules blanches. Quand un courant
négatif leur est appliqué, les particules blanches remontent en surface, se rendant visible. Les particules noires font de même quand un courant positif est appliqué. Avec l’E Ink, « tourner » une page prend une seconde.
82 | www.stuffmag.fr
Stuff56_082-84_Epaper.indd 82
18/09/06 19:04:58
DEMAIN…
www.stuffmag.fr | 83
Stuff56_082-84_Epaper.indd 83
18/09/06 19:05:00
DEMAIN…
QUESTIONS
À Bruno Rives
fondateur de Tebaldo, conseiller des Échos Les Échos est le premier journal français à se lancer dans le papier électronique. Où en sont les tests ? En mars dernier, nous avons montré à quelques abonnés une version des Échos sur le LIBRIé de Sony. Nous avons travaillé sur une maquette, un prototype de ce que pourrait être le quotidien sur un petit format. Nous allons déployer une première offre pour les abonnés des Échos d’ici la fin de l’année. Aucun reader n’a encore été sélectionné, mais il est possible que nous en choisissions plusieurs. Le support flexible de Plastic Logic ne sera hélas pas prêt pour nos tests. Le quotidien économique belge De Tijd n’a pas revu sa mise en page pour son édition en papier électronique. Ce n’est pas l’option choisie par Les Échos. Pourquoi ? C’est assez frustrant de devoir se contenter d’un PDF en format réduit, quand on peut ajouter du son, personnaliser son information en s’abonnant à des flux RSS, alimenter en direct certaines rubriques comme le courrier des lecteurs… Dans le cas des Échos, l’idée est de proposer un média nouveau, en complément du quotidien. Il pourra être lu comme l’édition classique mais proposera d’autres contenus, par exemple l’accès direct à l’annuaire des dirigeants… D’après vous, le papier électronique va-t-il s’imposer rapidement auprès du grand public ? De grands acteurs s’apprêtent à sortir leurs produits. On restera sans doute sur du rigide pendant un certain temps, car les problèmes de fragilité et de stabilité de l’encre n’ont pas été résolus sur les supports flexibles. Pour ce qui est du contenu et de l’engouement du public, je pense qu’il va y avoir un phénomène à la iPod : Google commence à distribuer de la littérature libre de droit, et on trouve aujourd’hui des livres en peer-to-peer, comme autrefois des fichiers audio. À terme, des acteurs du marché qui vendent énormément de livres auront intérêt à ce que vous ayez le lecteur… Il est déjà question d’un reader gratuit.
a présenté un prototype d’écran recourant à une encre Europe, offrant à 200 lecteurs la possibilité de tester de cet acabit, le Gyricon, dès la fin des années quatreune version électronique du journal sur l’iLiad, vingt-dix. Plus étonnant, Bridgestone, le géant du pneu, une tablette développée par iRex, filiale de Philips. travaille depuis 2002 à l’élaboration d’une poudre ultraEn France, Les Échos devrait très prochainement commencer ses tests, auprès de 500 à 1 000 abonnés fluide, l’Electronic Liquid Powder. À côté de ces poids lourds, attendus ou non sur ce créneau, la société E Ink, (voir entretien ci-contre). fondée en 1997 par des petits génies du MIT, semble Alors, le journal électronique (ou e-newspaper) va-t-il bientôt arriver dans nos poches ? Les dispendieux avoir pris une longueur d’avance, moins sur le plan technologique que grâce à ses partenariats avec des supports de Sony et de Philips, qui seront les premiers grands noms de l’électronique comme Philips ou Sony, à être commercialisés, résisteront mal au traitement de qui ont développé des readers utilisant l’E Ink (voir choc que Luc fait subir à son canard favori. Et le papier encadré ci-dessous). Chacun électronique flexible, développé semble fourbir ses armes pour « La première affiche e-paper entre autres par Plastic Logic, n’est s’imposer sur le marché tout encore totalement au point. à été dévoilée à Paris pas juste naissant des journaux Sans compter que E Ink, qui équipe électroniques nomades. le 13 septembre dernier. » de nombreux supports, est encore Car si l’encre électronique à l’heure du noir et blanc, bien que commence à s’immiscer dans nos vies quotidiennes le passage à la couleur soit envisagé prochainement. – la première affiche utilisant le papier électronique Malgré tout, le patron d’E Ink Corporation a été dévoilée le 13 septembre dernier, à Paris, tandis reste optimiste ; il prévoit, d’ici 2015, le remplacement que des écrans en e-paper vont bientôt équiper les total des journaux en papier traditionnel par des e-newspapers. Il faut s’y faire : bientôt, vous ne pourrez rames de métro d’Hambourg, en Allemagne, pour diffuser des informations aux voyageurs – elle ne prend plus afficher la Stuffette du mois au mur… pas l’aspect « palpable » d’un bon vieux journal, celui qui salit les doigts de Luc tous les matins. Partout * Tebaldo est un observatoire stratégique des dans le monde, des groupes de presse commencent tendances et usages des nouvelles technologies, pourtant à s’y intéresser de très près. C’est le quotidien qui travaille actuellement à une version en papier économique belge De Tijd qui a ouvert le bal en électronique du quotidien économique Les Échos.
La bataille des readers a commencé Deux géants des loisirs numériques ont placé leur pion sur l’échiquier de l’e-paper. Philips, par le biais de sa filiale iRex, a développé l’iLiad (1), un lecteur basé sur l’E Ink, et choisi par le quotidien belge De Tijd pour ses premiers tests. Commercialisé à 649 euros (!), il permet, outre la lecture de journaux ou d’ouvrages, de prendre des notes, voire de remplir des formulaires à la main avant de les expédier via le Web. Un peu échaudé par le semi-échec de ses eBook, Sony a toutefois tiré profit des avancées offertes par l’E Ink dès 2004 avec la gamme des LIBRIé, sortis uniquement au Japon au prix de 365 euros. Lors du CES 2006, la firme nippone a présenté un reader semblable, cette fois-ci tourné vers le marché américain, et potentiellement européen, le PRS-50 (2) ; mais sa sortie se fait encore attendre, outre-Atlantique comme dans nos contrées… Parmi les projets d’écrans flexibles, on trouve le Gyricon, de Xerox (3), et les essais de la firme britannique Plastic Logic (4). Enfin, les encres électroniques de Bridgestone et E Ink devraient bientôt s’affronter sur le terrain de la couleur : le géant du pneu a présenté, en juin dernier, un prototype d’écran couleur, le QR-LPD (5), tandis que la firme américaine a travaillé avec Toppan sur le prototype Gutenberg (6) présenté il y a un an. Il prend la forme d’un écran 12-bits (83 pixels par pouce).
84 | www.stuffmag.fr
Stuff56_082-84_Epaper.indd 84
18/09/06 19:05:09
PARI STUFF
Projet Nao
Texte Dorothée Bécart Photos Catherine de Torquat / DR
Le robot frenchy
L’histoire de Bruno Maisonnier, c’est celle d’un Au début des années quatre-vingt, il s’achète gamin en échec scolaire au collège qui, quelques son premier PC, un PET de Commodore, sur années plus tard, entre à Polytechnique. Pas lequel il s’amuse à écrire des programmes en Basic. « J’ai vraiment été acteur de la première très porté sur les études, le jeune adolescent préfère se plonger dans les bouquins de révolution des PC et j’ai acquis la conviction science-fiction. Un jour, c’est le déclic : fasciné qu’il allait se passer la même chose, un jour, par les gadgets plus ou moins improbables avec la robotique, et que je voulais en être ». qu’il croise dans ses lectures – en particulier les humanoïdes –, il demande à ses parents de IL CRÉE SES ROBOTS DANS SA « NICHE » l’inscrire à des cours d’électronique par Déterminé, mais décidé à attendre patiemment correspondance et rattrape du même coup le bon moment pour se lancer, le jeune homme son retard en maths et en physique à l’école. entre en société de services informatiques, avide À 16 ans, il construit son premier robot : de « voir plein de boîtes de l’intérieur ». Il pose « Comme je ses valises au Crédit Agricole, n’avais pas « J’étais convaincu qu’une qu’il ne quittera qu’en 2003 d’argent, il était après avoir dirigé l’informatique, révolution allait avoir en bois et les ressources humaines, j’avais taillé les la communication de la région lieu pour la robotique. » engrenages moiRhône-Alpes, redressé une même ». Il n’empêche : sa rudimentaire banque au Brésil et développé une entreprise créature se déplace, se rapproche et fuit la polonaise de crédit à la consommation. lumière. « J’étais tout content, mais je me suis Et les robots, dans tout ça ? Ils occupent tous vite dit que je pouvais faire beaucoup mieux, les loisirs du jeune Polytechnicien, qui continue en ajoutant par exemple des ultrasons ». à prendre des cours d’électronique et aménage Dès lors, la passion de la robotique ne le lâche chez lui un cagibi – que sa famille surnomme bien vite sa « niche » – pour fabriquer des robots plus. Reçu à l’X, il choisit soigneusement les options qui cadrent avec son violon d’Ingres. de plus en plus évolués. À la préhistoire de la
88 | STUFF
Stuff65_088-89_Projet NAO 88
18/06/07 23:09:17
PARI STUFF
Le projet Nao, UNE AFFAIRE À SUIVRE…
Il est né le 8 décembre 2006, il mesure 57 cm et pèse 4,5 kg. Nao, le petit robot français, est un peu le bébé de Bruno Maisonnier, qui en rêve depuis de longues années. Retour sur la gestation d’un des projets les plus passionnants du high-tech français.
