Efdlt mai 2017

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EN FRANCAIS DANS LE TEXTE Chroniques Sociales de New York N° XXI - Mai 2017

DOSSIER

Regard au singulier FIL D’ENTRETIEN A l’ombre de mon expatriation GRAND FORMAT

Les émotions en images

ISSN 2380-5943


EFDLT

EDITORIAL


EN FRANCAIS DANS LE TEXTE Magazine

Magazine publié à New York City. Fondé en 2015 Rédacteur en Chef Christelle Bois Photographie: EFDLTstudio Section culinaire @constancescupcakes

Contact: christelle@enfrancaisdansletextenyc.com

ISSN 2380-5943


EDITORIAL

Chaque expatriation est singulière, elle est perçue à travers le prisme de notre expérience. De même nos métiers nous ont formés à voir le monde d’une manière particulière, à être attentif à des détails particuliers, à être plus sensible à certaines choses. Nous découvrirons dans cette édition, le regard singulier de deux Assistantes Sociales dans leur chemin d’expatriées. Tout en images et en r é fl e x i o n s , e l l e s v o n t apporter une touche sociale, sur les à cotés souvent tus de l’expatriation.

Christelle Bois Rédactrice-en-Chef

4 EFDLT 4 EFDLT MAI 2017 AVRIL 2017



EN FRANCAIS DANS LE TEXTE Mai 2017


SOMMAIRE Dans ce numéro p21 16

p4

12 p4 EDITO p8 DOSSIER DU MOIS Regard au singulier

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p27

p21 SECTION CULINAIRE Les Macarons p23 GRAND FORMAT Les émotions en images p27 FIL D’ENTRETIEN A l’ombre de son image

p8 4


Dossier du mois

D

ans l’écoute, la compréhension, nos oreilles

sont habituées à comprendre entre les lignes, à écouter dans les silences, les hésitations. Notre pratique nous emmène sur des territoires inconnus, dans des histoires singulières où la patience et le non jugement sont les clefs d’entrée. C’est avec ce même oeil que nous appréhendons l’expatriation. Sans nous mettre à l’abri des difficultés, voire des errements, qui jonchent le chemin de l’expatriation, les doutes et les questionnements sont les mêmes, ce regard offre une perspective sociale. Perspective parfois oubliée au détriment de la perspective économique qui nous enferme et nous condamne parfois sans même nous connaître. Alors qu’est-ce qui nous interroge, nous questionne, quelles sont les images qui nous ont marqués? Voici deux histoires, deux assistantes sociales aux parcours d’expatriation bien différents qui entrent en raisonnance.

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P

artie non pas sur un coup de tête mais plutôt

comme pour s’offrir une nouvelle chance, Christelle vit depuis 10 ans en expatriation. De ces 7 ans de métier d’assistante sociale, elle ne pensait pas, lors de son départ, en faire un avantage dans ce pays d’Asie où elle part s’intaller. Et pourtant c’est le social qui va la rattraper et la sauver d’une dépression invisible et insidieuse. Aider les autres c’est s’aider soi même, un bon adage qu’elle a pu mettre en application en consacrant son temps à l’aide à la communauté expatriée qui comme elle souffre et vit des difficultés. Elle a découvert que la parole n’était pas aisée au delà des discours convenus, que la place du conjoint suiveur n’était pas toujours enviable. Beaucoup de choses l’interrogent, notamment le peu de place accordée au social dans la communauté expatriée. Elle a dû inlassablement répéter que cette communauté même sous les lauriers de la réussite vivait les mêmes problématiques que les autres. Christelle a accepté de partager avec nous quelques images fortes qui restent comme partie intégrante de son expérience d’expatriée.



Le café, lieu de s o c i a l i s a t i o n omnipresent a été une découverte pour moi. Ainsi mon métier, je l’ai exercé assise sur des chaises de café, au milieu des discussions des autres. Dans un anonymat public, sur d e s p ro b l é m a t i q u e s personnelles souvent émotionnelles. Je me revois encore en entretien, à l’écoute, attentive, assise dans un café. Et je précise, je n’aime pas le café.

