M E N S U E L G R AT U I T - PA R I SJ I S U N G - PA R I S - L E 2 0 D É C E M B R E 2 0 1 9 - v o l . 8 9 8 PARISJISUNG ÉVOLUE ET LANCE SON EDITION EN FRANÇAIS.
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Découvrez tous les mois, des nouvelles, des portraits, des points de vue et nos chroniques qui s’adressent à la communauté coréenne en France et aux amoureux de la Corée.
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Les grands artistes coréennes
SHIM MOON-SEUP ET PRIMA ENERGIA 1
[à g.] Shim Moon-seup, vue de l’exposition ‘Vers une île’ au Palais-Royal en 2007
[à d.] Shim Moon-seup, vue de l’exposition ‘Vers une île’ au Palais-Royal en 2007
La raison d’exister de la sculpture du 21ème siècle
En 1826, Point de vue du Gras, la première photographie réalisée par l’ingénieur français Nicéphore Niépce (1765-1833) obtenue après 8 heures de pose, a remis sérieusement en cause la nature et l’existence même de la peinture. En 1913, 87 ans après cette invention, Roue de bicyclette, le premier Ready-made de Marcel Duchamp (1887-1968), a permis de réfléchir, cette fois-ci, au statut de la sculpture. Depuis cette date, en art contemporain, la frontière entre sculpture et installation devenant de plus en plus floue. Au 21ème siècle, l’univers de l’installation nous est désormais devenu plus familier que celui de la sculpture. Or, lorsque l’on observe une sculpture de Shim Moon-seup, une réponse visuelle à cette remise en cause du statut de la sculpture s’impose naturellement aux spectateurs. En effet, même si ses œuvres sculptées sont présentées dans une salle d’exposition comme des installations, elles ne constituent qu’une «installation élargie d’une sculpture» et donnent toujours la forte impression de voir une sculpture. C’est peut-être pour cette raison que Shim Moon-seup, cet artiste né en 1943 à Tongyeong, dans la province de Kyungnam, en Corée du Sud, auquel le statut de sculpteur va si bien, a choisi d’implanter sa résidence et son atelier dans sa ville natale, cette petite « Naples de la Corée ». Ayant obtenu successivement une licence de sculpture à l’Université nationale de Séoul en 1965 et une maîtrise de sculpture à l’Université Hongik en 1984, et ayant décroché deux prix importants lors de l’Exposition nationale des beaux-arts de Corée (le Prix du Ministre de la Culture et de l’Information en 1968
1) ‘Toutes les citations de ce texte qui ne comportent aucune référence précise sont empruntées à des interviews réalisées par l’auteure
avec l’artiste lors de la préparation du catalogue « Shim Moon-seup, révélateur de la temporalité des matériaux », pour son exposition organisée en 2017 au Musée national d’art contemporain de Corée du Sud.
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Les grands artistes coréennes
et le Prix du Président de l’Assemblée nationale en 1970), Shim Moon-seup est devenu membre de l’Association coréenne des avant-gardistes (AG). Grâce à ses participations à la Biennale internationale des jeunes artistes de Paris (en 1971, 1973 et 1975), il a commencé à étendre son activité artistique à la scène internationale, plus particulièrement, à la France. En 1987 aux Chicago Art Fairs et en 1995 à l’exposition spéciale de la Biennale de Venise, il a été invité avec Paik Nam June pour représenter la Corée du Sud. Shim Moon-seup a également participé à Art Basel en 1996. Plus récemment, en 2017, il a été convié par le Musée national d’art contemporain de Corée du Sud à présenter une exposition individuelle. Il a aussi bénéficié de nombreuses autres expositions individuelles et a été choisi pour prendre part à différentes expositions collectives. Shim Moon-seup a reçu le Prix Henry Moore (1981), le Prix de la sculpture Kim Se-choong, le Prix culturel France-Corée et a été médaillé de l’ordre des Arts et Lettres. Après avoir enseigné dans le département de sculpture de l’Université Chung-Ang (1985-2008), il est actuellement professeur émérite de la même université. Quand la mer fait valser ses îles…
