Tous les faits que j’ai décrit sont bien réels. S’agit-il de chance, de hasard, d’arnaque, de psycho… ? Les premières fois que j’écoutais ce genre de témoignages, je me disais : “Que c’est beau ! Mais… ce n’est pas pour moi. Il a eu de la chance ou c’est une sorte de chouchou de Dieu. Mais c’est comme au Lotto : c’est toujours les autres qui gagnent et jamais moi.” Et s’il ne s’agissait pas de cela ? Après tout, peut-être que Dieu existe, qu’il nous aime, nous conduit… ? Sans doute appelle-t-il ses enfants à répandre son feu d’amour sur la terre ? C’est ce que je crois. » Ingénieur agronome, Dany Cassalaco, 38 ans, est marié et père de trois enfants. Reconverti en chauffeur de bus à Namur (Belgique), il passe une partie de son tempslibre à témoigner de l’amour de Dieu. Sa bonne humeur communicative et son sens de l’humour retiennent l’attention et touchent les cœurs. Son originalité : mettre ses propres paroles sur des airs connus pour chanter Dieu. Les jeunes apprécient !
9 782873 563127
fidélité /
Dany Cassalaco
c’était donc vrai ! le témoignage d’un rappeur de dieu
ISBN France : 2-915313-39-3 Prix TTC : 11,20 €
9 782915 313390
fidélité /
ISBN : 2-87356-312-5 Prix TTC : 11,20 €
Dany Cassalaco
« Un jour, je revenais du supermarché en vélo. Il me restait un quart d’heure pour me changer et aller prendre mon service. J’avais un peu le cafard. Je me disais : — Allons, Dany ! regarde-toi ! Tu es chauffeur de bus en Belgique. Tu fais tes courses à bicyclette à l’Unic, et tu espères que les stars vont te répondre ? Redescends sur terre, voyons ! Quelques semaines plus tard, la maison de Renaud me répond qu’ils sont d’accord. Pour Eddy Mitchell également. C’était vraiment miraculeux… (…)
c’était donc vrai !
C’était donc vrai !
fidélité /
C’était donc vrai !
Dany Cassalaco
C’était donc vrai ! Le témoignage d’un rappeur de Dieu
fidélité /
Dessin de couverture : © Etienne Simon. © Editions Fidélité • 61, rue de Bruxelles • BE-5000 Namur • Belgique © Editions de l’Emmanuel • rue de l’Abbé-Grégoire • FR-75006 Paris Maquette et mise en page : Jean-Marie Schwartz ISBN belge : 2-87356-312-5 ISBN français : 2-915313-39-3 Dépôt légal belge : D/2005/4323/10 Dépôt légal français : juin 2005 Imprimé en Belgique
Remerciements Merci à Dominique, mon épouse, à mes enfants Sarah, Damien et Noémie. Merci aussi à mes parents, ainsi qu’à David et Lisette, mes frère et sœur, et toutes les personnes qui m’ont aidé — et m’aident encore — à progresser.
Préface
« Je n’ai pas eu la chance de le rencontrer puisque j’étais absente. Mais tout le monde m’a dit qu’il était génial, super sympa, super marrant, et droit, juste envers ses paroles. J’aurais bien voulu être là pour pouvoir en juger moi-même, mais ça doit être quelqu’un de vraiment génial. » Julie, élève en 4e secondaire (2de en France) « Je n’irai pas jusqu’à dire que je suis convertie, mais j’ai trouvé votre histoire très intéressante. Je trouve que vous êtes un homme humble et droit. Et vous m’avez appris des choses. Vous devriez écrire vos mémoires. Merci beaucoup. » Françoise, 5e secondaire (1re en France) « P.-S. : Si vous voulez, ma mère est écrivain public, vous pouvez la joindre au … » « Suite à votre témoignage, certaines choses se sont éclaircies. Certes, je ne passerai certainement pas du jour au lendemain du parfait athée au parfait chrétien, mais grâce à toi, […] j’ai eu une autre version, qui peut être aussi réaliste que celle que 7
je m’imaginais. Aucun mot ne suffirait sans doute pour expliquer ce que j’ai ressenti, je t’en remercie. » Hervé, 4e secondaire * Bon, d’accord ! Il y a aussi des mots d’indifférence, de moqueries ou d’insultes. Mais ils ne représentent qu’une très petite minorité des centaines de messages que m’ont écrit des élèves après mes passages d’une heure ou deux dans leurs classes. L’Evangile est donc loin d’être ennuyeux. Au contraire ! S’il y a au moins une chose que je désire vous communiquer, c’est cela, peu importe vos opinions. D’autre part, comme je ne pourrai jamais me rendre dans toutes les écoles, je me suis décidé, sur le conseil de Françoise, à écrire ce livre. Le titre veut dire que tous les faits qui y sont décrits sont réels. Pourtant, vous aurez du mal à y croire par moment, bien qu’il n’y ait aucun événement surnaturel. Considérez donc bien qu’il n’y a ni mensonge ni exagération de ma part. Mais bien entendu, vous êtes parfaitement libres de l’interprétation, et donc du sens à y donner : hasard, chance, choc psychologique… ou tout simplement… Dieu ? Jésus ? Dany
Introduction
U
mon diplôme d’Ingénieur agronome en poche, je n’avais qu’une idée en tête : partir en Afrique, mon principal continent d’origine (mon père est Angolais, et ma mère, mi Belge-mi Burundaise), et y faire carrière. Mais pour cela, il fallait passer une dernière épreuve : une petite formation à l’ex-AGCD pour obtenir le titre officiel de « coopérant ONG ». Je me retrouvai donc en cette fin d’année 1991 avec une vingtaine de jeunes gens prêts pour le grand départ. Surtout ne pas tomber amoureux maintenant ! me répétaisje. Ce n’est pas le moment. Et c’est précisément ce qui arriva. Elle s’appelait Dominique et devait s’envoler au Cameroun. Mais une fois la formation terminée, début 1992, elle changea d’avis : elle ne voulait plus partir. Du moins, pas tout de suite. En plus, la fille qu’elle devait remplacer avait été victime d’une agression quelques jours avant son retour au pays. Comme il devenait évident que nous nous aimions, je dus choisir entre un départ immédiat et Dominique. J’ai fait le bon choix. Nous nous sommes fiancés l’année suivante, et mariés l’année d’après. Nous avons trois enfants, nous nous aimons, tout va bien. Alléluia ! Le problème est que je fus obligé de me recycler. Je suis devenu professeur d’horticulture. Mais la crise d’enseignement NE FOIS
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de 1995 m’envoya au chômage. Je me mis donc à passer des examens tous azimuts et c’est ainsi que je me retrouvai au TEC Namur-Luxembourg comme chauffeur de bus. L’organisation de ce travail (congé tous les quatre jours) convenait à merveille pour l’aventure dans laquelle le Bon Dieu allait m’entraîner.
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1re partie
Chauffeur et chanteur
Les suites d’une nuit blanche
J
en était à sa cinquième tentative de suicide. Il avait à peine dix-sept ans ! J’avais bien essayé de le raisonner, de le consoler… Rien à faire ! Il était trop fasciné par tout ce qu’on voit dans les médias : violence, sexe, argent facile, drogue, etc. Il profitait de n’importe quel prétexte pour se bagarrer, il séchait les cours de plus en plus souvent, vendait de la drogue dans son quartier, en consommait lui-même, avec de l’alcool… Et dire qu’il était d’un naturel si gentil et serviable ! Il ne me restait donc plus qu’à prier. C’est bien sûr ce que j’avais fait depuis le début, mais là, c’était vraiment tout ce qu’il me restait. C’était la nuit et je n’arrivais pas à dormir. — Profites-en pour aller prier, me suggéra mon ange gardien. — Non, non, je suis fatigué… D’ailleurs, tu vas voir, je vais bientôt m’endormir. — Tu sais bien que non… Je quittai donc mon lit pour rejoindre mon coin prière où Jésus et Marie m’attendaient depuis un moment. Pendant que je récitais mon chapelet, je suppliais Jésus que Jean ne meure pas, qu’il ne soit pas une nouvelle victime de cette horrible culture de la mort que dénonce souvent Jean-Paul II. Je répétais : « Non ! il ne mourra pas ! » EAN
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Tout à coup, des mots vinrent dans ma tête sur la mélodie d’un air de Renaud (« Le déserteur »). Ils rimaient et parlaient de Jean et de ma foi en Dieu, tout en utilisant le vocabulaire habituel de ce chanteur. Waouw ! c’était mordant et vachement dévastateur ! J’allais transcrire, mais mon ange gardien me dit que non, qu’il fallait d’abord terminer mon chapelet et seulement ensuite écrire le texte. C’était logique mais risqué. Et si j’oubliais les paroles ? Cependant, il faut toujours obéir à son ange gardien. Donc, je récitai mon chapelet tout en remerciant Jésus et Marie pour ce début de réponse à mes prières. Ouf ! je me souvenais de tout. Le début était très clair, il n’y avait qu’à copier. Mais pour la seconde moitié, c’était plus flou, il fallait chercher. J’étais tellement motivé que je ne voyais pas le temps passer. Je considérais vraiment que cette chanson était le moyen que le Bon Dieu me donnait pour redonner à Jean le goût de vivre. Lorsque le texte fut achevé, je constatai que le jour s’était levé ! J’avais donc passé une nuit blanche pour Dieu et mon ami. J’en fus très ému. Je voulais absolument savoir ce que donnait la chanson. Comme je n’avais pas de micro, j’enregistrai ma voix sur une cassette avec le jouet de ma fille Sarah (deux ans) en utilisant ma chaîne hi-fi et le CD de Renaud comme fond musical. Evidemment, le résultat était médiocre, vu qu’il y avait ma voix et celle de Renaud avec leurs paroles respectives, et beaucoup de bruits parasites. Je me demandais ce qu’en penseraient des adolescents. Je testai d’abord quelques bons amis de longue date, catholiques engagés. Les deux premiers me dirent que j’allais trop loin, que ça pourrait m’apporter des ennuis. Le troisième me conseilla de ne changer qu’un couplet, en insistant plus sur la Miséricorde de Dieu, que sur sa Justice qui fait peur. C’était un
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peu humiliant pour moi de voir que ce qui me semblait être une « révélation » était finalement imparfait. Il y avait du déchet. Sainte Bernadette dit qu’il faut beaucoup d’humiliation pour faire un peu d’humilité. Et Dieu a un grand faible pour cette vertu-là. Je choisis donc d’obéir et je modifiai le couplet en question. L’inspiration me revint alors très facilement et me fit parler de mes propres erreurs et du doux pardon de Jésus. Je fis écouter cette dernière version à une autre amie, croyante elle aussi. Elle me dit spontanément que son passage préféré était l’avant-dernier. C’était celui que j’avais corrigé. Je sus alors que ma chanson était prête. Je me rendis chez Benoît (quinze ans). Il ne va pas à la messe, mais je sais qu’il prie de temps en temps. Il ne dit rien de particulier en entendant la cassette. Mais quelques jours plus tard, il vint chez moi en disant : — J’ai acheté un logiciel de cent euros 1 pour tenter de supprimer la voix de Renaud et le souffle d’air, pour bien comprendre ta chanson. Je ne m’attendais pas du tout à ce qu’un jeune dépense une somme pareille pour comprendre une seule chanson. Et religieuse en plus. Mais comme il prie, et que ses parents sont très croyants, je me demandais ce qu’en penserait un adolescent « normal » avec des parents « normaux ». J’écris « normal », car il semble naturel aujourd’hui de mener son existence sans Dieu. L’occasion se présenta quelques jours plus tard. J’étais au volant de mon bus. Je n’étais entré aux TEC que depuis quelques mois. Voilà que François, quinze ans, monte et reste près de moi
1. Par souci de facilité à la lecture, tous les prix sont donnés en euros bien que cette monnaie n’existât pas dans les années 1990 [NDLE].
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pour me parler. Je lui parlai directement de Jésus sans transition, en lui parlant de ma chanson. C’était tout ce que j’avais trouvé pour tenter de faire fuir les personnes qui s’attardaient près de moi quand je conduisais. Je me disais : « Soit elles me prennent pour un fanatique et vont s’enfuir dans le fond du bus, soit elles restent et je leur parle de Jésus. » Mais je ne le fais plus, car ça n’a jamais marché. Jamais on ne s’est enfui en entendant ce Nom-là. François non plus. En fait, il aimait bien Renaud et il avait malencontreusement assisté à l’une des tentatives de suicide de Jean, et ça l’avait marqué. Bref, nous voilà partis dans une grande conversation sur Dieu, le Bien, le Mal, la Vie, la Mort… Lorsqu’il arriva à destination, nous n’avions pas fini. Il me proposa donc un rendez-vous chez moi pour continuer. J’acceptai par politesse tout en me disant qu’il oublierait bien vite et ne viendrait sûrement pas. Mais il était bien là le jour convenu. C’était un mercredi. Nous parlions depuis une heure quand il me dit : — Mais je ne suis même pas baptisé. Mes parents m’ont expliqué qu’ils voulaient que je sois libre de choisir ma religion quand je serais assez grand. — Ben, fais-toi baptiser alors ! — Non, parce que je ne veux pas d’un baptême de façade. Si je le fais, il faudra que ce soit pour de vrai ; donc je devrai prier, aller à la messe, donner une bonne aumône aux pauvres… Et je ne me sens pas du tout la force de faire tout ça. — Justement ! Dieu, qui a fait le ciel et la terre et tout ce qu’ils contiennent, va venir Lui-même en toi lors de ton baptême. Tu auras donc largement la force de faire tout ce que tu viens de dire. Il prit gentiment congé de moi et s’en alla. Quatre jours plus tard, le dimanche, je me mis à ressentir du trac. Car le lendemain, je devais témoigner dans un collège
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d’Uccle, devant des élèves d’environ seize ans. C’était la première fois que j’allais faire cela tout seul et ça m’angoissait un peu. Je dis donc à Jésus : — Ecoute, Seigneur, j’ai le trac. Alors, si Tu pouvais me donner un petit signe d’encouragement… Bien sûr, Tu es libre… Mais ce serait quand même sympa de Ta part. Quelques instants plus tard, on sonne à la porte : c’était François : — Je voulais que tu sois la première personne à en être avertie, à part mes parents. Suite à notre conversation, je me suis senti poussé à aller trouver l’aumônier de mon école et à lui demander de me préparer au baptême ! Alors voilà, je t’invite avec toute ma classe à la messe de mon baptême, qui aura lieu en août dans mon école. Pour m’y préparer, je vais à la messe un dimanche sur deux, je lis un petit passage de l’Evangile et je prie avant de dormir, et j’aide de mon mieux un ou deux mendiants. Waaah ! ça, c’est une réponse, Seigneur ! Et rapide en plus ! Mais surtout, c’est tellement beau de voir cet élan tout frais dont est capable notre jeunesse qu’on pourrait croire si blasée et je m’en foutiste. Je n’en revenais pas. En 1998, à Namur, un garçon de quinze ans allait inviter toute sa classe à une messe pendant les vacances d’été ! Même moi je n’avais jamais osé penser à une chose pareille. Cela me paraissait d’ailleurs trop beau : soit il va changer d’avis en cours de route, soit ce François est bizarre. Ce n’est pas normal. Bien sûr, je ne laissai rien paraître de mes doutes, je le remerciai et le félicitai d’avance. En tout cas, cette nouvelle m’avait gonflé à bloc pour l’évangélisation du lendemain à Uccle. Et de fait, ça c’est super bien passé, mais c’est une autre histoire.
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Le jour du baptême arriva et les camarades de François étaient là (ce qui est remarquable), mais pas tous. Je leur demandai : — Dites, c’est quel genre de gars, François ? — Ah ! c’est quelqu’un de très sympa. On rigole bien avec lui, et parfois même on chahute au cours de religion. Et justement, on ne comprend pas pourquoi un gars comme lui s’est fait baptiser ! Il nous a expliqué sa rencontre avec vous et l’aumônier, mais on n’a toujours pas compris. J’aurais bien voulu leur expliquer, mais ils se sont alors poliment éclipsés. Peut-être avaient-ils peur de « se faire avoir ». Eh oui ! il est communément admis de nos jours qu’une personne « normale » et « bien dans sa peau » ne peut en aucun cas s’intéresser à Dieu. Ou « pire », se convertir au point de demander le baptême tout en invitant tous ses amis en pleines vacances. A moins, bien sûr, de s’être fait plus ou moins manipuler. D’où méfiance, danger ! Le comble est qu’il y a effectivement une manipulation, mais dans l’autre sens. Presque tout ce que nous voyons et entendons aujourd’hui nous éloigne de Dieu. Il n’empêche que j’étais sur un petit nuage : un jeune dépense cent euros pour ma chanson, et l’autre se fait baptiser. Donc on continue ! A quoi m’attendre ? Comment tout cela va-t-il tourner ? Une des multiples merveilles que j’avais apprises en suivant Jésus, c’est qu’il faut s’attendre à tout. Il ne faut exclure aucune option. Faire table rase des préjugés les plus évidents. Surtout en ce qui concerne le « possible » et « l’impensable ». En fait, la meilleure attitude est d’être ouvert à toute éventualité, joyeuse, douloureuse ou glorieuse, avec un égal bonheur : celui d’aimer Jésus et son prochain.
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J’ai fait écouter la chanson à Jean (entre-temps, il en était arrivé à sa huitième tentative). Il était très honoré que j’aie composé quelque chose sur lui et que ça plaise à d’autres de son âge. L’air lui revenait dans la tête, et il arrêta de se tailler ses bras. Puis il se mit à remonter la pente tant bien que mal.
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Le rap
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UAND Gwenaël, quinze ans, eut fini d’écouter, il me dit :
— J’aime bien les paroles… — (Ouf ! Mais ?) — … mais j’aurais préféré un rap, parce que je n’aime plus trop Renaud. Le rap n’est vraiment pas ma musique préférée, à cause de son caractère répétitif et de son flot continu de paroles. Mais Gwenaël m’avait rappelé que la forme (la mélodie) était aussi importante que le fond (l’Evangile). De plus, on peut dire plus de choses sur cette musique, vu qu’il y a plus de mots. Il fallait donc relever le défi en transformant un rap à la mode. Lequel choisir ? Ceux qui me déplaisaient le moins étaient ceux d’MC Solaar et d’IAM. J’optai pour ce dernier groupe, car quatre ans auparavant, en prenant le métro à Saint-Josse, j’avais entendu une jeune Arabe fredonner leur giga-succès : « Je danse le mia ». Ce qui m’avait frappé, c’était la conviction avec laquelle elle disait : « Je danse le mia » en imitant la voix du chanteur Akénaton. Cela me faisait carrément l’impression d’une prière (dans le vide malheureusement), comme si son existence, son identité même dépendaient de ce rap. Je décidai que mon premier rap s’appellerait : « Je chante alléluia ». La chanson originale évoquait les souvenirs nostalgiques des années 1980 : les soirées qui dégénéraient en ba21
garres, les mecs qui frimaient, les filles qui se faisaient agresser dans les voitures… Or, c’était précisément une grande époque pour moi aussi : celle de ma rencontre avec Jésus, ma redécouverte de l’Eglise, mes premiers pélés (pèlerinages), retraites et témoignages avec des garçons et des filles aussi fous que moi… Je composai donc mon texte sur ce thème-là, en prenant bien-sûr le vocabulaire et la voix d’Akénaton. Ça m’a pris du temps. Il y avait des semaines de « trous » où je suppliais Jésus, suivies de brusques périodes d’inspiration qui survenaient souvent au mauvais moment (soit au volant de mon bus, soit à la maison pendant que Dominique — mon épouse — me parlait). Une fois le texte terminé, il a fallu m’entraîner à rapper. C’était affreux : j’ai vraiment usé les nerfs et la patience de ma fille et de ma femme. On dit que les Noirs ont le rythme dans le sang. Je constatai à quel point je suis une exception à cette règle. Cependant, au bout de quelques semaines, le résultat était potable sans être parfait. Je pouvais donc m’enregistrer avec le jouet de Sarah tout en utilisant la version karaoké du rap comme musique de fond. Le son était aussi nul que celui de ma première chanson, mais j’invitai quand même Gwenaël à écouter ma cassette. Il réagissait à chaque phrase, il était tout content. Ça faisait vraiment plaisir à voir. D’autant plus que mon rap parlait notamment de la prière, de la confession, et de la chasteté, de la fidélité dans le mariage, l’aide aux démunis, et toute la joie qui découle de tout cela. A la fin de la chanson, il me dit qu’il « fallait absolument » que sa sœur Anaïs puisse l’entendre aussi. Il emporta donc ma cassette qui circula un peu dans le voisinage. Anaïs aimait bien, leur mère également, ainsi que d’autres jeunes de la rue. Il m’arrivait d’entendre de mon jardin, le rap d’IAM chanté avec mes
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paroles, quelques maisons plus loin. Un jour, Gwenaël vint me dire : — Mais Dany, tu vas faire un CD, tu vas faire un clip, tu vas passer à la radio, à la télé ? Ce qu’il me demandait là était tout à fait impossible pour deux raisons. La première était évidemment l’argent, car tout cela devait sûrement coûter très cher. La seconde est que dans nos médias, chacun peu parler de tout, absolument de tout, sauf de Dieu et de l’Eglise si c’est pour en dire du bien. Des mots tels que chasteté, confession, virginité, pureté, fidélité… sont interdits (à moins bien sûr d’être tournés en dérision). Cependant, j’avais senti dans son enthousiasme comme un appel de Dieu. Et comme le dit saint Paul, il ne faut pas attrister l’Esprit Saint en Lui disant ce qui est possible et ce qui ne l’est pas. Je me mis donc à envoyer tous les textes que j’avais composés aux maisons d’édition des stars correspondantes. Depuis le début de cette aventure, j’avais copié une vingtaine d’œuvres de la chanson française et anglo-saxonne (Renaud, Goldman, Gottainer, Téléphone, Julien Clerc, Henri Salvador, Balavoine, Eddy Mitchel, Oasis, Puff Daddy…).
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Les stars
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UELQUES SEMAINES plus tard, la maison de Renaud me répond
qu’ils sont d’accord. Pour Eddy Mitchell également. C’était vraiment miraculeux. Pourtant, je dis exactement le contraire de ces chanteurs. Mais ensuite, je n’avais que des réponses négatives, ou pas de réponse du tout (ce qui était le cas pour le rap d’IAM). Un jour, je revenais du supermarché en vélo. Il me restait un quart d’heure pour me changer et aller prendre mon bus. J’avais un peu le cafard. Je me disais : — Allons, Dany ! regarde-toi ! Tu es chauffeur de bus en Belgique. Tu fais tes courses à bicyclette à l’Unic, et tu espères que les stars vont te répondre ? Redescends sur terre, voyons ! Mais, une fois rentré à la maison, le répondeur du téléphone clignotait. Qui était-ce ? C’était Richard Gottainer ! (Une star de la chanson des années 1980). Incroyable ! Il voulait me parler à propos de l’adaptation que j’avais faite de sa célèbre publicité sur les insecticides « Raid ». Il me laissait son numéro à Paris pour que je le rappelle. Pour me dire quoi ? Le temps d’écouter ce message, il ne me restait plus que dix minutes, mais je n’aurais jamais pu conduire sans savoir ce qu’il avait à me dire. Je l’appelai donc immédiatement. Il était là, il était d’accord pour l’adaptation, et m’expliqua quelles seraient nos parts respectives, et les démarches à effectuer. Il était très sympa. Je n’en 25
revenais pas. J’étais en train de discuter affaires avec une star au téléphone. Et tout ça, pour avoir voulu consoler un copain au bord du suicide ! Cela me faisait penser à Jésus qui avait multiplié les cinq pains et deux poissons du garçon pour nourrir la foule de cinq mille personnes. Mais le comble fut atteint lorsque M. Gottainer me demanda : — Mais pourquoi faites-vous cela ? Comme mon adaptation parlait de la prière et de la Vierge Marie, il devait bien se douter de l’usage que j’allais faire de sa publicité. Je ne pouvais faire autrement que de lui parler de Dieu. Je lui expliquai donc que j’avais rencontré Jésus comme une personne vivante. Que depuis ce jour-là j’avais un grand désir de parler de Lui aux jeunes, et qu’à cette fin, une chanson ou une pub valent beaucoup mieux qu’un long discours. — Nobody’s perfect ! [« Personne n’est parfait »] me dit-il aimablement. Je le remerciai vivement de son geste et de son autorisation en lui disant que la plupart des stars avaient refusé ou n’avaient pas répondu. Il me dit que chaque artiste pouvait réagir comme il voulait. Mais que pour sa part, il était ouvert à tout, et que mes paroles ne le dérangeaient pas du tout. Inutile de vous écrire (mais je le fais quand même) que quand je raccrochai, j’étais dans un état second ! Mais alors le genre d’état second où tous les murs semblent disparaître, où tout paraît possible. Une fois changé, je partis prendre mon service.
