LA RUCHE
BASSE CONSOMMATION D’ÉNERGIE
Une « révolution apicole »
Une « révolution apicole »
« Ce que tu partages t’appartient, ce que tu gardes disparaît avec toi ».
Nous citons ici ce proverbe géorgien, écrit par Thierry Fedon dans l’édito de l’Info-Reines n° 100, pour remercier chaleureusement Marc Guillemain d’avoir su transmettre son savoir, ses observations et ses découvertes.
Toutes les photos sont des auteurs sauf :
- Adobe Stock : pp. 17 (droite), 18 (bas), 89, 101, 103 (bas), quatrième de couverture (haut gauche).
- Bios Photos : pp. 10, 33, 96, couverture haut gauche)
- B. Schembri : p. 19 (haut).
- Eric Bard : p. 17 (gauche).
- Ingo Arndt : pp. 8, 13.
- Jürgen Tautz : p. 18 (haut).
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Illustrations de Valentina Ferraro : pp. 14, 51, 53, 66, 67, 69, 72, 74, 75, 77, 78, 79, 93, 97, 105, 107, 113, rabat droite de la couverture.
marc guillemain, damien merit & jean riondet
© 2023 Les Éditions Ulmer
33, rue du Faubourg Montmartre
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Réalisation : Julia Verneau
Responsable éditoriale : Antoine Isambert
Impression : Printer Trento, srl
ISBN : 978-2-37922-298-6
N° d’édition : 298-01
Dépôt légal : mars 2023
Imprimé en Italie
Une année lors de l’abattage d’un arbre, il se trouva que celui-ci était creux et qu’une colonie d’abeilles s’y était installée. Marc Guillemain transféra la colonie dans une ruche 12 cadres. Et, évènement que nous avons tous connu, le printemps suivant, l’essaim n’avait pas survécu. Apiculteur expérimenté, cet échec le déconcertait. À force de réflexion, il conclut que la ruche est un habitacle trop froid.
L’idée d’isoler les ruches lui vient de cette expérience singulière. Il multiplia les essais avec tous les matériaux isolants disponibles. Progressivement, il mit au point sa fameuse PIHPgm, partition isolée haute performance, qui est toujours copiée, jamais égalée car les principes sous-jacents à cette conception et à la conduite des ruches qui en découle sont ignorés. Il combina isolant réfléchissant pour renvoyer le rayonnement infrarouge sur le couvain et isolant thermique pour couper la conduction des matériaux.
Son apport majeur porte sur l’importance qu’il accorde à la thermorégulation du couvain, économiser les forces des abeilles dans le maintien des paramètres de température et d’hygrométrie indispensables pour une bonne maturation du couvain.
Il défendit son idée contre l’avis même de nombreux apiculteurs qui s’inquiétaient d’une hygrométrie élevée dans la ruche ainsi isolée, fermée. Cette question que soulevaient en permanence ses stagiaires l’agaçait. Il constatait que ses colonies résistaient bien aux agressions multiples, que l’humidité n’était pas catastrophique. Il en arriva à une nouvelle conclusion : l’hygrométrie doit être d’autant plus élevée qu’elle est utile pour le couvain et peut être néfaste pour Varroa destructor. D’autres paramètres sont encore à prendre en compte, dont la gestion du gaz carbonique lui aussi délétère pour varroa.
Pour lui, innovation technologique et changement des pratiques apicoles allaient de pair. C’est en ce sens qu’il fut un révolutionnaire. Il mêlait connaissance/respect de la vie de l’abeille, création d’outils techniques/développement de nouvelles méthodes de travail.
Les gains obtenus avec son approche sont économiquement remarquables, la qualité de vie des abeilles, leur longévité, leur résistance naturelle aux maladies sont étonnantes.
La voie qu’il a tracée est celle d’une apiculture basée sur la connaissance de la biologie de l’abeille et sur la maîtrise du microclimat de la ruche par la colonie.
Marc Guillemain déclina des modalités de conduite des colonies qui gèrent à moindre coût énergétique l’homéostasie du couvain. Cette économie du cycle de vie est orientée sur le bien-être des abeilles pour donner aux colonies davantage de capacité pour résister aux agents pathogènes, aux agressions environnementales, pour s’adapter aux changements climatiques et aux spécificités environnementales locales.
Cet ouvrage est une porte d’accès à ses intuitions et aux méthodes qu’il développa. Chacun s’en saisira et apportera à son tour expériences et connaissances pour une apiculture renouvelée.
Cet ouvrage fut conçu et son écriture amorcée avec Marc Guillemain. Inlassablement, il rappelait qu’il fallait se référer au tronc d’arbre creux et produire le même environnement que celui où les colonies se sont construites durant des millions d’années. Le bien-être des colonies est au cœur de son amour pour les abeilles et du respect qu’il leur portait.
La maladie l’emporta quelques mois avant la parution de cet ouvrage. Ce sportif de haut niveau aura consacré toute l’énergie des derniers mois de son extraordinaire existence pour nous permettre d’aboutir.
AVANT-PROPOS . 4
INTRODUCTION . 9
LA RUCHE ET LA BIOLOGIE DE L’ABEILLE 10
Les ruches à cadres mobiles vs le tronc d’arbre creux 11
Fluctuations journalières, saisons et changement climatique 12
Travailler avec le climat de la ruche : un changement de paradigme 12
La colonie : un super-organisme homéotherme 21
Chaleur, hydrométrie, CO₂ et varroa 24
Économiser l’énergie des abeilles, améliorer leur confort par l’isolation 26
Le choix des matériaux d’isolation 36
Réorganiser la ruche actuelle 40
58
Quand les abeilles vont collecter du nectar, elles vont chercher de l’énergie pour se nourrir, pour voler et pour chauffer le couvain. Chauffer est une activité très importante pour la colonie : a minima, 60 % du nectar collecté sert uniquement à cela. De ce point de vue, le miel peut être considéré d’abord comme un combustible.
Économiser l’énergie des abeilles en travaillant sur leur bien-être sera le cœur de notre propos.
Le tronc d’arbre creux, habitacle originel des abeilles, assure un environnement climatique parmi les plus intéressants pour l’abeille en nos contrées. Depuis peu, il devient la référence pour tous les chercheurs qui se penchent sur le bien-être de l’abeille.
En osmose avec la vie de l’arbre, la colonie exploite au mieux les qualités du tronc pour le maintien des conditions hygrométriques et thermiques vitales pour le couvain.
Cet habitacle reste encore celui des abeilles sauvages, devenues rares dans nos contrées fortement modifiées par la présence humaine.
La référence au tronc d’arbre creux comme habitacle idéal pour les colonies sera en arrière-plan de nos réflexions.
Depuis que l’humanité a cueilli des essaims sauvages et les a mis dans un récipient, au plus près de sa maison, domus en latin, l’abeille est appelée « domestique ». Et pourtant, l’abeille reste un insecte sauvage dans la mesure où sa « domestication » n’a pas opéré de changement génétique la rendant dépendante de l’homme, comme ce fut le cas par la sélection et les croisements pour les chiens, les bovins, etc.
Thomas Seeley qualifie Apis mellifera d’abeille semi-domestiquée1.
Le caractère sauvage de l’abeille en fait un animal de rente particulièrement robuste dont la taille des colonies s’ajuste aux disponibilités de la ressource nectarifère et pollinifère locale.
Aujourd’hui, le contexte du changement climatique accentue les modifications de l’environnement naturel déjà impacté par les activités humaines. Cette situation nous conduit à rechercher pour les abeilles des conditions de vie plus proches de celles qui sont les leurs à l’état naturel, en choisissant le meilleur compromis entre le respect de la biologie de la colonie, c’est-à-dire le bien-être de l’abeille, et le travail de l’apiculteur.
D’où vient cette idée qu’isoler les ruches serait profitable aux abeilles ? Ne sont-elles pas depuis des millénaires, habituées à la diversité des cavités naturelles pour se loger ? Nos caisses en bois offrentelles aux abeilles un habitat confortable ?
Depuis la fin du xixe siècle, les ruches à cadres mobiles se sont peu à peu imposées pour une exploitation rationnelle et productive des colonies, mais rares sont les modèles qui ont privilégié le volet isolation. À la fin du xxe siècle, nous avons même vanté les mérites des plateaux de sol ventilés pour les ruches.
En France, jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, nombre d’auteurs se sont opposés, avec des arguments soit en faveur du confort des abeilles soit en faveur de celui de l’apiculteur. Alors que la production du miel était une activité à la marge des travaux de la ferme, le développement d’entreprises apicoles a privilégié « les méthodes modernes d’apiculture à grand rendement » (photo ci-contre). Certains, avec pertinence, reprochaient à ces ruches de menuisier d’être peu étanches aux variations de température ; Alin Caillas, dans son ouvrage de 1948, comparait déjà ces ruches à de vulgaires caisses d’emballage. Il notait que le miel, source unique de chauffage dans les ruches, est dilapidé par une insuffisance d’isolation. Il espérait qu’avec des matériaux à venir on pourrait renvoyer le rayonnement infrarouge émis par les abeilles sur le couvain pour économiser cette précieuse ressource qu’est le miel. Il pensait que l’on pourrait diviser par deux le volume des réserves en miel nécessaires pour l’hivernage.
Aux États-Unis, Haydak développe des recherches dans le Minnesota durant 20 ans (1943-1964), sur des ruchers expérimentaux2. Il montre à quel point la mortalité des abeilles et les dommages qu’elles subissent dépendent du degré d’isolation. Il remarque également que dans les ruches à simple paroi, 34 % des colonies étaient mortes ou affaiblies ; une légère protection ramène les pertes à 15 % et une isolation soignée à 10 %. À noter que ces études ont été menées dans un contexte où le varroa n’était pas encore présent. Relier la mortalité des colonies à la qualité de l’isolation sur une aussi longue période d’observation conserve donc tout son sens.
Aujourd’hui, des travaux de recherche s’intéressent aux conditions de vie des abeilles sauvages, ils mettent en lumière les qualités du tronc d’arbre, tant du point de vue du matériau que de son volume et de sa forme pour optimiser l’énergie des abeilles. Désormais des questions se posent sur le bien-fondé de nos matériels et de nos pratiques apicoles.
La date de floraison des plantes sauvages comme la bruyère blanche devient imprévisible à cause du changement de climat.
L’importance des fluctuations jour/nuit des températures oblige les abeilles à un constant travail de régulation pour maintenir le couvain dans les intervalles de température et d’hygrométrie convenables pour une nymphose réussie. Ce travail de régulation est identique en été comme en hiver, car si nous pensons spontanément au froid hivernal, nous omettons les conséquences des excès des chaleurs et sécheresses estivales.
Nos colonies vivent leur cycle de développement en étant sous la dépendance des fluctuations météo et des changements constatés au niveau de notre climat. Peu à peu, l’ensemble de l’Europe du Nord évolue vers un climat de type méditerranéen et c’est le climat du Nord de l’Afrique qui s’impose maintenant sur la façade méditerranéenne de l’Europe. Ce sont des situations nouvelles auxquelles les pratiques apicoles doivent s’adapter.
Pour une meilleure qualité de vie des colonies, il est préférable qu’elles régulent par elles-mêmes la température et l’hygrométrie de leur nid dans un habitacle à l’abri des influences externes.
Les abeilles vivent toute l’année en communauté dans une cavité naturellement protégée, puisqu’elles n’ont pas de moyens pour bâtir leur habitation. C’est ce qu’elles ont toujours fait et elles se sont développées depuis des millions d’années en utilisant le tronc d’arbre creux comme lieu d’habitation privilégié.
Le développement des matériaux isolants et réfléchissants, permet d’envisager des solutions pour mettre les colonies dans des habitacles plus proches de leurs conditions idéales de vie.
Le microclimat de la ruche
La ruche cylindrique offre une faible surface où les rayons du soleil frappent perpendiculairement.
À l’intérieur de la ruche, il règne une température, une humidité, une densité de divers gaz adaptées aux besoins de la colonie. Ces éléments constituent un climat interne que l’on appellera le microclimat de la ruche. Il sera le paramètre central pris en considération dans notre conception de l’isolation des ruches et surtout de leur conduite.
Entrée d’une colonie installée dans un arbre creux. D’une moyenne de 30 cm2, elle est moitié moins grande que celles de nos ruches Dadant, Langstroth ou autres.
Le microclimat de la ruche est une notion développée par Anton Büdel, un auteur célèbre en Allemagne dans les années 19503. Selon lui, le microclimat est le « climat d’un espace restreint correspondant à un état effectif de l’air ; par opposition au macroclimat [climat extérieur, ndlr], il ne s’agit pas d’une valeur moyenne » de la température, de l’hygrométrie de la ruche. Au sein de la notion de climat interne, Büdel distingue le climat particulier du nid à couvain, celui du trou de vol, celui des rayons de miel, celui de la colonie en hiver, etc. Ces petites zones, ou « moments climatiques », sont liées à la physique du rayon, de son contenu, des matériaux de la ruche et surtout de l’abeille elle-même. « Le climat interne se trouve perturbé d’un côté par des influences extérieures (temps, techniques apicoles) et de l’autre par les capacités régulatrices des abeilles. »
3. Dans le Traité de biologie de l’abeille qu’il publie en 1968, Rémy Chauvin présente ainsi les travaux de Büdel « célèbre parmi les apidologues à cause du soin avec lequel il a étudié pendant un grand nombre d’années le microclimat de la ruche. Sur ce point, nous disposons vraiment de données précises… [concernant] ce délicat mécanisme homéotherme qu’est la ruche… [ainsi que] les perturbations que chaque manipulation apicole provoquera dans le microclimat ».
Répartition de la colonie dans un tronc d’arbre.
Dans la cavité d’un tronc d’arbre, l’isolation se trouve de fait très conséquente. L’enveloppe pouvant atteindre 25 cm d’épaisseur, les arbres creux sont, en forêt, à l’abri des excès du rayonnement solaire. Température et hygrométrie sont sous le contrôle de la colonie, l’influence du soleil reste marginale. Cela n’est pas le cas avec nos ruches à parois minces de 25 mm d’épaisseur, où l’influence du soleil peut modifier de manière importante le comportement de la colonie sur la ponte de la reine et la gestion du couvain.
Le tronc d’arbre creux est un habitacle naturel très protecteur où la colonie organise sa vie. Les abeilles placent le miel au sommet de la cavité qu’elles occupent à l’intérieur de l’arbre. Cette réserve d’énergie est à une température inférieure à 30 °C, elle joue un rôle de tampon thermique pour le couvain placé en dessous, qui peut être à une température bien plus élevée, oscillant entre 34 et 38 °C suivant les zones de couvain ouvert ou fermé. Dans cet espace réduit, les abeilles enduisent progressivement les parois de propolis pour lisser les rugosités de cette enveloppe créée par la dégradation de la partie morte de l’arbre. Cette cavité intérieure chaude, humide, favorable à la multiplication des bactéries et des champignons, est ainsi protégée par la propolis, bactériostatique et antifongique.
Enduction du tronc avec de la propolis.
À l’abri du climat extérieur, il s’y installe un microclimat maîtrisé par les abeilles autour de deux zones essentielles et distinctes, celle du couvain et celle du miel. On dira que le couvain constitue la chambre du lieu de vie (CH1) et le miel, la chambre du combustible (CH2).
Tronc d’arbre naturellement creux. On notera l’étroitesse de l’espace que peuvent occuper les abeilles et l’épaisseur de l’enveloppe.
Photo thermique d’une ruchette en sortie d’hivernage : la partie rouge témoigne d’une température élevée, la partie verte d’une température plus basse. La chaleur observée est du au soleil, ce qui perturbe le microclimat interne de la ruche. Cette influence externe peut conduire à un développement excessif du couvain en cas d’ensoleillement important, puis à une dégradation de ce même couvain lors de périodes plus froides.
L’ouverture d’entrée est un trou de très petite taille, quelques centimètres de diamètre, par où rentrent et sortent les abeilles, mais aussi par où se renouvelle l’air de la ruche et se gèrent les échanges gazeux et l’humidité si importante pour le couvain. Cet orifice de petite surface, souvent situé au bas de la cavité, permet aux abeilles une gestion fine de tous ces paramètres. La colonie produit la circulation des masses d’air dans la ruche, assure la recherche de l’eau et du nectar pour maintenir ce que l’on appelle l’homéostasie thermique et hygrométrique du couvain.
L’homéostasie correspond à la capacité d’un système à maintenir l’équilibre de son milieu intérieur, quelles que soient les contraintes externes. C’est le phénomène par lequel les constantes telle la température, l’hygrométrie et le CO 2 sont maintenues autour des valeurs bénéfiques pour le couvain, grâce au processus de régulation organisé par les abeilles.
Lorsque nos ancêtres installaient des essaims dans une « ruche », c’était une ruche tronc, le plus souvent retaillé à la main ou un « panier » fait d’un boudin de paille de seigle tressé recouvert de plusieurs couches protectrices de terre et bouse séchée, d’éclisses de châtaignier, de gerbes de paille.
Ces ruches étaient implantées en plein air et souvent dans des ruchers faits de murs en pierre bien exposés au soleil, comportant des niches pour y poser les ruches à l’abri du vent et de la pluie. De petit volume et très isolés, ces espaces se rapprochaient des conditions idéales pour une optimisation des paramètres de température et d’hygrométrie nécessaires à la bonne évolution du couvain.