Les travaux de Shim Moon-seup, qui se distancient radicalement de toute conception traditionnelle, ont révolutionné la sculpture sud-coréenne. C’est pour cette raison que l’on qualifie souvent ses œuvres de « sculptures anti-sculptures ». En effet, lorsque l’on contemple sa sculpture, celle-ci semble évoquer la nature, une nature temporalisée et spatialisée. Sa plus récente exposition, qui a eu lieu au Musée national d’art contemporain de la ville de Gwacheon (du 14 juillet au 9 octobre 2017), et qui a recueilli d’excellentes critiques, renforce davantage cette impression. Lors de cette exposition, ont été présentées une centaine de ses œuvres, regroupant les travaux du début de sa carrière et ses réalisations les plus récentes. Depuis 1994, Shim Moon-seup possède un atelier à Chatillon, dans les Hauts-deSeine, et mène ses activités artistiques en voyageant régulièrement entre la France et la Corée du Sud. Son premier voyage à l’étranger remonte à sa participation à la Biennale internationale des jeunes artistes de Paris, en 1971. Depuis lors, il a été invité à de nombreuses expositions mondiales. Notamment, son exposition intitulée Vers une île, organisée au Palais-Royal en 2007 suite à l’invitation du ministère de la Culture français, a suscité grandement l’intérêt du public français. Suite à cette exposition, il a été médaillé de l’ordre des Arts et Lettres par le gouvernement français. Le jardin du Palais-Royal, où son
exposition s’est tenue, se situe dans un quartier au centre de Paris, dans lequel sont concentrées un grand nombre d’institutions culturelles, politiques et économiques de l’État comme, par exemple, le ministère de la Culture, la Comédie française, le Musée du Louvre ou encore le Conseil d’État, mais où se croise aussi quotidiennement une foule impressionnante (touristes, fonctionnaires ou hommes d’affaires). Cependant, lorsque l’on entre dans cette cour entourée d’arcades, on a l’impression que le monde s’arrête de tourner brusquement. Construit en 1642 et ayant été la résidence du roi Louis XIV pour un temps, le Palais-Royal a vu se répercuter en ses murs toutes les tempêtes de l’histoire de France, tel ce « vieil étang » évoqué par le célèbre poète japonais Matsuo Basho (1644-1694). Parfois, quelques groupes de touristes ou d’élèves se ruent à l’intérieur en apportant avec eux les bruits de la ville. Ils suscitent un certain trouble dans ce haut lieu symbolique, mais après leur départ, une certaine quiétude se réinstalle rapidement. De « prima materia »
Pour son travail, Shim Moon-seup recourt au concept de prima materia, en usant de matériaux fondamentaux que l’on peut trouver facilement dans notre environnement. S’il utilise divers matériaux pour réaliser ses sculptures, celles-ci demeurent cependant tellement naturelles, comme si elles existaient depuis toujours, car l’artiste transforme au minimum les matériaux de la plupart de ses œuvres,2 mais aussi parce qu’il a également étudié et expérimenté le plus grand nombre possible de matériaux comme, lorsqu’étudiant, il s’efforçait d’exploiter assidument le « Traité des matériaux ». Lorsqu’il fréquentait le département de sculpture de l’université, il récupérait pour ses œuvres des matériaux ordinaires que l’on peut facilement trouver autour de nous comme, par exemple, du bois, de la pierre, du métal ou de l’argile. Il considérait que tous les matériaux que l’on peut se procurer aisément dans notre environnement peuvent être exploités pour son travail et il les a donc tous expérimentés. À la fin des années 1960, lorsqu’il préparait sa participation au Salon national des beaux-arts de Corée du Sud, il était fasciné par les matériaux générant une sensation de vitesse et explorait « des impressions de direct et de spontanéité », en recourant à ces « matériaux fournis par notre société industrialisée, comme par exemple l’acier inoxydable et l’acrylique ». Dans les années 1980, Shim Moon-seup a commencé à rechercher des matériaux plus naturels. Tout d’abord, il a expérimenté la pierre. Fasciné par la solidité de la pierre, l’ar-
2) Ainsi, Shim Moon-seup, en minimisant ses interventions optimise celles de la nature, cherche à dévoiler au maximum la « matérialité » dissimulée dans les matériaux, afin de la visualiser.