synthèse vocale, il imagine un boîtier en bois criblé de touches, sommairement fabriquées à partir de boîtes de conserves repliées et de cabochons en bois. Chacune d’elle correspond à un phonème : « J’avais mis ça sur un robot qui avançait en roulant, en évitant les obstacles et en récitant Le Corbeau et le Renard ! » plaisante Bruno Maisonnier. « Ça faisait rigoler tout le monde, à la maison ». Lui succède un robot arachnoïde et d’autres inventions plus ou moins farfelues. « Mon épouse m’a toujours dit : mais qu’est-ce que tu attends pour créer ta boîte et faire des robots ? ». Et alors qu’on lui propose une nouvelle promotion au Crédit Agricole, il décide de tout plaquer et de se lancer, estimant que la technologie et le marché sont enfin mûrs – entre-temps, l’Aïbo de Sony a pointé le bout de son museau et le Robosapiens envahi les rayons des magasins de jouets. NAO, KÉSAKO ? Bruno Maisonnier se donne quelques mois pour faire le bilan des forces en présence dans l’Hexagone. Au cours de ses pérégrinations, il rencontre une poignée de passionnés prêts à foncer, comme lui, dans l’aventure. La bande de dingos des robots se divise en quatre groupes,
chargés chacun de créer un prototype selon des logiques et des savoir-faire différents. La plupart prennent sur leurs soirées et leurs week-ends pour façonner leur robot. Six mois plus tard, Bruno Maisonnier estime que ses troupes sont prêtes. Il crée Aldebaran et lance le projet Nao. « L’utopie directrice, derrière tout ça, c’est de
« Le 8 décembre 2006, Nao prend vie et salue ceux qui l’entourent. » faire un robot d’1,20 mètre, un alter ego fun avec qui discuter. Mais nous sommes partis sur un robot de petite taille, en se disant qu’on aurait deux ou trois étapes de robots commercialisés avant d’en arriver là » résume avec lucidité le patron d’Aldebaran avec en tête les prouesses d’Asimo, le robot de Honda, qu’il serait inimaginable de voir débarquer à court terme sur le marché pour des raisons d’autonomie et de coût. L’équipe s’étoffe au fil des mois, et les étudiants de quatrième année à l’école de design Créapole se chargent d’imaginer la bouille de Nao. Deux jeunes designers, Thomas Knoll et Erik Harlen, se
Jusqu’à la sortie commerciale du « robot frenchy », prévue pour 2008, Stuff suivra pas à pas le projet Nao. Nous vous emmènerons dans les coulisses de la création d’un humanoïde, du prototype au produit final, des débats acharnés sur son design au choix de sa voix en passant par toutes les difficultés – et les victoires ! – des ingénieurs qui le conçoivent. Un pari osé, une aventure passionnante, à suivre régulièrement dans nos pages ! Pour plus d’infos sur Nao, visitez www.aldebaran-robotics.com
détachent du lot et travaillent en étroite collaboration avec les équipes de mécatronique pour finaliser le prototype. Pendant la deuxième moitié de 2006, Aldebaran se métamorphose en ruche. Bruno Maisonnier s’est fixé une date pour la première démo, et tout le monde s’y tient, quitte à dormir sur la moquette. Moteurs, synthèse vocale et programmation sont minutieusement travaillés et le bébé-robot est assemblé… « dans la nuit du 4 au 8 décembre », plaisante le maître des lieux. Le 8 au matin, Nao prend vie, tourne la tête vers ceux qui l’appellent, leur fait coucou. « Pour moi, ça a été un moment très fort », reconnaît Bruno Maisonnier. « Ce dont on avait rêvé pendant des mois commençait à vivre ». Un membre de l’équipe résume le sentiment général : « C’était un peu comme si on venait de gagner la Coupe du Monde ». Quelques jours après sa « première naissance » – plusieurs prototypes doivent encore être fabriqués avant sa commercialisation à la mi-2008 – Nao est présenté au CES de Las Vegas. Et parle anglais avec un accent à la Maurice Chevalier. Les Américains, charmés, s’interrogent : « C’est quoi, un robot français ? ». Réponse dans le prochain épisode de la saga Nao, à suivre dans Stuff !
STUFF | 89
Stuff65_088-89_Projet NAO 89
18/06/07 23:09:37
DEMAIN…
LA GUERRE DES NORMES
Texte Dorothée Bécart Illustrations Emmanuelle Neyret Photos : DB / DR
Mobiles
à tout faire ! Il contestait déjà la suprématie de votre iPod et de votre appareil photo. Voilà qu’à présent le téléphone mobile s’apprête à remplacer vos tickets de bus et votre carte de crédit ! Stuff a enquêté sur cette nouvelle révolution à l’étrange nom de code : le « sans-contact ».
L’histoire encore toute jeune du sans-contact n’a pas été un long fleuve tranquille. Dans un premier temps, Sony a fait cavalier seul au Japon avec l’I-mode Felica, adopté aujourd’hui par 25 millions d’abonnés mais non exportable hors du marché nippon. Sony et Philips, à travers sa filiale NXP ont les premiers mis au point « leur » standard international de sans-contact, le NFC (Near Field Communication), très fermé et destiné à ne fonctionner qu’avec des interfaces radio propriétaires, bientôt rejoints par d’autres grands noms comme Nokia ou Microsoft au sein du NFC Forum. Inside Contactless, PME française, a fini par s’imposer dans ce concert de grandes marques avec « son » NFC, l’eNFC (pour Enhanced Near Field Communication), compatible avec des interfaces préexistantes – comme les bornes Navigo du métro parisien –, ce qui laisse espérer un lancement plus rapide et moins fastidieux des nouveaux services liés au mobile, tout au moins en France. Présent sur toutes les expériences pilotes en France, mais aussi en Chine, Corée du Sud, Malaisie, Taïwan et bientôt aux USA, le « sans contact à la française » d’Inside Contactless vise donc à l’universalité, et est notamment inclus dans le mobile sans-contact développé par Sagem. Il propose en outre des services supplémentaires, comme le « Smart Poster », affiche intelligente qui dialogue directement avec le téléphone.
Depuis cet automne, une partie des Strasbourgeois avant le lancement à grande échelle de ce service, s’est muée en une étrange faune dyslexique qui, prévu pour fin 2008. au moment de régler ses achats, sort, en lieu Pendant ce temps, à Grenoble, le Sagem My700xi et place sa carte de crédit, son téléphone mobile ! fait office… de ticket de bus ! Après une expérience Et le pire, c’est que les commerçants de la capitale parisienne menée avec la RATP, Bouygues Télécom alsacienne s’en émeuvent à peine. Bien au contraire, teste son ticket mobile, ou plutôt son mobile-ticket, ils encouragent ce vice insolite en leur tendant un sur le réseau de transport urbain grenoblois. À Paris, terminal de paiement à l’allure futuriste. De paisibles le téléphone – un NEC 401i équipé d’une puce NFC – Strasbourgeois venus chercher un simple tube permettait d’acheter ses tickets à tout instant via Id’aspirine à la pharmacie de l’Homme de fer ont mode. Il suffisait alors de passer le mobile au-dessus même envisagé un traitement plus sérieux quand ils des bornes Navigo pour débloquer le portillon, comme ont constaté, médusés, que le patron de l’officine des millions de Parisiens le font quotidiennement avec leur passe. « On a eu un retour clients excellent, avec acceptait sans broncher cette transaction conclue en un taux d’adhésion qui dépasse les 90 % » quelques secondes, sans monnaie, sans chèque, sans carte de crédit, et sans… contact ! s’enthousiasme Laurent Jullien, le directeur des services Pas moins de 105 commerçants de la région sans-contact de Bouygues Telecom. Le test grenoblois participent à cette surprenante expérience pionnière, propose, en plus, de faire du mobile un véritable qui permet à quelques système d’information en temps privilégiés de payer grâce « Au Japon, on achète déjà réel : les voyageurs munis de leur à leur téléphone portable, sans-contact sont informés son soda au distributeur portable un Sagem My700XI muni des perturbations, et peuvent même d’une puce et d’une antenne obtenir des informations avec son mobile. » NFC (voir encadré ci-contre), contextuelles en le pointant vers… une affiche intelligente ! Une technologie « made in la carte bancaire étant intégrée à la carte SIM du France », développée par une PME promise à un bel téléphone. Il suffit de le présenter à 5 centimètres avenir : Inside Contactless. « Dès qu’il y a des menus, d’un lecteur prévu à cet effet, de saisir son code, puis de le présenter une seconde fois pour conclure la ça fait chuter le taux d’usage des applications, transaction. Tellement simple et fun qu’Anne-Marie, constate Philippe Martineau, le vice-président exécutif l’une des 200 « cobayes » de cette opération – menée NFC de l’entreprise. Au bout de trois clics, on a perdu conjointement par le Crédit mutuel, la CIC, SFR et NRJ tout le monde. Là, je passe mon mobile sur un logo qui Mobile – y a pris goût, au point d’y sacrifier certaines me dit qu’il y a un service. Ce simple geste va lancer de ses petites habitudes : « Je vais chercher mon l’application correspondante ». sandwich dans un point de vente équipé plutôt que Car toutes les applications qui découlent du sans-contact participent de la même philosophie : la recherche de dans ma boulangerie préférée ». Les réticences des utilisateurs s’envolent vite à l’usage : « C’est plus sûr la simplicité. Un petit coup d’œil vers le Japon, qui utilise qu’une carte bancaire ; le système de cryptage va plus cette technologie à grande échelle depuis 2004 avec loin ; et puis, on ne se sépare pas du téléphone la norme Felica promue par NTT DoCoMo (voir encadré pendant la transaction » assure Bernard Sadoun, ci-contre), donne un avant-goût de ce que nos mobiles responsable des relations extérieures du Crédit Mutuel pourront bientôt faire. Là-bas, il est en effet tout naturel Centre-est Europe. En octobre, la capitale européenne d’acheter son soda préféré en passant son mobile devant le distributeur ; de collecter les points de fidélité sera rejointe par Caen. Cette fois-ci, ce sont tous les opérateurs téléphoniques français et plusieurs banques en passant son portable devant des bornes prévues à cet effet ; et les businessmen pressés peuvent télécharger qui joindront leurs efforts pour cette dernière étape
36 | www.stuffmag.fr
Stuff63_036-38_DOSSIER_Mob.indd 36
20/04/07 20:07:14
DEMAIN…
Mais en fait, c’est quoi, le sans-contact ? C’est le terme générique qui désigne les technologies se situant à mi-chemin entre les balises RFID et les réseaux sans-fil (Bluetooth ou Wi-Fi). Déjà présent sur des badges d’accès ou des cartes de transport comme le passe Navigo à Paris, le sans-contact fonctionne à faible distance, en mode point à point, ce qui permet d’effectuer des échanges de données en toute sécurité. Depuis 2004, des expérimentations sont menées pour intégrer le sans-contact aux téléphones mobiles.
www.stuffmag.fr | 37
Stuff63_036-38_DOSSIER_Mob.indd 37
20/04/07 20:07:36
DEMAIN…
UNE JOURNÉE À STRASBOURG Ville pilote du paiement par mobile
Arrivée à Strasbourg. Dans la première boulangerie où j’entre s’affichent les deux fiertés de la ville : le fameux Bretzel et un terminal de paiement sans contact.