Les abeilles travaillent de façon continue aux soins de leur descendance et à l’accumulation du nectar qu’elles transforment en miel et de pollen conservé sous la forme du pain d’abeilles. Elles consacrent une part majeure de leur énergie à seule fin de gérer le climat interne de leur habitacle. Dans le tronc d’arbre, l’épaisseur de la paroi produit une isolation importante qui limite les déperditions ou la pénétration de chaleur. De sorte que les abeilles gèrent l’homéostasie du couvain à moindre coût énergétique si leur lieu de vie est d’une épaisseur conséquente, à coût élevé si c’est une passoire thermique.
Ci-contre : un essaim dans une ruche tronc. Attention, les conditions physiques de la ruche tronc sont différentes de celles du tronc d’arbre creux.
Tout travail de chauffage demande aux abeilles une dépense physique intense par mise en contraction de leurs muscles alaires. Cette tétanisation ou frémissement musculaire les épuise autant que le vol pour butiner. Cette hyper-utilisation musculaire provoque un vieillissement global et engendre une durée de vie raccourcie.
De la même manière, c’est au prix d’un travail usant que les abeilles collectent et apportent de l’eau sur les opercules et dans les cellules pour refroidir et humidifier l’espace du couvain.
Dans les arbres creux ou dans les paniers fortement isolés, les colonies sont dans un espace très restreint, elles gèrent les positions des masses d’air, des masses de chaleur par l’organisation des rayons lors des constructions. L’anarchisme apparent de la forme des rayons répond à une certaine circulation des masses de chaleur, de gaz et d’humidité. Ce sont les volumes de miel, de cellules vides, de cellules occupées par du couvain qui dessinent une architecture intérieure particulière, qui répartit alors chaleur, gaz et humidité selon les endroits.
Les abeilles contrôlent le microclimat de la ruche
Face au rôle central du soleil sur le climat pour l’existence même de la vie, « dans le climat intérieur de la ruche entre en jeu une nouvelle source d’énergie, la température corporelle de l’abeille ; elle dépasse largement l’influence du soleil comme source thermique ».
Cette dernière observation requiert une attention particulière, elle fait référence au faible volume d’air dans une ruche à cause du nombre d’abeilles et de l’ensemble des rayons. Büdel estime à une dizaine de litres le volume d’air dans une ruche de 60 l, qui est le volume maximal observé dans les troncs d’arbres creux. Pour reprendre son expression, ce volume d’air, segmenté en portions réparties dans la ruche, organise des « micro-météorologies » selon la position des abeilles sur les rayons et en fonction des échanges gazeux au niveau du trou de vol. Les masses d’air sont définies par les rayons, leur forme, la présence du couvain ou de miel ou simplement d’air dans les cellules vides.
Les abeilles contrôlent directement, en local, les conditions de température et d’humidité nécessaires pour une nymphose réussie. C’est une situation très différente des fourmis par exemple, qui déplacent leurs nymphes en fonction des lieux de chaleur et d’humidité.
Que se passe-t-il dans les ruches à cadres mobiles ?
Avec l’arrivée des ruches à cadres mobiles, les abeilles ne maîtrisent plus aussi facilement le microclimat de leur maison. Dans les ruches contemporaines, d’un volume supérieur aux troncs et aux paniers, l’agencement des rayons est réglé par les cadres, éléments parallèles, communiquant par leurs sommets, par leurs côtés, par le sol. Leur nombre et leur position peuvent changer au gré des besoins de l’apiculteur, ce qui bouscule le climat interne de la ruche, obligeant les abeilles à modifier leurs positions et leurs activités.
Lors des visites, l’apiculteur sort les cadres et expose les rayons à une très forte déperdition de chaleur, à l’évacuation des masses d’air et ramène la ruche au niveau hygrométrique de l’air ambiant. Il faut de nombreuses heures aux colonies pour retrouver les niveaux antérieurs de température et d’hygrométrie.
Dans ces ruches cubiques en bois, l’extension de la colonie dans le corps se fait sur un nombre important de rayons à l’horizontale et non à la verticale comme dans le tronc d’arbre où le miel placé au sommet joue un rôle de tampon thermique.
La conception actuelle des ruches avec de grandes ouvertures favorise des courants d’air qui n’existent pas dans les troncs d’arbre et perturbe l’hygrométrie qui doit être très élevée dans l’espace du couvain.
« La température du nid à couvain est un paramètre de l’environnement construit par les abeilles qui détermine les qualités de leur future progéniture »
J. Tautz, L’étonnante Abeille, p. 203.
Nous mettons en tête de notre propos cette remarque de Jürgen Tautz qui nous sert de point de repère dans la conduite des colonies. La température du couvain est un point focal de l’activité de la colonie. Si l’abeille est un être vivant à sang froid, la colonie peut être assimilée à un organisme homéotherme à sang chaud.
Pour réguler l’homéostasie du couvain dans des ruches RBC, les activités ordinaires suffisent. Le déplacement des abeilles dans la ruche produit de la chaleur et la concentration du nectar par la ventilation dégage une hygrométrie élevée. Mais si cela ne suffit pas, d’autres mécanismes de régulation beaucoup plus énergivores seront mobilisés. Ils causeront une usure prématurée des abeilles et une consommation excessive de miel.
Photo thermique d’un cadre en sortie d’hivernage. Il existe différents microclimats dans la ruche:
- Miel : 21°C
- Couvain : 36°C
Pour chauffer, le processus le plus économique pour les abeilles est de se grapper pour limiter la dispersion des calories. Si la chaleur dégagée par leur seule mobilité sur le rayon n’était pas suffisante, l’étape suivante serait le frémissement de leurs muscles alaires, source d’une intense chaleur, mais également d’un intense vieillissement.
Pour rafraîchir, le processus le plus économique pour les abeilles sera de se dégrapper, de se disperser sur les rayons dans la ruche et de ventiler pour évaporer le nectar. Si c’est insuffisant, les abeilles délaissent alors la collecte du nectar au profit de celle de l’eau. Cet apport d’eau et son évaporation assurent le niveau d’hygrométrie nécessaire à la naissance des œufs et au développement des larves.
La régulation de l’hygrométrie est un paramètre dont on commence à mesurer la portée. Elle est très importante pour les abeilles. Cellules de larves contenant des gouttes d’eau.
L’hygrométrie est régulée par les abeilles qui utilisent les cocons qui eux-mêmes s’accumulent au fil du temps contre les parois des cellules. Ils servent d’éponge, stockant des gouttes d’eau apportées par les abeilles.
Les travaux de recherche de Mickael B. Ellis et al. sur l’hygrométrie dans les ruches ont montré que « l’humidité est une variable microclimatique importante pour les abeilles domestiques (Apis mellifera), car leurs œufs ont besoin d’une humidité relative très élevée pour une éclosion réussie. Selon les mesures effectuées par Keith M. Doull « à 50 % d’humidité
relative, de nombreux œufs se sont ratatinés et seuls 2,9 % d’entre eux ont produit des larves normales ». Le taux de survie le plus élevé est observé à 95 % d’humidité relative (dans nos habitations confortables, le niveau d’humidité relative se situe entre 30 et 60 %). Sous ce pourcentage, 40 % des larves qui éclosent sont porteuses d’anomalies. Une humidité élevée profiterait aussi indirectement au développement du couvain puisque le succès reproductif des acariens parasites varroa diminue avec une augmentation de l’humidité (Kraus et Velthuis, 1997).
Collée immobile contre l’opercule du couvain ou plongée de longues minutes dans les cellules vides au sein des rayons de couvain, l’abeille transmet cette énergie calorique par rayonnement thermique aux nymphes.
C’est une activité épuisante pour les abeilles chauffeuses mais aussi pour les butineuses car l’essentiel du nectar récolté ne sert pas d’aliment ; c’est le combustible qui assure la production de chaleur. Près des deux tiers de cette collecte sont affectés au seul chauffage. Pour assurer les conditions de la reproduction des abeilles, il est évident que la récolte du nectar se doit d’être abondante.
Nous empruntons à Jürgen Tautz ce terme de « combustible » pour désigner le nectar, tant il manifeste l’importance de la production de calories pour la vie de la colonie. Alin Caillas, 70 ans plus tôt, utilisa la métaphore du charbon.
Les abeilles disposent de capteurs qui leur donnent la capacité d’apprécier des niveaux de chaleur, d’hygrométrie, de concentration en gaz carbonique, d’odeurs, de saveur… Ces capteurs sont situés en particulier sur leurs antennes.
La colonie est un système collectif composé de groupes d’abeilles sœurs (issues des spermatozoïdes d’un même mâle) et de demi-sœurs (issues des spermatozoïdes de mâles différents). Cette diversité génétique essentielle se traduit entre autres par des sensibilités aux variations de températures différentes selon les divers groupes de sœurs : les uns le seront à 36 °C, d’autres à 35,8 °C, d’autres à 35,5 °C, etc.
Lorsque la température descend en dessous du seuil de sensibilité d’un groupe de sœurs, ce groupe se met à chauffer, si la température poursuit sa descente, de plus en plus de groupes de sœurs sensibles à des températures plus basses se rapprochent et se mettent les uns après les autres à chauffer le couvain. Et, de proche en proche, la quantité d’énergie calorique produite fait remonter la température des nymphes.
Le processus s’inverse une fois les seuils de température atteints, d’où l’importance de la variété des fratries dans les colonies, issues de la diversité des mâles qui ont fécondé la reine.
60% du miel récolté par les abeilles est destiné à la régulation du climat interne.
En hiver, la colonie se regroupe en « grappe » pour se tenir chaud : ici en rouge au centre de la ruche. Le toit est le premier niveau à isoler sérieusement.
Apport d’eau par une porteuse d’eau dans une cellule dotée d’un œuf (extrait de la vidéo n°14 de Paul Siefer, Nastasya Buling et Bernd Grünewald).
Dans une recherche publiée en 1988 sur la température idéale pour le développement de varroa, Yves Le Conte avait montré que pour 90 % des varroas, elle se situerait entre 28 et 38 °C. « Parmi eux, 42 % préfèrent une température comprise entre 30 et 34 °C, qui représente la température du couvain de mâles, alors que 19 % choisissent une température comprise entre 34 et 36 °C, qui représente la température du couvain d’ouvrières. Le reste des varroas se répartit entre 20 et 30 °C (23 %) et de 36 à 40 °C (15 %). Moins de 1 % des varroas choisissent une température supérieure à 40 °C et meurent rapidement ». Cela nous montre une plage importante de températures possibles pour une population de varroas. La maîtrise d’une température élevée dans la ruche n’est donc pas un facteur limitant sérieusement la présence de varroa.
Derek Mitchell, en étudiant les ruches naturelles dans les troncs d’arbres, constate que les abeilles vivent dans des habitacles tubulaires protégés par une paroi pouvant atteindre 25 cm d’épaisseur. Il a estimé que le taux de transfert de chaleur, en configuration hivernale, est quatre à sept fois plus élevé dans nos ruches d’usage courant, par rapport à un tronc d’arbre creux.
Il règne, dans cette cavité naturelle, une humidité élevée en suspension dans une atmosphère chaude. Mitchell analyse positivement les forts taux d’humidité des nids à couvain mesurés dans les troncs d’arbres creux4. « Par conséquent, il est possible que Varroa destructor soit affecté par l’occurrence plus fréquente d’humidités plus élevées dans ces nids à faible conductance et à petite entrée. Ce parasite impliqué dans la propagation de virus pathogènes et l’effondrement des colonies, perd sa fécondité à des humidités absolues d’environ 30 g/m3. ».
S’il est confirmé que le taux d’humidité absolu semble d’autant plus défavorable à varroa qu’il est élevé, encore faut-il que ce taux d’humidité absolu soit très élevé. C’est ce qu’avaient déjà évoqué Kraus et Velthuis dès 19975. Toutefois, cela reste une hypothèse qui demande à être validée pour une pratique apicole nouvelle.
Les travaux de Rassol Bahreini6 portant sur la concentration de gaz carbonique montrent que la restriction de la ventilation a augmenté la mortalité des acariens, mais n’a pas affecté la mortalité des abeilles ouvrières par rapport à celle des colonies ayant une ventilation standard.
Le paradoxe des ruches à cadres mobiles
héritées du xixe siècle
Mitchell fait observer que les ruches cubiques développées depuis le xixe siècle avec leurs bois de 25 mm d’épaisseur et ventilées sont, de ce fait, loin de représenter un habitacle idéal pour les colonies. Par contre, elles réunissent des conditions physiques (humidité, CO2, température) qui sembleraient favorables au développement de varroa.
Il insiste sur l’importance de la ruche qu’il assimile à un « phénotype étendu » : « L’exemple le plus courant d’un phénotype étendu est peut-être celui du castor, qui façonne son environnement en contrôlant le débit de l’eau à l’aide de barrages. Les rayons permettent aux abeilles d’ajuster leur environnement de la même façon en contrôlant le flux de différents fluides — l’oxygène, le CO2, et la vapeur d’eau — plus quelque chose qui agit comme un fluide : la chaleur. »
Le phénotype étendu est un concept imaginé par Richard Dawkins selon lequel le phénotype ne doit pas être limité au résultat de l’expression des gènes par les processus biologiques tels que la synthèse des protéines, ou la croissance des tissus, mais bien étendu à toutes les manifestations qui en découlent, y compris… par le comportement de l’animal dans son environnement.
À gauche : les ancêtres de nos ruches à cadres mobiles ont déjà des parois minces. Ci-dessous : ruche Dadant en plastique.
Par expérience, l’apiculteur constate que les années pluvieuses aux printemps froids, les colonies ne sont pas de belle facture, elles restent fragiles face aux agents infectieux. Les abeilles qui ont eu une nymphose trop froide, une alimentation déficiente, ont un développement imparfait.
Notre but sera d’améliorer l’isolation de la ruche pour augmenter le confort des abeilles au sens où elles seront moins sollicitées pour assurer les meilleures conditions de température, d’hygrométrie et de gaz carbonique. L’économie sur ces fonctions peut bénéficier aux nourrices, à la santé globale des abeilles et de ce fait à leur longévité.
CLIMATIQUE
Comme en agriculture, les aléas météorologiques sont une contrainte en apiculture. Le dérèglement climatique introduit de longues périodes délétères du point de vue de l’environnement floral. Il s’ajoute de manière très visible désormais aux autres modifications que sont le parasite varroa, la perte de biodiversité florale dans nos espaces agricoles, l’emploi de pesticides chimiques systémiques et rémanents.
Les ruches actuelles et les interventions qu’elles permettent assurent une optimisation de la ressource apiaire pour l’apiculteur, ce qui en fait leur succès. Mais, conséquence mal perçue, cette rationalisation des conditions de la production du miel se fait au détriment du microclimat de la ruche, c’est-à-dire du confort des abeilles, de leur bien-être, de leur longévité, voire de leur survie.
Si l’on comprend le message des travaux auxquels nous nous sommes référés, nous saisissons les raisons qui fondent l’attention que nous proposons de porter prioritairement au maintien de l’homéostasie du couvain tant en température qu’en hygrométrie.
Le changement climatique devient une préoccupation majeure pour les apiculteurs. Les années se suivent sans se ressembler du côté des températures, de la pluviométrie et par conséquent au niveau de la flore. Des floraisons qui étaient des miellées principales ne le sont plus toujours. En réponse à cette évolution, nous proposons une conduite des colonies qui permette de faire du miel au moment où la nature se montre généreuse. Le défi est d’être réactif et de disposer de colonies aptes à récolter à ce moment-là.
Pourquoi s’intéresser à l’habitacle des abeilles ?
Réduire leur consommation de miel pour chauffer, c’est leur donner plus d’espérance de vie, une vie en meilleure santé. C’est leur permettre d’élever une descendance plus résistante aux maladies et d’être à leur tour de meilleures ouvrières. C’est, pour l’apiculteur, modifier ses outils et changer ses méthodes de travail.
Une colonie de bonne facture consomme environ 12 à 18 kg de miel au cours de l’hivernage. À quoi sert donc ce miel alors que le butinage et le couvain sont progressivement inexistants ?
À chauffer la grappe !
L’isolation de la ruche recherche trois objectifs :
- Le premier objectif visé sera d’économiser le miel engrangé pour la morte-saison.
- Le deuxième objectif, conséquence du premier, sera de ménager les forces des abeilles en les sollicitant le moins possible pour la mission de chauffage. Le gain portera sur l’allongement de la durée de vie des abeilles adultes et par là même sur le volume de la colonie.
- Le troisième objectif, lié à la réduction des pertes en calories, est d’améliorer l’homéostasie du couvain pour assurer une production d’abeilles de bien meilleure qualité. On cherche à produire des nourrices performantes, des butineuses efficaces, des abeilles plus résistantes aux maladies et plus adaptables aux conditions environnementales en général.