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tiste souhaitait explorer de manière plus approfondie cette caractéristique. Lorsqu’il a utilisé pour la première fois de la pierre, il n’a pas cherché à créer des formes artificielles mais a exploité les formes simples des pierres. L’artiste a confié qu’« alors qu’il ressentait le flux du temps grâce aux pierres, et qu’il a découvert l’argile en cherchant à résoudre cette impression de dureté que dégage la pierre ». En effet, l’argile permet diverses et délicates expressions mais aussi d’appréhender le flux du temps. Sa volonté s’affaiblissant, il est ainsi devenu de plus en plus dépendant de la matérialité de l’argile, et il lui était de plus en plus difficile d’exprimer ses pensées. « Parce que ma volonté de m’exprimer demeurait limitée et qu’il m’était nécessaire de trouver un nouveau matériau pouvant m’attirer, j’ai découvert le bois ». Toutefois, « parce qu’un manque se manifestait », il a commencé à explorer l’univers des métaux. En effet, « le métal étant fabriqué par l’homme », il permet d’exprimer quelque chose d’actuel. En communiant avec ces matériaux, parfois en s’appuyant sur ces matériaux ou parfois en les apprivoisant, Shim Moon-seup a cherché à faire comprendre ses intentions. Même s’il a exploré successivement les propriétés de divers matériaux, les uns après les autres, il est cependant impossible d’établir un classement périodique de ses travaux en se reposant uniquement sur les différents matériaux exploités. Même si l’artiste a focalisé parfois momentanément son attention sur un matériau particulier et ce, afin de faire de nouvelles découvertes, il a néanmoins toujours entretenu un lien constant avec tous ces vieux amis, ces matériaux issus de la nature. Par exemple, en exploitant le bois, il s’est intéressé à la terre ou a cherché à associer bois et métaux. Vers la « prima energia » … 3
« Lorsque la mer relie une île à une autre, Elles commencent à se mouvoir ensemble. » (Extrait d’un poème de Shim Moon-seup, « La mer 2 ») Les sculptures de Shim Moon-seup génèrent un écho particulier tout en utilisant des matériaux simples, des matières premières (prima materia), tels que l’air, l’eau, la lumière (qui évoque le feu), la terre, le bois ou le métal, parce qu’il ajoute parfois un flux d’« air » pour créer un « souffle », associant parfois la lumière et l’eau pour obtenir des gouttes d’eau réfléchis-
santes, ou réunissant divers matériaux, par exemple le bois et le métal. Ce flux et cet écho, si mystérieux et poétiques, différencient son travail des œuvres des artistes des autres courants, tels ceux de l’Arte povera, du Mono-ha ou de l’art minimaliste, et lui permettent de créer un univers artistique particulier, son île solitaire, en mettant en avant des caractéristiques spatiales. Cependant, les contours de « cette île solitaire peuvent se modifier comme une poésie métrique, car elle est reliée à d’autres îles par le biais de cette mer houleuse ou par les vents marins ».4 Si un artiste talentueux peut créer son île, c’est-à-dire son propre univers artistique, un grand maître associe, quant à lui, cette île à son environnement extérieur, poétise et visualise les échos de cette association afin qu’elle puisse évoluer. Le critique d’art français Pierre Restany (1930-2003) souligne que si le travail de Shim Moon-seup présente, au sens le plus large, une certaine ressemblance avec l’Arte povera et le Mono-ha, c’est-à-dire une « résistance au modernisme », il se distingue toutefois clairement de ces mouvements artistiques : « De nombreux critiques d’art coréens et japonais cherchent à situer cet artiste en lien avec l’Arte povera ou le Mono-ha. Cependant, on n’observe pas dans ses œuvres cette mélancolie nostalgique, cette caractéristique de l’Arte povera. […]. Shim Moon-seup ne partage pas cette volonté de schématisation minimaliste et formelle qui se traduit souvent par une simple tentation gestuelle. » 5 En effet, l’Arte povera et le Mono-ha accordent une grande importance à la « prima materia » (ces matériaux ou éléments fondamentaux), tels que l’eau, le feu (ou la lumière), l’air ou la terre.6 Shim Moon-seup y ajoute le « bois », l’un des cinq éléments fondamentaux de la philosophie orientale, mais aussi l’« acier », ce matériau principal de l’industrie contemporaine. Notamment, en considérant que chaque matériau fait appel à une « notion fondamentale », Shim Moon-seup reconnaît comme essentielle la « prima energia », cette énergie fondamentale ou son flux. On ne peut obtenir cette énergie par une simple méditation ou une recherche, mais grâce à cette sensibilité que l’artiste a acquise après de longues années d’expérimentation et surtout, grâce au contact direct avec ces matériaux, parfois en jouant avec ceux-ci, parfois en luttant contre ceux-ci, ou encore en trouvant des compromis. Sa sculpture nous transmet
3) ‘Cette partie a été empruntée à un autre texte publié par l’auteure (Shim Eunlog, « Shim Moon-seup, révélateur de la temporalité des matériaux », in Catalogue du Musée national d’art contem-
porain de Corée du Sud, 2017). 4) ‘Cf. Shim Moon-seup, « La mer 2 », dans Vers une île – poésie, album photographique, Séoul, AM Art, 2017, p. 25. 5) ‘Lee Il et als., Shim Moon-seup : de Opening up à Presentation, Séoul, Hakkoje, 2008, p. 151.