Chez plusieurs commerçants du centre-ville, je repère l’écriteau « Ici, on paie avec son mobile ». À ce jour, 105 commerçants se sont équipés du terminal de paiement : fleuristes, coiffeurs, restaurateurs…
Même les bonnes tables strasbourgeoises sont équipées. À la Taverne du sommelier, le terminal de paiement a quelques ratés ; mais les cafouillages sur le terrain servent aussi à améliorer le système avant sa mise en place à grande échelle…
À la pharmacie de l’Homme de fer, je tends le mobile à 5 cm du lecteur. De suite, le prix de mon aspirine s’affiche sur mon écran. Je saisis mon code et repasse mon mobile devant le lecteur. Pas de quoi avoir mal au crâne !
la « clé virtuelle » de leur chambre d’hôtel sur leur expérimentations menées de concert avec Visa téléphone ! Posséder un téléphone-couteau suisse n’est – qui ont abouti, au dernier CES de Las Vegas, à la évidemment pas dénué d’inconvénients. En cas de vol, présentation d’une plate-forme de paiement complète l’utilisateur perd, en plus de son téléphone, sa carte – Nokia commercialise déjà son propre modèle, le bancaire, ses cartes de fidélité et ses titres de transport. 6131NFC, dans certains pays européens. Chez Sagem, « Perdre son portefeuille avec toutes ses cartes, c’est on assure être prêt : « On pense être bien placés entamer un parcours du combattant pour y faire auprès de nombreux opérateurs, français et étrangers » opposition, puis pour les assure Olivier Charlanes, directeur récupérer », tempère Laurent des activités convergence chez « Avec le mobile, je peux Jullien. « Avec le mobile, je peux Sagem Communication. faire opposition tout de suite « Le but, c’est qu’en 2008, tout bloquer tout de suite et retélécharger mes fasse un vrai lancement et recharger les logiciels. » on applications ». Il faut dire que commercial ». Et la marque les opérateurs militent pour une intégration des française de mettre en avant le fait que les fonctions de applications dans la carte SIM – celle-ci est reliée à la base de son téléphone (ticket de métro), pourront fonctionner même le mobile éteint ! Reste à espérer puce NFC par le Single Wire Protocol, une technologie développée par Inside Contactless –, autant pour garder que tous les acteurs du sans-contact (banques, sociétés le contrôle sur les applications que pour faciliter la vie des de transport, opérateurs téléphoniques et constructeurs utilisateurs finaux en cas de changement de téléphone. de mobiles) se mettent au diapason pour que ces Mais quid, justement, des mobiles NFC ? Fort de ses petits prodiges débarquent bientôt dans nos poches.
D’AUTRES OPTIONS D’AVENIR - Le M-ticketing : Également appelé « SMSimage », il se présente sous la forme d’un codebarres reçu par SMS ou MMS. C’est un lecteur de code-barres semblable à ceux dont se servent les employés des supermarchés qui sert ensuite à lire le ticket électronique. Encouragé par France Telecom et Orange en France dès 2004, le Mticketing est aujourd’hui bien implanté ; la société Digitick (www.digitick.com) s’est même spécialisée dans la vente de tickets virtuels. Dans certains pays, comme l’Allemagne sur son réseau Deutsche Bahn, le M-ticket sert même de titre de transport. Avantage : Ce M-ticket peut s’afficher sur tous les téléphones. Inconvénient : Imaginez que la batterie tombe en rade pendant que vous vous rendez au concert des Stones au Stade de France… - Le Flashcode : C’est l’inverse du M-ticketing. Cette fois-ci, c’est le téléphone qui scanne, via son appareil photo, un code-barres placé sur une affiche ou dans un magazine et qui, par la suite, lui donne accès à des services. Avantage : Il est simple à mettre en place. Inconvénient : Il nécessite que votre téléphone soit capable de lire les codes-barres. La société Mobiletags se charge d’implémenter le support du Flashcode sur des mobiles tels le Nokia N70. - Le Bluetooth : Il n’a pas dit son dernier mot, notre bon vieux Bluetooth. Une société française, Kameleon, équipe le mobilier urbain de ses boîtiers Mobizone, dans lesquels sont stockées informations et contenus multimédias que l’on peut télécharger via Bluetooth lorsqu’on passe devant une affiche publicitaire ou un plan. Avantage : Les usages sont multiples. Par exemple, de passage devant un cinéma équipé, il est possible de télécharger horaires et bandesannonces sur son mobile. Inconvénient : Le Bluetooth reste notablement gourmand en énergie.
38 | www.stuffmag.fr
Stuff63_036-38_DOSSIER_Mob.indd 38
20/04/07 20:08:06
brèves du
futur
Cahier du futur
Nos journalistes vous présentent les découvertes les plus intrigantes de leur petit saut dans le temps. Prêt pour le futur ? Rubrique coordonnée par Dorothée Bécart
Collection automne-hiver... 2020 ! Jusqu’à maintenant, pour mesurer le trouble de la jeune femme assise en face de vous dans le métro, vous vous contentiez de guetter le moindre rougissement sur son frais minois. Bientôt, vous n’aurez même plus besoin de vous donner cette peine : ses habits reflèteront ses émotions ! C’est en tout cas ce que les ingénieurs et les designers du programme Philips Design Probe ont imaginé, avec la vaporeuse robe Bubelle, tapissée de capteurs
qui analysent les émotions et les retranscrivent sous forme de lumières colorées. Et nos Karl Lagerfeld du futur ne se sont pas arrêtés en si bon chemin ; ils ont également conçu le projet Frison, qui se compose d’un réseau de LED s’allumant ou s’éteignant en fonction de l’état d’excitation de celui (ou celle !) qui le porte. Si votre voisine se met à clignoter comme un sapin de noël, au moins, vous saurez à quoi vous en tenir !
Q
90 | www.stuffmag.fr
Stuff58_090.indd 90
21/11/06 16:29:23
futur
Cahier du futur
brèves du
Internet, ça gaze ! Jusqu’à maintenant, le Web était accessible via le câble, les lignes téléphoniques et même les prises de courant (grâce au courant porteur). Bientôt, il sera possible d’obtenir une connexion haut-débit… via un tuyau de gaz ! Nethercomm, une entreprise américaine basée à San Diego travaille actuellement à rendre possible la circulation des données à travers les conduits de gaz naturel, grâce à des ondes radio à très large bande. Et si vous mettez parfois le feu à la toile en publiant vos photos de vacances à la Bourboule, n’ayez crainte : elles n’enflammeront pas le gaz contenu dans les tuyaux, le signal utilisé étant très faible.
Une pluie d’images ! Préparez-vous à un choc culturel : bientôt, on ne reconnaîtra plus les touristes japonais à leur appareil photo, mais à leur… parapluie ! Les chercheurs de l’université de Keio planchent en effet sur un concept aussi révolutionnaire que poétique. Pileus – c’est son nom – prendra des clichés grâce à l’appareil photo situé à son sommet, avant de les uploader sur le célèbre site Flickr grâce à une interface Web camouflée dans son manche, qui conserve en mémoire identifiants et mots de passe du propriétaire. Ensuite, les jolis souvenirs de Paris de nos amis nippons seront projetés… sur la toile du parapluie, qui fait office d’écran ! Sa poignée amovible permet par ailleurs de partager ses photos avec tous les autres possesseurs de Pileus. On pourra ainsi profiter de la moindre averse pour improviser une soirée diapo. C’est beau, le progrès…
Nos journalistes vous présentent les découvertes les plus intrigantes de leur petit saut dans le temps. Prêt pour le futur ? Rubrique coordonnée par Dorothée Bécart
Le DVD à 3 téraoctets ! Un laboratoire de l’université d’Harvard travaille à l’élaboration d’un laser ultra-fin, émis depuis une antenne optique dont la taille n’excède pas une centaine de nanomètres. Cela pourrait permettre d’imaginer une nouvelle génération de disques optiques, où les données pourront être écrites sur des « bits » beaucoup plus petits que ceux employés aujourd’hui. En effet, le laser émis par la minuscule antenne optique pourra se concentrer sur une surface de quelques dizaines de nanomètres. Votre mur de DVD devrait bientôt se résumer… à un seul disque !
À livre ouvert
Vous n’avez jamais vraiment eu le courage de vous lancer dans l’œuvre de Proust ? Et si Monica Bellucci vous susurrait les premières pages d’À la recherche du temps perdu à l’oreille, seriez-vous davantage motivé ? Patience, ce rêve pourrait bientôt devenir réalité grâce à Sony, qui travaille sur la possibilité de faire « lire » des œuvres à des stars. Il suffira à Monica, Brad ou George d’enregistrer quelques syllabes, en y mettant des intonations différentes, puis leur joyeux babillage rejoindra une banque de phonèmes qui servira à la lecture de chaque œuvre. Dans ces conditions, il est tout à fait envisageable de ressusciter Marylin Monroe ou Marlon Brando le temps d’un bon polar.
Q
86 | www.stuffmag.fr
Stuff57_086Newsfutur_SR.indd 86
16/10/06 12:51:17
DESIGN
CONCEPT-CARS
FANTASTIQUE
PLASTIQUE L’ère du plastique toc est bien révolue. Entre les mains des étudiants du prestigieux Royal College of Art de Londres, la plus malléable des matières devient même une source d’inspiration infinie. Sous l’égide de GE Plastics, ces designers ont laissé leur imagination modeler le futur de l’automobile. Textes Dorothée Bécart Photos DR
LA VOITURE DE BJÖRK On la dirait taillée dans un bloc de glace, la petite monoplace imaginée par Daniel Sjöholm. Rien d’étonnant à cela : l’étudiant s’est inspiré des froids paysages islandais pour travailler les formes et les couleurs de son concept-car. Pensé pour la chanteuse Björk, il est muni d’un moteur électrique et de quatre roues motrices à même de balader la poupée givrée à travers toute l’Islande. Mais ce 4x4 en plastique est aussi une bête de mode : sitôt qu’elle aura délaissé les sentiers gelés, Björk pourra sans honte se rendre aux fêtes les plus branchées au volant de son bolide toutterrain, voire inviter un ami à boire un cocktail dans son confortable habitacle…
80 | www.stuffmag.fr
Stuff59_080-085_Concept.indd 80
20/12/06 15:11:09
CONCEPT-CARS
DESIGN
4 4
www.stuffmag.fr | 81
Stuff59_080-085_Concept.indd 81
20/12/06 15:11:11
DESIGN
CONCEPT-CARS
TROIS QUESTIONS À… DEREK BUCKMASTER, DIRECTEUR MARKETING MONDIAL DE GE PLASTICS AUTOMOTIVE Vous avez organisé, en partenariat avec le Royal College of Art, le concours GE Plasticon Project 2006. Quelles étaient les règles du jeu pour les étudiants en compétition ? Il y avait six challenges différents : deux équipes ont travaillé sur la mobilité en Chine et en Inde, qui sont deux marchés très spécifiques. Deux autres devaient exploiter les spécificités du plastique. Les deux derniers groupes se sont, eux, penchés sur des véhicules écologiquement responsables et destinés aux jeunes générations. Le point commun entre tous ces projets est l’utilisation massive du plastique. Qu’est-ce que cette matière peut apporter à l’industrie automobile ? Le plastique est plus facile à modeler que les matériaux traditionnels comme le verre ou le métal. Dans les projets des étudiants du Royal College of Art, il a été utilisé pour remplacer le verre, mais aussi la carrosserie. Dans l’industrie automobile, les vitres en plastique vont, dans les cinq premières années, remplacer les vitres classiques. Chaque véhicule perdra alors 10 à 15 kg. Les carrosseries utiliseront aussi des matériaux plus légers. Ces petits changements vont et commencent à avoir lieu. La Renault Clio et la BMW M6 utilisent déjà des éléments que nous fabriquons. Plus généralement, le Plasticon Project vise-t-il à changer l’image du plastique ? Le plastique n’est plus vu comme un matériau cheap. Regardez l’iPod et l’iMac : ce sont deux produits qui utilisent principalement le plastique, et de façon totalement décomplexée. Ils sont faits de plastique et ils sont faits pour que l’on voie qu’ils sont construits à partir de cette matière. C’est presque devenu un matériau noble…
82 | www.stuffmag.fr
Stuff59_080-085_Concept.indd 82
20/12/06 15:11:31
CONCEPT-CARS
DESIGN
QUEL TEMPÉRAMENT ! Récompensé d’un prix individuel pour son concept-car, Julien Cueff dit s’être inspiré de la nature et des comportements humains. Sautes et changements d’humeur sont figurés par les deux panneaux latéraux du véhicule, conçus en tandem avec Laura Perryman. Selon les variations de luminosité ou de température, ces derniers changent de couleur – phosphorescents, ils brillent une fois la nuit tombée — ou révèlent des motifs particulièrement nerveux inspirés des ondes sonores. Parfait pour aller en boîte de nuit ! On imagine que les deux étudiants ont puisé dans leurs souvenirs d’enfance pour concevoir ce projet, qui emprunte beaucoup aux fameuses petites voitures qui changeaient de couleur lorsqu’on les passait sous l’eau chaude…
4 4 GÉOMÉTRIE VARIABLE Ana Zadnik et son groupe se sont interrogés sur ce qui faisait du plastique une matière unique, à travers ses utilisations en architecture ou en art. Flexible, manipulable, opaque ou transparent, il offre des possibilités infinies. Le concept-car imaginé par Ana en exploite quelques-unes des plus étonnantes, notamment en terme de perception des formes : en effet, selon le point de vue d’où on l’observe, il révèle une complexité insoupçonnable au premier coup d’œil. L’étudiante a également imaginé un véhicule customisable à la demande : si l’avant et l’arrière du concept-car sont fixe, sa partie centrale, elle, peut varier en longueur.
