BTP I SERVICE I COMMERCE & ARTISANAT I INDUSTRIE I INTERIM
Audition et travail :
ENTENDRE POUR MIEUX S’ENTENDRE ! Vos droits, vos devoirs :
Complémentaire santé obligatoire p8
Zoom sur :
Artisans du bâtiment p24
p11
Danièle Vanberkel :
Evolution de la santé au travail p27
N°30
2ème Trimestre 2015 www.entrepriseetsante.fr
SOMMAIRE
N°30 • 2ème Trimestre 2015
VRAI OU FAUX ?
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BRÈVES
EN DIRECT :
Chez SIEREM, les machines de conditionnement naissent en toute sécurité ! HALTON : la santé au travail en mode projet ! SELECT DISTRIBUTION : oui au e-Learning en santé au travail ! VOS DROITS, VOS DEVOIRS :
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Salariés du privé : complémentaire santé obligatoire au 1er janvier 2016 !
p09
ERGONOMIE & ORGANISATION :
p10
VOTRE SANTÉ, VOTRE EMPLOI :
Columbia et « l’éveil neuro-musculaire »
Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé
DOSSIER p.11 à 22
Audition et travail: Entendre pour mieux s’entendre ! - Interview: Dr Vincent LOCHE - Son, bruit et audition: les sons...et l’absence de son...me font de l’effet ! - Points de vue du Dr Sylvie GRESSIER et Luigi GRISONI - A « LA CRÉQUOISE », le suivi de santé valide les investissements - CIMENTS RENFORCÉS INDUSTRIES: la lutte contre le bruit, un travail de longue haleine ! - Surdité professionnelle: chaque année, 100 000 x 1 000 = 100 millions d’euros !
Fiche détachable Audition et travail MAITRISER L’EXPOSITION AUX BRUITS
ZOOM SUR :
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Cambraisis. Artisans du bâtiment : bénéficiez d’une consultation spécialisée en santé au travail ! ENVIRONNEMENT & TECHNIQUE :
Travaux publics et exposition au bruit INTERVIEW :
Danièle Vanberkel AUX ALENTOURS :
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ARIAS Nord-Pas-de-Calais : Prévenir la pénibilité pour développer le bien-être ! ACTU :
Votre agenda
Entreprise & Santé • 2ème Trimestre 2015 • N°30 • www.entrepriseetsante.fr
ÉDITO
Boulogne - Le Touquet), CRI-CIMENTS RENFORCES (p. 19) avec l’ASTAV (Santé au Travail de Valenciennes).
Hervé Delpierre Le titre de notre dossier central parle de lui-même : « Entendre pour mieux s’entendre ». Les troubles de l’audition peuvent entraîner des troubles de la relation entre collègues de travail. Les acouphènes concernent 10 % de la population. Merci à Vincent Loche, ORL, de nous faire part de son expérience (p. 12, 13, 14). Son interview est complétée par le point de vue du docteur Sylvie Gressier (p. 16), médecin du travail au CEDEST (Santé au Travail de Dunkerque) et Luigi Grisoni (p. 17), ingénieur sécurité et référent bruit à l’ASMIS (Santé au travail d’Amiens). Trois entreprises témoignent : LA CREQUOISE (p. 18) et EUROVIA (p. 26) avec l’ASTIL 62 (Santé au Travail de Calais-
Un salarié du CENTRE OSCAR LAMBRET de Lille nous décrit avec émotion comment il a pu bénéficier d’un accompagnement adapté et salvateur, face à l’apparition progressive d’acouphènes et d’une perte d’audition, grâce à son médecin du travail de PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord (p. 10). Le bénéfice d’une collaboration suivie et soutenue avec son service de santé au travail est mis en avant par deux entreprises : SIEREM (p. 5) avec le SIMUP (Santé au Travail de la Vallée de la Lys) et HALTON (p. 6) avec l’AST 59-62 (Santé au Travail d’Arras-Béthune-Hénin-Lens). Une TPE, SELECT DISTRIBUTION, nous explique comment l’utilisation d’un « e-Learning en santé au travail », mis en place par PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord, lui est efficace (p. 7). Les artisans et commerçants sont souvent exposés aux mêmes risques que leur(s) salarié(s), sans bénéficier
vous proposent le magazine :
N°30 • 2ème trimestre 2015 Numéro diffusé gracieusement aux entreprises des services adhérents
Contact : entrepriseetsante@nordnet.fr Les éditions de l’encre vive Tél. 03.20.14.07.77 Fax : 03.20.14.06.16 Directeur de publication : Hervé Delpierre Comité de rédaction : Alain Cuisse, Francine Lemonnier, Louis-Marie Hardy, Dr Alain Moniez Conception et Responsable de rédaction : Dr Matthieu Méreau Méthodes et Médiation - Lille
d’un suivi de santé au travail. Une convention expérimentale, signée entre le RSI (Régime Social des Indépendants) et différents services de santé au travail du Nord-Pas-de-Calais, leur permet de consulter un médecin du travail. L’AISMT (Santé au Travail de Cambrai) a été le premier service à signer cette convention (p. 24,25). Il y a 35 ans, Danièle Vanberkel est entrée à l’Institut de Santé au Travail du Nord de la France (ISTNF). Elle s’est retrouvée au cœur du passage de la Médecine du travail à la Santé au Travail (Interview, p. 27, 28, 29). La couverture complémentaire santé de ses salariés est obligatoire pour toute entreprise, quelles que soient sa taille et son activité au plus tard le 1er janvier 2016 (p. 8). Ne l’oublions pas ! Bonne lecture ! Hervé Delpierre Directeur de publication pour les Services de Santé au Travail
AISMT - Association Interprofessionnelle des Services Médicaux du Travail - 1461 avenue du Cateau place Santos Dumont CS 50182 - 59404 Cambrai Tél. 03.27.72.63.63 www.aismtcai.com ASMIS - Association Santé et Médecine Interentreprises du département de la Somme 77, rue Debaussaux CS 60132 80001 Amiens Cedex 1 Tél. 03.22.54.58.00 www.asmis.net AST 62-59 - Association Santé Travail 62-59 6, rue de la Symphorine Parc des Bonnettes - CS 60503 62008 Arras Cedex Tél. 03.21.15.12.32 www.ast6259.fr ASTAV - Association de Santé au Travail de l’Arrondissement de Valenciennes 1, avenue de l’Europe 59880 SAINT SAULVE Tél. 03.27.46.19.24 www.astav.fr ASTIL 62 - Association Santé Travail Interentreprises du Littoral 430 boulevard du Parc BP 94 62903 Coquelles Cedex Tél. 03.21.85.51.85 www.astil62.fr
Rédaction : Matthieu Méreau Secrétariat de rédaction : Nathanaëlle Debaene Création et mise en page : Graphic Design Solutions www.gdsgroup.fr Crédit photos : P5 : SIEREM, P6 : HALTON, P7 : SELECT DISTRIBUTION, P9 : COLUMBIA, P10 : Mr GELOEN, CENTRE OSCAR LAMBRET, P16 : Dr GRESSIER, CEDEST, P17 : Mr GRISONI, ASMIS, P18 : LA CREQUOISE, P19 : CIMENTS RENFORCÉS INDUSTRIELS, P26 : EUROVIA, P27 : ISTNF, P31 : MISSION LOCALE DES RIVES DE L’AA et de LA COLME.
Coordination, Fabrication, Diffusion : Les éditions de l’encre vive 71 boulevard Montebello - 59000 Lille Tél. 03.20.14.07.77 Fax : 03.20.14.06.16 Régie publicitaire : Entreprise et Santé - Matthieu Méreau, Nathanaëlle Debaene Tél. 03.20.14.07.77 Fax : 03.20.14.06.16 Impression : Imprimerie Léonce Deprez - Ruitz Dépôt légal à parution N°ISSN en cours
CEDEST - Centre pour le Développement Santé au Travail 4/10, rue Albert Thomas 59210 Coudekerque-Branche Tél. 03.28.24.98.98 www.cedest.net MTA - Médecine du Travail de l’Aisne rue Théodore Monod - Z.A. Bois de la Chocque 02100 Saint-Quentin Tél. 03.23.62.52.48 www.mt02.org PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord 118, rue Solférino - Lille BP 1365 59015 Lille Cedex Tél. 03.20.12.83.00 www.polesantetravail.fr SIMUP - Service Interprofessionnel de Médecine du Travail des Unions Patronales d’Halluin, Wervicq et Comines (Vallée de la Lys) 22 rue de Lille BP 40018 - 59431 Halluin Cedex TÉL. 03.20.94.12.54 www.simup.fr STSA - Santé Travail Sambre Avesnois 24, Rue Romain Duchateau 59720 LOUVROIL Tél : 03.27.53.31.34 www.sante-travail-sa.fr
Tirage : 99 000 exemplaires Édité par :
Groupement Inter Services Santé Et Travail 40 bis allée du Bénélux Zone Artoipole 62060 Arras Cedex 9 Tél. 03.21.22.28.21
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BRÈVES
Plan National Santé Travail 2015 - 2019 LA QUALITÉ DE VIE AU TRAVAIL, FACTEUR DE PERFORMANCE ÉCONOMIQUE Le 3ème Plan National de Santé au Travail résulte d’un travail de concertation avec les partenaires sociaux, sous l’égide du Ministère du travail. Ses orientations définissent des priorités partagées entre les différents partenaires publics, notamment l’Etat et l’Assurance Maladie. La prévention de l’usure professionnelle et du risque de désinsertion professionnelle pour raison de santé font l’objet d’une attention toute particulière. Pour Yves Struillou, directeur général du travail au Ministère chargé du travail : « Le travail n’est pas que pathogène : c’est aussi un vecteur d’identité et de valorisation personnelle et collective. C’est pourquoi les travaux sur la qualité de vie au travail notamment doivent être pris en compte par l’ensemble des partenaires sociaux et institutionnels dans les temps à venir ». Source : Institut National de Recherche et Sécurité, Réalité Prévention, n°46 – mars 2015 Risques Psychosociaux VERS UNE RECONNAISSANCE DU « BURN-OUT » EN MALADIE PROFESSIONNELLE ? Le terme « burn-out » est utilisé pour décrire un état d’épuisement d’origine professionnelle. Philippe Bas, sénateur de la Manche, souligne son importance dans une question écrite publiée au JO du Sénat le 31 07 2014 : « Le risque de burn-out est particulièrement élevé chez les agriculteurs (23,5 %), devant les artisans, commerçants et chefs d’entreprise (19,7 %) et les cadres (19 %). Viennent ensuite les ouvriers (13,2 %), les professions intermédiaires (9,8 %) et les employés (6,8 %) ». Contrairement à plusieurs pays européens, la législation française ne le reconnait pas explicitement. Dans sa réponse publiée au JO du Sénat le 7 mars 2015, le Ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social confirme que le burn-out n’est pas « actuellement reconnu comme une pathologie en tant que telle, au sens des classifications médicales de référence ». Il précise que des travaux « sont en cours entre les partenaires sociaux au sein de la commission des pathologies professionnelles du conseil d’orientation sur les conditions de travail, le COCT, pour élaborer des typologies médicales et des recommandations permettant le cas échéant, de faciliter la reconnaissance du burn-out au niveau du système dit « complémentaire ». Source : senat.fr Organisation Internationale du Travail MAUVAISES PRATIQUES EN SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL = 4 % DU PIB ! Selon l’Organisation Internationale du Travail, toutes les 15 secondes, un travailleur meurt d’un accident ou d’une maladie lié au travail et 153 travailleurs sont victimes d’un accident lié au travail. Le coût humain de cette menace quotidienne est considérable et on estime que le fardeau économique des mauvaises pratiques de sécurité et santé au travail représente, tous les ans, 4 pour cent du produit intérieur brut. Le Programme de la sécurité et la santé au travail et de l’environnement du Bureau International du Travail vise à sensibiliser, à l’échelle mondiale, aux dimensions et conséquences des accidents, lésions et maladies liés au travail. L’objectif de « SafeWork » est de faire de la sécurité et de la santé de tous les travailleurs une grande cause internationale et de stimuler et soutenir les actions concrètes à tous les niveaux : « Un travail décent est un travail sûr ». Le 28 avril est déclarée « Safeday », Journée Mondiale de la Sécurité et de la Santé au travail. Source : ilo.org
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VRAI OU FAUX
Informer les salariés aux risques professionnels de l’entreprise est une obligation. Pour une TPE, le e-learning en santé au travail est très appréciable : gains de temps et d’efficacité. Réponse « En direct » page 7.