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Quelques réactions, au travail
A
TOUS les collègues que je croisais, je disais :
— Richard Gottainer m’a téléphoné ! — Gottainer ? Mais pourquoi ? Et j’avais un bon prétexte pour parler de Dieu. Ce qui est vraiment un grand plaisir, surtout lorsque cela vient d’une question que l’on me pose. Et là, j’étais survolté. J’arrive ainsi au bureau d’un de nos chefs. C’est le type même du « bon vivant », appréciant tous les plaisirs du ventre. Lorsqu’il ouvre la bouche pour parler de Dieu ou de l’Eglise, c’est toujours pour s’en moquer, en racontant des blagues du style « les Grosses Têtes », ce qui fait bien rire les collègues tandis que je bats discrètement en retraite. Mais ce jour là, ignorant tous les risques, je débarquai dans son bureau en disant : — Chef, Richard Gottainer m’a téléphoné ! — Pourquoi t’a-t-il téléphoné ? Boum ! Je lui raconte tout : moi, catho, rencontré Jésus vivant, témoigner foi dans les écoles en chantant succès modifiés, jeunes aimer beaucoup, quelques stars d’accord, et même Richard téléphoné moi. Dans mon scénario, le chef aurait rigolé un grand coup, et je serais sorti du champ de bataille la tête haute. Mais il me dit d’un air très sérieux, presque comme un ordre : — Je veux entendre tes chansons ! 27
Je sortis la tête basse et me dirigeai vers mon bus. Tout en démarrant, je me disais : — Aïe aïe aïe, Dany ! Tu as parlé trop vite. Le Pape aurait pu composer toutes tes paroles s’il connaissait le langage familier. Que va dire le chef ? C’est clair, quand il va entendre ça, tu seras la risée de toute la boîte. Qu’est-ce que tu vas faire ? Pendant ma tournée, il me vint l’idée suivante : ne lui passer que le rap. Vu qu’il a à peu près cinquante ans, il n’aimera de toute façon pas ce type de musique. En plus, les paroles défileront trop vite pour lui et il ne comprendra rien, surtout que le son est minable. Dany, tu es un génie ! Donc, quelques jours plus tard, je lui passai la cassette et m’en allai à moitié rassuré. A moitié seulement, car avec Dieu, on ne sait jamais comment les choses vont tourner. Au bout d’une petite semaine, il me convoqua dans son bureau. Ça n’a rien d’extraordinaire. Nous sommes tellement nombreux et il y a tellement de motifs pour se faire appeler par un chef qu’il y a toujours au moins un chauffeur dans ce bureau. Il me dit : — Comme c’était trop rapide, je me suis d’abord acheté un rap normal et je l’ai écouté jusqu’à ce que je comprenne tout. Et ensuite, j’ai réécouté ton rap, j’ai tout compris et j’ai bien aimé. Je l’ai fait écouter à ma femme et aux enfants, je l’ai copiée et je l’écoute le soir, pour me détendre. Mais je suis étonné, je pensais qu’il y avait d’autres chansons. J’ai passé tout le restant de la bande sur les deux faces, et il n’y a rien. Cela m’a tellement surpris que je ne sais plus ce que je lui ai répondu. Mais je lui ai promis de lui passer « l’intégrale » dans les quelques jours. Tout m’avait sidéré dans ce discours. Comment un homme comme lui pouvait-il être motivé par une chanson religieuse au
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point d’entraîner son oreille sur une musique incompréhensible pour lui ? Comment pouvait-il se détendre en entendant parler de prière, pélés, confession, fidélité ? Surtout en utilisant pour cela la copie d’une cassette au son nul. Il aurait été sans doute logique de conclure qu’il voulait se moquer de moi d’une manière plus perfide. Mais Jésus m’avait déjà montré depuis quelques années que « les derniers sont les premiers ». Ce sont souvent les gens auxquels on s’attend le moins qui tout à coup se laissent toucher par ce désir de Le connaître un peu plus. J’étais donc à la fois émerveillé de ce que mon Seigneur était en train de faire, et un peu stressé parce que je sentais que je commençais à perdre pied dans cette histoire. C’est comme le prophète Ezechiel qui était emporté par le torrent qui sort du côté droit du Temple (Ez 47, 1-12). Lorsque je lui passai la cassette, le chef avait les yeux rivés dessus. La journée se déroula normalement. Mais la nuit, au moment de faire le plein de nos véhicules, un collègue vint me parler. — Dany, tes chansons sont géniales ! Tu sais ce qui c’est passé ? — Non. (Quoi encore ?) — Eh bien, nous étions quelques chauffeurs à discuter devant le bureau du chef. Tout à coup, il a ouvert la porte et nous a dit : « Entrez et écoutez-moi ça ! » Et il a appuyé sur « play ». D’abord, on parlait entre nous. Mais au fur et à mesure, nous avons fait de plus en plus silence pour tout écouter. Et j’aime tout ! Et Untel aussi, on voyait bien qu’il était très intéressé. Et tu sais, la chanson que tu dédies à Jean… Comme ça ! J’ai une copine à radio Nostalgie qui a une émission pour les chanteurs débutants qui veulent se faire connaître, tu dois faire un CD…
Dans les classes : la présence de Dieu
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ARALLÈLEMENT à ces événements, j’avais continué mes visites
dans les écoles, aux cours de religion dont les professeurs ou les aumôniers me connaissaient bien. Comme les chauffeurs ont un jour de repos tous les quatre jours, j’avais constamment au moins une journée de libre par semaine. J’allais ainsi à Louvainla-Neuve ou à Dinant. Au début, je ne chantais pas, par manque de confiance dans mes chansons. Je pensais parler très peu et faire débattre les élèves. Mais au moment où je m’arrêtais en leur demandant : « Qu’en pensez-vous ? », il se produisait un curieux phénomène que j’appelle « la présence de Dieu ». C’est difficile à décrire. Il n’y a pas de mots. On est comme suspendu dans le temps, et on a l’impression que si on étend la main, on va toucher Dieu. C’est un manteau de paix qui s’installe tout doucement. On ne s’en rend pas compte immédiatement. Mais à un moment donné, c’est là. Tout le monde se tait dans un silence religieux (au sens le plus fort du mot). Puis un adolescent dit : — Continuez, M’sieur. Et alors on souriait tous. Eux, parce qu’ils allaient entendre d’autres merveilles, et moi, parce que j’allais pouvoir les leur annoncer. Annoncer est vraiment le mot qui convient. Car c’est une simple annonce. On peut en faire ce qu’on veut. Ce n’est pas du tout un discours avec des arguments pour dire : « He ! convertis31
toi ! » Cela se présente plutôt comme un one man show. Je raconte quelques-uns des événements où il me semble que Jésus est clairement intervenu dans ma vie. Mais chacun peut considérer qu’il n’y a là que du hasard ou du psycho. Tout ce que je demande, c’est d’admettre qu’il n’y a là ni mensonge ni exagération. Tout est rigoureusement authentique, même si cela paraît invraisemblable par moments. Je n’emporte ni tracts, ni adresses, je n’invite nulle part, pour éviter tout soupçon du genre : « J’ai compris, il nous séduit pour nous emprisonner dans sa secte ! » Cela se termine soit par des applaudissements, soit par ce silence incroyable (de la part d’ados au cours de religion), soit par : « Restez encore, M’sieur, l’autre prof n’est pas encore là… » Pour mieux connaître le fond de leur pensée, j’ai pris l’habitude de leur demander des réactions écrites, en leur demandant ce qu’ils trouvaient de positif et de négatif. Ces petits mots m’ont évangélisé moi-même. Ils m’ont encore plus rapproché de Jésus et de l’Eglise du ciel et de la terre. Ils m’ont vraiment dilaté le cœur, augmenté ma foi, mon espérance et mon envie d’aimer. Ils m’ont également beaucoup appris et encouragé. J’en ai cité quelques-uns au début, mais je rappelle tout de même que dans leur presque totalité, on y retrouve au moins l’une des expressions suivantes : « Merci, merci beaucoup » ; « J’ai aimé, j’ai bien aimé, j’ai beaucoup aimé, j’ai plus que bien aimé, c’est la première fois que j’ai bien aimé entendre parler de Dieu » ; « J’espère que vous continuerez, j’espère que vous ne vous arrêterez pas, j’espère que vous arriverez au bout de votre quête » ; « Je crois, sache que je te crois, j’y crois, je ne sais pas si on peut vous croire mais vous m’avez convaincue » ; « J’ai prié, oui, moi, j’ai prié… » ;
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« J’ai compris certaines choses… » ; « C’était trop court… » Chaque passage dans une école, dans une classe, est un saut dans l’inconnu le plus total. C’est une aventure ! Je m’abandonne de tout cœur à Jésus. Je prie mon chapelet avant, et, le plus souvent possible, je fais prier des couvents, des prêtres, des personnes pieuses. Ce qui se passe est chaque fois différent. Voici quelques exemples. A Floreffe, j’avais témoigné toute la matinée dans un grand local, devant les diverses classes de mon ami professeur. Quand la récré de midi arriva, je pensais me reposer et manger mes tartines. Mais un élève était resté là, assis, avec un copain. Il me dit, avec un beau sourire : — Rechantez le rap, Monsieur ! Je m’exécutai donc. Je remarquais qu’il me regardait de tous ses yeux, de toute son attention, pour bien retenir chacune des paroles, chacun des gestes. Quand j’eus fini, il dit : — Recommencez, M’sieur ! Je comprenais qu’il tenait absolument à tout retenir, car il n’avait jamais entendu quelque chose de semblable auparavant. Il « m’obligea » donc à chanter quatre fois ! Comme la porte du local était restée ouverte, la musique attira quelques élèves qui discutaient à l’entrée du local. Ces élèves s’installaient de plus en plus nombreux à mesure que l’élève me faisait répéter. Finalement, le local fut complètement plein. Comme les élèves ne partaient pas, je n’avais plus qu’à témoigner à nouveau, jusqu’à la fin de la récré ! L’élève du début était visiblement ravi qu’autant d’élèves soient venus entendre parler de Dieu grâce à lui ! Le professeur m’expliqua plus tard que c’était son élève le plus difficile…
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(Rappel : « Des derniers seront les premiers. ») Quant à moi, je ne pus manger dans cette école ce jour-là, puisqu’après le temps de midi, il fallait témoigner devant d’autres classes. A Dinant, mon amie prof m’avait prévenu que la classe où nous allions (cinquième secondaire) était vraiment très dure. Cette amie ne faisait que subir des moqueries tout au long de l’année. Elle prenait vraiment un risque en m’amenant dans cette « arène ». J’avais bien sûr fait prier les bonnes sœurs. Dès que je commençai, je ressentis tout de suite que l’Esprit Saint était là pour parler en moi. Super ! Malheureusement, je craignais d’être perturbé par un élève, seul, au premier rang, juste en face de moi, qui dessinait un « zombie » genre « hard rock, heavy metal ». J’allais lui demander d’arrêter de peur d’être déconcentré, mais une Voix me dit : — Laisse-le tranquille. Je continuai donc sans plus m’inquiéter du tout. Plus le temps passait, plus la grâce de Dieu était palpable. Un silence, une écoute d’une douceur incroyable. Je regardais de temps en temps « l’œuvre » de l’élève au premier rang. Je constatai avec surprise que, même s’il continuait son dessin, il était de moins en moins concentré sur son sujet, puisqu’il m’écoutait. Ce qui fait que le pauvre monstre devenait de plus en plus raté, et son auteur de plus en plus paisible et joyeux. Quelle satisfaction ! Cela me fit immédiatement penser à ce verset de la Genèse : « La Femme écrasera la tête du Serpent. » J’assistais en direct à la réalisation de cette Parole : Marie défigurant un zombie. En douceur. Quand j’eus fini de parler et chanter, tous les élèves applaudirent, en particulier mon dessinateur. Leurs messages furent tous très beaux et positifs. Voici un extrait dont je reconnus l’auteur :
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« Cher Dany Cassalaco, J’ai adoré ta fabuleuse histoire. […] Tu as vécu une histoire sensationnelle avec Dieu qui t’as ouvert les portes de tes désirs et de tes rêves. […] Et toi, tu n’auras ni hésitation ni aucun remord (d’avoir) fait parler de toi, et tu feras encore parler de toi. Toi, tu as fait de ta vie ce que dix personnes n’ont pas encore fait des leurs. Je te le dis sincèrement que toi, tu gagnes à être connu. L’élève au premier rang (dont) tu croyais qu’il n’en avait rien à foutre de ton histoire.
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Fanatique ou croyant ?
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OUT cela me donnait envie de réaliser un CD et de le vendre.
Il était de plus en plus clair que je pourrais en vendre au moins plusieurs centaines. J’en parlai à mon père qui me donna l’adresse d’un ami (Theo Mertens) qui avait son propre studio d’enregistrement. Theo me dit qu’il travaillait à trente euros de l’heure. Donc sept cent cinquante euros devraient suffire. Cette dépense était à ma portée sans emprunter. Mais ma femme n’était pas d’accord. Elle est croyante comme moi, et nous prions en famille tous les soirs, mais elle est beaucoup plus terre à terre que moi. Nous allions bientôt acquérir une nouvelle chaudière, les vacances approchaient, il ne fallait donc pas faire de dépenses futiles. J’essayai bien sûr de la persuader du contraire, que c’était très important pour moi, qu’il y avait un réel public, mais rien à faire. Par l’exemple de nombreux saints et de Jésus Lui-même, je savais que Dieu préfère l’obéissance aux sacrifices. Je devais donc obéir à ma femme, même si cela contrecarrait mes plans. Si le Christ voulait que l’aventure continue, Il trouverait bien un moyen. Je fis donc cette prière : — Ecoute Jésus, Dominique n’est pas d’accord. J’ai bien essayé de la convaincre, mais sans succès. Alors, soit Tu la convaincs Toimême, soit Tu me donnes les sept cent cinquante euros par une autre voie que mon job. Ainsi, ce sera l’argent du CD sans discussion possible. 37
Pendant cette période, j’eus une grande conversation sur Dieu et l’Eglise avec mon chef. Il me disait inquisition, massacres, institution rigide et dépassée, dogmes débiles…, je répondais de mon mieux. Finalement, il me dit : — Dany, tu es un fanatique puisque tu crois au Pape, au Paradis, à l’Enfer… — Mais non, Chef, je suis un croyant. C’est différent. Par exemple, la cassette que vous avez est minable, il faudrait un bon enregistrement… — Oui. — Eh bien, j’ai trouvé un professionnel qui peut me le faire pour sept cent cinquante euros. Cette somme est à ma portée, puisque je travaille. — Alors, vas-y ! Si tu sors ton CD, je te l’achète. Je serai ton premier client. — Justement ! ma femme n’est pas d’accord. Elle trouve que l’argent du ménage doit servir à autre chose. Donc, si j’étais fanatique, je lui dirais que c’est mon argent, que c’est « la Volonté de Dieu », qu’elle n’a rien à dire… — Mais bien sûr ! C’est ça que tu dois faire ! Tu dois mater ta femme, tu as eu une éducation de catho, mais moi je vais t’apprendre… — Mais non, Chef. Je suis un croyant, pas un fanatique. Donc, j’ai demandé à Jésus de se charger Lui-même de ce problème. Alors mon chef me regarda d’un air consterné et me dit : — Tu es une couille molle. Tu n’arriveras jamais à dominer ta femme. Tu verras, tu seras malheureux dans ton mariage, tu finiras par la tromper… C’est ainsi que cet entretien pris fin. Cela m’avait beaucoup amusé. Malgré son aversion pour l’Eglise, mon chef manifestait clairement son désir pour un CD qui dit précisément la même
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chose que cette Eglise. D’autre part, qui était le plus fanatique ? S’il avait été à ma place, Dominique aurait passé un mauvais quart d’heure. J’étais très confiant. Je savais que Jésus allait faire quelque chose d’une manière ou d’une autre. Une semaine ne s’était pas encore écoulée lorsque ma mère me téléphona pour me dire que Josiane, une de ses amies, aimait beaucoup mon rap, et qu’elle désirait un meilleur enregistrement. Une grand-mère qui aime le rap ! Il s’agissait plus que probablement d’un nouveau « coup » du Seigneur ! Je pris immédiatement note du numéro de Josiane et lui expliquai au téléphone la somme dont j’avais besoin pour réaliser un CD. — Très bien, me dit-elle calmement. Je marche. Donne-moi ton numéro et je te vire cela sur ton compte dès demain matin. Eh oui ! encore une invraisemblance abracadabrantesque dans ce récit. Mais c’est rigoureusement vrai, bien entendu. Je lui demandai son âge. — Soixante-huit ans ! me répondit-elle joyeusement ! Et lorsque tu auras produit ton CD, ne me l’offre pas. Je tiens à te l’acheter. Je serai ta première cliente et je l’offrirai à mon petitfils. Tu dis ce qu’il a besoin d’entendre… Quand j’appris la nouvelle à mon chef, il me dit : — Tu vois Dany, je te l’avais bien dit : il faut toujours y croire !
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Un CD unique comme moi !
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E SUIS donc allé au studio de Theo enregistrer mon CD. Il ne
contient que les quatre œuvres autorisées par les maisons d’édition de Renaud, d’Eddy Mittchel et de Richard Gottainer. J’ai également enregistré le rap « Je chante alléluia », mais sur un disque à part, car je n’avais aucune nouvelle d’EMI, la maison d’édition d’IAM pour « Je danse le mia ». A la fin de la dernière journée de studio, j’étais assez fatigué en retournant chez moi. Mais au volant de ma voiture, je fus amusé par un petit « clin Dieu » : à tous les arrêts de bus, il y avait une campagne publicitaire pour un graveur de CD. On y voyait la main d’un Noir avec le texte « J’ai créé un CD unique comme moi ! » Le lendemain en allant à la mer avec ma petite famille, je vis que cette publicité était sur tout le territoire. Jésus voulait-Il me dire que notre disque connaîtrait le même sort ? Grâce à cet enregistrement, j’ai osé faire le saut de chanter dans les classes ou les retraites à l’occasion de mes témoignages. Et là, le silence religieux se transformait en une très joyeuse ambiance avec des rires, des applaudissements comme dans les concerts. Sauf qu’ici, la star n’était autre que Jésus. Ainsi se produisait le miracle que je désirais depuis des années : que Jésus soit acclamé comme Il le mérite par des jeunes « normaux », dans des classes « normales », et pas seulement dans les grands rassemblements religieux. Mon champ d’action s’étendit sur la 41
Wallonie et à Bruxelles. Je pus ainsi constater que cette « Joie de Dieu » se manifestait sur tous ces beaux visages, quel que soit leur âge (onze à vingt ans), type d’étude (général, technique, professionnel), culture (agnostique, musulman, bouddhiste, Témoin de Jéhovah, catholique…). Mais une mauvaise nouvelle m’attendait. En décembre 1998, la maison d’édition d’IAM, me répondit que c’était non pour le rap. Déception. Mais quelques jours plus tard, Theo me dit que la mélodie du rap n’avait pas été composée par IAM. Leur succès n’était qu’une reprise d’une chanson « funky » dont il avait oublié le titre et l’auteur. Il fallait donc faire des recherches pour demander l’autorisation au compositeur original. Ce que je fis. Le compositeur se nomme Rod Temperton. Sa chanson s’appelle « Give me the night » interprétée par Georges Benson. Par conséquent, je devais envoyer ma demande (avec un enregistrement de mon rap) à la maison d’édition Rondor Music, à Amsterdam, avec une traduction écrite de mes paroles. A peine trois jours plus tard, on me répondait qu’on avait envoyé ma cassette et mon texte à la maison-mère à… Los Angeles pour en discuter directement avec Rod Temperton ! Ouh lala ! Je vous avais bien dit qu’avec Dieu, il fallait s’attendre à tout. Mais même quand on sait cela, Il nous surprend au-delà de toute mesure. Et ce n’était pas fini. Le nom de Rod Temperton me disait vaguement quelque chose. Je consultai une pochette de disque pour vérifier. Mon intuition était bonne. Rod Temperton n’est autre que le compositeur de la chanson « Thriller » pour… Michael Jackson ! Et c’est donc cet homme-là qui allait entendre mon rap à moi, le petit chauffeur de bus en Belgique ! Cette année-là, les fêtes de fin d’années eurent un merveilleux goût de douce folie, de joie et d’espoir.
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La réponse arriva un mois plus tard, en janvier 1999. Elle me déçu profondément. L’agent d’Amsterdam me faisait savoir que M. Temperton ne voulait pas que sa chanson « Give me the night » soit transformée en un rap. Mais c’est justement ce que le groupe IAM avait fait ! De toute manière, je ne pouvais donc pas inclure mon « Je chante alléluia » sur le CD. C’était vraiment trop injuste. Comment Dieu pouvait-Il permettre une chose pareille ? Surtout après toutes les merveilles qui commençaient à se dérouler ? Malgré cette déception, je continuai de me produire dans les écoles secondaires, aux cours de religion. Cela se passait toujours très bien. On ne se lasse pas de voir cet enthousiasme tout frais qui jaillit sur ces beaux visages. Et pour Qui ? Ah… Pour notre doux Jésus, notre Agneau de Dieu.
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Quotidien I : mari-père-chauffeur-chanteur…
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OUR ÊTRE honnête et complet, je dois dire que j’eus beaucoup
de mal à garder les pieds sur terre cette année-là. Les nerfs de mes chefs et de ma femme furent donc mis à rude épreuve. Je me trompai au moins cinq fois de service en trois mois. Concrètement, je confondais un service du matin avec un service de l’après-midi ou l’inverse. Ce genre d’erreur est très éprouvante pour le chef qui, ne voyant pas le chauffeur arriver à l’heure prévue (quatre ou cinq heures du matin) essaie de le joindre par téléphone. Comme le chauffeur dort, le chef doit alors faire rouler le chauffeur de réserve à sa place. Mais si ce dernier effectue déjà un remplacement (parce qu’un autre chauffeur est malade, en panne, etc.), il faut alors im-pro-vi-ser. Et faire cela à l’aube constitue un véritable tord-boyaux. Des réprimandes ont alors commencé à pleuvoir sur mon dossier. J’essayais bien sûr de redresser la situation, mais après quelques semaines sans erreur, je me trompais à nouveau. Finalement, quand j’eus ma première sanction sérieuse (un jour de mise à pied avec sursis), cela s’arrêta. Ouf ! Il était temps que je me reprenne en main, car cela aurait pu devenir très grave. Tout cela avait sérieusement inquiété ma Dominique. Surtout qu’il m’arrivait régulièrement d’oublier telle course, démarche ou corvée qu’elle m’avait pourtant gentiment demandée. 45
Cela me permit de voir que quand on est mari et père, ce n’est vraiment pas pour rien. Il faut être là, à son poste, au gouvernail. Il faut assurer, maintenir le cap. Mais un de mes gros points faibles est ma négligence, ma tendance à la rêverie, même en temps normal. Un peu comme un ballon léger qui s’envole si on lâche la ficelle qui le retient. J’avouai cette nonchalance coupable en confession, je priai, pensai à saint Joseph (responsable de sa Sainte Famille), je communiai et fis les efforts qui s’imposaient. Je ne voulais surtout pas en arriver à devoir stopper toute cette belle mission que Jésus était en train de me confier auprès de Ses jeunes enfants. Il aime beaucoup l’amour qui se manifeste dans les petites choses de la vie. L’équilibre entre le boulot, la vie de famille et ces nouvelles activités est très fragile. Il faut sans cesse le poursuivre. Il n’est jamais acquis une fois pour toutes. Il faut régulièrement se remettre en question, à la lumière de l’Evangile et de ses proches. C’est passionnant. C’est l’aventure avec Dieu et le prochain. Cette année 1999 fut donc merveilleusement exaltante. Je me mis à la recherche d’un éditeur pour produire et commercialiser mon CD. Mais je me rendis compte très vite que cela me prendrais beaucoup trop de temps et d’énergie. En effet, les éditeurs non religieux refusaient parce que le message de foi était trop explicite. Quant aux éditeurs catholiques, ils s’adressent surtout aux gens qui croient déjà. En plus, mon CD ne comportait que quatre chansons. C’était trop peu pour pouvoir être diffusé rentablement par une maison d’édition religieuse. Je décidai donc de produire et commercialiser mes disques par mes propres moyens. Autrement dit, par la Divine Providence. Renseignements pris, il fallait mille deux cent cinquante euros pour produire mille CD, et cinq cents euros pour payer les droits d’au-
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teur des quatre plages. Cela faisait donc mille sept cent cinquante euros à trouver. Comme j’étais certain d’en vendre au moins cinq cents (à sept euros cinquante), il ne me semblait pas du tout risqué de puiser dans mon épargne pour financer ce projet. Il était malheureusement hautement probable que Dominique ne fût pas d’accord. Je lui demandai quand même son avis (car avec Dieu, on ne sait jamais). Il n’y eut pas de miracle : ce fut non. — Mais en vendant à peine cinq cents disques à sept euros cinquante, j’aurai trois mille sept cent cinquante euros. Nous ne courons aucun risque. C’est important pour moi… — Il y a une différence entre aimer une chanson et acheter le disque. Tu verras bien que très peu de personnes feront ce pas, même si beaucoup sont enthousiastes au début. Je dus bien reconnaître que ma femme avait entièrement raison. Un ami ingénieur du son et auteur compositeur me tint exactement le même discours, tout en disant que les chansons étaient bien trouvées. Il était donc bel et bien risqué d’investir mille sept cent cinquante euros dans cette entreprise. Que faire alors ? Abandonner cette affaire… dans le Cœur de notre doux Jésus et de notre Maman Marie ! Je me mis également à prier saint Joseph tous les jours pour qu’il veille aux aspects tant spirituels que matériels de ma mission. En attendant d’être exaucé, je choisis un nom pour ma future maison d’édition : les éditions Noël 2000 (aujourd’hui Noël 21). Je prospectai également auprès des disquaires « normaux » pour dénicher ceux qui accepteraient de vendre mon disque dans leurs boutiques. J’en repérai dix. C’était bien assez. Pourquoi avais-je choisi ce nom de Noël 2000 ? D’abord parce que nous approchions du grand Jubilé que Jean-Paul II nous encourageait à préparer. Ensuite parce que j’avais été très
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touché par une réflexion d’un prêtre sur Noël. Lors de cette grande et belle fête, notre Dieu vient à nous en tant que petit bébé. Lorsque l’on voit un bébé, non seulement on n’a pas du tout peur de lui, mais on désire le prendre contre soi et le serrer dans les bras. Tels sont les sentiments que nous devrions avoir envers notre Jésus. Il n’est ni le Dieu lointain et indifférent du « Grand Architecte » franc-mac ou New Age, ni le dieu terrifiant de nos fantasmes. Il est Emmanuel (Noël), ce qui signifie « Dieu avec nous ». Il est de notre côté. Pas contre nous, mais pour nous. Il nous aime, Il veut être tout proche de nous. A nous de nous laisser apprivoiser et transformer tout doucement par cet Amour. Si nous voulons bien.
