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Fabriqué à Oaxaca
from Départ Volume 4 2023
by Ensemble
Comment un studio moderne entrecroise histoire, culture, gens et lieu dans chaque œuvre confectionnée à la main.
Par Sydney Loney | Photos par Adrian Morris
Javier Reyes est arrivé au Mexique en 2017. Sans amis, sans famille et sans pécule, le créateur né en République dominicaine n’avait que l’esquisse d’un projet : trouver des artisans qui créaient des œuvres enracinées dans leur histoire et culture. Dans son rêve, ces artisans s’associeraient avec lui, intégreraient ses designs dans leurs œuvres, et joueraient avec les techniques apprises dès l’enfance. Le résultat serait apprécié des gens qui cherchent de l’artisanat unique. Javier a trouvé son bonheur à Oaxaca.
Oaxaca, un état montagneux du sud du Mexique à l’histoire et à la culture millénaires, était habité par les Aztèques avant d’être conquis par les Espagnols dans les années 1500. C’est l’une des régions les plus culturellement diversifiées du Mexique, où vivent au moins 16 groupes autochtones qui ont préservé leurs dialectes, coutumes et traditions. « J’ai trouvé la ville si belle, si unique », raconte Javier. « Je voyais partout des gens confectionner des choses exceptionnelles, et chaque communauté zapotèque se consacrait à une technique et à un matériau traditionnels différents. Je ne savais plus où donner de la tête devant tant d’inspiration. »
Javier est allé de communauté en communauté pour expliquer son idée, et beaucoup d’artisans l’ont bien reçue.
Javier tenait à l’idée de partenariat. Il ne voulait pas créer une marque ou se mettre en valeur en tant que « créateur ». Le nom de son studio à Oaxaca, « rrres », vient donc du mot catalan « res », « rien », et Javier a ajouté quelques « r » pour faire bonne mesure. « Les gens ignorent comment le prononcer, et c’est le but : oubliez le nom, sans importance », explique Javier.
Ce qui compte, ajoute-t-il, c’est que les gens comprennent la nature collaborative du travail, ainsi que l’histoire et la culture des personnes en coulisse. Chaque pièce en coton, en laine, en argile ou en feuille de palmier est fabriquée à la main pour rrres par des artisans zapotèques, et accompagnée d’une carte portant la mention « fait à la main, fait par l’histoire », ainsi que de notes expliquant la tradition culturelle derrière la technique. « Nous voulions créer un lien narratif pour présenter l’Amérique latine sans clichés romancés : c’est une vraie culture qui doit être préservée », explique Javier.
Pour les artisans partenaires, garder les techniques transmises de génération en génération est essentiel afin de subvenir aux besoins des familles et assurer la survie des communautés. Oswaldo López Gonzales et sa femme Esmirna Martínez Pedro tissent des tapis en laine dans leur atelier chez eux, à Teotitlán del Valle, un village niché dans les contreforts de la Sierra Juárez, à 30 kilomètres d’Oaxaca. « Nous devons préserver le tissage de tapis, car c’est notre seule source de revenus », souligne Oswaldo. « Nous en dépendons, et l’économie de Teotitlán aussi. »
Les enfants apprennent à tisser dès qu’ils peuvent atteindre le métier. « J’ai commencé à 11 ans avec ma mère », raconte Esmirna.
« Comme beaucoup, j’ai commencé par une technique facile avec du ruban. Puis je suis passée aux motifs géométriques avec du fil, et j’ai perfectionné la technique en ajoutant des motifs et des couleurs. »
Avant de rejoindre le studio rrres, Oswaldo et Esmirna passaient souvent une semaine ou deux dans d’autres États pour vendre leurs tapis lors d’expositions. « Aujourd’hui, nous travaillons à la maison sans chercher où vendre nos tapis », note Oswaldo. « C’est bien, nous pouvons passer plus de temps avec nos enfants. »
Le projet est un succès : Oswaldo et Esmirna n’avaient qu’un métier à tisser, ils en ont maintenant 10. Mais, il a fallu de la patience. Javier a adapté ses designs, les artisans ont adapté leurs techniques. « Nous repoussons les limites », avoue Javier.
À Teotitlán, les tapis étaient toujours carrés ou rectangulaires; aujourd’hui, ils sont ovales, circulaires et même hexagonaux. « Nous avons appris des techniques que nous partageons avec d’autres générations et membres de la communauté », explique Esmirna.
Confectionner un tapis peut prendre entre 25 et 40 jours selon la taille et le motif. Esmirna adore admirer la belle pile colorée sur le plancher. « Tout le monde n’a pas le don de tisser ce type de tapis », conclut Oswaldo. « Et pouvoir y mettre un peu de notre culture est une satisfaction. »
Où faire ses courses
Oaxaca offre de beaux marchés dans chaque quartier, explique Javier. Il aime le Mercado de Abastos (« un marché gigantesque ») et Tlacolula, un marché dominical pour les artisans locaux.
Où séjourner
Le Selina Oaxaca est au cœur de la ville historique avec sa façade rose. Suivez un cours de bien-être, reposez-vous dans un hamac ou dansez sur le toit-terrasse.
Où manger
Javier recommande les stands de tortillas de maïs et les petits restaurants avec des plats et méthodes de cuisson du coin, plus différents types de moles.