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VRAI OU FAUX
Les acouphènes concernent 10 % de la population. Réponse « Dossier » pages 12, 13, 14.
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VRAI OU FAUX
Les artisans, notamment dans le BTP, sont soumis aux mêmes risques que leurs salariés. Dans le Nord-Pas-de-Calais, une convention signée entre les services de santé au travail et le RSI (Régime Social des Indépendants) leur permet de bénéficier d’une visite auprès d’un médecin du travail. Réponse « Zoom sur…» pages 24-25
EN DIRECT
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Il est important de mettre à l’honneur une entreprise qui participe au respect de la sécurité et de la santé des salariés Patrick Vandamme, président du SIMUP
Les machines produites chez SIEREM, à Comines, sont installées et mises en route partout dans le monde… Du 100 % exportation ! « En permanence, nous nous adaptons à la demande de nos clients, partout dans le monde. C’est notre force », nous dit Grégory Lamarcq, responsable du site. « Notre priorité, c’est le carnet de commande. Avec le SIMUP, notre service de santé au travail, nous avons développé au fil des ans une collaboration permanente. Pour une petite entreprise, c’est essentiel d’avoir un partenariat fiable et continu pour anticiper les questions de sécurité et de santé au travail. D’autant que les normes et la réglementation évoluent sans cesse. Sans cela, comment ferait-on ? ».
Le trophée « Prévention » « Ce trophée n’est pas anodin pour nous. C’est une forme de reconnaissance, qui concerne tous nos collaborateurs » précise Grégory Lamarcq. SIEREM a en effet reçu le trophée de la prévention 2015, remis par le SIMUP, à l’occasion
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SIEREM Constructeur de machines 25 salariés Grégory LAMARCQ, Engineering manager COMINES SANTÉ AU TRAVAIL DE LA VALLÉE DE LA LYS (SIMUP)
Plan d’action annuel
Chez SIEREM, les machines de conditionnement naissent en toute sécurité ! SIEREM (devenue Optima Packaging France depuis le 26 décembre 2014) est une référence mondiale dans la mise en œuvre de solutions « sur mesure » pour les projets industriels de machines de conditionnement automatique. Les 25 salariés du site de Comines assurent la conception (mécanique, électrique et électronique, développement et programmation informatique), la fabrication (bâtis, tôlerie, soudage et mécano-soudage, peinture), l’assemblage (mécanique, électrique, informatique), l’expédition et la mise en route. Les clients sont exigeants : secteurs hygiène, alimentaire, pharmaceutique, parapharmacie, cosmétique, chimie et filtration. Les machines de conditionnement de SIEREM ou du groupe OPTIMA savent tout emballer, en stérile ou non stérile : pilules ou comprimés, poudres, liquides, lingettes, couches, etc. et s’adaptent en fonction de la demande du client. des vœux de nouvelle année. En remettant ce trophée, Patrick Vandamme, président du SIMUP, souligne : « D’une manière générale, le rôle d’un service de santé au travail n’est pas toujours bien connu de l’entreprise qui nous perçoit encore souvent comme une obligation contraignante plutôt que comme un partenaire. Voilà pourquoi, il est important de mettre à l’honneur une entreprise qui participe au respect de la sécurité et de la santé des salariés et qui a su développer avec le SIMUP un véritable partenariat gagnant / gagnant ! ».
Toujours aller de l’avant ! Thomas Blanquin est Intervenant en Prévention des Risques Professionnels (IPRP) au sein du SIMUP. Il intervient chez SIEREM, en liaison étroite avec le docteur Françoise Flament, médecin du travail qui suit l’entreprise. « L’entreprise établit un plan d’action annuel, sur la base de l’évaluation des risques, colligés dans son DUER1 . Après évaluation du risque chimique en 2014, elle travaille à mettre aux normes sa cabine
de peinture et substituer des produits dangereux par d’autres de moindre nocivité. En ce début d’année 2015, elle dépose une demande de Contrat de prévention auprès de la CARSAT, pour améliorer l’aspiration des fumées de soudage2 et mettre en place une table ergonomique pour les soudeurs. Ce ne sont que quelques exemples d’actions». Grégory Lamarcq conclut : « Avec le SIMUP, nous travaillons en toute quiétude. C’est comme cela que nous progressons chaque jour… ».
POUR EN SAVOIR PLUS flashez ce code >
www.entrepriseetsante.fr 1. Document Unique d’Évaluation des Risques. 2. Les fumées de soudage sont reconnues potentiellement CMR (Cancérogènes, Mutagènes et toxiques pour la Reproduction).
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HALTON Climatisation intérieure 70 salariés Mickaël BOITEL Responsable de production BETHUNE SANTE AU TRAVAIL D’ARRASBETHUNE-HENIN-LENS (AST 62-59)
De la fiche d’entreprise au dialogue durable
HALTON : la santé au travail en mode projet avec l’AST 62-59 ! Hottes, extracteurs d’air et plafonds filtrants n’ont pas de secret pour les 70 salariés des établissements HALTON, à Béthune. En 2012, l’élaboration de la fiche d’entreprise par le docteur Florence Augait, médecin du travail et Baptiste Le Rioux, ingénieur HSE à l’AST 62-59, est l’amorce d’un dialogue constructif. Un plan d’actions de prévention se dessine. Pour l’entreprise, cet échange lui permet d’actualiser son Document Unique d’Évaluation des Risques. En 2013, Mickaël Boitel, responsable de production, et Damien Dubrulle, responsable d’atelier et secrétaire du CHSCT1 , suivent une formation sur la prévention de la pénibilité. La thématique du bruit est alors ciblée. La qualité des échanges entre les spécialistes de l’AST 62-59, les salariés et la direction d’HALTON ouvre vite d’autres horizons. Le docteur Florence Augait est le médecin du travail qui suit l’entreprise pour l’AST 6259 : « La confiance mutuelle est essentielle pour la réussite d’un projet de santé au travail au sein d’une entreprise. Chez Halton, au fur et à mesure des contacts, nous avons trouvé cette relation de confiance, tant avec les salariés, que l’encadrement et la direction ». Pour Mickaël Boitel : « Nous nous sentons épaulés et le personnel est étroitement associé à la démarche. En pratique, il faut que chacun puisse s’approprier le sujet abordé ». Au sein de l’atelier, 35 salariés sont concernés : assembleurs, câbleurs, soudeurs TIG, opérateurs sur machines (cisaillage, pointage, pliage), etc.
Recueillir les avis « Le bruit fait partie des risques auxquels on s’habitue » note Florence Augait. «Les casques de protection ou les bouchons d’oreille ne sont pas toujours portés. Il faut comprendre pourquoi ». Stagiaire en ergonomie chez HALTON, Grâce Oyane a conçu un questionnaire adapté à l’entreprise. Chaque salarié a pu lui confier son point de vue sur les Équipements 06
de Protection auditive Individuelle. Pour la Direction d’HALTON : « Cette intervention a été remarquable. Il est capital de connaître les attentes, les retours et les avis des salariés, poste par poste ».
Mesurer les niveaux d’exposition Baptiste Le Rioux est ingénieur HSE à l’AST 62-59 : « Des études des postes ont été réalisées pendant les mesurages de niveaux de bruit, par sonomètre ou dosimétrie. C’est nécessaire pour l’interprétation des résultats. Cela a aussi permis de mettre en avant d’autres projets de prévention : ergonomie sur différents postes, prévention vis-àvis des fumées de soudage. Une sensibilisation des salariés au risque lié à la soudure a été effectuée ». Technicienne à l’AST 62-59, Christelle Vinsot a réalisé, à la demande de l’entreprise, une cartographie de l’exposition au bruit.
Informer et échanger Puis, par groupe de huit à dix, les salariés ont été invités, à une réunion d’information et d’échanges. « A partir des résultats des mesurages, avec photos pour chaque situation de tra-
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La prévention prend vie si on part du vécu Florence Augait, Médecin du travail, AST 62-59
vail, chacun a pu s’identifier, prendre conscience de son exposition et échanger. En partant du vécu de chacun » nous précise Baptiste Le Rioux.
Un projet global « C’est un véritable travail d’équipe » précise Florence Augait. Et Baptiste Le Rioux d’ajouter : « Le plus intéressant, ce sont les échanges avec les managers et la direction et surtout la proximité avec les salariés pendant les sensibilisations et études sur le terrain, permettant la proposition d’actions qui construisent alors un projet global au sein duquel chacun s’implique ». Florence Augait conclut : « C’est pour eux que nous sommes là ».
POUR EN SAVOIR PLUS flashez ce code >
www.entrepriseetsante.fr 1 Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail.
EN DIRECT v Ser ice
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SELECT DISTRIBUTION Transport de marchandises 8 salariés Marianne LESOT, Assistante de direction LILLE
En un mot, c’est un « plus » ! Marianne Lesot,
Assistante de direction, SELECT DISTRIBUTION
PÔLE SANTÉ TRAVAIL MÉTROPOLE NORD
Information et sensibilisation
SELECT distribution : oui au e-Learning en santé au travail ! Avec huit salariés, SELECT Distribution s’est positionné sur le transport express de marchandises. L’entreprise prend en charge tout colis, en dehors des matières dangereuses, sur la métropole lilloise et dans l’heure qui suit l’appel. De la simple lettre au chargement de 20 m3, ses trois chauffeurs font voyager votre colis en urgence dans toute la France! Adhérant à PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord, les salariés de SELECT Distribution peuvent bénéficier de modules d’e-Learning, qui permettent à chacun de faire le point sur des notions de base en santé et sécurité au travail. Gains de temps et d’efficacité pour chacun… Dans une TPE, c’est vital !
C’est en recevant un mail de PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord, son service de santé au travail, que SELECT Distribution l’a appris : des modules de sensibilisation et d’information lui sont accessibles par internet. Huit thèmes sont actuellement abordés : évaluation des risques, bruit, risque chimique, manutention manuelle de charges, risque TMS (Postures et gestes), risques psychosociaux, risques routier, gérer la sous-traitance. Comme présenté dans notre dernier numéro d’Entreprise & Santé, ces modules à caractère ludique et accessible, ont été développés par l’AFOMETRA1 , au niveau national. Rappelons que l’information et la formation des salariés vis-à-vis de la prévention des risques et la santé au travail sont des obligations légales et règlementaires, qui s’imposent quelles que soient la taille et l’activité de l’entreprise.
A chacun son rythme Marianne Lesot est assistante de direction à SELECT Distribution, dont la direction est assurée par Peter Da Graca. « J’ai rapidement
compris l’intérêt de ces modules de sensibilisation. C’est simple. J’ai inscrit sur internet, sur le site de PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord, l’entreprise avec son numéro d’adhérent. Puis j’ai inscrit chaque salarié, en fonction des thèmes qui les intéressaient. Puis chacun a suivi ses modules, à son rythme. L’intérêt majeur est là : vous suivez le module quand vous voulez, là où vous êtes, en vous connectant avec les identifiants reçus ».
Une attestation de suivi Au terme de chaque module, des questionsréponses permettent en temps réel de valider les acquis. Si les résultats sont corrects, une attestation de suivi nominative est alors délivrée. Cette attestation participe aux informations légales que l’entreprise doit produire, en matière de sensibilisation de ses salariés. Marianne Lesot précise : « Ces modules nous rendent vraiment service : ils nous rendent possible une obligation utile, mais impossible à réaliser s’il fallait prendre une ou plusieurs journées en fermant l’entreprise. » En outre, des informations complémentaires peuvent être demandées au docteur Dominique
Fourmaintraux, médecin du travail qui suit l’entreprise.
