EN FRA NCA I S
DA NS LE TEX TE Ch roni q ues Soci al es à New York
N°9 - A v ri l 2016
Portrait: Caroline la solaire Dossier: L'art comme forme de thérapie: l'écrit dans tous ses états Eclairage d'experts: Ghislaine Miller-Jones Patrick Lubin ISSN: 2380-5943
Édito Pour nous joindre:
Sommaire New York la Francophone
enfrançaisdansletextenyc@gmail.com
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Fait s et chif f res liés à la langue f rançaise sur New York
Dossier: L'art comme t hérapie:
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Ghislaine Miler- Jones Pat rick Lubin
Portrait
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Caroline la solaire
Fil d'entretien
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Habituée à recueillir la parole des personnes en difficulté, j'ai écouté leur histoires, leur émotions. Cependant, il existe d'autres formes d'expression peut-être moins directes mais toutes aussi parlantes. L'art est la forme d'expression choisie par certains lorsque la parole ne leur est plus accessible, lorsque les mots ne sont plus assez forts pour faire face à leur détresse. Ce numéro de En Français Dans le Texte a choisi de mettre en lumière ces formes d'expression et plus particulièrement celle de l'écriture.
Paroles et émot ions éparses ent endues tout le long de ma pratique aut our d'un théme.
Les chemins de travers
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Idées et découvertes à f aire aut our des questions sociales et la langue f rançaise sur New York
Christelle Bois Assistante Sociale D.E. Rédactrice en chef
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NEW-YORK laFrancophone Sans que l'on sans doute, il existe beaucoup d'initiatives qui permettent aux amoureux de la langue Française de jouer avec elle sur New- York. Que ce soit des ateliers d'écriture, des concours d'écriture ou des blogs qui s'amusent avec la beauté des expressions françaises. Voici quelques exemples. Alors à vous de jouer. http:/ / www.newyorkinfrench.net/ profiles/ blogs/ grand-concours-d-criture-french-heritage-mois-de-la-francophonie# .VvwSuj_bQch http:/ / www.accents-francophones-nyc.org/ http:/ / www.juliafreyauthor.com/ blog/
DOSSIER: L'ARTCOMMEFORMEDE THÉRAPIE:L'ÉCRITDANS TOUSSESÉTATS Face à l'adversité, certains prennent des chemins détournés pour s'exprimer, pour laisser couler ce trop plein. Que se soit la peinture, l'écriture ou toutes autres formes d'art, l'expression n'est pas unique, elle est polymorphe? Elles se découvrent, s'imposent, dès lors que l'expression orale ne suffit plus ou est inadaptée. En Français Dans le Texte a abordé des sujets douloureux tels que la séparation, le deuil, l'isolement et ces maux ont parfois une impossibilité à mettre des mots sur eux. Tel fut le cas pour Pascale rencontrée dans le cadre de notre dossier sur les endeuillés. Elle a fait le choix de la peinture - ou est-ce la peinture qui l'a choisie - pour exprimer sa douleur. Comme si les couleurs, les ombres et les lumières de ses oeuvres ainsi réalisées allaient porter au loin sa souffrance: "les couleurs sont
Merci aux part icipant s: Ghisl aine et Pat rick.
Pascal e,
des murmures" dit-elle et la peinture, contrairement à la parole "permet de garder les émotions anonymes". Cette édition particulièrement l'écrit.
va plus parler de
Nous évoquerons cette amoureuse de l'écriture, Ghislaine, qui nous a fait le plaisir d'écrire un très bel article pour EFDlT, et qui aide les personnes à s'exprimer avec les lettres, à mettre leur émotions, parfois violentes, sur le papier. Pour illustrer ce dossier spécial, nous vous présenterons Patrick, qui a accepté de livrer un de ses poêmes né de cette souffrance quotidienne. Ce battant de la vie pour qui rien n'est assuré: toit pour dormir, nourriture, eau - a choisi d'écrire non pas sur ses maux à lui mais sur un avenir possible. Rayonnant, ce poême nous interpelle avec plus émotions que nombres de discours. La parole libére. L'écrit et les couleurs aussi.