J’ai découvert une socialisation rapide mais qui peut être superficielle. Au début, il est fréquent d’être invité pour un BBQ, pour un Brunch entre expatriés. Naissent alors des conversations ininterrompues sur les enfants, la nourriture, les différences culturelles. Tout y passe avec beaucoup de superficialité car bien sûr on ne se connait pas. Tenir le rythme n’est pas toujours aisé, la situation financière des « expatriés » n’est pas la même, les brunchs dans les restaurants pour « expats » ne sont pas à la portée de toutes les bourses et encore moins avoir un appartement avec jardin. Ainsi d’abord considéré tous à égalité, la situation économique va vite nous positionner à l’interieur ou à l’extérieur d’une communauté. C’est alors qu’il est possible de rencontrer une autre communauté, plus discrète et qui se ferait volontiers appeller immigrée économique. Ce n’est pas qu’il faille choisir l’un ou l’autre mais la réalité est qu’elles sont séparées mais vivent parfois les mêmes difficultés. C’est un peu l’ambiance d’un café ou l’on se côtoie tous, sans se parler.


Jamais vraiment chez-soi, mais toujours un peu, les allers retours prennent des couleurs complexes voire ambivalentes. Aller vers où? Chez-soi, quand on parle de rentrer. Et lors de notre retour, on rentre aussi chez-soi, mais l’on repart autant en expatriation. C’est une problématique qui m’a souvent interrogée ayant beaucoup déménagé - 5 fois en 7 ans -. La notion de chez-moi s’est etendue à tous les appartements que j’ai investis tout en gardant un chez-moi ailleurs. Bref d’où l’on vient peut facilement devenir inextricable. Voilà bien pourquoi le taxi ( en Asie) me parle tant. Une extension ambulante qui m’emmène dans tous mes chez-moi et qui fait le lien entre eux.

Le taxi un second chez soi? J’exagère un peu, mais moi qui n’ai jamais pris le taxi que pour me rendre dans les aéroports, je suis devenue une habituée. J’y monte comme j’ouvrirais la porte de chez moi; J’y passe des appels téléphoniques, je prepare mon second re n d e z - v o u s . J e l e prends pour rentrer chez-moi ou pour partir chez-moi.


Céline Melendez Assistante sociale, Expatriée, Bloggeuse, Crépière New York, Manhattan 14 EFDLT MAI 2017


M

ené à bâtons rompus à ne

plus différencier l’interviewé de l’interviewer, l’entretien s’est transformé en un dialogue, en une rencontre entre deux personnes qui se reconnaissent; C’est que Céline est Assistante Sociale et Expatriée. Arrivée en couple en octobre 2016 à New Haven, Connecticut, elle s’est retrouvée 3 jours après ( suite à un départ professionnel de son mari) seule dans une ville où les gens ne courent pas les rues - ils se comptent sur les doigts de la main - . C’est ainsi qu’elle est entrée dans le bain de l’expatriation, qu’elle a croisé ce sentiment angoissant de solitude, de perte de repères que rencontre, un jour ou l’autre, l ‘expatrié. Heureusement Céline a su se retrouver, rebondir pour aller de l’avant et oser prendre des tournants.

Après 5 ans d’exercice d’un métier qu’elle avait pourtant choisi, elle ne s’est plus retrouvée dans les nouvelles injonctions statistiques du métier d’Assistante sociale. C’est donc prête au changement que, d’un projet élaboré en commun, le couple est parti en se saisissant de la première opportunité ( un contrat d’expatriation de son mari) pour partir. Maintenant Céline est Crèpière ambulante et en parallèle elle donne des cours de français, et elle est épanouie dans sa nouvelle vie à New Haven. Pourtant ne pensez pas qu’elle renie son coté Assistante Sociale, non, au contraire, elle porte un oeil bien social sur la société qui l’entoure et sa sensibilité est parfois interrogée par certains aspects de la culture Américaine. Via son blog celinexplorelestates, elle partage ses interrogations et fait découvrir son expatriation et ses rencontres. Ecoutons les mots de Céline.


Pour avoir une vie ‘normale’ aux USA, recevoir mon salaire, payer mes factures et faire du shopping, il me faut … une carte de crédit ici ! Lors de ma première visite à la banque, j’ai eu la surprise de découvrir que notre bonne vieille carte de crédit, s’appelle ici Carte de Débit (sans autorisation de découvert). Aux USA, il me faut une Carte de Crédit pour avoir une sorte de « découvert autorisé » On comprend qu’il s’agit d’une forme de crédit revolving, contractable et cumulable via les banques et les grandes enseignes… L’un des effets pervers est que vous êtes poussés à payer avec cette Carte de Crédit. Pourquoi ? Car vous cumulez des points qui se transforment en argent. ainsi si vous dépensez 600$, vous avez 6$ de remboursement (pour 6000$ c’est 60$). Une mauvaise gestion financière entraînera rapidement un endettement. En France, le crédit revolving est considéré comme la porte d’entrée du surendettement. Et face au cumul de crédits révolvings mettant en péril les finances d’un foyer il y a possibilité de déposer un dossier de surendettement à la Banque de France. En contrepartie, il n’est plus possible de contracter de crédits, et les dettes reprennent leurs cours en cas de défaut de remboursement.