Accessible à chacun « Le plus étonnant est le caractère ludique. C’est agréable à suivre. On apprend sans ennui. Avec des notions très pragmatiques et concrètes. Moimême, j’ai suivi plusieurs modules : évaluation des risques, risques psychosociaux, gestion de la sous-traitance en toute sécurité. C’est très positif, non contraignant. En plus c’est informatif. En un mot : c’est un « plus » ! » Notons que ces modules sont suivis autant par des salariés que des employeurs.
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www.entrepriseetsante.fr 1 Association pour la Formation dans les Services de Médecine du Travail.
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VOS DROITS VOS DEVOIRS
Prise en charge des soins
Salariés du privé : complémentaire santé obligatoire au 1er janvier 2016 ! Toute entreprise privée, quelles que soient sa taille ou son activité, doit avoir proposé et affilié son (ou ses) salarié(s) à une complémentaire santé avant le 1er janvier 2016 au plus tard. Ceci, en application de la loi 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, qui fait suite à l’Accord National Interprofessionnel en date du 11 janvier 2013. Chaque salarié du privé aura donc, dès janvier 2016, le régime obligatoire de la Sécurité Sociale et une complémentaire choisie par son entreprise pour le remboursement des soins, en cas de maladie ou d’accident. Chaque entreprise prendra en charge 50 % du coût de cette complémentaire, sur la base du contrat collectif signé avec la compagnie choisie, en accord avec le (ou les) salarié(s).
L’enjeu de fond en est la généralisation de la couverture complémentaire santé à l’ensemble de la population. Le coût de cette complémentaire « d’entreprise » est réparti entre le salarié et son entreprise, pour moitié chacun. Le prélèvement s’effectue à la source et figurera sur la fiche de paye. Pour le salarié, la part de cotisation à sa charge est considérée comme étant partie intégrante de son revenu imposable. Echanger et dialoguer avec son (ou ses) salarié(s) est essentiel pour le choix des garanties couvertes, du contrat et de la société (mutuelle, organisme de prévoyance, assurance privée). Les garanties minimales couvertes L’employeur doit affilier à une complémentaire santé les salariés qui n’en bénéficient pas déjà, au plus tard au 1er janvier 2016. Quel que soit le statut du salarié, des garanties minimales doivent être couvertes par la complémentaire santé collective en application du décret du 10 septembre 2014 :
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- 1 00 % du ticket modérateur pour les consultations, actes et prestations remboursées par l’Assurance Maladie obligatoire ; - 100 % du forfait journalier hospitalier sans limitation de durée ; - 125 % de la base de remboursement des soins de prothèses dentaires et d’orthodontie ; - forfait minimum d’équipement optique par période de deux ans de 100 € pour les corrections simples, 150 € pour une correction mixte simple ou complexe, 200 € pour les corrections complexes. ; la période de 2 ans est réduite à un an pour les mineurs ou en cas d’évolution de la vue. Une entreprise peut souscrite un contrat collectif qui va au-delà de ces garanties minimales. Accord de branche ou pas ? Des négociations ont eu lieu entre partenaires sociaux, branche professionnelle par branche professionnelle, depuis le 1er juin 2013. En
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application du décret 2015-13 du 8 janvier 2015, votre branche professionnelle peut recommander des organismes assureurs et les contrats types. Si votre entreprise dépend d’une convention collective, la couverture complémentaire santé collective doit être conforme à l’accord de branche. Si votre entreprise ne dépend pas d’une convention collective, il est négocié un accord d’entreprise. En cas d’absence de cet accord, l’employeur peut prendre une décision unilatérale, qui doit couvrir au moins les garanties minimales présentées ci-dessus. En cas de décision unilatérale, les salariés correspondant à certaines conditions peuvent demander à être dispensés de l’obligation d’affiliation, en application du décret du 8 septembre 2014.
ERGONOMIE EN DIRECT & ORGANISATION
> Distribution logistique
Columbia et « l’éveil neuromusculaire »
Implanté en 2002, dans la Zone d’activités ACTIPOLE à RaillencourtSainte-Olle, COLUMBIA Sportswear Distribution est un centre de distribution logistique « High Tech », de 56 000 m² couverts. 112 salariés permettent ainsi l’expédition de vêtements de sports et de loisirs vers l’Europe, le Moyen Orient et l’Afrique. De la réception des marchandises à l’expédition, les manutentions sont au rendezvous. Nous sommes dans les métiers de la logistique. Préparateurs de commandes et caristes travaillent avec le management de proximité. La prévention des TMS (Troubles Musculo-Squelettiques) est une préoccupation constante. A côté d’autres approches, telle la pratique du PRAP, l’éveil neuromusculaire fait partie intégrante du temps de travail, à raison de 8 à 10 minutes chaque matin, avant la prise de poste.
Guilaine Dheilly est directrice des ressources humaines : « J’ai pris mes fonctions avec la création de la plate-forme. J’ai donc recruté tout le monde, ici… Je connais chacun. En 2002, l’âge moyen était de 30 ans. Aujourd’hui, il est plus proche de 39 ans. Nous devons tout faire pour la prévention ». L’ergonomie est prise en compte. Les formations PRAP1 (Prévention des Risques liés à l’Activité Physique) ont lieu. « Chaque méthode a ses avantages et ses limites. Je suis toujours en recherche. C’est dans ce contexte que j’ai découvert les possibilités de l’éveil neuromusculaire ». L’entreprise est suivie par le docteur Michèle Thorez, médecin du travail du service de santé au travail de Cambrai (AISMT). Elle assiste au CHSCT. C’est après consultation de celui-ci et du Comité d’Entreprise et accord de la Direction que « l’éveil neuromusculaire » a fait son entrée dans l’organisation du travail.
Professionnelle, d’Accident du Travail et d’absentéisme. L’ensemble conduit à un baromètre santé qui sera refait en novembre 2015. Une comparaison permettra de tirer des conclusions.
Le Baromètre Santé La méthode fait l’objet d’une évaluation. Les salariés ont répondu à un questionnaire anonyme en octobre 2014. Les réponses sont analysées en relation avec les taux de Maladie
10 minutes sur le temps de travail « Attention : il ne s’agit pas d’échauffement » précise Guilaine Dheilly. « Sur le temps de travail, chaque salarié dispose de 10 minutes en début de poste pour réaliser les exercices proposés
Animateurs et exercices matinaux « Sur la base du volontariat, une dizaine de salariés ont été formés, avec, à la clé, une attestation. Ils constituent des animateurs de proximité pour la mis en œuvre de méthode » poursuit Guilaine Dheilly. « Les volontaires étaient nombreux alors qu’il n’existe aucun avantage particulier à devenir animateur, seule l’envie les a motivés… ». En novembre 2014, ils ont été formés à la dispense d’une première série d’exercices. En février 2015, une deuxième série. En juin 2015, une troisième série. « On dispose ainsi d’une panoplie variée d’exercices, adaptables aux différentes situations de travail ».
par le coach. Ce sont des moments de convivialité, qui associent détente et préparation à l’activité, tout en renforçant la cohésion d’équipe ». A noter que dans les bureaux, les salariés peuvent remplacer leur siège de travail par de gros ballons de maintien (swiss balls). Décidément, les innovations ont leur place à Columbia !
COLUMBIA SPORTSWEAR DISTRIBUTION, distribution logistique 112 salariés Guilaine DHEILLY, Directrice des ressources humaines RAILLENCOURT-SAINTE-OLLE SANTE AU TRAVAIL DE CAMBRAI (AISMT)
1. Anciennement dénommées « Gestes et Postures »
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VOTRE SANTÉ VOTRE EMPLOI
> Reconnaissance de la Qualité de travailleurs Handicapés
« Je peux réentendre le chant des oiseaux et le cliquetis de la souris de l’ordinateur »
« Ce qui m’est arrivé doit pouvoir être utile à d’autres. C’est pour cela que je témoigne ! ». Ancien moniteur d’équitation, Pascal Geloen est entré comme chauffeur au Centre Oscar Lambret à Lille, il y a plus de 35 ans. Après avoir été chef d’équipe au magasin, il est devenu responsable logistique. A partir de 2005, vertiges, acouphènes à type de sifflements, baisse progressive de l’audition entrent dans sa vie. « Au début, je n’osais pas en parler. Mais on finit par s’isoler. Ce n’est donc pas la solution. Et puis, j’ai rencontré les bonnes personnes au bon moment, des gens extraordinaires », nous dit Pascal Geloen. Son médecin du travail, le docteur Dominique Fourmaintraux, de PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord, est l’une de ces personnes.
« Pour Pascal Geloen, il devenait impossible d’animer des réunions ou d’assister à des formations. Les conséquences professionnelles étaient évidentes. Sa carrière professionnelle était en jeu. Il a bénéficié de traitements de pointe. De notre côté nous l’avons accompagné pour l’obtention de la Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé, dite RQTH. Il a alors pu bénéficier d’une aide financière, accordée par l’AGEFIPH , pour l’appareillage auditif et la prise en charge par une audioprothésiste spécialisée dans le traitement des acouphènes » résume le docteur Dominique Fourmaintraux. Le dossier de demande RQTH a été élaboré et suivi par Francine Plateel, assistante en santé au travail à PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord. Cette demande de reconnaissance est faite, le cas échéant, auprès de la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH). Un cap à franchir « Faire la demande de RQTH est un cap à franchir. Voir écrit noir sur blanc " travailleur
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handicapé ", ce n’est pas si facile, même si on n’a pas de complexe… Et le dossier à constituer n’est pas simple ! Heureusement, le docteur Fourmaintraux et madame Plateel m’ont convaincu et accompagné » précise Pascal Geloen. « Mon travail compte beaucoup pour moi… Il me devenait pénible ! C’était un comble ! Je n’entendais plus et ne savais plus me situer. Personne ne peut se rendre compte de ce que c’est ! ». Grâce à l’obtention de financements auprès de l’AGEFIPH, un traitement audioprothétique hautement spécialisé a pu être entrepris. La « redécouverte » professionnelle et personnelle ! Pascal Geloen poursuit : « J’ai été pris en charge par une audioprothésiste qui m’a consacré beaucoup de temps, car il me fallait retrouver l’audition et éliminer mes acouphènes… C’est un travail de fond. Nous y sommes arrivés. Et j’ai redécouvert ma vie professionnelle et personnelle ». Audioprothésiste au Laboratoire d’Audiologie Renard, Ophélie Lépingle
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témoigne : « Le premier temps est un travail personnalisé de désensibilisation aux acouphènes. C’est une thérapie sonore, basée sur l’émission de bruits blancs qui neutralisent les acouphènes. Puis, on peut passer à la mise au point de la correction auditive. Ce programme de soins peut durer de 3 mois à plus d’un an. Il faut plusieurs séances pour faire les réglages et surtout expliquer… ». Pascal Geloen a pu bénéficier d’un appareillage discret et combiné : émission simultanée de bruit blancs et correction auditive. CENTRE OSCAR LAMBRET, Centre de Lutte contre le Cancer Pascal GELOEN, Responsable logistique Ophélie LÉPINGLE, Audioprothésiste au Laboratoire d’Audiologie Renard
LILLE PÔLE SANTÉ TRAVAIL Métropole Nord 1 - Association de Gestion du Fonds pour l’Insertion Professionnelle des personnes handicapées.
Audition et travail
Entendre pour mieux s’entendre ! Les acouphènes et la perte d’audition font partie de la vie de nombre d’entre nous. Très souvent la personne concernée s’isole, car elle n’ose en parler. Les relations avec ses collègues de travail ou son entourage familial et social peuvent s’en trouver altérées… Pourtant, il y a des solutions. Par ailleurs, éviter l’exposition au bruit
en milieu de travail relève d’une règlementation très précise, d’investissements soutenus et réguliers et de comportements individuels et collectifs adaptés. Sur ces deux points, vous avez un interlocuteur privilégié qui peut vous apporter des conseils personnalisés : votre médecin du travail. Ce dossier central le prouve.