Ghislaine, c'est avant tout la passion pour l'écriture et ce depuis qu'elle sait tenir un crayon.
Éclairage d'expert Ghislaine Miler-Jones
Éducatrice spécialisée auprès d'enfants en danger, elle a poursuivi sa passion en passant un Diplôme U niversitaire. "H istoires de vie en formation": Tel est le nom de ce diplôme et tout est dit dans l'intitulé car une vie est toujours en formation jusqu'à la mort...) nous rappelle-t-elle. Aujourd'hui, désormais jeune retraitée, elle anime des ateliers d'écriture pour adultes en Bretagne et bien sûr elle continue écrire.
Il suffit d?une trace de parfum dans le sillage d?un
inconnu croisé au hasard, il suffit d?une odeur entêtante au détour d?une ruelle exotique, il suffit d?une sensation brève et inexpliquée et l?on bascule dans le passé. Souvenirs fugaces et légers de l?enfance, douloureux parfois, tenaces toujours.
"ÉCRIRETOUSCESPETITSRIENSAVECNOSMOTS PERMETDEDÉROULERLECOCONDUPASSÉ" Ces petits n? uds dans la broderie de notre histoire restent souvent inexprimés, emmêlés, bien enfouis au c? ur de notre écheveau de souvenirs. Et pourtant, ils sont notre trame solide et fragile à la fois, sur laquelle nous nous sommes construits, sur laquelle nous avons grandi, aimé, souffert. Ecrire tous ces petits riens avec nos mots, ceux qui viennent tout simplement, permet de dérouler le cocon du passé, de poser sur le papier les émotions comme elles viennent et ainsi même de s?en distancier. C?est en écrivant que les idées vont tisser des liens avec d?autres idées, d?autres souvenirs et les mettre en cohérence les uns avec les autres. Ecrire peut faire peur, surtout écrire sur soi. Ce peut-être une impression de vertige insondable. Peut-être le face à face avec cet inconnu que nous sommes envers nous-mêmes est-il insupportable? Mais comme selon l?adage « l?appétit vient en mangeant», l?écriture vient en écrivant, c?est-à-dire qu?il faut bien commencer par quelque chose, alors: papier, crayon ou clavier. Un mot, une phrase, une idée, une date, une photo et on laisse couler les mots.
"ILN?ESTPASQUESTIONDECHERCHER « LAVÉRITÉ» DANSLERÉCITÉCRITD?UNEVIE" Notre histoire racontée est toujours en partie fictive puisqu?elle s?élabore à partir de notre mémoire, sélective voire inconsciemment mensongère, une somme de récits colorés au travers du prisme de nos affects, de nos états d?âme, de nos expériences. Les mêmes moments vécus par nos proches, frères, s? urs, amis etc. ne se ressembleront pas dans leur énoncé. Untel se souviendra d?un évènement comme d?une tragédie alors que l?autre y trouvera de la drôlerie. Le parfum délicat qui nous rappelle la grand-mère adorée sera odeur nauséabonde pour l?autre parce que porté par une mégère acariâtre? En d?autres termes, il n?est pas question de chercher « La Vérité» dans le récit écrit d?une vie. Le roman familial est reconstruit par les uns et les autres avec les petits bouts d?empreintes mémorielles qui flottent souvent sans chronologie. Mais à l?écriture viennent parfois émerger, à notre grande surprise, à notre « insu» (alors qu?on « savait quelque part » selon l?expression à la mode), des souvenirs cachés très loin. Le chaos prend forme. L?écriture est un moyen de remettre en ordre, « au propre» en quelque sorte, un brouillon très embrouillé dans notre tête et de trouver ou retrouver la cohérence de notre individu relié à l?universel. Elle nous oblige à littéralement sortir de soi.
