Construire une éolienne
Tristan URTIZBEREA
À celles et ceux qui œuvrent pour que nous nous réappropriions nos moyens de subsistances.
INTRODUCTION À L’AUTO-CONSTRUCTION ET INSTALLATION DES MACHINES À VENT
Bienvenue dans le vaste univers de l’auto-construction et de la production d’énergie. Fabriquer et installer son éolienne nécessite de mobiliser des connaissances externes ou d’utiliser des outils et machines potentiellement dangereuses. En particulier, les travaux électriques et travaux en hauteur nécessitent la plus grande vigilance et respect des règles de sécurité. Nous invitons les lecteurs à faire preuve de bon sens, à utiliser les équipements de protection individuels adaptés et à prendre le temps de bien se former.
L’auteur et l’éditeur déclinent toute responsabilité en cas d’accident.
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9 Sommaire Préface ............................................ 11 Introduction ...................................... 12 1 Remettre l’éolienne au milieu du village ......... 15 2 L’électricité : fée… ou sorcière ? .................. 21 3 Histoire des machines à vent .................... 33 4 Principes de fonctionnement .................... 43 5 La ressource éolienne ........................... 51 6 Constitution d’une éolienne ..................... 65 7 Le « petit éolien »............................... 81 8 Estimer son besoin & choisir sa machine ........ 89 9 Autoconstruction pas à pas ...................... 95 10 Nuisances & autorisations ..................... 123 11 Exemples de réalisations ....................... 127 Conclusion ....................................... 134
Préface
Les éoliennes industrielles sont devenues, en deux décennies à peine, aux côtés des panneaux photovoltaïques, le symbole de la transition énergétique et de la modernité. Bien qu’elles ne produisent encore « que » 6,5 % de l’électricité mondiale, leur développement est impressionnant et tous les scénarios de « neutralité carbone » à horizon 2050 misent dessus pour une part très significative – entre 25 et 50 % – du mix électrique.
Si leur bilan carbone est très favorable par rapport aux sources fossiles comme le charbon et le gaz, leur impact environnemental est loin d’être nul : elles sont consommatrices de nombreuses ressources, ciment, métaux, balsa, résines issues de la pétrochimie ; elles sont en partie non recyclables après une durée de vie assez faible (20 à 30 ans) ; elles augmentent la mortalité des oiseaux et chauve-souris, un effet indésirable qui ira croissant avec l’augmentation de puissance et de la hauteur des machines.
La course au gigantisme des aérogénérateurs nous permet naïvement d’espérer qu’on produira « vert » dans le futur sans trop remettre en cause nos « besoins », mais nous fait oublier qu’il existe toute une gamme de possibilités pour exploiter la force du vent à des échelles intermédiaires, de l’éolienne « personnelle » à l’éolienne de village.
À travers ce livre richement illustré et pédagogique, on parcourt l’histoire, on s’initie aux bases techniques de l’auto-construction d’un projet, mais surtout, on réfléchit à la juste échelle technologique, on questionne nos manières de produire et consommer demain, on imagine une société plus sobre, des réflexions indispensables pour nous réinscrire dans les limites planétaires. Cela donne furieusement envie de s’y mettre : à vos rabots !
Philippe Bihouix Ingénieur,
auteur de L’âge des low tech. Vers une civilisation techniquement soutenable (Seuil, 2014 ; Points 2021).
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Introduction
Pour qui ne sait quel port gagner, point de vents favorables.
Sénèque, Lettres à Lucilius (LXXI)
On a parfois l’impression d’avoir fait le tour d’un sujet, d’en connaître tous les acteurs, les recoins, les références… Et puis un jour, on remarque une petite porte bien cachée, discrète ; on l’avait sûrement déjà vue mais sans vraiment y avoir prêté attention. Alors, puisque l’on tourne en rond et que c’est tout ce qu’il nous reste, on l’entrouvre… Et voilà que soudain, dans l’encadrement, se dévoile, à perte de vue, un monde inconnu, un univers à part entière, coloré, verdoyant, avec des gens qui s’activent, des sourires… C’est à ce moment-là que l’on prend conscience que ce que l’on pensait être l’horizon du monde n’était en fait que les murs d’une cour dans laquelle nous tournions, enfermés.