DOSSIER
Audition et travail
Vincent LOCHE Otorhinolaryngologiste (ORL), le docteur Vincent Loche a fait une communication scientifique très remarquée au 33ème Congrès National de Santé au Travail, en juin 2014, à Lille. Son titre : « Acouphènes et autres vulnérabilité aux bruits et travail ». En France, une personne sur 10 vit avec des acouphènes. C’est dire l’importance du problème. Un problème qui n’est pas sans solutions… C’est avec passion et simplicité que Vincent Loche a accepté de répondre aux questions d’Entreprise & Santé. Exerçant au sein de son cabinet à Arras, il travaille également au Centre Hospitalier de Lens en audiologie et au Centre Hospitalier et Universitaire de Lille, au service d’Otoneurologie, comme spécialiste des acouphènes.
Au travail, est-il important de dépister les troubles de l’audition ? VL : Oui. Sans aucun doute. L’audition a trois fonctions : la communication, l’alerte, le plaisir. Elles ont toutes les trois une implication au travail. Dès que nous entendons moins bien (on parle d’hypoacousie) des difficultés de compréhension de la parole peuvent apparaître pour communiquer, notamment s’il y a du bruit, ou bien au téléphone. Ceci nécessite donc une attention soutenue pour échanger avec les collègues et les clients. Se développent aussi parfois des moyens de suppléance : lecture sur les lèvres ou déduction mentale, mais une fatigue psychique peut ainsi apparaître au fil de la journée rendant l’individu moins performant. Un agacement peut aussi apparaître chez l’entourage et les collègues, devant cette tendance à faire répéter sans cesse… parfois responsables de sources de conflits ou de tensions dans l’entreprise. En
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cas d’alerte, l’appel d’un collègue ou une alarme peuvent ne pas être entendus, ce qui peut être source de danger. Enfin, entendre par exemple la musique est source de plaisir et de réconfort, plaisir altéré en cas de déficit auditif, rendant l’individu plus nerveux dans son travail… Les troubles de l’audition sont vastes : à part l’hypoacousie «classique» repérable grâce à l’audiogramme tonal, il existe des troubles de la compréhension de la parole dans le bruit à audiogramme «normal» (trouble central de l’audition: par altérations probable du cheminement de l’information au sein du système nerveux central), les acouphènes et l’hyperacousie. Comment caractériser le bruit au travail ? VL : On connaît les ambiances qui sont classiquement reconnues comme dangereuses : exposition à des bruits de plus de 80 dB(A) à raison de 8 heures par jour. Le suivi est
alors bien réglementé avec mesure obligatoire du niveau d’exposition et audiométrie régulière grâce au médecin du travail, et préconisation de port de protections antibruits le cas échéant. Mais il faut aussi être attentif au port des protections auditives en dehors des activités professionnelles : bricolage, chasse, moto, etc… Il faut se protéger tout le temps! Certaines situations de travail moins bruyantes où le niveau sonore peut être inférieur à 80 dB(A) mais dont la nature du bruit est complexe et désagréable ( voix multiples, téléphone, musique associées) peuvent être particulièrement propices à l’émergence de symptômes auditifs, notamment dans certaines professions : télé-conseillers en open-space, professeurs des écoles, personnel de cantines, employés de supermarché, personnel de piscine… Ces symptômes sont les acouphènes, l’hyperacousie, les troubles de la compréhension de la parole dans le bruit, la
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fatigue auditive. En cas de difficultés, l’appel à un ergonome du travail est alors d’un recours très précieux. Dans votre pratique d’ORL, abordez-vous la question du travail ? VL : En consultation tout venant, notamment devant une baisse de l’audition, on recherche s’il y a eu des expositions aux bruits intenses : boîte de nuits, concerts, casques audio et, bien-sûr le travail : mécanique, chaudronnerie, mines, etc. On recherche aussi les antécédents familiaux de surdité ou néonataux, tels que les otites. On évalue aussi la gêne sociale ressentie : difficultés de compréhension des conversations dans le calme, dans le bruit, gêne pour la télévision, les réunions… mais aussi la gêne dans le travail selon la profession. Le problème sera totalement différent pour un artisan qui travaille seul, et une secrétaire au téléphone dans un accueil bruyant. Il peut être conseillé au patient
de faire une demande de Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé, afin de pouvoir bénéficier d’aides et d’aménagements pour sa vie professionnelle. En consultation spécialisée dans les acouphènes, la question des conséquences sur le travail est aussi abordée grâce à un questionnaire d’évaluation : troubles de concentration, fatigue auditive, compréhension des autres, anxiété, retentissement sur le moral. Il faut savoir également, qu’une détérioration de l’ambiance de travail, une mutation professionnelle non désirée peut faire décompenser une situation précaire, en renforçant les symptômes notamment en matière d’acouphènes. On parle de presbyacousie. De quoi s’agitil ? Quelles en sont les conséquences ? VL : C’est une réduction normale et progressive de l’audition débutant sur les fréquences aiguës, qui concerne
30 % des personnes de plus de 65 ans. Elle est liée au vieillissement naturel. Elle est insidieuse et progressive. Au début, la personne développe spontanément des attitudes de suppléance, comme, par exemple, lire sur les lèvres ou extrapoler un mot mal compris. Ces phénomènes ont leur limite et la gêne peut devenir difficilement surmontable. Faire un diagnostic précis est alors essentiel. Il existe des facteurs aggravants, tels que l’exposition à des bruits violents, impulsionnels ou répétés, les facteurs de risques cardio-vasculaires… La presbyacousie est aussi facteur aggravant de dépression, de maladie d’Alzheimer (confirmé par des études récentes)… et peut générer un isolement social. D’où l’importance d’un dépistage précoce (chez l’ORL, le médecin du travail, un audioprothésiste, lors des campagnes de dépistage) et d’une prise en charge audio-prothétique adaptée et précoce. L’éducation du patient
et de son entourage peut être très utile, nécessitant parfois le concours d’orthophoniste. Actuellement, seulement 10 à 15 % des personnes concernées sont appareillées ! Les acouphènes sont un problème de « santé publique »… Pourquoi ? VL : 10 % de la population est concernée. 1 % des patients est très invalidé. Mal connus, les acouphènes ont mauvaise réputation ! (Pour le patient mais aussi pour les médecins). Or, le cerveau est capable de ne plus faire attention à certains bruits. Cela ouvre des pistes face aux acouphènes d’approche comparable à une rééducation. Ceci relève de prise en charge adaptée à chaque cas. De quoi s’agit-il exactement ? VL : De façon générale, c’est un bruit perçu par l’individu en l’absence de bruit extérieur : sifflement, souffle, impression de moteur… Il s’agit
DOSSIER
« Dans la prise en charge d’un acouphène, il faut impérativement identifier comment il est apparu »
d’un symptôme et non d’une maladie, d’origine souvent multifactoriel : si dans 90 % des cas, on retrouve une anomalie à l’audiogramme, telle qu’une encoche sur une bande de fréquence correspondant à la tonalité de l’acouphène, un contexte de stress ou de dépression peut aussi le faire survenir , ainsi que des douleurs cervicales, des céphalées , des tensions au niveau des mandibules avec troubles de l’occlusion dentaire (on va parler d’acouphènes somatosensoriels dans ces derniers cas). Dans d’autres cas, il existe une hypertension artérielle, des troubles du sommeil, un effet secondaire de médicaments. Dans la prise en charge d’un patient souffrant d’acouphène, il faut impérativement identifier comment il est apparu. Souvent, plusieurs causes sont identifiées. Elles interagissent les unes sur les autres. La composante psychologique peut s’amplifier : avoir un acouphène retentit sur le moral et majore l’anxiété qui
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« La surdité n’est pas le seul trouble de l’audition » va aussi aggraver l’attention portée à l’acouphène: entrainant un cercle vicieux où le patient va observer sans cesse l’acouphène. Ceci peut être renforcé par des pensées : « il ne disparaîtra jamais , j’en suis prisonnier » , « il va s’aggraver », « je vais devenir sourd », « j’ai un problème vasculaire », « j’ai quelque chose au cerveau »… parfois issues d’informations et des explications non adaptées auprès des amis, d’internet, … et de médecins parfois désarmés face à ce problème. Or le cerveau peut arriver à ne plus l’écouter, comme pour certains bruits ambiants, à la maison ou au travail. L’acouphène persiste alors comme un bruit de fond non écouté, entravant beaucoup moins la vie du patient. Cela peut aboutir dans quelques cas à une disparition complète du symptôme. Comment prendre en charge les acouphènes ? VL : Il faut caractériser très précisément le type et les circonstances d’apparition de l’acouphène, pour en identifier la cause. Cela nécessite un examen ORL avec un interrogatoire très rigoureux. Nous utilisons pour cela un questionnaire spécifique, qui permet aussi d’évaluer le niveau de gène. Des examens complémentaires sont parfois nécessaires : tests auditifs, tests d’équilibre, IRM ou scanner.
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Une fois la cause identifiée, il faut prendre le temps d’expliquer au patient. Au CHU de Lille, nous avons mis en place des réunions d’information trimestrielles. Chez 50 % des patients, le fait d’expliquer a un effet bénéfique. Des conseils simples suffisent alors à remettre le pied à l’étrier : utilisation de bruits de fond dans les périodes silencieuses pour diminuer l’attention portée à l’acouphène (bruits de la nature, musique douce, bruits blanc …), pratique d’un sport, améliorer son hygiène de sommeil , reprendre une vie comme avant… Les autres thérapies dépendent des causes retrouvées. Il existe des thérapies sonores par audioprothésiste spécialisé, comportant une correction de la perte auditive éventuelle et un programme de bruit blanc réglé sur mesure. D’autres cas relèvent de thérapies comportementales et cognitives ou sophrologie, relaxation, hypnose selon les envies et les pratiques de chacun. Il faut prendre en charge, le cas échéant, l’anxiété, la dépression, les troubles du sommeil ; et, s’ils existent les phénomènes somato-sensoriels par avis auprès d’occlusodontiste, de rhumatologue, d’ostéopathe, de kinésithérapeute, d’acupuncteur... La place des médicaments est très limitée. Anxiolytiques, antidépresseurs, hypnotiques sont utilisés transitoirement
pour passer un cap difficile. L’écoute et le dialogue sont au centre de la prise en charge. Par ailleurs, on parle aussi de fatigue auditive… De quoi s’agit-il ? VL : C’est une diminution transitoire de l’audition après une exposition trop importante et transitoire au bruit. Il faut s’en méfier, c’est un signe d’alarme. Traduisant une souffrance de l’oreille interne. Et la surdité par traumatisme sonore ? VL : L’atteinte auditive est malheureusement parfois irréversible. Ce traumatisme peut être aigu (brutal) : concert, coup de fusil, utilisation d’outils tels que tronçonneuse sans protection auditive… On a alors une sensation d’oreille bouchée et cotonneuse avec acouphène de timbre aigu, des sensations de distorsions. Si celui ci ne s’améliore pas sous 24 heures, un examen par ORL est indiqué
avec audiogramme et traitement comportant actuellement surtout une corticothérapie par voie générale. Le repos et le calme sont de mise… Le traumatisme sonore peut être répété (chronique), aboutissant à une presbyacousie précoce et irréversible. C’est le cas des surdités d’origine professionnelle. La prise en charge est audioprothétique selon le type de perte auditive. E&S Quel conseil donner à une TPE ou PME ? VL : Il faut être très vigilant sur le niveau d’exposition sonore (être particulièrement attentif aux bruits impulsionnels plus toxiques) mais également sur la qualité de l’environnement sonore dans le travail. Cela passe par une information et responsabilisation des salariés et des dirigeants. Le bruit agit de manière sournoise, banale … et, un jour, apparaît la surdité. La prévention est la seule solution actuelle.