L’isolation permet de réduire les pertes en calories, mais également de maintenir au plus haut niveau l’hygrométrie nécessaire pour le couvain. Ce paramètre, nous l’avons déjà évoqué, est largement méconnu. Le message d’Alin Caillas qui comparait, en 1948, nos ruches à des caisses d’emballage est resté sans suite dans nos régions françaises, bien qu’il ait activement participé à la promotion de la ruche Therma à doubles parois avec isolant. Ce sont plutôt les pays soumis aux rigueurs extrêmes de l’hiver ou aux chaleurs étouffantes de l’été qui ont abordé ce sujet. Une crainte souvent exprimée serait que l’isolation augmente la température dans la ruche, ce qui justifierait l’aération totale du plateau de sol l’été. Dans une maison bien isolée, ouvre-t-on les fenêtres à midi par grande chaleur pour la rafraîchir ?
Les abeilles se chargent de réguler la température et l’hygrométrie de la ruche. En isolant leur habitacle, en les posant au plus près du sol et en les plaçant à mi-ombre, nous facilitons leur activité de climatisation. Hausse vitrée : les abeilles n’ont pas étiré la cire gaufrée sur la partie éclairée, chauffée par le soleil.
Marc Guillemain, apiculteur professionnel, observateur attentif des colonies et des abeilles, fait le constat que nos ruches sont fort éloignées, du point de vue de leur isolation, du tronc d’arbre creux.
Sa démarche est centrée sur la recherche du bien-être des abeilles en leur offrant des conditions de vie optimales, en phase avec les fluctuations saisonnières et météorologiques de leur environnement, tout en étant adaptée au travail de l’apiculteur. C’est le compromis évoqué précédemment. Il conduit ses observations et ses expérimentations à partir des années 1980 ; il conçoit une organisation de la ruche que l’on appellerait aujourd’hui « ruche basse consommation d’énergie7 » (abrégée RBC dans le livre).
Pour réduire les effets délétères liés aux trop fortes déperditions d’énergie, l’idée de Marc Guillemain fut de développer une isolation des ruches par l’intérieur, qui met les colonies dans un habitacle plus proche de leurs conditions naturelles de vie. Ses innovations techniques sont les Partitions Isolées Haute Performance, notées PIHPgm, et des méthodes d’isolation rigoureuses tant au sol qu’au sommet de la ruche. Elles ont été conçues selon un cahier des charges strict, élaboré au fil de ses expérimentations. Mais ces outils n’auraient qu’un intérêt très relatif en l’absence d’une nouvelle manière de conduire les colonies. Sur ce point, son apport reste indépassable.
En 2009, Damien Merit, dans le cadre de ses études de biologie, le rejoint. Ensemble, ils explicitent une approche de la conduite des colonies en économie d’énergie. Ce compagnonnage se poursuit pour faire évoluer les outils, les méthodes de travail en fonction des variations climatiques ou florales de différentes régions apicoles.
Tout cela est conçu pour les matériels de n’importe quel apiculteur. Il n’y a pas d’innovation sur les modèles et formats des ruches, seulement des aménagements internes et une nouvelle manière de conduire les colonies. Ce sont les conditions pour qu’une telle innovation soit acceptable et acceptée.
Par essais successifs, par comparaison entre les matériaux disponibles ou qui apparaissent, Marc Guillemain multiplie les expériences et les mesures. Il met au point au fil des années les PIHPgm8. Elles ont plusieurs fonctions :
- isoler les parois
- réfléchir les rayons infrarouges
- bloquer les circulations de l’air chaud
- maintenir un niveau d’humidité élevé.
Avec les PIHPgm, la conduite des colonies est organisée autour du resserrement constant de la population sur les cadres de couvain de façon à en assurer l’homéostasie à moindre coût énergétique pour les abeilles. Cet espace devient extrêmement chaud sous l’effet de la congestion du couvain et de l’activité des abeilles. En effet, produire un niveau de chaleur le plus élevé possible autour du couvain en regroupant les abeilles dans un espace très réduit économise les forces de la colonie. En d’autres termes, avec une même production d’énergie, les surfaces de couvain entretenues peuvent être supérieures.
Ruche conduite sur 3 chambres.
À gauche, l’espace du nid à couvain (CH1), au milieu l’espace des provisions servant également de soupape de sécurité (CH2). Une CH3 est possible, elle contiendra des cadres à bâtir ou bâtis ou un cadre nourrisseur.
La technique de 2 chambres est à la base de l’innovation majeure apportée par les PIHPgm.
La CH1 (chambre 1 ou chambre chaude) est le lieu de congestion du couvain et des abeilles. Dans cet espace confiné, restreint, la montée en température est très rapide ; peu d’abeilles sont nécessaires pour apporter la chaleur, ce qui permet au reste de la colonie d’être plus disponible pour l’élevage et pour le butinage. On utilise l’image de la cocotte-minute pour caractériser l’effet produit par cette congestion.
La CH2 (chambre 2 ou chambre tiède) est le lieu essentiel du stockage des provisions. Elle servira de soupape en cas de montée en pression du couvain et de la population dans la CH1. Isolée de l’espace du couvain, sa température sera moins élevée que dans la CH1.
Cette organisation interne n’empêche pas l’arrêt naturel de la ponte entre novembre et janvier. L’isolation de la ruche permet simplement aux abeilles de réguler le microclimat de la ruche à leur convenance. D’autres facteurs que la température interne conditionnent l’arrêt de la ponte : absence de rentrées de pollens, luminosité faible, génétique de la reine… la température est une condition nécessaire mais pas suffisante.
Rappelons que l’isolation de la ruche n’augmente pas la température, mais la stabilise dans ces espaces restreints et améliore le confort pour les abeilles. Cela leur permet de régler à moindre coût énergétique l’homéostasie du nid à couvain. Parmi les mécanismes régulateurs de l’homéostasie du couvain, le plus économe pour les abeilles est le fait de se grapper et de se dégrapper : se grapper pour augmenter la valeur des paramètres, se disperser pour en réduire le niveau. L’existence de ces 2 chambres permet de manière très simple le déploiement de ce mécanisme.
Par comparaison, pour un confort identique, une maison très bien isolée engendre une dépense énergétique plus faible qu’une maison moins isolée, cette évidence est parfaitement applicable à la ruche basse consommation (RBC).
Pourquoi créer des espaces différents dans la ruche ?
Biologiquement, par instinct, les abeilles amassent le plus possible. Dans le tronc d’arbre creux, elles placent le miel au sommet qui remplit, de fait, une fonction de tampon thermique
Avec l’expérience, nous avons remarqué que dans les RBC, les abeilles sont plus calmes, plus tranquilles, elles semblent être moins stressées. C’est notamment dans des conditions météo défavorables que ce phénomène semble évident.
pour le couvain vivant en dessous. Au fil de la saison, les surfaces de couvain varient, suivant en cela la dynamique de la colonie en phase avec celle des floraisons. Dans les ruches cubiques, les abeilles placent le miel autour du couvain et dans des cadres de part et d’autre du nid. La reine étendra sa ponte progressivement sur la plupart des cadres plus ou moins entourée de couronnes de miel. Le nid à couvain est alors laissé à la merci des déperditions de chaleur dans toutes les directions, notamment via le couvre-cadre et le toit. Si l’on n’y prend garde, les abeilles placeront le miel d’abord autour du couvain et monteront le miel dans les hausses une fois le corps saturé. Pour maintenir l’homéostasie du couvain au bon niveau et à moindre coût pour les abeilles, l’apiculteur fera varier l’espace de la CH1 en lien avec la capacité de ponte de la reine. Dès la pose des hausses, la contrainte imposée aux abeilles en CH1 les pousse à ne pas stocker le nectar qui rentre en CH2, mais à le monter dans les hausses à l’aplomb du nid à couvain. On retrouve le positionnement relatif du miel et du couvain comme dans le tronc d’arbre creux.
L’isolation et la double chambre permettent d’optimiser la thermorégulation du nid à couvain. Quand il fait beau, les abeilles vont se dégrapper dans la CH2. Au contraire, si les températures diminuent la nuit ou suite à une météo capricieuse, les abeilles viendront se grapper en CH1, à proximité du nid à couvain. Le métabolisme de base des abeilles associé à la bonne isolation de la ruche serait, en situation idéale, suffisant pour thermoréguler facilement le nid à couvain.
La taille de la CH1 (chambre chaude) est déterminée par le nombre de cadres dont la reine a besoin pour assurer un cycle de ponte de 21 jours (durée théorique, très variable dans les faits) qui dépend lui-même de sa capacité de ponte.
Le cycle du développement de l’œuf à la naissance de l’abeille est de 21 jours. À ce terme, la reine peut revenir pondre dans les premières cellules libérées par les naissances et poursuivre sa ponte uniquement dans les cellules qui se libéreront au fil du temps.
Le calcul est donc simple :
- Un cadre de corps Dadant contient environ 3 600 alvéoles par face soit 7 200 alvéoles au total.
- Une reine qui pond 1 500 œufs/jour (performance assez courante) tous les jours pendant 21 jours et à la condition que ses abeilles prennent tous ses œufs en charges, occupera 31 500 cellules durant ces 21 jours.
- Il lui faut 31 500/7 200 soit approximativement 4 cadres de corps Dadant pondus au carré.
Si elle pond 2 500 œufs/jour (reine et situation environnementale d’exception), il lui faut 52 500 cellules soit 52 500/7 200 donnent approximativement 8 cadres
Donc 8 cadres suffisent dans une ruche, à la condition que la température et les apports nutritionnels soient tels que la ponte de la reine se développe en totalité sur la surface des rayons, ce qui est plutôt rare. Nous constatons fréquemment que les cadres de rives sont peu occupés ou pleins de miel en saison, nous les remplaçons par deux PIHPgm qui améliorent le rendement énergétique de l’ensemble.
L’organisation des chambres 1 et 2 avec les PIHPgm ne modifie pas la quantité de couvain mais sa répartition, ce qui améliore la gestion des calories et diminue la dépense énergétique des abeilles.
AVANTAGES MAJEURS DE LA CONDUITE EN DOUBLE CHAMBRE
- Thermorégulation du couvain optimale, à moindres efforts pour les ouvrières.
- Vitalité du couvain et des abeilles très significativement améliorées : larves mieux nourries, couvain mieux couvé.
- Longévité des abeilles augmentée (les ruches seront donc plus populeuses).
- Essaimage réduit.
- Longévité de la reine augmentée.
En améliorant le confort de la colonie, on optimise la vitalité des abeilles et celle du couvain. La bonne vitalité du couvain s’observe à son aspect bombé.
On définit la performance d’un isolant par sa conductivité thermique, c’est-à-dire sa capacité à transférer de la chaleur.
L’écart de conductivité thermique des matériaux de construction est proche de 20 000 entre le moins isolant, le cuivre, et le plus isolant, le polyuréthane.
Pour reproduire le microclimat du tronc d’arbre au sein de la ruche, il sera fait usage de matériaux isolants et de produits réfléchissants. Certains, comme la chaux, sont connus depuis des lustres, d’autres sont en développement ; ils sont courants et simples d’usage, ou au contraire de mise en œuvre délicate. Nous choisirons les matériaux les plus courants tout en recherchant le meilleur compromis entre la durabilité des ruches, la qualité des isolants, leur coût et leur impact sur l’ensemble des produits de la ruche, dont le miel.
Le bois, selon les professionnels de l’isolation des habitations, est 12 à 15 fois plus isolant que le béton, mais il est 3 à 7 fois plus conducteur que le polystyrène ou le polyuréthane, ce qui n’en fait pas un matériau totalement idéal. Cependant, universellement disponible, il permet de construire des ruches durables, ce qui en a déterminé la généralisation.
Sur le marché de l’isolation, les matériaux en plaques abondent. Pour entrer dans les ruches, il les faut tout à la fois minces, isolants et réfléchissants. Très largement utilisés dans le bâtiment, ils sont facilement disponibles et de coût abordable.
Le pin maritime est très utilisé dans la confection des ruches. Son indice de conductivité thermique est de 0,15. Avec un indice de conductivité thermique de 0,029, le polyuréthane est 5 fois plus isolant que le pin maritime. Parmi les matériaux très courants, le polystyrène extrudé avec un indice oscillant autour de 0,037 est 4 fois plus isolant que le pin maritime. Le liège aggloméré utilisé dans l’isolation des habitations a un indice de 0,048 il est 3 fois plus isolant que le pin. On retiendra également le développement des panneaux en fibre de bois.
Pour la réalisation des PIHPgm, on cherchera un produit très isolant combiné avec un produit réfléchissant. Les matériaux naturels seront privilégiés bien qu’un peu plus onéreux. Ces matériaux sont aisément disponibles en épaisseurs de 20 à 100 mm.
Il existe des peintures isolantes céramiques qui ont d’excellentes performances pour réfléchir les rayonnements infrarouges. Elles seront peut-être à mettre en œuvre à l’avenir, sous réserve d’une diminution de leur prix et d’une application à la portée de tous. Nous évoquerons seulement les peintures et badigeons classiques.
La peinture joue un rôle intéressant sur l’impact du rayonnement solaire infrarouge : soit elle le réfléchit, soit elle l’absorbe.
Le blanc est la couleur qui réfléchit le mieux les rayons infrarouges, c’est l’une des raisons de la couleur blanche des maisons du Sud de l’Europe, en Andalousie par exemple.
L’étude d’Yves Lensky (présentée dans l’encadrée page 38) montre l’importance de l’isolation thermique pour la production du miel en période de très forte chaleur (l’été).
Le badigeon à la chaux est un bon isolant thermique. On utilise une chaux hydraulique disponible sous une forme prête à l’emploi : la chaux grasse. C’est une pâte vendue à un prix intéressant en sac de 20 kg chez certains fournisseurs de matériaux pour les constructions bioclimatiques. Pour que le badigeon accroche correctement sur le bois, ce dernier doit être brut et arrosé à grande eau pour dilater ses pores. Le badigeon sera passé avec une grosse brosse ou au rouleau en couche mince, puis laissé en situation humide suffisamment longtemps à l’abri des courants d’air et du soleil pour qu’il durcisse. La fixation de
Des mesures ont été effectuées en Israël. Des ruches vides d’abeilles ont été mises soit en plein soleil, soit à l’ombre, certaines posées sur des supports, d’autres posées à même le sol, sur l’herbe. Y. Lensky publie ses conclusions en 1964
« Nous avons montré que le maximum de température enregistré à
l’intérieur de ruches non peuplées varie en fonction du revêtement et en fonction de la nature de sol sur lequel elles reposent. Les températures les plus basses ont été enregistrées dans les ruches recouvertes d’un badigeon à la chaux (38,7 °C) ou protégées par l’ombre (32,3 °C). Les ruches recouvertes
d’une peinture à l’aluminium ou d’une peinture bleue s’échauffent davantage (respectivement 50,0 °C et 48,8 °C). Les ruches posées sur une pelouse verte s’échauffent moins. ». Ces différences influent sur les quantités de miel récoltées et sur les surfaces de couvain élevé.
La ruche couleur bois (à droite sur les photos) emmagasine la chaleur qu’elle restitue (26 °C). Sur la photo thermique, elle est de couleur rouge. La ruche blanchie à la chaux (à gauche sur les photos) accumule moins de calories : elle est bleue (22 °C). Le climat interne de la ruche sera donc moins impacté par les ruches peintes à la chaux.
la chaux sur le bois est due à une transformation chimique sous l’influence du gaz carbonique (dioxyde de carbone) qui produit une « carbonatation ».
D’autres manières de fixer la chaux existent, les matériaux naturels sont en vogue.
Il est communément admis désormais que l’isolation du toit est stratégique, c’est le premier niveau d’intervention sur l’isolation des ruches.
Les écarts extrêmes concernent les seules journées les plus chaudes de l’été ou les plus froides de la morte-saison. Plus les températures sont élevées (ou basses), plus ces écarts sont importants et l’impact sur les colonies immédiatement visibles.
En période chaude, ces excès de température et de sécheresse engendrent une réduction du volume et de la qualité des couvains, ils provoquent de faibles rentrées de nectar. Les butineuses délaissent la collecte du nectar au profit de l’eau propre, moins chargée en sels minéraux. On observe une absence totale de stockage dans les hausses les plus chaudes, fait particulièrement visible dans celles dont le toit est mal isolé.
Nous avons fait une brève expérience par temps de canicule, à une température extérieure de 38 °C.
Sous un toit plat en tôle galvanisée, la température observée sous la tôle était de 67 °C.
Sous un toit identique mais peint en blanc, la température était de 42 °C, soit un écart de 25 °C.
Après l’ajout d’une plaque de polystyrène extrudé de 20 mm placée sous les toits :
- sous le toit en tôle galvanisée : la température n’était plus que de 45 °C
- sous le toit en tôle peint en blanc : la température était de 38 °C, soit la température ambiante. Pour que la température sous le toit en tôle galvanisée soit identique à celle de
Ruches équipées de sondes thermiques sous leurs toits. À gauche, toit peint en blanc ; à droite, toit non peint.
l’air ambiant, il a fallu ajouter une seconde plaque de 20 mm de polystyrène extrudé, soit un total de 40 mm d’isolant. Il fut un temps où le toit plat était en bois tôlé souvent avec des feuilles d’aluminium qui réfléchissent les rayons infrarouges, ce qui était déjà plus isolant.
Il n’est pas évident d’abandonner la solide ruche en bois au profit de matériaux synthétiques, certes légers et très isolants, mais fragiles face aux chocs et qui, de surcroît, sont aisément transformés en passoire par la fausse teigne ! La solution la plus réaliste, pour l’instant, consiste à aménager la ruche en bois. Ce qui permet de travailler avec un matériel standard quel qu’en soit le modèle.