"L?ÉCRITUREESTUNETRACE,ELLEN?ESTPASRÉSERVÉEAUXÉCRIVAINSPATENTÉS"
L?écriture, si elle n?est pas une thérapie en soi, fait du bien. Au cours de l?atelier d?écriture que j?anime, j?ai proposé récemment aux participants de rédiger une lettre adressée à une personne contre laquelle ils ressentaient de la colère ou de la haine, y compris dans le passé lointain et à laquelle ils disaient « ses 4 vérités». Ils avaient le droit d?être grossiers, insultants, agressifs? Ils pouvaient aussi rester polis et modérés, mais pourquoi se priver quand il ne s?agit que d?un jeu de mots autour d?une table? A l?issue de l?exercice, après lecture des textes, ils ont tous exprimés que ça leur « avait fait du bien », qu?ils s?étaient « lâchés » (je confirme...). Marie m?a dit « la prochaine fois que je verrai Mme X., au lieu de me recroqueviller sur ma rage, de penser à ce que j?ai écrit aujourd?hui sur elle me donnera envie de rire »? Gagné!
Ghislaine, en séance d'atelier d'écriture
L?écriture est une trace, elle n?est pas réservée aux écrivains patentés! Traces de vie, traces de chemins parcourus, imprévu au détour d?un mot, d?un souvenir, elle nous promène là où on veut bien se laisser mener. Elle permet depuis la nuit des temps la transmission
des savoirs, des histoires, des croyances. « Mon grand-père disait toujours que son grand-oncle ? ». Ainsi se poursuit le tricotage de bribes de mémoire individuelle mais indispensables au devenir collectif. Les « je me souviens? » de Georges Perec, fragments de son passé, dessinent, tel un tableau pointilliste son histoire d?homme relié à une époque et aux autres.
"ÉCRIREDÉLIVREDESMOTSQUINOUSÉTOUFFENT
ENLESPROJETANTDANSLERÉEL"
Écrire, c?est partir à l?aventure sur un terrain de jeu et du JE. Mais sur ce plateau qu?est le papier ou l?écran, il n?y a pas de règle, il n?y a pas de bons ou de mauvais, pas de gagnants ni de perdants. Il y a de l?émotion, de l?imaginaire, de la créativité, du désir. Écrire délivre (? des livres) des mots qui nous étouffent en les projetant dans le réel. « L?écrit, ça arrive comme le vent, c?est nu, c?est de l?encre, c?est l?écrit, et ça passe comme rien d?autre ne passe dans la vie, rien de plus, sauf elle, la vie. » Marguerite Duras, Écrire, Gallimard, 1993, p.65.
C'est sur un post-it commercial que Patrick s'adonne à l'écriture. Les moments sont rares où il peut se poser. Sans abri, autant qu'il peut, il écrit sur des supports de fortune les mots, les idées, les rimes qui emplissent sa tête. A-t-il été écrivain dans une autre vie? En tout cas, il croit au destin, il croit en ses signes quant il les croisent. Patrick a longtemps hésité avant de laisser ses mots publics. Et il y a bien d'autres choses dont il est capable. La volonté est là, nous en sommes assurés et peut-être le retrouverons nous au hasard du destin , de son destin. Voici le manuscrit de ce poême sublimé par la très belle écriture de Patrick.
NOTRE MISSION A LA GRÂCE DE DIEU ENSEMBLE NOUS ALLONS FRANCHIR LES FRONTIÈRES ENSEMBLE NOUS ALLONS BRISER LES BARRIÈRES ENSEMBLE NOUS ALLONS TRAVERSER LES RIVIÈRES ENSEMBLE NOUS CONSTRUIRONS UN MONDE MEILLEUR SUR LA TERRE ENTIÈRE.