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cette sensibilité fondamentale des matériaux, ce qui peut être interprété comme relevant du chamanisme. Ainsi, la révélation de cette « prima energia », présente dans chaque matériau, différencie radicalement son travail de celui des autres mouvements artistiques. Le célèbre artiste Lee Ufan souligne que « l’Arte povera refuse la métaphysique mais a tendance à revenir finalement à la métaphysique, alors que le Mono-ha révèle une approche phénoménologique ».7 Cependant, Shim Moon-seup parvient à révéler l’esprit des matériaux grâce à sa philosophie taoïste. Par exemple, il considère qu’un esprit est dissimulé à l’intérieur du bois et dénomme cet esprit l’« énergie du bois » ou la « divinité du bois ». De même, le métal, la terre, l’eau et l’air possèdent chacun une énergie ou une nature propre. C’est pourquoi l’artiste a réalisé différentes séries, comme par exemple Opening up, Thoughts on Clays, Wood Deity, Metaphor ou Presentation. Lorsque le critique d’art japonais Yoshio Kato a interrogé Shim Moon-seup sur le choix de ses divers matériaux et ses différentes compositions, la réponse de l’artiste a été assez inattendue : « Je pense qu’il n’y a pas de véritable changement entre mes anciens travaux et mon travail actuel. En fait, tout mon travail symbolise la même chose, en formant un cycle associant « chaud » et « froid ».8 « Je cherche à présenter la forme primitive des vies dans une réalité remplie de cette énergie cyclique jouant sur la répétition. En procédant à leur représentation, je cherche à capter le murmure et le battement des vies. La cyclicité est synonyme de vie ».9
Afin de comprendre cette réponse énigmatique qui évoque plutôt des concepts bouddhistes comme la « réincarnation », il faut remonter au sixième siècle avant Jésus-Christ. En effet, les penseurs de la philosophie naturelle, ont souligné que notre univers complexe est composé de quatre arkhè (élément fondamental), à savoir l’eau, le feu, l’air et la terre. Cette théorie des quatre éléments, développée par Platon et Aristote, a étayé la vision matérialiste de l’Occident et a survécu durant plus de 20 siècles et perdure encore. Cette pensée matérialiste a donc attiré de nouveau l’attention des artistes à la fin des années 1960 et au début des années 1970. Comme l’indique le nom même de la « théorie des quatre éléments », on s’est beaucoup focalisé sur ces éléments fondamentaux, c’est-à-dire sur la « prima materia » en Occident, alors que l’on s’est davantage intéressé à la « prima energia » du cosmos en Orient. On peut ici pointer certaines contradictions entre mouvements artistiques. En effet, de nombreux artistes occidentaux et orientaux ont réussi à se réapproprier cette notion « nature » antérieure à celle définie par Socrate. Or, comme l’a remarqué judicieusement Lee Ufan, en Occident, les courants artistiques ont suivi cette évolution métaphysique poursuivie depuis Platon jusqu’à Nietzsche, en oubliant ainsi l’« événementialité de l’existence ». Cependant, en s’inscrivant dans une appréhension taoïste de la nature, Shim Moon-seup recherche la prima energia dissimulée dans le for intérieur de la prima materia. Il tente de nous ouvrir ainsi à un nouvel environnement en créant des liens entre différents éléments :
« Je cherche à dévoiler et à visualiser la matérialité intime des matériaux que l’on utilise fréquemment, tels que le bois, la terre, l’eau, la pierre ou les plaques métalliques, tout en minimisant mon intervention et ce, afin de créer un nouveau lien entre ces matériaux hétérogènes. L’incertitude générée à ce moment modifie la structure de notre environnement. » En même temps, l’artiste ne relâche pas sa vigilance dans sa lutte contre l’« auto-identification », cette épidémie qui n’a jamais été véritablement endiguée depuis Platon, durant plus de 20 siècles. Shim Moon-seup confie que « lorsque les liens existant entre notre corps et les matériaux deviennent incertains au cours du processus d’expression, cela provoque une auto-identification avec le matériau, et fait que tous les éléments, comme l’espace, les matériaux ou le temps, perdent également leur caractère essentiel ».10 Shim Moon-seup parvient à éviter cette erreur fatale de l’auto-identification et propose ainsi un nouveau lien ouvert, en délimitant et en clarifiant « son statut en tant qu’acteur principal », plutôt qu’en menant un dialogue inconditionnel entre la nature et l’acteur principal. Comme ces îles qui semblent être isolées et qui finalement sont reliées par la mer et dansent au rythme des vagues, comme le décrit son poème « La mer 2 », la sculpture de Shim Moon-seup permet à chaque élément d’être relié aux autres, telles ces îles solitaires mais solidaires, et de les faire se mouvoir à leur rythme.