www.stuffmag.fr | 83
Stuff59_080-085_Concept.indd 83
20/12/06 15:11:35
DESIGN
CONCEPT-CARS
SEPTIÈME CIEL Après un voyage en Chine, un groupe d’étudiants du Royal College of Art a imaginé un complexe immobilier futuriste, les Beijing Boom Towers. Filip Krjna a conçu les étages supérieurs de ces tours, destinés aux habitants les plus aisés. Chaque appartement est desservi par un ascenseur muni d’une seconde cabine, réservée à… la voiture du résident ! Entièrement automatique, cette dernière est programmée pour emmener ses occupants à destination sans le moindre recours à la conduite manuelle.
PLUS PRÈS DES ÉTOILES Teresa Mendicino s’est employée à rendre les transports plus agréables et relaxants. Le toit de son petit monospace est constellé de petites LEDS qui donnent aux passagers – le conducteur est prié de garder les yeux sur la route – l’impression de contempler un beau ciel étoilé. Sur le flanc du véhicule, des motifs thermochromatiques, customisables à souhait, ont été apposés. « Pour moi, une voiture n’est pas juste un véhicule qui vous mène d’un point A à un point B, » analyse la jeune étudiante. « On passe tellement de temps dans la voiture qu’on aspire tous à ce qu’elle devienne plus personnelle. »
SPORTIVE ÉCOLO On peut être frimeur et pourtant se soucier de l’environnement ! C’est en tout cas le parti pris de Daniel Kafka, qui a voulu casser l’image habituelle des coupés sportifs aux moteurs gourmands et ultra-polluants. L’étudiant a exploité au maximum les propriétés du plastique – légèreté, malléabilité — pour rendre son véhicule performant sans recourir à des éléments mécaniques supplémentaires. Léger, solide, son SUV écologiquement correct pourrait bien engendrer la fusion de deux tribus qu’on croyait incompatibles : les kékés et les bobos !
84 | www.stuffmag.fr
Stuff59_080-085_Concept.indd 84
20/12/06 15:12:01
CONCEPT-CARS
DESIGN
CONVIVIALE ET LUDIQUE
Tobias Gabel a imaginé la voiture fétiche de la génération Y, celle des « Tanguy » qui restent chez leurs parents jusqu’à la trentaine faute de moyens. Peu coûteux, son concept-car mise plus sur la versatilité que sur les performances. Si quelques copains imprévus s’invitent sur la route des vacances, pas de problème : l’intérieur du véhicule, avec ses sièges amovibles, est modulable à volonté. Et si vous ne résistez pas aux charmes des jolies auto-stoppeuses, vous pourrez compter sur le coffre arrière, qui, d’une simple pression, révèle… un siège supplémentaire – à réserver à votre meilleur pote, tandis que la jolie jeune fille prendra sa place de copilote. Jemma Ooi s’est quant à elle concentrée sur l’habitacle, customisable à souhait avec ses petits éléments ludiques permettant de ranger des CD ou d’afficher des photos.
VOITURE-LEGO L’étrange concept-car de Matt Croft semble plus tenir du pédalo que du bolide terrestre. Il s’agit en réalité de la structure de base d’une voiture en kit conçue pour les tout jeunes conducteurs. Sur le principe des jeux de construction, ceux-ci pourront ajouter des éléments mécaniques et esthétiques supplémentaires en fonction de leurs besoins ou de leurs désirs. Ainsi, leur première voiture grandira avec eux et suivra toutes leurs lubies. Parce qu’on a tous été gothique à 16 ans, rasta à 18, et rockeur à 20…
www.stuffmag.fr | 85
Stuff59_080-085_Concept.indd 85
20/12/06 15:12:20
CAHIER DU FUTUR
BRÈVES DU
FUTUR
L’AIRBAG POUR WORKAHOLICS Les étudiants de l’Université des Arts de Berlin ont planché sur des extensions « analogiques » à l’ordinateur portable, ce carrefour de nos loisirs numériques. Le projet d’Ivonne Dippmann devrait séduire plus d’un businessman : si un séminaire traîne en longueur, pas de panique. Il suffit de fermer le clapet… de son portable (et non de l’orateur, restons polis) et aussitôt, un coussin se gonfle d’air chaud pour aider les têtes pensantes à se reposer. Les haut-parleurs de l’ordinateur diffusent alors une musique douce, et, dix minutes plus tard, une alarme interrompt cette micro-sieste bien méritée. D’autres inventions douces-dingues, du Mac-bouillotte au PC-Subbuteo, sont à découvrir sur le www.digital.udk-berlin.de.
E-PAPER : LA BATAILLE FAIT RAGE La bataille de l’encre électronique (voir Stuff n°56 – octobre 2006) fait rage. Alors que Sony s’apprête à lancer son fameux e-reader PRS500 en Europe, c’est à qui commercialisera le premier son écran flexible. Philips, déjà bien présent sur le marché avec son lecteur rigide, l’iLiad, commercialisé par sa filiale iRex, devrait frapper un grand coup en proposant dès cette année, selon le webzine allemand Heise, un écran flexible, cette fois-ci sous la marque Polymer Vision. Les Britanniques de Plastic Logic, quant à eux, viennent de lever 100 millions de dollars, destinés à construire la première usine de fabrication à grande échelle de leur papier électronique flexible. La production ne devrait débuter qu’en 2008, avec un premier objectif d’un million de « feuilles » par an. Par ailleurs, et avec un peu de retard par rapport au calendrier initial, Les Échos paraîtront dès mars en édition e-paper, téléchargeable en Wi-Fi sur l’iLiad et sur un support Bluetooth développé par le quotidien économique.
FUTURE ICÔNE ? Présenté au salon automobile de Detroit début janvier, ce rutilant concept-car signé Ford – en association avec Airstream, légendaire constructeur de camping-cars américain – affiche une carrosserie digne du fuselage d’un avion. Ses allures de véhicule lunaire cadrent bien avec la décoration intérieure, qui évoque la station spatiale de 2001 : L’Odyssée de l’espace, avec ses larges sièges à coque blanche garnis de rouge. Les sièges passager se font face pour accentuer la convivialité de l’habitacle, seventies à souhait. Mais ne vous fiez pas à son look rétro : son moteur HySeries Drive est véritablement futuriste ; il allie un moteur électrique principal et une pile à hydrogène qui prend le relais au bout d’une trentaine de kilomètres et offre une autonomie de 400 km. Aussi écolo que psychédélique, la Ford Airstream est un concept à suivre…
Nos journalistes vous présentent les découvertes les plus intrigantes de leur petit saut dans le temps. Prêt pour le futur ? Rubrique coordonnée par Dorothée Bécart
L’HOMME INVISIBLE… POUR DE VRAI ! Les grands timides et les petits coquins qui rêvent d’espionner les filles sous leur douche vont bientôt pouvoir réaliser leur grand fantasme : se rendre invisible. Les recherches se multiplient dans ce domaine grâce à la découverte des métamatériaux, structures artificielles dont l’indice de réfraction est négatif. Autrement dit, la lumière, plutôt que de frapper leur surface, les contourne. Des expériences ont été menées à l’université de Duke (Caroline du Nord) par l’équipe du professeur David R. Smith, qui est parvenue à rendre invisible un anneau de cuivre enrobé dans un métamatériau, hélas sur une bande de longueurs d’onde très limitée. Début janvier, l’équipe du Pr. Costas Soukoulis (Université de l’Iowa) est arrivée à des résultats similaires, cette fois dans le domaine de la lumière visible – à 780 Nm, soit la longueur d’ondes du rouge. Au train où vont les choses, la cape d’invisibilité d’Harry Potter pourrait bien prendre forme !
Q
78 | www.stuffmag.fr
Stuff60_078_CF_News.indd 78
19/01/07 13:08:16
MADE IN
ASIA
CAHIER DU FUTUR
Stuff vous dévoile les trouvailles les plus délirantes du continent asiatique. Rubrique coordonnée par Dorothée Bécart Crédit photo : Aving
MUSE ROBOTIQUE Cette charmante – quoiqu’un tantinet terrifiante – jeune femme répond au doux nom d’EveR-2 Muse. Il s’agit du premier « robot de scène » au monde. Conçue par le KITEC (Korean Institute of Industrial Technology), elle mesure 1,60 mètre, pèse 60 kg, et est recouverte d’une peau artificielle à base de silicone. Son visage et son cou disposent de 60 articulations, et ses lèvres se synchronisent avec sa voix, ce qui lui confère un aspect quasi-humain. Sa mission ? Divertir des hordes d’adolescents sud-coréens en
chantant et dansant sur scène ; son fan-club l’attendait d’ailleurs de pied ferme au salon Roboworld de Séoul, fin 2006. Mais avant d’entrer en scène, la jeune humanoïde a été prise… d’une crise de trac ! Un sentiment terriblement humain, certes, mais les spécialistes restent sceptiques quant aux émotions qu’EveR-2 Muse est capable de ressentir. Le théorème de la « vallée infranchissable » (Uncanny Valley) entre les sentiments humains et leur reproduction par les robots a hélas encore de beaux jours devant lui…
Q
82 | www.stuffmag.fr
Stuff60_082_CF_Asia.indd 82
19/01/07 13:09:09
BRÈVES DU
FUTUR
CAHIER DU FUTUR
Nos journalistes vous présentent les découvertes les plus intrigantes de leur petit saut dans le temps. Prêt pour le futur ? Rubrique coordonnée par Dorothée Bécart
ART ROBOTIQUE Les robots investiront-ils bientôt le Louvre ? En tout cas, de nombreux artistes exploitent à des fins purement poétiques les possibilités offertes par la robotique. C’est le cas d’Andre Stubbe, concepteur d’une installation qui nous a tapé dans l’œil. S’inspirant des expérimentations menées depuis les années soixante autour de l’œilcaméra, censé permettre aux nonvoyants de recouvrir partiellement la vue, il a mis au point deux
robots-yeux, l’un bleu, l’autre, étrangement, rouge, capables d’interagir entre eux grâce aux caméras logées dans leurs rétines respectives. Mieux encore : ces œuvres d’art d’un nouveau genre peuvent suivre du « regard » les humains qui viennent à passer devant elles et réagir en fonction de leurs mouvements, en ouvrant ou fermant leurs paupières. Rien à voir avec le regard un poil fuyant de Mona Lisa...