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Le Ciel passe à l’action : de l’argent, des médias
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de l’année 1999, le mot d’une élève de Waterloo me frappa. Elle disait qu’elle avait travaillé comme jobiste pour RTL-TVI, et elle voulait que je participe à un journal télévisé si j’étais d’accord. Cela tomba à l’eau, mais j’en tirai une nouvelle motivation. En pensant à tous ces élèves, je désirais vraiment les encourager dans leur début de foi toute neuve. A cette fin, les médias me semblaient être un excellent moyen. En effet, si quelqu’un guérit, on dit : « Peuh ! c’est psychologique ! » S’il y a une apparition : « Bah ! phénomène atmosphérique, hallucination collective ! » Si une statue de Jésus ou Marie se met à pleurer ou émettre un parfum irréel : « Arnaque ! Trucage ! » Mais si la télé se mettait à dire : « Voici Untel, il parle de Dieu aux jeunes de chez nous et ça leur plaît. » Pourquoi pas après tout ? Pourquoi ne pas inviter les journalistes à constater par eux-mêmes ce qui se passe quand j’annonce le Christ ? J’avais commencé par contacter RTL-TVI pour passer au journal de treize heures. Hélas, on m’avait gentiment répondu : — Ce n’est pas notre créneau, mais peut-être que dans une émission du genre « I comme… ». Envoyez toujours un dossier qui explique ce que vous faites. Heureusement, il n’y eut aucune suite à cette occasion. Pourquoi heureusement ? Parce que je ne tenais absolument ERS LA FIN
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pas à être présenté comme une « curiosité », quelque chose de loufoque. Je préférais de loin le contexte des informations. En effet, lors du JT, le téléspectateur entend le générique, reconnaît son présentateur préféré ainsi que le plateau. Et là, il se dit : — Ce que je vais entendre est objectivement vrai, c’est une information neutre. Mais là, le risque est de se faire passer objectivement pour un débile si telle est la perception que le journaliste a de vous. Tant pis. « Inch’Allah », comme disent nos frères musulmans. Honneur ou douleur, « tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu » dit saint Paul. L’année 2000 du Grand Jubilé arriva et il n’y avait rien de concret, ni pour l’argent, ni pour les médias. Je considérai donc qu’il me fallait prendre le taureau par les cornes. D’abord les finances. Je n’avais toujours qu’un seul CD. C’était la fin de l’hiver. Je choisis de téléphoner à mon évêque pour lui demander de me prêter ne fût-ce qu’une partie des mille sept cent cinquante euros nécessaires aux mille CD. Je lui avais envoyé, quelques semaines auparavant, des copies de réactions très positives d’élèves de tout âge. J’étais sûr de pouvoir rapidement le rembourser, car j’avais témoigné devant plus de mille élèves à ce moment-là. En plus, c’était l’occasion de mieux le mettre au courant de mes activités dans son diocèse. C’était la moindre des choses. Il me répondit qu’il était d’accord de me prêter les mille sept cent cinquante euros (!) — alors qu’il n’avait à ce moment-là entendu aucune de mes chansons ! —, et qu’on en reparlerait le lendemain. En effet, j’avais accepté de conduire en bus, bénévolement, des pèlerins à Chevetogne, à l’occasion de l’Année jubilaire. C’était un ancien copain de l’université (co-organisateur de ce
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pélé) qui m’avait sollicité et j’étais bien content de lui rendre ce service. Or, cette journée commençait à deux heures et demie du matin pour finir à dix heures et demie le soir ! Je n’avais pas du tout réalisé cela quand j’avais dit oui. Travailler vingt heures pour pas un rond, c’était dur, même si c’était pour le Seigneur. Mais bon, le Jubilé 2000, c’est pas tous les ans. Or donc, l’évêque figurait justement parmi les pèlerins. C’était tout à fait normal finalement, puisque c’est le diocèse qui organisait ce pèlerinage. J’emportai une cassette de mes chansons en espérant pouvoir la faire écouter à l’évêque, mais aussi aux participants. Quand le jour (plutôt la nuit !) arriva, je me levai pour commencer cette journée. Il était une heure et demie ! Nous étions deux chauffeurs. Nous conduisions des bus articulés. Je n’étais vraiment pas à l’aise, car il m’est très difficile de faire des marches arrière avec ces engins-là, surtout dans des endroits où je n’ai jamais roulé. Je confiai donc vraiment cette aventure au Bon Dieu. L’ambiance était bonne, les routes étaient sûres, tout allait bien. Vers onze heures, à Chevetogne, après avoir marché dans quelques lieux saints et écouté la conférence d’un moine, Monseigneur Léonard me permit d’exposer mon projet à l’assistance. Quand je me levai et que je vis le public, j’éprouvai beaucoup de tendresse pour ces gens de tout âge (enfants, jeunes, adultes, vieux) qui avaient accepté de consacrer une si longue journée pour Jésus. Ce qui était touchant et drôle, c’était de les voir passablement assoupis, luttant (ou non) contre le « coup de pompe ». Je fis donc « court ». Je racontai en deux mots ma nuit de prière et de composition pour Jean, puis comment les adolescents accueillaient mon témoignage en général. Et je leur demandai : — Voulez-vous entendre mon rap ?
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Il y eut à ce moment-là quasiment d’un seul coup « la présence de Dieu », combinée à un réveil du public. — Ouiii ! crièrent-ils. Je chantai le rap. Ça marchait du tonnerre. Quand j’eus terminé, je me dis : « Voilà, l’évêque a sûrement dû voir que le disque marchera. C’est OK, tirons-nous d’ici et ne soyons pas en retard, car la journée sera encore longue. » Je dis donc à l’assemblée : — Merci, merci beaucoup. Maintenant, allons-y, il ne faut pas être en retard. Mais eux continuaient d’applaudir en martelant : — Une autre, une autre ! Je fus donc contraint de leur chanter la chanson suivante. C’était une chanson humoristique. Pourtant, la présence de Dieu était tellement forte, les gens faisaient tellement attention aux paroles que cela en devenait émouvant. Après cette deuxième chanson, je tentai une nouvelle fois de me sortir de là, mais ils ne voulaient rien savoir : — Une autre, une autre ! J’ai bien évidemment dû chanter tout ce qu’il y avait sur cette cassette (cinq chansons seulement, heureusement). La dernière était déjà réellement émouvante en elle-même, puisque c’était celle que je dédie à Jean. Mais comme la grâce qui nous tombait dessus ne faisait que croître, je ne parvins plus à chanter juste, tellement j’étais ému. Heureusement, c’était en « play-back ». Plus tard dans la journée, on me dit que l’évêque avait sorti son grand mouchoir à ce moment-là. Après cette dernière chanson, je leur dis que cette fois, c’était vraiment fini. Ils se mirent alors à organiser une collecte spontanée pour moi. Bien sûr, je leur dis que non, que ce n’était pas la peine, que quelqu’un avait déjà accepté de m’avancer l’argent nécessaire,
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mais rien n’y fit. Plein de billets. Il y en avait pour cent septantecinq euros. Mais ce n’était pas tout. Parmi tous ces billets, il y avait une carte de visite qui disait ceci : — Je peux vous aider financièrement. Signé : Joseph ! Ça, c’était vraiment trop fort. Moi qui manquait tout le temps d’argent et qui priait saint Joseph tous les jours pour cette mission, je me retrouvais avec trop d’argent. Et en plus, il y avait cette carte de visite qui semblait vraiment tomber tout droit du ciel. Quelques jours plus tard, au téléphone, l’homme à la carte me dit qu’il voulait m’acheter un CD… pour deux cent cinquante euros ! Cette journée fut vraiment extraordinaire. Elle avait bien démarré, et elle continuerait encore plus fort. Mon collègue qui conduisait l’autre bus (tout en se tenant à l’écart du pélé) fut en quelque sorte « contaminé » par cet enthousiasme tout neuf. A la messe de clôture, à Beauraing, tout le monde était joyeux. Une joie belle et intense. L’évêque dit pendant son homélie qu’il avait pleuré pendant l’une de mes chansons. Avant le retour, il me parla des rassemblements pour les jeunes de son diocèse. La prochaine aurait lieu le 27 avril. Il me proposa d’en être le témoin principal. Comme ces rassemblements disposent d’une certaine publicité, j’aurais là l’occasion de faire connaître mon témoignage. J’acceptai évidemment. En plus, il y avait un autre « clin Dieu » à ce sujet. D’habitude, ces rencontres ont lieu en la magnifique église Saint-Loup de Namur. Mais cette fois-ci, c’était impossible, car la ville avait réquisitionné celle-ci pour un événement artistique. Monseigneur Léonard avait donc dû « mendier » une église auprès des curés de Namur. Quelle est la paroisse qui accepta ? La paroisse… Saint-Joseph. Encore lui ! Il voulait sûrement me montrer qu’il veillait bien effectivement sur tous les aspects de cette mission, tant au niveau matériel que spirituel.
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Lorsque je rentrai au dépôt (tard dans la nuit), je m’attendais à être seul, car mon collègue était revenu par un circuit plus court, avec moins d’arrêts. Mais non, il m’avait attendu pour que je lui explique pour quelle raison ses passagers étaient subitement devenus « fous ». J’étais si fatigué et impatient de rentrer chez moi. Je voulais abréger. Je lui dis : — Je leur ai raconté des trucs qui se sont passés dans ma vie, et qui font que je crois en Dieu. — Qu’est-ce qui s’est passé dans ta vie ? me demanda-t-il avec un grand sourire. Là, c’était vraiment beaucoup plus que trop. Mais j’ai quand même témoigné du Nom de Jésus à ce collègue. Notre Seigneur aime beaucoup nous entraîner de temps en temps dans ce genre de situation : au-delà de nos limites, pour Sa gloire. C’est dans ces moments-là qu’on peut dire avec saint Paul : « Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi. » On est complètement dépassé, on est fatigué, on a vécu des moments très forts, mais on n’en peut plus. Et Jésus vient te dire : « Encore ! Donne-toi encore ! » Et quand on dit « oui », c’est vraiment Lui qui agit, même si on ne le sent pas du tout à ce moment-là. Ce n’est qu’après, si on voit les fruits (ce n’est pas toujours le cas), que l’on peut contempler la manière d’agir de notre Dieu. Evidemment, on peut considérer que tout ceci n’est que du hasard et du psycho (comme tout le reste d’ailleurs). Toujours est-il que ce chauffeur se mit alors à participer à d’autres rassemblements de chants et de prière. Il accepte régulièrement de rouler bénévolement pour des pélés. Ce que je ne fais pas, étant donné les témoignages et la vie de famille (qui s’est agrandie entre-temps avec l’arrivée de notre Damien en 1999). Ce n’était pas fini. Quand je racontai cela tout joyeux à ma famille, ma mère le dit à son tour à son amie Josiane le jour de sa
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fête (Saint… Joseph). Là-dessus, elle prit son chéquier quasiment sans réfléchir, et me fit un chèque de deux cent cinquante euros. D’autre part, un prêtre qui avait fait le pèlerinage m’envoya septante-cinq euros. Donc, cette journée « bénévole » me rapporta au total deux mille cinq cents euros avant même d’avoir vendu ni même produit un seul disque ! Je réduisis cette somme à deux mille euros en disant à Monseigneur Léonard de ne me prêter que mille deux cent cinquante euros au lieu des mille sept cent cinquante annoncés. Il était pourtant tout disposé à m’avancer la somme convenue au départ. Mais là, j’étais gêné d’avoir tellement d’argent sans avoir rien fait. Bon ! Pour les finances, c’était largement réglé. Je me voyais même dans l’obligation de produire mes mille CD. Restait maintenant le problème des médias, ne fût-ce que pour donner une certaine publicité à ce disque plein de vie. Il me semblait impensable que ce disque sorte dans l’anonymat, après avoir suscité tant de joie et d’émotion. RTL-TVI avait jugé que ce n’était pas son créneau. Que faire ? Après prières et réflexion, je considérai qu’il valait mieux contacter des médias plus modestes qu’une chaîne de télé nationale. Je téléphonai donc au journal local Vlan Dimanche qu’on prend gratuitement le Jour du Seigneur à la boulangerie. Auparavant, j’avais confié ce projet à la prière de deux couvents de religieuses et de quelques personnes pieuses, car j’avais vraiment peur de me faire passer pour un idiot. Donc, au journal, c’est bien sûr une secrétaire qui décrocha. Je lui exposai mon histoire en quelques mots. — Monsieur, vous nous intéressez au plus haut point ! me répondit-elle. Je vous mets tout de suite en ligne avec un de nos journalistes.
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Cela me donna autant d’espoir que de peur. A quelle sauce allais-je être mangé ? Le journaliste arriva. Je lui parlais depuis cinq minutes quand il me dit : — Je veux une page complète pour parler de vous ! Je veux la photo de vous dans votre bus, de vous dans une classe, la photo de votre CD ! Enfin… si mon rédacteur en chef est d’accord… — Mais… mais vous êtes un chrétien convaincu pour vouloir faire tout ça ? — Pas du tout ! Vous pourriez être bouddhiste, je m’en fous complètement. Mais ce que vous faites pour les jeunes est extraordinaire. En plus, j’aime faire des articles en rapport avec eux, je marche à fond ! (Je tiens ici à souligner que ces propos ne sont en rien exagérés pour « romancer » mon histoire. C’est rigoureusement authentique. Je suis formel. Je me souviens précisément de sa réponse parce qu’elle m’a complètement stupéfait. Dieu ne cesse de nous surprendre encore et encore. C’est merveilleux. Mais tout ceci peut bien sûr s’expliquer par une sorte de « choc psycho-hystérico-névrotique », la chance ou le hasard.) Nous prîmes donc rendez-vous pour une bonne interview. C’était très beau de le voir prendre des notes. C’était la même joie que j’avais vue sur les élèves, et qui se manifestait maintenant dans le talent d’un reporter. En attendant la parution de l’article, je contactai Canal C (la télévision locale), le journal Vers l’Avenir, et radio Nostalgie qui acceptèrent également de me consacrer du temps. Canal C voulait me filmer dans mon bus et dans une classe, de préférence le même jour. Il fallait trouver une école où je n’étais encore jamais allé pour que les journalistes se rendent vraiment compte par eux mêmes de ce qui se passe. Un ami prof, Jean-Luc, voulu bien m’accueillir dans sa
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classe de cinquième secondaire à l’IATA (école technique namuroise), un lundi après-midi du mois d’avril où je roulais le matin. Pour Vers l’Avenir et radio Nostalgie, c’est un professeur d’une école professionnelle qui me permit de me présenter dans sa classe de quatrième année au mois de mars. Il m’avait prévenu : — Tu vas voir, c’est une classe où beaucoup d’élèves souffrent chez eux. Donc, ils ne réagiront pas beaucoup à ton discours ni à tes chansons. Aïe ! me dis-je. Mais je n’avais pas le choix, car c’était la seule date qui convenait, compte tenu de mon boulot, de l’agenda des deux reporters, et de l’horaire de cours de Jean-Michel. Le jour arriva. Vers l’Avenir et radio Nostalgie étaient assis au fond de la classe. Je fis comme d’habitude : m’abandonner à Dieu, témoigner, chanter, danser. Mais en voyant l’attitude indifférente des jeunes (les filles du fond faisaient leurs devoirs), je me disais : — Ça y est, Dany, tu te prends un bide. Il fallait bien que ça arrive un jour ou l’autre. Dommage que cela se produise juste devant les journalistes. En plus, ça allait durer deux heures ! Après la première heure, je leur accordai une pause. Quand nous reprîmes le collier, je m’aperçus au bout d’un moment que Jésus était là depuis un certain temps, mais je ne savais pas dire depuis quand. Depuis le début ? C’était merveilleux et irréel. Les filles du fond faisaient maintenant semblant d’écrire, de peur de montrer à leurs voisines qu’elles faisaient attention (la pudeur spirituelle des jeunes est colossale). Il y avait ce magnifique silence « religieux » qui s’était installé. Comme j’étais heureux que les reporters soient là pour goûter ces instants mystiques ! La cloche sonna la fin des cours. Les filles du fond partirent calmement, et tous les autres élèves se levèrent et se mirent à m’encercler en silence. Surréaliste. Très
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émouvant. En fait, chacun voulait me poser une question profonde, mais n’osait pas par peur des « représailles moqueuses » des copains. Peur totalement injustifiée dans un moment pareil. Quant à moi, je me taisais également, puisque j’avais parlé deux heures ! Et derrière, les journalistes attendaient de m’interviewer ! C’était beau. Finalement, Jean-Michel (le prof ) s’impatienta et insista pour que quelqu’un m’interroge ou me fasse une remarque. Un Noir se décida (c’était une classe « multicolore » : tous les élèves étaient différents) : — Comment reconnaissez-vous quand c’est Dieu qui vous parle ou quand c’est du hasard ? Une question profonde, spirituelle ! « Dieu peut-Il réellement me parler ? Ou non ? Comment Le reconnaître ? Et si tout ça n’était que du vent ? Et si j’étais finalement arrivé tout seul sur cette planète, par accident ? » Voilà des questions qui nous taraudent beaucoup plus que nous voulons bien le montrer. Spécialement les jeunes. Je répondis en résumant ce que j’avais déjà dit : prier, écouter, agir avec confiance, voir les fruits… Comme les élèves demeuraient toujours immobiles, leur prof les renvoya à leur cours de math. Et les interviews purent enfin avoir lieu. Du pain béni. L’un des deux journalistes me dit à part : — Il faut qu’on se revoie ! — Ah oui, c’est pour peaufiner ton article… (Il n’en a pas vu assez ?) — Non ! C’est pour ma vie privée à moi. Tiens, voilà mon numéro personnel. Il faut qu’on se revoie. Tu me poses problème. Je suis un féministe convaincu et… enfin tu me poses question. Ce n’est pas moi qui pose problème, c’est Jésus. Il est incontournable. Mais cette entrevue n’eut finalement pas lieu. Ce
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reporter tomba malade puis fut débordé de travail au point de confier cet article à un collègue. Collègue qui voulut aussi me voir à l’œuvre… C’est super ! Merci Seigneur ! Un beau matin d’avril, pendant que je conduisais un bus articulé plein à craquer, radio Nostalgie diffusa mon reportage dans les infos locales. Ils passaient quelques extraits du disque et de notre interview, en ajoutant des commentaires. C’était très positif et dynamique. Même dans les émissions religieuses, je n’avais jamais entendu parler de la foi avec un tel enthousiasme. Les passagers étaient étonnés et contents. En plus, il était dit que j’étais le seul chauffeur noir de Namur. On ne pouvait donc pas se tromper. (Mais à l’heure où j’écris, nous sommes deux.) — C’est de vous qu’on parle là ? — Oui. Je n’avais qu’à les laisser écouter. Alléluia ! Une fois arrivé à la gare des bus, les passagers sortis, j’avais une petite heure de pause avec d’autres chauffeurs dans notre local. J’emportai évidemment ma radio avec une cassette pour enregistrer le reportage qui continuait. Les collègues étaient très contents en écoutant cela. C’était vraiment Jésus qui arrivait dans leur environnement normal. Ce n’était pas une émission religieuse ni une messe radio diffusée, c’était juste les nouvelles régionales, présentées par le journaliste habituel. Le lundi suivant était justement celui où il fallait que j’aille témoigner à l’IATA, avec Canal C. Mais le samedi, un correspondant d’un grand quotidien se présenta à la maison pour solliciter un entretien. Quelques minutes auparavant, le chef m’avait prévenu par téléphone qu’un reporter de ce journal avait téléphoné au TEC pour connaître mon adresse, et il la lui avait don-
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née. J’avais une appréhension, car ce journal ne parle en général de l’Eglise que pour la descendre dans les sondages, parler de la santé du Pape ou des curés pédophiles. Malgré ma peur de me voir ridiculisé dans un grand quotidien, je lui fis bon accueil. Il commença par me raconter comment il avait entendu parler de moi en écoutant radio Nostalgie. Cela me mit bien à l’aise. Je lui exposai alors mon histoire comme aux autres journalistes. Je me risquai ensuite à lui demander ce qu’il pensait de tout ça. Il me dit qu’il ne croyait pas en Dieu, mais qu’il respectait toutes les religions, et que pour lui, les normes de « bien » et « mal » devaient faire l’objet d’un choix personnel, et non pas être dictées de l’extérieur au nom d’une vérité. Pour ma part, j’estime avec l’Eglise que c’est précisément cette philosophie qui cause tant de désordres moraux, sociaux, nationaux et internationaux. Mais je ne voulus pas polémiquer sur ce sujet. J’avais vu qu’au moins il comprenait et prenait ma démarche au sérieux. Il y avait d’assez bonnes chances qu’il ne me fasse pas passer pour un doux dingue. Avant de partir, il me demanda quand il serait possible d’envoyer un photographe pour me voir à l’œuvre, afin d’illustrer son article. Je lui parlai évidemment de l’IATA où j’irais dans deux jours avec Canal C. Jésus avait commencé à toucher son cœur. Sur le pas de la porte, il se retourna et me dit : — Ne dites ceci à personne : je devrais vous mettre en première page. Mais si je fais cela, mon article ira à la maison-mère, et « on » m’obligera à vous démolir en faisant un article « bien senti ». Comme je veux écrire du bien de vous, je vais vous mettre dans les pages intérieures. Ainsi, je ne devrai en référer qu’à mon rédacteur en chef et je pourrai écrire vraiment ce que je pense. *
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Cela confirma ce dont je me doutais depuis plusieurs années : la liberté de presse n’existe pas vraiment, ou plutôt pas du tout, ni en Belgique, ni en Occident. La cacophonie d’opinions que nos médias nous vendent n’est qu’un gros « spot » qui nous aveugle, nous étourdit et nous rend dociles à leur message idéologique anti-vie et anti-catholique. Les journalistes des grands quotidiens semblent bel et bien recevoir des consignes idéologiques dont ils ne peuvent s’écarter sous peine de sérieuses représailles. Chaque année, en Europe, il y a des milliers de pèlerins, des centaines de jeunes qui se confessent pour la première fois de leur vie, qui sont délivrés de leurs chaînes (dépression, débauche, violence, perte de sens, drogue, alcoolisme, infidélité, etc.), et des couples au bord de la séparation qui se réconcilient. Les médias n’en disent pas un mot. S’il y a un rassemblement vraiment important autour du Pape, on parlera de sa santé, s’il a bégayé, s’il a pu marcher, et s’il y a eu des malaises dans la foule. Pas une ligne en revanche sur ce que ces jeunes gens en ont retiré. Par exemple, après le dernier rassemblement (les JMJ au Canada, en 2002), quatre mille garçons ont affirmé qu’ils se posaient désormais la question du sacerdoce (devenir prêtre). Quel journal l’a dit ? Par contre, pour d’autres manifestations — bien plus petites en nombre — (folklore, revendication, Gay Pride, Love Parade, concerts…), les articles et reportages sont bien plus étoffés. Les participants et spectateurs ont un large espace pour exprimer pourquoi ils sont là. * L’article du Vlan Dimanche parut le lendemain de ce samedilà. Il était très beau, très profond, joyeux. C’est comme si Jésus se retrouvait dans un journal « normal ». En plus, on sentait bien
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que l’auteur n’était ni un prêtre ni un catholique convaincu. Simplement quelqu’un qui témoigne d’une rencontre. C’était mieux que ce que je voulais. Mais j’allais constater une fois de plus que notre Seigneur aime beaucoup dépasser nos désirs. Le lendemain (lundi) je roulais le matin. Un cameraman et un preneur de son de Canal C allaient me filmer vers la fin de mon service avant de me suivre à l’IATA. Ce serait mon premier témoignage pour la télé. Mais voilà qu’à mon terminus, il y avait une petite voiture aux couleurs de Bel-RTL. — Oh oh ! me dis-je. Il a dû se produire un petit drame dans les environs. Prions. — Bonjour, je suis Laurent P. de Bel RTL ! me dit le conducteur en sortant de son véhicule. Vous connaissez ? — Euh, non. — Eh bien, il paraît qu’un très bel article est sorti sur vous hier. Moi, je ne l’ai pas lu personnellement, mais mes chefs veulent que je vous interviewe. Acceptez-vous ? Je ne pus m’empêcher de penser à ce que RTL-TVI m’avait répondu quelques semaines plus tôt (« Ce n’est pas notre créneau »). Et voilà que maintenant, c’était eux qui venaient solliciter un entretien. C’était beau. — Justement, je vais témoigner dans une école technique cet après-midi, répondis-je. Si vous voulez, vous pouvez venir voir comment ça se passe. — Génial ! me dit-il avec un grand sourire et les yeux pétillants. Mais mon enregistreur est en panne et je n’ai pas de micro. Il faut que je retourne à Bruxelles pour chercher du matériel. C’est où et à quelle heure ? — A l’IATA, à treize heures trente. Vous aurez le temps de faire l’aller-retour ? — Ça devrait aller. A tout à l’heure !
