La compassion
Henri J.M. Nouwen (1932-1996) est né aux Pays-Bas où il a été ordonné prêtre en 1957. Après avoir enseigné la théologie à l’université d’Utrecht, à Notre-Dame (Indiana), à Yale et à Harvard, il a choisi de vivre avec des personnes handicapées mentales dans un foyer de l’Arche. Il est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages de spiritualité dont Le Retour de l’enfant prodigue.
Henri Nouwen
La compassion
La compassion
Qu’il s’agisse de la compassion de Dieu pour nous, ou de nous-mêmes envers nos frères, Henri Nouwen trouve les mots qui touchent le cœur, délivrent de la culpabilité et apportent l’espérance. « Écouter implique notre participation. Nous devons écouter avec tout ce que nous sommes. Que l’autre sache que nous sommes vraiment là pour lui. Écouter l’histoire de l’autre veut simplement dire que nous devons écouter avec nos tripes, avec notre cœur, notre être, de sorte que l’autre puisse vraiment dire que nous sommes une personne et que nous sommes avec lui. Faisant cela, nous révélons la grande compassion de Dieu » (p. 18-19, extraits).
Henri Nouwen
Vie spirituelle
9 782873 562878
fidélité
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ISBN : 2-87356-287-0 Prix TTC : 7,95 €
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Henri Nouwen
La compassion (2e édition)
fidélité
Namur – Paris
Dans la même collection : Brèves rencontres, Willy Gettemans, 2002. La compassion, Henri Nouwen, 2003 (2e éd. 2004). Sous mon figuier, Jacques Patout, 2004. Ce Dieu caché que nous prions, Gaston Lecleir, 2004. Dans le feu du buisson ardent, Mark Ivan Rupnik, 2004.
Les textes qui composent cet ouvrage ont paru sous forme d’articles et de brochure : - « Réflexions sur la compassion », dans la revue Vie consacrée, 1983 ; - Cœur à cœur, Éd. Fidélité, 1990 ; - « Pouvoir, faiblesse et puissance », dans la revue La Lettre de l’Arche no 88, 1993. © Éditions Fidélité 61, rue de Bruxelles 14, rue d’Assas BE-5000 Namur FR-75006 Paris BELGIQUE FRANCE fidelite@catho.be
ISBN 1re édition : 2-87356-266-8 ISBN 2e édition : 2-87356-287-0 Dépôt légal 1re édition : D/2003/4323/14 Dépôt légal 2e édition : D/2004/4323/06 Imprimé en Belgique
Introduction
Pourquoi m’a-t-on demandé d’écrire un mot d’introduction à cette brochure ? Sans doute parce que j’ai eu la grâce de rencontrer et de connaître d’un peu plus près Henri Nouwen à un tournant important de son existence. Professeur en spiritualité chrétienne très apprécié à Harvard Divinity School (USA), il demeurait insatisfait et inquiet malgré son succès. Il ressentait en lui un profond désir d’une vie plus communautaire et d’un ministère plus proche des gens. Ce fut un long pèlerinage, passant par un séjour prolongé dans un monastère, puis un essai de vie dans une communauté de base en Amérique latine (qui ne fut pas concluant). Jean Vanier, qui le connaissait un peu, l’a invité à venir habiter un temps dans une communauté de l’Arche, ou vivent et travaillent ensemble dans l’esprit des Béatitudes des personnes handicapées mentales et des assistants. Il pressentait que cet homme de feu, au tempérament si riche et si tourmenté, pourrait trouver un lieu où déposer son cœur dans ce climat évangélique. Cela ne l’empêcherait pas de continuer à accomplir sa mission de révéler à des millions d’hommes et de femmes d’aujourd’hui, eux aussi souvent habités par une insatisfaction et une sourde inquiétude, la beauté du message et de la personne de Jésus.
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C’est dans ce contexte qu’Henri est venu vivre à l’Arche de Trosly pendant une année, en 1985-1986, précédée par une retraite de trente jours selon les exercices spirituels de saint Ignace de Loyola. Or, depuis 1978, je séjournais six mois par an dans cette communauté avec un petit groupe de compagnons jésuites. Récemment ordonnés prêtres, ils laissaient de côté pendant ces mois leurs études et spécialisations, pour se mettre à « l’école du cœur » dans une proximité de vie et de travail avec les membres de cette communauté. Ils y consacraient aussi un mois aux exercices spirituels en silence et solitude. Henri souhaita se joindre à la retraite de ce petit groupe. C’est ainsi que j’ai eu la grâce de le rencontrer chaque jour pendant une heure environ. Nous relisions ensemble le chemin par lequel il était conduit dans la prière tout en contemplant de longues heures les mystères de la vie du Christ. C’est ainsi que mûrissait en lui l’appel du Seigneur. Ce fut un temps béni « qui m’a préparé à dire adieu au monde académique et à m’orienter vers une communauté qui me conduirait plus proche du cœur de Dieu » (cf. Henri J.M. NOUWEN, The Road to Daybreak. A Spiritual Journey, Darton, Longman and Todd, London, 1991, p. 7).
Les trois textes publiés ici peuvent être situés à la lumière de cette époque cruciale de sa vie. Le premier, sur la compassion, et écrit avant ce tournant de son existence, nous laisse déjà percevoir ce qui habite son cœur et combien est grand son désir de vivre
INTRODUCTION
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dans une plus grande proximité du mystère de la compassion de Dieu. Le deuxième est une longue contemplation qui date de la période de son passage à l’Arche. Il nous révèle tant soit peu le combat qui l’habite et la grâce qui lui a été faite de l’accueil de sa propre faiblesse dans la lumière de la compassion du Cœur du Christ. Quant au troisième, il reprend une causerie donnée quelques années plus tard à un groupe de membres des communautés de l’Arche lors d’une réunion de leur Fédération internationale. Il est comme un fruit, parmi beaucoup d’autres que l’on peut cueillir dans ses nombreux livres et articles, qui a mûri au cours de cette période de mutation douloureuse et féconde. L’accueil de la faiblesse nous plonge au cœur de la compassion de Dieu qui libère en nous la puissance de l’humble amour. André de Jaer, s.j.
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Réflexions sur la compassion
Nous avons tous, au plus profond de nous-mêmes, le sentiment d’être compatissants. Compassion et nature humaine sont, sous bien des aspects, étroitement liées. Et pourtant, si on creuse un peu ce mot, les choses deviennent plus ambiguës car compatir veut dire « souffrir avec ». Être compatissant, c’est entrer avec l’autre là où il peine, là où il souffre. Mais on ne se précipite pas facilement là où des gens souffrent ; on essaie plutôt de rester hors d’atteinte. La plupart d’entre nous cherchent à éviter la souffrance plutôt que d’aller à sa rencontre. Face à quelqu’un qui souffre terriblement, qui ne sait plus comment en sortir, ni s’il aura la force de continuer à vivre beaucoup plus longtemps, notre première réaction est de le réconforter, de l’encourager en lui disant que tout ne va pas si mal que ça et qu’il faut savoir regarder aussi le bon côté des choses. Immédiatement et presque automatiquement, nous cherchons comment réconforter cette personne et, ce faisant, nous nous éloignons du lieu de son mal. Il est extrêmement difficile d’être présent à une per-
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sonne qui souffre. Car, quand quelqu’un nous parle de ses problèmes, nous pouvons les ressentir physiquement dans notre corps. On sent une tension nerveuse monter en soi, et on se demande ce qu’on va bien pouvoir dire quand l’autre arrêtera de parler. La compassion n’est donc pas toujours une réaction instinctive et naturelle. C’est une manière de vivre très difficile.
Des êtres de compétition Il y a quatre ans, j’ai passé quelques jours à Washington DC avec deux de mes amis pour réfléchir à la compassion. Nous sommes allés voir beaucoup de gens, des journalistes, des médecins, des psychologues, des politiciens. Entre autres, nous avons rencontré le sénateur H. Humphrey pour lui demander ce qu’il pensait de la compassion. Il a pris un crayon : « Vous voyez ce crayon ? Il est fait de bois et d’une mine de plomb. Au bout, il y a une gomme. Cette petite gomme à l’extrémité du crayon, c’est la compassion. La vie est avant tout compétition. On finit toujours par faire mal à quelqu’un. Alors on retourne le crayon et on emploie la gomme. » Voilà ce que vous appelez la compassion. C’est rude à dire, mais c’est la vérité. C’est l’esprit de compétition qui nous motive et non la compassion. Nous
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nous efforçons tous de sortir du rang, d’être un peu différents, d’obtenir une petite décoration, un petit trophée que nous pourrons exposer dans notre bibliothèque. S’il nous arrive de faire mal à quelqu’un, nous retournons le crayon de notre esprit de compétition et nous nous mettons à être gentils. Mais ce n’est pas une motivation essentielle dans la vie. » La justesse de cette remarque me frappa. Nous sommes tous des êtres de compétition. Nous voulons marquer la vie de notre empreinte, nous distinguer. De façon très subtile, sans le vouloir et sans même en avoir conscience, nous sommes toujours en compétition avec les autres. Nous nous comparons sans cesse. Ce que les autres pensent de nous nous tracasse. Avons-nous bien agi à leurs yeux ? Même quand nous nous dévouons dans un service quelconque, nous nous demandons si ce service surpasse celui des autres. Si nous aidons quelqu’un, le faisonsnous mieux qu’un autre ? Si nous nous efforçons d’obéir, notre obéissance est-elle supérieure à celle des autres ? Nous n’arrivons jamais à nous débarrasser tout à fait de cet esprit de compétition. Nous passons notre temps à nous demander qui nous sommes par rapport aux autres, si bien que nous n’admettons jamais tout à fait que nous sommes semblables, et qu’il faut renoncer à cette différence pour aller là où nous sommes faibles avec les autres. La compassion n’est pas un des fondements
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de notre vie. On peut même se demander si elle est humainement possible, si elle ne va pas à l’encontre du sens même de notre existence, basée sur la compétition. Nous découvrons que nous sommes incapables d’être compatissants ou de fonder notre vie sur le désir de nous identifier à ceux qui souffrent. La compassion, dans son sens plénier, ne peut être attribuée qu’à Dieu.