La ruche isolée, ou du moins la partie réservée à l’espace de vie du couvain, pourrait ressembler par analogie à une bouteille thermos mise la tête en bas.
Isoler par l’intérieur ou par l’extérieur ?
L’isolation proposée ici se fera par l’intérieur de la ruche pour ne pas modifier les éléments standards que sont les supports, les plateaux de sol, les corps, les couvre-cadres, les toits.
Isoler par l’extérieur en ajoutant une épaisseur d’isolant est une solution intéressante pour les ruchettes avec de petites populations et des réserves un peu chiches, mais l’expérience nous a montré que ce n’était pas l’idéal pour plusieurs raisons :
- On observe à certains moments de grosses grappes d’abeilles en dehors de la ruche. La chaleur dégagée par l’activité ordinaire des abeilles devient trop importante dans la ruche et les abeilles ne peuvent plus assurer le travail d’entretien du couvain, alors que l’utilisation de la double chambre permet aux abeilles de se dégrapper dans la CH2 et de poursuivre le travail d’élevage du couvain.
- Les matériaux d’isolation en plaques, d’un coût modeste et d’une mise en œuvre aisée, augmentent la largeur et la longueur des ruches, ce qui est incompatible avec nombre d’engins de manutention des ruches. L’usage de peintures spéciales telles les peintures céramiques isolantes appliquées sur les parois extérieures serait une autre réponse, mais elles sont fort coûteuses et d’un maniement particulier.
- Plus simplement, les toits du commerce ne peuvent plus convenir, ce qui limite la généralisation d’une une telle solution, même si tout bricoleur peut se lancer dans cette aventure sans trop de difficulté.
L’isolant réfléchissant À l’isolant qui bloque le transfert des calories, on ajoutera celui qui réfléchit les rayons infrarouges. À l’intérieur de la ruche, on utilisera des Partitions Isolées Haute Performance imaginées par Marc Guillemain notées PIHPgm. Elles seront déclinées dans les hausses, ce seront des PIHPettes.
Les PIHPgm et les autres composants de la ruche (la chaussette, la chaussure, l’écharpe, le bonnet, le mouchoir, cf. schéma page 53) seront autant d’éléments qui constitueront l’isolation interne. Ils sont fabriqués avec un isolant thermo-réfléchissant : un isobulle de 3 mm composé d’une couche de bulles enchâssées entre deux fines couches aluminisées, protégées par un vernis qui en empêche la dégradation. C’est le pouvoir réfléchissant qui est recherché avec ce produit.
ATTENTION ! Tous les matériaux aluminisés à bulle, disponibles sur le marché, n’ont pas du tout les mêmes capacités de forte réflexion et de faible émissivité (capacité à absorber et à restituer les calories).
Notre choix s’est porté depuis une vingtaine d’années sur le XLMAT qui possède les meilleures caractéristiques pour notre usage. D’autres matériaux encore plus minces sont possibles sous condition d’être résistants au grignotage des abeilles et de posséder une bonne protection de la pellicule aluminisée.
Le XLMAT est particulièrement aisé à tendre et résiste le mieux au grignotage des abeilles. La couche aluminisée est très bien protégée par un vernis transparent. Nos propres PIHPgm résistent au moins durant 3 saisons et même jusqu’à 10 ans si on en prend soin. Cet isobulle reste suffisamment souple et peut être tendu comme une peau de tambour. La tension favorise la réflexion et empêche les abeilles de construire sur la surface réfléchissante ou de creuser le rayon adjacent, ce qu’elles ne manquent pas de faire si la PIHPgm présente une concavité ou un bombé qui les empêche de circuler.
ATTENTION ! Ne pas abîmer les PIHPgm avec le lève-cadre, ce qui permettrait aux abeilles de grignoter l’isobulle.
Le rayonnement infrarouge étant bien réfléchi, il permet à la reine de venir pondre sur la face du rayon contre la PIHPgm, le couvain se situe alors du côté de la paroi brillante. Cela démontre et confirme l’intérêt du procédé pour la colonie.
D’autres produits et conceptions des partitions sont possibles. La paroi doit réfléchir la quasi-totalité des rayonnements infrarouge, la couche aluminisée doit être protégée par un vernis, le format doit stopper les circulations d’air tant au sommet que sur les côtés de la partition.
Comment se gère la condensation dans un contexte où l’on a réduit la ventilation et créé des espaces à des températures différentes ?
Les apiculteurs ont été davantage inquiétés par la moisissure des rayons inoccupés au cours de l’hiver9 que par le froid. Pour y remédier, le choix fut d’aérer le plateau de sol soit par une aération grillagée, soit par une ventilation de toute la surface. Cette aération a l’avantage d’assurer une ventilation lors des transhumances, elle est une commodité pour le comptage des varroas tombés sous le plateau de sol, mais elle perturbe le microclimat de la ruche.
L’eau libérée dans la ruche par la consommation du miel provient de deux sources : des 18 % d’eau contenus dans le miel, mais surtout de sa transformation en énergie. Les sucres contenus dans le miel sont des chaînes hydrocarbonées qui se décomposent entre autres en CO2 et en eau. Toute réduction de la consommation de miel par les abeilles se traduit par une diminution de la libération d’humidité dans la ruche. La condensation est une restitution de calories que Randy Oliver décrit ainsi : « lorsque la vapeur d’eau
se condense pour redevenir liquide, elle libère sa "chaleur de condensation" soit aux abeilles grappées, soit, si cette vapeur s’échappe de la grappe, aux surfaces intérieures froides des côtés ou du fond de la ruche. D’après mes calculs, la récupération totale de cette chaleur de condensation pourrait réduire les besoins en chauffage (et donc la consommation de miel) de la colonie d’environ 12 % »10 . L’écharpe doit être absolument étanche et le coussin immédiatement posé dessus. Toute fuite de calories à ce niveau produit de la condensation d’eau qui, ruisselant sur la grappe, tue les abeilles par le froid. Une isolation conséquente et bien positionnée évite ce risque. Par contre, une condensation sur certains rayons de la ruche, hors de la zone de la grappe, libérera des calories directement dans la ruche. Cette eau propre est indispensable aux abeilles lors de la reprise de la ponte pour élever les œufs et produire les gelées nourricières.
L’excès de condensation qui ruissellerait sur une paroi s’écoulera au sol, il suffit de pencher la ruche vers l’avant pour en évacuer l’excédent.
Les Partitions Isolées Haute Performance constituent le premier outil de l’aménagement interne des ruches. Les matériaux modernes permettent une isolation des ruches par l’intérieur sans changer le matériel apicole classique.
La Partition Isolée Haute Performance de Marc Guillemain est une partition, c’est-à-dire qu’elle partage l’espace de la ruche en différents lieux identifiés pour des fonctions précises.
Elle est de surcroît isolée, elle se comporte comme un écran thermique, elle bloque les déperditions de chaleur par son habillage isolant et réfléchissant.
Elle est dénommée haute performance car, non seulement elle bloque la diffusion de chaleur et renvoie par réflexion les calories émises par les abeilles, mais elle en absorbe également une partie, qu’elle restitue.
Ce sont les matériaux choisis et leur agencement qui assurent une fonction de blocage de l’air chaud dans chacune des chambres, une fonction de réflexion des rayonnements infrarouge et une fonction de restitution de la chaleur emmagasinée dans leur épaisseur.
L’espace entre 2 PIHPgm réduit considérablement les pertes en calories. La ruche sera équipée de 3 PIHPgm, 2 sont présentes de manière permanente ; ainsi les colonies seront conduites au mieux sur 8 cadres, sauf exception. Une troisième est nécessaire pour l’hivernage et le démarrage de printemps, parfois une quatrième pour le développement des essaims artificiels sur 1 ou 2 cadres de couvain.
À l’image des PIHPgm, on fabrique des PIHPettes qui sont des PIHPgm au format des hausses. Leur objectif est de maintenir une température élevée dans les hausses afin de faciliter l’évaporation de l’eau du nectar.
La mise au point des PIHPgm est le fruit de 30 années d’expérimentations pour la recherche des matériaux les plus adaptés (fiabilité, efficacité) et pour la mise au point des techniques d’assemblage. Cette conception s’est accompagnée de leurs usages dans toutes les dimensions de la pratique apicole : production d’essaims sur 1 cadre, 2 cadres ou plus, ruches éleveuses de reines, ruches pour la production de gelée royale, ruches pour la production de miel et la mise en hivernage.
Configuration en 3 chambres
CH1 Lieu de vie du couvain
CH2 lieu des réserves miel pollen, chambre d’expansion
CH3 lieu du nourrissement sirop
PIHPgm
Les PIHPgm sont des cadres non filés (de corps ou de hausse) contenant un isolant dense (de type liège ou polystyrène extrudé) de 20 mm d’épaisseur, enrobés de XLMAT de 3 mm. L’isobulle déborde audessus du cadre de 2 mm de chaque côté des épaulements de la tête de cadre. Ce débordement constitue
des lèvres qui doivent affleurer les faces internes avant et arrière de la ruche. Le bourrelet au sommet touche l’écharpe, faisant un joint supérieur. Cette conception stoppe les courants de convection internes et laisse aux abeilles le soin de les organiser. L’espace laissé en dessous permet le passage des abeilles.
Matériel nécessaire pour réaliser une PIHP : - un cadre non filé - du liège ou du polystyrène extrudé - de l’isobulle aluminisé - de l’adhésif - une agrafeuse.
Entourer d’un isobulle aluminisé (de type XLMAT) de 3 mm d’épaisseur, agrafé en bas du cadre, puis entouré et tendu comme une peau de tambour. L’isobulle doit avoir la même largeur de celle de la tête des cadres + 2 mm au niveau des épaulements.
L’excès de largeur de l’isobulle produit des « lèvres » qui affleurent de chaque côté du cadre assurant une forte étanchéité sur toute la hauteur de la PIHPgm. Agrafager l’isobulle au bas du cadre sur 2 cm au maximum, pour faciliter l’introduction de la PIHPgm dans la ruche tout en conservant l’étanchéité des « lèvres ».
L’étanchéité du toit est un facteur clé du bon fonctionnement de la CH1. Doublés d’une bonne isolation du plancher, ces deux éléments associés aux PIHP assurent la circulation des abeilles entre les divers espaces de la ruche : CH1, CH2 et hausses.
La tête des cadres sera recouverte d’une écharpe11, une feuille d’isobulle de la largeur du corps et d’une longueur supérieure de 10 cm à celle du corps. Elle déborde en face avant et en face arrière de 5 cm pour en faciliter le retrait et l’auto-centrage lors de la pose. Elle est maintenue en place par le toit en tôle plat. Son rôle est non seulement de réfléchir le rayonnement infrarouge, mais également d’empêcher les fuites d’air au sommet du corps. Calée avec un lève-cadre, elle permet de faire des visites en ouvrant partiellement le corps comme on le faisait autrefois avec l’usage des planchettes comme couvre-cadre.
Sur l’écharpe, on posera un coussin fait d’un isolant d’au moins 40 mm. On retrouve cette préconisation chez de nombreux apiculteurs dans les pays du Sud. On constate qu’en situations extrêmes, l’épaisseur de 60 mm donne les meilleurs résultats.
Le toit couvrira le tout. Il sera de 105 mm, peint en blanc pour réduire l’échauffement dû au soleil, une feuille d’XLMAT de 3 mm pouvant être posée dans le fond. Le tout sera solidaire pour une manipulation aisée.
Les divers éléments constitutifs d’une isolation efficace au sommet de la ruche. Le réfléchissant est au contact direct de la tête des cadres.
Le plateau de sol sera plein ou grillagé. Il sera couvert par une chaussure, elle-même recouverte d’une chaussette.
La chaussette est une feuille de réfléchissant ou d’isobulle, posée sur la chaussure (directement sous le corps). L’objectif est la réflection des rayons infrarouges en direction de la grappe et plus spécifiquement des rayons de couvain. Elle permet la ponte de la reine jusqu’au bas du cadre.
La chaussure est un plateau intermédiaire entre le plateau de sol et le corps. C’est l’équivalent d’un couvre-cadre recouvert par la chaussette. Des essais sont en cours pour optimiser cet élément. Une fente de 30 mm sur les 2/3 de la largeur de ce fond assure l’entrée des abeilles. La chaussure a deux effets :
- Elle modifie la position du couvain sur les rayons. Il est uniformément réparti sur la surface du rayon au lieu d’être déplacé vers la face avant de la ruche et empli de miel sur la partie arrière.
- Elle empêche que le vent n’entre dans le corps et perturbe le microclimat interne de la ruche.
Selon les modèles, le plateau devra être surélevé d’une baguette de quelques mm pour laisser le passage entre la chaussette et les PIHPgm.
Ainsi équipé de la chaussure, le fond de ruche permet un passage tempéré pour les abeilles sous le bas des PIHPgm à l’abri de toutes les turbulences du vent que l’entrée autorise.
CIRCULATION DE L’AIR DANS UNE RUCHE ISOLÉE ET NON ISOLÉE
RUCHE NON ISOLÉE
chaussette
chaussure
zone de turbulence
Le curseur de température est pointé sur la chaussette. Les abeilles émettent un rayonnement de 35 °C qui part dans toutes les directions. 95 % de ce rayonnement revient vers la grappe, permettant une économie d’énergie importante pour les abeilles (Nuclei Miniplus).
flux d’air miel couvain
zone de turbulence
Ruche en fin d’hiver configurée avec 3 PIHP et 2 chambres, le couvain est enfermé sous une double isolation (écharpe + bonnet).
Le « bonnet » est un isobulle de la longueur de la tête des cadres hors épaulements et d’une largeur d’environ 20 cm supérieure à la largeur du ou des cadres qu’il doit protéger. Sa fonction est de renforcer le maintien de la chaleur et de l’hygrométrie dans le cas de très petites colonies ou de conditions météo désastreuses, notamment pour la réalisation d’essaims artificiels sur 1 cadre de couvain (voir page 108), ou pour sauver une colonie en perdition (voir page 96).
Le bonnet sera mis à cheval sur ce ou ces cadres, il assure la couverture du miel placé au sommet du ou des rayons, le maintenant au chaud et en facilite ainsi la prise par les abeilles.
Il sera glissé entre les 2 PIHPgm et les cadres sur une hauteur de 10 cm.
C’est un renforcement de l’isolation au sommet des cadres qui maintient un équilibre thermique long à mettre en place pour les abeilles.
C’est un film réflecteur d’environ 20 x 30 cm. Sa fonction est de renvoyer le rayonnement infrarouge sur les abeilles et sur le couvain. Il est placé entre le corps et les hausses et entre chacune des hausses. Il est précieux pour maintenir l’effet cocotte minute, notamment lors de la pose de la première hausse.
Le couvre-cadre nourrisseur classique produit une zone de déperdition de chaleur. Il est préférable d’utiliser des nourrisseurs « cadre » de grand format qui seront recouverts sur une face d’une couche de réfléchissant. L’énergie dégagée par les abeilles lors de la succion du sirop reste alors à l’intérieur de la ruche, d’abord en CH2 puis en CH1.
Une solution économique, utilisable chaque fois que l’espace dans la ruche le permet, est le recyclage de bouteilles d’eau minérale : une découpe au sommet sert à les remplir et aux abeilles d’y accéder, des tiges ou de la paille évitent les noyades, un tampon resserré de paille assure une prise lente.
Cinq bouteilles tiennent dans la longueur d’un corps Dadant ou Langstroth. Placées entre 2 PIHPgm, elles stockent et renvoient l’énorme quantité de chaleur dégagée par les abeilles au cours des prises du sirop.
D’une manière générale, maintenir la chaleur dégagée par les abeilles lors de leurs activités dans la ruche n’est jamais un gain négligeable.
La CH1 est un espace chaud à la température et à l’hygrométrie nécessaires au couvain. La CH2 devient un espace tiède au fur et à mesure du stockage et de la consommation du miel.
À l’aide de ces éléments d’isolation, la ruche sera partitionnée en compartiments étanches aux transferts de chaleur :
- au sol
- au sommet
- sur leurs côtés.
Dans ces compartiments, appelés chambres, chaleur et hygrométrie sont produites et régulées par les abeilles elles-mêmes sans influence majeure de la météo.
La ruche sera divisée en 2, voire 3 compartiments (la variation des volumes est en lien avec la dynamique démographique saisonnière de la population) :
- La 1re chambre (notée CH1) contient le couvain entre 2 PIHPgm, c’est la chambre chaude où se concentrent les abeilles sur le couvain. L’apiculteur maintiendra toujours la reine, son couvain et les nourrices dans une CH1 la plus restreinte possible.
- Une 2e chambre (notée CH2) accueille les cadres de miel et de pollen, des cadres bâtis vides, des cadres gaufrés (ou cirés selon les appellations). C’est un espace tiède qui sert de soupape de sécurité lorsque la pression du volume des abeilles dans la CH1 est trop forte.
- Selon l’espace disponible, une 3e chambre en rive (notée CH3) pourra contenir un nourrisseur cadre ou des bouteilles de nourrissement.