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C’est merveilleux de voir comment l’Evangile peut mettre les gens en route. L’appel de Jésus n’a rien perdu de sa puissance. Tout comme Il disait : « Suis-moi » et des hommes et des femmes quittaient tout pour le suivre, ainsi continue-t-Il. Je ne dis pas que le reporter était en train de se convertir, mais le bel enthousiasme de collégien l’avait gagné de toute évidence. Et pourquoi ? Pour aller entendre un type parler de Jésus Christ dans une école. Les deux hommes de Canal C passèrent comme prévu vers la fin de mon service pour me filmer et m’interroger dans mon engin ainsi qu’à la gare des bus. Ensuite, nous nous rendîmes à l’IATA. Dans cette classe de cinquième secondaire, il y avait donc : le cameraman et le preneur de son de Canal C, le reporter de Bel-RTL caché sous un banc avec son micro d’ambiance et son enregistreur, le photographe qui flashouillait de temps en temps pour le journal. Eh oui ! trois médias réunis uniquement pour le Christ dans une classe de cinquième technique. Ça s’est passé en avril 2000. Tout est possible avec la foi. Ainsi, à mesure que la « soirée » du 27 avril avec les jeunes approchait, les Namurois eurent l’occasion de me connaître à travers tous leurs médias locaux. Les jours précédents, il y eut encore deux magnifiques articles dans La Meuse et Clin d’Œil. Résultat des courses : l’église fut raisonnablement pleine. Malheureusement, je ne pus m’empêcher d’avoir « le gros cou ». Autrement dit, avec le recul, je constate que je n’étais pas assez priant ce jour-là. Je pense que je me suis plus mis en avant moi-même que le Seigneur. Du coup, ce fut juste une bonne soirée. Mais je n’ai pas ressenti cette terrible communion, cette
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admirable présence de Dieu, comme dans les classes. Cependant, un adolescent me dit quelques jours plus tard que les copains qu’il avait amenés s’étaient confessés pour la première fois à cette occasion, et que lui-même en avait retiré beaucoup d’encouragement pour sa propre foi. C’est rassurant de voir que le Seigneur peut agir malgré notre nullité et nos péchés. Notre foi et notre bonne volonté lui suffisent largement. Merci Jésus ! Tu es si bon, Tu nous aimes. L’aventure allait encore rebondir. Parmi l’assistance de ce 27 avril, il y avait Françoise, une amie de la Communauté de l’Emmanuel. Elle faisait partie de l’équipe organisatrice d’un des grands rassemblements de Paray-le-Monial, en France, au mois de juillet. Ces sessions, d’une durée de trois à cinq jours, rassemblent chacune plusieurs milliers de personnes, et se succèdent jusque fin août. Finalement, environ vingt mille pèlerins y viennent chaque été. Il fait bien chaud, l’ambiance est du genre festival-vacances-retraite. Il s’y produit toujours des merveilles, qui sont autant de signes de la présence vivante de notre Jésus. Beaucoup d’artistes et de témoins (laïcs ou religieux) y participent. C’est au cours d’une de ces retraites que ma foi s’était renouvelée à l’âge de quinze ans, dix-huit ans plus tôt. Françoise me proposa donc d’y présenter mon témoignage et mes chansons. Ce serait aussi l’occasion de vendre mes disques. J’acceptai, et Dominique aussi. En plus, cela nous ferait des vacances agréables. J’aime tout dans les sessions : les repas, les laudes [prière de louange du matin, NDLE], les enseignements, la messe, les services, les temps d’échange, l’adoration jour et nuit, et surtout les belles soirées de témoignages sous la grande tente. C’est toujours plein de vie, paisible, enrichissant. C’est vraiment le
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pied. Le meilleur moment de l’année. J’eus l’occasion de me présenter et de chanter à trois sessions. Ce fut extrêmement intense. A chaque fois, j’avais exactement cinq minutes pour me présenter et chanter. En effet, comme il y a toujours beaucoup de témoignages, chaque intervenant dispose d’un temps très limité de parole, afin que la soirée ne s’éternise pas (par respect pour les centaines d’enfants présents). Le public passa donc chaque fois en cinq minutes de la découverte à l’enthousiasme. J’avais emporté trois cents des cinq cents disques qui me restaient. Ils partirent comme des petits pains, je fus en rupture de stock et je dus signer des tas d’autographes. Ce n’était pas du tout gagné d’avance, car le choix des disques, livres, icônes, etc. est énorme et les pèlerins ont peu d’argent à dépenser pour les souvenirs. Je pus également témoigner des merveilles du Bon Dieu aux adolescents lors de ces sessions. Ce ne furent pas seulement des moments merveilleux. Voir le Seigneur à l’œuvre dans les cœurs de tous ces jeunes… c’est beau. Un seul mot : merci. Merci Jésus pour toute cette vie qui vient de Toi. C’est comme dans la vision du prophète Ezéchiel où les ossements desséchés se couvraient de chair, de muscles et de peau pour finalement se lever en une immense armée de joie et de paix (Ez 37, 1-14).
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Quotidien II : le retour
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PRÈS ces moments très forts, le travail et la vie de famille repri-
rent leur cours ordinaire. Les deux cents disques restants partirent plus lentement qu’au début. En effet, les divers médias qui s’étaient intéressés à mon cas n’avaient parlé qu’une seule fois de moi. Il était hors de question pour les radios et chaînes de télé de diffuser mes chansons comme elles le font pour les artistes « normaux ». C’est là que l’on mesure l’importance de la « campagne de promotion » pour qu’un disque « marche ». Il faut beaucoup plus que quelques articles dans la presse et cinq reportages à la télé ou à la radio. Il faut en fait que ces médias passent régulièrement la chanson pendant une période durant laquelle l’artiste fait des spectacles un peu partout. Mais je n’avais de toute façon ni le temps ni l’argent pour faire de la scène. Je pouvais m’estimer heureux d’avoir vendu mes mille disques, car tous mes clients ne m’avaient en fait entendu qu’une seule fois. Certains achetèrent le CD après la seule lecture d’un article dans un journal. Cela montre le formidable impact que possède l’Evangile lorsqu’il est proclamé en vérité et dans le mode culturel approprié. Lorsque mon dernier CD fut parti, on m’en demandait encore de temps en temps. Je pris donc le risque d’en produire cinq cents supplémentaires avec mes bénéfices. Mais là, comme les médias ne parlaient plus du tout de moi, je retombai dans l’anonymat (dont je n’étais pas vraiment sorti d’ailleurs). 67
Résultat : j’avais un bon stock d’invendus dans ma cave. Certes, des invitations commencèrent à affluer de plusieurs villes de Belgique et de France, de la part de laïcs engagés qui m’avaient entendu à Paray-le-Monial. On m’offrait le voyage aller-retour et le logement, je n’avais qu’à témoigner, chanter et vendre mes disques. Mais cela effraya mon épouse qui mit un veto formel à tout cela. Elle craignait (plus ou moins à raison) que je n’en vienne à négliger complètement ma vie de famille. Il est clair que beaucoup d’autres artistes se sont laissés prendre à ce piège en effet. Je tentai bien sûr un compromis (établir un agenda avec un maximum à ne pas dépasser…) : peine perdue. Je reconnus tout de même qu’elle avait raison au moins sur un point : ce ne sont pas les ados qui m’ont acheté la plupart de mes disques. Ce sont des adultes. Cette aventure de production et de médias était donc bien plus risquée que je ne l’avais pensé. Mais justement, le fait d’avoir tout vendu n’en rendait l’action de Dieu que plus éclatante à mes yeux. Je voulais donc absolument continuer et aller là où l’on m’invitait. J’adore voir les merveilles de Jésus dans les cœurs. Quand je me rendis compte qu’il n’y avait vraiment rien à faire, je fus extrêmement déçu et même irrité. Et là, Jésus ne me vint pas en aide. Mais si ! Il me vint en aide, mais pas dans le sens où je l’entendais. Il me semble avoir reçu la grâce de vivre cette situation dans l’obéissance et l’humilité. Je me dis qu’il y a bien d’autres personnes qui témoignent du Nom de Jésus avec leur disponibilité et leur talent propre. Grâce à la prière, la messe, la confession et les tâches quotidiennes, je demeurai dans la paix. Le fruit est que notre foyer est toujours paisible. Cela n’empêche pas mon cœur de se serrer lorsque je suis contraint de répondre « non » à tel ou tel appel
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pressant, plein de bonne volonté. Je prie le Seigneur d’établir sa volonté qui me dépasse. La seule chose qui compte, c’est de Lui faire plaisir. Pas de me prendre pour un héros. Je remercie le Seigneur de tout ce qu’Il nous a déjà accordé en surabondance. Loin de moi l’envie de m’accaparer cette mission. « Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris, que le Seigneur soit béni ! », comme disait Job.
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La tolérance du IIIe millénaire
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parfois à cette conversation, dans un car, sur la route de Paray-le-Monial, avec un Français converti au bouddhisme. Après nous être présentés, je lui dis : — Grâce à la prière, j’ai reçu la force de pardonner complètement à toutes les personnes qui s’étaient montrées racistes envers moi durant mon enfance, et qui m’avaient fait beaucoup de tort. — Moi aussi, j’ai ressenti de la haine pour ceux qui m’ont fait souffrir, me répondit-il. Mais j’ai pu également détruire cette haine par la méditation. Waouw ! me dis-je. C’est quand même admirable d’arriver à ce résultat sans l’aide de Dieu. Mais parlons-lui de ma femme. — Je chante et je témoigne de ma foi catholique, ça plaît beaucoup au point que j’ai pu produire un disque que j’arrive à vendre. On m’invite hors de mon pays pour parler et chanter, mais ma femme est très réticente et m’interdit une bonne partie de mes sorties. Eh bien, grâce à l’exemple du Christ sur la croix, j’ai la force d’obéir à mon épouse sans amertume. — Tu appelles ça de la force ? Moi j’appellerais cela plutôt de la faiblesse. — Dans un sens tu as raison. Mais que veux-tu dire ? — Eh bien, tu te montres faible devant ta femme. Elle t’étouffe. Elle t’empêche de te réaliser toi-même. E REPENSE
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— Ah ? Mais que ferais-tu à ma place ? — Je négocierais et j’essayerais de trouver un compromis. — C’est ce que j’ai fait, mais sans résultat. Alors ? — Alors je lui dirais : « Basta ! Arrête tes conneries ! Moi je pars ! » — Quoi ? Mais cela entraînerait des tensions et des disputes qui pourraient conduire au divorce ! — Bien sûr, mais au moins, tu pourrais laisser ton talent s’exprimer et ainsi te réaliser. Cela me fit immédiatement penser avec amusement à mon chef et ses conseils. Voilà le vrai visage de la « tolérance » du troisième millénaire : « Tu penses pas comme moi ? C’est ton problème. Tu te mets en travers de ma route ? Mais vas donc te faire voir ! Tu t’obstines ? OK, je t’écrase. Faudra pas te plaindre, quand on me cherche, on me trouve. » Pour ma part, j’ai persévéré dans « l’option faible » : l’obéissance paisible et joyeuse. Il y a un résultat : nous nous entendons toujours bien, mon épouse et moi. Notre petite famille a traversé cette étape sans tensions particulières. Nous nous mettons d’accord pour refuser ou accepter les invitations qui se manifestent au fil du temps. Nous trouvons petit à petit notre rythme de croisière, tout va bien. Merci Seigneur !
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Première conclusion
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ces événements feraient peut-être penser à un conte de fée : il a besoin des médias ? Les voilà ! Il a besoin d’argent ? Pas de problème ; il en a plus qu’assez sans même jouer au Lotto. Sans parler des réactions de tous ces gens. On dirait que tout va de soi, sans problème. « Surréaliste », comme me l’ont écrit quelques jeunes sceptiques. Pourtant, tout est simplement et rigoureusement réel. De plus, la croix est présente, car j’ai beaucoup souffert. D’autres en ont bavé bien plus que moi bien sûr. Ce que je veux dire, c’est que j’ai vécu des situations trop lourdes, trop traumatisantes, qui auraient dû me rendre définitivement asocial et marginal. Une bonne question à poser serait donc : Comment cette relation à Dieu s’est-elle développée au point d’être assez familière par moments ? N’aurait-il pas dû tout envoyer promener (Dieu, l’Eglise, etc.) ? Un petit flash back s’impose. OUS
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2e partie
Comment j’ai cru
Mon enfance : douleur et douceur
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en 1966. Je suis l’aîné de trois enfants. Mes parents étaient (et sont toujours) catholiques pratiquants. Papa travaillait dans l’informatique, et maman était infirmière ; elle travaillait souvent la nuit et dormait le jour. Mon enfance a été un enfer au moins dans ma tête. Ma mémoire a presque tout effacé (ou camouflé ?), mais je sais que c’était l’enfer. Papa, qui était très gentil en temps normal, pouvait tout à coup devenir violent. Cela pouvait survenir à n’importe quel moment, pour la moindre contrariété, ou même gratuitement. J’ai presque tout oublié (heureusement !). Il ne me reste que quelques souvenirs épars. Je me sentais toujours coupable de quelque chose digne de punition. Ce n’est qu’à vingt ans passés que je me rendis compte de mon innocence, que je n’avais rien de particulier à me reprocher, mais que c’était mon père qui avait des problèmes dans sa tête et dans son cœur. Résultat : il régnait à la maison une terreur sourde, diffuse, implacable. Chaque soir de ma jeunesse (jusqu’à ma sortie définitive de la maison), je me suis dit : Dany, c’est peut-être ton dernier soir. Peut-être que papa va venir te tuer pendant ton sommeil, avec maman et tes frère et sœur, avant de se suicider. Quand je voyais un tel fait divers à la télé, je me disais : Pourvu que ça ne donne pas de mauvaises idées à papa ! E SUIS NÉ
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A l’école, ce n’était pas mieux du tout. Pendant les années 1970 régnait le racisme anti-Noir. Je ressentais très fort la pensée blanche de cette époque, tant chez les adultes que chez les enfants : Le Noir est un être in-fé-rieur. Ce n’est pas vraiment un animal, mais presque. Mes camarades m’injuriaient, se moquaient de moi ou me frappaient. Je me souviens de quelques phrases : « Mes parents m’ont dit que je ne pouvais pas jouer avec toi parce que t’es Noir. » Ou bien : « Bonjour… — T’es bête ! » Pour ne rien arranger, j’étais très timide, fragile, renfermé et susceptible, à cause des coups à la maison. Je pleurais facilement. Mes condisciples aimaient bien voir mes réflexes d’enfant battu quand ils faisaient semblant de me frapper. Ma seule préoccupation était de ne jamais me faire remarquer, et si possible, de me faire oublier. Ce qui n’était pas facile, étant le seul Noir de la classe. Mes nuits étaient peuplées de cauchemars obsédants qui revenaient et revenaient sans cesse, dès que j’avais les yeux fermés. Il y avait les cauchemars occasionnels, et les cauchemars « habituels » — de loin les plus terrorisants ! Ma seule défense était d’arriver à rouvrir les yeux pour arrêter ces affreux spectacles nocturnes dont j’étais le « héros » perdant à tous les coups. J’en étais arrivé à avoir peur de fermer les paupières quand j’étais fatigué. C’est l’ensemble de tout cela que j’appelle l’enfer. Le peu que j’ai souffert à cette époque (en comparaison avec la plupart des enfants sur la terre, dont mon père) dépassait de très loin ce que je pouvais supporter. Mais heureusement, tout n’était pas infernal. D’abord, papa était très gentil et joyeux en temps normal (je me souviens de ses grands éclats de rire et de ses bons conseils),
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et je m’entendais très bien avec tous les enfants de mon quartier. Il y avait nos jeux, nos randonnées en vélo, et de terribles parties de foot, mêlant toutes les générations, qui duraient des aprèsmidi entières, jusqu’à ce qu’il fasse trop sombre pour voir la balle. A l’école, ma situation s’améliora quelque peu lors de ma troisième année primaire, grâce à mon institutrice. Elle s’émut de mon isolement en classe et remarqua que j’avais des réflexes d’enfant battu. Elle sermonna mon père (qui le prit vraiment bien) et dit à la classe de mieux m’accueillir. Grâce à elle, les colères paternelles s’espacèrent un peu et j’eus surtout enfin un ami : Damien. Il m’invita régulièrement chez lui. Sa mère était très gentille avec moi. Je pense que sans eux, j’aurais très gravement « perdu pied » (au sens psychique). Je pensais que c’était la fin de l’enfer, mais ce ne l’était pas. J’étais vraiment très abîmé intérieurement. J’avais souvent de très violentes envies de vengeance envers tous ceux que j’estimais être responsables de mes malheurs et de mon état. Renfermé et rêveur, je ne me suis jamais réellement intégré pendant mes six années primaires.
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Adolescence I : l’homme invisible
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en secondaire, on ne se moquait plus de moi et on ne me frappait plus. Cependant, j’étais complètement seul (j’avais perdu de vue Damien à l’adolescence). Au point de me surnommer « l’homme invisible ». En effet, il arrivait fréquemment, quand je disais : « Bonjour… », qu’on passe devant moi sans me voir. S’il y avait une fête ou un voyage, je ne figurais sur aucune des photos souvenirs. Si je voulais m’asseoir à côté d’une superbe fille, je m’entendais gentiment proposer de m’installer ailleurs, car la place était réservée pour quelqu’un d’autre. Je raisonnais donc ainsi : « Dany, tu n’as pas d’amis, tu n’as pas d’amies. Tu n’auras donc jamais de petite amie. Et pourquoi ? Parce que tu es complètement coincé. Et pourquoi es-tu dans cet état ? Parce que ton père et tes camarades t’ont hyper maltraité quand tu étais petit. Tu resteras donc seul toute ta vie. Tu travailles bien, mais ça ne sert à rien puisque tu ne fonderas jamais de famille. Tu seras toujours « hors-jeu ». Que vas-tu donc faire ? » Je tanguais entre deux méthodes : l’option Hollywood, et l’option Bon Larron. La première venait des films violents que j’appréciais beaucoup. Pour parvenir à ses fins, le héros (ou le méchant) doit tuer plein de gens. Je me disais : « Mais oui ! C’est ça qu’il faut faire. Ils m’ont foutu ma vie en l’air. Je vais faire pareil. » Je ne sais pas du tout si je serais passé à l’acte un jour ou l’autre. Ce qui est sûr par contre, c’est que ces idées noires m’enRRIVÉ
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vahissaient très souvent et très intensément, surtout après ce genre de films, pendant des heures entières. La seconde option venait des sermons du curé de notre paroisse. Il disait souvent dans ses homélies : « Jésus est avec ceux qui souffrent ! (“Ce que vous avez fait aux plus petits des miens, c’est à Moi que vous l’avez fait…”) » Quand je pensais à ça, je disais à Jésus : « Alors là, Seigneur, Tu es vraiment avec moi ; parce que je souffre, je souffre et je souffre encore et j’en ai marre de souffrir… Mais au fait !…Ça me fait une belle jambe que Tu souffres avec moi ! Si Tu es vraiment le Fils de Dieu, ne souffre plus ! Et fais que je ne souffre plus non plus ! Comme ça on ne souffrira plus tous les deux et nous serons tranquilles, Toi et moi ! Hein ? Qu’en dis-Tu ? » Mais là, je me rappelais que je parlais exactement comme le Mauvais Larron (Lc 23, 39 : « Si tu es le Fils de Dieu, sauve-toi toi-même et nous avec ! ») Je me disais alors : « Oh, oh… Il vaut mieux que je parle comme le Bon Larron. Mais qu’est-ce qu’il dit lui ? Ah, je me souviens ! Il dit… oh zut ! il dit : “Seigneur, souviens-Toi de moi dans Ton Royaume…” » Ainsi, je disais cette phrase à Jésus et je me voyais crucifié avec Lui. Ça me consolait un peu. Je ne souffrais pas tout seul… A la maison, le comportement de mon père avait changé. Il avait fait connaissance avec une des communautés nouvelles (ou renouveau charismatique catholique) et sa foi s’était renouvelée. Du coup, il ne nous frappait plus, il fréquentait un groupe de prière et il dépensait beaucoup d’énergie pour fonder une chorale dans notre paroisse. D’ailleurs, il voulait que j’en fasse partie pour faire la voix de basse, car je commençais à muer.
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Ma vengeance était donc toute trouvée : je n’avais qu’à dire non. D’autant plus que la messe avec chorale tombait précisément pendant mes matches de foot. Surtout que mon équipe était troisième au championnat et que j’y avais ma place comme défenseur (ce qui n’était pas évident, car il y avait de la concurrence). Cerise sur le gâteau : je me rendais tout de même à la messe, mais la veille au soir, de sorte que papa n’avait « légalement » rien à me reprocher, puisque j’étais « en règle ». Bien sûr, cela provoquait des tensions et de fréquentes disputes (verbales uniquement, heureusement). * J’ai toujours cru en Dieu. Mes souvenirs sur Lui remontent très loin dans la petite enfance. Je me souviens de moments hyper doux où, affalés sur le lit conjugal, David, Lisette et moi écoutions maman qui nous lisait la Bible en continu, en commençant par : « Au commencement, Dieu… » Papa aime nous rappeler qu’alors il râlait un peu en disant à maman : — Tu perds ton temps, de toute façon ils ne comprennent rien. Ils sont trop jeunes. Les personnages bibliques m’ont donc toujours été familiers, d’Adam au roi Salomon, en passant par Enoch (qui ne mourut pas mais fut enlevé au ciel), Noé et ses fils, Abraham (le Père des croyants), Ismaël et Isaac (l’enfant de la promesse), Jacob et ses douze fils, puis Moïse, et ensuite Josué, les Juges (dont Gédéon, et surtout Samson), Samuel le prophète, Saül, le premier roi qui fut écarté, et David qui aimait Dieu. Et bien évidemment Jésus ! Sa merveilleuse naissance annoncée par les anges, ses merveilleux miracles (guérisons, les expulsions de démons, les multiplications de pains, les pêches
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miraculeuses, sa marche sur les eaux…), sa mort, sa résurrection et son ascension. Comme j’aurais bien aimé le voir à l’œuvre de mes yeux dans toutes ses actions et ses paroles ! Je me souviens aussi confusément des « Je vous salue Marie », le soir, dans le couloir des chambres, devant un triptyque avec la Vierge et son Divin Enfant.