Un Dieu compatissant C’est peut-être le message central de l’Évangile : Dieu, qui n’est d’aucune manière en compétition avec nous, est le seul qui puisse être vraiment compatissant. Celui qui est totalement autre, qui ne peut se comparer à nous, qui est radicalement différent, celui-là a pu devenir l’un de nous. Celui qui est tellement au-delà de nous n’a pas dû retenir jalousement sa divinité, mais il a pu s’anéantir et devenir semblable à nous, entrer dans notre condition humaine d’une manière telle qu’il est devenu totalement homme et a expérimenté notre humanité plus pleinement et plus intimement que nous ne pourrons jamais le faire. Lui qui était totalement autre est devenu totalement semblable à nous. Lui qui n’entrait nullement en compétition avec nous a pu être pleinement compatissant. Lui qui n’avait jamais
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souffert a pu souffrir avec nous : telle est la bonne nouvelle du Nouveau Testament et de toute l’Écriture. Dieu n’est pas venu se mettre à notre place, prendre soin des pauvres, changer quelques petites choses ou réorganiser le monde. Dieu n’est pas venu pour dire : « Je suis fort et vous êtes faibles, je vous soignerai, vous guérirai et m’occuperai de tous vos problèmes. » Non, la nouvelle, c’est que celui qui est venu n’est pas venu pour supprimer nos souffrances, mais pour les partager, pour y entrer, pour en devenir partie prenante. Voilà la Bonne Nouvelle ! Dieu est venu partager notre condition humaine, vivre, souffrir et mourir en homme. Voilà ce qui constitue le cœur de la révélation chrétienne. D’une certaine façon, nous le savons déjà. Si nous nous rappelons les gens qui nous ont le plus marqués, les moments où nous avons ressenti réconfort et consolation, nous réalisons que ces gens n’étaient pas ceux qui nous donnaient toutes sortes d’avis ou de recommandations. L’ami vrai, celui qui réconforte, qui console, ne nous suggère pas d’aller voir un psychologue ou un psychiatre pour résoudre nos problèmes, même en proposant de payer la note. L’ami vrai est celui qui dit : « Je ne sais pas que faire pour t’aider mais tu peux être sûr d’une chose : je resterai avec toi. Je serai toujours là quand tu auras besoin de quelqu’un, n’importe où et n’importe quand. » L’ami vrai n’est pas celui qui a la solution,
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mais celui qui reste avec nous, même quand il n’y a pas de solution. Il nous faut en prendre conscience pour saisir le sens profond de la révélation. Dieu n’est pas venu pour supprimer nos souffrances mais pour y entrer. La souffrance portée seul est très différente de celle que l’on partage avec un autre. L’anxiété, l’angoisse, la souffrance morale ou physique ne sont plus les mêmes quand on n’est pas seul à les porter, même si la douleur demeure. C’est dans l’incarnation que cette forme de réconfort devient le plus pleinement et le plus puissamment visible. Dieu nous dit : « Je suis avec vous toujours et partout. » Il n’y a plus de souffrance humaine, que ce soit celle des petits enfants, des adolescents, des jeunes adultes, celle des couples, celle de ceux qui sont au chômage, celle de la maladie, des conflits familiaux ou même internationaux, il n’y a aucune souffrance sur terre qui n’ait été attirée pleinement dans le cœur de Dieu. Il n’y a rien d’humain qui ne soit divin ; aucune lutte qui n’ait été expérimentée par Dieu. Voilà le grand mystère auquel nous sommes appelés à prendre part. Dans l’Évangile, il y a un mot qui n’est employé que pour le Seigneur Jésus. Ce mot, utilisé douze fois, est un terme très fort qui signifie « ressentir quelque chose dans ses entrailles », « être saisi aux tripes ». Le terme grec se rattache à un mot hébreu utilisé dans l’Ancien Testament pour décrire Yahvé.
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Dieu ressent jusque dans ses entrailles la souffrance de son peuple. C’est une expérience intime de la souffrance, une expérience maternelle, c’est la souffrance de la mère qui ressent la douleur de ses enfants jusqu’au plus intime d’elle-même. Dieu nous est révélé comme une mère qui ressent la souffrance de son peuple. Ce même mot revient dans le Nouveau Testament pour caractériser Jésus. Quand Jésus vit la foule sans nourriture, il ressentit la faim jusqu’au fond de lui-même. Quand il vit les aveugles et les lépreux, il ressentit leur lutte au plus intime de lui-même. Quand Jésus vit les paralytiques, il ressentit leur souffrance dans son cœur. Quand Jésus vit la veuve de Naïm quitter la ville avec son fils unique mort, il ressentit sa peine jusque dans ses entrailles, il tressaillit au plus profond de lui-même et fut remué jusqu’à la moelle. Quand nous lisons le récit des miracles, nous lisons d’abord que Jésus a ressenti la souffrance de ceux qui l’entouraient. Voilà l’événement important, ce n’est pas le changement qui survient après coup, mais ce premier événement capital : le Seigneur a éprouvé la souffrance de son peuple au plus intime de lui-même, dans son cœur, dans ses entrailles. Il a tressailli. Il a été remué. Des mots comme « il eut pitié », « il fut pris de compassion » sont faibles comparés au terme grec. Il était remué, secoué jusqu’à en trembler et, de ce tressaillement intérieur, une vie nouvelle a surgi. Jésus
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ressentait si profondément la souffrance, il tressaillait si profondément qu’il engendrait les gens à une vie nouvelle. Il était touché, et de ce mouvement intérieur et divin jaillissaient la guérison, la transformation.
Un ministère de compassion Le verbe anglais to care (« prendre soin de ») a la même racine que le mot « compassion » : c’est le mot celte cara qui signifie « pleurer avec », « entrer dans la souffrance ». Les mots care et « compassion » ont exactement le même sens. Et l’Évangile nous montre que c’est là notre vocation essentielle : être avec les gens là où ils souffrent. De là peut naître la guérison. Une des grandes tentations d’une vie de compétition, c’est d’être si préoccupé de guérir, d’apporter des changements, une innovation, que nous en oublions notre vocation première. Ce n’est pas guérir mais prendre soin qui est notre première tâche, ou plutôt notre première vocation. Si la guérison n’est pas tout entière sous-tendue par le souci de la personne, elle peut faire plus de mal que de bien. Beaucoup de gens prétendument « guéris » sont meurtris à un niveau bien plus profond parce qu’ils n’ont pas été pris au sérieux. Si souvent, le souci de guérir peut entraîner une manière de faire
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brutale. Nous voulons obtenir un changement, nous sommes compétents, capables, nous avons fait des études de médecine, de théologie, nous avons acquis une formation, et maintenant que nous sommes spécialistes, nous voulons prouver que nous sommes capables. L’autre est mon patient, je vais le soigner et me sentirai fier de l’avoir fait, parce que je vais arriver à changer quelque chose en lui. Nous sommes uniquement préoccupés par ce que nous pouvons faire. Mais en y consacrant trop d’attention, nous risquons d’oublier d’être simplement là avec l’autre en sorte que la guérison puisse s’opérer. Prendre soin est fondamental et guérir sans prendre soin peut devenir violent et faire plus de mal que de bien. On peut le constater dans notre monde, où nous sommes tous formés et spécialisés. Souhaitant montrer aux autres que nous avons notre domaine propre, nous avons tendance à faire entrer l’esprit de compétition dans les professions médicales. C’est pourquoi il est si important de rappeler sans cesse que notre vocation est de prendre soin. Quand cela devient notre préoccupation majeure, on peut alors découvrir des méthodes de guérison auxquelles on n’aurait jamais pensé. Si on ne se concentre que sur le traitement et les médicaments nécessaires à la guérison, ce n’est plus la personne qui est au centre de nos préoccupations, mais la maladie. Si prendre soin est notre premier souci, si on accepte
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d’entrer avec l’autre dans la faiblesse et de l’écouter avec notre cœur, on peut découvrir tout un éventail de méthodes possibles pour le guérir. Beaucoup de gens ne sont capables de voir de nouvelles possibilités de guérison que lorsqu’ils sont avec d’autres qui leur permettent de voir la situation dans sa réalité. On peut penser que telle personne doit être abordée de telle façon, mais lorsque l’on se trouve face à elle, de nouvelles perspectives se dessinent, une nouvelle manière de guérir se fait jour. Voilà le grand mystère. Si on ne se concentre pas uniquement sur le changement à opérer, mais qu’on entre avec l’autre dans sa faiblesse, de nouvelles possibilités apparaissent. Les gens ne seront peut-être pas guéris au sens étroit du terme, mais ils seront transformés, simplement parce qu’ils auront fait l’expérience de la compassion, parce que quelqu’un aura pris soin d’eux d’une manière très profonde. Si prendre soin est notre vocation essentielle, la guérison peut être reçue comme un don. Le malade et celui dont la profession est de soigner peuvent découvrir ensemble de nouvelles perspectives. Le simple fait d’être avec d’autres permet de discerner ensemble ces nouvelles possibilités. C’est alors que la guérison a commencé à se manifester. Non parce qu’elle était recherchée pour elle-même, mais parce qu’elle pouvait être reçue comme un don de Dieu pour lequel on pouvait rendre grâces.
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Manifester la compassion de Dieu Comment, dans nos vies, exercer complètement le ministère de la compassion ? D’un point de vue strictement religieux, théologique, exercer un ministère ne consiste pas à faire ce que Dieu fait, mais plutôt à vivre de telle manière que la compassion de Dieu se manifeste dans nos vies et dans celle des autres. Que notre vie révèle, rende visible, fasse découvrir la compassion de Dieu. Dieu est avec nous aujourd’hui, en ce moment même, et nous voulons que d’autres fassent l’expérience de sa présence, une présence qui guérit, réconforte, console. C’est de cela qu’il s’agit : manifester, révéler, rendre visible la compassion de Dieu, de ce Dieu Tout-Puissant parce qu’il est devenu vulnérable. Comment faire cela ? Comment manifester la compassion de Dieu sans agir comme si nous étions Dieu ? On touche là ce qui est le vrai ministère d’un médecin, d’une infirmière, d’un psychologue ou d’un prêtre. J’aimerais introduire deux expressions : « ministère de la présence » et « ministère de l’absence » Cela peut paraître un peu étrange à première vue. Nous manifestons la compassion de Dieu par notre désir d’être présents aux autres. C’est là un des moyens de guérison les plus puissants : notre capacité d’être présents les uns aux autres. Nous devons avoir pleine conscience de ce pouvoir de guérison
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qui est le nôtre. Nous manifestons la compassion de Dieu lorsque nous croyons que cela vaut la peine d’être avec un autre, même si nous ne pouvons rien faire, même si nous ne voyons aucun résultat, même si nous ne constatons pas de changement.
Un ministère de la présence À New Haven, on expérimente une nouvelle manière de soigner les malades chroniques. C’est difficile pour des prêtres, des pasteurs, des psychiatres et des psychologues de travailler auprès des malades chroniques parce qu’ils n’y trouvent pas de satisfaction immédiate. Le grand don que nous puissions leur faire, c’est de leur être présents, avec intelligence, mais d’être présents. C’est très important de prendre conscience de cette immense puissance de notre présence, et d’aider d’autres à y croire. Une de nos tâches les plus importantes est de rendre les gens, tous ceux qui font partie du peuple de Dieu, conscients de leur pouvoir de guérir, de leur capacité d’être présents, d’écouter, mais d’écouter vraiment, car écouter est devenu un terme trop technique. Beaucoup de gens croient qu’écouter veut dire s’asseoir et entendre les mots de celui qui parle. Écouter implique notre participation, notre engagement, notre réflexion. Nous devons écouter avec tout ce
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que nous sommes, nos mains, nos yeux, nos oreilles. Que l’autre sache que nous sommes vraiment là pour lui. Être présent à la personne, lui prendre la main, lui faire savoir que nous voulons sentir sa présence, que ce qu’elle dit révèle qui elle est, lui faire comprendre que nous voulons non seulement écouter son histoire, mais que nous voulons l’écouter avec notre histoire. Écouter l’histoire de l’autre avec notre histoire ne veut pas dire que nous ayons à parler de nous, à étaler nos problèmes. Cela veut simplement dire que nous devons écouter avec nos tripes, avec notre cœur, notre être, de sorte que l’autre puisse vraiment dire que nous sommes une personne et que nous sommes avec lui. Faisant cela, nous révélons la grande compassion de Dieu. Croire simplement que cela vaut la peine d’être ensemble et que de là jaillit la guérison, tel est le fondement même de tous les ministères.