Avec des lignées sélectionnées sur leur faible essaimage et en présence de reines âgées de 2 ans, la CH2 sert de lieu de ponte pour la reine en cas de besoin. On peut ainsi laisser durant la saison la colonie sur 6 cadres en CH1 sans risquer l’essaimage.
Pour bien comprendre le résultat spectaculaire en termes de production de miel, que l’on peut observer en positionnant des PIHPettes dans les hausses, il faut comprendre comment les abeilles sèchent le miel dans les troncs d’arbres.
La cavité d’un tronc d’arbre est parfaitement étanche. Tous les échanges avec l’extérieur sont faits par le trou de vol, qui mesure environ 30 cm2. Lorsque l’air extérieur entre dans la cavité, il est à priori plus froid que l’air de la ruche et donc sec, puisque plus l’air est froid, moins il peut contenir d’eau. Cet air sera réchauffé au contact des abeilles et du couvain et sera envoyé dans la partie supérieure de la cavité. Il y a donc dans cette zone de l’air chaud et sec qui va exercer une tension de vapeur sur le nectar présent dans les alvéoles. Plus l’air est chaud, plus il pourra contenir d’eau et donc sécher le nectar.
Très peu d’abeilles sont nécessaires dans une telle cavité pour évacuer cet air humide à l’extérieur. Plus la différence de température entre l’air extérieur et intérieur est importante, plus facile sera l’effort de séchage du miel pour les abeilles. Or les abeilles prennent en compte l’énergie nécessaire pour transformer le nectar en miel lorsqu’elles trouvent une source de nectar.
C’est ainsi que Derek Mitchell12, un physicien qui a comparé les conditions physiques des troncs d’arbres avec celle les ruches modernes, a démontré que, lorsque l’air de la hausse est chaud, les abeilles vont chercher du nectar plus dilué ou plus loin.
C’est pour cette raison que des PIHPettes sont positionnées dans les hausses en amont de la chambre à couvain. L’étanchéité supérieure est très importante.
Dans un corps de ruche équipé de PIHPgm, chaussette et écharpe, on peut constituer un nucléi sur 1 cadre, 2 cadres, 3 cadres, etc., comme on le ferait avec une ruchette. Il est, de ce fait, parfaitement envisageable de ne travailler qu’avec des corps de ruche. Cette unicité du matériel est particulièrement intéressante du point de vue économique et pour le confort de travail. Ce qui est vrai avec les ruches Dadant l’est aussi avec les Langstroth, Voirnot, Warré, Bastian, Layens, Zander… Que l’on soit avec des divisibles ou avec des ruches à corps et hausses, l’utilisation de la méthode sera la même.
En pleine saison, au maximum du développement de la colonie, les 10 cadres de la ruche pourraient être occupés. Mais selon les circonstances florales et/ou météo, la conduite des colonies se fera sur 8 cadres, voire seulement sur 6 la plupart du temps.
Au moment fort de la saison, la ruche RBC sera complète, donc équipée de tous ses éléments sans exception.
À l’hivernage, la colonie sera partitionnée en 2 ou 3 chambres, selon l’espace disponible, à l’aide de 2 ou 3 PIHPgm.
Pour la production de reines, l’élevage de la cellule pourra se faire sur un seul cadre de couvain operculé mis entre 2 PIHPgm et un de miel couvert d’abeilles en CH2. N’importe quel format de cadre convient, du cadron (demi-cadre de hausse) au cadre de corps, seul le volume des jeunes abeilles importe.
Pour la production d’essaims, les PIHPgm permettent leur démarrage sur 1 cadre.
En améliorant l’isolation des ruches, en réduisant les besoins de chauffage, en minimisant ainsi l’affaiblissement des abeilles, on assure une meilleure maîtrise des différentes phases de la dynamique des colonies. On peut alors choisir :
- d’accroître les volumes de couvain, pour produire des essaims ou élever des reines
- d’optimiser la récolte de miel
- de protéger la colonie pour les périodes de disettes, famines estivales ou printanières et le temps de l’hivernage.
Cette technique de conservation des calories centrée sur le couvain produit des abeilles plus riches en corps gras donc de meilleures qualités. Elles sont de plus longue vie, ce qui en augmente de facto le nombre. Elles possèdent une meilleure résistance aux maladies et une meilleure capacité d’hivernage.
La meilleure thermorégulation du couvain permet de sauver des colonies affaiblies à tout moment de l’année, en fin de saison comme au démarrage printanier. Le potentiel des abeilles d’hiver est mieux conservé pour la reprise de la ponte de la reine en début d’année. Elle assure la possibilité de conserver des reines dans des essaims sur 1 ou 2 cadres durant la morte-saison.
Plus les rayons sont couverts d’abeilles, plus la chaleur y sera continue et l’espace de ponte de la reine couvrira la totalité de ceux-ci. Elle pondra « au carré » c’est-à-dire jusque sur les dernières rangées de cellules en limite des rayons car ils seront chauds sur toute leur surface. Ainsi, avec moins de cadres de couvain, le volume des abeilles à naître sera plus important que dans une ruche non isolée où le couvain est réparti sur davantage de rayons avec du miel et du pollen tout autour.
Les deux méthodes développées ici constituent les principes d’une conduite des colonies que chaque apiculteur pourra adapter à l’environnement floral et météorologique de ses ruchers, à la connaissance de ses lignées d’abeilles et à ses objectifs.
Après avoir énoncé les principes généraux de la conduite des colonies dans une ruche très isolée comme les abeilles le seraient dans les conditions idéales d’un tronc d’arbre, nous proposerons deux manières de conduire les colonies à partir des principes d’isolation exposés dans le chapitre « Isoler les ruches ».
Comme énoncé précédemment, nous cherchons à offrir aux abeilles la possibilité de maintenir à moindre effort l’homéostasie de leur couvain. C’est-à-dire maintenir dans une fourchette très étroite la température, l’hygrométrie et la densité en gaz carbonique, indispensables pour le bon déroulé de la ponte de l’œuf à la naissance de l’abeille. L’objectif visé pour l’apiculteur est de maîtriser la dynamique de ses colonies pour réussir les diverses productions qu’il espère avec son cheptel. C’est pour cela que nous avons distingué deux espaces appelés chambres :
- la chambre 1 (CH1), celle de la reine, du couvain et de la majorité des abeilles, chambre chaude où doit se produire l’effet cocotte-minute
- la chambre 2 (CH2), celle du stockage du miel et autres réserves, chambre tiède, lieu d’expansion de la CH1 en cas de besoin.
Les PIHPgm permettent une meilleure maîtrise de la dynamique des colonies que nous avons synthétisée en 4 phases L’apiculteur doit connaître chacune d’elles pour utiliser au mieux les capacités de ses abeilles dans un but précis.
Phase 1 : phase de croissance du couvain Durant cette période, la colonie se développe. Toute l’énergie disponible à ce moment-là est concentrée sur l’élevage du couvain. Les surfaces de couvain ouvert sont supérieures à celles du couvain fermé. Les jeunes larves émettent des phéromones qui stimulent les glandes nourricières des jeunes abeilles et la recherche du pollen chez les butineuses. Les ouvrières dépensent tant d’énergie pour le soin du couvain qu’elles en dépenseront moins à butiner. À ce moment-là, elles privilégieront la collecte du pollen. Cette phase de croissance démographique peut être mise à profit pour la réalisation d’essaims artificiels, équilibrer la force des colonies.
La proportion importante de couvain ouvert nous indique que cette colonie est en phase de croissance.
La conduite des ruches en économie d’énergie permet d’augmenter la durée de vie des ouvrières. Pour une même surface de couvain, on a des ruches plus populeuses.
Lorsque toutes les cellules sont occupées, l’énergie disponible va à la reproduction. La colonie peut se reproduire en élevant des mâles et/ou en essaimant. La dilution des phéromones royales au sein d’une population en expansion pousse la colonie à l’essaimage. Ces éléments déclencheurs sont à observer et à utiliser pour contrôler l’essaimage.
Lorsque toutes les cellules sont pleines, la reine réduit sa ponte. La proportion de couvain fermé devient très supérieure à celle du couvain ouvert. De ce fait, les phéromones du couvain ouvert sont en moindre quantité. Les ouvrières qui émergent à ce moment-là ont peu de travail à faire au sein de la ruche, ce qui favorise leur évolution pour devenir des abeilles diutinus. Elles restent disponibles et réactives en cas de besoin.
Les éclaireuses sont des abeilles spécialisées dans la recherche des ressources nectarifères. Elles recrutent de nouvelles butineuses quand une miellée démarre. Si les abeilles diutinus sont nombreuses, la colonie est prête pour entreprendre une belle récolte de nectar.
Phase 4 : phase de résilience À la fin d’une miellée, les nourrices cessent de nourrir les butineuses, ces abeilles vieillies disparaissent alors massivement. La priorité n’est plus la récolte de miel, mais de faire face à une période difficile. Économie d’énergie et survie de la reine sont prioritaires. C’est le passage à la période hivernale, mais également les moments de disette tant au printemps qu’en été. L’absence de phéromones du couvain ouvert associé à une grande quantité de phéromones royales déclenche le mode « économie d’énergie ». Les abeilles adaptent la taille de la grappe aux réserves disponibles (stock de miel et quantité de corps gras).
L’utilisation des PIHPgm pour organiser les 2 chambres constitue l’outil de pilotage des colonies pour passer d’une phase à l’autre un peu comme une télécommande pour choisir le moment où la colonie doit se développer, se reproduire, faire du miel, ou économiser l’énergie.
Pour comprendre le mieux possible les réorganisations du corps en fonction des moments de la saison apicole, nous commencerons par créer l’effet cocotte-minute qui est le préambule des deux méthodes de conduite des colonies dans des ruches RBC.
L’effet « cocotte-minute » permet à la colonie de passer de la phase croissance du couvain à la phase stockage des aliments. C’est une montée en pression de la colonie, qui la conduit à un état de déséquilibre13 tel qu’apparaît un surplus de couvain operculé par rapport à la quantité de couvain ouvert. L’espace du couvain devient au fil des mois comme une cocotte-minute où la température et l’hygrométrie sont poussées au maximum sur la totalité des rayons. Cette situation permet à un minimum de nourrices d’élever un maximum de larves du fait d’un besoin de chauffage restreint. Cette configuration accroît le volume des abeilles à naître et est propice au développement d’abeilles diutinus.
Du fait de l’expansion de la population, les abeilles naissantes sont moins sollicitées, elles ont peu de travail d’intérieur à faire,
En latin, diutinus signifie « longue durée ». Les abeilles diutinus sont des abeilles de longue vie, que l’on peut trouver à tout moment de la saison, mais qui ont la physiologie des abeilles d’hiver. Au moment de leur fonction nourricière, les abeilles accumulent de très grandes quantités de corps gras, source de la vitellogénine (protéine qui stimule le système immunitaire des abeilles).
peu de larves à nourrir, peu de cire à étirer, peu de couvain à chauffer, elles pourront accroître et maintenir leurs corps gras, leur durée de vie est donc allongée. Elles auront une meilleure mémoire, seront de meilleures communicantes, de meilleures butineuses 14. Les abeilles diutinus constituent une force de réserve pour exploiter une miellée proche.
Le paroxysme de l’effet cocotte-minute est acquis 10 jours après l’operculation de la totalité du couvain. C’est la situation que l’on recherche au début d’une miellée car l’explosion du nombre des abeilles dépourvues des fonctions d’élevage du couvain15 les pousse au butinage.
Pour créer l’effet cocotte-minute, on met en place les PIHPgm, on les resserre fortement et on laisse le système au repos. Tout système naturel laissé au repos revient spontanément à son état d’équilibre, c’est la définition de l’homéostasie du système qu’est la colonie.
Cette pratique est la plus conforme aux habitudes de nombreux apiculteurs et notamment pour ceux qui récoltent au terme des miellées de l’été. C’est une méthode plutôt adaptée à l’apiculture de loisir ou aux environnements qui n’autorisent pas une miellée de printemps. Elle suit le rythme naturel du développement des colonies lié au cycle des floraisons et aux caprices de la météo. Elle n’exclut pas une récolte sur les premières miellées de printemps si les conditions météo locales la permettent, mais ce n’est pas l’objectif principal.
Elle suppose une visite hebdomadaire des colonies jusqu’à la pose des hausses. Notons tout de même que la gestion optimale serait de réduire le nombre des visites qui perturbent le microclimat de la ruche. Développer une conduite qui respecte au mieux le microclimat de la ruche fera l’objet de la seconde méthode que nous proposons.
ATTENTION ! Le piège de cette méthode est de rajouter trop rapidement les cadres en CH1, ce qui réduit l’effet cocotte-minute.
Développement de la colonie
Durant la morte-saison, les cadres de miel et de pollen en CH2 ont été consommés ou transférés pour tout ou partie en CH1 au plus près du couvain, lui-même ayant disparu progressivement. Lors de la première visite, sans diminution notable de la grappe d’abeilles, on devrait retrouver en CH1 à peu près le
même volume d’abeilles qu’à l’hivernage, soit 4 cadres dans notre exemple ( ). Cela se remarque par le fait que tous les cadres sont couverts d’abeilles (si tel n’était le cas, on resserre les cadres avec leurs abeilles entre les PIHPgm). La tête des cadres est occupée par des abeilles de bout en bout.
Lorsque l’espace des rayons de la CH1 sera totalement pondu, la reine passera pondre en CH2 sous la pression du nombre des abeilles. Dans ce même temps, les ouvrières auront transféré le miel en excès de la CH1 vers la CH2, créant ainsi une montée en température sur le 1er cadre de la CH2 derrière la PIHPgm. On observe la présence d’un berceau , ensemble de cellules vides au centre du rayon, prêt à accueillir la ponte de la reine ().
Dans ce rayon de la CH2, les abeilles déposeront le miel en périphérie du berceau, future zone de ponte. Les floraisons commencent et le cadre suivant se remplit de miel et de pollen. Lorsque le berceau de ce premier cadre contre la PIHPgm sera pondu, la reine pourra faire des vas-et-viens de la CH1 à la CH2 ( ). Si nécessaire, un cadre à bâtir sera placé après le dernier cadre de miel.
Élargissement de CH1.
Le passage du cadre pondu en CH2 se fera lorsque ce cadre sera couvert d’abeilles en masse. La CH1 est saturée en abeilles et en cadres de couvain largement fermé. On observe sur les cadres deux
couches d’abeilles. L’élargissement de la CH1 sera dans ce cas bénéfique. On poursuit l’élargissement jusqu’à ce que le volume d’abeilles en CH2 soit aussi important qu’en CH1.
Lorsque le premier cadre de la CH2 se remplit de couvain, cela signifie que la capacité de ponte de la reine excède l’espace qui lui est donné en CH1. Donc, transférer ce cadre en CH1 répond à l’objectif de congestionner continûment le nid à couvain au niveau de la capacité de ponte de la reine. On déplacera la PIHPgm pour insérer ce cadre dans la CH1 avec l’ensemble du couvain. Ce cadre contient également du miel et du pollen qui seront consommés pour la suite de la ponte ( & ).
À NOTER ! Ces 5 cadres une fois pondus sur toute leur surface sont équivalents à 8 cadres de couvain partiellement pondus dans les ruches non PIHPées. Une fois pondu, ce cadre sera transféré en CH1 pour maintenir ou aller vers les conditions « cocotte-minute ».
Tant que la reine passe en CH2 pour pondre, on répète cette opération, qui peut être hebdomadaire ( & ).
Déplacement de la PIHPgm
Les cadres bâtis vides se remplissent de miel
La PIHPgm a été déplacée pour insérer le cadre qui se remplit de couvain dans la CH1 avec l’ensemble du couvain
Déplacement de la PIHPgm
Le cadre nourrisseur est remplacé par un cadre à bâtir qui sera à son tour rempli de miel et de pollen
Le cadre ciré sera construit et rempli de miel, un berceau y sera conservé
Ici, le volume important d’abeilles en CH2 autorise l’élargissement de la CH1.
Deux couches d’abeilles.
des cadres en CH2 : le cadre à bâtir sera toujours placé derrière un cadre de miel et pollen.
Le premier cadre de la CH2 : la zone sans abeilles en bas à droite correspond aux cellules nettoyées par les ouvrières. La présence du berceau indique le passage imminent de la reine dans la CH2.
Le même cadre, 13 jours plus tard : la reine est passée dans la CH2 pour pondre d’abord dans le berceau préparé par les ouvrières, puis elle a étalé sa ponte progressivement jusqu’à la couronne de miel.
Lorsque la reine ne passe plus pondre en CH2, on estimera que sa capacité de ponte est atteinte dans les conditions du moment de la colonie (nombre des nourrices, rentrées de nectar et de pollen…).
On cesse d’introduire des cadres dans la CH1 puisqu’à ce moment l’objectif est d’y maintenir le maximum de chaleur.
ATTENTION ! Tout apport en CH1 d’un cadre à bâtir ou construit non couvert d’abeilles abaisse la température de la CH1, ce qui est préjudiciable à la dynamique d’élevage par les nourrices.
Les grandes floraisons du printemps arrivent. Les cadres de miel et de pollen se rempliront dans la CH2. Les derniers cadres bâtis et vides en CH2 sont en cours de remplissage de miel et de pollen. On décale la PIHPgm et on ajoute 1 ou 2 cadres cirés derrière le ou les cadres de miel et pollen encore en place. La colonie est désormais sur 8 cadres entre 2 PHIPgm. La pose de la première hausse est immédiate ( & ).