C’est exactement l’impression que j’ai eu le jour où, à force de buter sur les contradictions du « grand éolien », ou de chercher quelle serait la petite éolienne domestique idéale, robuste, performante, abordable, réparable, j’ai dû me rendre à
l’évidence : autant essayer de faire passer un chameau par le chas d’une aiguille ! C’est ainsi qu’un peu par hasard, un peu par dépit, sans vraiment en attendre grandchose, j’ai entrouvert la porte des éoliennes autoconstruites. Moi qui pensais avoir fait le tour du sujet, j’ai tout à coup réalisé que je ne savais rien ! Je me suis retrouvé face à un univers merveilleux, rempli de possibles et fourmillant de personnes se passant gaiement les outils utiles à la réalisation d’éoliennes en bois : postes à souder, rabots, planes…
J’ai tout d’abord trouvé cela curieux, amusant, divertissant, sans vraiment en percevoir le potentiel, ni en termes de production d’énergie, ni en termes d’autonomie. On est plutôt habitués à penser « hightech » et à se dire que tout ce que l’on fait soi-même est forcément « moins bien », « moins sérieux » que les produits du commerce. J’ai finalement saisi que le rendement de ces turbines, s’il était
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parfois moins élevé que les générateurs commerciaux, pouvait tout autant les surpasser1. Surtout, c’est en allant rendre visite aux propriétaires de ces machines à vent autoconstruites que j’ai compris que ces dernières incarnaient « l’anti-obsolescence » : conçues avec un design simple, des matériaux robustes et des techniques accessibles à toutes et tous, elles témoignent d’une durée de vie quasi infinie.
Il se peut, bien sûr, qu’une pale casse, ou qu’une pièce se rompe par l’usure, mais pour le propriétaire autoconstructeur, auto-installateur et autoproducteur, qui connaît son « œuvre » par cœur et qui l’entretient soigneusement, cela n’implique jamais que quelques heures de bricolage pour la remettre en état.
En considérant la durée de vie et la réparabilité de ces machines, elles deviennent alors imbattables. C’est déjà énorme, mais ce n’est pourtant pas leur plus grand mérite ! En effet, il existe bien plus
important et bien plus autonomisant que l’électricité que produiront ces moulins ; à savoir le partage, la confiance en soi, les connaissances et savoir-faire qu’ils nous permettent d’acquérir.
Chaque construction est unique, fruit d’un travail attentionné, patient et créatif. C’est une déclaration d’amour à la matière et à ses prochains, nous permettant de renouer un instant avec « l’Art » de l’artisanat.
Et que dire du pouvoir émancipateur lorsque l’on conçoit son outil et produit son énergie ?
Dans l’autoconstruction, le chemin compte autant que la fin. Je vous propose que nous l’empruntions ensemble afin de vous dévoiler un aperçu de ce monde merveilleux !
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Remettre l’éolienne au milieu du village
Le dimanche nous allions aux moulins […]. Là-haut, les meuniers payaient le muscat […] et jusqu’à la noire nuit on dansait des farandoles. Ces moulins-là, voyez-vous, faisaient la joie et la richesse de notre pays. Malheureusement, des Français de Paris eurent l’idée d’établir une minoterie à vapeur […] et les pauvres moulins à vent furent tous obligés de fermer. […] Plus de muscat ! plus de farandole !
Le mistral avait beau souffler, les ailes restaient immobiles…
A. Daudet, Lettres de mon moulin, 1869
ÉOLIENNES INDUSTRIELLES :
UNE MONOCULTURE
COMME UNE AUTRE
Quand on parle d’éoliennes, on pense tout de suite à ces immenses turbines, hautes de 100 m ou plus, au fuselage blanc, aux pales pointues et aérodynamiques, avec l’autocollant d’une multinationale apposée sur la nacelle, au beau milieu d’un champ ou sur la crête d’une colline.
Depuis peu, le décor s’étend jusqu’aux côtes Atlantique et de la Manche, où l’on peut, lors de nos balades, les apercevoir au loin.
Et puis, c’est à peu près tout. Voici la diversité de l’éolien moderne : d’énormes aérogénérateurs, très complexes et capitalistiques, nécessitant des moyens hors-norme,
produisant beaucoup d’électricité, sur un marché réservé aux plus grands acteurs financiers2.