«Le bruit agit de manière sournoise… et, un jour, apparaît la surdité»
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LES SONS… ET L’ABSENCE DE SON… ME FONT DE L’EFFET ! Le son peut être agréable : le chant des oiseaux annonciateurs de l’été, les musiques apaisantes ou dansantes, les déclarations d’amour… Le son peut être désagréable : on parle alors de « bruit ». Tout est relatif ! Une musique assourdissante peut faire autant danser un groupe de fêtards, qu’hurler de rage leurs voisins… Et tout n’est pas lié à l’intensité, le timbre ou la puissance sonore. Par exemple, la chute régulière d’une goutte d’eau, son répétitif de faible intensité mais non désiré, peut être gênant, voire irritant… En milieu de travail, les sons sont omniprésents. Dans des espaces de bureaux, des sons de faible intensité, sans conséquence pour l’ouïe, peuvent être ressentis comme gênants. Dans les ateliers, des sons répétitifs ou impulsifs, de forte intensité, ne vont plus être « entendus » alors que leur niveau est susceptible de créer à terme des surdités irréversibles…
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Son, bruit et audition
1 A propos d’audition Entendre, c’est précieux pour comprendre ce qui se passe et ce qui se dit… La perte d’audition liée à un traumatisme sonore chronique (ex : discothèques ou ateliers) ou aigu (ex : tir de chasse ou atterrissage d’avion) est irréversible dès que l’oreille interne est atteinte. Il ne faut pas la confondre avec la fatigue auditive, qui est passagère (ex. : lendemain de concert). ATTENTION : La réalisation d’un audiogramme est l’examen de premier recours qui objective une éventuelle perte d’audition. Avec votre médecin du travail, vous pouvez bénéficier d’un suivi et d’un précieux dépistage, à un stade précoce.
2 A propos de bruit au travail Il est couramment admis que l’exposition continue à un niveau de 80 dB(A) sur 8 heures de travail met votre audition en danger. Selon l’enquête SUMER (Ministère du Travail) 25 % des ouvriers de l’industrie sont confrontés de manière régulière à des bruits dépassant 85 dB(A). Le seuil à partir duquel l’employeur doit mettre à disposition des protecteurs auditifs individuels est à présent à 80 dB(A). ATTENTION : Retirer son casque protecteur ou ses bouchons d’oreille, ne serait-ce que quelques minutes auprès d’une machine, revient à en perdre l’efficacité pour toute la journée !
POUR EN SAVOIR PLUS flashez ce code >
3 Quelques repères Une surdité d’origine professionnelle, liée à une exposition répétée et journalière, apparaît insidieusement. Quand la perte d’audition est détectable, il est trop tard : le bruit a déjà fait son effet. Et celui-ci est irréversible. Il faut avoir recours à un appareil auditif, qui va utiliser les capacités restantes… ATTENTION : si une conversation est inaudible à moins de deux mètres, votre oreille est en danger ! Et être exposé 8 heures à 80 dB(A) est aussi dangereux qu’être exposé 1 heure à 89 dB(A), ou 15 minutes à 85 dB(A). (source : INRS).
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Points de vue
L’oreille du médecin et le regard du technicien S’il existe un sujet (parmi d’autres) où le médecin du travail et le technicien doivent croiser leurs compétences : c’est bien l’audition et l’exposition au bruit des salariés. Le salarié peut se confier à son médecin du travail, dans le cadre du secret médical. Le médecin du travail peut alors lui prodiguer conseils, orientations et soutiens, en pleine connaissance des dispositifs applicables au monde du travail et à son entreprise. L’évaluation de l’exposition aux bruits (chroniques et/ou pulsionnels) est le point de départ d’une politique de maîtrise du risque. Elle repose sur une identification des sources, une observation des tâches et un mesurage des niveaux d’exposition. Merci au docteur Sylvie Gressier, médecin du travail au CEDEST (Dunkerque) et Luigi Grisoni, IPRP référent bruit à l’ASMIS (Amiens) de nous livrer leurs points de vue complémentaires.
Sylvie GRESSIER
Médecin du travail. Santé au travail de Dunkerque (CEDEST).
« L’entourage ne mesure pas les difficultés » Le docteur Sylvie Gressier a un parcours atypique. Mais avec une constance : travailler pour la prévention des souffrances et des maladies. Après avoir été médecin de prévention au ministère de la justice et en centre hospitalier, elle a notamment exercé des fonctions identiques auprès du Conseil Régional des Pays de la Loire. Depuis deux ans, elle a rejoint les équipes du CEDEST, le service interentreprises de santé au travail du littoral dunkerquois (CEntre pour le DEveloppement de la Santé au Travail). Elle suit aujourd’hui 5 000 salariés, au sein d’entreprises de toutes tailles et d’activités diverses. « Une baisse de l’audition est source d’incompréhensions mutuelles, que ce soit au travail, à la maison et dans la vie sociale. Que faire quand vous devez choisir entre " pain, vin ou thym " , alors que votre interlocuteur vous demande de " passer le pain "… Cet exemple a le mérite d’être concret. Il est vécu par tous ceux qui ont une légère baisse de l’audition et qui n’osent pas en parler. Ils sont nombreux. Car au début, la personne atteinte d’une baisse de l’audition n’ose pas en parler. D’ailleurs, elle n’ose même pas se le dire à elle-même… A ce stade, elle comprend des bouts de phrase et cherche à reconstituer l’ensemble, par déduction logique ou lecture intuitive sur les lèvres. Et l’incompréhension peut générer des situations de conflits. Car les contacts avec les clients, les chefs, les collègues peuvent devenir difficiles et complexes. Je ne parle pas du bruit au travail. Je parle bien de l’insertion professionnelle des malentendants. Quel que soit leur métier.
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Il existe des solutions et des dispositifs d’aides qui sont sous-utilisés, parce que méconnus. C’est pourquoi, je pratique l’audiométrie systématique de dépistage, chez les salariés que je reçois en visite médicale. Attention : ce n’est pas seulement une question d’âge. Il m’arrive de découvrir des déficits auditifs chez des jeunes travailleurs. En cas d’anomalie au dépistage, l’ORL pourra ensuite confirmer ou infirmer les résultats du dépistage et prescrire un appareillage si nécessaire. Commence alors une véritable collaboration avec le salarié et son entreprise. Car la qualité de vie au travail fait partie du « job ». Mais il faut que le salarié accepte le statut de « RQTH », à savoir Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé. C’est une étape psychologique. Franchir cette étape permet de faire intervenir le SAMETH, Service d’Aide au Maintien dans l’Emploi du Travailleur Handicapé. Un dossier peut alors être monté afin d’obtenir une aide financière pour la prise en charge de la prothèse auditive, sous réserve de pouvoir justifier de l’implication de l’état de santé auditif sur l’activité professionnelle. Cette aide peut être de 1 500 à 2 000 €. Elle rend accessible l’acquisition de la prothèse auditive à des personnes qui ne pourraient la financer, par elles-mêmes… D’autres aides techniques ou financières concernent l’aménagement technique du poste de travail, comme, par exemple, l’adaptation du standard téléphonique. En tant que médecin du travail, ces exemples montrent comment nous améliorons la santé des salariés et concourons, de ce fait, au développement des entreprises ».
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IPRP1, conseiller en prévention, référent bruit. Santé au travail de la Somme (ASMIS)
« On n’a pas le sentiment d’une exposition nocive… » Le profil de Luigi Grisoni est emblématique des nouvelles compétences que peut vous apporter votre service de santé au travail. En effet, il est Intervenant en Prévention des Risques Professionnels, référent bruit, au sein de l’Association Santé et Médecine Interentreprises du département de la Somme (ASMIS). Ingénieur de formation, il a rempli des fonctions d’ingénieur sécurité dans le secteur agroalimentaire, puis dans l’industrie, avant de rejoindre les équipes de l’ASMIS. Il intervient aujourd’hui pour les entreprises adhérentes de l’ASMIS, de toute taille et de toute activité, en liaison avec les médecins du travail. «Pour évaluer un niveau sonore, il ne faut pas se fier à l’oreille humaine ! Celle-ci est plus sensible aux sons aigus et moins performante avec l’âge… Le sonomètre, lui, va objectiver le niveau et la qualité du son : on va parler de décibels, dB(A), pour décrire ce que perçoit l’oreille humaine, qui entend moins les sons graves. Par ailleurs, les bruits pulsionnels sont tout autant nocifs que les autres sons. Pour évaluer le niveau d’exposition au bruit en milieu de travail, deux techniques sont complémentaires : le sonomètre et la dosimétrie. En plaçant des sonomètres à différents endroits, on établit une cartographie du niveau sonore dans les locaux. En faisant porter un dosimètre par le salarié, au niveau de son oreille, on mesure des moyennes qui correspondent à ce qu’il reçoit dans l’exécution de ses tâches. En général, plus l’entreprise est petite, moins la législation est connue… Or la connaissance des seuils d’exposition, fixés par la loi, conditionne la politique de pré-
vention face au bruit en milieu de travail.
DOSSIER
Luigi GRISONI
Par ailleurs, travailler dans le bruit est souvent considéré comme « normal »... Avec des paradoxes : des plaintes sont formulées dans des espaces d’accueil ou de bureaux, alors que les niveaux d’exposition sont inférieurs aux normes. Et des gens travaillent sans se plaindre dans des ateliers, depuis des années, avec des niveaux d’exposition nettement supérieurs aux normes. La prévention collective est souvent mise de côté en raison des coûts invoqués. C’est compréhensible. Pourtant elle est plus accessible financièrement que ce que l’on pourrait croire. Elle est surtout plus efficace ! On peut retirer du bruit à la source, en assurant une maintenance correcte ou en agissant sur les matériaux ou les matériels. On peut isoler le bruit avec des coffres ou capots. On peut limiter la propagation du bruit avec des baffles. Ou masquer un bruit par propagation d’une onde inverse… Chaque situation a sa solution la mieux adaptée et la moins onéreuse. Le décret du 20 juillet 2006 fixe les conditions du port des Equipements de Protection Individuelle. Au-delà de 80 dB(A) ou 135 dB(C), l’employeur doit mettre à disposition des protections auditives et informer chaque salarié exposé. Le port de ces protections est obligatoire au-dessus de 85 dB(A) ou 137 dB(C) sur 8 heures de travail. Au-delà de 87 dB(A) ou 140 dB(C), sans prendre en compte le niveau d’atténuation des Équipements de Protection Individuelle, le salarié ne peut pas être exposé. Dans de nombreuses situations, les salariés n’ont pas le sentiment d’une exposition nocive… Pourtant, en s’exposant à une soufflette plus de 28 secondes dans une journée, on a peut-être déjà dépassé le seuil… Evaluer et informer, c’est essentiel !». 1 - Intervenant en Prévention des Risques Professionnels.
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Santé au travail de Calais – Boulogne - Le Touquet (ASTIL 62)
A « LA CRÉQUOISE », le suivi de santé valide les investissements Implantée à Fruges, dans le Pas-de-Calais, La Créquoise est une société de découpe et conditionnement de viande ovine. 155 personnes travaillent sur le site. Une fois la réception effectuée, trois lignes de production entrent en jeu : désossage, tranchage, conditionnement. Les gestes sont rapides et précis. Les salariés ont acquis un savoir faire précieux, dans des conditions d’hygiène et de température imposées par le travail en agro-alimentaire. La Créquoise expédie sa production en France et dans les pays du Bénélux, en Europe. Une collaboration régulière avec l’ASTIL 62, service de santé au travail de l’entreprise, a permis de valider la politique de prévention de l’entreprise pour maîtriser l’exposition aux bruits. Deux cartographies de bruit effectuées par l’ASTIL 62, en 2012 et 2015, ont permis d’objectiver les progrès accomplis. « Pour nous, c’est important », nous déclare Xavier Macquet, dirigeant de La Créquoise. « Car, lutter contre le bruit nécessite une approche globale et des investissements réguliers ». Le docteur MarieDominique Bera, médecin du travail qui suit La Créquoise, depuis septembre 2014 précise : « Nous développons une collaboration régulière avec La Créquoise. Notre rôle est de suivre la santé des salariés, mais aussi de conseiller l’employeur et d’évaluer en continu les progrès accomplis ». Le Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail a été régulièrement associé à ce véritable « Plan Anti-Bruit ».