6) ‘En 2013, une exposition comparant l’Arte povera et le Mono-ha a fait sensation. Organisée en marge de la Biennale de Venise, cette exposition, présentée du 30 mai 2013 au 15 février
2015, au musée Punta della Dogana, était intitulée « Prima Materia ». 7) SIM Eunlog, L’art de l’ambiguïté – Dialogue et promenade avec Lee Ufan, Corée du Sud, Séoul, Hyundae Munhak, 2014. 8) Lee Il et als., op. cit., p. 333. 9) Ibid., p. 373.
10) Ibid., p. 363.
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LA BIENNALE DE LYON, C’EST PARTI !
[à g.] vue de l’exposition de la Biennale de Lyon aux Usines Fagor 2019, photo by sim eunlog.
[à d.] vue de l’exposition de la Biennale de Lyon aux Usines Fagor 2019, photo by sim eunlog.
Là où les eaux se mêlent vous attend jusqu’au 5 janvier 2020 ! Venez découvrir plus de 56 artistes sélectionnés par l’équipe de commissaires du Palais de Tokyo. Ils ont imaginé cette Biennale comme un parcours physique, visuel ou encore spirituel, auquel vous serez amené.e.s à prendre part lors de votre visite. En groupe, en couple, seul, entre amis ou en famille, venez découvrir la Biennale aux Usines Fagor et au macLYON !
• RENÉE LEVI
[à g.] Renée Levi, vue de l’exposition de la Biennale de Lyon au macLYON 2019, photo by sim eunlog.
[à d.] Renée Levi, vue de l’exposition de la Biennale de Lyon au macLYON 2019, photo by sim eunlog.
NÉE EN 1960 À ISTANBUL (TURQUIE), VIT ET TRAVAILLE À BÂLE (SUISSE) De sa formation d’architecte, Renée Levi a conservé une attention particulière aux problèmes d’espace et de construction. L’essentiel de son travail consiste à modifier la perception 6_le journal PARIS JISUNG
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de l’environnement dans lequel elle intervient en jouant sur les matériaux choisis, leur couleur, leur inscription dans le site. Ces interventions peuvent revêtir différentes formes : des rideaux tirés à tous les étages d‘une façade, des mètres de corde à linge bleue tendus contre un mur de briques grises, des rouleaux de papier Kraft peints et disposés à même le mur, des panneaux de plâtre sprayés, des peintures murales... Toutes ces interventions se caractérisent par une transparence des matériaux qui est à la fois propre à l’architecture moderne et à la tradition de l’abstraction : rien n’est dissimulé et le spectateur a toujours la possibilité de reconstituer le processus de création. ŒUVRE : Il s’agit d’une peinture murale sur cinq pièces. Chaque mur est recouvert de peinture ou de bombe. L’on devine les gestes vifs et simples que l’on retrouve dans toutes les pièces, les traces de peintures faites à la bombe traduisent les gestes de l’artistes. L’installation change la perception de l’espace et le visiteur déambule aux travers des cinq salles de l’exposition. Une pièce centrale présente deux grandes toiles au sol – au dimension de son atelier- et une petite pièce dérobée accueille le visiteur. Dite sa salle signature l’on devine peints sur le mur les prénoms MI MIA MOIRA MEE. Renvoyant le premier prénom Mi à la sonorité du pronom personnel en anglais Mee et les deux E qui est la signature de l’artiste. DÉMARCHE, CONTEXTE : Renée Levi questionne comment la peinture peut faire paysage. Elle intervient in situ dans les différentes institutions culturelles et s’inscrit dans un site par l’intensité des couleurs et du geste. Pour l’artiste la peinture est un geste qui doit être généreux et dont la simplicité de l’acte doit inspirer le regardeur.