Si on laisse des rayons vides autour des cadres de couvain, la reine étalera sa ponte sur plusieurs d’entre eux sans jamais les remplir totalement de couvain. Du miel sera stocké de part et d’autre du nid à couvain assurant l’indispensable fonction de tampon
thermique, le corps accueillera nectar et miel. Les hausses se rempliront une fois le corps saturé de miel, pollen et couvain. En remplaçant les blocs de miel du corps par des PIHPgm, on réoriente le stockage du miel vers les hausses.
Cette manière de conduire les colonies prend en considération la capacité de ponte de la reine qui est liée à sa génétique, à son âge, à l’état sanitaire de la colonie, à la ressource alimentaire disponible.
Au moment de la pause de la première hausse, il doit y avoir beaucoup d’abeilles pour l’occuper (). L’ajout des hausses suivra le rythme classique d’une hausse de cadres vides placée sous les précédentes afin de pousser les abeilles à amasser16 ( & ). Les hausses seront équipées de PIHPettes et toujours très isolées au sommet. En cas de miellée violente, deux hausses seront posées en même temps. La pose de grille à reine se fera en fonction des habitudes de l’apiculteur.
Pour maintenir le comportement de butinage, les hausses vides seront posées sur le corps sous les hausses en cours de remplissage. Sinon les abeilles développent un comportement de restriction de collecte du nectar.
Jürgen Tautz rapporte les travaux de Thomas Seeley sur les boucles de rétroaction liées à la collecte du nectar et à la consommation de miel : en cas de besoin ou de saturation en nectar, les abeilles communiquent pour envoyer au butinage ou retenir les abeilles dites passives au sein de la colonie.
Poser les hausses trop tôt réduit l’effet cocotte-minute, mais tarder produit une restriction sur la collecte de nectar 17. Le plus difficile est de poser la première hausse et de la remplir d’abeilles !
La gestion de l’essaimage
L’essaimage devrait être exceptionnel si on travaille avec des reines sélectionnées sur leur faible propension à essaimer et si elles sont âgées de 2 ans tout au plus.
Toutefois, il peut être nécessaire de prévenir un risque d’essaimage. Surtout dans des conditions environnementales particulières comme des alternances de longues périodes froides puis de journées favorables au butinage, ou des reines peu sélectionnées… En cas de besoin, une ponction de 2 cadres de couvain fermé devrait éviter la fièvre d’essaimage, que l’on peut aussi gérer par la destruction de cellules royales (voir page 101).
Cette première manière de conduire les colonies permet un suivi très serré de ce qui se passe dans la ruche, elle sécurise le travail de l’apiculteur, elle est source d’acquisition de connaissances utiles pour envisager d’autres pratiques.
C’est une méthode qui limite le nombre de visites. Elle est plutôt adaptée aux apiculteurs qui visent à réduire le temps passé à la ruche ou qui souhaitent développer une apiculture plus respectueuse du bien-être des colonies en y intervenant le moins possible.
À la question « pourquoi les colonies agressives sont les plus productives en miel ? », le frère Adam ironisa que, du fait de leur agressivité, nous les visitons rarement…
À la différence de la méthode précédente qui suit l’expansion du nid à couvain jusqu’à l’occupation de 8 cadres de couvain, ici on travaillera toujours avec 2 chambres mais sans
dépasser 6 cadres de couvain en CH1.
Le principe est de stopper les possibilités d’extension du nid à couvain et d’orienter l’énergie de la colonie sur le butinage.
Au moment de la première grande miellée de printemps, afin de disposer de butineuses en nombre, on applique la technique du blocage de ponte : n’ayant pas d’espace supplémentaire pour pondre, la reine restreint sa ponte et les abeilles, moins occupées à entretenir un couvain, pourront se consacrer au butinage et au travail du nectar.
Puisque toutes les alvéoles du corps en CH1 sont occupées par du couvain, les abeilles sont contraintes de stocker le miel dans les hausses mises à leur disposition : congestion du couvain et pose des hausses vont de pair. Cette congestion de l’espace de ponte est la stratégie pour produire une récolte de miel au printemps.
Situation en fin d’hiver lors de la première visite
Colonie hivernée sur 3 cadres de couvain. Situation constatée lors de la première visite.
Dans une ruche RBC, l’usage des PIHPgm assure, dans ce volume réduit à 6 cadres totalement couverts de couvain, la même surface de couvain que celle présente au total sur 8 cadres dans une ruche non isolée où cohabitent couvain, miel et pollen. À surface égale, le gain sur le volume occupé par le couvain économise les moyens de chauffage des abeilles dont un plus grand nombre peut, de ce fait, être affecté au butinage.
La montée en pression : l’effet cocotte-minute
On utilise l’effet cocotte-minute pour avoir un maximum de cadres de couvain operculé au début de la miellée choisie pour faire une récolte de printemps. Il faut adapter la taille de la CH1 à la taille de la grappe. Durant cette période, la pression dans la CH1 ne cessera de monter : la température et
l’hygrométrie deviennent très élevées et permettent l’apparition très rapide de couvain sur l’intégralité de la surface des rayons. Une fois les rayons en CH1 totalement pondus, la reine manquant de place passe en CH2 pour étendre sa ponte ( & ).
La pression dans la CH1 incite la reine à pondre en CH2
… et on pose une hausse H1, sans oublier la grille à reine et le mouchoir !
H1 se remplit de miel
La pose des hausses
Avant que la miellée n’arrive et dès que l’on a un maximum de couvain fermé entre les 2 PIHPgm, on regroupe le couvain en CH1 et on pose une hausse au-dessus d’une grille à reine et d’un mouchoir. Cette hausse sera équipée de PIHPettes mises à l’aplomb des PIHPgm du corps. Ainsi conditionné, l’espace exactement au-dessus du nid à couvain sera chaud et occupé par les abeilles ().
ATTENTION ! Dans cette méthode, en l’absence de grille à reine, la reine montera pondre dans la hausse à coup sûr.
Le nectar entre en masse, les abeilles favorisant le développement vertical, la CH2 sera délaissée par les abeilles ou utilisée comme une zone de stockage temporaire du nectar avant qu’il soit déplacé dans les hausses.
Lorsque la hausse sera pleine d’abeilles, elle commencera à se remplir de miel au-dessus de la CH1 ().
Dès que la première hausse est remplie aux ¾, la PIHPette est déplacée en rive et la hausse est retournée (). On pose un mouchoir sur la première hausse et une seconde hausse peut être posée par-dessus. Les abeilles vont continuer à monter à la verticale du nid à couvain délaissant la CH2 du corps (). Dès que la seconde hausse sera remplie, on en insérera une nouvelle sous les deux premières ( & ).
L’isolation des hausses est stratégique pour provoquer une cheminée de chaleur qui facilite une montée rapide du nectar et des abeilles. L’accumulation d’air chaud facilite la transformation du nectar en miel.
se remplit de miel
Dans cette méthode, il ne devrait pas y avoir de risque d’essaimage car on doit pouvoir faire concorder trois éléments qui sont antagonistes de la mise en place de l’essaimage.
L’intérêt de ne jamais avoir une cavité pleine : un berceau va se dessiner au-dessus de la CH1 sans que la reine ne puisse y accéder à cause de la grille à reine. Il y a donc dans la hausse des cellules que les abeilles laisseront vides pour que la reine vienne y pondre. Elle n’y viendra pas puisqu’elle n’y a pas accès. Ce travail qui reste à faire réduit l’expression du mécanisme de l’essaimage (mécanisme bien connu de ceux qui sont habitués à travailler en divisible avec une grille à reine).
Permettre une bonne répartition des phéromones royales : le nid à couvain est situé dans un espace restreint qui n’est pas saturé d’abeilles. Puisque chaude, la CH1 nécessite peu d’abeilles pour maintenir le couvain à la bonne température. Les abeilles se retrouveront dans les hausses. Et, même en cas de météo défavorable, les butineuses occuperont davantage la CH2 évitant la dilution des phéromones royales en CH1.
De ce fait, la reine resserrée en CH1 se déplacera plus facilement sur la totalité des rayons à la recherche de cellules vides pour pondre. Rappelons que les cellules de la CH1 seront massivement occupées par du couvain et très peu par du miel ou du pollen. Le déplacement constant de la reine sur les rayons de la CH1 favorise une répartition des phéromones royales sur l’ensemble de l’espace du nid à couvain, bloquant ainsi l’instinct d’élevage royal.
Une génétique adaptée au faible essaimage : la question de la génétique ne peut être ignorée pour l’essaimage. On retiendra qu’une reine qui, au printemps, passe facilement de la CH1 à la CH2, sera considérée comme disposant d’une génétique non ou peu essaimeuse.
Avec des miellées violentes (colza), on pourrait davantage resserrer la CH1 sur 4 ou 5 cadres seulement au lieu de 6 pour amplifier les 2 premiers critères de limitation de l’essaimage18.
Conclusion
Avec cette méthode, on crée un effet cocotteminute en début de saison pour rechercher un surplus de couvain operculé au début de la miellée. Le temps des récoltes passé, la mise en hivernage se fera toujours sur 6 cadres de couvain. L’apiculteur concentrera son énergie à bien préparer ses abeilles d’hiver pour ne pas avoir de fonte de grappe durant la morte-saison.
Ainsi, au printemps, l’effet cocotte-minute sera développé sur 6 cadres : l’apiculteur n’aura donc aucune intervention à faire, alors que si la grappe diminue au cours de l’hiver, il devra intervenir sur ses colonies pour les resserrer. L’intérêt de cette méthode est d’être économe en temps de travail à condition de faire la bonne intervention au bon moment.
Les méthodes d’élevage de reine sont multiples. Nous proposons ici une méthode, dans les ruches RBC, pour disposer de cellules royales en continu du printemps jusqu’au cœur de l’été tant que des mâles sont encore présents.
L’élevage des reines fait partie des pratiques de toute exploitation apicole, quelle qu’en soit la taille, avec comme objectifs :
- Assurer le renouvellement des reines des ruches de production pour disposer de bonnes pondeuses, remplacer des reines déficientes ou disparues…
- Développer des lignées sélectionnées pour maintenir des ruchers homogènes selon les critères de l’apiculteur. Nous proposons ici une méthode, dans les ruches RBC orphelines à double chambre. L’usage d’une couveuse est possible mais pas obligatoire. Néanmoins, nous présentons, en page 88, la couveuse australienne, un modèle qui offre, malgré sa simplicité, une alternative aux couveuses électriques.
- La performance de cette éleveuse tiendra au volume de nourrices qu’apportent les cadres de couvain fermé et à la vitalité des abeilles. La colonie choisie pour devenir l’éleveuse sera celle qui a commencé à élever des mâles tôt en saison et dans laquelle les jeunes larves baignent sur un lit de gelée nourricière (signe qu’elle est en phase de reproduction et donc qu’elle sera en mesure d’élever des reines). L’élevage des mâles est un bon indicateur de la capacité des nourrices à produire de la gelée royale en abondance.
- L’éleveuse possédera un très large surplus de couvain operculé par rapport à la quantité de couvain ouvert19. C’est dans ces colonies que l’on trouve des abeilles diutinus ou abeilles de longue vie qui ont une présence importante de corps gras, ce qui en fait d’excellentes nourrices.
- Elle sera préparée environ un mois auparavant pour créer ces abeilles diutinus ayant une vitalité optimale.
- Elle sera prête à être utilisée comme éleveuse lorsque la reine passera pondre en CH2.
ATTENTION ! Il faut réaliser des traitements stricts contre le varroa et des apports importants de pollens ou de substituts de pollen.
19. En situation de développement « linéaire » d’une colonie, le couvain se répartit ainsi : 1 cellule sur 7 possède un œuf, 2 sur 7 sont occupées par des larves, et 4 sur 7 par du couvain operculé.
Ce type d’éleveuse peut s’adapter aux contraintes d’organisation de tout éleveur : utilisation des cellules royales à 3 jours de développement ou jusqu’à l’operculation pour un transfert en couveuse ou un prélèvement à 10 jours pour une introduction directe dans les essaims ou les nucléis. Cette éleveuse sera utilisable autant que de besoin durant plusieurs mois. On peut aussi ne l’utiliser que de manière ponctuelle pour une seule série de reines.
La présence des abeilles diutinus est centrale. Elle est bien plus importante que le nombre des abeilles. Une petite colonie riche en abeilles diutinus sera une meilleure éleveuse qu’une importante population qui en serait dépourvue.
Dans une éleveuse on a intérêt à ce que des larves soient présentes à côté du couvain fermé. Les phéromones des larves stimulent l’instinct d’élevage des nourrices. Pour maintenir un taux élevé d’hygrométrie dans l’éleveuse, un apport d’eau est souhaitable : cadre bâti passé sous la pomme de la douche, cadre nourrisseur, nourrisseur d’entrée, dépôt d’une éponge sur le plateau de sol… le taux d’acceptation des cellules augmente très sensiblement.
Constitution de l’éleveuse
L’éleveuse est une colonie orphelinée (c’est-à-dire privée de la reine). Elle sera composée de 2 chambres :
- En CH1 seront confinés 2 à 4 cadres de couvain operculé sur toute leur surface avec leurs abeilles et un cadre d’élevage.
- En CH2, seront mis 2 ou 3 cadres de miel et un nourrisseur cadre revêtu de réfléchissant.
- L’éleveuse recevra un seul cadre d’élevage pour assurer les meilleures reines possibles. Ce cadre d’élevage sera doté de 1 ou 2 barrettes de 12 à 14 cupules. Il sera placé en CH1 au milieu du couvain.
Comment procéder ?
J -1 : La reine sera retirée avec le cadre sur lequel elle se trouve pour faire un essaim sur un cadre. Il sera conduit comme tel (voir page 106).
J 0 : Introduction du cadre d’élevage. Une ou deux barrettes de 14 larves greffées seront introduites entre 2 cadres de couvain de la CH1. La quantité de barrettes introduites est adaptée à la capacité d’élevage de la colonie évaluée par la quantité d’abeilles, par le nombre de cellules élevées antérieurement et par la quantité de gelée observée au fond des cellules royales prélevées.
J +3 : Retrait des cellules royales ouvertes dont on a besoin, pour leur mise en nucléi. Les autres seront laissées jusqu’à J+7 pour les mettre en couveuse une fois operculées.
J +7 :
- Retrait des cellules royales fermées.
- Installation d’un nouveau cadre d’élevage.
- Visite complète de tous les cadres de couvain pour vérifier la présence de CRN que l’on châtre.
- Apport d’1 kg de candi protéiné, des substituts de pollen ainsi qu’1 l de sirop.
- Apport d’un cadre de couvain avec ou sans ses abeilles suivant les besoins en abeilles, en veillant à ne pas apporter une reine par mégarde.
- Installation d’un nouveau cadre de couvain fermé à côté du cadre d’élevage.
TRAVAIL HEBDOMADAIRE
Travail hebdomadaire en CH1 :
- Toutes les semaines, à jour fixe, on retire 1 cadre qui sera vide de couvain pour le mettre en CH2.
- On apporte un cadre totalement couvert de couvain (parfois il faut en ajouter 2).
- On place le cadre d’élevage au centre à côté du nouveau cadre de couvain.
Travail hebdomadaire en CH2 :
- Toutes les semaines, on retire un cadre de provision qui sera mis dans un essaim ou dans la ruche pourvoyeuse des cadres de couvain.
- On veille à ce qu’il y ait toujours beaucoup d’abeilles de belle constitution.
- Si les cellules royales ne sont pas belles, cela indique une insuffisance dans le volume et/ ou la qualité des abeilles de l’éleveuse.
Cette colonie sera régulièrement nourrie par apport de sirop et de protéines. Il s’agit de maintenir la ponte de la reine et une quantité importante d’abeilles diutinus. Une supplémentation proteinée sera fournie par des apports continus de pain d’abeille conservé au congélateur ou par des pâtes protéinées à base de pollen frais ou de compléments alimentaires ou par des « pâtes » du commerce. Une attention particulière sera également portée sur le varroa.
- Apport hebdomadaire d’un ou deux cadres de couvain avec ou sans leurs abeilles (selon les besoins de l’éleveuse). Cela nécessite de conduire une colonie pour fournir régulièrement ces cadres de couvain.
- Châtrer à J+7 toutes les CR naturelles qui apparaîtraient sur les cadres de couvain apportés.
- Inspecter soigneusement les cadres apportés pour éviter d’introduire une reine par mégarde (la chercher et la mettre dans une pince à reine pour le temps des opérations).
- La colonie pourvoyeuse de couvain devra avoir, elle aussi, un état sanitaire et nutritionnel optimal. Les larves doivent baigner dans la gelée nourricière toute la saison. C’est un cadre en majorité operculé qui sera prélevé pour être introduit dans la colonie éleveuse.
La double chambre et l’isolation de la colonie éleveuse permettent d’optimiser la thermorégulation des cellules royales. Quand les paramètres assurant l’homéostasie du couvain sont atteints, les abeilles vont se dégrapper dans la CH2. Au contraire, si les températures viennent à diminuer, les abeilles viendront se grapper en CH1, à proximité du nid à couvain et des cellules royales pour les réchauffer. Ce mécanisme assure une nymphose de qualité. Le métabolisme de base des abeilles associé à la bonne isolation de la ruche est suffisant pour thermoréguler facilement le nid à couvain et les cellules royales.