On peut se poser la question de la responsabilisation: chaque citoyen dans une société dont il n’a pas fait les règles- est-il le seul responsable de ses actes individuels ou financier ? doit-il en assumer seul les conséquences ? ou bien : l’État a-til la responsabilité de nous accompagner dans ces choix, et nous protéger des erreurs faîtes par défaut de revenu suffisant, ou par pêché de consommation ? C.M.


Yale Road, New Haven Photo @demoiselle_cee


Il y a trois communautés identifiées sur le territoire américain que nous connaissons bien : les ‘Blacks’, les ‘Blancs’ et les ‘Hispaniques’. Il y a par exemple cette collègue de travail, née en Amérique Centrale et vivant dans le Connecticut depuis ses 8 ans. Elle est à l’université et parle l’anglais comme sa langue maternelle. Pourtant elle revendiquera que tout son réseau est ‘latin, hispanique’ et qu’elle ne parle qu’espagnol en dehors du travail et de ses études. Il y aussi cette grande place dans ma ville, qu’on surnomme le ‘gazon’. Deux côtés de ce carré sont occupés par « les riches blancs, qui attendent leur taxi », et les deux autres par « les blacks, qui prennent le bus ». Cela s’applique aussi à deux café de grande enseigne, à 200 mètres l’un de l’autre. L’un accueille les silencieux étudiants qui profite du WiFi. L’autre des jeunes qui prennent un café entre copains. C’est leur espace, ils ne s’y mélange pas. Coincé entre l’université de Yale, sa culture et son argent, la population de New-Haven se sent-elle rejetée ou choisit-elle de ne pas se mélanger ?

Depuis mon arrivée aux USA, je suis interpellée par le manque de mixité : les américains semblent vivre en communauté. Plus précisément communauté d’appartenance éthnique, ce qu’elles revendiquent ouvertement. je n’observe aucune marque de recherche de mixité. Aucun de ces groupes n’a d’espace ou se rencontrer, aucun ne prendra de café dans celui de l’autre. Finalement, promulguer ainsi la communauté, n’est pas être soi même amplificateur de discrimination ? C.M.


De ces témoignages qui peuvent paraitre anecdotiques, deux assistantes sociales nous ont apporté leur interrogations, l e u r s r e fl e x i o n s , s u r l’expatriation, sur les différences culturelles rencontrées. Sur la corde sensible du social, elles ont à leur manière posé leur regard sur des réalités, des faits pour lesquels souvent l’habitude normalise et qui parfois passent inaperçus. Vivre l’expatriation c’est aussi l’interroger, la confronter à nos savoirs, à nos certitudes. C’est lui laisser de la place dans nos habitudes, nos assurances quitte à se retrouver un temps dans un entre-deux, dans une sorte d’inconfort salutaire. C.B.


Ces petits riens qui font tant

R

ien que de le

nommer, que déjà des images se profilent. A faire ou à acheter le Macaron nous ramène dans ces patisseries où le choix seul des couleurs est difficile; Vert, rouge, orange, marron qu’importe, attaquons-nous à la chose.

21 EFDLT MAI 2017


Macaron

@constancescupcakes


EFDLT Studio prĂŠsente

Grand Format 22 EFDLT MAI 2017


Brooklyn Bedford Stuyvesant Photo.EFDLT studio


Brooklyn The blooming Photo.EFDLT studio


Brooklyn Empty street Photo.EFDLT studio


FIL D’ENTRETIEN

A l’ombre de mon expatriation

26 EFDLT MAI 2017


N

otre métier, ici ou ailleurs, au loin

ou plus près de chez nous, est le même sans jamais vraiment l’être non plus. Plus encore peut-être quand il s’agit des métiers de l’aide à la personne. Assistante sociale une fois, assistante sociale pour toujours, l’oreille en éveil, parfois bien malgré nous. L’approche, les techniques, sont les mêmes, mais le temps, le rythme, la relation varient. Ils s’adaptent aux pays, aux communautés, aux cultures. Ainsi notre existence et notre utilité peuvent être plus ou moins reconnues. Et pourtant les problématiques se retrouvent, les mots, les non-dits, ces chuchotements d’émotions non permises qui résonnent. Et nos bagages en sont remplis.

C.B.


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