Cette gestuel simple et spontanée invite à la création. Cette vitalité généreuse se traduit par l’usage des couleurs vives et des matériaux simples - notamment ici elle utilise la serpillère. Ces gestes grands, fluides et simples peuvent être exécutés donc chez soi avec sa propre serpillère. Cette fluidité est au centre du travail de l’artiste ; elle ne souhaite pas parler de monumentalité de l’œuvre, elle tient à préserver une échelle humaine afin de ne pas mettre de distance avec le regardeur. Les titres de ses œuvres sont souvent des prénoms féminins. Ici il s’agit de prénoms féminins japonais avec un jeu de mot sur le Mi qui est apparenté au pronom personnel en anglais me et rappel sa signature qui se compose de deux E. Dans l’histoire de l’art ce travail peut évoquer l’importance de la naissance de la perspective (dans le lien anthropocène – art contemporain) comment expérimenter une notion nouvelle de la perspective par une forme d’anamorphose. RÉFÉRENCES : La couleur dans l’histoire de l’art et comment celle-ci apporte de l’émotion et change la perception d’un espace. Perception de la couleur sur le corps. Pour les arts plastiques expressionnisme abstrait ? (je ne suis pas certaine de cette suggestion) “LÀ OÙ LES EAUX SE MÊLENT” : Par le thème de la Biennale l’œuvre de Renée Levi apporte les questionnements de la relation du corps et de l’architecture. Ainsi qu’une mise en abîme de la fluidité poétique dans cette idée de traverser des espaces dans un immense corps architectural à dominance bleue. Pénétrer dans un paysage créé par l’artiste, créateur d’un monde. Un article de Urielle Hug, médiatrice @ Biennale de Lyon [source]http://daac.ac-lyon.fr/biennale-art-contemporain-lyon-201
• DANIEL DEWAR & GRÉGORY GICQUEL
Daniel Dewar et Gregory Gicquel, vue de l’exposition de la Biennale de Lyon au macLYON 2019, photo by sim eunlog.
DANIEL DEWAR, NÉ EN 1976 À FOREST OF DEAN (ANGLETERRE), VIT ET TRAVAILLE À BRUXELLES (BELGIQUE) GRÉGORY GICQUEL, NÉ EN 1975 À SAINT-BRIEUC (FRANCE), VIT ET TRAVAILLE À PLÉVENON (FRANCE) Après des études à l’école des BeauxArts de Rennes, Daniel Dewar et Gregory Gicquel se sont associés pour proposer un travail oscillant entre sculpture et ready-made, L’attention qu’ils portent au matériau, à la technique et au sujet offre une production sans cesse renouvelée. Collaborant depuis 1997, les deux artistes explorent une voie très expérimentale entre érudition et amateurisme, relecture de l’histoire de l’art et pratiques artisanales et renouent avec une pratique traditionnelle de la sculpture. Ils jouent sur les effets de comparaison et de contraste en associant des matériaux et des motifs hétérogènes, voire contradictoires, afin de créer un univers décalé, composite. Ils reproduisent des artefacts industriels avec leurs propres moyens artisanaux, plutôt que de déléguer ce travail à un Décembre 2019 (vol.898)_7
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tiers, en ajoutant à la perfection lisse qui Étage 3 : caractérise habituellement ces objets, une On retrouve les pendillons de velours qui permettent, cette fois, d’isoler touche d’imperfection. au cœur de l’espace d’exposition, une armoire massive (1300 kg) sculptée de ŒUVRE : plusieurs appareils intestinaux humains. Étage 2 : Les artistes montrent trois bas-reliefs Ils sont sillonnés de façon nette et aléaet un corpus de meubles d’ornement toire par les veines du bois. Les artistes d’inspiration pastorale (buffet à têtes de proposent ici un focus sur cet organe en bœufs attelés par un joug, meubles octo- pointant son importance et sa sensibilité gonal à tête de porcs, armoire à courg- (il s’agit bien, selon eux, du « deuxième es, commode surmontée d’un lièvre des cerveau » de l’homme). Flandres, bancs couverts d’escargots ou De l’autre côté des rideaux, sur les de digitales, coussins brodés de papillons, murs, des bas-reliefs proposent un aude pensées, de narcisses, etc.) La faune tre point de vue sur le corps humain : et la flore sont européennes (hormis un la surface de torses exclusivement mascauri – un coquillage exotique - visible culins est ainsi mise en exergue. Leurs dans le bas-relief central), ainsi que les musculatures