Un ministère de l’absence Mais nous pouvons aussi manifester la compassion de Dieu par notre absence. Le mystère de la mémoire est un très grand mystère dans la vie. « Il est venu me voir. » Nous avons tous fait l’expérience de ce mystère. Nous sommes allés voir quelqu’un et nous avons parlé de choses apparemment très humbles, très superfi-
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cielles, d’un match de football, d’un événement politique récent, ou tout simplement de ce qui s’était passé ce jour-là. Il nous a semblé que ce n’était qu’une petite visite, mais plus tard cette personne en a parlé à quelqu’un d’autre. Bien que nous l’ayons quittée depuis longtemps, cette visite demeurait efficace. Nous devons prendre conscience que nous exerçons notre ministère auprès des gens non seulement par notre présence mais aussi par notre absence. Lorsque nous quittons l’autre, la compassion de Dieu, qui est bien plus grande que la nôtre, devient manifeste. Beaucoup d’entre nous se sentent coupables de ne pouvoir en faire assez pour les autres. Nous avons nos engagements personnels qui nous prennent du temps. Et, si souvent, nous sommes conscients des besoins de tant de gens, de leurs problèmes, de leurs souffrances et nous sentons continuellement que nous ne faisons pas assez. Nous devrions les voir plus souvent, leur rendre visite, leur être davantage présents, faire plus, et peu à peu notre vie intérieure s’alourdit de culpabilité. Notre vie est pleine de promesses que nous sommes incapables de tenir. Nous nous sentons mal à l’aise. Nous répétons aux autres que nous nous sentons coupables de ne pas arriver à tenir nos promesses. Nous ne sommes pas avec eux, mais avec notre sentiment de culpabilité. Nous nous torturons de ne pas être Dieu. Ce sentiment que nous devrions toujours faire davantage, être mieux, répondre à
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toutes les exigences de l’Évangile, fait partie de notre culture, de notre manière de vivre. Mais ce n’est pas ce que nous montre l’Évangile. L’Évangile nous dit que Dieu seul est compatissant, pas nous. À nous de révéler sa compassion, non seulement par notre présence mais aussi par notre absence, parce que, lorsque nous quittons l’autre, nous reconnaissons que nous sommes humains et que Dieu seul est Dieu. À travers nos limites, la compassion de Dieu devient manifeste. Nous ne pouvons pas tout faire. Nous avons à laisser parler Dieu, à le laisser devenir présent. Dès lors, quitter n’est pas seulement une prise de conscience douloureuse que nous ne pouvons pas tout faire, quitter est la joyeuse célébration d’une certitude : Dieu est celui qui demeure tandis que nous partons. C’est ce que Jésus a dit à ses disciples : « Il est bon que je m’en aille, parce que si je ne m’en vais pas, je ne pourrai pas vous envoyer mon Esprit. J’ai vécu votre vie, j’ai souffert et je suis mort avec vous. Je vous reste présent. Mais il est bon que je m’en aille, parce que, par mon départ, je vous révélerai qui je suis et qui est Dieu. » Voilà ce qui est essentiel dans notre ministère : nous révélons Dieu non seulement par notre venue, mais aussi par notre départ. Nous devons donc oser dire : « J’ai passé un moment avec vous et nous avons partagé, mais il est bon pour vous que je m’en aille. Dès lors, je ne me sens plus coupable. Il est temps pour moi de partir pour que Dieu puisse mieux se manifes-
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ter à vous. Je suis le chemin, mais il m’arrive aussi d’être sur le chemin ! » Beaucoup d’entre nous, que ce soit dans notre vie de famille ou dans notre ministère, portons un poids de culpabilité parce que nous ne sommes pas capables de tout faire. Ce n’est pas là le message de l’Évangile. L’Évangile ne veut pas que nous exercions un ministère parce que nous nous sentons coupables, mais parce que nous croyons que Dieu est le Dieu compatissant qui est déjà venu, qui est la source de toute guérison, de tout changement et qui fait toute chose nouvelle. Pas nous, mais lui. Dans notre travail de médecin, de psychologue, de prêtre, nous ne faisons que rendre visible sa compassion. Nous annonçons sans cesse cette compassion par notre savoir-faire, par notre écoute et toute notre manière d’être. Une fois que nous avons compris cela, nous faisons l’expérience d’une réalité beaucoup plus profonde : nous manifestons Dieu non seulement par notre vie mais aussi par notre mort. Parce que toute maladie est une annonce de notre mort, tout départ est un signe de notre dernier départ, l’expression du fait que nous sommes mortels : l’exercice de notre ministère de guérison nous aide à apprendre que nous rendons Dieu visible en ce monde par notre manière de vivre et de mourir. Nous savons que ceux qui nous ont quittés ne nous ont pas nécessairement laissés seuls ; il nous est arrivé d’en faire l’expérience : les membres
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de notre famille et nos amis qui sont morts nous ont montré plus clairement que nous ne dépendons pas d’eux mais de Dieu ; leur mort et leur départ deviennent une manifestation de la présence de Dieu. C’est de cela qu’il s’agit quand nous parlons de notre vie et de notre mort comme d’un ministère. Ma vie est un ministère pour vous, pour mes amis, pour le monde dans lequel je vis, mais par ma mort je révèle aussi la compassion de Dieu. Aucun de nous ne sera vivant dans une centaine d’années. Cela est bon parce que c’est ainsi que l’amour et la compassion de Dieu deviennent visibles. Pour conclure, je voudrais rapporter une histoire qui m’a toujours touché et qui résume assez bien ce thème de l’absence et de la présence, de la présence de Dieu et de nos faiblesses. L’histoire est extraite d’un livre intitulé Mon nom est Asher Lev, écrit par un Juif, Chaim Potok. C’est un court dialogue entre un père et son fils peintre. Je dessinai… la manière dont mon père regardait un oiseau couché sur le côté contre le bord du trottoir près de notre maison. « Est-il mort, Papa ? » J’avais six ans et je ne pouvais me résoudre à le regarder. « Pourquoi est-il mort ? — Tout ce qui vit doit mourir.
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— Tout ? — Oui. — Toi aussi, Papa ? Et Maman ? — Oui. — Et moi ? — Oui », dit-il. Puis il ajouta en Yiddish : « Mais ce sera peut-être après avoir vécu une bonne et longue vie, mon Asher. » Je n’arrivais pas à comprendre. Je m’obligeai à regarder l’oiseau. « Tout ce qui vit sera un jour comme cet oiseau ? Pourquoi ? demandais-je. — C’est ainsi que Ribbono Shel Olom a fait son univers, Asher — Pourquoi ? — Afin que la vie soit précieuse, Asher. Une chose que tu possèdes pour toujours n’est jamais précieuse. » Chaim POTOK Mon nom est Asher Lev New York, Alfred A. Knopf, 1972, p. 156
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Cœur à cœur « Venez à moi… » « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi je vous donnerai le repos. Prenez sur vous mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes. Oui, mon joug est facile à porter et mon fardeau léger. » Mt 11, 28-30
Seigneur Jésus, Parole éternelle, par qui tout est venu à la vie, tu t’es fait chair pour pouvoir converser avec nous, marcher, prier et même mourir avec nous. Tu es devenu l’un de nous pour que rien d’humain ne te soit étranger, pour qu’en toutes choses, excepté le péché, tu sois en vérité l’un de nous. Tu nous as manifesté l’immense amour du Père qui t’a envoyé. Ton cœur humain nous laisse entrevoir une lueur de cet amour divin dont nous sommes aimés, dont tu nous aimes car le Père et toi, vous êtes un. J’ai tant de peine à croire pleinement à cet amour qui coule à flots de ton cœur. Je suis si inquiet, si craintif et si méfiant. J’affirme croire en
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ton amour total et inconditionnel, mais je continue à chercher de l’affection, un appui et des encouragements auprès de ceux qui m’entourent, espérant trouver en eux ce que toi seul peux me donner. J’entends clairement ta voix me dire : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau… car je suis doux et humble de cœur », et pourtant je me précipite ailleurs, comme si je n’avais pas confiance en toi et me trouvais plus en sécurité avec ceux dont les cœurs sont partagés et souvent troublés. Seigneur, pourquoi en moi ce désir d’être loué et aidé par des hommes alors même que mon expérience me dit combien l’amour d’un cœur humain est limité ? Tant de gens m’ont manifesté leur tendresse et leur affection, m’ont soutenu et encouragé, m’ont pardonné et se sont montrés généreux envers moi… mais aucun d’entre eux n’a pu atteindre cet endroit profondément caché où résident ma peur et ma solitude. Toi seul, Seigneur, connais cet endroit. Moimême, je n’en prends conscience qu’aux moments d’angoisse ou de grande souffrance. Je sens alors en moi une solitude si profonde qu’aucun être humain ne peut la guérir. Au contraire, ma solitude ne peut qu’éveiller en l’autre une solitude identique et suscite la peur et l’angoisse au lieu de l’amour et la guérison. Mon angoisse fait naître l’angoisse dans les autres, elle leur rappelle leur vide et leur solitude,
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leur fait sentir que leur cœur n’est pas assez vaste pour accueillir d’autres êtres humains. Une solitude ne peut en guérir une autre. Ton Père a vu le désespoir de l’humanité. Il a vu le désir de posséder la convoitise, la colère, la rancune, la violence et la soif de détruire qui n’entraînent que conflit et guerre alors que nous, ton peuple, essayons de trouver le chemin de la paix et de l’harmonie. Mais ton Père, dans son amour sans limites, a voulu nous donner le moyen de parvenir à cet amour qui comble nos désirs les plus profonds. Il t’a envoyé, avec un cœur humain assez vaste pour embrasser toute la solitude et toute l’angoisse des hommes. Ton cœur n’est pas un cœur de pierre, c’est un cœur de chair, un cœur qui n’est pas rétréci par le péché et l’infidélité, un cœur aussi vaste et aussi profond que l’amour même de Dieu. Ton cœur ne fait pas de distinctions entre riche et pauvre, ami et ennemi, femme et homme, esclave et homme libre, pécheur et saint. Ton cœur est ouvert pour accueillir chacun de nous avec un amour total et sans limites. Il y a place pour tous ceux qui veulent venir à toi. Tu veux attirer tous les hommes et leur offrir une demeure où tout désir sera exaucé, toute soif désaltérée, toute faim rassasiée. Mais ton cœur est doux et humble. Tu n’exerces aucune contrainte, tu ne nous forces pas, tu ne nous tires ni ne nous pousses. Tu veux nous voir venir