Il n’en a pourtant pas toujours été ainsi…
Fut un temps, pas si lointain, où les moulins tournaient pour alimenter scieries et papeteries, où les éoliennes produisaient de l’électricité en direct pour de petits commerces, où le transport à la voile était rapide et développé, où le pompage de l’eau se faisait grâce au vent, où les machines étaient indestructibles et infiniment réparables, faites de composants et de matériaux simples, considérées comme outils populaires, fruits d’un savoir-faire artisanal, garantes d’une vie sociale riche et active.
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Pendant des siècles, l’énergie éolienne fut la force motrice principale de l’humanité, mais le « progrès » a réduit toutes ces machines et techniques à l’oubli et, avec elles, l’organisation sociale, le savoir-faire et les modes de vies qui les entouraient. Poussée par la recherche de compétitivité et de rendement, la sélection technique n’a retenu qu’un type de machine, pour un seul usage, et l’a poussée au paroxysme de sa complexité et de sa performance.
Les éoliennes modernes sont à l’image d’un monde de monocultures ultra-performantes, comme pourrait l’être un champ de maïs génétiquement conçu par des experts pour sa taille et son rendement, adapté aux machines plus qu’aux Hommes. Tels d’immenses colosses aux pieds d’argiles, leur efficacité n’a d’égales que leur dépendance aux engins, aux matières premières, aux échanges mondialisés et leur fragilité face aux imprévus.
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Un des rares moulins scierie et chantier naval encore en service, à Zaanse Schans aux Pays-Bas.
Mais surtout, plutôt que de s’intégrer dans une démarche de sobriété, elles permettent de subvenir à l’augmentation globale de la consommation et des besoins (comme on le voit sur le graphique ci-dessous).
Je ne dis pas qu’elles n’ont pas leur place, mais si l’on recherche la résilience, elles ne devraient être mises en œuvre qu’une fois les questions des besoins et du projet de société véritablement posées. Elles feraient alors probablement partie d’un écosystème de techniques et d’usages plus diversifiés, se
complémentant les uns les autres dans une dynamique globale de décroissance de la consommation et de réduction des inégalités… ce dont nous sommes malheureusement très loin3 !
Peut-on dire que la vie s’organise aujourd’hui autour d’une éolienne industrielle comme elle s’organisait hier autour d’un moulin ?
Peut-on dire que l’éolienne industrielle est une technique adaptée aux compétences et besoins des individus, et donc appropriée et appropriable ? Qu’elle engendre un monde plus sobre et plus juste ?
Ce schéma représente la consommation énergétique mondiale (en Mtoe)5. Il est clair que les énergies renouvelables (« hydraulique » et « autres ») s’ajoutent aux énergies carbonées pré-existantes... La célèbre « transition énergétique » n’existe donc pas. Elle est en réalité un « empilement énergétique » alimentant la croissance de la consommation globale.
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1971 0 2 500 5 000 7 500 10 000 12 500 15 000 1980 1990 2000 1975 1985 1995 2005 2010 2015 2018 autres biocarburant et déchets hydraulique nucléaire gaz naturel pétrole charbon
avec une préface de philippe bihouix
Avec le photovoltaïque, le petit éolien constitue l’un des moyens les plus simples pour produire sa propre électricité. Dans ce livre,
Tristan Urtizberea nous donne toutes les clés pour installer chez soi une petite éolienne robuste, performante et abordable. Il met plus particulièrement l’accent sur l’autoconstruction d’une éolienne Piggott dont il présente les étapes pas à pas. Conçues avec un design simple, des matériaux robustes et des techniques accessibles à tous, ces éoliennes autoconstruites ont une durée de vie quasi infinie et sont l’incarnation même de l’anti-obsolescence.
Ingénieur de formation, spécialiste des énergies renouvelables, Tristan URTIZBEREA a dirigé l’équipe de développement solaire du producteur d’énergie verte Akuo Energy. Depuis 2019, il aide les particuliers à mener à bien leurs projets d’autonomie énergétique et vit nomade en van. Il est l’auteur, dans la même collection, de Produire son électricité, autoconstruire son installation photovoltaïque.
Vivre avec une seule planète
PRIX TTC FRANCE : 16,90 € ISBN : 978-237922-262-7
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