Cette éleveuse peut être aussi bien configurée pour travailler en continu jusqu’à la limite des possibilités de fécondation des reines en été, que pour réaliser une ou deux séries d’élevage au terme duquel sa reine lui sera rendue.
Ci-contre une reine pourra exprimer son potentiel uniquement si elle est entourée par des abeilles de bonne vitalité.
Dans la logique de la ruche RBC, nous avons expérimenté et retenu cette couveuse « naturelle » qui permet d’achever la nymphose des cellules royales dès leur operculation à J+5.
Originaire d’Australie et mentionnée dans la revue Info Reines de l’Anercea par Thomas Boulanger, cette couveuse utilise la chaleur et l’humidité qui se trouvent naturellement dans une ruchette très populeuse.
LE PRINCIPE
C’est une haussette isolée, aménagée pour recevoir des barrettes. Elle sera placée sur une ruchette et protégée de sa reine par une grille à reine. Cette ruchette très populeuse sera elle-même très isolée et régulièrement enrichie de cadres de couvain operculé si besoin. Elle accepte des cellules royales à partir de leur operculation. Elle permet une organisation du picking sur un cycle hebdomadaire à jour fixe. Placée sur une ruchette très populeuses, voire dotée d’une haussette pleine de miel, les abeilles y monteront instantanément s’occuper des cellules royales qu’on leur confie alors qu’elles ont une reine en ponte dans le corps ! Les cellules royales seront maintenues par la colonie à la bonne température et à la bonne hygrométrie durant le temps de la nymphose. Selon les habitudes de l’éleveur, les cellules seront conduites jusqu’à l’émergence des reines ou utilisées juste avant. Les barrettes placées dans la couveuse seront assez largement débarrassées des abeilles de l’éleveuse.
CONSTRUCTION DE LA COUVEUSE AUSTRALIENNE
C’est une haussette de ruchette isolée sur ses 5 faces (les 4 côtés et le toit) et dotée au fond d’une ouverture fermée avec une grille à reine à sa dimension.
Elle est équipée de feuillures pour tenir les barrettes qui font en Dadant 41,5 cm de longueur (la longueur d’une tête de cadre Dadant est de 47 cm).
En ajoutant une plaque isolée sur le fond, la couveuse devient une boîte de transport des cellules royales. Pour un long transport, il est important d’emporter un maximum d’abeilles pour entretenir la chaleur sur les cellules royales.
La mise en hivernage est le point de départ de la saison suivante. La qualité de cette opération déterminera la dynamique de la colonie en janvier. On ne resserre jamais suffisamment !
Au 14 juillet, le solstice d’été est passé, la durée du jour régresse, les grosses chaleurs se multiplient, ce n’est plus le temps des grandes floraisons, on entre dans la période de décroissance naturelle de la ponte de la reine et de la réduction du nombre des abeilles. C’est, en principe, le moment de la dernière récolte de miel, puis des traitements d’été contre varroa et du stockage du miel pour l’hivernage.
Quelle que soit la méthode de conduite des colonies, la mise en hivernage est une opération délicate. L’objectif est de mettre les colonies en situation de travail réduit pour affronter la morte-saison. Pour cela, la CH1 sera resserrée sur 4 à 6 cadres au maximum. En CH2 seront placés les cadres de miel et de pollen.
À la mise en hivernage, les cadres de couvain possèdent des couronnes de miel plus ou moins importantes selon les lignées et/ ou les races et l’environnement. Le volume de miel pour hiverner est réparti de ce fait entre les deux chambres.
Lors de la dernière visite, on se trouve dans une configuration où, par exemple, il y a 4 cadres de couvain et 4 cadres de miel/pollen. On resserre le couvain entre les 2 PIHPgm pour constituer la CH1. Les cadres contenant du miel et/ou du pollen seront mis en CH2, y compris les cadres possédant très peu de couvain (une fois nées, toutes les abeilles se rapatrieront dans la CH1).
Les ruches ne devraient pas être ouvertes durant cette période. Le couvain a disparu, la colonie peut se grapper et dépenser très peu d’énergie. Puis, progressivement au cours du premier mois de l’année, la ponte de la reine va repartir.
Pour apprécier l’état des colonies, il est tentant d’entrouvrir l’écharpe ou le bonnet. Cette pratique est à proscrire car la fuite d’air provoquée est une source de refroidissement et de condensation sous l’écharpe, dangereux pour la colonie.
Cependant, si la ruche est ouverte pour réaliser un dégouttement contre varroa, par un jour ensoleillé et sans vent, on peut en profiter pour observer le resserrement de la grappe d’abeilles en CH1. Dans une ruche RBC, la grappe devrait s’étaler sur toute la longueur des cadres sur les bandeaux de miel. Si une ruelle ou plusieurs ruelles ne sont plus occupées, on déplace les cadres vides en CH2 pour resserrer la CH1. Mais cette situation devra interroger sur les conditions de constitution des abeilles d’hiver.
Bien nourries, notamment en pollen ou avec des substituts de pollen, traitées efficacement contre varroa et protégées du frelon asiatique jusqu’au moment de l’hivernage, les colonies sur 4 cadres d’abeilles en CH1 à l’automne, devraient toujours posséder 4 cadres d’abeilles lors de la première visite de fin d’hiver (si elles sont grappées sur 5 cadres à l’hivernage, on doit les retrouver grappées sur 5 cadres lors de la première visite, si elles sont grappées sur 3 cadres à l’hivernage on doit les retrouver grappées sur 3 cadres lors de la première visite, etc.).
Cette première visite permet d’évaluer la qualité de la préparation des abeilles d’hiver. Une diminution du nombre de cadres occupés par les abeilles indique que les abeilles hivernées étaient pauvres en corps gras. Les causes sont potentiellement :
- un traitement varroa insuffisant ou peu efficace
- des carences en protéines pour les larves et les jeunes nourrices
- une forte pression du frelon asiatique.
On retrouve aussi des colonies vides d’abeilles et pleines de provisions. Comme le varroa duplique les virus, les colonies peuvent en avoir été envahies. Ce peut-être également des perturbations liées à l’emplacement du rucher (ensoleillement insuffisant ou trop forte humidité couplée à un froid intense…).
Dans le cas où la colonie serait sur 8 cadres de couvain en fin d’été, il faut la saturer d’un nourrisseur couvre-cadre totalement plein de sirop concentré, ajouté ponctuellement et retiré pour l’hivernage. Le blocage de ponte qui s’ensuit permettra de ramener la colonie sur le nombre de cadres de couvain souhaités pour l’hivernage (4 à 5 dans l’idéal).
L’objectif n’est pas de disposer d’un important couvain en fin de saison, mais du plus grand volume possible de jeunes abeilles diutinus. Cependant les deux vont souvent de pair. La taille de la grappe hivernée sera adaptée à l’état des provisions.
On resserre la grappe entre les 2 PIHPgm :
- tous les cadres ayant du couvain seront mis en CH1
- tous les cadres de miel/pollen ou vide seront mis en CH2. Si un cadre possède beaucoup d’abeilles, mais sans couvain, il sera mis en CH2 avec une PIHPgm derrière lui. Les cadres de miel sans abeilles et les cadres vides seront mis en CH3.
Il se peut même que l’on resserre la grappe sur un seul cadre de couvain si la situation l’impose.
Nous venons d’évoquer le cas où l’on observait que la grappe s’était réduite d’une ruelle lors de la surveillance hivernale. Nous avons proposé de déplacer un cadre vide de l’autre côté de la PIHPgm (de la CH1 vers la CH2) pour resserrer la CH1.
Si par malheur, on observait que la grappe n’occupe que 3, voire 2 cadres sur les 4 ou 5 qui avaient hiverné, la colonie a fondu, beaucoup d’abeilles sont mortes, le groupe restant est déséquilibré en âge. Dans un grand volume, un groupe d’abeilles trop restreint va devoir chauffer l’espace de ponte de la reine pour maintenir la colonie en survie. Cette intense activité sera dévastatrice et affaiblira la grappe qui ne pourra relancer la croissance de la population. Cette colonie est alors destinée à disparaître20 parce que, trop petite, elle ne pourra maintenir l’homéostasie du couvain dans les intervalles de température et d’hygrométrie impératifs pour une nymphose de qualité. Au pire, le couvain mourra ; au mieux, il produira des abeilles mauvaises nourrices, fragiles et sensibles aux maladies.
Pour sortir la colonie de cette impasse, nous rechercherons l’effet cocotte-minute : la technique de sauvetage consister à mettre ce qui reste de la grappe dans un espace très restreint pour qu’elle puisse retrouver facilement les niveaux de température et d’hygrométrie nécessaires à son bien-être.
Ne pas omettre de couvrir le ou les cadres de la CH1 d’un bonnet, puis de l’écharpe, du coussin et du toit. Le bonnet permet de couvrir la partie haute des rayons sur une dizaine de cm2, là où se trouve le miel, ce qui évite les déperditions de chaleur et maintient le miel à bonne température. Sous le bonnet, ajouter du candi protéiné (il en existe sous forme de plaques minces de 15 mm d’épaisseur) : les abeilles trop faibles ne peuvent aller prendre le sirop et préféreront se nourrir au candi.
20. Rappel : les mortalités importantes d’abeilles au cours de l’hivernage sont généralement liées à un défaut de corps gras qui peut être dû à varroa, au frelon asiatique, à une insuffisance de nourriture à l’automne, à la localisation humide ou ventée du rucher…
À RETENIR
- Resserrer au maximum est la règle !
- Apporter les compléments alimentaires nécessaires, pollen, acides aminés, protéines, sucre, sirop chaud.
- Traiter la ruche contre varroa.
Les abeilles de la CH2 repasseront sous la PIHPgm en CH1 pour rejoindre la reine et la grappe, d’où l’importance de l’isolation du plateau de sol. Ce regroupement d’abeilles provoque une remontée de la température à moindre coût énergétique (sans qu’elles aient besoin de fournir un effort particulier de contraction de leurs muscles thoraciques. Cela se traduit par une amélioration la capacité de prise en charge de couvain par la colonie.
En CH1, le miel présent sur les cadres devenant chaud sera rapidement consommé et utilisé pour permettre le redémarrage de la ponte de la reine ou l’accroître. Les abeilles mieux nourries et chauffées iront chercher le miel en CH2, voire en CH3.
En opérant ainsi, on observe que la surface de couvain dans l’espace resserré augmente. Dans les 2 mois qui suivent, la dynamique de cette petite population sera retrouvée. Ce processus est particulièrement nécessaire dans une petite colonie en perdition.
Certes, la miellée de printemps ne fournira pas de récolte. Il sera opportun de changer la reine qui aura souffert dans cette opération. Avec une reine de qualité, on pourra espérer une récolte de miel en été. Autre stratégie : on pourra stimuler la reine afin qu’elle produise des cadres de couvain destinés aux essaims artificiels en fin de printemps ou en été.
Le resserrement maximal du nid à couvain permet d’augmenter la vitalité du couvain et des abeilles.
On sauve ainsi une colonie qui était en cours d’effondrement et de probable disparition.
Il y a 12 jours d’écart entre les photos de ce même cadre. À gauche, la quantité de couvain est exceptionnelle au vu de la quantité d’abeilles. Les PIHPgm leur permettent de chauffer une plus grande surface de couvain, de sorte qu’à droite, 12 jours plus tard, la surface de couvain est sur la totalité du cadre et le nombre des abeilles a explosé.
Dans une ruche RBC, la gestion du risque d’essaimage est rendue plus aisée par la modulation des espaces de vie de la colonie, de même que pour spécialiser les colonies vers la production d’essaims.
La gestion de l’essaimage est au cœur des pratiques habituelles de conduite des colonies. Ce que nous proposons s’applique dans le cas de la première méthode de conduite des colonies que nous proposons (voir page 66). Dans la seconde méthode (voir page 76), avec une génétique adaptée, l’essaimage ne devrait plus se produire, l’énergie des abeilles étant orientée vers le stockage de nectar et sa transformation en miel.
Essaimer est la condition de survie de l’espèce. Les lignées peu essaimeuses sont destinées à disparaître naturellement. La faible propension à essaimer est le fruit d’une sélection rigoureuse.
Ces lignées peu essaimeuses sont très recherchées dans la mesure où l’essaimage prive l’apiculteur de la possibilité d’une récolte de miel, a minima celle du printemps. En effet, le miel que récolte l’apiculteur est un excédent de récolte produit par un excédent d’abeilles.
L’essaim naturel, riche de près de la moitié de la colonie dont il est issu, est provoqué par l’apparition brusque d’un excédent d’abeilles. Son départ emporte l’espoir de récolte avec lui.
Les principaux signes d’un risque d’essaimage
- On découvre des cellules royales en pourtour des rayons de couvain.
- La surface de couvain fermé est supérieure à celle du couvain ouvert, l’arrivée brusque de jeunes abeilles permet à la colonie d’essaimer. Situation provoquée par une période chaude favorable au développement du couvain suivie d’une période froide qui bloque la ponte de la reine.
- L’espace de stockage du nectar est insuffisant.
- L’âge de la reine ou sa lignée sont à l’origine d’une insuffisance de production de phéromones royales, ce qui est source d’essaimage. C’est le cas pour les reines âgées de 3 ans ou plus. Certaines lignées produisent des reines peu productrices de phéromones royales, cette situation est courante avec les essaims naturels de sélection inconnue.
Apprécier le risque d’essaimage reste une opération délicate, il se produit en général pendant la miellée de printemps. On peut agir de deux manières : soit la fièvre d’essaimage est engagée et les cellules royales sont en cours d’évolution, ce qui est parfaitement visible, soit on décide d’intervenir en amont en provoquant un essaimage artificiel par anticipation.
Gérer l’essaimage par la destruction des cellules royales naturelles (CRN)
Après la pose de hausses bâties, on fait une visite une semaine plus tard :
- Si les abeilles occupent rapidement les hausses, le risque d’essaimage est limité. Si la 2e ou la 3e hausse se remplit déjà, on ajoute une hausse supplémentaire de cadres cirés (cette pratique abaisse encore le risque d’essaimage).
- Si les abeilles occupent peu la première hausse, alors que la population est conséquente et que l’on entre dans une période de miellée, le risque d’essaimage est réel. Des cellules royales sont sans doute en cours de développement. Visitez tous les cadres porteurs de couvain en les secouant pour repérer toutes les cellules royales et les détruire.
Déplacer la ruche souche avec la reine dans le rucher, les butineuses se répartiront entre les ruchettes mises à sa place. Si une ruchette attire plus d’abeilles qu’une autre, les intervertir pour équilibrer la répartition des butineuses entre les ruchettes.
On répète cette opération au minimum 8 jours après (en cas d’indisponibilité, on peut aller jusqu’au 10 e jour, mais plus on attend, plus le risque d’essaimage augmente).
Lors de cette seconde visite, si on découvre à nouveau des CRN operculées, cela signifie que la fièvre d’essaimage n’a pas été calmée par l’opération précédente. La solution la plus efficace sera de découper la ruche en autant d’essaims artificiels qu’il y a de cadres de couvain porteurs de CRN. Ces essaims sur 1 cadre seront conduits pour être sur 5, voire 6 cadres en octobre. Ils seront aptes à passer l’hiver et à devenir des ruches de production au printemps prochain.
ATTENTION ! Ces colonies sont peut-être issues de lignées essaimeuses et le changement des jeunes reines sera opéré au profit de reines issues de lignées sélectionnées sur leur faible propension à essaimer.
Avantages et inconvénients
Cette première méthode évite l’essaimage par destruction des cellules royales. Elle est indispensable lorsque la fièvre d’essaimage est à l’œuvre. Elle demande de disposer de temps.
Ruchettes posées au sol lors de la constitution d’essaims début mai (photo prise le 1er juillet). Les herbes devant l’entrée permettent de créer un micro-climat au niveau du trou de vol et facilitent le repérage des abeilles, et donc de la reine lors de son vol nuptial.
Toutefois, en cas d’échec, on doit diviser la colonie en autant de ruchettes que de cadres de couvain porteurs de CRN, ce qui compromet la récolte de miel de printemps.
Le nombre de petites colonies va beaucoup augmenter. Avant les miellées de l’été, il sera possible de les utiliser pour renforcer en cadres de couvain fermé les colonies de production de miel. La condition sera que l’état sanitaire soit impeccable. On pourra également introduire une reine issue d’un élevage.
Les cellules de sauveté apparaissent lors d’une disparition accidentelle de la reine. Elles sont dispersées sur les rayons et regroupées là où des larves peuvent être élevées en reines.
Les cellules de supersédure sont uniques, une par face sur un ou deux rayons, c’est un changement de reine sans essaimage, fréquent après l’introduction d’une reine lors d’un remérage artificiel.
Les cellules royales d’essai mage naturel sont en périphérie des rayons de couvain.
Cette seconde solution consiste à réduire suffisamment le volume des abeilles à naître pour éviter un essaimage naturel. Cependant, cette ponction sera limitée pour conserver la possibilité d’une récolte de miel de printemps. On se contentera d’une ponction de 2 cadres de couvain fermé et leurs abeilles (ils seront remplacés par 2 cadres cirés).