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librement à ton cœur, confiants d’y trouver joie et paix. Tu n’exiges rien, tu n’imposes aucune action généreuse, aucun geste héroïque, aucune attitude dramatique. Tu ne nous demandes que la confiance. Tu ne peux donner ton cœur qu’à ceux qui ont confiance en toi. C’est toi qui fais le premier pas. Tu l’as dit clairement : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis. » Ce choix est ton grand acte de confiance. Tu crois que notre cœur pécheur, meurtri et vulnérable trouvera la force de te dire : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle et nous croyons en toi ; nous sommes venus pour apprendre que tu es le saint de Dieu. » Tout ce que tu espères est notre « oui » simple et confiant. Tu as tout fait pour nous montrer ton amour et l’amour de ton Père. Tu es devenu un petit enfant dépendant pour nous montrer que tu partages notre faiblesse ; tu as voulu être un réfugié en Égypte pour manifester ta solidarité avec tous ceux qui sont expulsés hors de chez eux ; tu as grandi dans l’obéissance à tes parents pour nous montrer combien tu es proche de nous, toujours en quête de notre vraie identité ; tu as voulu travailler pendant de longues années comme un simple charpentier pour partager notre labeur quotidien ; tu as été tenté au désert pour nous apprendre comment résister aux forces du mal qui nous entourent ; tu t’es entouré de disciples pour
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nous apprendre comment partager avec d’autres nos manières de voir et notre service apostolique ; tu as proclamé la Parole de Dieu pour nous montrer ta vérité et nous apprendre comment devenir témoins de cette vérité ; tu as guéri les malades et ressuscité les morts pour nous montrer comment ta présence donne la vie à la personne entière, corps et âme ; tu as été transfiguré pour manifester ta splendeur divine ; tu as parcouru le long chemin de la souffrance et de la mort pour partager avec nous la plus pénible de toutes les expériences humaines. Toi, la Parole éternelle du Père, tu as choisi de te faire toujours plus proche de nous pour nous manifester l’amour sans limites de ton cœur. Seigneur, tu ne me demandes qu’un simple « Oui », un acte de confiance pour que ces choix que tu as faits portent des fruits dans ma vie. Je ne veux pas manquer ton passage. Je ne veux pas être si occupé par ma vie quotidienne, mes plans et mes projets, mes relations, amis et connaissances, que je ne remarque pas que tu es avec moi, plus proche de moi que quiconque. Je ne veux pas être aveugle aux gestes d’amour de tes mains, sourd à tes paroles de tendresse. Je veux te voir marcher avec moi, t’entendre me parler. Plein du désir de m’aimer, ton cœur brûle de me réchauffer. Tu veux me donner une demeure où je me sentirai chez moi, un refuge où je serai en sécurité. À
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tous les tournants de ma vie, tu es là et tu me dis avec tendresse : « Viens et vois, demeure avec moi. Quand tu as soif, viens à moi, toi qui mets en moi ta confiance, viens et bois. Venez, vous tous qui êtes fatigués, épuisés, découragés et abattus. Venez, vous qui souffrez dans votre corps, vous qui avez l’esprit las, l’angoisse au fond du cœur. Venez, sachez que je suis venu vous donner un cœur nouveau et un esprit nouveau, oui, et même un corps nouveau où les cicatrices des combats de votre vie deviendront signes de beauté et d’espérance. Venez, ayez confiance en moi. Il y a beaucoup de demeures dans la maison de mon Père. Je vais maintenant vous préparer une place et après être allé vous la préparer, je reviendrai et je vous prendrai avec moi si bien que là où je suis, vous serez vous aussi. » J’entends tes paroles, Jésus. Je veux les écouter avec tout mon être pour qu’elles s’incarnent en moi et y creusent une demeure où tu habites. Aide-moi à fermer les trop nombreuses portes et fenêtres de mon cœur par où je m’échappe loin de toi, laissant s’infiltrer des paroles et des bruits qui ne viennent pas de toi mais d’un monde en fureur qui veut m’arracher à toi. Je te contemple, Seigneur, tu as prononcé tant de paroles d’amour. Ton cœur s’est exprimé si clairement. Tu veux maintenant me montrer encore plus clairement combien tu m’aimes. Sachant que le Père a remis toutes choses entre tes mains, que tu es sorti
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de Dieu et que tu vas vers Dieu, tu déposes ton manteau et, prenant un linge, tu le noues autour de ta taille, tu verses de l’eau dans un bassin et tu commences à me laver les pieds et à les essuyer avec le linge dont tu es ceint. Tu t’agenouilles devant moi, Seigneur, tu tiens en tes mains mon pied nu, tu lèves les yeux vers moi et tu me souris. Une protestation monte en moi : « Non, Seigneur, jamais tu ne me laveras les pieds. » Je résiste à ton amour ? J’ai envie de te dire : « Tu ne me connais pas vraiment, mes idées noires, mon orgueil, ma sensualité, mon avidité. Mes paroles sonnent bien, mais mon cœur est si loin de toi. Non, je ne mérite pas d’être à toi. Tu dois avoir quelqu’un d’autre en vue, ce n’est pas moi. » Mais tu me regardes avec encore plus de tendresse. « Je veux que tu sois avec moi, que tu aies pleinement part à ma vie, que tu sois à moi comme je suis à mon Père. Je veux te purifier si totalement que toi et moi ne soyons qu’un et que tu puisses faire aux autres comme je t’ai fait. » Je dois laisser tomber mes peurs, mes méfiances, mes doutes, mes angoisses et simplement te permettre de me purifier et de faire de moi ton ami, aimé d’un amour sans limites. Je te contemple encore, Seigneur, tu es debout et tu m’invites à ta table. Pendant le repas, tu prends du pain, tu le bénis, le romps et me le donnes. « Prends et mange, me dis-tu, ceci est mon corps livré pour
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toi. » Puis, tu prends une coupe, tu rends grâces et me la tends en disant : « Ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance versé pour toi. » Sachant que ton heure est venue de passer de ce monde à ton Père, m’ayant aimé, tu m’aimes maintenant jusqu’à l’extrême. Tu me donnes tout ce que tu as, tout ce que tu es, ton être tout entier. Tout l’amour dont ton cœur déborde pour moi se manifeste maintenant : tu me laves les pieds et me donnes ton corps et ton sang comme nourriture et comme boisson. Seigneur, comment chercher en dehors de toi l’amour dont j’ai un si grand désir ? Comment puis-je espérer des autres, pécheurs comme moi, un amour qui pénètre jusqu’aux recoins les plus cachés de mon être ? Qui peut me purifier, me nourrir et me désaltérer comme tu le fais ? Qui peut m’être si proche, si intimement présent, si ce n’est toi ? Seigneur, ton amour n’est pas un amour abstrait qui ne s’exprime qu’en pensées ou en paroles. Non. Seigneur, ton amour jaillit de ton cœur d’homme. C’est un amour senti qui s’exprime à travers tout ton être. Tu me parles, tu me regardes, tu me touches, ton amour atteint mon être tout entier. Tu me tiens en tes bras comme une mère tient son enfant, tu m’embrasses comme un père embrasse son fils, tu me touches comme un frère touche son frère et sa sœur.
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Ô Jésus, ton cœur est amour. Je te regarde, je t’entends, je te touche. De tout mon être je sais que tu m’aimes. J’ai confiance en toi, Seigneur, mais ne cesse pas de me venir en aide dans mes nombreux moments de peur et de doute. Ils sont là et seront là chaque fois que je détournerai de toi mes yeux, mes oreilles ou mes mains. Ramène-moi à toi, Seigneur, jour et nuit, dans la joie et dans la peine, le succès et l’échec. Ne permets jamais que je te quitte. Je sais que tu marches à mes côtés. Aide-moi à marcher avec toi, aujourd’hui, demain et toujours. Je ne te touche pas, et pourtant je te touche vraiment chaque fois que je touche tous ceux qui viennent à moi dans leur solitude. Au cœur de toute la souffrance humaine, je vois, j’entends, je touche le cœur de l’humanité, ton humanité, l’humanité de tous ces hommes qu’embrasse ton amour. Merci, Jésus, pour ton cœur, merci de m’avoir montré ton cœur, merci de m’avoir permis de voir en ne voyant pas, d’entendre sans entendre, de toucher en ne touchant pas. Merci de croire, d’espérer et d’aimer davantage chaque jour. Mon cœur est petit, craintif et très timide. Il en sera toujours ainsi. Mais tu dis : « Venez à mon cœur, mon cœur est doux, humble et blessé, comme le vôtre. N’ayez pas peur. Venez et laissez votre cœur trouver le repos dans le mien, ayez confiance que
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tout ira bien. » Je viens, Jésus, je veux être avec toi, me voici, Seigneur, prends mon cœur et permets qu’il devienne un cœur rempli de ton amour.
D’un coup de lance… Arrivés à Jésus, ils constatèrent qu’il était déjà mort et ils ne lui brisèrent pas les jambes. Mais un des soldats, d’un coup de lance, le frappa au côté et aussitôt il en sortit du sang et de l’eau. Celui qui a vu a rendu témoignage, et son témoignage est conforme à la vérité et d’ailleurs celui-là sait qu’il dit vrai afin que vous aussi vous croyiez. En effet, tout cela est arrivé pour que s’accomplisse l’Écriture : « Pas un de ses os ne sera brisé » ; il y a aussi un autre passage de l’Écriture qui dit : « Ils verront celui qu’ils ont transpercé ». Jn 19, 33-37
Seigneur Jésus, « image du Dieu invisible, premier-né de toute créature, en qui tout a été créé dans les cieux et sur la terre, les êtres visibles comme les invisibles », tu es suspendu, mort, à la croix. Je te contemple. Tu as prononcé tes dernières paroles : « Tout est achevé » et tu as remis l’esprit. Tu as tout donné. « Tu t’es dépouillé, prenant la condition de serviteur ; tu t’es abaissé en devenant obéissant jusqu’à la mort et la mort sur une croix. » Tu as livré ton corps pour moi ; pour moi, ton sang a été répandu.