Q
74 | www.stuffmag.fr
Stuff61_074_CF_News.indd 74
20/02/07 12:29:30
BRÈVES DU
FUTUR
CAHIER DU FUTUR
JOUEZ AVEC VOS NEURONES !
Nos journalistes vous présentent les découvertes les plus intrigantes de leur petit saut dans le temps. Prêt pour le futur ? Texte Dorothée Bécart
Depuis l’avènement de l’EyeToy sur la PlayStation 2 et à présent avec la Wii, le jeu vidéo devient physique. Mais ce qui se trame sous le crâne des gamers peut aussi influer sur le déroulement d’une partie ! C’est pourquoi Neurosky, Inc. développe un casque capable d’interpréter les ondes émises par notre cerveau. Le but est, à terme, de contrôler son avatar par la seule force de la pensée. Pour le moment, le casque Neurosky se contente d’ajouter du piment à certains jeux : selon notre
degré de nervosité, de relaxation ou d’anxiété, analysé par les capteurs, il sera par exemple plus ou moins aisé de marquer un but dans PES ou réussir un putt dans Tiger Woods PGA Tour. Les concepteurs de ce nouveau gadget, qui intéresse déjà quelques grands noms du jouet, mettent en avant les effets bénéfiques de leur trouvaille sur la concentration des enfants et des adolescents. Que ne serait-on pas prêt à inventer pour prouver que les jeux vidéo sont bons pour la santé…
Q
58 | www.stuffmag.fr
Stuff64_058-59_CF_News.indd 58
21/05/07 16:35:15
CAHIER DU FUTUR
BRÈVES DU
FUTUR Q
LA SECRÉTAIRE IDÉALE
Imaginez une assistante disponible 24h / 24, dotée d’un sens de l’orientation infaillible – ce qui, reconnaissons-le, n’est pas toujours l’apanage de la gent féminine – et assez digne de confiance pour ne pas compromettre par ses indiscrétions quelque juteuse négociation… Le rêve de tout businessman se nomme Mara. Elle est née à l’institut Fraunhofer – le même à qui l’on doit la co-invention, avec Thomson, du format MP3. Conçue pour remplacer avantageusement les PDA, cette assistante virtuelle en 3D au look un peu austère se superpose à l’environnement, ce qui nécessite encore un équipement un peu lourd : les goldenboys en Armani sont-ils prêts à se transformer en tortues chargées d’un ordinateur camouflé dans un sac à dos, de lunettes-écran, d’une caméra et d’un récepteur GPS ? Un important travail de miniaturisation reste à envisager, mais sur le principe, Mara se présente comme une créature bluffante, capable de vous rappeler vos rendezvous et de vous y conduire par le plus court chemin.
© Fraunhofer FIT
ORDINATEUR EN MOUVEMENT
Décidément, les inventeurs de tout poil ont déclaré la guerre au couple mythique formé par le clavier et la souris. Concurrencé par l’œil (voir Stuff n° 62), le voilà menacé par nos petits bras musclés. Une équipe de chercheurs de British Telecom, emmenée par Adam Oliver, planche en effet sur un capteur de mouvements adaptable à n’importe quel ordinateur ou Tablet PC, sur le modèle de la célèbre Wiimote de Nintendo. L’adaptateur dialoguera avec un logiciel à télécharger, qui entreprendra de traduire en actions les mouvements de l’utilisateur. Par exemple, pour feuilleter un livre virtuel ou naviguer sur le Web, il suffira de pencher légèrement son ordinateur. Attention cependant à ne pas confondre votre Vaio flambant neuf avec votre Wiimote lors d’un concours de lancer de vaches sur Rayman contre les lapins crétins, il pourrait y avoir de la casse…
NARCISSE FAIT SA PUB
Si, en sortant des toilettes d’un restaurant chic, vous constatez, médusé, que le miroir en face de vous renvoie l’image d’un athlète aux muscles saillants, ne vous réjouissez pas trop vite : il s’agit peut-être d’une publicité ! Il suffit de vous en rapprocher pour faire disparaître ce reflet fantasmé et apparaître votre visage forcément ahuri devant un tel prodige. Le Magic Miroir, conçu par View World Advertising (http://vwafrance.com), est en effet un écran publicitaire lumineux muni d’un capteur qui le transforme en miroir dès que l’on passe devant lui. On se demande vraiment jusqu’où la pub ira se nicher…
Q
www.stuffmag.fr | 59
Stuff64_058-59_CF_News.indd 59
21/05/07 16:35:24
CAHIER DU FUTUR
DESIGN
1
CORNER
2
Les designers s’avancent en défricheurs de l’avenir high-tech. Stuff vous livre ici quelques-uns de leurs rêves. Textes Dorothée Bécart Photos 3e œil / DR
FÉLINE ET… VIRTUELLE Dévoilée lors du dernier Mondial de l’auto, la Peugeot 908RC se veut la berline ultime, qui réconcilie amis de la nature et amateurs de luxe, de conduite sportive et de confort. Son surprenant pare-brise se confond avec son toit, sa calandre n’est pas sans rappeler ses cousines bavaroises, et ses phares allongés s’inscrivent dans la tradition de la marque. Ultra-techno, l’habitacle
présente un écran tactile pour le conducteur et un autre pour les passagers à l’arrière. Vous la dévorez déjà du regard ? Sachez que la sublime lionne que vous avez sous les yeux est… virtuelle. Le constructeur a en effet eu recours aux services de l’agence parisienne 3e œil pour modéliser la bête et l’intégrer à des prises de vue réelles (images 1 et 2). Bluffant, non ?
Q
60 | www.stuffmag.fr
Stuff64_060-61_CF_Design.indd 60
21/05/07 11:16:45
Q
CAHIER DU FUTUR
CORNER
DESIGN Q
CHAMPIGNON HALLUCINANT
© 3e œil
Fruit de l’imagination prolifique des designers de l’agence 3e œil, le Mushroom est un objet communicant aux allures de toupie high-tech. Sous son air placide et sa bouille rendue sympathique par ses yeux dissymétriques se cache le centre nerveux de la maison de demain. Sorte de hub ultime, il concentre l’univers personnel de chacun des membres de la famille dans des petits galets nomades avec lesquels il communique sans fil. Un vrai petit majordome virtuel.
I LOVE YOURTE Les salles de réunion sont souvent reléguées dans les recoins les plus sombres des entreprises. Agrémentées de plantes vertes en plastique et d’une machine à café toussotante, elles sont bien rarement glamour. Poids lourd du mobilier de bureau, Steelcase a imaginé un espace de travail révolutionnaire, la Digital Yurt. Les formes de ce studieux cocon s’inspirent en effet des yourtes, tentes nomades d’Asie centrale. Son isolation phonique rend la Digital Yurt propice aux brainstormings fructueux ; la table ronde qui en occupe le centre est d’ailleurs constituée de feuilles de papier remplaçant avantageusement les austères tableaux-papier actuels. Enfin, des capteurs sensoriels analysent le degré de stress et de concentration des protagonistes pour adapter l’éclairage intérieur. Reste le risque de s’y sentir bien au point de se retrouver à ronfler sur l’épaule de son patron…
CARRÉ-MENT BEAU Imaginez qu’Apple se mette à fabriquer des lecteurs CD haut de gamme… Comme tous les produits de la marque, il se devrait d’être simple, minimaliste, noir ou blanc, et surtout beau à se damner. Ce rêve de geek a été matérialisé par un groupe de jeunes designers italiens. Leur blanche création se nomme le Square CD. Ce n’est qu’une fois allumé qu’il laisse apparaître ses commandes sensitives. Ne cherchez pas ses enceintes : sa lisse surface en Corian®, reliée à un aimant sophistiqué, fait office de haut-parleur. Le Square CD, qui redevient tout blanc quand il est éteint, s’accroche au mur comme un tableau. Un chef-d’œuvre d’art moderne qu’on aimerait bien avoir très vite à la maison… Matteo Bertanelli, Michele di Monte, Chiara Cremona, Andrea Biraghi
www.stuffmag.fr | 61
Stuff64_060-61_CF_Design.indd 61
21/05/07 11:17:17
©ATR Intelligent Robotics and Communication Laboratories
BRÈVES DU
FUTUR
CAHIER DU FUTUR
Faux jumeau, vrai robot
Nos journalistes vous présentent les découvertes les plus intrigantes de leur petit saut dans le temps. Prêt pour le futur ? Texte Dorothée Bécart Photos DR / ATR Intelligent Robotics and Communication Laboratories.
Quand le très sérieux professeur Hiroshi Ishiguro a présenté son frère jumeau, la nouvelle a fait le tour du monde. Il faut dire que son étrange double n’est pas fait de chair et d’os, mais… de boulons et de silicone. Ils n’ont pas grandi ensemble, mais leur destin est étroitement lié. Le Geminoid est en réalité un clone androïde que le professeur Ishiguro télépilote à distance, via Internet. Comme l’intelligence artificielle ne permet pas encore aux robots de tenir une conversation cohérente sur le long
terme, c’est le professeur lui-même qui parle à travers l’androïde ; des capteurs faciaux synchronisent ses mouvements avec ceux de son double. Loin du caprice narcissique, Geminoid pourrait donner aux enseignants ou aux businessmen le don d’ubiquité, le temps d’un cours ou d’une conférence. Saura-t-il toutefois tenir tête à des étudiants chahuteurs ? Tout le travail des équipes du professeur Ishiguro de l’université d’Osaka consiste, en effet, à évaluer le « charisme » de Geminoid… L’aura, l’aura pas ?