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Scies, Pompes à vide, Groupe de froid… Xavier Macquet est pragmatique et concret : « Les salariés ont à disposition des bouchons d’oreille moulés, individuels et personnalisés. C’est l’action individuelle. Sur plusieurs années, nous avons aussi réduit les émissions sonores en agissant sur les machines. » Les zones de bruit sont identifiées et font l’objet des affichages règlementaires. « Après essais et tests, nous sommes passés de scies à ruban à des scies circulaires, tout en préservant la qualité de découpe. A l’atelier de conditionnement, les pompes à vides ont été réinstallées à l’extérieur. Dans l’atelier de désossage, les deux groupes de froid ont été changés, et quatre nouveaux groupes en basse décibel équipés de gaines textiles ont été installés. Nous avons ainsi enregistré une baisse importante du niveau sonore de l’atelier et une amélioration
du confort de travail en zone à température dirigée ». Ces exemples illustrent que la lutte contre le bruit relève d’efforts et d’investissements permanents. Des améliorations spectaculaires Fabienne Calon est assistante en santé au travail à l’ASTIL 62 : « Nous avions fait des relevés par sonomètre et dosimétrie en 2012. Nous les avons refaits en janvier 2015. Par exemple, au découpage, le niveau sonore émis par les machines est passé de 81,7 dB(A) à 76,1 dB(A). Dans l’ensemble des ateliers, les niveaux d’exposition ont diminué. Nous pouvons ainsi objectiver les améliorations obtenues auprès des salariés, du CHSCT et de l’employeur ». Le docteur Marie-Dominique Béra précise : « Ces actions en entreprise que nous réalisons en équipe, sont complémentaires
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du suivi médical que j’assure. Personnellement, je fais faire des audiogrammes systématiquement, et je reviens sur l’importance de la protection auditive au cours de la consultation. C’est l’occasion d’un dialogue personnel, couvert par le secret médical ». Secrétaire médicale, Arlette Demont conclut : « Les salariés apprécient que nous fassions toujours ce dépistage individualisé ».
LA CRÉQUOISE, découpe et conditionnement de viande bovine 155 salariés Xavier MACQUET, Dirigeant FRUGES SANTE AU TRAVAIL DE CALAIS-BOULOGNE- LE TOUQUET (ASTIL 62)
DOSSIER Santé au travail de Valenciennes (ASTAV)
CIMENTS RENFORCÉS INDUSTRIES : la lutte contre le bruit, un travail de longue haleine ! Membre du Groupe Etex, Ciments Renforcés Industries (CRI) produit des systèmes de construction pour la toiture, la façade et l’aménagement intérieur. Le produit « phare » est la plaque ondulée en fibre-ciment. 64 salariés travaillent sur le site d’Haulchin, dirigé par Brice Gatez, près de Valenciennes. L’usine est impressionnante : la chaîne de production fait 150 mètres de long… Les ciments, fibres et autres composants passent d’abord dans des mélangeurs. Après passage dans des cuviers, la fibre-ciment est écoulée sur un tapis roulant avant d’être découpée et mise en forme sous forme de plaques, qui entrent alors en phase de mûrissement. Face au bruit, la collaboration avec l’Association de Santé au Travail de l’Arrondissement de Valenciennes, s’inscrit dans la durée. Le docteur Stamatis Klonaris est médecin du travail à l’ASTAV. Il suit CRI depuis 2010 : « J’ai poursuivi la démarche d’évaluation régulière du bruit, initiée par mon prédécesseur, le docteur Robinet. La continuité est importante face au risque bruit. En complément des audiogrammes que nous faisons régulièrement pour chaque salarié, nous réalisons des dosimétries. Le salarié exposé porte un appareil durant toute la durée du travail. En fonction des niveaux mesurés, on extrapole une dose de bruit qui correspond à ce qu’a reçu le salarié sur son poste de travail. On peut alors se situer par rapport à la règlementation. La respecter, c’est le minimum. Aller au-delà c’est encore mieux ». Au niveau d’installations industrielles, comme celle de CRI, le port d’Equipements de Protection Individuelle est complémentaire de la
réduction du niveau de bruit à la source. Un travail de longue haleine Joël Delfolie est animateur sécurité chez CRI : « Pour nous, les relevés de bruit annuels sont obligatoires. La collaboration avec l’ASTAV nous permet de bénéficier d’une expertise extérieure. Effectivement, nous définissons ensemble les endroits où placer les sonomètres pour une évaluation d’ambiance. Mais la dosimétrie nous permet de savoir exactement le niveau d’exposition en fonction des tâches effectuées. Nous effectuons des visites au sein de l’usine avec monsieur Bruno Figurski, technicien supérieur QHSE à l’ASTAV. Le dialogue avec notre médecin du travail et ses collaborateurs, au plus près de nos salariés est essentiel. C‘est sur le moyen ou long terme que l’on peut maitriser le bruit à la source, compte tenu
des investissements nécessaires, en continu ». Par exemple, les cabines de commandes ont été insonorisées ; en 2013, des silencieux ont été posés sur chaque pompe à vide. A chaque année, son programme d’investissement. Chaque salarié a, à sa disposition, des bouchons d’oreille moulés et personnels. Des casques sont également à disposition. Des relevés précis et rigoureux Pour Bruno Figurski, technicien supérieur QHSE à l’ASTAV : « Durant les mesures de niveau par sonomètre ou dosimètre, nous sommes aux côtés des salariés. En effet, il est impératif de connaître les tâches réalisées pour interpréter les résultats et formuler des préconisations. Par exemple sur la maîtrise des bruits parasites. Tous les ans nous réalisons un passage.
A la fin de 2014, nous avions ainsi effectué 62 points de mesures au sein de l’usine. Chaque salarié exposé a une dosimétrie tous les deux ans ». Toutes les mesures sont présentées en Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail. A noter que sur le plan Sécurité, l’usine est certifiée OHSAS 180001.
CIMENTS RENFORCÉS INDUSTRIES, systèmes de construction 64 salariés Brice GATEZ, Dirigeant Joël DELFOLIE, Animateur sécurité HAULCHIN SANTE AU TRAVAIL DE VALENCIENNES (ASTAV)
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Surdité professionnelle
Chaque année : 100 000 X 1000 = 100 millions d’euros ! Les choix économiques sont vitaux pour chaque entreprise. Si une surdité est reconnue comme étant d’origine professionnelle pour un de ses salariés, le coût moyen d’indemnisation s’élève à 100 000 €. Comment une TPE ou une PME peut-elle supporter ce coût ? Grâce à l’Assurance Maladie-Risques Professionnels. Mais l’Assurance Maladie-Risques Professionnels trouve les moyens financiers grâce à la cotisation annuelle « AT-MP », prélevée sur le résultat économique de chaque entreprise privée. Soit, un total annuel, pour les surdités reconnues comme étant d’origine professionnelle, de 100 millions d’euros par an… 100 millions de moins pour investir. Entre indemniser ou prévenir, il faut donc choisir ! Pour les salariés du secteur privé, le préjudice lié à une surdité d’origine professionnelle est indemnisé depuis 1963, grâce au Tableau 42 dénommé « Atteinte auditive provoquée par les bruits lésionnels dus au travail », au sein du régime général de Sécurité Sociale. Sa dernière mise à jour remonte au décret du 25 septembre 2003. En 2002, 640 surdités professionnelles étaient reconnues. 1214 en 2007 et 1017 en 2012. Soit, une moyenne actuelle de 1 000 surdités professionnelles reconnues, chaque année, par le Régime Général. A ces coûts d’indemnisation, s’ajoutent les coûts de prise en charge. Des critères très précis de reconnaissance Pour être reconnu en surdité d’origine professionnelle selon le Tableau 42, quatre critères
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doivent être simultanément réunis : • Le diagnostic médical : une perte d’audition bilatérale et stable, par atteinte de l’oreille interne, comportant un déficit moyen de 35 db(A) sur la meilleure oreille. • Le délai de prise en charge : ce diagnostic doit être réalisé dans l’année qui suit l’arrêt de l’exposition au risque. • Une durée d’exposition minimale d’un an, réduite à 30 jours en ce qui concerne la mise au point des propulseurs, réacteurs et moteurs thermiques. • Une activité entrant dans une liste limitative de 24 travaux susceptibles de provoquer la maladie (métaux, marteaux et perforateurs pneumatiques, verrerie, tissage, munitions et explosifs, rotatives, etc.). En dehors de ces critères, et notamment pour la liste
limitative des travaux ouvrant droits à réparation, le salarié peut solliciter le passage de son dossier en commission, pour étude de son cas individuel (Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles). Sans oublier la faute inexcusable ! Dans un délai de moins de 2 ans à compter de la date du certificat médical établissant le lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle, le salarié peut demander une indemnisation qui va au-delà du forfait accordé dans le cadre de la reconnaissance de sa Maladie Professionnelle. Il fait alors valoir la faute inexcusable de l’employeur, qui est retenue en cas de manquement patent de celui-ci en matière de prévention et de sécurité au travail. Rappelons que, selon
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la jurisprudence, l’employeur a une obligation de sécurité de résultat. Si la faute inexcusable est retenue, l’indemnisation est à charge de l’employeur… Sans compter le coût des soins… Un appareil auditif peut coûter cher : de 600 € en version analogique à 3 000 € en version digitale. A cela peut s’ajouter le traitement des acouphènes et le coût d’adaptation et de maintenance de l’appareil auditif. Toute forme de soutien éducatif et social, dont l’apprentissage de la langue des signes a aussi un coût. Sans compter, le coût du préjudice humain lié aux difficultés relationnelles et sociales. Nul doute que le vieil adage a tout son sens : « Mieux vaut prévenir que guérir !».
MAITRISER L’EXPOSITION AUX BRUITS « L’employeur prend des mesures de prévention visant à supprimer ou à réduire au minimum les risques résultant de l’exposition au bruit, en tenant compte du progrès technique et de la disponibilité de mesures de maîtrise du risque à la source.» (Art. R 4432-1 Code du travail)
DOSSIER
Audition et travail
Fiche détachable
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Le niveau d’un son se mesure selon sa fréquence (son grave, médium, aigu) et son intensité (en décibels ou dB). Pour les bruits continus (ex : rotatives), les résultats sont donnés en dB(A) ; pour les bruits pulsionnels ou de crête (ex : coup de marteau, soufflettes), les résultats sont donnés en dB(C). ATTENTION : un son qui augmente de 3 dB(A) est un son qui a doublé d’intensité et de puissance acoustique !
• OBLIGATION D’EVALUER ET DUER (Art. L. 4121-1 à 3 et R. 4121-1 et 2 du Code du travail) >D ans son obligation générale de prévention des risques de son entreprise, l’employeur a l’obligation de les évaluer et de les colliger dans un Document Unique d’Evaluation des Risques, qui lui permet d’identifier les actions de prévention adaptée.