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Ton amour n’a rien réservé, tu l’as laissé jaillir de ton cœur pour qu’il porte du fruit en moi. Je contemple ton corps sur la croix. Les soldats qui ont brisé les jambes des deux hommes crucifiés avec toi ne te brisent pas les jambes, mais l’un d’eux, d’un coup de lance, te frappe au côté, et aussitôt il en sort du sang et de l’eau. Ton cœur est ouvert, ce cœur qui n’a connu ni haine, ni rancune, ni désir de vengeance, ni jalousie, mais seulement l’amour, un amour si profond et si vaste qu’il embrasse à la fois ton Père dans le ciel et l’humanité entière dans le temps et dans l’espace. Ton cœur ouvert est la source de mon salut. C’est le lieu sacré où tout ce qui a été, est et sera se maintient dans l’unité. Là, toute souffrance a été assumée, toute angoisse vécue, toute solitude endurée, tout abandon ressenti et le cri de toute agonie a retenti. Là, se sont rencontrés l’amour de Dieu et l’amour des hommes. Là, Dieu et tous les hommes de l’histoire se sont réconciliés. Toutes les larmes de la race humaine ont coulé ici, toute souffrance a été comprise et tout désespoir rencontré. Uni aux hommes de tous les temps, je te regarde, toi qu’ils ont transpercé et peu à peu je comprends ce que signifie participer à ton corps et à ton sang, ce que veut dire être homme. Ô Jésus, tu nous as été envoyé non pour nous condamner, mais pour nous révéler ton amour, et celui de ton Père. Ton cœur a tellement désiré me
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donner cet amour, à moi et à tous les hommes. Ton unique désir est que nous acceptions cet amour et que nous nous laissions transformer en enfants du Père, tes sœurs et tes frères. Et combien tu voulais notre amour ! Tu es devenu vulnérable afin de pouvoir être aimé par des gens vulnérables. Tu désirais notre amour, l’amour de ceux que tu étais venu sauver. Ton cœur est entièrement ouvert pour donner et pour recevoir l’amour. Te voilà cloué sur la croix. Ton cœur est déchiré. L’amour que tu étais venu nous donner n’a pas été accepté ; l’amour que tu désirais recevoir n’a pas été donné. Ton cœur, ce cœur humain débordant d’amour divin, est brisé. Rejeté, méprisé, couvert de crachats, moqué, flagellé et couronné d’épines, tu pends sur la croix. Ceux que tu as réconfortés par tes paroles, libérés de leurs démons et guéris de leurs maladies sont tous partis. Ton ami Judas t’a trahi, ton ami Pierre t’a renié. Personne n’a été capable de veiller avec toi pendant ton agonie et personne n’a senti la profondeur de ton amour. Je te contemple, Seigneur, et je vois ton côté transpercé, l’endroit où ton cœur est ouvert. Et tandis que je regarde, mes yeux se mettent à voir l’angoisse et l’agonie de tous ceux pour qui tu t’es livré. Ton cœur déchiré devient le cœur de toute l’humanité, le cœur du monde. Tu portes toute cette somme d’angoisses et d’agonies : enfants abandonnés, femmes ou maris dé-
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laissés, familles disloquées, réfugiés sans toit, prisonniers, torturés, mutilés et les milliers, les millions d’hommes qui meurent seuls, sans amour, oubliés. Je vois leurs corps émaciés, leurs visages désespérés, leurs regards angoissés. Je les vois tous là où ton corps est transpercé, ton cœur ouvert. Ô Seigneur plein de compassion, ton cœur est brisé à cause de tout l’amour qui n’est ni donné ni reçu. Tous les hommes passés, présents et à venir te regardent et voient leur angoisse et leur agonie sur ta croix. Ô Jésus, de ton côté transpercé, je vois sortir du sang et de l’eau. Celui qui le premier l’a vu y a perçu un signe que tu étais bien celui dont parlaient les Écritures et il a transmis ce qu’il avait vu afin que, moi aussi, je croie en toi dont pas un os n’a été brisé et que je te regarde, toi qu’ils ont transpercé. Le sang et l’eau sont sortis de ton côté transpercé, ont jailli de ton cœur ouvert. Seigneur Jésus, aide-moi à pénétrer dans ce mystère. Tant de sang a coulé au cours des siècles, le sang d’hommes qui ne savaient même pas pourquoi ils étaient piétinés, mutilés, torturés, égorgés, décapités, laissés sans sépulture. Les sabres, les flèches, les fusils et les bombes ont fait couler ce sang qui a défiguré les visages de millions d’hommes, ce sang jailli de cœurs en colère, amers, jaloux, assoiffés de vengeance, de cœurs mus par la haine, la violence, la soif de détruire. Depuis le sang
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d’Abel tué par son frère jusqu’au sang des juifs, des Arméniens, des Ukrainiens, des Irlandais, des Iraniens et des Irakiens, des Palestiniens, des Noirs d’Afrique du Sud et des innombrables nations ou groupes ethniques, victimes de la méchanceté de leurs frères et sœurs de la race humaine, un sang qui a couvert la terre et dont la clameur est montée jusqu’au ciel : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Ô Jésus, je regarde mon cœur et mes mains. Là aussi je vois du sang. Mon cœur est comme un microcosme de ce monde de violence et de destruction dans lequel je vis. Mes mains n’ont pas tué, mais je connais les sentiments de mon cœur. Sontils si différents des sentiments de ceux que les circonstances ont poussés à frapper et à détruire ? Puisje dire en vérité que j’ai les mains propres ? Si souvent elles ont été les instruments de la cupidité et de la convoitise, de l’impatience et de la colère, de l’accusation et de la récrimination. Elles ont souvent servi à frapper au lieu de caresser ; elles ont serré les poings au lieu de faire un signe de paix ou de réconciliation ; elles ont pris au lieu de donner et ont pointé un doigt accusateur contre les autres au lieu de me frapper la poitrine ; elles sont signes de malédiction plutôt que signes de paix. Je ne puis pas me laver les mains parmi les innocents. Pécheur, coupable et profondément honteux, je ne puis que me
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tenir sous ta croix, sachant que mes mains sont les mains tachées de sang de l’humanité. Je contemple ton côté transpercé et je vois le sang jaillir de ton cœur. Ton cœur ne connaît ni la vengeance, ni la jalousie, ni la rancune, ni la haine mais bien le pardon, l’encouragement, la reconnaissance, la paix. Le mal n’a pas place dans ton cœur, il n’y a place que pour l’amour. Le sang qui coule de ton cœur est le sang de l’Agneau innocent qui enlève les péchés du monde. Ce que le sang des brebis et des bœufs ne pouvait faire, ton sang l’a accompli. Toi, Seigneur, l’Agneau sans tache, innocent, tu es le seul à pouvoir offrir en vérité un sacrifice à Dieu et entrer ainsi dans le sanctuaire du ciel où tu veux m’entraîner avec toi en présence de ton Père. Ton sang précieux coule de ton cœur pour guérir mon cœur blessé, le cœur blessé de chaque femme, de chaque homme en tout temps et en tout lieu. Je contemple ton côté transpercé et j’en vois couler non seulement du sang mais aussi de l’eau. Comme le sang, l’eau aussi peut être source de destruction. Le déluge au temps de Noé et les innombrables inondations tout au long de l’histoire des hommes le montrent clairement. Mais l’eau qui coule de ton côté apporte la vie. Non seulement elle me purifie de mon péché mais elle me fait entrer dans une terre nouvelle, une demeure nouvelle, une communauté nouvelle. C’est l’eau qui a jailli du
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rocher dans le désert pour étancher la soif de ton peuple. C’est l’eau du Jourdain que ton peuple et l’Arche d’Alliance ont traversé pour entrer dans la terre promise. C’est l’eau qui coulait du Temple, de plus en plus profonde. C’est l’eau dans laquelle tu fus baptisé par Jean. C’est l’eau changée en vin à Cana. C’est l’eau miraculeuse de la piscine de Bethsaïde. C’est l’eau avec laquelle tu as lavé les pieds de tes disciples. Oui, Seigneur, l’eau qui jaillit de ton côté est tout cela et bien plus encore parce que c’est l’eau par laquelle tu nous donnes ta vie et nous fais entrer en communion avec le Père ; c’est l’eau qui devient en nous source jaillissant pour la vie éternelle. Oui, Seigneur, l’eau qui jaillit de ton cœur ouvert fait de moi un être nouveau, un enfant de ton Père et ton frère. C’est l’eau du baptême versée sur moi et sur tant d’autres qui nous a introduits dans la communauté nouvelle façonnée par ton Esprit. Merci, Jésus, pour le mystère de ton cœur ouvert, ouvert par nous et pour nous, devenu maintenant la source du pardon et de la vie nouvelle. Le sang et l’eau qui sortent de ton côté sont pour moi le signe de cette vie nouvelle qui m’est donnée par ta mort. C’est une vie de communion intime avec toi et avec le Père. Mais c’est aussi une vie qui m’appelle à donner tout ce que je suis au service de ton amour pour le monde. Vie de joie, mais aussi de sacrifice ; vie
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glorieuse, mais aussi vie de souffrance ; vie de paix, mais aussi de lutte. Oui, Seigneur, c’est une vie née du sang et de l’eau, non plus l’eau et le sang qui détruisent, mais l’eau et le sang qui sortent de ton cœur et apportent réconciliation et paix. Je t’adore, Jésus, tandis que je te regarde, toi qu’ils ont transpercé. Que le sang et l’eau qui sortent de ton cœur me donnent un cœur nouveau pour vivre une vie nouvelle. Je sais qu’en ce monde l’eau et le sang ne sont jamais séparés. La paix avoisinera l’angoisse, la joie sera proche des larmes, l’amour de l’agonie. Toujours — ensemble — pour me conduire chaque jour plus près de toi qui as ton cœur à mon cœur. Ô Seigneur, je te remercie, je te loue, je t’aime. Puissent nos cœurs être unis afin que le monde sache que c’est toi qui m’as envoyé, non pour condamner, mais pour offrir ton cœur à tous ceux qui sont en quête d’amour.
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« Regarde mes mains… » Le soir de ce même jour qui était le premier de la semaine, alors que, par crainte des Juifs, les portes de la maison où se trouvaient les disciples étaient verrouillées, Jésus vint, il se tint au milieu d’eux et il leur dit : « La paix soit avec vous. » Tout en parlant, il leur montra ses mains et son côté. En voyant le Seigneur, les disciples furent tout à la joie… Cependant Thomas, l’un des Douze, celui qu’on appelle Didyme, n’était pas avec eux lorsque Jésus vint. Les autres disciples lui dirent donc : « Nous avons vu le Seigneur. » Mais il leur répondit : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je n’enfonce pas mon doigt à la place des clous et si je n’enfonce pas ma main dans son côté, je ne croirai pas. » Or, huit jours plus tard, les disciples étaient à nouveau réunis dans la maison et Thomas était avec eux. Jésus vint, toutes portes verrouillées, il se tint au milieu d’eux et leur dit : « La paix soit avec vous. » Ensuite, il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici et regarde mes mains ; avance ta main et enfoncela dans mon côté, cesse d’être incrédule et deviens un homme de foi. » Thomas lui répondit : « Mon Seigneur et mon Dieu. » Jésus lui dit : « Parce que tu m’as vu, tu as cru : bienheureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru. » Jn 20, 19-20.24-29
Seigneur Jésus, parole éternelle du Père, Dieu né de Dieu, Lumière née de la Lumière, toi qui es un avec le Père, tu m’as montré ton amour divin en t’incarnant, en vivant notre vie d’homme, en mourant
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d’une mort d’homme — une mort sur la croix. Mais ton amour est plus fort que la mort, il est vainqueur de la prison de la mort, il échappe à toute destruction et se manifeste à nouveau dans ton corps ressuscité. Ô Seigneur, qui pourra jamais pénétrer les mystères de ce cœur où ton amour divin a voulu s’incarner ? À nouveau, je te contemple, tu es ressuscité des morts, tu m’appelles et me dis : « La paix soit avec toi », tu me montres tes mains et ton côté transpercés ; oui, les blessures de ta passion sont visibles sur ton corps ressuscité. Je te regarde et je sais que les marques de ton amour totalement livré sont gravées à jamais dans ce corps glorieux avec lequel tu montes vers ton Père qui est aussi mon Père. Je vois maintenant que tous ceux qui sont dans ton cœur — ces hommes et ces femmes qui, en tous temps et en tous lieux, souffrent sur cette terre — sont élevés avec toi, non seulement sur ta croix, mais aussi par ta résurrection et reçoivent, ici et maintenant, une place dans ce Royaume où tu vis avec le Père et l’Esprit Saint pour les siècles sans fin. Je vois que, même si nous luttons encore en ce monde, nous sommes déjà unis à toi qui intercèdes pour nous auprès du Père. Nous sommes là où est ton cœur, enfants de notre Père du ciel. Dans ton cœur, nous sommes pour toujours cachés et présents en Dieu. Ton cœur est notre demeure permanente, notre lieu de repos, notre refuge et notre espérance.