sont saillantes. Le bois finement poncé et huilé met en exeressences d’arbres sculptées. Sur certains meubles, des nez et des gue des abdominaux, des pectoraux et membres humains apparaissent en série, des biceps développés, systématiquement indiquant la volonté des artistes de pro- enchevêtrés et parfois parfaitement duposer une vision à la fois hallucinée, sen- pliqués, donnant l’impression d’une réalsuelle, anti-spéciste et humoristique de isation mécanique (voire numérique) et la cohabitation des mammifères dans un rappelant les études picturales du mouvement. Enfin, ces parties de corps mulespace naturel. Une auge sculptée de digitales et en- tipliées sont ponctués d’orteils et de nez. tourée de bancs permet aux artistes d’op- Par ce travail, les artistes montrent les poser un mobilier de ferme à des meu- fruits d’une recherche sur les stéréotypes bles ornementaux. liés à la représentation du corps masculin Sur les bas-reliefs, des hommes en et choisissent, au travers de leurs œuvres, position de gisants sont surmontés d’an- d’en proposer de plus complexes. imaux à peau lisse (des pis de vache, une truie, un silure). Leurs rapports peuvent DÉMARCHE, CONTEXTE : être perçus comme comparatifs, nourricCette exposition fait suite à deux iers (évocateur, pour le premier bas-re- précédents événements (d’où provienlief, du mythe de Remus et Romulus), nent une partie des œuvres) qui se sont sexuels ou de domination. déroulées durant ces trois dernières anL’aspect ornemental des meubles est nées à Francfort d’abord et à Bâle ensuite. renforcé par la scénographie, réalisée par 10 œuvres montrées au MAC Lyon ont les artistes, au moyen de pendillons de été produites pour la Biennale. Comme pour chaque projet d’exvelours. Le plancher du MAC Lyon et les ouvertures volontairement non obtu- position, les artistes (qui travaillent enrées sur le parc de la tête d’or renforcent semble depuis leur rencontre à l’école l’impression de se trouver dans un salon d’art de Rouen, il y a 21 ans) ont appris l’intégralité des techniques requises d’apparat. pour réaliser leurs œuvres. 10 ans ont été 8_le journal PARIS JISUNG
nécessaires pour maîtriser les savoir-faire académiques et traditionnels (sculpture, couture et broderie) utiles à leur création. Par exemple, si les bas-reliefs du 2 ème étage montrent un travail de sculpture dans la masse (un arbre a été nécessaire pour chaque bas-relief d’environ 600 kg chacun), ceux du 3 ème étage sont le résultat d’un travail d’assemblage d’ébénisterie (les supports de ces derniers ont, quant à eux, été produits par les élèves d’un lycée technique de la région). Egalement, les broderies sur les coussins, produites de manière mécanique, montrent les erreurs produites par les machines après que les artistes les aient volontairement malmenées, de manière à obtenir les aléas habituels du travail de création manuel). “LÀ OÙ LES EAUX SE MÊLENT” : Enfin, de conception artisanale, traditionnelle ou encore académique, l’enjeux des œuvres est conceptuel. Selon Yoann Gourmel, cette partie de l’exposition du MAC Lyon dédiée au travail de D. Dewar et G. Gicquel pourrait faire office, par les thématiques qu’elle aborde (la relation humaine au paysage, la fluidité des genres, la surface des corps et la question de l’intériorité sensible, etc.), le chapeau de l’exposition internationale tout entière. Un article de Karine Tauzin, médiatrice @ Biennale de Lyon [source]
http://daac.ac-lyon.fr/biennale-art-contempo-
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HA CHA YOUN “HOME (S) PROJECT”
[à g.] Ha Cha Youn_Home(s) Project_Installationsview_Lescer Art Center_2019 [au m.] Ha Cha Youn_Home(s) Project_Installationsview_Lescer Art Center_2019 [à d.] Ha Cha Youn_Home(s) Project_Installationsview_Lescer Art Center_2019