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Adolescence II : la Rencontre sur le pont
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quinze ans et demi, pendant les vacances d’été, mon catéchiste de profession de foi me proposa de l’accompagner à Parayle-Monial, en Bourgogne, pour une retraite. C’était l’été 1982 : j’avais réussi ma quatrième année secondaire. J’acceptai et ma sœur Lisette aussi. A cette période, je traînais une mélancolie chronique que ni les livres ni le foot ne parvenaient à effacer. Je me disais qu’après tout, Dieu pourrait faire quelque chose pour me rendre plus joyeux et moins timide. En effet, je n’osais parler à personne d’autre qu’aux membres de ma famille. Nous partîmes donc pour cinq jours, à six cents kilomètres de notre Brabant wallon. Je me disais : « En voyant que je fais six cents kilomètres rien que pour Lui, peut-être que Dieu fera enfin attention à moi. Après tout, je ne Lui demande rien d’extraordinaire comme de guérir de ma myopie, devenir riche, célèbre et musclé. Non, je voudrais simplement être joyeux. » Je pensais que ma sœur et moi serions les seuls adolescents à cette retraite et qu’il y aurait une vingtaine de participants, tous de la même génération que notre catéchiste (environ cinquante ans). Mais une fois arrivés à Paray, stupéfaction totale : je me retrouvais noyé dans une immense foule. Plein de jeunes. Des centaines et des centaines, peut-être plus. Il y avait tout de même des per85
sonnes âgées, mais tous ces gens étaient surtout des jeunes couples, des adolescents et des enfants. Ce qui me frappait particulièrement, c’était qu’ils souriaient tous. Ils chantaient des chants très beaux et bien rythmés. Je n’en connaissais aucun. Pourtant, j’allais à la messe tous les samedis ! La prière avait lieu sous un grand chapiteau, beaucoup trop petit, qui débordait de tous les côtés. Incroyable ! Tout ce monde, toute cette joie uniquement à cause de Jésus ! En fait, nous étions trois mille ! Quelques personnes venaient témoigner au micro pour nous faire part de leur bonheur : « Avant, j’étais comme ceci, puis j’ai rencontré Jésus de telle manière, et voilà pourquoi je suis maintenant ainsi. Merci Seigneur ! » Tout cela me fit peur. C’était clair : j’étais tombé dans une secte ! J’avais justement effectué un travail sur ce thème au cours de religion, en juin. Les adeptes sont très souriants au début. Ils embobinent les « nouveaux » avec leurs jolies chansons. Et une fois qu’on a mis le doigt dans l’engrenage, c’est parti pour les lavages de cerveau, l’exploitation financière jusqu’à la ruine, les rapts, la rupture avec la famille, la prostitution… Je paniquais intérieurement : « Au secours ! mon catéchiste s’est planté ! Je suis seul avec ma sœur au beau milieu d’une secte à six cents kilomètres de chez moi ! Comment fuir ? Je n’ai pas d’argent… » Mais en observant le podium des animateurs (pour repérer le gourou…), je remarquai qu’il y avait là des prêtres, des évêques, et même un ou deux cardinaux (dont feu le cardinal Suenens, de Belgique). Ils semblaient très contents de se trouver parmi tous ces fous. Cela me rassura. C’était la toute première fois de ma vie que j’étais soulagé de voir des « haut-gradés » de l’Eglise. D’habitude, quand l’un d’eux débarquait dans la paroisse, je m’apprêtais à m’ennuyer. Mais ici, je disais : « C’est impossible que des évêques
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et des cardinaux soient des animateurs d’une secte. S’ils sont sur ce podium, c’est que je suis tout de même dans l’Eglise. Donc, je peux écouter ce qu’on va me dire ici. Tout va bien. » En plus, lorsque nous étions réunis entre adolescents, nos animateurs étaient du même âge que nous (environ quinze ans !). Ils nous parlaient de leur rencontre avec le Christ d’une manière si simple, si joyeuse, avec des chants ou des sketches qu’ils avaient composés eux-mêmes… Je n’avais jamais, mais jamais vu ça. Je me disais : « C’est dingue !… Quand je reviendrai en Belgique, je ferai comme eux. » Et que disaient-ils ? Que nous n’étions pas là par hasard, que c’était Dieu qui avait fait le premier pas vers nous en nous invitant en ce lieu, qu’Il ne s’intéressait pas à nous uniquement à la prière ou à la messe, mais partout et tout le temps : nos amis, nos parents, nos études, nos loisirs, nos désirs, nos rêves, nos qualités, nos défauts, tout L’intéresse. Tout ce qu’Il souhaite, c’est qu’on Lui confie justement tout cela, spécialement ce dont on est le moins fier. Mon expérience était tout autre. J’avais toujours pensé qu’après Sa mort et Sa résurrection, Jésus était monté au ciel et qu’Il y était resté, se gardant bien de S’occuper de nous (et surtout de moi). Sinon je n’aurais jamais souffert ! Mais pourquoi pas après tout ? Peut-être que Dieu faisait attention à moi, finalement. Je me mis donc à prier pour recevoir, moi aussi, cette joie que j’observais sur tous ces visages. Je fis cela durant trois jours, et rien ne se produisit. Pourtant, j’essayais de jouer le jeu à fond en chantant, en m’investissant dans les services (l’organisation était débordée par le nombre de pèlerins et avait besoin de bénévoles supplémentaires), mais en vain, me semblait-il.
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Il ne restait plus que deux jours. Je ne voulais absolument pas partir comme j’étais arrivé. Je voulais rencontrer Dieu, moi aussi. Justement, on nous avait plusieurs fois expliqué qu’un des lieux les plus propices à cette rencontre est… la confession. Lorsque le prêtre nous dit : « Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, je te pardonne tous tes péchés », ce n’est pas du tout un poème qu’il récite, mais c’est vraiment Jésus Lui-même qui vient pardonner tout ce qu’on vient d’avouer. Et Il le fait tellement bien qu’Il ne s’en souvient plus ; tout est effacé : on repart à zéro. Plusieurs personnes avaient apporté leur témoignage. Encore une surprise : je pensais que la confession n’existait tout simplement plus. Que c’était « dépassé ». Eh bien, non ! Je voyais bien qu’il me fallait confesser mes disputes avec mon père. Mais celles-ci étaient dues à mes matches de foot. Donc, pour être logique avec la confession, il aurait fallu sacrifier le foot pour la chorale de papa. C’était largement au-dessus de mes forces. Je suppliai donc le Seigneur de me trouver autre chose, n’importe quoi, pourvu que je puisse Le rencontrer. Et je Lui fis cette prière qui revenait souvent dans les témoignages : « Seigneur, si c’est vrai que Tu existes et que Tu m’aimes, fais quelque chose pour moi. N’importe quoi, mais fais-le. Je Te donne carte blanche. Tu peux faire tout ce que Tu as envie de ma vie… » C’est alors que je me rendis compte qu’il y avait dans le village un très bel endroit. C’était un pont devant lequel il y a une superbe vue sur la basilique qui se reflète dans un ruisseau. Le tout au milieu d’une magnifique végétation très fleurie. Le paysage est encore plus beau la nuit grâce à un éclairage qui donne à la basilique un aspect doré. « Si je vais prier là-bas pendant la nuit, le panorama sera tellement beau que je vais rencontrer Dieu », pensai-je.
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L’ennui, c’est qu’à cette époque, ce pont était très mal fréquenté, surtout la nuit. C’était un lieu de rendez-vous de « loubards » autochtones se vendant mutuellement des drogues douces et circulant sur des mobylettes avec un look genre « Mad Max II ». Comme je n’osais déjà pas parler aux personnes « normales », ces jeunes-là me faisaient vraiment peur. Mais une voix intérieure me rassura : « Ne crains pas. Va là-bas et tu verras, Je serai avec toi. » Me parlais-je à moi-même ? Etait-ce, mon subconscient, mon inconscient, mon moi profond, mon surmoi… Ou tout simplement ma conscience, Jésus dans mon cœur ? La seule façon de le savoir, c’était d’y aller. Qu’allait-il se passer ? Je pensais à un petit miracle tel que cette nuit-là, pour une fois, le pont serait désert et que je pourrais prier tranquillement. Il restait le problème de pouvoir se réveiller en pleine nuit sans déranger personne. Pas de soucis ! nous avait-on assuré : il suffit de demander à notre ange gardien de nous avertir. Il aime beaucoup s’occuper de cette tâche, et il est très ponctuel. En effet, j’émergeai de mon sommeil vers onze heures et demie et je pus me rendre sur le pont à minuit. Mais là, mauvaise surprise : tous les loubards y étaient aussi. Avec le recul, il n’y avait vraiment pas de quoi avoir peur. Ils circulaient simplement sur leurs mobylettes d’un côté à l’autre du pont, mais j’étais très impressionné. « Bon ! faisons semblant de rien, je vais faire comme si j’admirais le paysage, mais je prierai dans mon cœur. Tout ira bien. » Je m’engageai donc sur le pont, m’arrêtai au milieu et m’accrochai fermement à la barrière. — Tu ne me fais pas confiance, me dit la Voix intérieure. Mets-toi à genoux et là, Je verrai que tu me fais confiance. — Ouh lala ! OK, je me parle à moi-même, je m’en vais.
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Au moment de tourner les talons, je me rendis compte que si je partais, je ne pourrais jamais savoir si tout cela était des conneries ou pas. Donc, je me mis à genoux. Mais alors, j’eus vraiment la trouille. « Et maintenant Seigneur ? Qu’est-ce qu’on fait ? Je reste ici ? Je m’en vais ? Au secours ! Je ne sais même pas si je parle dans le vide ou s’il y a Quelqu’un… » A chaque bruit de mobylette passant derrière moi, je tremblais de partout. « Pourvu qu’ils ne se doutent pas que je suis en train de prier. Ils peuvent très bien penser que j’ai mal au ventre et que c’est pour ça que je suis à genoux. » Tout à coup, j’entendis un bruit de pas qui s’approchaient de moi, du côté droit, comme dans les films d’horreur d’Alfred Hitchcok. Clop clop clop clop. Je n’osais ni regarder ni bouger, j’avais la tête penchée vers le sol. « Bon, pas de panique ! C’est simplement un gars qui se promène. Il va juste passer derrière moi en enjambant mes pieds et ce sera tout. Pourvu qu’il ne se rende pas compte que je prie !… » Mais jamais il ne passait derrière moi ! Plus il approchait, et plus il ralentissait : clop… clop… clop… clop. Finalement, il s’arrêta juste à côté de moi : clop. « C’est la fin ! me dis-je, complètement terrorisé. C’est une agression ! J’ai pas d’argent ! Dany, tu es venu rencontrer Dieu, et on va te foutre à l’eau ! » — Ah, mon frère ! Je vois que tu pries… — (Zut, on voit que je prie.) — Eh bien, je vais prier avec toi ! — ?@*@ # ? !? … (Ce n’est pas possible ! C’est sûrement quelqu’un que je connais, et qui se trouve ici par un hasard incroyable !) Je tournai la tête… Je le connaissais pas ! C’était un adulte, qui devait vraisemblablement faire partie de la retraite. Je continuai à prier. Mais cette fois-ci, j’étais saisi d’une très grande joie
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intérieure. Je m’en souviens comme si c’était hier. Je pense que je m’en souviendrai toute ma vie. Bon ! soyons raisonnables. Je suis un scientifique. Nous sommes ici à trois mille dans cette retraite de fous. Parmi tous ces fous, il y en a bien un qui s’amuse à prendre l’air ici à cette heure-ci. Il a raison, l’endroit est superbe. Il voit un type à genoux. Comme il est fou, il pense que c’est un autre dingue qui prie et il a envie de prier avec lui. C’est logique. Seulement, il aurait pu passer une demi-heure avant ou une demi-heure après, et je n’aurais pas été là. De plus, ça ne se voit jamais, deux types qui prient à genoux sur un pont en pleine nuit, entourés de loubards qui se vendent de la drogue. Donc, c’est bien vrai, ce qu’on disait à la retraite, Seigneur ! Ce n’était pas des conneries ! Tu es vraiment là, et Tu vois ce qu’il y a dans mon cœur ! Et Tu as vu que j’avais peur ! Et tu as même trouvé un bon moyen pour que je n’aie plus peur : comme cet homme que Tu as envoyé est plus costaud que moi, il pourra me défendre si jamais on vient m’agresser. Merci Seigneur ! Alléluia ! Alléluia ! Nous restâmes un certain temps à prier tous les deux en silence à genoux sur ce pont en pleine nuit, entourés de tout ce bruit. Ça devait vraiment faire un tableau surréaliste. Lorsque nous nous quittâmes, je le remerciai chaudement d’avoir spontanément prié avec moi. Je serais complètement incapable de le reconnaître si je le revoyais. Les années qui ont suivi, je suis retourné plus de dix fois à cet endroit à la même heure pour y exprimer ma gratitude à Dieu. Mais jamais plus personne ne s’est agenouillé à côté de moi. Je n’en avais eu besoin que cette « première fois ». De retour au camping, je disais : « Je peux maintenant vraiment te parler comme dans les psaumes, Seigneur : Tu es mon
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seul ami ! Je n’en ai vraiment pas d’autre ! Maintenant que je T’ai rencontré, je ne veux plus Te lâcher, sous aucun prétexte. » Tu veux que j’aille me confesser pour ces disputes avec mon père ? Pas de problème, j’irai me confesser, même si ça me coûte le foot. Mais je persiste à dire que c’est mon père qui a tous les torts. Mais ne T’en fais pas, à l’heure des confessions, je serai là. » Je pensais naïvement que la confession n’existait plus. Cela faisait des années que je n’avais plus vu quelqu’un se confesser. Je m’imaginais donc que j’allais être le seul jeune à me confesser, avec quelques vieux… Quand j’arrivai à l’heure des confessions à la basilique, j’assistai à quelque chose que je n’avais jamais vu et que je n’aurais jamais pu imaginer : il y avait des dizaines de prêtres tout le long des murs dans la basilique. Et devant chaque prêtre, une longue file ! Inouï. Je n’en croyais pas mes yeux ! C’était comme aux caisses des supermarchés, le samedi après-midi ! Même devant les prêtres les plus âgés et les plus rabougris, il y avait une file de pénitents, jeunes et vieux, tous ensemble, sagement recueillis. Et moi qui pensais que « ça irait vite ! » Je dus me résoudre à attendre comme tout le monde. J’en profitai pour prier. Et là, il me sembla que Jésus me dit : « Tu vois, je te donne du temps pour que tu te rendes bien compte que par tes refus, tu as attristé ton père. Et comme tu l’as attristé, tu M’as attristé aussi. Et c’est pour ça que Je veux que tu te confesses. » Le temps que je prenne bien conscience de tout cela, mon tour était arrivé ! Je demandai donc sincèrement pardon à Jésus pour mes refus et mes disputes. Il ne se produisit rien de spécial. Je ne me souviens plus des conseils que le prêtre me donna. Mais lorsqu’il prononça les saintes paroles : « Au nom du Père et du Fils
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et du Saint-Esprit, je te pardonne tous tes péchés… » j’y crus tout simplement. Et je pris la résolution de sacrifier mon foot pour la chorale de papa, pour être logique avec la confession. J’aurais été complètement incapable de faire cela avant « le pont » quand j’y repense. Mon principal soucis était de ne pas déplaire à Jésus. Je voulais rester avec Lui à tout prix. J’étais très joyeux et léger en sortant de là. Je m’en souviens très bien alors que cela fait déjà dix-neuf ans !
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Les premières joies… et croix !
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notre retour, nos parents constatèrent que ma sœur et moi avions changé. Nous faisions la vaisselle joyeusement en chantant (ça nous rappelait l’ambiance de service à Paray), nous acceptions de les accompagner au groupe de prière du lundi soir, et j’avais bien sûr dit oui pour la chorale (mais un dimanche sur deux tout de même : faut pas déconner !). Evidemment, papa était très content, de sorte que les disputes diminuèrent sensiblement — mais pas complètement. Du coup, papa décida que toute la famille se rendrait à Paray l’année suivante. Par contre, au foot, je me faisais charrier par les copains : — Comment ? Toi, Dany, tu as ta place et tu ne viens pas au foot pour aller à la messe ? ! Mais pourquoi ? Aïe aïe aïe. La gêne ! La honte ! L’embarras ! — Ben, euh, je crois en Dieu… — Tu crois en Dieu ? ! Mais où est-Il ton Dieu ? — (soupir)… — Il est dans l’air ! Non, Il est dans le train là-bas ! Et Il va me faire gagner au Lotto, ton Dieu ? Là-dessus, l’entraîneur intervenait en expliquant que chacun avait le droit d’avoir ses croyances et qu’il fallait nous respecter les uns les autres… Ouf ! Ça calmait un peu les esprits. Mes coéquipiers n’étaient pas du tout méchants. Mais tout de même, je n’étais pas à l’aise. Cependant, je remarquai quelque ORS DE
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chose : lors de ces moments pénibles, il y avait très exactement deux camps : ceux qui riaient et ceux qui se taisaient. Et ceux qui se taisaient, où les retrouvais-je le dimanche suivant ? A la messe ! Moi qui, pendant mon enfance, avait rêvé d’amener des copains à l’église à coup d’arguments, voilà qu’ils y allaient sans que je n’aie rien dit ! Dieu agit avec humour même dans les tempêtes. Mais bon, tout n’était pas rose. Loin de là ! Pourtant, j’avais dit à Dieu : « Maintenant que je prie, que je vais à la messe, à la chorale et à confesse, Tu vas m’arranger le coup, hein ? Des copains, des copines, et même une petite amie, celle(s) dont je suis amoureux en secret… » Réponse ? Rien ! Au contraire. Comme j’animais avec ma sœur un modeste groupe de prière au lycée, certains camarades commençaient à s’intéresser à moi, mais pour se moquer ou même (une fois) me frapper ! A part Lisette et moi, les seuls élèves à venir régulièrement à la prière étaient deux petites filles de première secondaire. Donc, en dehors du groupe, j’étais obstinément seul. Je poussai alors intérieurement ce cri : « Quoi, Seigneur ? C’est comme ça que Tu me traites ? Mais c’est dingue ! Je me décarcasse à fond pour Toi, j’essaie de faire ce qui Te plaît à la maison comme à l’école, j’ai sacrifié mon foot pour la chorale de papa… et Toi, qu’est-ce que Tu fais ? Rien ! Mais rien du tout ! La bulle ! Zéro ! Et c’est même pire : au moins, avant, j’étais seul mais on me laissait tranquille. Maintenant, on recommence à se moquer de moi comme à l’école primaire. Ce n’est plus à cause de ma peau cette fois, mais à cause de Toi. Aïe aïe aïe ! » Je me rappelais à ces moments-là une pensée que j’avais quand j’étais petit. Lorsque je recevais des coups et des moqueries à cette époque, je trouvais dommage que ce ne soit qu’à
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cause de ma peau et pas à cause du Christ, parce qu’alors, je pourrais au moins être martyr. Eh bien, Jésus avait entendu ce petit regret et Il était en train d’y remédier ! Il fait vraiment attention à tout. Mais avec son sens des priorités. Je remarquais aussi un autre changement : si le Seigneur m’avait délivré d’un énorme poids de tristesse, Il m’avait fait cadeau d’une nouvelle forme de souffrance. Je devenais de plus en plus sensible aux attaques contre notre Sainte Eglise catholique. Alors qu’avant je m’en foutais plus ou moins. Désormais, les réflexions dégradantes sur le pape, les prêtres, Marie, Jésus… me faisaient mal. Cela me rappela ce que j’avais entendu à la retraite : « Jésus veut faire avec nous un (admirable) échange : nous Lui donnons tous nos pesants fardeaux et nos blessures, et Lui, en retour, nous guérit et nous donne son joug (ses commandements) et… ses propres blessures ! Ce sont des blessures d’amour. Qui nous font souffrir de ce dont Il souffre Lui-même. Si quelqu’un qu’on aime souffre, nous souffrons tout de suite avec lui. »
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Tu as carte blanche !
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AIS MALGRÉ toutes ces belles pensées, j’étais largement arrivé
à saturation ! Je fis donc cette prière : « Ecoute, Seigneur ! Tu ne m’exauces pas et Tu as Tes raisons, d’accord. Mais moi, ici, je n’en peux plus. Donc, si Tu veux que je croie toujours en Toi, fais moi vivre régulièrement d’autres choses comme à Paray-le-Monial. N’importe quoi. Tu as le libre choix. Fais ce que Tu veux, je Te donne ma vie. Mais si Tu ne m’aides pas à croire en Toi, je pense que d’ici un an, je vais croire que tout cela n’était que du hasard et du psychologique. » Ah ! comme Jésus aime ce genre de prières ! Celles où on Lui dit qu’Il est libre de tout faire. Je le constate puisqu’Il les exauce. Par contre, si je prie pour gagner au jeu, faire gagner mon équipe de foot favorite, réussir les examens sans (assez) étudier…, c’est foireux. Jésus ne s’est donc pas du tout privé de m’entraîner dans toutes sortes de petites aventures qui ont chaque fois augmenté ma foi et mon amour pour Dieu et mon entourage. Je ne peux jamais tout raconter quand je témoigne. C’est en grande partie pour cela que j’écris ce livre. Rappelons encore une fois que tous les événements qui vont suivre sont ri-gou-reu-se-ment réels. Ils ne sont ni déformés, ni exagérés et encore moins inventés bien sûr. Mais comme d’habitude, on pourra les « expliquer » par le hasard, le psychologique, etc. Que c’est doux de croire, dans 99
un petit saut de foi et d’abandon, que Jésus est bien là (et pas tout seul en plus). Qu’Il est proche de nous, qu’Il agit avec délicatesse, humour, sagesse, et tant d’amour. C’est merveilleux. Alléluia !
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Quelques événements qui ont augmenté ma foi
Notre-Dame de Banneux Peu après la rentrée de septembre 1983, je me rendis avec toute ma famille à Banneux pour une retraite charismatique. Pendant les vacances, nous étions allés tous ensemble à Paray et nous en étions enchantés. Papa avait pris contact avec des animateurs pour savoir si cela se faisait aussi en Belgique. C’est ainsi que nous nous retrouvâmes dans ce village où la Vierge Marie était apparue en 1933. Il n’y avait qu’un petit millier de personnes, et seulement environ trois cents jeunes. C’était quand même pas mal comparé aux messes souvent ennuyeuses. Je m’aperçus cependant que les ados se foutaient complètement de ce qui se passait autour d’eux. Ils donnaient l’impression d’avoir été emmenés là de force par leurs parents, ou pour draguer et s’amuser. Ça me faisait un peu peur. Heureusement que je n’étais pas animateur ! Je me contentais de prier paisiblement dans mon coin, et de me rendre aux activités qu’on nous proposait. Un temps spécial pour les jeunes avait été prévu. Je plaignais les animateurs. L’un d’eux, Gabriel (un séminariste français rencontré à Paray) vint me trouver : — Dany, prie ! 101
— Oh oui, bien sûr. Je ne fais que ça. — Tu as vécu une bonne confession à Paray ? —… — Veux-tu témoigner de ta confession devant les jeunes ? — … ??? C’était au moins Hiroshima plus Pearl Harbor dans ma tête ! Mais je ne savais pas dire « non » à cette époque, étant très gravement timide et coincé ; j’acceptai donc de témoigner. Les jeunes avaient été répartis en trois groupes. Ouf ! Nous n’étions donc plus que cent. Mais c’était évidemment trop. J’observai les jeunes. Affreux ! Ils s’amusaient et discutaient entre eux. Ils étaient indifférents à tout le reste. Je n’osais déjà pas parler de choses « normales » par timidité. Or, Jésus n’est pas du tout un sujet de conversation à la mode chez les jeunes. Mais la confession, c’est le ponpon ! Qu’allais-je bien pouvoir dire ? D’autant plus qu’il ne s’était rien passé de spécial pendant ma confession à Paray ! J’étais terrorisé. Je demandai à David et Lisette de prier pour moi. Ils partaient avec un autre groupe. Tout en marchant vers mon lieu d’animation, je me remis à observer le futur public autour de moi. C’était catastrophique. Ils étaient clairement là pour rigoler entre copains. Il faisait beau. Nous nous arrêtâmes dans une prairie. Nous étions tous assis à terre. Gabriel chantait, jouait de la guitare ou nous faisait un sketch. Rien n’y faisait. Les « spectateurs » n’y prêtaient pas attention. A un moment, après une chanson il dit : — Que tous ceux qui sont pour Jésus Christ se lèvent ! Une seule personne se leva. Et ce n’était pas moi ! Mon postérieur était plus que jamais rivé au sol. Quel était donc le fou qui s’était dressé ? C’était une sorte de « hippie baba cool » un peu marginal.