PATRICK LUBIN NEW YORK CITY
2016
Carol i ne l a sol ai re
portrait
Caroline, c'est un doux mélange de l'Asie et de l'Amérique du Sud. Un charme indéniable vous surprend à l'écouter peut-être est-ce son délicieux accent. Caroline n'est pas française mais est parfaitement francophone. Son papa est Chinois devenu américain et sa maman est Brésilienne, Mais ne cherchons pas ses origines, nous nous y perdrions, c'est dans sa quête personnelle que nous comprendrons le mieux Caroline. Très tôt, à 6 mois, elle quitte son Brésil natal pour rejoindre son père en Chine d'où elle repartira 6 mois après. Premier voyage annonciateur de bien d'autres des années après. En effet, adulte, elle décide de rejoindre de nouveau son père installé par la suite aux E-U. Elle y restera 1 an dans le quartier du Bronx. Elle y reviendra encore après le décès de ce dernier pour retrouver un peu des traces d'elle-même, de cette famille, du coté de son père, qu'elle connaît si peu. Cependant c'est en France qu'elle part vivre 3 ans dans le cadre de ses études de beaux arts. Sans la moindre notion de français, elle met tout son talent à apprendre le Français, à apprécier la culture, ce Paris, ville de culture, qu'elle chère tant. Diplôme en poche, elle peaufine ses acquis à Saint-Pétersbourg pendant quelques mois. Et voilà que nous nous surprenons à admirer cette quête de la beauté, cette quête de la perfection qui se retrouve dans le métier de Copiste qu'elle a choisi d'embrasser pour être au plus proche de l'artiste, tout comme elle cherche à être au plus proche de la personne à qui elle parle.
Caroline Pires- Ting au M usée du L ouvre
Et c'est sans doute cela qui explique le magnétisme de Caroline. A l'égal de ses multiples origines et de sa double nationnalité (Brésilienne et Américaine) Caroline voyage à travers les pays, les langues, les cultures, sans cesse en mouvement, mais sans jamais être déracinée.
Fil d'entretien Cette goutte de peinture, ce trait de pinceau ou ces mots qui dansent sur le papier ne sont pas là pour être regardés, pour être entendu, ou pour affronter la critique d'un public mais ont une autre portée: celle d'exprimer, de libérer une émotion. Quand les mots ne se conjuguent plus face à des émotions trop fortes, face à l'insupportable, un vide s'installe, un manque que rien ne comble, et cette impossibilité de communiquer se transforme en souffrance. Alors d'autres voix s'ouvrent. Certains s'y sont lancés suite à un drame : les émotions toutes en douceurs ou en violences trouvent leur chemin dans les ombres et lumières d'un tableau, dans les rythmes et les courbures d'un poème. Certains s'y sont lancés face à un quotidien où le désespoir et la désespérance se côtoient: l'écriture laisse échapper les rages et les peurs mais elle ouvre aussi les portes d'un avenir rêvé, d'un ailleurs au goût de meilleur. Ce n'est ni la beauté, ni la justesse qui sont recherchées, c'est ailleurs, dans un apaisement, une sorte de paix intérieure. Croisés au hasard des rencontres, ces rescapés de la vie se transforment, vous parlent dans une autre langue. Le message parfois affleure juste à la conscience ou parle uniquement à l'inconscient, parfois il reste obscurément caché mais provoque une émotion. Et c'est sans doute là que réside toute la force de ces nouvelles voix: faire comprendre, faire émotionner sans parler. C.B.
LESCHEMINS DETRAVERSE A savourer
A savoir
Amuse-Bouche
Accents Francophones NYC
La langue qui met l'eau à la bouche, "Amuse-Bouche" ou comment expliquer nos succulentes expressions à nos amis américains
L'association Accents Francophones NYC propose des ateliers d'écriture en Français, mais pas que ça. C'est un rendez-vous donné à tous les amoureux de leur langue - le français- sur New York.
"THEFIRSTOFASERIESOFHUMOROUSMOUTHFULSONTHEPERPLEXITIESOFFRENCH LANGUAGEANDBEHAVIORBYAFORMERNEWYORKERLIVINGINFRANCE". http:/ / www.juliafreyauthor.com/ blog/
http:/ / www.accents-francophones-nyc.org/
àbientôt