The idea behind the “Home(s) Project” is to study living conditions as the basic need of every human being. As part of a two-week stay in Zalesie Górne, Ha Cha Youn will create her home in the entire gallery space, introducing Korean aspects of thinking about living space. Today’s Lescer Art Center rooms were once the home of the Wisłocki family and were built as their private territory. To this day, furniture and other traces of life remain from that period. The artist will create a dialogue between her home and the other, which area she will settle. As part of the exhibition Ha Cha Youn will implement an installation corresponding to the interiors of the Wisłocki Villa, as well as present video works and large-format photographs. During the opening she will welcome guests as a hostess, inviting them to her home. In her work Ha Cha Youn raises the issue of poverty and the exclusion associated with it - phenomena that will always be present and which is often supplanted as an uncomfortable, ugly topic, with which we do not want to have anything to do. The artist wants to make it visible, bring it closer, expose it and give it an important place by putting in an art gallery. Art is a space of freedom, while poverty is slavery. By comparing them, Ha Cha Youn hopes to balance these two worlds, give poverty and humiliation a voice, a place and a home. One of the basic materials used by Ha Cha Youn is a plastic bag, which has been appearing in her work since the 90s. On the one hand, it is an aesthetic object - due to its color and transparency, as well as simplicity and austerity. On the other hand - an object of deep symbolic significance. This is an unwanted object (plastic), hostile to the environment, but ubiquitous. “Like many people who have no place - poor, persecuted, homeless” - says the artist. “Moved from place to place. Just like plastic bags that the wind blows from one end of the street to the other”. Ha Cha Youn places the bags in a wooden, frames - to give them a home, a place where they can stop for a moment, rest Décembre 2019 (vol.898)_9
Association des Artistes SONAMOU
Partners and sponsors: before continuing their journey. The artist never uses any kind Korean Cultural Center in Warsaw, Piaseczno Municipalof binders to trap the bag. Each of her works is done with great ity, Cultural Center in Piaseczno, Association of Friends of care - she pays homage to the unwanted material. Zalesie Górne. In her Tojijigi project, realized in South Korea, she fills the “Home (s) Project. Nowa odsłona Willi Wisłockich w Zabags with soil, like a gardener, referring to the local farming tradition, and to the famous Korean saga by the famous writer lesiu Górnym” is co-financed from the funds of the NIEPODPak Kyongni - Toji (land). The soil also stops the movement LEGŁA Multiannual Program for the years 2017-2022 as part of bags, and is of particular importance to the artist - it is her of the Grant Program “Koalicje dla Niepodległej”. home. The exhibition is open from 26th October to 7th December Lescer Art Center premieres the artist’s latest video work on Saturdays from 12:00 pm. to 6:00 pm., and on agreed dates, - Return Home, made in French Brittany. Dedicated to ref- at the Lescer Art Center(11/13 Pionierów St. Zalesie Górne, ugees who died while trying to cross the Mediterranean Sea. Poland) Here plastic bags symbolize the remains that finally can rest. Ha Cha Youn speaks also of herself as an immigrant - she comes Installation SWEET HOME 4 at the Korean Cultural Cenfrom South Korea, but has lived in Europe for many years ter in Warsaw: 15th - 31st October (during the opening hours of the Center). (currently in Paris), and tries to balance work in both places. During the opening of the exhibition, guests are asked to bring with them a found object (leaf, stone) or self-made object, that the artist will accept as a gift and place in her home.
Ha Cha Youn하차연 개인전
« HOME(S) PROJECT » Ha Cha Youn www.hachayoun.com Born in 1960 in Masan, South Korea, lives and works in Paris. She studied fine arts at the universities in Nîmes (France; Ecole Suprérieure des Beaux Arts) and in Braunschweig (Germany; Hochschule für Bildende Künste). Author of artistic installations, photographs and video films. Her works as part of individual and group exhibitions have been shown, among others, in Seoul, Hong Kong, Masan, Bangkok, Okinawa, Paris, Poitiers, Nîmes, Braunschweig, and Hanover.
10_le journal PARIS JISUNG
레세르 아트센터 잘레지 고르네, 폴랜드 26 October – 07 December 2019
« SWEET HOME 4 » 폴랜드 한국 문화원 15 – 31 October 2019