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— Ben oui, je suis pour Jésus, moi ! dit-il, tout à fait décontracté, en se retournant pour voir s’il y en avait d’autres (il était tout devant). « Les derniers seront les premiers », disait Jésus. Nous étions donc en plein dans l’Evangile, c’était clair. Gabriel ne connaissait pas du tout ce garçon et n’avait donc pas la moindre idée de ce qu’il avait pu vivre. Pourtant, il l’invita à nous donner son témoignage, ce qu’il fit volontiers. C’était un délinquant spécialisé dans le vol des petits commerces et des grandes surfaces. Il avait commencé à se convertir après son arrestation lors d’un dernier vol : un livre sur… Jésus. Finalement, il l’avait accepté comme son Sauveur et c’est ainsi qu’il n’avait plus besoin de commettre de délits dans les magasins. Je trouvais cela très intéressant, mais j’étais le seul. Tous les autres, absolument tous s’en fichaient éperdument. Mais le hippie avait parlé d’une façon si détendue que je m’étais quelque peu calmé. « Finalement, ce n’est pas compliqué, me dis-je. Je raconterai mon histoire, ils s’en ficheront complètement, puis je retournerai m’asseoir tout simplement. Pourvu qu’ils ne se moquent pas de moi tout de même ! » Nous chantâmes un petit chant et mon tour arriva. En me levant, je dis intérieurement à Jésus : — Mais que vais-je dire ? Il n’y a rien eu de spécial ! — La vérité, me dit une voix (comme à Paray-le-Monial sur le pont). Du coup, j’étais un peu plus rassuré. Je n’étais pas seul dans la « fosse aux lions ». Mais à part ça, je n’étais pas plus avancé. Je tremblais de tout mon corps tellement j’avais peur. Lorsque j’ouvris la bouche, quelque chose se produisit : une dictée se
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mit en place dans mon esprit et me fit commencer par tout autre chose que ce que j’avais prévu de dire. C’était la première fois que cela m’arrivait, mais je savais bien ce que c’était. Où plutôt « qui » c’était : l’Esprit Saint. Dans les évangiles, Jésus dit à ses disciples de ne pas avoir peur quand ils auront à rendre témoignage, ni de se mettre à préparer avec angoisse « leur texte » : « Le Saint-Esprit vous inspirera à l’heure même tout ce que vous aurez à dire. » Et c’était bien cela qui se produisait. Merveilleux. Merci Seigneur ! Au lieu de dire que je m’étais confessé l’année passée point à la ligne, je me mis à parler du sketch que Gabriel nous avait joué au début. Car il résumait bien ce que j’avais vécu à Paray. La dictée continuait. J’en étais totalement dépendant. Si elle s’était interrompue, je me serais immédiatement arrêté. Mais non, elle coulait paisiblement, comme un petit ruisseau de montagne. Je ne faisais que répéter, tout en regardant les jeunes qui parlaient entre eux. — Ouf ! me dis-je. Ils ne font pas attention, donc pas de danger qu’ils aillent se foutre de moi. Je commençai alors à me détendre et à bien profiter de la dictée. Je la trouvais de plus en plus intéressante. Mais progressivement, les regards se tournèrent vers moi. Ouïe ouïe ouïe ! Je m’accrochai plus que jamais à la voix qui heureusement ne me quittait pas. Tout à coup, ils rirent tous en même temps ! « Horreur ! Ils se moquent de moi ! Je suis foutu !… Eh, mais… Mais non ! C’est une blague que je viens juste de leur dire sans m’en rendre compte ! Tout va bien ! Continuons. » Une communion de plus en plus forte s’installa entre ses jeunes et moi en Dieu. C’était comme si Sa présence nous enveloppait tous ensemble. C’était la toute première fois que cela m’arrivait. J’aurais bien voulu que cela dure éternellement, mais
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c’est évidemment ce moment-là que la voix choisit pour s’arrêter. Elle m’avait fait raconter à peu près ce que j’ai dit de ma conversion dans ce livre. Je me tus donc. Tous les adolescents m’applaudirent immédiatement. C’était très, très émouvant. Je ne me souviens plus du tout comment cela s’est terminé, tellement cette situation m’a surpris, bousculé, dépassé de fond en comble. Je me souviens juste que trois garçons sont venus me serrer la main comme si j’étais quelqu’un d’important, en me remerciant. Le dernier me dit : — Je vais me confesser ! Puis il s’en alla. Il avait visiblement hâte de faire cette expérience de réconciliation avec Dieu, lui aussi. Bien sûr, j’ai fait plus ample connaissance avec le hippie. Nous nous sommes revus à plusieurs reprises les années qui ont suivi. Puis, nous nous sommes perdus de vue. Mais le plus important, c’est que ma foi avait été renouvelée. C’était comme une nouvelle conversion. Je remerciai Dieu en disant : « Ah Seigneur ! Maintenant, Tu peux me faire vivre tous les trucs les plus pénibles, je croirai toujours en Toi ! Merci, merci de tout cœur de ce que Tu viens de faire ! Quand est-ce qu’on recommence ? » Je n’avais en effet qu’une seule envie : parler à nouveau de ce que Jésus avait réalisé en moi… mais à mes camarades de classe, cette fois-ci. C’est ainsi que mon Sauveur commença à me guérir de ma timidité. Jésus et la confession devinrent pratiquement les seuls sujets de conversation que j’osais aborder avec mes camarades car alors, je savais que « la petite voix » viendrait à mon secours. Et c’est ce qui arrivait chaque fois que j’osais faire ce pas. Je pris rapidement goût à m’exprimer en public (alors que cela me terrorisait auparavant !) Très progressivement, au fil des ans, je devins capable de parler de choses courantes.
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La croissance, la guérison et la vocation Je me mis à prier beaucoup et régulièrement à partir de cette période. C’était une véritable découverte. C’est comme si tout un nouvel horizon s’offrait tout à coup à mes regards émerveillés. La Bible, l’enseignement de l’Eglise, les saints et saintes de toutes les époques, les icônes et les chants orthodoxes, le souffle missionnaire des protestants et leur fantastique expérience de la louange, l’impressionnant courage de nos frères martyrs de l’Est… Je découvrais et j’expérimentais cela avec toute ma famille grâce à la Communauté de l’Emmanuel, à notre groupe de prière et à notre chorale à Bierges. Je ne trouve pas les mots pour exprimer à quel point c’était merveilleux : le Ciel dans mon cœur. Chaque fois que j’entretenais des pensées de haine et de vengeance contre mon père ou mes camarades scolaires, j’allais au sacrement de réconciliation (confession). Comme ça m’arrivait souvent (surtout après les films violents que j’appréciais beaucoup), je pensais que le curé finirait par en avoir marre. Mais non ! il m’écoutait toujours comme si c’était la première fois. Je me dis que ça devait sûrement être pareil pour Dieu. C’est normal, puisqu’Il oublie tout à chaque fois et qu’Il pardonne complètement. Je remarquai que, progressivement, les idées noires s’espaçaient de plus en plus. Marie Finalement, je réalisai qu’elles ne venaient plus qu’après un film violent. J’en conclus que pour être totalement délivré de ce poids, je devais complètement renoncer à ce genre de spectacle. Je n’en avais absolument pas le courage : quand un nouveau film sortait, je « devais » le voir coûte que coûte. Heureusement, grâce à ma communauté et aux apparitions de Medjugorje, je découvris
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une merveilleuse alliée : Marie ! Je me mettais à réciter le chapelet, pas spécialement pour recevoir telle ou telle chose, mais surtout pour être plus proche d’elle et de son Divin Fils. Ainsi, plus le temps passait et moins j’étais « dépendant » des vidéos et du cinéma. Comme je les regardais toujours plus rarement, les idées noires disparurent presque complètement. Heureusement ! Maintenant que je suis marié et père de famille, je constate que ce poids de haine m’aurait sûrement rendu violent avec ma femme et mes enfants. Mais justement, ce poids a été presque complètement englouti dans la confession, donc dans le Cœur de notre Seigneur Jésus, si doux, si miséricordieux (Il se penche sur nos faiblesses). Alléluia ! Merci mon Dieu. C’est aussi à cette époque (1984 à 1987) que certains camarades ou connaissances se mirent à me dire qu’un jour je deviendrais prêtre. Ça ne me plaisait pas du tout : dès qu’un ado commence à parler de Dieu, paf ! il va être prêtre (ou religieuse si c’est une fille) ! Mais pourquoi pas après tout ? Peut-être était-ce un signe de Dieu ? Surtout que je n’avais pas de petite amie, et apparemment aucune chance d’en avoir. Je m’étais donc fait à cette idée, tout en décidant de terminer d’abord les études d’agronomie que je commencerais l’année suivante. Mais un jour que je me plaignais à Dieu de trop souvent m’entendre dire : « Tu seras curé, tu seras prêtre, etc. », Il me répondit très clairement : — Ce que tu dois faire, c’est le désir de ton cœur. — Oh ! mais il n’y a pas de problème ! Lui répondis-je. Ça ne me dérange pas du tout d’être prêtre ou moine ou tout ce que Tu voudras. Je voudrais simplement que ces réflexions des gens s’arrêtent, puisque je suis d’accord de toute façon. Mais Il reprit doucement : — Ce que tu dois faire, c’est le désir de ton cœur.
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Rentrant alors plus profondément en moi-même, je dus bien reconnaître que mon grand désir avait toujours été de me marier, d’avoir des enfants, de fonder un foyer. Même si je n’avais apparemment aucune chance d’y arriver un jour. Cela me remplit de joie et de paix. Je savais que le Seigneur serait toujours là pour réaliser ce rêve impossible, le moment venu.
Jusqu’au bout ! J’étais en dernière année du secondaire et l’année scolaire avait à peine commencé lorsque le Seigneur me fit vivre ma première expérience de témoignage à Banneux. Une nouvelle occasion se présenta : un professeur de religion en quatrième année emmenait tous ses élèves en retraite spirituelle et il avait besoin de quelques « rhétoriciens » pour l’aider à encadrer ses jeunes. Je me portai volontaire, surtout que ma petite sœur Lisette était dans cette classe. C’est lors de cette récollection que nous avons fait la connaissance de la Fraternité de Tibériade à Lavaux-Sainte-Anne, près de Beauraing. Je pense qu’il n’y avait alors que deux moines (assez jeunes) : le fondateur, frère Marc, et le frère Joseph. Leur témoignage était simple, rafraîchissant, extraordinaire. Ils avaient tout quitté pour vivre au milieu des bois, sans rien. Ils avaient construit sans aucune ressource financière une cabane et leur chapelle. C’était simplement pour répondre à « un appel » qu’ils avaient perçu en eux. Ils me rappelaient complètement mon épisode « du pont ». Aujourd’hui, environ dix mille jeunes s’arrêtent chaque année dans ce trou perdu pour chercher Dieu, se reposer, se ressourcer, et une vingtaine de jeunes moines forment cette communauté…
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Mais en ce mois d’octobre 1983, pour les élèves présents, c’étaient des illuminés qui prenaient leurs rêves pour des réalités. Lorsque j’eus l’occasion de témoigner, la petite voix arriva un peu en retard. Je me rendis compte que vraiment sans elle je n’étais rien. Mais lorsqu’elle arriva, la présence de Dieu se fit de nouveau sensible. L’Esprit Saint me fit engueuler gentiment les ados pour leur incrédulité devant les moines. Cela détendit l’atmosphère et en fit réfléchir quelques-uns. C’était un nouveau moment merveilleux. Alléluia ! Au retour, certains élèves étaient tristes que ce soit « fini ». Six d’entre eux (dont Lisette) voulaient faire quelque chose au lycée pour que ça continue. Après avoir discuté, prié et réfléchi, nous décidâmes de préparer une messe au lycée : une messe par les élèves, pour les élèves. Une messe toute simple, un jour ordinaire. Juste pour faire descendre Jésus dans le lycée. Et pas pendant les cours, car cela aurait faussé la motivation (aller à la messe pour sécher les cours). Non : une messe pendant la récré de midi. Cela supposait que les participants, après avoir étudié toute la matinée, se dépêcheraient de manger leurs tartines pour ensuite aller se rasseoir afin de prier. Une fois cela fait, il n’y aurait plus qu’à retourner en classe et travailler jusqu’à la sonnerie finale. C’était bien sûr complètement fou, mais nous étions tellement persuadés « qu’à Dieu, rien n’est impossible », que cela ne nous posa aucun problème. C’est pour cela, d’ailleurs, que nous avions réservé la plus grande classe pour cette eucharistie. En effet, il était clair dans nos cœurs que c’était Jésus en personne qui allait inviter nos camarades (en se servant de nous, certes). Nous étions conscients qu’il nous fallait opérer de la même façon que les moines : prier et agir concrètement. L’un ne va pas sans l’autre. Je demandai tout de même l’avis de Bruno, mon
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professeur de religion. Une confirmation, un conseil ou une mise en garde ne sont jamais superflus dans ce genre d’aventure. Il me dit que c’était une bonne idée, mais qu’il ne fallait surtout pas appeler des professeurs, car cela pourrait complètement perturber la motivation des jeunes. Certains « fuiraient » par antipathie pour tel prof, d’autres viendraient dans un esprit de « manche à balle ». Matériellement, tout fut vite réglé : la date, le grand local de géographie, le prêtre, les textes et les chants, l’autorisation d’aller deux par deux dans les classes pendant les cours pour inviter les élèves. C’était une nouvelle occasion de témoigner de Jésus, et j’adorais ça de plus en plus. Nos camarades avaient l’air de prendre cela plutôt bien. Spirituellement, je priais intensément et plus souvent. Je me comportais du mieux que je pouvais pour plaire le plus possible à mon Dieu. Même s’Il est miséricordieux, doux et toujours prêt à nous pardonner, il ne faut tout de même pas l’irriter, surtout dans des moments où l’on compte à fond sur Lui. Le jour J arriva. Nous avions fait humainement tout ce qui était à notre portée. Tous les élèves étaient au courant de l’événement. En préparant le local, nous nous demandions ce que Jésus allait faire. Nous avions repoussé les bancs contre les murs et disposé une trentaine de chaises. Le prêtre avait apporté cinquante hosties. C’était raisonnable. La récré de midi sonna. Il n’y avait que nous ! J’étais complètement surpris et très déçu de Dieu. Une grande colère contre Lui m’envahit : « Comment ? lui dis-je intérieurement. C’est tout ce que Tu sais faire ? Nous avons tant prié et tant risqué de nous couvrir de ridicule, et c’est comme ça que Tu nous réponds ? Et ne viens pas dire que la qualité vaut mieux que la quantité ! Et
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notre foi ? Qu’est-ce que Tu en fais ? Elle va en prendre un sacré coup, maintenant ! » Cela peut sembler exagéré, mais on nous avait dit plusieurs fois, dans les retraites, que lorsque l’on parle à Dieu, il ne faut jamais hésiter à être naturel, comme Ses enfants. Si nous sommes joyeux, parlons avec joie, si nous sommes tristes, angoissés ou en colère, déversons nos sentiments dans Son Cœur. Mais n’oublions surtout pas ensuite de prolonger notre prière dans le silence pour Le laisser agir ou répondre. Or, déjà pendant que je Lui exprimais mon mécontentement, Il me répondait. Je me calmai pour mieux entendre : — Tu es prêt à aller jusqu’où ? me disait-Il doucement. — Ah non, hein ! J’ai prié tant et plus, j’ai fait le guignol dans plusieurs classes, quitte à m’attirer des moqueries… Et puis de toute façon, c’est le jour J, c’est l’heure H, c’est à Toi de faire le miracle !… Mais Lui reprit calmement : — Tu es prêt à aller jusqu’où ? — Bon, très bien… capitulai-je. J’irai jusqu’où Tu me demanderas, j’irai jusqu’au bout. — Alors descends au réfectoire, et dis-leur qu’il y a la messe et que Je les attends. Ça ne me semblait pas trop déraisonnable. Le réfectoire est immense, mais très peu d’élèves y mangent pendant le temps de midi. Ils préfèrent tous sortir en bandes et s’acheter des sandwiches en ville. Je n’aurais donc qu’à inviter les vingt ou trente élèves vraisemblablement présents à venir prier avec nous. Cependant, nous étions au mois de novembre, et il était terriblement froid cette année-là. J’avais donc une appréhension. Je parlai de mon « intuition » à Bruno, en espérant qu’il me décourage.
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Mais non ! Il me dit que c’était une bonne idée. Je lui demandai alors de m’accompagner. — Soit ! Mais comme je suis prof, je n’interviendrai absolument pas, et je me tiendrai au fond. Sinon, cela va fausser tout ce que tu vas dire. — D’accord, ça me convient tout à fait. Nous descendîmes dans « l’arène ». Nous entendions la rumeur d’un énorme brouhaha. Mon appréhension se confirmait de plus en plus. Catastrophe ! Le réfectoire était plein à craquer ! Le froid intense avait découragé toute l’école de sortir ! Ça n’empêchait pas tout ce monde de parler dans un grand bruit. Mais toute la colère que j’avais ressentie pour Dieu se retourna, transfigurée, sur tous ces jeunes qui ne répondaient pas à Son invitation. Je devins totalement et calmement déterminé. Je savais ce que je devais faire. Je me dirigeai par l’allée centrale, à l’opposé de l’entrée, tout au fond, là où il y a un grand tableau noir. Arrivé là, je tapai le plus fort possible dessus du plat de la main, comme les profs le font quand ils sont énervés à cause du chahut : — Silence ! Silence ! Silence ! Tout le monde se tut instantanément. C’était très impressionnant. — Aujourd’hui, il fait froid dehors. Alors, plutôt que de vous embêter à ne rien faire, venez à la messe, maintenant, au local de géo. C’est par les élèves, pour les élèves. Venez, tout est prêt ! Voilà, j’avais été jusqu’au bout. Maintenant, c’était vraiment à Jésus d’agir. Je ne me souviens plus de la réaction immédiate du réfectoire, car j’étais complètement abandonné à Dieu. Ce n’était vraiment pas le moment de Le lâcher. Je me souviens vaguement qu’il y avait un mouvement de surprise et de joie. Je remontai vers le local de géo et nous attendîmes quelques minutes. Il se produisit alors quelque chose de tout à fait unique.
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Je n’ai plus jamais revu cela par la suite. Il se forma une file indienne d’élèves devant la porte d’entrée de notre « chapelle ». Cette file descendait jusqu’au réfectoire ! Mais le plus invraisemblable, c’est qu’elle était ordonnée et silencieuse, ce qui est totalement inhabituel pour des adolescents, surtout s’il s’agit d’une messe à l’école ! C’était carrément une procession. Nous comprîmes tout de suite que nous n’avions pas assez de chaises, et que d’ailleurs, nous devions nous en débarrasser au plus vite. Ce qui fut fait en catastrophe. Les jeunes n’en finissaient pas d’arriver, lentement, respectueusement, en silence, comme s’ils arrivaient dans un lieu sacré (c’était le cas). J’étais stressé. « Jamais ils n’auront le temps de s’installer tous ! paniquaisje intérieurement. La récré finira avant qu’on ait commencé la cérémonie ! » Mais j’avais tort. Nous nous installâmes tous par terre, serrés comme des sardines, tandis que les chaises du local traînaient dans le couloir d’entrée du lycée. Il aurait été impossible de mettre un seul élève de plus dans ce local. Les pauvres « organisateurs » que nous étions étaient complètement dépassés. Nous nous étions répartis les rôles : Lisette à la guitare, Véronique lirait tel texte, une autre, le psaume, etc. Mais nous étions devant une foule ! Et pas une foule anonyme ! Nous étions submergés par le trac. Nous ne savions ni chanter ni lire correctement. C’était humainement « raté ». « C’est pas possible ! me disais-je. Nous sommes trop nuls ! Ils vont partir ! Ils ne sont pas obligés de rester ! Mais pourquoi restent-ils ? Pourquoi sont-ils là ? Que cherchent-ils ?… Jésus évidemment. C’est vraiment Lui qui prend les choses en main. Nous sommes si petits. » Je fus un peu soulagé quand arriva la partie où seul le prêtre parle en faisant ses prières. C’est normalement le moment de
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la messe que je trouve le plus ennuyeux. Mais c’est aussi celui où Jésus se fait présent « pour de vrai » dans le pain et le vin que le prêtre consacre. J’aime prier de tout cœur à cet instant pour qu’Il touche tous ceux qui sont là, avec leurs familles. Puis vint le moment de la communion. L’abbé avait tout de suite compris qu’il n’aurait pas assez d’hosties pour tout le monde. Il les coupait donc en deux dès le départ. Vers la fin, il coupa les dernières en quatre, mais il se retrouva quand même devant une file d’élèves qui ne purent communier. Il avait emporté « dans la foi » cinquante hosties… C’était la première fois que j’expérimentais cette mystérieuse parole de l’archange Gabriel à notre Sainte Vierge Marie : « … car rien n’est impossible à Dieu » (Luc 1, 37). Cette aventure m’a marqué au fer rouge. Et a marqué les autres aussi, j’en suis sûr. C’était très instructif : Dieu ne fait pas seulement ce qui est impossible, mais aussi ce qui est impensable, inimaginable. Lorsque nous priions pour que « tout se passe bien », nous ne pouvions nous empêcher de penser à la tournure que ça allait prendre. Mais jamais nous n’aurions pu imaginer cela, et la manière dont cela s’était passé. Quant à nous, nous avons vraiment pu constater de nos yeux et dans notre chair à quel point nous sommes insignifiants. Nous avions prié et agi de toute notre bonne volonté ; mais si Dieu n’était pas venu couronner tout cela, ça n’aurait servi à rien. La récré se termina à la fin de la messe, et tous se rendirent aux cours tandis que nous remettions le local en état à toute vitesse, nos cœurs remplis et débordants d’émotion. C’était la merveilleuse surabondance dont parlent les évangiles (la pêche miraculeuse), et aussi le prophète Isaïe : « Etends tes cordages, renforce tes piquets ! Car à droite et à gauche, tu vas éclater. » Alléluia ! Merci Seigneur !