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Seigneur Jésus, tandis que je contemple la blessure de ton côté, visible sur ton corps glorieux, et que j’essaie d’entrer dans le mystère de ta résurrection, je prends douloureusement conscience de la timidité, de la peur et des doutes qui remplissent mon cœur. Alors même que tu as tout achevé, que tu portes l’humanité et me gardes en cet amour, je vis comme si j’avais à chercher en dehors de toi quelque chose de très important. Je sais où est ma demeure ; je sais où je puis être en sûreté, où je puis entendre la voix de l’amour, et pourtant je suis sans cesse inquiet, en quête de ce que toi seul peux me donner. Jésus, vois ma lutte et prends pitié de moi. Tu proclames à haute voix : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et que boive celui qui croit en moi. » Mais j’hésite et me sens tiraillé en tant de directions opposées. Souvent j’agis comme si je ne te voyais pas, comme si je ne t’entendais pas, comme si je n’arrivais pas à te toucher. Le monde environnant est si facile à voir, à entendre, à toucher, et avant même d’en avoir pleinement pris conscience, je vois, j’entends, je touche, plein d’avidité et de gourmandise — exigeant toujours davantage et jamais pleinement satisfait. Et tandis que je m’écarte de toi, attiré par les couleurs, les bruits, les choses matérielles qui m’entourent, je t’accuse de n’être pas assez présent et redis avec ton disciple Thomas : « Si je n’enfonce pas ma main dans son côté, je ne croirai pas. »
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Ô Jésus, pourquoi ne puis-je avoir tout simplement confiance en toi qui m’as donné tant de preuves de ton amour ? Qui donc a eu la chance de te connaître depuis le jour où son esprit s’est éveillé ? Moi ! Qui a eu des parents, des amis, des professeurs rayonnant ton amour et ta sollicitude ? Moi ! Qui a eu tant d’occasions de te connaître et de t’aimer toujours davantage ? Moi ! Et pourtant, me voilà boudeur et incrédule : « Si je n’enfonce pas ma main dans son côté, je ne croirai pas. » Tu es si patient, Seigneur ! Tu ne te fâches pas, tu es sans rancune. Tu es là, tu prends ma main et tu dis : « Mets ta main dans mon côté, cesse d’être incrédule et deviens un homme de foi. » Maintes et maintes fois, tu as pris ma main et l’as mise dans ton côté transpercé. Longtemps, j’ai été jaloux de tes disciples qui avaient vu la blessure de ton côté, de Thomas qui avait pu toucher tes plaies. Souvent j’ai pensé que cela m’aurait été facile de croire en toi et de me donner à toi sans réserve si seulement j’avais pu être là avec eux. Mais je sais que je me trompe et que, lorsque je pense ainsi, je cherche une excuse pour me tenir loin de toi. Je peux voir et toucher ton cœur ouvert, ô Jésus, si j’ose te faire entièrement confiance. Tu es si proche de moi si j’accepte d’ouvrir ces yeux que tu m’as donnés. Tu me dis : « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que
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vous l’avez fait. » Ils sont là, tout autour de moi, ceux qui ont faim et soif, qui sont nus, prisonniers, réfugiés, seuls, angoissés, mourants, ils me révèlent ton cœur ouvert. Je te vois chaque fois que je marche dans les rues, regarde la télévision ou écoute la radio, chaque fois que je lis un journal ou fais attention à une femme, un homme ou un enfant qui viennent à moi. Je te vois chaque fois que je n’empêche pas mes yeux de voir les souffrances de ceux avec qui je vis jour après jour. Tu es si proche, bien plus proche que je ne l’avais jamais su avant de regarder ton côté transpercé. Tu es dans ma maison, dans ma rue, dans ma ville, dans mon pays. Tu es là où je marche, où je m’assieds, où je dors, où je mange, où je travaille, où je me détends. Tu n’es jamais loin de moi. Seigneur Jésus, je ne fais pas de pathos, non, c’est une réalité très tangible : toi qui as attiré tous les hommes à toi alors que tu étais élevé dans ta douleur et dans ta gloire, tu demeures avec nous, Seigneur blessé et ressuscité. Chaque fois je touche ton cœur blessé, je touche les cœurs de tous ceux qui sont blessés et qui sont à toi, et quand je touche leur cœur, c’est le tien que je touche. Ton cœur blessé et le cœur blessé du monde sont un. C’est vrai, Seigneur, je le sais, chaque fois que je surmonte la peur que m’inspirent mes blessures et celles de ceux qui m’entourent, chaque fois que j’ose les toucher doucement, la joie et la paix m’envahis-
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sent comme jamais je n’aurais osé le rêver. Parfois, j’étais assis, en silence, acceptant ma solitude ; parfois j’écoutais simplement un inconnu me parler de son angoisse, ou j’attendais avec une femme abandonnée que la mort vienne la libérer, parfois je regardais, en silence, avec un ami, une œuvre de Rembrandt, parfois je pleurais auprès de quelqu’un qui n’avait pas peur de moi. Si souvent, Seigneur, je me suis évadé vers des refuges sûrs — dans les hauteurs, majestueux, prestigieux, bien visibles. Mais bien souvent, j’y ai ressenti une étrange solitude, comme si ceux qui m’entouraient étaient devenus des fantoches et toi, un étranger lointain. Mais chaque fois que j’ai choisi de revenir à ton cœur, mon cœur se mettait à devenir brûlant en moi et j’étais rempli d’une indéfinissable paix, une paix sortant des plaies que je touchais. Tu m’appelles toujours plus près de ton cœur ouvert, Seigneur Jésus, c’est là que tu veux me faire goûter la vraie joie et la vraie paix. Peu à peu je prends conscience que, dans ton cœur, voir et ne pas voir, entendre et ne pas entendre, toucher et ne pas toucher ne sont pas contradictoires. À Thomas qui a entendu ta voix, vu tes blessures et touché ton côté transpercé tu dis : « Parce que tu m’as vu, tu as cru ; bienheureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru. » Là, Seigneur, est le mystère de ton amour. Je ne t’ai pas vu et pourtant je te vois chaque fois que je regarde le
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cœur meurtri de mes frères, les hommes. Je ne t’ai pas entendu, et pourtant je t’entends vraiment chaque fois que j’entends les cris d’hommes, de femmes et d’enfants qui souffrent.
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Pouvoir, faiblesse et puissance Introduction Quand, du haut d’un avion, on regarde les vastes paysages — les rivières, les lacs et les montagnes — et qu’on voit les routes qui serpentent et les petits villages éparpillés, on se demande pourquoi il est si difficile pour les hommes de vivre ensemble en paix sur notre terre. Les astronautes, en voyant notre planète bleue depuis leur navette spatiale, étaient si bouleversés par sa beauté qu’il leur semblait impossible de croire que ses habitants puissent mettre leur énergie à détruire leurs maisons et à s’entretuer, à se faire la guerre ou à s’exploiter. La distance nous aide quelquefois à avoir une vision plus juste de notre condition humaine et à nous poser quelques bonnes questions ! Moi aussi je voudrais regarder notre monde de haut, non pas de la distance physique d’un avion ou d’une navette spatiale, mais de la distance spirituelle de notre foi. Je voudrais nous regarder, nous les êtres humains, de haut, avec les yeux de Dieu. Jésus a tou-
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jours regardé la condition humaine d’en haut et il a essayé de nous apprendre à regarder comme lui. « Je suis venu d’en haut, dit-il, et je veux que vous renaissiez d’en haut, afin que vous puissiez voir avec de nouveaux yeux. » C’est ça la théologie. C’est regarder la réalité avec les yeux de Dieu. Il y a tant de choses à regarder : la terre et les cieux, le soleil, les étoiles et la lune, les femmes, les hommes et les enfants, les continents, les pays, les villes et les villages et d’innombrables situations du passé, du présent et du futur. Et c’est pourquoi il y a tant de « théologies ». L’Écriture Sainte nous aide à regarder la richesse et la variété de tout ce qui existe avec les yeux de Dieu et à discerner des règles de vie. Je voudrais vous proposer une théologie de la faiblesse. Je voudrais regarder avec les yeux de Dieu l’expérience de nos brisures, de nos limites, de nos blessures et de notre fragilité, comme Jésus nous l’a appris, dans l’espoir qu’une telle vision nous montrera comment cheminer en sécurité sur cette terre. Je mettrai l’accent sur trois mots : pouvoir, faiblesse et puissance. Je vais d’abord examiner le pouvoir qui opprime et détruit. Puis je voudrais montrer comment ce pouvoir est désarmé par la faiblesse ; et finalement, je voudrais proclamer la véritable puissance qui libère, réconcilie et guérit.
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Le pouvoir Quand Dieu regarde notre monde, il pleure. Dieu pleure parce que la soif du pouvoir s’est emparée de l’esprit humain et l’a corrompu. Au lieu de la reconnaissance, on trouve le ressentiment ; au lieu de louanges, la critique ; au lieu du pardon, la vengeance ; au lieu de la guérison, les blessures ; au lieu de la compassion, la compétition ; au lieu de la coopération, la violence, et au lieu de l’amour, on trouve une peur terrible. Dieu pleure quand il regarde notre magnifique planète et voit les milliers de corps mutilés gisants sur les champs de bataille, les enfants abandonnés errants dans les rues des grandes villes, les prisonniers enfermés derrière des grilles et des murs épais, les malades mentaux, hommes et femmes, perdant leur temps dans de grandes institutions et les millions de gens mourant de faim et de dénuement. Dieu pleure parce qu’il ne peut pas nous forcer à rester près de lui. Dieu pleure parce qu’il connaît l’agonie et l’angoisse que nous avons nous-mêmes suscitées, en voulant prendre en main nous-mêmes notre destinée et en regardant les autres avec arrogance. Quand nous regardons autour de nous et à l’intérieur de nous avec les yeux de Dieu, il n’est pas difficile de voir la soif de pouvoir qui envahit tout. Pourquoi les Serbes massacrent-ils les Musulmans ? Pour-
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quoi les Protestants et les Catholiques se lancent-ils des bombes ? Pourquoi le Président du Sri Lanka a-til été assassiné, un ancien Premier Ministre belge enlevé, et pourquoi le chef du gouvernement français s’est-il suicidé ? Regardons à l’intérieur de notre cœur ! Est-ce que nous ne sommes pas constamment préoccupés de savoir si nous sommes bien vus ou non, appréciés ou non, félicités ou non ? Est-ce que nous ne sommes pas toujours en train de nous demander si nous sommes meilleur ou pire, plus fort ou plus faible, plus rapide ou plus lent, que notre voisin. Est-ce que, depuis l’école primaire, nous ne considérons pas la plupart de nos frères humains comme des rivaux dans la course au succès, à la richesse et à la célébrité ? Et… ne sommes-nous pas si peu sûrs de nous-mêmes que nous nous cramponnons à n’importe qui, n’importe quelle forme de pouvoir qui nous permet de contrôler un tant soit peu ce que nous sommes, ce que nous faisons, et où nous allons ? Quand nous acceptons de regarder avec les yeux de Dieu, nous découvrons rapidement que ce qui se passe en Bosnie, en Afrique du Sud, en Irlande ou à Los Angeles n’est pas si loin que ça de notre propre cœur. Dès que notre sécurité nous semble menacée, nous nous jetons sur le premier bâton ou fusil venu, et nous disons que notre survie est la seule chose qui compte, même si c’est au détriment de milliers d’autres.
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Je sais bien ce qui me sert de trique ou d’artillerie lourde : ce peut être un ami un peu influent ; ou bien l’argent, ou un diplôme, ou un petit talent que les autres n’ont pas, ou un savoir particulier, ou une certaine rancune, ou même un regard glacé… Et je m’en sers tout de suite, et sans guère d’hésitation, quand j’en ai besoin pour rester maître de la situation. Et avant même d’en prendre conscience, j’ai fait le vide autour de moi. Dieu nous regarde et pleure, parce que chaque fois que nous utilisons notre pouvoir pour nous donner un sentiment d’importance, nous nous séparons de Dieu et les uns des autres, et nos vies deviennent « diaboliques », dans le sens littéral de ce mot : « qui divise ». Mais il y a quelque chose de pire que le pouvoir économique et politique, c’est le pouvoir religieux. Quand Dieu regarde notre monde, Dieu non seulement pleure, mais il se met en colère ; en colère parce que beaucoup de ceux qui prient, rendent grâce et disent : « Seigneur, Seigneur », sont aussi corrompus par le pouvoir. Dans sa colère, Dieu dit : « Ce peuple m’honore seulement de ses lèvres, et leur cœur est loin de moi. Leur déférence envers Moi ne vaut rien ; les leçons qu’ils enseignent ne sont que des commandements humains » (Is 29, 13). Le pouvoir le plus insidieux, diviseur et blessant est celui qui se veut au service de Dieu. Je suis confondu
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du nombre de personnes qui ont été blessées par la religion. Un mot peu aimable d’un ministre ou d’un prêtre, une remarque critique sur un certain style de vie, un refus d’accueillir des gens à sa table, une absence au moment d’une maladie ou d’un décès, et d’innombrables autres blessures, restent plus souvent dans la mémoire des gens que d’autres rejets humainement habituels. Des milliers d’hommes et de femmes séparés ou divorcés, beaucoup d’homosexuels ou de lesbiennes, et tous les sans-abris qui, dans les églises, se sentent rejetés de leurs frères et sœurs de la famille humaine, tous ceux-là se sont détournés de Dieu parce qu’ils ont senti l’utilisation du pouvoir alors qu’ils attendaient un geste d’amour. L’influence dévastatrice du pouvoir dans les mains du peuple de Dieu est très claire quand nous pensons aux croisades, aux pogroms, aux politiques d’apartheid, et à la longue histoire des guerres de religion jusqu’à nos jours, mais il est sans doute plus difficile de réaliser que beaucoup de mouvements religieux contemporains sont le sol fertile qui donne ces immenses tragédies humaines. En ces jours de grande incertitude économique et politique, l’une des plus grandes tentations est d’utiliser notre foi comme moyen d’exercer un pouvoir sur les autres, et par conséquent, de remplacer les commandements de Dieu par les commandements de l’homme.