• OBLIGATION D’EVALUER ET BRUIT (Art. R 4433, alinéas 1 à 7 Code du travail) > L’employeur évalue et, si nécessaire, mesure les niveaux de bruit auxquels les travailleurs sont exposés. > L’évaluation des niveaux de bruit et, si nécessaire, leur mesurage sont planifiés et réalisés par des personnes compétentes (organismes agréés). > L’intervention du service de santé au travail ne dispense pas du recours aux organismes agréés. > Ils sont réalisés à des intervalles appropriés, notamment lorsqu’une modification des installations ou des modes de travail est susceptible d’entraîner une élévation des niveaux de bruit. > En cas de mesurage, celui-ci est renouvelé au moins tous les cinq ans. > Les résultats de l’évaluation des niveaux de bruit et du mesurage sont conservés sous une forme susceptible d’en permettre la consultation pendant une durée de dix ans. > Les résultats des mesurages sont communiqués au médecin du travail en vue de leur conservation avec le dossier médical des travailleurs exposés. > Ils sont tenus à la disposition des membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et des délégués du personnel. > Ils sont également tenus, sur leur demande, à la disposition de l’inspection du travail ou des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale et des organismes professionnels de santé, de sécurité et des conditions de travail mentionnés à l’article L. 4643-1. > Des critères d’évaluation précis sont définis à l’article R 4433-5 > L’employeur doit consulter les personnes compétentes et le CHSCT (article R 4435-6)
• VALEURS LIMITES ET OBLIGATIONS DE PREVENTION > Généralités (Art. R4431-1 du Code du travail) 1° Le niveau de pression acoustique de crête est le niveau de la valeur maximale de la pression acoustique instantanée mesurée avec la pondération fréquentielle C ; 2° Le niveau d’exposition quotidienne au bruit est la moyenne pondérée dans le temps des niveaux d’exposition au bruit pour une journée de travail nominale de huit heures ; 3° Le niveau d’exposition hebdomadaire au bruit est la moyenne pondérée dans le temps des niveaux d’exposition quotidienne au bruit pour une semaine nominale de cinq journées de travail de huit heures
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dB(C) pour le niveau de pression acoustique de crête = Valeurs d’exposition supérieures déclenchant l’action (Art. R4431-2,3 du Code du travail) • Signalisation et limitation d’accès. • L’employeur doit veiller à ce que les protecteurs auditifs individuels soient effectivement utilisés. ATTENTION : Les valeurs d’exposition définies ne prennent pas en compte l’effet de l’utilisation de protecteurs auditifs individuels portés par le travailleur.
DOSSIER
> A partir de 87 dB(A) pour le niveau d’exposition quotidienne au bruit ou 140 dB(C) pour le niveau de pression acoustique de crête = Valeurs limites d’exposition(Art. R44312,3 et art. R4433-3 du Code du travail) : • Pas d’exposition possible. ATTENTION : la détermination de l’exposition effective du travailleur au bruit tient compte de l’atténuation assurée par les protecteurs auditifs individuels portés par le travailleur. > A partir de 85 dB(A) pour le niveau d’exposition quotidienne au bruit ou 137
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> A partir de 80 dB(A) pour le niveau d’exposition quotidienne au bruit ou 135
dB(C) pour le niveau de pression acoustique de crête = Valeurs d’exposition inférieures déclenchant l’action (Art. R4431-2,3 du Code du travail)
• L’employeur met des protecteurs auditifs individuels à la disposition des travailleurs. • Le travailleur bénéficie, à sa demande ou à celle du médecin du travail, d’un examen audiométrique préventif. • L’employeur veille à ce que ces travailleurs reçoivent des informations et une formation en rapport avec les résultats de l’évaluation des risques et avec le concours du service de santé au travail. ATTENTION : Les valeurs d’exposition définies aux 2° et 3° de ce même article ne prennent pas en compte l’effet de l’utilisation des protecteurs auditifs individuels portés par le travailleur. > Cas particuliers des variations d’exposition d’un jour à l’autre (Art. R4431-4) Dans des circonstances dûment justifiées auprès de l’inspecteur du travail et pour des activités caractérisées par une variation notable d’une journée de travail à l’autre de l’exposition quotidienne au bruit, le niveau d’exposition hebdomadaire au bruit peut être utilisé au lieu du niveau d’exposition quotidienne pour évaluer les niveaux de bruit auxquels les travailleurs sont exposés, aux fins de l’application des valeurs limites d’exposition et des valeurs déclenchant l’action de prévention. Cette substitution ne peut être faite qu’à condition que le niveau d’exposition hebdomadaire au bruit indiqué par un contrôle approprié ne dépasse pas la valeur limite d’exposition de 87 dB(A) et que des mesures appropriées soient prises afin de réduire au minimum les risques associés à ces activités.
• VALEURS « SEUILS » ET FACTEURS DE PÉNIBILITÉ > A partir du 1er janvier 2016 : exposition au bruit rapporté à un période de référence de 8 heures d’au moins 80 décibels(A) pour une durée minimale de 600 heures par an ou exposition à un niveau de pression acoustique de crête au moins égal à 135 décibels(A) pour une durée minimale de 120 fois par an = l’employeur devra établir une fiche de prévention des expositions pour le salarié exposé. Le salarié ne sera pas
considéré comme exposé à ce facteur de risque de pénibilité s’il porte des protections auditives qui permettent d’être endessous de ces valeurs. Ces dispositions sont à compléter par l’obligation de mesures et de moyens de protection collective (art. R4434), de surveillance médicale (art. R4435), d’information et de formation des travailleurs (art. R4436) et des éventuelles dispositions dérogatoires (art. R4437).
CHAQUE ENTREPRISE bénéficie d’une expertise indépendante en santé au travail, grâce à son médecin du travail et ses collaborateurs. Je note ses coordonnées.
Prénom et nom :................................................................................................................................................................................. Adresse :...................................................................................................................................................................................................... ..............................................................................................................................................................................................................................
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ZOOM SUR
Cambraisis
Artisans du bâtiment : bénéficiez d’une consultation spécialisée en santé au travail ! Les artisans et commerçants s’exposent aux mêmes risques professionnels que leurs salariés. Et pourtant, ils n’ont pas de suivi de santé au travail… Une convention de partenariat vient d’être signée entre l’Association Interprofessionnelle des Services Médicaux du Travail de Cambrai (AISMT) et le Régime Social des Indépendants (RSI du Nord Pas-de-Calais). Une première dans la région ! D’autres conventions de partenariat vont être prochainement signées entre le RSI Nord - Pas-de-Calais et des services de santé au travail des différents territoires. Six métiers du bâtiment sont ciblés dans ce partenariat : plombiers chauffagistes, couvreurs, maçons, menuisiers, peintres, plâtriers. En tant que travailleurs indépendants, vous pouvez ainsi bénéficier d’une consultation auprès d’un médecin du travail, pris en charge par le RSI.
Pour Anne Boquet, directrice du service de santé au travail de Cambrai (AISMT) : « Il s’agit d’une avancée importante. En effet, en tant qu’artisan vous devez adhérer à un service de santé au travail dès que vous avez un salarié. Cette adhésion permet au salarié de bénéficier d’un suivi de santé au travail. Pourtant, l’artisan manipule les mêmes produits chimiques, les mêmes matériaux, effectue les mêmes tâches, monte sur les mêmes échafaudages… Sa santé compte autant pour lui-même et son entourage que ses salariés. Elle compte aussi pour la vie de son entreprise ! Dans l’arrondissement de Cambrai, 268 artisans sont concernés. La convention que nous avons signée vise à titre expérimental à offrir aux artisans la possibilité d’une consultation auprès d’un médecin du travail ». En cas d’exposition à un risque Cancérogène Mutagène ou Repro-toxique, par exemple, cette consultation prend un relief tout particulier… Une invitation… Le respect du choix de chacun ! Rappelons que le RSI est la Sécurité Sociale des travailleurs indépendants. Concrètement le RSI Nord Pas de Calais adresse à ses assurés un courrier les invitant à prendre rendezvous pour une consultation médicale spécialisée en santé au travail, auprès du service de santé au travail de leur secteur. Pour l’arrondissement de Cambrai, c’est l’AISMT. L’artisan peut ainsi consulter gratuitement un médecin du travail, à un moment qui lui convient. Une consultation de prévention des risques professionnels Cette consultation, réalisée par un médecin spécialisé en médecine du travail, permet alors de faire un bilan personnalisé de santé au travail. En effet, qui est mieux placé que le médecin du travail pour connaître les risques pour la santé d’une activité professionnelle donnée, les conseils de prévention adaptés et la règlementation y afférant. Anne Boquet nous précise : « Couvert par le secret médical, le but de cette consultation n’est pas la délivrance d’une aptitude médicale. C’est un entretien et un examen médical, réalisé par un médecin du travail et orienté sur la prise en compte des risques professionnels. Chaque métier, chaque activité a ses risques spécifiques. Quand l’entreprise est déjà adhérente chez nous, c’est le médecin du travail
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qui suit cette entreprise qui reçoit l’artisan. Quand l’entreprise n’est pas adhérente, c’est le médecin du travail du secteur géographique concerné qui reçoit l’artisan ». Une prise en charge par le RSI L’artisan n’a rien à payer au service de santé au travail, selon le principe du « tiers payant ». C’est le service de santé au travail qui enverra au RSI le formulaire de prise en charge afin d’être directement rémunéré. En cas d’examens complémentaires, ceux-ci sont réalisés selon le circuit habituel prévu par le service de santé au travail. Ils sont également directement pris en charge par le RSI. L’artisan n’a rien à débourser, pour ces éventuels examens complémentaires. Améliorer la connaissance Avec le courrier d’invitation, les artisans reçoivent une « fiche retour » que le médecin du travail adresse au RSI. Sur cette fiche retour, remplie par le médecin du travail, sont renseignés de manière anonyme les troubles constatés et les recommandations effectuées. Sont ainsi passés en revue, les risques liés aux manutentions et postures, les risques liés à la manipulation de produits dangereux, le risque amiante, le risque de chute, l’utilisation d’outils ou machines, les risques psychosociaux, le risque routier. L’exploitation de ces données permettra d’établir des « profils de santé » par métier. Préserver sa santé et son activité Dans certains cas, le médecin du travail peut constater que la santé de l’artisan entraine des problématiques au poste de travail. Avec l’accord explicite de l’artisan concerné, le médecin du travail peut alors adresser au service médical du RSI une fiche de liaison afin que le médecin conseil puisse proposer un rendez-vous à l’assuré. Cette consultation permettra à l’artisan d’effectuer les démarches en adéquation avec son état de santé et la règlementation des indépendants. « Dans le contexte actuel de démographie médicale et de charges de travail, nos médecins du travail ont accepté de répondre aux artisans qui en feraient la demande. Car la santé au travail concerne autant le salarié que l’artisan », conclut Anne Boquet.