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Dans un beau livre (Jésus a fait de moi un témoin, Ed. de l’Emmanuel), le père Emiliano Tardif dit que le plus grand acte de foi est simplement de croire que Dieu est plus grand que nos manques de foi, plus fort que nos misères. C’est cette pensée qui m’avait animé durant toute cette période. En effet, je savais bien qu’il y avait une part d’orgueil et d’inconscience dans cette aventure. Je n’avais pas fait tous ces efforts uniquement pour Jésus et mes camarades, mais aussi pour moi. Dieu le voyait bien. Mais Il ne tient pas compte du mal (comme l’épisode de la femme adultère dans l’évangile selon saint Jean, au chapitre 8), Il ne veut pas nous condamner, mais nous aimer et nous pousser en avant. Il est merveilleux. On a rappelé le prêtre une autre fois, mais cette fois-là, c’était pour confesser tous ceux qui le désiraient. Il y eut une bonne dizaine d’élèves, de sorte que l’abbé confessa pendant toute la récré de midi. Je disais à Dieu : « Ainsi donc, rien ne T’est impossible… Mais je suis désolé, Seigneur, je pense avoir un désir que Tu ne seras, à mon avis, pas capable d’exaucer. La confession me fait tellement de bien que j’ai envie d’en parler sur une place publique normale, et que tous ces gens qui ignorent complètement Ta Miséricorde s’arrêtent et s’approchent pour écouter. Je veux qu’il y ait une foule qui s’arrête simplement pour entendre parler de la confession. Alors, Tu vois, Tu peux guérir toutes les maladies, ressusciter des morts, chasser les démons… mais ça… enfin ne le prends pas mal, ne sois pas choqué… mais je penses que Tu ne pourrais pas le faire… on est dans les années 1980 et là, bon,… c’est impossible. Pardon d’avoir un désir impossible. » Mais on disait souvent dans les retraites que tous les beaux désirs que nous avons au cœur, c’est Dieu Lui-même qui les y a
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mis. Et Il ne suscite jamais un désir sans donner les moyens de le combler. Allait-Il donc pouvoir réaliser ce rêve fou ? J’eus la réponse quelques années plus tard…
Le coup des ânes C’était en 1987. L’année académique venait de commencer, je menais mes études d’ingénieur agronome et je faisais partie d’un groupe de prière à Louvain-la-Neuve. Chaque mercredi, ce groupe « évangélisait » sur la place Agora entre treize et quatorze heures, pendant la pause de midi. Concrètement, nous chantions des chants religieux à plusieurs voix, bien rythmés, accompagnés d’une guitare. Pour bien montrer que nous n’étions pas une secte, nous avions une ou deux grandes icônes (sortes de tableaux peints dans la prière par des religieux souvent orthodoxes). De temps en temps, l’un d’entre nous lisait un texte dans la Bible et le commentait brièvement. Si un passant s’arrêtait par curiosité, deux d’entre nous allaient lui parler. Cela donnait parfois de belles conversations. Mais cela devenait de plus en plus éprouvant. Très peu de personnes s’arrêtaient pour écouter, et nous avions vraiment l’impression de prêcher dans le désert. Cependant, nous étions là par tous les temps. Donc, nous faisions partie du décor, les gens s’habituaient à nous entendre, même s’ils ne faisaient que passer. En ce début d’année scolaire, l’un d’entre nous (Jean-Luc, un ex-prof de math) eut une idée tout à fait originale pour sortir de cette morosité : réaliser une expérience scientifique sur la place et s’en servir ensuite comme point de départ pour parler d’un aspect de la foi et de l’Amour de Dieu. Nous étions naturellement très sceptiques. Mêmes si les moqueries étaient extrême-
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ment rares, nous nous sentions parfois ridicules en chantant apparemment dans le vide. C’était déjà bien assez. Cette histoire d’expérience me paraissait complètement foireuse. Sauf pour celui qui avait eu cette idée. Il était très enthousiaste : — Mais oui ! Nous sommes dans une ville universitaire remplie d’étudiants et de professeurs. Tous ces gens sont curieux. S’ils aperçoivent une expérience sur la place, ils s’arrêteront pour voir de quoi il s’agit. Il marquait un tout petit point. Mais comment les passants allaient-ils réagir ensuite en entendant parler de Dieu ? Aucun moyen de le savoir ! Bien sûr, nous avons prié, chanté, loué le Seigneur, invoqué l’Esprit Saint et ouvert nos bibles. Et nous avons reçu ainsi un encouragement tout spécial du Bon Dieu. Il nous disait que c’était Lui qui agissait, Lui qui nous envoyait, et qu’on devait faire confiance. Finalement, il fut décidé que Jean-Luc ferait lui-même la première expérience et qu’on verrait ensuite comment ça tournerait. Le mercredi suivant arriva. Nous procédions exactement comme les autres fois. Nous chantions en formant un demicercle autour de notre icône de Jésus et Marie. Mais en plus, il y avait le matériel de Jean-Luc : une table, un bac en verre rempli d’eau, une ampoule, une pile, du fil de fer et du sel. Lorsqu’il y eut un peu d’affluence sur la place, il se mit à dire d’une voix bien haute : — Mesdames et messieurs, pensez-vous que l’eau conduise l’électricité ? — Bien sûr ! répondirent quelques étudiants sans s’arrêter de marcher. — Eh bien non ! Et je vais vous le prouver tout de suite.
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Alors, à notre grande surprise, il se forma un petit attroupement devant la table de Jean-Luc. Et juste derrière lui, il y avait la grande icône de Jésus et Marie. — Voici un bac d’eau. Je plonge un bout d’un fil de fer dans l’eau, j’accroche l’autre bout à l’ampoule. Je prends la pile, je la relie à l’ampoule d’un côté, et de l’autre, j’accroche un autre fil de fer que je plonge dans l’eau. Si l’eau conduit l’électricité, le courant de la pile passera d’un fil à l’autre dans l’eau et l’ampoule s’allumera. Vous voyez qu’elle reste éteinte. En réalité, ce sont les sels minéraux dans l’eau qui conduisent l’électricité. Donc, si maintenant, je verse ce sel de cuisine dans cette eau, vous verrez que l’ampoule va s’allumer… Il y eut alors un petit suspense bien sympathique quand il versa le sel dans le bac tout en mélangeant. Et effectivement, l’ampoule s’alluma… Tout le monde souriait, nous comme les passants. C’était super. — Vous constatez que vous n’avez toujours pas vu l’électricité passer d’un fil à l’autre dans l’eau. Cependant, vous me croyez parce que vous avez vu la lampe s’allumer. Eh bien, pour Dieu, c’est pareil, on ne peut pas Le voir. Mais si vous ajoutez un peu de foi dans votre vie (il prit alors une pincée de sel et la versa dans l’eau), vous verrez dans votre vie les effets de l’Amour de Dieu pour vous. Miracle ! Les gens étaient restés lorsqu’il leur parla de Dieu. Et même mieux encore : quand nous sommes allés leur parler, les gens nous dirent que tandis que l’expérience se déroulait, ils se demandaient ce que nous allions dire à propos de Dieu, puisqu’ils sont habitués à nous entendre tous les mercredis. Bref, ils attendaient qu’on leur parle du Christ ! Il y avait donc une sorte de complicité entre les passants et nous (même si ça ne se voyait pas), ainsi qu’une soif de Dieu ! C’est très émouvant de
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constater cela. On se sent alors « pris » par un élan d’amour envers tous ces gens qui passent, et on se sent alors encore plus poussé à leur offrir ce que nous avons de meilleur : Jésus Christ. C’est très rare que plusieurs personnes s’arrêtent en même temps pour entendre parler de religion pendant l’évangélisation en rue. Et là, c’était arrivé. Nous étions contents, mais pas vraiment rassurés. Jean-Luc refit donc une autre expérience le mercredi suivant. Mais cette fois-là, ce fut un bide : les gens ne s’arrêtaient pas, ils passaient leur chemin comme d’habitude. Je pensais intérieurement que cette histoire d’expériences ressemblait furieusement à une loterie, et que je n’étais vraiment pas pressé de tenter ma chance. Mais Jean-Luc nous dit : — J’ai compris : tout dépend de la taille du matériel. La semaine passée, mon matériel prenait beaucoup de place, et un bon groupe s’est arrêté par curiosité. Aujourd’hui, j’utilisais de tout petits objets et donc ça n’a intéressé presque personne. Donc, à vos imaginations ! C’est ainsi que quelques étudiants du groupe choisirent un mercredi et s’engagèrent à préparer une expérience pour cette date. Je voyais bien que le Bon Dieu m’invitait à franchir ce pas, moi aussi, mais malgré toutes les paroles d’encouragement qu’Il nous donnait pendant nos assemblées, j’avais peur. Je choisis donc un mercredi de décembre, vers la fin du premier quadrimestre. Ainsi, j’avais le temps de voir venir et de réfléchir. Et je réalisai ceci : c’était peut-être une réponse à la prière que j’avais faite quelques années plus tôt. Jésus était-Il capable d’arrêter une foule sur une place publique pour qu’elle entende parler de… la confession ? Aussi dingue que cela puisse paraître, l’occasion m’était offerte de tenter l’aventure. Il suffisait de trouver une expérience avec un matériel énorme susceptible d’atti-
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rer une foule, et de trouver un rapport avec le pardon pour pouvoir parler de la confession. Je me mis à prier et à réfléchir intensément. « Bon ! Seigneur, Tu m’aimes depuis toujours, mais je ne m’en rendais pas compte. Ce n’est qu’après le pont et la confession à Paray que je me suis rendu compte que Tu m’aimais. Je dois donc trouver quelque chose dans la nature qui est petit en apparence, mais gigantesque en réalité. Tel que je Te connais, Tu as sûrement fait quelque chose de ce genre. Voyons… » Etant étudiant ingénieur agronome, je pensais plutôt à un animal : une souris ? C’est petit, mais ça reste petit. Un éléphant ? C’est grand, mais tout le monde voit directement que c’est grand… Ah, zut ! Seigneur, je n’arrive pas à trouver. Souffle-moi la réponse, dis-moi ce que Tu as fait d’énorme dans la nature, mais qui a l’air tout petit. Après quelques secondes d’attente à fixer le mur de ma chambre, je « vis » en esprit deux mots écrits : « pression atmosphérique ». « La pression atmosphérique ? Mais j’attendais une plante ou un animal ! Mais bon, voyons ce que ça fait… Une pression normale d’une atmosphère vaut à peu près 100 kPa, donc 100 000 N/m2, donc… 10 000 kg/m2 ! Ouaaah ! Dix tonnes par mètre carré ? Mais c’est énorme, ça ! Merci, Seigneur ! Ça, c’est une réponse comme je les aime ! Et quelle est l’expérience qui prouve cela ? » J’avais étudié cela trois ou quatre ans auparavant. Remplir un verre d’eau, mettre un carton par-dessus, retourner le tout et l’eau ne tombe pas grâce à la pression. Bof ! C’est tout petit… personne ne s’arrêtera… Y a-t-il une autre expérience ? C’est à ce moment-là que je me souvins brusquement d’une photo qu’un professeur de physique nous avait montrée il y a quelques années. Les « hémisphères de Magdebourg » ! Deux
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demi-boules creuses sont placées l’une contre l’autre, sans colle ni vis ni clous. On aspire tout l’air contenu à l’intérieur à l’aide d’une pompe à vide. Ainsi, la pression atmosphérique pousse les deux demi-boules l’une contre l’autre à raison de dix tonnes par mètre carré ! Quatre chevaux de chaque côté ne parviennent pas à les séparer… Aaaah ! Quelle vision ! Ça dépasse tout, « comme d’habitude ». Résumons : je réalise cette expérience sur la place Agora : « Mesdames, messieurs, la pression atmosphérique, dix tonnes par mètre carré ! (Les gens s’arrêtent.) Les chevaux tirent les demiboules, ils n’y arrivent pas. L’air qui nous entoure semble si léger, et pourtant, il exerce sur nous tous cette incroyable pression. Et bien, pour Dieu, c’est pareil : il exerce sur nous tous un Amour incroyable, mais on ne s’en rend pas compte. C’est à cause des péchés de notre cœur. Pour les enlever, il nous faut une pompe à vide adaptée à notre cœur : ça s’appelle un prêtre. Eh oui ! Pendant la confession, lorsque le prêtre vous pardonne vos péchés, ce n’est pas un poème qu’il récite, ni un rite périmé, c’est vraiment Jésus qui efface tous vos péchés, et j’ai fait moi-même le « test », essayez vous aussi… » Ah ! que ce serait beau ! Je priai. N’était-ce pas de l’orgueil de ma part ? N’était-ce pas trop dingue, cette fois-ci ? Etait-ce bien la volonté de Dieu, ou seulement la mienne ? N’était-il pas plus humble et plus raisonnable de faire la petite expérience avec le verre d’eau et le carton ? Comme Jésus continuait de m’encourager, je décidai d’aller de l’avant et de voir où ça me mènerait… Je me rendis donc après les cours au laboratoire de physique (ce qui est très pratique à Louvain-la-Neuve, c’est que toutes les sciences sont représentées). Je demandai à l’assistant s’il n’avait pas des hémisphères de Magdebourg (les demiboules) pour une expérience publicitaire.
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— Si, me dit-il très gentiment en ouvrant une armoire. Tiens ! Les voilà. Tu peux les avoir si tu veux. Mais tu vas être déçu. Elles ne peuvent plus fonctionner car elles ne sont plus étanches. Si tu fais le vide, l’air extérieur va donc pénétrer à l’intérieur et les hémisphères ne tiendront pas ensemble. Cependant, tu peux toujours demander chez les ingénieurs civils de te les réparer, mais ça va coûter cher… J’étais déjà émerveillé d’avoir en main les hémisphères ! Pour toujours (je les ai encore chez moi, je les emmène lors de mes témoignages) et pour pas un rond ! Donc, on continue ! — Le labo de physique m’envoie faire réparer ces hémisphères qui ne sont plus étanches, dis-je à l’assistant après avoir enfin trouvé le bon labo, chez les ingénieurs civils. C’est pour faire une expérience publicitaire sur la pression atmosphérique… — Hm ! ce sera difficile, et ça va te coûter cher… A moins que… Reviens dans vingt-quatre heures. Il y a peut-être une solution… Je revins deux jours plus tard, en « brossant » un cours sur la mécanique des fluides. Je sais que ce n’est pas bien, mais il ne faut pas attendre d’être parfait pour évangéliser. Je comptais sur la Miséricorde de Dieu pour s’y retrouver avec toutes mes faiblesses, mon manque d’organisation et mes péchés. — Voilà les hémisphères ! me dit joyeusement l’assistant du laboratoire thermodynamique. Plutôt que de les réparer avec les machines, ce qui aurait coûté très cher, j’ai ajouté ce joint spécial. Maintenant qu’il a bien séché, on va voir ce que ça donne. Il prit les hémisphères et les connecta à une pompe à vide capable de faire un vide quasiment parfait (à l’atome près !). Après quelques secondes, les hémisphères « collaient » littéralement l’un à l’autre. Nous avions beau tirer de toutes nos forces à pleines mains, ils ne bougeaient pas d’un poil ! Extraordinaire !
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J’étais tout excité à l’idée d’utiliser un tel matériel de pointe pour la gloire de Dieu ! Mais l’assistant me descendit gentiment sur terre. — Ne te réjouis pas trop vite. Comme mon joint n’est qu’une réparation superficielle, ton expérience ne marchera que si tu fais un vide d’air parfait. Et cela n’est possible qu’avec ce genre de pompe, mais elle coûte deux mille cinq cents euros ! Ouh lala ! Je demeurai pensif quelques instants. Cent mille balles pour parler de l’Amour de Dieu ! Bien sûr, ça n’a pas de prix, mais quand même… Où trouver tout cet argent ? En faisant la quête dans plein de paroisses ? Comment expliquer un tel projet dans les églises ? Combien de temps cela allait-il prendre ? Etait-ce réaliste ? — Tu peux toujours demander au responsable de ce labo, poursuivit l’assistant. Peut-être qu’il acceptera, moyennant une caution de te prêter la pompe… — Bonne idée lui répondis-je, un peu réconforté. Qui est ce responsable ? — C’est Monsieur Giot. Giot ? Mais c’était justement mon professeur de mécanique des fluides, le cours que j’étais précisément en train de sécher. Je regardai ma montre : c’était bientôt l’heure de la pause pendant le cours. J’avais juste le temps de m’y rendre ! — Un grand merci ! dis-je à l’assistant en prenant congé de lui. Le « break » venait de commencer. Monsieur Giot était assis à sa table tandis que les étudiants se détendaient quelque peu. Je pris mon courage à deux mains et allai le trouver. Je lui dis, comme pour les autres, qu’il s’agissait d’une expérience publicitaire sur la pression atmosphérique, et que je comptais l’exécuter sur la place Agora. Le dialogue qui s’en suivit fut aussi bref que surprenant :
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— Vous avez fait le test ? me demanda-t-il avec un large sourire. — Oui. — Et ça a marché ? — Oui. — Ça va. Vous pouvez l’avoir ! Incroyable ! Ce professeur d’université, responsable d’un énorme labo, acceptait donc de confier sa meilleure pompe à vide à un étudiant (très) moyen, gratuitement, sans garantie, pour une expérience en plein air sur une place publique. C’est très déstabilisant ce genre de situation. Quelque chose d’impensable devient tout à coup complètement naturel. Par la seule grâce de Dieu (à moins bien sur que ce ne soit le hasard ou le psycho). Du coup, on ne sait plus vraiment jusqu’où aller trop loin. Chaque fois que je l’ai racontée, cette histoire a suscité la méfiance : je ne serais donc qu’un fabulateur et un menteur. Cela montre à quel point nous avons peur de Dieu. Le voilà qui se manifeste tout simplement dans un auditoire universitaire. Il convainc un prof de prendre cette folle décision. Comme cela ne peut s’expliquer ni par le hasard, le psycho, le paranormal ou les horoscopes, on préfère carrément nier tout en bloc et traiter le témoin de fou, de menteur. Or, tout est vrai, absolument vrai, et il n’y a rien, mais rien de menaçant ni de dangereux à le reconnaître. C’est simplement un coin de ciel qui se penche sur la terre. Dieu n’est pas loin, il est tout proche, et Il nous aime. J’avais donc les hémisphères réparés et une pompe à vide « dernier cri » pour les faire fonctionner. Quand j’annoncai cette nouvelle incroyable au technicien, il me dit : — Mais pourquoi fais-tu cela ?
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Je vis qu’il attendait une réponse sincère. Je lui expliquai donc tout mon projet de A à Z. Cela me permettait en plus de lui parler de la confession et de témoigner à quel point le pardon de Dieu me fait du bien. Quand j’eus fini, il sourit et m’expliqua de son mieux le fonctionnement de la pompe. — J’espère que tout ira bien pour ton expérience… mais en tout cas, je ne viendrai pas pour la faire fonctionner avec toi. Il ne me manquait donc que les huit chevaux pour tenter de les séparer, et couronner le spectacle. Tout ça pour parler de la confession sur la place Agora ! Je me rendis dans un manège un peu en dehors de Louvain-la-Neuve. On m’y expliqua qu’il fallait des assurances pour faire circuler des chevaux sur la voie publique. En plus, ils feraient des déjections un peu partout et j’en serais responsable. Non, c’était trop compliqué. En pensant à Dieu, je me dis que des chevaux, c’était peut-être orgueilleux de ma part. Je m’adressai donc à un ami fermier pour lui demander des vaches. Il aurait bien voulu m’aider, mais il était trop dangereux et hasardeux pour lui de faire voyager ses bêtes pour les débarquer au cœur d’une ville. C’était bizarre. Tout à coup, les choses « impossibles » demeuraient hors de ma portée. Comme si Jésus ne voulait pas des animaux auxquels je pensais. En attendant, la date de « mon » mercredi approchait, et je n’avais toujours aucun animal. Finalement, je me souvins d’un petit terrain de jeux pour enfants, dans lequel j’avais aperçu des animaux de basse-cour. Ce n’est que la veille du jour J que je pus m’y rendre. Le responsable de ce terrain d’aventure était une jeune femme qui me répondit très gentiment qu’elle avait… deux ânes qui pourraient peut-être convenir : Comanche et Fanny. « Des ânes ! me dis-je intérieurement. Bien sûr ! »
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Jésus désirait donc bel et bien des animaux, mais plus humbles que ceux auxquels j’avais pensé au départ. En plus, l’âne est un animal biblique par excellence. Jésus l’avait utilisé comme moyen de transport à plusieurs moments clé de son existence parmi nous. C’est « comme si » Jésus me disait : « Tu vois Dany ? Cette affaire n’est pas la tienne. C’est moi qui m’occupe de tout, jusque dans les moindres détails. Tu n’as qu’à prier et te laisser conduire par mon Esprit Saint. » Et de fait, ces quelques semaines de préparations étaient vraiment « bénies ». Je me sentais complètement porté par Dieu et Marie. Je priais sans voir le temps passer, je récitais le chapelet sans effort, je lisais la Bible tous les jours, et tout ce que je lisais me touchait comme s’il s’agissait d’une lettre personnelle que Dieu venait tout juste de m’écrire ; et dans mes actions quotidiennes, il m’était facile d’agir selon l’Evangile. C’était le pied. De telles périodes n’arrivent généralement pas souvent dans la vie d’un croyant, et il est impossible de les « créer » soi-même, mais quand elles surviennent… Alléluia ! Il faut en profiter, les savourer, et s’en souvenir toute sa vie durant en rendant grâce à Dieu. J’avais donc mes animaux la veille du jour J. Tout était OK, alléluia ! L’un de mes colocataires, Joseph, s’engagea à immortaliser l’événement sur diapositives. Il avait une grande expérience de la photographie grâce aux nombreux voyages qu’il avait réalisés. Le mercredi arriva. Je me rendis au terrain d’aventures pour prendre les ânes. Et là, surprise : il n’y avait personne ! J’eus beau appeler, attendre, faire plusieurs fois le tour du domaine, rien ! Pendant ce temps-là, les étudiants ingénieurs civils du groupe de prière s’occupaient d’aller chercher la super-pompe à vide au labo du professeur Giot. Je dus bien me résoudre à partir bredouille pour la place Agora où les frères et sœurs m’atten-
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daient. La poisse était loin d’en rester là. Après avoir chanté et prié quelques minutes, je me lançai : — Mesdames et messieurs ! La pression atmosphérique, dix tonnes par mètre carré ! Quasiment tous les passants présents s’arrêtèrent pour voir l’expérience. Ça faisait une quinzaine de personnes, ça commençait bien. Tout en expliquant ce que je faisais, je branchai les hémisphères sur la pompe que je mis en marche. Elle fonctionnait bien sûr à l’électricité et nous prenions le courant dans un magasin d’ordinateurs (avec l’accord du commerçant évidemment). C’est là que le « clash » se produisit. La pompe consommait tellement de courant qu’elle fit sauter le fusible (on vit toutes les lumières du magasin s’éteindre ainsi que les ordinateurs) ! La pompe s’arrêta d’aspirer l’air des hémisphères avant que le vide n’y soit atteint. Et lorsque je dis : — Et vous voyez ? Maintenant, je n’arrive plus à les détacher… … elles se détachèrent très facilement. Et cela, au moment où d’autres personnes s’approchaient par curiosité. Tout ce monde s’en alla sans écouter davantage. Quelle humiliation ! Ça fait du bien pour l’humilité. Nous n’avions plus qu’à nous excuser auprès de l’infortuné marchand d’ordinateurs (heureusement, il n’y avait aucun dommage), et à continuer « normalement ». Mais immédiatement après avoir conclu notre prière, on se mit tous à réfléchir. Pourquoi Dieu avait-il permis que tout foire à ce point ? Même l’appareil photo de Joseph s’était bloqué. Ce qui ne lui était jamais arrivé, même pas dans le Grand Nord, en Norvège. Il était clair que notre Bon Maître voulait nous dire quelque chose. Il ne fallait pas chercher bien loin. — Mercredi prochain, il y aura confession personnelle pour tous ceux qui le voudront à la « messe des étudiants » ! me dit
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un frère. Sans doute que Jésus veut que tu fasses ton expérience ce mercredi-là, de manière à pouvoir inviter les gens à « tenter l’expérience » de la réconciliation le soir même ? Attention ! Nous ne sommes pas complètement dingues. Bien sûr que nous aurions dû déterminer l’ampérage minimal du fusible connecté à la prise où la pompe allait être branchée, bien sûr que j’aurais dû mieux me mettre d’accord avec la demoiselle aux ânes pour notre rendez-vous. Simplement nous croyions également que Dieu s’était servi de toutes nos négligences pour réaliser Son plan à Lui. Il fut donc convenu que nous recommencerions le coup de la pression atmosphérique le mercredi suivant avec invitation à aller se confesser le soir même lors de la messe des étudiants. Les frères ingénieurs se chargèrent de calculer le fameux ampérage minimum exigé par la pompe (des équations avec des nombres complexes ! la fine fleur des maths au service de la Miséricorde et du Pardon ! c’est super ! Alléluia !). De mon côté je retrouvai la femme aux ânes et nous nous mîmes bien d’accord cette fois pour ne plus nous louper. Lorsque le mercredi suivant arriva, tout commença bien. Les frères ingénieurs civils avaient trouvé une boutique dotée d’une prise dont le fusible avait l’ampérage suffisant (seize ampères). Quant à moi, j’arrivai à une heure moins le quart au domaine animalier. Et les ânes étaient là avec leur maîtresse. Comme cet endroit n’est qu’à quelques centaines de mètres de la place, je pensais naïvement que nous aurions largement le temps de nous y rendre, puisque « l’évangélisation » durait de treize heures à quatorze heures. C’était sans compter sur le caractère têtu de ces animaux. Il n’avançaient… que lorsqu’ils le voulaient bien. Quand ils avaient décidé de s’arrêter, pas moyen de leur faire faire un mètre
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de plus. Nous avions beau les pousser, les tirer ou leur donner des fessées, rien à faire. Il y avait de l’herbe à brouter sur les talus et au moins deux passerelles à traverser au-dessus de ravins. Et dans chaque cas, les ânes faisaient une pause de durée indéterminée. C’était terriblement stressant de voir le temps défiler ainsi en étant totalement impuissant. Il n’y avait pas de GSM à cette époque : pas moyen de demander de l’aide. Finalement, à deux heures moins cinq, nous nous trouvions à quelques mètres de la fameuse place Agora. Mais il fallait traverser un dernier ravin sur une ultime passerelle. Evidemment, les ânes avaient stoppé net. De plus, l’architecture de cette place est ainsi faite que mes amis ne pouvaient me voir qu’une fois arrivé sur la place. Je poussais, tirais, frappais mon âne (Comanche) : rien à faire. Pareil pour Fanny. Je n’osais les lâcher pour chercher de l’aide, de peur que Comanche ne retourne en arrière. J’étais au comble du combat entre le stress et la confiance en Dieu. Et tout cela sous cette fine pluie glacée de cette mi-décembre ! Soudain, pendant que je constatais qu’il était quatorze heures, Comanche avança brusquement et franchit la passerelle d’un coup. Je me retrouvai ainsi subitement sur la place. Elle était noire de monde. Il faut savoir que ce lieu est normalement désert, sauf aux « heures de pointe ». Sur un temps très court (environ cinq minutes), tous les profs et étudiants se croisent à pied sur cette place pour rejoindre leurs auditoires respectifs. Quatorze heures est bien sûr l’une de ces heures de rush. Et le Bon Dieu avait inspiré les ânes pour que je me retrouve sur la place précisément à cet instant-là ! Quant aux frères et sœurs du groupe de prière, ils venaient en fait, la mort dans l’âme, de terminer le « Notre Père », qui est notre prière de clôture de l’évangélisation. Ma mère (qui était venue de notre village pour l’occasion avec mon frère), me raconta plus tard que pendant cette prière, elle avait fermé les
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yeux en suppliant Jésus que j’arrive à temps. Et voilà que quand elle ouvrit les yeux, j’étais là avec mon âne ! J’hésitai quelques secondes : le temps était écoulé ; on le fait ou pas ? Tant pis ! Je me mis à crier : — Mesdames et messieurs, la pression atmosphérique : dix tonnes par mètre carré ! Je n’eus pas besoin de le répéter. Instantanément, toute cette foule en mouvement s’arrêta autour de Comanche et de la super pompe à vide que les frères étaient en train de rebrancher en catastrophe. Il y avait même des gens qui en interpellaient d’autres : — Eh ! viens voir, il y a un âne sur la place ! Surréaliste ! Je me retrouvais entouré d’étudiants et de profs qui étaient forcément en train de sécher leurs cours en sachant pertinemment que c’était pour entendre parler de… Dieu ! — Mesdames et messieurs, la pression atmosphérique fait à peu près 100 000 Pa, c’est-à-dire dix tonnes par mètre carré. Donc un homme de deux mètres de haut et cinquante centimètres de large serait comprimé par une masse de dix tonnes devant et dix tonnes derrière. Comme nous sommes moins costauds que ça, c’est un peu moins, mais c’est quand même gigantesque. Et pourtant, nous ne sentons rien. C’est à cause de l’air qui est à l’intérieur de notre corps, et qui pousse en sens inverse. Je pris alors les hémisphères et fis actionner la pompe à vide. — Vous voyez ces deux demi-boules ? Elles sont creuses. Je peux les assembler et les détacher très facilement. Mais maintenant, grâce à cette pompe à vide dernier cri, je vais aspirer l’air qui se trouve à l’intérieur des hémisphères. A ce moment-là, seul l’air extérieur les poussera l’un contre l’autre, et il sera impossible de les détacher. Et ainsi, nous nous rendrons compte de l’énormité de la pression atmosphérique.