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Il est facile de comprendre pourquoi tant de gens se sont détournés, dégoûtés de tout ce qui peut avoir un rapport avec la religion. Quand on se sert du pouvoir pour proclamer une bonne nouvelle, la bonne nouvelle devient très rapidement une mauvaise, une très mauvaise nouvelle. Et c’est cela qui met Dieu en colère. Mais Dieu ne regarde pas seulement le monde avec tristesse ou colère. Dieu est miséricordieux, et sa miséricorde est plus grande que sa tristesse et sa colère. Comme dit le psalmiste : « La colère de Dieu ne dure qu’un instant » (Ps 30, 5). Dans sa très grande miséricorde, Dieu choisit de désarmer le pouvoir du mal par la faiblesse, la faiblesse de Dieu Lui-même.
La faiblesse Quelle a été et quelle est la réponse de Dieu au pouvoir diabolique qui dirige le monde et détruit les hommes et leur terre ? Dieu a choisi la faiblesse. Dieu a choisi d’entrer dans l’histoire des hommes dans la faiblesse absolue. Ce choix divin est au cœur de la foi chrétienne. En Jésus de Nazareth, le Dieu sans aucun pouvoir est apparu au milieu de nous pour démasquer l’illusion du pouvoir, pour désarmer le prince des ténèbres qui dirige le monde et pour réunir la race humaine divisée dans une nouvelle unité.
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C’est à travers une faiblesse totale que Dieu nous montre sa miséricorde divine. Ce choix radical, divin, est le choix qui va nous révéler la gloire, la beauté, la vérité, la paix, la joie, et par-dessus tout, l’amour, dans et à travers cet abandon complet du pouvoir. C’est très dur, sinon impossible pour nous, de comprendre ce mystère divin. Nous prions le Dieu Tout-Puissant, mais il n’a ni pouvoir ni puissance, celui qui nous révèle Dieu en disant : « Qui me voit, voit le Père. » Si nous voulons vraiment aimer Dieu, nous devons regarder l’homme de Nazareth dont la vie a été une vie enveloppée de faiblesse. Et sa faiblesse ouvre pour nous le chemin du cœur de Dieu. Les gens qui ont du pouvoir n’invitent pas à l’intimité. Nous avons peur des gens qui ont un pouvoir : ils peuvent nous contrôler et nous forcer à faire ce que nous ne voulons pas faire. Nous craignons les gens qui ont un pouvoir : ils ont ce que nous n’avons pas et peuvent donner, ou refuser de donner, selon leur bon plaisir. Nous envions les gens qui ont un pouvoir : ils peuvent se permettre d’aller où nous ne pouvons pas aller, et de faire ce que nous ne pouvons pas faire. Mais Dieu ne veut pas que nous ayons peur, que nous nous éloignions, ni que nous soyons envieux. Dieu veut se faire proche, très proche, si proche que nous pouvons nous reposer dans l’intimité de Dieu comme des enfants dans les bras de leur mère.
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C’est pourquoi Dieu s’est fait petit bébé. Qui peut avoir peur d’un petit bébé ? Un tout petit bébé est totalement dépendant de ses parents, de ceux qui prennent soin de lui. Oui, Dieu a voulu devenir si faible qu’il ne pouvait ni manger ni boire, ni marcher ni parler, sans l’aide des autres. Oui, Dieu a voulu dépendre des hommes pour grandir et vivre parmi nous, et proclamer la Bonne Nouvelle. Oui, en vérité Dieu a choisi de devenir si faible que la réalisation de la mission même de Dieu parmi nous dépend entièrement de nous. Comment peut-on avoir peur d’un bébé qu’on berce dans les bras ? Comment peut-on craindre un bébé qui est si petit et si fragile ? Comment peut-on envier un bébé qui ne sait que sourire devant votre tendresse ? C’est le mystère de l’Incarnation. Dieu s’est fait homme, en tout semblable aux hommes, pour renverser les murailles du pouvoir par sa faiblesse. C’est l’histoire de Jésus. Et comment s’est terminée cette histoire ? Sur une croix, où le même homme a été suspendu, nu avec des clous dans les mains et dans les pieds. La faiblesse de la crèche est devenue la faiblesse de la croix. Les gens se moquent de lui, ricanent, lui crachent au visage et crient : « Il en a sauvé d’autres, il ne peut pas se sauver lui-même. Il est le roi d’Israël, qu’il descende de la croix maintenant, et nous croirons en lui » (Mt 27, 42). Il est pendu là, la chair déchirée par les fouets gar-
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nis de plomb, le cœur brisé par la trahison de ses amis et les outrages de ses ennemis, l’esprit torturé par l’angoisse, l’âme enveloppée dans les ténèbres de l’abandon… Faiblesse totale, impuissance totale. C’est ainsi que Dieu a choisi de nous révéler l’amour divin, de nous faire revenir à lui dans un embrassement de compassion, et nous convaincre que sa colère s’est fondue dans une miséricorde infinie. Mais il y a encore autre chose à dire sur la faiblesse de Dieu telle que nous la révèle Jésus de Nazareth. Il y a non seulement une naissance dans la faiblesse et une mort dans la faiblesse mais encore, aussi étrange que cela puisse paraître, une vie dans la faiblesse. Jésus, l’Enfant de Dieu, sans aucun pouvoir, est heureux dans son impuissance même. Quand, après une longue vie cachée à Nazareth, Jésus commence son ministère, il nous donne son portrait : « Heureux les pauvres », dit-il. Jésus est pauvre, il n’a pas de pouvoir dans la société, il est un marginal. Que peutil sortir de bon de Nazareth ? « Heureux les doux », dit-il. Jésus n’écrase pas le roseau froissé. Il a toujours le souci des petits. « Heureux ceux qui pleurent », dit-il. Jésus ne cache pas sa douleur, mais laisse couler ses larmes quand son ami meurt et quand il prévoit la destruction de sa bien-aimée Jérusalem.
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« Heureux ceux qui ont faim et soif de justice », dit-il. Jésus n’hésite pas à dénoncer l’injustice, et à défendre les affamés, les mourants et les lépreux. « Heureux les miséricordieux », dit-il. Jésus n’appelle pas à la vengeance, mais guérit toujours et partout. « Heureux les cœurs purs », dit-il. Jésus ne regarde que ce qui est nécessaire, et ne laisse pas diviser son attention par de multiples distractions. « Heureux les artisans de paix », dit-il. Jésus ne regarde pas les différences, mais réconcilie les peuples comme frères et sœurs d’une même famille. « Heureux ceux qui sont persécutés », dit-il. Jésus ne recherche pas le succès ni la célébrité, mais il sait que les trahisons et l’abandon le feront souffrir. Les Béatitudes sont l’autoportrait de Jésus. C’est le portrait du Dieu faible. C’est aussi le portrait que nous apercevons toutes les fois que nous voyons les malades, les prisonniers, les réfugiés, les abandonnés, les victimes d’abus sexuels, les victimes du sida et les mourants. C’est à travers leur faiblesse que nous sommes appelés à devenir frères et sœurs. C’est à travers leur faiblesse que nous sommes appelés à approfondir nos liens d’amitié et d’amour. C’est à travers leur faiblesse que nous sommes mis au défi de poser nos armes, de nous pardonner mutuellement et de faire la paix. Et c’est leur faiblesse qui nous rappelle constamment les paroles de Jésus : « Insen-
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sés, n’est-il pas nécessaire de souffrir pour entrer dans la gloire ? » En vérité, la faiblesse de Dieu et la faiblesse de la condition humaine, que Dieu a voulu partager, sont devenues la porte d’entrée de la maison de l’Amour.