Q
66 | STUFF
Stuff65_066-67_CF_News.indd 66
18/06/07 23:33:44
CAHIER DU FUTUR
BRÈVES DU
FUTUR Q
Le parfum de la dalle en noir
Au commencement était la radio, qui ne sollicitait que notre ouïe. Puis vint la télévision, qui se mit à titiller nos rétines. De plus en plus plats, de plus en plus beaux, les écrans se firent bientôt tant désirer par les technophiles qu’ils se laissèrent effleurer comme on caresse les courbes d’une sculpture de maître. Après l’ouïe, la vue et le toucher, les téléviseurs cherchent désormais à « capter » notre odorat. Conçu par Presensia, agence de design sensoriel, et distribué par Dalcans, l’écran LCD olfactif Scentys propose, en plus d’une dalle haute résolution et d’un système audio de qualité hi-fi, un diffuseur d’odeurs. Au programme, des films « trisensoriels » concoctés par des artistes (vidéastes, compositeurs, écrivains et « nez » de l’industrie du parfum) et pour le moment destinés à être diffusés dans des magasins comme, récemment, le Printemps. Peut-être le commun des mortels pourra-t-il aussi, bientôt, se brancher sur la bonne fragrance…
Tapis magique
On se souvient tous du bon vieux Twister, ce jeu qui consistait à enchaîner diverses contorsions sur un tapis décoré de gros points colorés. Living Surface, développé par les Français de byVolta et distribué par Dalcans, en est une version très évoluée. Ce système de réalité virtuelle interactive permet d’interagir avec des vidéos projetées sur un tapis à étaler au sol ou à tendre sur un mur. Le tapis se mue tour à tour en piscine dont l’eau se trouble à votre passage, en gazon qui se pare de jolies marguerites dès que vous le foulez ou en terrain de sport pour un baby-foot nouvelle génération ! Poétique et ludique, Living Surface est aujourd’hui utilisé comme support publicitaire. Dommage : chez Stuff, nous étions prêts à adopter les poissons rouges frétillant dans leur aquarium virtuel…
Rock around the poussin ! Plus « kawaii » que ce petit poussin, tu meurs. Et pour cause : il est destiné aux enfants en bas âge. Développé par Hideki Kozima au sein du prestigieux NCIT japonais, un institut de recherches sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication, Keepon cache, sous ses airs naïfs, deux caméras CCD couleur et un micro dissimulé dans son bec qui lui permettent d’interagir avec les bambins nippons. Capable de caler ses mouvements sur ceux de son interlocuteur et sur le tempo de sa voix, il a le rythme dans la peau, à tel point que Marek Michalowski, un étudiant américain de la Carnegie Mellon University, travaille très dur à en faire un robot danseur. Pour voir le moineau en action, tapez « Keepon Dancing to Spoon » dans YouTube ! Irrésistible…
Q
STUFF | 67
Stuff65_066-67_CF_News.indd 67
18/06/07 23:33:58
CAHIER DU FUTUR
DESIGN
Stefania Esposito
2
e Ricciardelli Matteo Cibic et Run
3
CORNER
1
Simone Sparvieri et Valentina del Ciotto
Marcus Bergström
4
Corvin Haas et Georg
Huber
5
Le café du futur
Les designers s’avancent en défricheurs de l’avenir high-tech. Stuff vous livre ici quelques-uns de leurs rêves. Textes Dorothée Bécart Photos DR
À force de boire le même café en capsules à New York, Paris et Tokyo, nous risquons tous d’avoir les gorges clonées. Pour exciter nos rétines et nos papilles anesthésiées par l’uniformité, Nespresso invite régulièrement des jeunes designers à secouer son concept bien rodé. Le dernier Nespresso Design Contest avait pour thème « Coffee Unplugged », ou comment déguster son petit noir préféré en balade. Premier prix, la machine à café du futur avec sa Nespresso Card, grâce à laquelle chacun peut enregistrer son profil personnel via un site Web (variété préférée de café, avec ou sans sucre, court ou long) (image 1). Cap remplace les
tristes gobelets en plastique par des tasses jetables reprenant le design des capsules Nespresso (image 2). Le Coffee Cup Cleaner ressemble à un jardin miniature, mais il s’agit en réalité d’une machine nomade à laver les tasses (image 3). Picnic permet de déguster son expresso partout et tout le temps, pourvu qu’on y ajoute une bouteille d’eau minérale et une mini-bonbonne de gaz (image 4). Enfin, Heavy Duty est une solide cafetière compacte censée résister à tous les coups et tous les voyages (image 5). L’histoire ne dit pas combien de cafés nos designers en herbe ont avalé pour imaginer tous ces concepts…
Q
68 | stuff
Stuff65_068-69_CF_Design 68
18/06/07 23:35:07
CAHIER DU FUTUR
Alerte orange ! Ce bolide à la « gueule » inimitable n’est pas qu’un rêve de designer : il devrait bientôt être produit par la firme KTM, jusqu’alors versée dans la moto. Sa carrosserie orange en fibres de carbone lui donne une allure de jouet pour grand enfant, et ses imposants garde-boue rappellent les origines sportives de la marque. Vous remarquerez qu’elle n’offre pas de porte, ce qui la rend assez dangereuse pour les balades bucoliques sur le périph le vendredi soir à la sortie des bureaux. Du reste, ce monstre de design et de puissance (il passe de 0 à 100 km/h en 3,9 secondes), baptisé X-Bow, sera disponible chez nos voisins anglais courant 2008. Mais on le veut ici et maintenant, cela va sans le dire…
DESIGN Q
Aspirateur inspiré Petit, vert, mini et mimi, l’aspirateur BeanVac, imaginé par Ying-Hao Juan, a des allures de pousse de haricot magique. Il se déplace partout dans la maison et est assez joufflu pour contenir les tonnes de poussière qui s’accumulent dans votre garçonnière, et rendre cette corvée aussi fun qu’une partie de Counter Strike. Ying-Hao Juan a également créé un joli pendentif, Sentiment, qui cache une interface permettant de communiquer et de recevoir des émotions sous forme de messages ou de photos, où que l’on se trouve dans le monde. Deux jolis concepts qui prouvent que la technologie peut se faire drôle, douce et poétique…
ber
Q
CORNER
Téléphone-minceur ! Chez les jeunes designers, la tendance semble décidément être aux gadgets verts dont les formes et les couleurs s’inspirent de la nature. Il faut dire que l’In Health Phone, de l’Américaine Kristina Lee, est le premier téléphone… diététique ! Selon le poids et la taille de son propriétaire, il organise des exercices sportifs, compose des menus ou repère, quand l’heure du casse-croûte approche, les adresses de restaurants où l’on peut commander un repas équilibré. Un vrai petit coach personnel au look de légume craquant !
stuff | 69
Stuff65_068-69_CF_Design 69
18/06/07 23:35:27
BRÈVES DU
FUTUR
CAHIER DU FUTUR
Luxe, calme, et volupté
Nos journalistes vous présentent les découvertes les plus intrigantes de leur petit saut dans le temps. Prêt pour le futur ? Texte Dorothée Bécart Photos Space. the design practice
Nous évoquions récemment le grand retour des dirigeables, moyen de transport écologique par excellence. David Ormerod et Michael Jones, deux designers du cabinet londonien Space. the design practice ont imaginé un concept alliant luxe et art de vivre pour les besoins d’Airship Management Service, compagnie américaine leader des vols en dirigeable au-dessus de Paris, Sydney, San Francisco, Londres, et bientôt Dubaï, avec le luxueux
Spirit of Dubai. Baptisé Skycruiser, ce superbe aéronef destiné à survoler les plus belles villes du monde est aussi… un restaurant volant pour fins gourmets n’ayant pas le mal de l’air. Loin des peu ragoûtants plateaux-repas servis dans les avions de ligne, les petits plats proposés dans le Skycruiser seront mitonnés par des chefs renommés. De quoi atteindre le Septième Ciel… www.airshipman.com www.thespiritofdubai.com
Q
64 | STUFF
Stuff68_064-65_CF_News.indd 64
12/10/07 13:12:52
CAHIER DU FUTUR
BRÈVES DU
2 1
FUTUR Q
L’écologie en mouvement
4
5 3
Sony a imaginé une série de produits écolos, alimentés par les mouvements de l’utilisateur. Avec leur look de joujoux low-tech, ces drôles de protos siglés Odo rivalisent d’inventivité. L’appareil photo Spin n’Snap (1) se recharge du bout des doigts, qu’il suffit d’apposer dans les deux ouvertures rondes faisant également office de viseur. L’écran Push Power Play (2), qui évoque quelque antique visionneuse de diapositives et le caméscope Crank’n’Capture (3) puisent leur énergie dans leur rouleau, qu’il suffit d’actionner d’avant en arrière, comme pour étaler de la pâte à tarte ! Le casque Pull’n’Play (4) peut compter sur un cordon qu’il suffit de tirer dès les premiers signes d’essoufflement. Enfin, les mini-panneaux solaires de la batterie Juice Box (5), qui se fixe aux fenêtres grâce à des ventouses, peuvent être personnalisés. Le message est clair : préserver l’environnement est un jeu d’enfants !
Ces merveilleux fous volants… Le grand drame de l’être humain, c’est d’être né sans ailes. D’Icare à Léonard de Vinci en passant par le méconnu scientifique berbère Ibn Firnas, l’homme a de tout temps essayé de s’arracher au sol. Le suisse Yves Rossy, ancien pilote militaire qui fut notamment aux commandes d’un Mirage III, est le descendant de ces doux rêveurs. Autoproclamé « premier homme volant à réaction de l’histoire de l’aviation », il teste régulièrement de nouvelles ailes, fabriquées avec la complicité de la marque de montres Hublot. Bien plus crédible que Condorman, Yves « Fusionman » Rossy est propulsé par quatre mini-réacteurs qui lui ont déjà permis de voler pendant près de six minutes. À l’heure où vous lirez ces pages, cette tête brûlée (qui a déjà effectué 1 100 sauts en parachute) aura testé ses nouvelles ailes, on l’espère avec succès…
L’e-paper, c’est parti ! Les Échos, après une phase de test (voir notre numéro d’octobre 2006), se sont enfin lancés dans la grande aventure de l’e-paper. Le quotidien économique s’est pour l’occasion offert son propre reader, conçu en étroite collaboration avec Ganaxa. Il sera proposé dans l’une des deux offres d’abonnement englobant l’acquisition d’un reader ; le plus onéreux de ces packs n’en est pas moins le plus alléchants, puisqu’il inclut le reader iRex, actualisable par Wi-Fi. Le début d’une grande révolution dans le monde de la presse ? www.lesechos.fr/epaper
Q
STUFF | 65
Stuff68_064-65_CF_News.indd 65
12/10/07 13:13:23
CORNER
DESIGN
CAHIER DU FUTUR
Les designers s’avancent en défricheurs de l’avenir high-tech. Stuff vous livre ici quelques-uns de leurs rêves. Texte Dorothée Bécart Photos DR
Robot en campagne Le tracteur, c’est laid, c’est lent et particulièrement crispant quand on a décidé d’arpenter les routes de campagne avec sa grosse cylindrée. Hannes Seeberg a décidé de lutter contre ces préjugés tenaces ; il faut dire que ce designer indépendant estonien leur voue une grande passion depuis sa plus tendre enfance. Le Valtra RoboTrac est un tracteur semi-autonome et préprogrammable, dont le pilote
reste tranquillement derrière un écran d’ordinateur relié à l’engin par GPS. Il se distingue par son sympathique look de jouet joufflu. Grâce à ce projet et à ses autres travaux, Seeberg fait partie des cinq nominés du concours de design industriel Henkel Art.Award 2007, dont le dénouement est fixé au 30 octobre prochain. Espérons que cet ingénieux tracteur récoltera quelques lauriers…
Q
66 | Stuff
Stuff68_066-67_CF_Design 66
12/10/07 13:14:23
Q
CAHIER DU FUTUR
1
CORNER L’école des flammes
2
DESIGN Q
Le célèbre fabricant de cheminées Brisach a demandé à de jeunes étudiants du Strate Collège Designers de faire fumer leurs cerveaux dans un seul but : inventer un futur au bel âtre. De ce « mouvement de libération de la flamme » – mot d’ordre du concours – sont nés quelques concepts décalés. Dans les mains de Sébastien Schaeffer et Sébastien Coroller, la cheminée devient écologique (1), récupérant l’eau de pluie via un tuyau intégré au conduit et la mélangeant aux cendres produites pour créer un engrais 100 % naturel, prêt à alimenter les plantes alentour, sélectionnées pour leurs propriétés dépolluantes. Nelson Alves et André Fam ont quant à eux bûché sur une cheminée boule so sixties (2) destinée aux lieux branchés. Show devant !