C’est une méthode préventive alors que les signes avant-coureurs de la fièvre d’essaimage ne sont pas encore évidents. Le moment choisi sera celui où les surfaces de couvain fermé sont majoritaires, voire quasiment exclusives.
Compte tenu de l’incertitude sur la date de ponte, on adoptera comme principe qu’un cadre de couvain operculé fournira de jeunes abeilles dans les 7 à 12 jours suivants.
À partir d’une ruche à 8 cadres occupés par du couvain très largement fermé et dépourvu de cellules royales, on prélève 2 cadres de couvain fermé pour faire un ou deux essaims artificiels.
Tous les cadres seront décalés, deux cadres à bâtir seront mis à l’opposé après les cadres de couvain ouvert. On enlève les cadres toujours du même côté, celui du couvain fermé, pour mettre les cadres neufs du côté du couvain ouvert.
À NOTER ! L’emploi de cadres Hoffmann permet de coulisser les cadres en une seule opération.
Avantages et inconvénients
Cette seconde méthode est préventive, elle évite d’attendre la fièvre d’essaimage et les difficultés qui lui sont liées. Certes, en ayant ponctionné 2 cadres de couvain, on affaiblit la colonie, mais on aura tout de même une récolte de miel de printemps. Elle permet de renouveler les cadres dans le corps.
Si on estime un très fort risque d’essaimage alors que la colonie ne possède que 6 cadres de couvain, on fera un essaim artificiel en ne ponctionnant qu’un seul cadre de couvain. Par précaution, on ajoutera dans l’essaim des nourrices prises sur un ou deux cadres de couvain ouvert. Ce prélèvement de nourrices affaiblit moins la colonie que le retrait d’un cadre supplémentaire de couvain fermé.
Il faudra choisir un cadre bien couvert d’abeilles pour un démarrage optimal du nouvel essaim.
Lorsque l’objectif est la production d’essaims, les colonies seront conduites dans l’unique but de fournir des cadres de couvain. Poussée à son paroxysme, cette manière de travailler n’assure aucune production de miel.
La condition pour réussir est que la colonie soit sur 8 cadres bien couverts de couvain et très riches en abeilles. L’effet cocotte-minute sera poussé à son paroxysme et la reine ayant été pondre en CH2 sur l’essentiel des cadres, on déplace la PIHPgm en rive. À ce moment-là, on retire 4 cadres de couvain fermé avec toutes leurs abeilles sans emporter la reine.
Ces 4 cadres seront couverts de 2 couches d’abeilles qui permettront de faire 4 essaims sur 1 cadre. On décale tous les cadres pour mettre 4 cadres cirés ou bâtis après le couvain ouvert.
On traite contre varroa, on nourrit abondamment durant 6 semaines et les 8 cadres de couvain devraient être retrouvés.
Six semaines plus tard, les cadres cirés étant bâtis, pondus et largement operculés, on pourra recommencer l’opération en reprenant 4 cadres de couvain fermé avec leurs abeilles.
Cette production d’essaims sur 1 cadre toutes les 6 semaines sera menée jusqu’à l’obtention du nombre d’essaims souhaité.
Une bonne colonie peut aisément fournir 8 essaims au cours de la saison et même davantage si les conditions florales et environnementales le permettent.
Avec cette manière de procéder, on veille à ce que la colonie reste en phase de croissance continue
L’élevage des reines pourra démarrer au moment de l’émergence des mâles.
RAPPEL
Translation des cadres pour mettre le couvain ouvert au contact de cadres apportés
Ajout de cadres bâtis et/ou cirés
- L’apport de sirop, pollen ou substitut de pollen garantit le résultat final. Sous réserve de ne pas provoquer un engorgement du nid à couvain, ces compléments alimentaires sont utiles même en présence de miellée, du moment que la hausse n’est pas posée.
- Toutes les rentrées de nectar et de pollen sont destinées au développement du couvain.
- Lorsque les conditions sont très favorables, on peut mettre une hausse, mais la production de miel
n’est pas l’objectif. L’objectif étant de produire des cadres de couvain, la hausse permettra d’éviter l’engorgement du nid à couvain par du miel.
- Sur ces ruches qui ne sont pas en production de miel, il est judicieux de traiter contre varroa pour obtenir un meilleur dynamisme des colonies. En conséquence, le miel, s’il s’en trouvait, ne sera pas récolté. Ces cadres de hausse seront utilisés pour nourrir des nucléis ou les essaims produits.
Comme nous venons de le décrire, mais également à tout moment de la saison en fonction des reines dont on dispose, on peut réaliser des essaims artificiels sur 1 ou 2 cadres. Ils seront conduits dans des ruches RBC ou dans des ruchettes 6 cadres.
Ces essaims peuvent avoir deux fonctions :
- être considérés comme des nucléi d’élevage pour produire des reines
- être conduits pour devenir des colonies sur 6 cadres à l’automne et passer l’hiver (faits en fin de saison, ils seront aptes à passer l’hiver, sous réserve d’apports de nourriture s’ils n’ont assez de provision).
En l’absence de déplacement à prévoir, il peut être intéressant de les constituer en ruches RBC sans passer par l’étape ruchette. Cela évite des transvasements inutiles, sources de refroidissement et de perte de reines et de temps.
Matériel nécessaire
- 1 ruche RBC ou une ruchette
- 1 cellule royale de 3 jours de développement ou 1 cellule royale prête à naître ou 1 reine vierge ou fécondée
- 1 ou 2 cadres de couvain fermé bien pourvus en abeilles.
On leur apportera :
- 2 cadres de miel et pollen en CH2
- 2 cadres à bâtir en CH3 avec 1 PIHPgm
- 1 nourrisseur bouteilles ou cadre nourrisseur.
Si le ou les cadres de couvain fermé ne sont pas bien pourvus en abeilles, il est préférable de secouer un cadre d’abeilles prises sur du couvain ouvert venant de l’une des ruches pourvoyeuses des cadres de couvain. Avec une cellule à 3 jours de développement, il faut mettre plus d’abeilles qu’avec une cellule operculée puisque le temps de gestation sera plus long.
Si le ou les cadres de couvain fermé sont pauvres en butineuses, ils devront être nourris de manière régulière pour combler le déficit de butinage (apports de sirop par nourrisseur entier et de compléments protéinés).
Les ruches ou ruchettes utilisées seront des RBC équipées de chaussures, chaussette, écharpe et coussin. Le bonnet sera mis après la naissance de la reine, à cheval sur le ou les cadres de couvain.
Lors de l’introduction d’une cellule royale d’élevage à 3 jours de développement, donc encore ouverte, il faut écarter les 2 cadres ou la PIHPgm pour éviter un pont de cire entre la CR et l’élément adjacent, ce qui interdit alors toute manipulation du cadre avant la naissance de la reine. La cellule est très fragile, veiller à la positionner dans le rayon sans froisser l’entrée, sinon elle serait abandonnée.
Dans un corps Dadant 10 cadres : essaim sur 1 cadre de couvain, apport massif de sirop avec des bouteilles, 1 cadre de miel et 1 cadre à bâtir ou bâti.
Incrustation d’une cellule royale ouverte dans un essaim sur deux cadres.
L’USAGE DU BEE BOOST
Constitués le jour même de l’introduction de la cellule royale, les essaims doivent être placés dans un autre rucher éloigné. En l’absence de cette possibilité, ils seront laissés dans le rucher et dotés d’un leurre Bee Boost. C’est une copie synthétique de la phéromone mandibulaire royale, QMP (Queen Mandibular Pheromone). On l’attache à un morceau de fil très fin (fil de cadre par exemple), très long, qui sort de la ruche (ainsi, il sera facilement récupéré). Ce leurre permet de laisser sur place les essaims constitués à partir des colonies du rucher. Il sera retiré après la naissance de la reine. À noter que cette méthode fonctionne mieux en début de saison qu’après mi-juillet.
D’expérience, jusque dans la première quinzaine de mai (période variable selon les conditions météo locales), la réussite de la naissance des reines élevées à partir de cellules ouvertes ou fermées est plus certaine dans un essaim constitué sur un seul cadre entre 2 PIHPgm. La thermoréflexion des 2 PIHPgm maintient une température plus constante sur la cellule à cette époque de la saison où des coups de froid sont possibles. Plus tard ce risque disparaît, les essaims constitués sur 2 cadres de couvain seront privilégiés. Ils sont plus dynamiques, mais consomment plus de cadres au départ, ce qui en limite le nombre. Pour la dynamique de la ponte de la nouvelle reine, il sera intéressant d’ajouter un grand volume de sirop dans un grand nourrisseur cadre ou dans des bouteilles. La chaleur produite par la succion du sirop est conservée dans la ruche et passe d’abord en CH2 puis en CH1.
Le film réflecteur positionné au plus proche du cadre de couvain permet d’économiser de l’énergie mais également des abeilles.
Morceau de Bee Boost.
- Les cadres de couvain fermé et de miel doivent être très couverts d’abeilles.
- Le cadre nourrisseur sera rempli de sirop.
- Le soir, une cellule royale prête à naître ou à 3 jours de développement ou une reine vierge sera insérée dans le cadre de couvain.
- 3 semaines plus tard on vérifiera la ponte de la reine et la qualité de son couvain operculé (surface, compacité).
- Remplir le cadre nourrisseur.
- 2 mois plus tard, si tous les cadres sont pratiquement couverts de couvain, retirer la PIHPgm et ajouter 2 cadres bâtis ou cirés (gaufrés).
L’essaim est constitué en CH1 sur un cadre de couvain fermé avec beaucoup d’abeilles le jour de l’introduction de la cellule royale.
En CH2 seront mis 2 cadres de miel dont un contenant du pollen, qui sera placé contre la PIHPgm.
En CH3 (essaim constitué dans une ruche), on ajoute des cadres à bâtir et un nourrisseur cadre.
Un mois plus tard, l’essaim se développe, le pollen sera consommé et en CH2, apparaît un berceau où viendra pondre la reine une fois qu’elle n’aura plus assez de place sur le rayon en CH1.
La ponte de la reine s’étendra sur les deux rayons de la CH2 puis sur le premier rayon de la CH3.
Lorsque ces rayons seront remplis de couvain, on élargira la CH1, l’essaim sera sur 4 cadres. Ce sera probablement la fin de la période d’expansion des colonies et, durant les semaines qui suivront, cet essaim sera préparé pour l’hivernage. Il pourra éventuellement être mis en production en cas de miellée tardive.
La ponte de la reine s’étend sur les deux rayons de la CH2
Coussin
Écharpe
Cette photo a été prise le lendemain de la constitution d’un essaim sur 1 cadre. Les conditions extérieures étant favorables, presque toutes les abeilles sont dans la CH2 elles travaillent au développement du nid.
PIHPgm
Miel Pollen
Couvain
Abeilles
Nourrisseur
Cadre gaufré
CH3 CH1
CH2
Rassemblement de tous les cadres à couvain en CH1
L’utilisation des cadres à écartement de type Hoffmann rend l’ensemble des manipulations plus aisées, moins à risque de rouler, blesser, écraser la reine et les abeilles. Elle est plus respectueuse du microclimat.
Il est parfois intéressant de pouvoir modifier les intervalles entre les cadres pour insérer une cagette avec une reine, resserrer fortement les cadres.
Il n’est pas obligatoire de conduire les essaims jusqu’à occuper 6 cadres pour hiverner dans de bonnes conditions. L’expérience permet de constater que plus un essaim est riche en abeilles et en cadres de couvain au moment de sa constitution, plus aisée sera la traversée de la morte-saison.
Mais au terme de la saison, lorsque l’on possède des reines d’élevage dans des nucléi, on peut les transférer sur des essaims constitués de 2 cadres de couvain fermé, voire d’un seul cadre. Les cadres seront pris dans des colonies fortes qui se sont développées sur 8 cadres de couvain. Selon la taille de la grappe, un cadre miel/pollen peut être mis ou non en CH1.
La décision sera fonction de l’épaisseur des couches d’abeilles sur le couvain et sur les cadres de miel. Si le cadre miel/pollen mis en CH1 se vide de ses abeilles, le déplacer en CH2.
La présence d’un nourrisseur cadre ou de bouteilles apporte le sirop dont la colonie aura besoin pour parfaire ses réserves d’hiver en CH1 au fur et à mesure de la réduction de la ponte.
La chaleur produite par la succion du sirop est répartie dans la ruche d’abord en CH2 puis en CH1. Cette solution est
Constitution d’un essaim sur 2 cadres en fin de saison avec la reine et le couvain en CH1, les cadres de miel et pollen en CH2 et les bouteilles de sirop en CH3.
Ci-contre la RBC permet d’améliorer la vitalité des abeilles et du couvain.
préférable à celle du couvre-cadre nourrisseur comme indiqué précédemment. Mais si on ne dispose que d’un seul cadre, la survie de la colonie sera également possible grâce au système des 2 chambres.
En plus d’un cadre de couvain fermé sur toute sa surface avec beaucoup d’abeilles, il est préférable d’ajouter les abeilles d’un autre cadre de couvain. La réussite est liée au volume d’abeilles présentes.
Ce cadre sera mis entre 2 PIHPgm avec un bonnet. Il peut très bien ne pas avoir de couronne de miel. Il sera pris dans une ruche très forte et bien traitée contre le varroa.
La reine sera introduite comme habituellement et le traitement anti-varroa sera rigoureux comme pour le reste du rucher.
En CH2, on installe un cadre de miel ou plus selon disponibilité et une PIHPgm.
Des compléments alimentaires seront apportés selon la quantité de miel présente sur le ou les cadres en CH2. Par exemple, un pain de candi sera posé directement sur la tête des cadres, le tout recouvert d’une écharpe, tout en veillant à une parfaite étanchéité en cet endroit.
Lorsqu’il est impossible de ponctionner des cadres de couvain dans les ruches pour constituer des essaims et si l’on possède au mois d’octobre des cadres de miel en excès et des reines en nucléi, il est possible de réaliser des essaims sans cadres de couvain. On intègre une reine en ponte dans un essaim fait de 4 cadres de miel avec leurs abeilles prêtes à l’hivernage, mis entre 2 PIHPgm. Il n’y a aucun cadre de couvain. Il est prudent de les changer de rucher
pour éviter le pillage de la part des ruches qui ont été prélevées de leurs cadres de miel. Donner 1 l de sirop à ces essaims provoque la montée en température par la succion de ce sirop et favorise l’acceptation de la reine. Mis entre 2 PIHPgm et traité contre le varroa, cet ensemble peut passer l’hiver sans surveillance particulière. Lors de la première visite de printemps ou de fin d’hiver, la ponte de la reine devrait être sur les 4 cadres.
Au terme de ce périple, la réflexion n’en est qu’à ses débuts. Le lecteur fera d’autres observations. De nouvelles expérimentations seront nécessaires pour faire évoluer les éléments dans les ruches, pour parfaire les méthodes de gestion des colonies dans un nouvel environnement plus propice au respect du bien-être des abeilles.
Ce qui a été constaté suggère une reproduction moins favorable de varroa dans ce contexte. Des pseudoscorpions ont été vus sur les chaussures, signe que l’environnement et l’atmosphère sont proches de ce qui fut observé dans les troncs d’arbres creux. Tout cela mérite attention, mesures, expérimentations et partages.
Au moment où le bien-être animal est au cœur d’une réflexion sociétale, l’intuition de Marc Guillemain sur le bien-fondé de sa démarche prend tout son sens. Son travail s’est établi sur de nombreuses années : partant des PIHPgm, il a peu à peu évolué vers des conceptions très élaborées de l’isolation au service des colonies et surtout il a développé des méthodes.
Au-delà de la qualité de vie des abeilles, notre espoir est que les apiculteurs maîtrisent ces outils et ces méthodes de travail, qu’il les fasse évoluer, comme le fit Marc Guillemain, pour une meilleure survie de leurs colonies, pour obtenir des volumes de production plus importants et réussir des élevages de reines de meilleure qualité.
L’ANERCEA fut la seconde famille de Marc Guillemain où il présenta ses idées sur l’isolation. Il fut membre du Conseil d’administration durant de nombreuses années. Il fit partie des formateurs de l’ANERCEA. Depuis plus de 30 ans, les connaissances de Marc Guillemain se diffusent. Nous espérons que les échanges autour de ses idées se poursuivront.
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Partant du constat que les ruches modernes sont des passoires thermiques conduisant à des surmortalités hivernales, Marc Guillemain a passé 30 ans de sa vie à mettre au point un système d’isolation efficace en s’inspirant de l’habitat naturel des abeilles : le tronc d’arbre creux.
Il a progressivement développé une technique devenue fameuse dans le monde apicole : la PIHP (Partition Isolée Haute Performance), utilisable dans les ruchers modernes de production, qui combine isolants réfléchissant et thermique pour stopper la conduction des matériaux. Au-delà de l’innovation technique qu’il n’a cessé d’améliorer, il en a aussi précisé le mode d’emploi.
Ce livre présente en détail sa méthode, qui intéresse de plus en plus les apiculteurs professionnels et les amateurs avertis cherchant à améliorer le confort et la survie de leurs abeilles.
ISBN : 978-2-37922-298-6