La puissance Notre monde est gouverné par des puissances diaboliques qui divisent et détruisent. Dans et par la faiblesse de Jésus, Dieu désarme ces puissances. Cependant, ce mystère nous conduit à une nouvelle, et très difficile, question : comment vivre en ce monde comme témoins d’un Dieu faible, et bâtir le Royaume d’amour et de paix ? Est-ce que la faiblesse signifie que nous sommes condamnés à être les paillassons de notre société avide de pouvoir ? Est-ce que la faiblesse signifie qu’il est bien d’être mou, passif, effacé… en laissant toujours les puissances des ténèbres dominer nos vies ? Est-ce que ça signifie que la faiblesse économique, la faiblesse politique, la faiblesse physique et psychique, sont soudain devenues des vertus ? Est-ce que ça signifie que les gens qui ont peu d’éducation, qui sont peu organisés et peu préparés à leurs tâches peuvent maintenant se vanter de leur pauvreté comme d’une bénédiction qui réclame leur reconnaissance ? Quand
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nous lisons les paroles de Paul : « Ma faiblesse est ma force » (2 Co 12, 9), croyez-vous qu’il s’agit d’être comme une poule mouillée qui se sert de son manque de confiance en elle-même comme argument pour proclamer l’Évangile ? Nous touchons ici un des pièges les plus dangereux de la théologie de la faiblesse. Si nous ne pouvons nous libérer des pouvoirs aliénants du monde qu’en étant esclaves de la faiblesse, il vaut mieux rester du côté de Satan que du côté de Dieu. Si une théologie de la faiblesse devient une théologie pour poules mouillées, alors une telle théologie n’est qu’une excuse confortable à l’incompétence, à la soumission passive, le dénigrement de soi-même, et les défaites en tout genre ! C’est loin d’être une possibilité théorique. Il arrive souvent qu’on considère la pauvreté, matérielle, intellectuelle et spirituelle, comme un privilège divin : il arrive souvent qu’on évite ou repousse une aide médicale ou psychologique efficace, parce qu’on croit qu’il vaut mieux souffrir pour Dieu que ne pas souffrir ; il arrive souvent qu’on méprise un planning précis, des collectes de fonds musclées et des prévisions d’avenir intelligentes, parce que tout cela serait un manque de fidélité envers un idéal de pauvreté. Il est souvent arrivé qu’on ait une vue romantique des malades, des pauvres, des handicapés et de tous ceux qui souffrent, considérés comme
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les enfants privilégiés de Dieu, sans qu’on fasse grand-chose pour les libérer de leur sort. Nietzsche a critiqué, à juste titre, une certaine théologie de la faiblesse. Pour lui, c’était une théologie qui maintenait le pauvre dans sa pauvreté, et donnait aux responsables de l’institution religieuse un moyen de garder leurs « fidèles » dans un état d’obéissance servile. En vérité, il y a une spiritualité de la faiblesse, de l’impuissance, de la petitesse, qui peut être extrêmement dangereuse, surtout entre les mains de ceux qui se sentent appelés à parler et à agir au nom de Dieu. À propos de ceux-là, Jésus a dit : « Ils lient des fardeaux pesants et difficiles à porter et les mettent sur les épaules des hommes, mais ils ne veulent pas les remuer du doigt » (Mt 23, 4). Une théologie de la faiblesse nous met au défi de regarder la faiblesse, non comme une faiblesse selon le monde, qui fait que nous sommes manipulés par les puissants de la société et de l’Église, mais comme une dépendance totale et inconditionnelle vis-à-vis de Dieu, dépendance qui fait que nous devenons de véritables instruments de la puissance divine, qui guérit les blessures de l’humanité et renouvelle la face de la terre. La théologie de la faiblesse réclame la puissance, la puissance de Dieu, la puissance de l’amour qui transforme tout. En vérité, une théologie de la faiblesse est une théologie qui nous montre un Dieu qui pleure sur la race humaine prise au piège
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des jeux du pouvoir, un Dieu en colère de voir des hommes, se disant religieux, se complaire dans ces mêmes jeux. En vérité, une théologie de la faiblesse est une théologie qui montre comment Dieu démasque les jeux du pouvoir du monde et de l’Église, en entrant dans l’histoire dans une impuissance totale. Mais une théologie de la faiblesse veut, en définitive, montrer que Dieu dans son immense miséricorde nous offre le pouvoir divin de marcher sur cette terre avec confiance, la tête haute. Dieu est puissant. Jésus n’hésite pas à parler de la puissance de Dieu. Il dit : « En vérité, je vous le dis, il y en a certains ici qui ne goûteront pas la mort avant d’avoir vu le Royaume de Dieu venir avec puissance » (Mt 9, 2). Partout où Jésus passait, les gens faisaient l’expérience de la puissance divine, et Luc écrit : « Tout le monde dans la foule essayait de le toucher, parce qu’une force sortait de lui qui les guérissait tous » (Lc 6, 19). Quand une femme qui souffrait d’hémorragies depuis douze ans a touché la frange du manteau de Jésus, confiante que Jésus allait la guérir, Jésus a dit : « Quelqu’un m’a touché, j’ai senti qu’une force était sortie de moi » (Lc 8, 46). Jésus était rempli de la puissance de Dieu. Jésus a manifesté son pouvoir de pardonner les péchés, le pouvoir de guérir, le pouvoir de rappeler à la vie, oui, tous les pouvoirs. Ses derniers mots à ses amis expriment encore cette conviction. Il dit : « Tout pouvoir
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m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc, de toutes les nations faites des disciples » (Mt 29, 12.19). À qui demande, il donne son pouvoir. Dans et par Jésus, le Pauvre, Dieu veut nous donner sa puissance, nous donner le pouvoir que Jésus avait et nous envoyer : chasser les démons, guérir les malades, rappeler les morts à la vie, réconcilier les ennemis, créer communauté et construire le Royaume de Dieu. Une théologie de la faiblesse est une théologie de transformation en la puissance de Dieu. Ce n’est pas une théologie de poules mouillées, mais une théologie pour des hommes et des femmes qui réclament, pour eux-mêmes, la puissance de l’amour qui les libère de la peur et leur permet de mettre leur lumière sur un piédestal et de travailler aux œuvres du Royaume. Oui, nous sommes pauvres, doux, nous pleurons, nous avons faim et soif de justice, nous sommes miséricordieux, nous avons le cœur pur, nous sommes artisans de paix et toujours persécutés dans un monde hostile. Mais nous ne sommes pas des poules mouillées, ni des paillassons. Le Royaume des cieux est à nous, la terre est notre héritage. Nous sommes consolés, rassasiés, pardonnés, nous sommes les enfants de Dieu et nous voyons Dieu. C’est cela la puissance, la vraie puissance, la puissance qui vient d’en haut. Ce mouvement de pouvoir à puissance à travers la faiblesse, c’est ce à quoi vous et moi sommes appelés.
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Comme nous sommes des hommes craintifs, anxieux, insécurisés et blessés, nous sommes constamment tentés de nous agripper au petit bout de pouvoir que le monde autour de nous peut nous offrir, à droite ou à gauche, ici ou là, à un moment ou un autre. Ces petits bouts de pouvoir font de nous des marionnettes qui gigotent au bout de leurs ficelles jusqu’à leur mort. Mais, si nous osons être baptisés dans la faiblesse, si nous nous rapprochons toujours des pauvres qui n’ont même pas le moindre pouvoir, nous serons plongés droit dans le cœur de la miséricorde infinie de Dieu et nous serons libres de retourner dans notre monde avec la même puissance divine que Jésus, et nous pourrons marcher dans la vallée des larmes et des ténèbres, en communion constante avec Dieu, la tête haute, debout avec confiance pour porter la croix de notre vie. C’est cette puissance qui engendre des responsables pour nos communautés, des hommes et des femmes qui osent prendre des risques et de nouvelles initiatives. C’est cette puissance qui nous permet d’être non seulement doux comme des colombes, mais aussi rusés comme des serpents, quand nous traitons avec les gouvernements ou les Églises. C’est cette puissance qui nous permet de parler franchement et sans hésitation avec les gens qui ont des ressources financières, qui nous permet d’appeler des hommes et des femmes à un service radical, qui nous permet d’inviter
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les gens à s’engager à long terme, et qui nous permet de continuer d’annoncer la Bonne Nouvelle partout et toujours. C’est cette puissance divine qui fait les saints, sans peur, qui peut tout renouveler.
Conclusion Y a-t-il des moyens de progresser toujours du pouvoir qui divise à la puissance qui unit, du pouvoir qui détruit à la puissance qui guérit, du pouvoir qui paralyse à la puissance qui fait agir ? Je vous en suggère trois. Trois moyens de regarder « d’en haut » avec les yeux de Dieu. Le premier moyen est de toujours fixer nos yeux sur les pauvres de ce monde. Nous ne devons pas cesser de nous demander : « Où sont les hommes, les femmes et les enfants qui attendent notre aide ? » La pauvreté sous toutes ses formes, physique, intellectuelle ou psychologique, ne diminue pas. Au contraire, les pauvres sont partout autour de nous, plus que jamais. À mesure que les puissances des ténèbres montrent leurs hideuses intentions, le cri des pauvres devient de plus en plus fort et leur misère de plus en plus visible. Il faut toujours rester à l’écoute, toujours regarder. Le second moyen est d’avoir confiance que Dieu prendra vraiment soin des pauvres qu’il nous confie.
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Nous aurons l’aide financière, psychologique et physique dont nous aurons besoin, au moment où nous en aurons besoin, exactement ce dont nous aurons besoin. Je suis convaincu qu’il y a beaucoup de gens prêts à aider en argent, en temps ou en talents. Mais ces personnes resteront invisibles si nous n’osons pas prendre de nouveaux risques. Si nous voulons assurer tous nos arrières avant d’avancer, il ne se passera rien d’excitant, mais si nous osons prendre quelques risques fous parce que Dieu nous demande de le faire, beaucoup de portes, auxquelles nous n’aurions même pas pensé, s’ouvriront devant nous. Le troisième moyen est le plus dur. Il consiste à se laisser surprendre non plus par la souffrance, mais par la joie. En vieillissant, nous aurons à étendre les bras, à être conduit à des endroits où nous ne voudrions pas aller. Ce qui était vrai pour Pierre sera vrai pour nous aussi. La souffrance nous attend, beaucoup de souffrance, une souffrance qui ne cessera de nous laisser croire que nous avons fait le mauvais choix, et que les autres ont été plus malins que nous. Mais ne vous laissez pas surprendre par la souffrance. Laissez-vous surprendre par la joie, par la petite fleur si belle au milieu du désert aride, et laissez-vous surprendre par l’immense pouvoir de guérison qui ne cesse de jaillir comme une source d’eau vive du plus profond de votre souffrance. Et ainsi, les yeux fixés sur les pauvres, le cœur confiant que nous aurons toujours ce qu’il nous faut,
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et l’esprit toujours surpris par la joie, nous serons vraiment puissants et nous traverserons cette vallée des ténèbres en accomplissant des miracles parce que c’est la puissance de Dieu qui se manifestera à travers nous, où que nous allions et quelles que soient les personnes que nous rencontrerons. Je vais terminer avec une petite histoire, l’histoire de John et Sandy. John et Sandy sont deux personnes très simples. Nous avons tous des « John » et des « Sandy » parmi nous. Un jour, John a dit à Sandy : « Nous ne nous sommes jamais disputés. Disputonsnous, comme font les autres. » Sandy a demandé : « Mais comment on fait pour se disputer ? » John a répondu : « C’est très simple, je prends une brique et je dis : Elle est à moi. Alors tu dis : Non, elle est à moi. Et alors on se dispute. » Ils se sont installés et John a pris une brique et il a dit : « Cette brique est à moi. » Sandy l’a regardé gentiment et a dit : « Eh bien, si elle est à toi, garde-la. » Et ainsi, ils n’ont pas pu se disputer. Tant que nous gardons des briques entre nos mains, et parlons de ce qui est à moi et de ce qui est à toi, notre petit jeu du pouvoir se transforme rapidement en grands jeux du pouvoir, et nos grands jeux du pouvoir conduiront à la haine, à la violence et à la guerre. Si nous regardons d’en bas la vie, nos peurs et nos insécurités nous poussent à agripper des briques tant que nous pouvons. Mais quand nous osons lâcher nos briques, vider nos mains et les lever vers
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Celui qui est notre véritable refuge et notre vraie forteresse, notre pauvreté nous ouvre à recevoir la puissance d’en haut, la puissance qui guérit, la puissance qui sera une vraie bénédiction pour nous-mêmes et pour notre monde.
Table des matières
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 1. Réflexions sur la compassion . . . . . . . . . . . . . . . 7 Des êtres de compétition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Un Dieu compatissant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Un ministère de compassion . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 Manifester la compassion de Dieu . . . . . . . . . . . . . 17 Un ministère de la présence . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 Un ministère de l’absence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
2. Cœur à cœur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 « Venez à moi… » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 D’un coup de lance… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34 « Regarde mes mains… » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
3. Pouvoir, faiblesse et puissance . . . . . . . . . . . . . 49 Le pouvoir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51 La faiblesse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55 La puissance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66
Achevé d’imprimer le 15 avril 2004 (2e édition) sur les presses de l’imprimerie Bietlot, à 6060 Gilly (Belgique)
La compassion
Henri J.M. Nouwen (1932-1996) est né aux Pays-Bas où il a été ordonné prêtre en 1957. Après avoir enseigné la théologie à l’université d’Utrecht, à Notre-Dame (Indiana), à Yale et à Harvard, il a choisi de vivre avec des personnes handicapées mentales dans un foyer de l’Arche. Il est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages de spiritualité dont Le Retour de l’enfant prodigue.
Henri Nouwen
La compassion
La compassion
Qu’il s’agisse de la compassion de Dieu pour nous, ou de nous-mêmes envers nos frères, Henri Nouwen trouve les mots qui touchent le cœur, délivrent de la culpabilité et apportent l’espérance. « Écouter implique notre participation. Nous devons écouter avec tout ce que nous sommes. Que l’autre sache que nous sommes vraiment là pour lui. Écouter l’histoire de l’autre veut simplement dire que nous devons écouter avec nos tripes, avec notre cœur, notre être, de sorte que l’autre puisse vraiment dire que nous sommes une personne et que nous sommes avec lui. Faisant cela, nous révélons la grande compassion de Dieu » (p. 18-19, extraits).
Henri Nouwen
Vie spirituelle
9 782873 562878
fidélité
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ISBN : 2-87356-287-0 Prix TTC : 7,95 €
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