Hochet à sensations Diah Riani Amanda a imaginé une attraction qui pourrait faire passer le vertigineux Grand huit pour un manège de petits chevaux. Au cœur de ces montagnes russes du futur, une cabine en forme de boule qui contient elle-même un habitacle sphérique gonflable tournant sur luimême. Coincée entre deux rails et lancée à pleine allure, elle permettra aux têtes brûlées de culbuter à 360 degrés ! Le tube de gel capillaire tenue extraforte n’est pas fourni, mais hautement recommandé…
C’est plié ! Mieux que le Vélib, il y a les vélos pliables. Problème : ces derniers sont souvent peu commodes à transporter et restent trop encombrants pour ne pas susciter l’ire des chauffeurs de bus ou des autres usagers des transports en commun. Gosha Galitsky, un jeune designer industriel israélien, a donc imaginé un vélo-valise, qu’il souhaiterait, à terme, commercialiser. Sa petite reine se transforme en élégant attaché-case en moins de deux. Pour les businessmen sportifs, c’est une affaire qui roule…
Stuff | 67
Stuff68_066-67_CF_Design 67
12/10/07 13:14:33
BRÈVES DU
FUTUR
CAHIER DU FUTUR
La formule 1 des mers
Nos journalistes vous présentent les découvertes les plus intrigantes de leur petit saut dans le temps. Prêt pour le futur ? Texte Dorothée Bécart Photos Focus 21 / Philips Design Probes / Motion Portrait, Inc. / DR
Cet hybride déroutant entre yacht, voiture de course et avion pourrait bientôt faire des vagues sur toutes les mers du globe. Développé dans le sud de la France par Focus 21, dans le cadre du programme de recherche « aéroptère », ce navire à effet de sol se déplace à des vitesses affolantes (200 km/h pour le modèle T15). Son secret ? Il fonctionne tel un petit avion qui resterait, pendant toute la durée du vol, au ras du sol. La déviation du flux d’air générée par cette proximité augmente la
portance de l’appareil, qui flotte donc à quelques mètres de hauteur. Cette propriété aérodynamique testée par les Soviétiques pendant la Guerre froide permet de naviguer rapidement et silencieusement, tout en respectant l’environnement, la consommation de carburant étant faible. Les deux Transaquatis (T6 et T15) imaginés par Focus 21 transportent respectivement cinq et quatorze passagers, en plus d’un pilote expérimenté. Et si on remettait Prost et Schumi au boulot ?
Q STUFF | 59
Stuff70_059-060_CF_News.indd 59
18/12/07 12:40:10
CAHIER DU FUTUR
BRÈVES DU
FUTUR Q
Les gadgets dans la peau Il y a un peu plus d’un an, nous vous présentions les recherches de deux universitaires américains, qui avaient inventé le premier tatouage numérique. Le laboratoire de recherche prospective de Philips, Design Probes, présente aujourd’hui son interprétation du tatoo évolutif, qui se dessine délicatement sur la peau au gré des émotions de son « porteur ». Décidément très inspiré par le corps – féminin en particulier –, les chercheurs fripons de Design Probes ont également imaginé une collection de bijoux, Skintile, à porter à même la peau, et dont les capteurs sans-fil permettent de passer de subtils messages en couleur et en lumières…
Un gros bras chez les robots Son prénom ferait s’évanouir des cohortes d’adolescentes en émoi ; Justin est pourtant bien incapable de se mouvoir comme son cousin des dancefloors. Et pour cause : il n’a pas de jambes. Son créateur, Gerd Hirzinger, directeur de l’Institut allemand de robotique et de mécatronique, estime que si les robots se déplacent de mieux en mieux, ils sont en général bien incapables de saisir et manipuler des objets avec finesse et précision. Ce n’est pas le cas de Justin, qui peut s’essayer, comme tout un chacun, à résoudre un Rubik’s Cube, ou préparer un gâteau en dosant précisément ses ingrédients. Sa dextérité lui a valu d’être choisi comme plateforme expérimentale du projet européen PHRIENDS, qui étudie les interactions entre humains et robots. En voilà au moins un qui a bien compris le vieil adage « Pas de bras, pas de chocolat » !
La photo qui refait le portrait ! Les fans d’Harry Potter ont certainement en mémoire les photos « vivantes » qui, placardées à la une de La Gazette des Sorciers, terrifiaient les élèves des Poudlard. Sans recourir à une quelconque formule magique, une entreprise japonaise, Motion Portrait, Inc., a inventé un procédé similaire. À partir d’une seule photo, le logiciel créé une animation Flash qui simule les expressions du visage de la personne photographiée, et l’intègre dans divers contextes. Il permet également aux plus coquet(te)s de s’offrir un relooking virtuel. De quoi éviter bien des coupes de cheveux ratées… © Motion portrait, Inc. 60 | STUFF
Stuff70_059-060_CF_News.indd 60
18/12/07 12:40:33
BRÈVES DU
FUTUR
CAHIER DU FUTUR
La Pivo2 monte au créneau !
Nos journalistes vous présentent les découvertes les plus intrigantes de leur petit saut dans le temps. Prêts pour le futur ? Texte Dorothée Bécart Photos SPACE the design practice
Il y a deux ans, le PDG de Nissan, Carlos Ghosn, avait fait forte impression en débarquant au Tokyo Motorshow au volant de la Pivo, une drôle de petite voiture à la bouille inimitable. La firme automobile nippone a attendu l’édition 2007 de ce prestigieux salon automobile pour présenter sa petite sœur, la Pivo2. Outre sa cabine ronde qui tourne à 360° et ses roues capables de pivoter à 90° – ce qui se révèle bien pratique quand on doit négocier un créneau délicat –, cette nouvelle version, mue par un moteur
électrique, est dotée de quatre caméras externes qui filment son environnement. Mais la vraie nouveauté, c’est le petit robot encastré dans son tableau de bord, qui rappelle ce brave R2-D2 perché sur le chasseur X-Wing de Luke Skywalker. En plus d’être décoratif, ce compagnon de route indique les places de parking les plus proches, aide le conducteur à réaliser les manœuvres les plus difficiles, et veille également à ce que le pilote de la Pivo2 ne s’endorme pas. Un vrai petit ange gardien !
Q
86 | STUFF
Stuff69_086_CF_News.indd 86
16/11/07 15:45:24
CORNER
DESIGN
CAHIER DU FUTUR
Une tour vivante !
Les designers s’avancent en défricheurs de l’avenir high-tech. Stuff vous livre ici quelques-uns de leurs rêves. Texte Dorothée Bécart Photos DR
Un immeuble qui respire ? Il n’y a guère que chez David Cronenberg, pour qui les cassettes vidéo et les joysticks sont dotés d’une vie propre, qu’on s’attend à trouver une idée aussi saugrenue. Pourtant, il s’agit d’un concept très sérieux, imaginé par les chercheurs en prospective de Philips Design, pour une hypothétique mégalopole chinoise à l’horizon 2020. Revêtue d’une sorte de « seconde peau » sensible
à la lumière, à l’humidité ou au vent, la tour « off the grid » met à profit les éléments pour réaliser des économies d’énergie. À travers son vert épiderme, l’air est purifié et refroidi pour remplacer la climatisation, tandis que la lumière est canalisée et redistribuée pour réduire l’utilisation des éclairages artificiels. Et tous ces efforts pour la planète se traduisent fort joliment sur sa façade, qui change d’apparence selon la météo…
Q
88 | Stuff
Stuff69_088-89_CF_Design.indd 88
16/11/07 15:45:56
Q
CAHIER DU FUTUR
Gentille tortue Visiblement, l’être humain n’est pas programmé pour effectuer spontanément la sacro-sainte combinaison « Ctrl + S » (Pomme S pour les « Mac-oliques »). Problème de coordination entre le pouce et l’index ? Connexion défectueuse entre le cerveau et la main ? Peu importe, les faits sont là : nous avons tous passé des heures à pleurer un document Word disparu dans les méandres de notre disque dur. Pierollo (www. pierollo.com), jeune designer français, ne doit pas faire exception, puisqu’il a inventé un objet aux allures de tortue, dont la fonction principale est de rappeler aux distraits du clavier qu’il est temps de sauvegarder leurs données, en s’illuminant à intervalles réguliers. Il suffit alors de « buzzer » sa carapace pour enregistrer ses documents. Fini le clavier-instrument de torture, vive la tortue instrumentalisée !
CORNER
DESIGN Q
Tiercé gagnant C’est une fatalité : à force d’être entourés de gadgets qui nous obéissent au doigt et à l’œil, nous finirons par ne plus vouloir faire le moindre effort pour les commander. C’est en tout cas ce que semble penser Koo Ho Shin, un jeune designer coréen, qui a imaginé un téléphone mobile fonctionnant totalement à la reconnaissance vocale. Mais sa plus grande originalité réside dans son design : l’absence de pavé numérique laisse la part belle à l’écran OLED, qui se divise en trois parties aux fonctionnalités distinctes, se réunissant au besoin, pour afficher, par exemple, un message texte. Quand la téléphonie mobile se met en trois…
Air-bus Dans les aéroports de taille moyenne, il n’est pas rare de devoir grimper directement dans l’avion via le rudimentaire escalier de l’appareil. Les jours de pluie ou de mauvais temps, cette courte ascension peut vite tourner à la catastrophe, en particulier pour les personnes âgées. C’est pourquoi l’Estonien Hannes Seeberg a inventé un bus-ascenseur, Skylift, spécialement conçu pour assurer le transfert des passagers du terminal à l’avion ; la cabine se surélève ensuite pour les amener directement à l’entrée de l’appareil, à l’image des éphémères couloirs d’embarquement aux allures de boyaux en service dans les aéroports internationaux.