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Suspense : la pompe allait-elle encore s’arrêter en faisant sauter le fusible ? Non ! Tout allait bien. Les gens regardaient, l’air bien amusé. Après quelques secondes, j’essayai de séparer les hémisphères… ouf ! C’était impossible. Clou du spectacle, j’attachai l’un d’entre eux à Comanche et l’autre à… moi ! Car Fanny, l’autre âne, n’osait toujours pas franchir la passerelle ! Deux frères ingénieurs civils m’aidèrent à tirer tandis que Comanche demeurait immobile malgré les efforts de mon frère David, mais ça n’avait plus aucune importance. Joseph photographiait tant et plus, son appareil n’étant plus bloqué. C’était vraiment folklorique. — Voilà ! Vous avez vu que la pression atmosphérique est énorme même si on ne s’en rend pas compte. Eh bien, pour l’Amour de Dieu, c’est pareil : il est énorme, il s’exerce sur chacun de nous, mais on ne s’en rend pas compte. C’est à cause des péchés qui remplissent notre cœur… J’avais vraiment dû faire un effort de foi pour oser dire cela, car j’avais un peu peur des réactions en entendant ce terrible mot anti-à-la-mode : « péché ». Eh bien non ! Aussi incroyable que cela puisse paraître, ce petit auditoire restait bien sagement debout à m’écouter, le sourire aux lèvres, sous la fine pluie qui ne s’arrêtait pas non plus. Je continuai donc sans étouffer l’Esprit Saint. — Il faut donc une pompe à vide spéciale pour enlever les péchés de notre cœur. Ça s’appelle un prêtre. Je peux vous le dire d’expérience, ainsi que tous ceux de ce petit groupe qui chante. Lorsqu’on se confesse et que le prêtre nous dit : « Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, je te pardonne tous tes péchés », ce n’est ni un simple rite, ni un poème qu’il est en train de réciter. C’est vraiment Jésus Christ qui vient en personne pardonner tout ce qu’on a dit. Et Il le fait tellement bien qu’Il l’oublie. On repart
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donc vraiment à zéro. Et là, on se rend compte que Dieu nous aime. Et ce soir-même à la messe des étudiants, il y aura confession pour tous ceux qui le veulent. Vous pouvez donc vivre cette expérience dès aujourd’hui si vous le souhaitez. A ce moment-là, Régine, l’une des filles du groupe de prière, entendit derrière elle un étudiant qui disait tout bas : « Eh bien moi, ce soir, j’irai me confesser. » Mais ce n’était pas tout : Dieu, qui venait de réaliser un rêve que je pensais absolument impossible, se mit alors à le dépasser. (Essayez de deviner comment… Sur les milliers de jeunes à qui j’ai témoigné cette merveille, un seul a trouvé — c’était un turbulent chahuteur : Dieu a vraiment le sens de l’humour.) Non, personne n’applaudit quand j’eus fini de parler. Ce qui s’est passé, c’est que tout le monde resta là, en silence, debout sous la pluie, avec comme un goût de trop peu. La présence de Dieu était palpable. Et nous qui avions tellement de mal à ce qu’un passant daigne s’arrêter pour lui parler de Jésus, voici que nous étions encerclés par cette foule silencieuse qui nous souriait. Tout ça pendant les cours où ces gens devaient se rendre ! — Ben, c’est fini… dis-je tout bas. Je ne voyais vraiment pas ce que j’aurais pu leur dire de plus, mais je ne voulais pas les renvoyer non plus. Je me mis donc à tout recommencer depuis le début. Entre-temps, Fanny (l’ânesse) avait enfin osé franchir l’ultime passerelle. Nous pûmes donc réaliser l’expérience avec les deux ânes. Lorsque j’eus une nouvelle fois parlé de la confession, seules quelques personnes étaient parties. Tout le monde restait là. Je refis donc le « spectacle » une troisième et dernière fois car après, je n’avais vraiment plus de voix. En effet, il faisait froid et humide. Comme je n’avais pas de micro ou de porte-voix, j’avais dû m’époumonner pour me faire comprendre de tous, de sorte qu’à la fin, j’étais quasiment aphone !
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C’est vraiment super : parler du Pardon de Dieu jusqu’à extinction de la voix à cause d’une foule qui en redemande puisqu’elle ne quitte pas les lieux ! Jamais, même en rêvant à fond, je n’aurais pu imaginer ni concevoir cela. Saint Paul a bien raison de dire que « Dieu peut faire infiniment au-delà de tout ce que nous pouvons demander, imaginer ou concevoir. A Lui la gloire dans les siècles des siècles. Amen » (Ep 3, 20). Finalement, la foule se dispersa pendant que nous rangions tout notre matériel. Un moment inoubliable.
Quand je raconte cet événement dans les classes ou aux retraites, les jeunes ont beaucoup de mal à me croire, malgré un poster souvenir que j’emmène systématiquement avec moi. Or, cette histoire ne s’arrête pas là. Elle s’est prolongée de plusieurs manières inattendues. Ma petite sœur Lisette décida d’utiliser les diapositives de Joseph pour un travail de… néerlandais ! Chaque élève devait préparer et présenter à toute la classe un sujet de son choix, mais en néerlandais bien sûr. Nous nous sommes donc amusés à traduire toutes ces merveilles du Bon Dieu dont nous avions été témoins. Je sais que ce travail marqua les élèves, tant par sa présentation (c’était le seul travail avec diapos) que par son contenu. Mais au-delà de ça, il y a ce que Jésus n’a pas manqué de réaliser dans les cœurs, et que nous ignorons totalement. Nous le saurons au Ciel. Cependant, le Bien-Aimé a tenu à me donner un petit avantgoût d’une manière complètement… comme à Son habitude. Plusieurs années s’étaient écoulées. J’avais terminé mes études. C’était la fin de l’après-midi et je me rendais à Bruxelles en train. Il était bondé, naturellement. J’étais fatigué et je lisais paisible-
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ment ma Bible. Mais à peine avions-nous démarré que Jésus me dit dans mon cœur : — Tu dois parler de Moi à cette personne-là. Je levai les yeux. Il me semblait que l’homme qui m’était désigné ainsi se trouvait sur une autre banquette, dans le même wagon que moi. Cela peut paraître complètement fou, comme le reste. Je tiens à dire qu’il est tout à fait impossible de « se fabriquer soi-même » ce genre de chose. C’est comme une intuition qui arrive doucement, respectueusement, mais de façon très insistante. On ne sait pas s’en débarrasser. Plus on obéit à Dieu, et plus Il nous parle quand Il veut et comme Il veut. Je ne me suis jamais habitué à ses appels. Ils arrivent toujours à l’improviste, et il faut chaque fois faire un terrible effort de foi pour y obéir comme Marie et Joseph. Par « terrible effort », je veux dire que c’est une certaine mort à soi-même. C’est le risque de perdre complètement la face, de se retrouver dans une situation parfaitement humiliante ou embarrassante. Et là, je ne pouvais vraiment pas dire « oui ». — Mais non ! Non, Seigneur ! Ça ne va pas ! Je suis fatigué, je lis ma Bible. Tu devrais être content ! Et en plus, pourquoi cet homme-là ? Pourquoi pas celui juste à ma gauche ou à ma droite ? Ou en face de moi ? Je devrais me lever devant tout le monde dans ce train plein à craquer, et lui parler de Toi alors que je ne le connais même pas ? Non, Seigneur, c’est impossible. Tu peux insister tant que tu veux, c’est non. Il n’insista pas, mais je sentais bien qu’Il était un peu déçu. — Bon, si Tu veux que j’y aille, donne-moi un signe que c’est bien cette personne-là que Tu m’as montrée… — Non ! Pas de signe ! Tu dois avoir la foi ! Comme je n’avais pas la foi assez grande, je ne fis rien et je quittai tristement le train à Bruxelles pour aller prendre mon métro. Mais là, surprise !… « Mon » bonhomme était descendu
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à la même gare que moi pour prendre le même métro dans le même compartiment ! Mais le problème demeurait entier : je ne le connaissais toujours pas, il était loin de moi et la voiture était bondée. Ouh lala… Que faire ? Il me vint une « brillante » idée : attendre tout simplement la fin du voyage pour lui parler. Ainsi, si le voyageur se mettait à m’engueuler (ce qui était plus que probable), cela ne durerait forcément que quelques secondes. C’est donc ce que je fis. Lorsque mon arrêt fut tout proche, je m’approchai enfin du passager et lui dit : — Vous avez vu ? Je lis la Bible… S’en suivirent alors, sous le regard mi-amusé mi-étonné de mon interlocuteur, quelques secondes épouvantablement longues, qui se terminèrent ainsi, à ma grande stupeur. — Je ne sais pas si tu te souviens de moi, me répondit-il. Il y a plusieurs années d’ici, tu as parlé de la confession sur une place à Louvain-la-Neuve, et une foule t’as entouré pour t’écouter. Eh bien, j’étais dans cette foule. Tu ne te souviens pas de moi ? — ???… Non ! (bien sûr que non, évidemment !) — Eh bien, je peux te dire que je n’ai jamais été aussi joyeux de ma vie que ce jour-là. Mais je te préviens : je ne suis pas chrétien, je suis juif. — ??? Le temps de me remettre de cette émotion, mon arrêt était là, c’était également le sien. J’avais rendez-vous, lui aussi. Il était pressé et devait aller dans la direction opposée à la mienne. On n’avait plus qu’à se dire « au revoir » avec un immense goût de trop peu. Moi qui m’étais cru plus malin que Jésus, je ne pouvais que constater que j’avais été vraiment stupide de ne Lui avoir fait
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confiance qu’à moitié. Il est clair que si j’avais été jusqu’au bout de mon acte de foi, je lui aurais parlé aussitôt que Jésus m’en avait donné l’ordre. Nous aurions alors eu tout le temps de converser sur Dieu et sur le chemin que nous avions parcouru depuis cet après-midi sur la place Agora… Mais Jésus est miséricordieux. Il connaît bien nos faiblesses, Il nous aime et nous tire, nous pousse en avant sans cesse… comme je le faisais avec les ânes qui ne voulaient pas avancer… Malgré la médiocrité dont j’avais fait preuve, cet épisode a quand même augmenté ma foi en Jésus Christ. J’avais bien constaté qu’Il ne « joue » pas avec nous comme avec des pantins, même si Ses demandes paraissent parfois bizarres.
C’était donc vrai ! Nous avons refait l’expérience douze ans plus tard au même endroit : la place Agora de Louvain-la-Neuve. C’était donc en 1999. Je passais mon temps entre mon métier de chauffeur de bus, ma famille qui allait s’agrandir et les témoignages dans les écoles, un peu partout en Wallonie et à Bruxelles. Régine (celle qui avait entendu un étudiant dire tout bas : « Eh bien, ce soir j’irai me confesser ») me téléphona pour me demander si j’acceptais de refaire l’expérience… et de recontacter mon ancien professeur, M. Giot, pour lui demander sa super pompe à vide. De son côté, elle se chargeait de tout le reste : contacter la responsable du domaine animalier pour les ânes, trouver une boutique avec des fusibles convenables, icônes, chanteurs, guitariste, etc. Régine s’était mariée avec Joseph (celui qui avait photographié ; ils étaient fiancés à l’époque). Maintenant, ils ont cinq enfants. C’est super ! Vive la vie !
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Je m’exécutai donc. Coup de « chance » : la secrétaire du professeur me dit qu’il venait juste de rentrer d’un long voyage à l’étranger pour un congrès scientifique. Je l’eus donc au bout du fil. Il accepta et me mit directement en communication avec son laboratoire. — Nous avons deux pompes à vide, me dit le technicien. Laquelle choisissez-vous ? — La meilleure des deux. (Ce n’était pas par luxe inutile, mais par nécessité puisque mes hémisphères n’étaient pas parfaitement étanches.) Toutes les conditions étaient donc réunies pour reparler de la confession au même endroit, douze ans plus tard. « Mon » âne Comanche était mort entre-temps, mais il avait eu le temps de faire un fils avec Fanny qui était toujours là. Cette fois-ci, nous fîmes le « spectacle » à dix-sept heures, qui est l’heure de pointe du soir. Tout ce passa « normalement », ce qui est évidemment extraordinaire. Cette foule en mouvement s’arrêta net quand je prononçai les mots : « Mesdames et messieurs, la pression atmosphérique : dix tonnes par mètre carré ! » Puis elle m’écouta paisiblement parler de nos péchés qui nous encombrent, et de la confession où Jésus nous libère. Le Seigneur est toujours « bon pied, bon œil ». Il ne faiblit ni ne vieillit avec les ans. Son message d’Amour et de Miséricorde reste toujours d’actualité. Mais il y eut tout de même quelque chose de différent. Quand j’eus fini de parler et d’inviter la foule à l’assemblée du soir, les gens s’en allèrent. Sauf deux adolescentes qui restaient là, le regard fixe et émerveillé, comme si elles avaient une apparition. Nous sommes évidemment allés leur parler : — Bonsoir… — C’était donc vrai ! répondirent-elles toutes joyeuses. — … ? Pardon ?
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— Oui ! C’était bien vrai ! Nous sommes des élèves du lycée Martin V, et vous êtes venu témoigner de votre vie avec Dieu lors de notre retraite ! Vous nous aviez raconté cette histoire avec les ânes et la confession, vous nous aviez montré le poster souvenir, mais on ne savait pas si on pouvait vraiment vous croire. Et là… vous l’avez fait ! Vous avez commencé et la foule s’est arrêtée. Puis quand vous avez parlé de la confession, les gens sont restés et ont continué de vous écouter jusqu’au bout ! C’était donc vrai, c’est formidable… Elles parlaient encore quand une étudiante s’approcha : — Dites, excusez-moi, je suis arrivée en retard et je n’ai entendu que la fin… Est-ce que vous voulez bien recommencer depuis le début pour moi ? Eh oui ! En 1999, une étudiante a demandé de s’entendre proclamer les merveilles du pardon de Jésus dans le sacrement de la réconciliation ! En plein air. Sur une place publique ! Je ne me suis pas fait prier bien sûr. Ce dernier « fruit » (à ma connaissance) me fit réaliser à quel point les merveilles de Jésus nous dépassent et comme il est difficile d’y croire, malgré les « preuves » matérielles (poster, hémisphères) que l’on peut montrer. Il faut le voir pour le croire. Mais quelle joie, quel émerveillement cela suscite chez les jeunes. C’est beau. Cette joie vient surtout de constater que non, Jésus n’est pas loin ni endormi. Il ne nous a pas abandonnés aux aléas de nos existences. Il est là, tout près de nous, et Il est à l’œuvre, à Sa manière. Mais cette œuvre dépend de nous. Ce que je constate en méditant sur tous ces événements, c’est que, comme dans le livre d’Isaïe, Dieu continue de nous appeler : « Qui enverrai-je ? » (Is 6, 8). Isaïe avait répondu : « Me voici. Envoie-moi Seigneur. »
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Je fais donc comme Isaïe, à mon échelle bien sûr. Ce n’est pas par prétention, c’est normal de répondre ainsi pour chaque chrétien. Il ne s’agit pas ici de ma petite théorie, mais c’est ce que dit l’Eglise : « De par son baptême, chaque croyant devient prêtre, prophète et roi. »
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Epilogue
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ON ! Je conduis toujours mes bus, et je continue à témoigner par-ci par-là. Tout va bien. J’ai juste comme un goût de trop peu. Un couple de grand-parents parfaitement ordinaires m’a fait don de mille euros. De quoi me procurer un petit studio pour enregistrer et graver toutes les chansons qui me trottent dans la tête et dans le cœur. Après, on verra bien. Tous les faits que j’ai décrit sont bien réels. Il y en a d’autres, mais j’estime qu’il serait inutile de les relater, puisqu’on en revient toujours à la même question. S’agit-il de chance, de hasard, d’arnaque, de psycho ? Ou tout simplement de Dieu ? Jésus dans nos vies ? Les premières fois que j’écoutais ce genre de témoignages, je me disais : « Que c’est beau ! Mais… ce n’est pas pour moi. Il a eu de la chance ou c’est une sorte de chouchou de Dieu. Mais c’est comme au Lotto : c’est toujours les autres qui gagnent et jamais moi. » Et s’il ne s’agissait pas de cela ? Après tout, peut-être que Dieu existe, qu’Il nous aime, nous conduit, voit que notre monde se meurt de faim, de froid, de solitude, de dépression, de violence, de non-sens ? Sans doute appelle-t-Il Ses enfants à répandre Son feu d’Amour sur la terre ? (Lc 12, 49). C’est ce que je crois.
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« Si vous demeurez en Moi et que Mes paroles demeurent en vous, demandez ce que vous voudrez et vous l’obtiendrez » (Jean 15, 7). Cette promesse a l’air vraiment trop énorme. Et pourtant, elle est faite par Jésus à Ses disciples, la veille de Sa mort. Alors pourquoi ne serait-elle pas vraie ? A vous de voir. Je vous laisse. A bientôt, Dany, le 25 mars 2004 (Annonciation du Seigneur et Saint Dismas, le Bon Larron)
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Table des matières
Introduction ....................................................................................................................... 9 1re partie CHAUFFEUR ET CHANTEUR Les suites d’une nuit blanche ................................................................................... 13 Le rap ................................................................................................................................. 21 Les stars ............................................................................................................................ 25 Quelques réactions, au travail .................................................................................. 27 Dans les classes : la présence de Dieu ................................................................... 31 Fanatique ou croyant ? ................................................................................................ 37 Un CD unique comme moi ! ...................................................................................... 41 Quotidien I : mari-père-chauffeur-chanteur… ................................................... 45 Le Ciel passe à l’action : de l’argent, des médias ................................................ 49 Quotidien II : le retour ................................................................................................. 67 La tolérance du IIIe millénaire .................................................................................. 71 Première conclusion .................................................................................................... 73 2e partie COMMENT J’AI CRU Mon enfance : douleur et douceur ......................................................................... 77 Adolescence I : l’homme invisible ........................................................................... 81 Adolescence II : la Rencontre sur le pont .............................................................. 85 Les premières joies… et croix ! ................................................................................. 95 Tu as carte blanche ! ..................................................................................................... 99 143
Quelques événements qui ont augmenté ma foi ........................................... 101 Notre-Dame de Banneux ................................................................................................ 101 La croissance, la guérison et la vocation ................................................................... 106 Jusqu’au bout ! ................................................................................................................... 108 Le coup des ânes ............................................................................................................... 116 C’était donc vrai ! ............................................................................................................... 136
Epilogue ......................................................................................................................... 141 Table des matières ...................................................................................................... 143
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Achevé d’imprimer le 13 juin 2005 sur les presses de l’imprimerie Bietlot, à 6060 Gilly (Belgique).
Tous les faits que j’ai décrit sont bien réels. S’agit-il de chance, de hasard, d’arnaque, de psycho… ? Les premières fois que j’écoutais ce genre de témoignages, je me disais : “Que c’est beau ! Mais… ce n’est pas pour moi. Il a eu de la chance ou c’est une sorte de chouchou de Dieu. Mais c’est comme au Lotto : c’est toujours les autres qui gagnent et jamais moi.” Et s’il ne s’agissait pas de cela ? Après tout, peut-être que Dieu existe, qu’il nous aime, nous conduit… ? Sans doute appelle-t-il ses enfants à répandre son feu d’amour sur la terre ? C’est ce que je crois. » Ingénieur agronome, Dany Cassalaco, 38 ans, est marié et père de trois enfants. Reconverti en chauffeur de bus à Namur (Belgique), il passe une partie de son tempslibre à témoigner de l’amour de Dieu. Sa bonne humeur communicative et son sens de l’humour retiennent l’attention et touchent les cœurs. Son originalité : mettre ses propres paroles sur des airs connus pour chanter Dieu. Les jeunes apprécient !
9 782873 563127
fidélité /
Dany Cassalaco
c’était donc vrai ! le témoignage d’un rappeur de dieu
ISBN France : 2-915313-39-3 Prix TTC : 11,20 €
9 782915 313390
fidélité /
ISBN : 2-87356-312-5 Prix TTC : 11,20 €
Dany Cassalaco
« Un jour, je revenais du supermarché en vélo. Il me restait un quart d’heure pour me changer et aller prendre mon service. J’avais un peu le cafard. Je me disais : — Allons, Dany ! regarde-toi ! Tu es chauffeur de bus en Belgique. Tu fais tes courses à bicyclette à l’Unic, et tu espères que les stars vont te répondre ? Redescends sur terre, voyons ! Quelques semaines plus tard, la maison de Renaud me répond qu’ils sont d’accord. Pour Eddy Mitchell également. C’était vraiment miraculeux… (…)
c’était donc vrai !
C’était donc vrai !
fidélité /