Stuff | 89
Stuff69_088-89_CF_Design.indd 89
16/11/07 15:46:27
TECHNO
Écolo
Autonoma et Solar Tree Texte Dorothée Bécart Photos © Gerhard Koller / MAK / DR J’ai entendu parler de la pollution lumineuse. C’est quoi, au juste ? C’est simple : chaque nuit, dans les zones peuplées, les réseaux d’éclairage urbain produisent tellement de lumière qu’une partie s’en retrouve projetée vers le ciel. Ce sont les astronomes qui, les premiers, se sont plaints de ce phénomène, quand ils ont constaté qu’ils ne pouvaient plus observer autant d’étoiles qu’auparavant. Mais les conséquences sont également désastreuses pour la faune et la flore : le « jour artificiel » dans les villes qui ne s’éteignent jamais gêne en particulier les animaux nocturnes et les insectes.
Quand on me parle de pollution, je pense plutôt à la consommation d’énergie, en général… Eh bien, si cela vous parle plus, sachez qu’outre la pollution lumineuse, les éclairages urbains sont extrêmement gourmands en énergie. En France, il existe 8,5 millions de « points lumineux » qui fonctionnent 4 000 heures par an, ce qui représente une consommation annuelle de 5,35 térawattheure ! Waouh ! Et qu’est-ce qu’on peut faire pour changer ça ? Vivre dans le noir ? Inutile de paniquer : il existe des solutions alternatives. De nombreuses
communes remplacent progressivement leurs anciens lampadaires par des éclairages à LED, plus raisonnables en terme de consommation. Certains sont même complètement indépendants du réseau électrique, comme Autonoma, dessiné par Maurice Clavero pour Ambiance Lumière. Beau et écolo, il est muni d’un panneau solaire qui lui permet d’éclairer les rues de nuit grâce à l’énergie accumulée le jour. Et pour éviter la pollution lumineuse, il intègre un capteur de présence qui enclenche automatiquement le mode « plein feu » dès qu’un piéton approche. Le reste du temps,
Autonoma est en mode « veille », n’éclairant qu’à 30 % de ses capacités maximales, ce qui permet aux animaux nocturnes de vivre leur vie en paix. C’est malin, et très joli. On dirait bien que ce nouveau type d’éclairage inspire les designers… Oui, et ce n’est pas fini. Devant le musée d’art contemporain de Vienne, le MAK, les passants ont vu pousser une drôle de forêt d’arbres lumineux ! Ces Solar Tree, imaginés par le designer vert Ross Lovegrove, éclairent la chaussée grâce à l’énergie accumulée par les panneaux solaires Sharp situés sur leur canopée. La première œuvre d’art utilitaire et… écolo !
120 | STUFF
Stuff69_120_ECOLO.indd 120
16/11/07 16:03:44
MA VISION ma vision DU du FUTUR futur
Interview Dorothée Bécart Photos D.R.
MA VISION De…
l’internet Le dernier ouvrage du futurologue Joël de Rosnay est consacré à l’Internet. Quelle est sa vision de la Toile à court et long terme ?
Joël de Rosnay Docteur ès Sciences, Préside nt exécutif de Biotics International et Conseiller du Président de la Cité des Sciences et de l’Industrie de la Villette dont il a été le Directeur de la Pro spective et de l’Évaluation jusqu’en juillet 2002, Joël de Rosnay a longtemp s été chroniqueur scientifique sur Europe 1. Il est également l’auteur de nombreux ouvrages de prospectives, dont le dernier, La Révolte du pronétariat, (coécrit avec Carlo Revelli) s’interroge sur l’avènement d’un cinquième pouvoir, celui des médias des masses qui prolifèrent sur le Web. Blogs, Wikis, Moblog : tout y passe…
Votre livre utilise la rhétorique de la lutte des classes pour décrire le combat existant entre « pronétaires » et « infocapitalistes ». Mais cela suppose un monde hyperconnecté : la vraie fracture ne se situerait-elle pas entre les connectés et les non-connectés ? Il y a évidemment coexistence des deux types de fractures. Mais il est possible que la « lutte des classes » entre pronétaires et infocapitalistes soit moins dure que celle, traditionnelle, décrite par Marx pour le monde du travail. En effet, « l’empire contre-attaque » dans un premier temps, puis… collabore. Pour ce qui concerne les connectés et les non-connectés, c’est à la fois un problème économique (pouvoir se payer le matériel, les connexions) et culturel : les fractures existent aussi entre les générations. Pourtant, l’hyperconnexion se propage dans des pays jadis défavorisés. Pour preuve : l’essor des téléphones portables, des antennes de télévision par satellite et des accès à Internet, par exemple en Amérique du Sud, en Afrique du Nord ou en Chine. De la même manière, ne sommes-nous pas inégaux face au flot d’informations qui nous submerge ? Vous évoquez la nécessité d’un « bagage cognitif » et le défi éducatif que cela implique pour l’avenir… On peut se protéger de l’« infopollution », mais tout le monde n’en est pas encore capable, faute de connaître les méthodes adaptées. Il s’agit d’offrir à chacun les bases d’une « diététique de l’information », c’est-à-dire d’éviter les phénomènes de boulimie et ne garder de cet excès d’information
que les ingrédients essentiels à l’épanouissement personnel et professionnel. Par ailleurs, face aux phénomènes de rumeurs et de désinformation, chacun devra apprendre à être vigilant, à comparer, discuter et recouper les sources. Vous évoquez l’expérience de deux sénateurs qui ont donné la possibilité à des internautes d’intervenir dans la rédaction d’un projet de loi. Imaginezvous une sixième République intégrant explicitement l’internaute à la démocratie ? Les citoyens sont en train d’inventer une nouvelle démocratie : non pas une « E-démocratie »caractérisée par le vote à distance via Internet, mais une démocratie s’appuyant sur les médias des masses. Infocapitalistes et politiques en saisissent encore mal les enjeux. C’est l’espoir d’une forme de démocratie participative. Je ne dis pas qu’on va obligatoirement y parvenir, mais le phénomène des blogs, des forums, des journaux citoyens, des « wikis », montre que la participation, la cogestion, la corégulation citoyennes, espoirs de nombreux politiques au cours des dernières décennies, trouvent de nouvelles formes et voies d’expressions pronétariennes. Vous comparez le Web au cerveau humain et prévoyez l’avènement d’un macroorganisme planétaire, avec mise en réseau des intelligences humaines. Si Internet est aujourd’hui capable de répondre à bon nombre de questions, pensez-vous qu’il puisse, à terme, avoir une conscience ? Les hommes construisent « de l’intérieur »,
46 | www.stuffmag.fr
stuff52_046-47.indd 46
14/04/06 20:02:23
ma vision du futur
du futur un macro-organisme planétaire, une sorte de cerveau dont nous devenons les neurones, des millions d’usagers, de pronétaires, contribuent à enrichir ce meta-ordinateur parallèle que l’on appelle aujourd’hui Internet ou le Word Wide Web. Bien au-delà de ce que l’on appelle aujourd’hui « l’opinion publique » que mesurent régulièrement les sondages et bien au-delà de ce que Jung, après Freud, appelait la « conscience collective », on voit peut-être émerger une « co-conscience collective réfléchie ». À un moment donné, il est fort possible que le système global de communication que nous avons « exporté » de nous-même, extériorisé de notre corps, prenne conscience et se pose cette grande question : qui décide, pour faire quoi, pour aller où ? Cette co-conscience collective peut rester en lutte en son sein et donc devenir schizophrène. Elle peut aussi allier ses ressources autour de grands desseins de l’humanité. Si oui, la question est de savoir lesquels… Est-ce que l’intelligence artificielle à laquelle nous rêvons tous, ça ne serait pas cela ? Le terme « d’intelligence artificielle » me paraît mal adapté. Qu’est-ce que l’intelligence artificielle alors qu’on ne sait pas encore définir – et a fortiori transférer à une machine – l’intelligence naturelle ? La créativité humaine dépend de nombreux facteurs. On sait notamment que les outils de traitement, de stockage et d’échange d’informations peuvent contribuer à accroître la créativité et l’innovation. Il faudrait donc plutôt parler, à mon avis, d’intelligence « répartie » ou d’intelligence « collective ». Dans ce cas, oui : l’intelligence répartie dans de nombreux outils de communication ou l’intelligence collective catalysée par les échanges sur Internet, peuvent rendre l’homme plus créatif. Des chercheurs
en font la preuve quotidiennement. Internet et surtout l’Internet mobile (le MobilNet) catalysent ces nouvelles formes d’intelligence collaborative, comme l’a souligné Howard Rheingold dans son livre Smart Mobs. Concrètement, à quoi, selon vous, ressemblera l’interface permettant l’accès au Web, demain ? Est-il possible qu’elle soit intégrée au corps humain ? Avec le Wi-Fi et prochainement le Wimax, on est en train de construire une Toile sans fil, qui connecte déjà entre eux, et à haut débit, les PDA, les Pocket PC et les téléphones portables. Parallèlement, des recherches autour du thème de la biotique – fusion de la biologie et de l’informatique – explosent actuellement
« Internet est comme un cerveau dont nous devenons tous les neurones. » dans des dizaines de laboratoires dans le monde en particulier grâce à l’essor des nanotechnologies. À terme, ces recherches pourraient donner naissance à des circuits électroniques moléculaires et rendre possible le développement d’interfaces bioélectroniques entre l’homme, les ordinateurs et les réseaux. Des chercheurs sont parvenus à communiquer avec leur environnement et à être reconnus par des systèmes de sécurité grâce à une puce implantée dans le bras ! Quels autres « objets intelligents » directement liés à la révolution pronétaire pourraient, selon vous, voir le jour ? On peut imaginer des vêtements intelligents
dotés de capteurs biologiques permettant de transmettre par Bluetooth ou Wi-Fi des bilans de santés réguliers d’une personne âgée. Couplés au GPS, ils pourront par exemple permettre de signaler sa position aux ambulances en cas de malaise. Ce type de convergence esquisse l’infrastructure informatique du futur. Comment voyez-vous, aujourd’hui, les quelques tentatives de construire des objets tels que Nabaztag, lampe DAL, etc. ? Ces objets me paraissent un peu « gadgets » ! Je crois plus à l’importance de ce que l’on appelle les BMI (Brain Machine Interfaces) ou BAT (Brain Activated Technology). Nous n’avons encore rien vu dans nos relations symbiotiques aux machines. Les quinze prochaines années vont connaître une accélération sans précédent. Le temps n’est pas linéaire. Il est plus « dense » du présent vers le futur que du présent vers le passé. Les vingt années à venir seront peutêtre équivalentes en « densité temporelle » aux deux siècles passés. L’accélération du temps va faire des BMI un des grands thèmes du futur pour la communication avec les machines. Mais attention : ce qui va du corps humain vers la machine pourra également aller de la machine vers nous. On sait déjà créer des environnements propices à la sécrétion de certaines hormones dans le corps, en particulier, pour favoriser la production d’hormones d’équilibre et de bien-être. Un individu pourrait ainsi être plongé, sans le savoir, dans un environnement où il se sentira si détendu qu’il sera susceptible de signer un contrat sans le négocier ! Ces nouvelles interfaces « biotiques » sont donc riches de promesses, mais aussi lourdes de dangers. À nous de savoir nous informer pour construire notre avenir de manière responsable, plutôt que de le subir. www.stuffmag.fr | 47
stuff52_046-47.indd 47
14/04/06 20:02:35