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ZOOM SUR
Indépendants
RSI PREVENTION PRO La santé de votre entreprise dépend aussi de la vôtre. C’est le moment de prendre soin de vous. Le Régime Social des Indépendants développe depuis deux ans un programme nommé « RSI Prévention PRO » de prévention des risques professionnels pour les chefs d’entreprise indépendants. Cette démarche de prévention a pour but de sensibiliser les travailleurs indépendants sur les aspects de santé et sécurité au travail et de favoriser la prise en charge le plus tôt possible d’éventuelles pathologies liées à l’activité professionnelle. Il leur est proposé la prise en charge d’une consultation chez un médecin généraliste de leur choix. Dans le Nord - Pas-de-Calais, ils peuvent opter pour un médecin du travail. Les artisans du bâtiment sont particulièrement ciblés par l’action. Six professions ont été dans un premier temps sélectionnées : plombiers chauffagistes, couvreurs, maçons, menuisiers, peintres, plâtriers. Dans le secteur du bâtiment un accident du travail survient toutes les 3 minutes ! Artisans du bâtiment, votre activité professionnelle vous expose à certains risques : • Risques liés à la manutention et aux postures de travail • Risques liés aux produits dangereux • Risque amiante • Risque de chutes • Risques liés à l’utilisation d’outils et de machines • Risques psychosociaux • Risque routier
« Si votre santé est fragilisée, votre entreprise l’est aussi ». Source : convention de partenariat avec les services de santé au travail Nord - Pas-de-Calais. Plaquette de présentation du programme téléchargeable sur : www.rsi.fr/prevention-pro
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ENVIRONNEMENT & TECHNIQUE
Partir du vécu des salariés pour construire la prévention
Plusieurs études confirment que les niveaux sonores sur les chantiers de travaux atteignent facilement 80 dB(A), voire dépassent les 90 dB(A), à certains moments. Par exemple, une tronçonneuse peut atteindre 110 dB(A). « Ces chiffres situent d’emblée l’importance de la problématique. Elle est commune à tous les chantiers » nous déclare Alexandra Cottret, déléguée Qualité Prévention Environnement pour la direction régionale Pas-de-Calais - Picardie d’EUROVIA. « La question est régulièrement abordée en Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de travail. Les salariés disent souvent qu’il y a peu de bruit sur les chantiers. Il y a un écart entre le ressenti des salariés et les niveaux sonores objectivés par le mesurage effectué ». Dans ce contexte, une étude originale a été menée. Le ressenti des salariés Mélanie Saison est assistante en santé au travail à l’ASTIL 62 : « En 2014, j’ai fait mon mémoire de fin d’étude sur le port des Équipements de Protection Individuelle auditive chez EUROVIA. Sur 100 questionnaires anonymes, joints à la fiche de paye, il y a eu 69 retours. Les protections auditives sont à disposition des salariés : 78 % ne les portent
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© Photothèque Eurovia
> Travaux publics et exposition au bruit Appartenant au groupe VINCI, EUROVIA est une entreprise de travaux publics, spécialisée dans la construction de voiries et d’infrastructures. Six agences sont implantées sur le Pas-de-Calais et la Picardie, pour un total d’environ 750 salariés. L’agence de Calais intervient sur le secteur Calais-Etaples, avec 120 salariés. Or, il n’y a pas de chantier sans émission de bruit, notamment du fait de la circulation des nombreux engins, de l’utilisation d’outils électroportatifs, tels que marteaux-piqueurs et tronçonneuses et de l’environnement urbain général. Les salariés de l’agence de Calais sont suivis en santé au travail par l’ASTIL 62 (Association Santé travail Interentreprises Littoral 62). Avec les docteurs Anne-Elise Bonin et Claude Bailly, médecins du travail à l’ASTIL 62, une action de prévention des nuisances sonores a été entreprise. pas continuellement. Nous avons cherché à savoir pourquoi…». Alexandra Cottret réagit à ces chiffres-clés : « Trop de salariés ne portent pas leurs protections auditives sur l’ensemble de la journée de travail. Pourtant, 93 % affirment que ce n’est pas causé par un problème de confort des protections fournies par Eurovia. En d’autres termes, les protections auditives moulées que nous fournissons sont confortables et adaptées. Parmi ces 78% de salariés qui portent leurs protections auditives de façon discontinue, 32% déclarent qu’ils ne se sentent pas exposés au bruit, et 23 % expliquent qu’ils ne s’estiment pas exposés car leur travail est diversifié ». Face à ce ressenti inadapté des salariés sur le risque « bruit », le Docteur Anne-Elise Bonin ajoute, « Le bruit, c’est sournois ! Il n’y pas d’effets immédiats ressentis. Donc, on s’habitue… Et quand les effets sont là, c’est trop tard. La surdité est irréversible. Donc, il faut sensibiliser les salariés. En permanence ». Vers une sensibilisation en continu Les résultats de cette étude ont été présentés aux ouvriers, aux chefs de chantier, à l’encadrement de l’agence et à la Direction Régionale, lors de la journée Sécurité d’EUROVIA Calais en janvier 2015. « Il nous
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faut poursuivre sur cet élan », précise Alexandra Cottret, « Nous avons déjà développé des mesures de protection collective : le capotage acoustique des engins s’est amélioré depuis plusieurs années, les cabines sont insonorisées… Mais la protection contre le bruit relève aussi des comportements individuels et collectifs : les portes et fenêtres des cabines d’engin doivent rester fermées, les sources de bruit, comme les compresseurs ou les groupes électrogènes doivent être éloignées des ouvriers et le port des protections auditives individuelles respecté. La démarche de sensibilisation, initiée avec l’ASTIL 62, doit être poursuivie. Car la culture Prévention dans la Profession doit évoluer. Il faudra du temps ». EUROVIA, Travaux publics 120 salariés Alexandra COTTRET, Déléguée Qualité Prévention Environnement AGENCE DE CALAIS SANTE AU TRAVAIL DE CALAISBOULOGNE-LE TOUQUET (ASTIL 62)
INTERVIEW En entrant dans les années 80 à l’Institut de Médecine du Travail du Nord de la France, Danièle Vanberkel se doutaitelle qu’elle y ferait carrière ? La réponse est sans doute… non ! Et pourtant, en 2015, elle prend une retraite méritée, en tant que secrétaire générale de l’Institut de Santé au Travail du Nord de la France. En 35 ans de vie professionnelle, elle a été un témoin privilégié du passage de la « Médecine du Travail » à la « Santé au Travail ». Toujours à l’écoute des anciens et à l’affût des innovateurs, elle porte un regard très averti sur ce changement qui permet aux médecins et équipes santé travail d’adapter les pratiques d’évaluation et de prévention aux besoins des entreprises et en particulier les très petites. Ce regard s’est aguérri tout au long de ces années avec les approches avantgardistes et les dynamiques partenariales développées par les Professeurs FURON et FRIMAT responsables de la discipline médecine du travail à l’Université Droit et Santé de Lille 2 et assurant successivement la présidence de l’Institut.
Danièle Vanberkel
Secrétaire générale de l’Institut de Santé au Travail du Nord de la France
En santé au travail, le succès repose sur la pluridisciplinarité et le dialogue. Comment résumez-vous ce passage de la Médecine du Travail à la Santé au Travail ? Danièle Vanberkel : Dès que j’ai connu des médecins du travail, je me suis dit : mais comment font-ils pour assurer leur mission ? Le législateur a écrit que le Médecin du Travail devait «… éviter l’altération de la santé des salariés… » Ce n’est pas une mince affaire ! Au médecin, on attache la notion de diagnostic, grâce à l’écoute du patient et des examens médicaux pratiqués. Le médecin du travail lui, doit écouter le salarié ET l’entreprise. Ainsi, il doit assurer le suivi santé des salariés et être le conseiller de l’entreprise dans les domaines de la prévention des risques professionnels et l’amélioration des conditions de travail. Cela implique des connaissances interdisciplinaires se rapportant à différents métiers (toxicologue, ergonome, psychologue…). Par ailleurs, le
métier de médecin du travail, à notre avis, ne s’exerce pas de la même façon dans une entreprise qui dispose de services techniques et d’instances représentatives du personnel, d’un comité d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail et le médecin du travail qui intervient pour une petite entreprise, voire une toute petite entreprise adhérente à un service interentreprises de santé au travail dès l’embauche de son premier salarié. Dans ce cadre, le médecin du travail a en charge un nombre conséquent de petites entreprises. Or, la réglementation en santé travail est identique pour tous. Ainsi l’approche par la santé travail a favorisé les interventions en équipe pluridisciplinaire. En Région, cela est un enjeu important qui a fait l’objet sans attendre la réforme de santé travail de formations et d’actions expérimentales au sein de services soutenues par l’ensemble des partenaires.
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INTERVIEW : Danièle Vanberkel
Le médecin du travail, en fonction des besoins de l’entreprise, peut intervenir aujourd’hui avec des ergonomes, des ingénieurs ou techniciens HSE, des psychologues du travail, des infirmiers de santé au travail, des assistants de santé au travail, des toxicologues, des assistants sociaux… Mais le médecin du travail n’est plus tout seul à intervenir au sein d’une TPE ! Danièle Vanberkel : C’est exact. Les services interentreprises de santé au travail disposent d’équipes pluridisciplinaires. Le médecin du travail, en fonction des besoins de l’entreprise, peut intervenir aujourd’hui avec des ergonomes, des ingénieurs ou techniciens HSE, des psychologues du travail, des infirmiers de santé au travail, des assistants de santé au travail, des toxicologues, des assistants sociaux… J’ai connu l’époque où le médecin du travail n’avait que sa secrétaire médicale ! Or, on ne peut pas prononcer une aptitude médicale ou conseiller une entreprise, sans connaître les risques liés au travail au sein de cette entreprise. L’histoire a reconnu que le médecin du travail ne pouvait pas tout faire tout seul. Il est le lien nécessaire entre toutes ces compétences. Dans cette équipe, il est le seul à avoir une compétence médicale. Pour moi, avec cette pluridisciplinarité, la santé au travail a apporté un sens nouveau à la médecine du travail. Même si elle n’est plus annuelle, la visite médicale est indissociable de cette connaissance multidisciplinaire du travail et de l’entreprise. Cette évolution a-t-elle impacté le champ universitaire ? Danièle Vanberkel : L’Institut de Santé Travail est une passerelle entre le monde hospitalo-universitaire, les médecins, équipes et services de santé au travail et l’ensemble des partenaires de prévention. J’ai eu la chance de travailler avec le Professeur FURON véritable pionnier du passage de la Médecine du Travail à la Santé au Travail et le Professeur FRIMAT qui s’est attaché dans la suite à développer
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les dynamiques de réseau, les recherches et les formations pluridisciplinaires, impulser les actions innovantes dans le cadre des politiques régionales de santé, et rapprocher les disciplines au sein de l’Universite du droit de la santé au travail. Dans les années 70, Le Professeur Furon a créé le GERN : Groupement d’Ergonomie de la Région Nord, première association pluridisciplinaire en santé au travail… Déjà, de nombreux médecins du travail cherchaient des formations complémentaires à leur formation initiale, notamment en ergonomie, en toxicologie. Ces médecins du travail ont ainsi fait naître la pluridisciplinarité dans leurs approches professionnelles. Mais les approches universitaires et les approches de terrain sont différentes. Notre force, à Lille, à l’époque, a été de reconnaitre l’activité des médecins du travail . Nous étions déjà dans les dynamiques de réseaux de compétences. Outre des missions de recherche et de formation continue, l’Institut facilitait le lien entre les directions de services de médecine du travail et les médecins du travail, dont l’indépendance professionnelle doit être garantie. La Faculté de Médecine, à l’époque, hébergeait l’Institut, qui, grâce au financement de la Cramnp (devenu Carsat) mettait en contrepartie, à disposition des étudiants et des médecins du travail en exercice, un centre de documentation spécialisé, unique en France . Le rôle de l’Etat a-t-il évolué ? Danièle Vanberkel : Les services de santé au travail, (ex services de Médecine du Travail) sont toujours placés sous la tutelle du ministère du Travail. Cependant, dans le cadre de la modernisation de ses services
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déconcentrés en région, les administrations ont été regroupées, ainsi au niveau travail, la Direction Régionale du Travail est devenue la DIRECCTE (DIRection des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi…). La santé est gérée par l’Agence Régionale de Santé. Des plans nationaux en santé et en santé travail sont élaborés et déclinés en région. La définition de priorités concertées constitue un levier incontournable. Pour les services de santé au travail, la tutelle a évolué. L’agrément n’est plus seulement donné sur des critères de conformité ; il est accompagné aujourd’hui de la signature d’un Contrat Pluriannuel d’Objectifs et de Moyens, établi entre le service de santé au travail, la Direccte et la Carsat (Caisse de Retraite et de Santé au Travail, c’est-à-dire l’Assurance MaladieRisques Professionnels). Celui-ci doit être en adéquation avec les objectifs des plans régionaux. Ceci repose également sur le dialogue entre les partenaires sociaux. L’Etat en est le garant. Les approches sont de plus en plus globales et de moins en moins cloisonnées. Dans ce cadre institutionnel, l’Institut aide au développement d’actions régionales innovantes et participe à l’animation régionale des professionnels de santé travail, favorisant ainsi les avancées de la santé travail et les coopérations de réseau . Dans le Nord - Pas-de-Calais, le Conseil Régional s’est investi en Santé Travail. C’est unique en France… Danièle Vanberkel : Tout d’abord, il faut resituer le sens général de l’histoire… Dès les années 1985, la Région Nord - Pas-deCalais a été l’une des rares en France à
L’ISTNF, ..."un carrefour d’échanges" entre les institutionnels, les scientifiques, les professionnels et les entreprises. Mais aussi un "lieu ressources", au sein duquel la dimension universitaire est essentielle et fondamentale. avoir un Contrat de Plan Etat-Région dans le domaine de la santé et de la prévention. La création du GIS (Groupement d’Intérêt Scientifique) Travail et Santé, en 1985, sous l’impulsion des Ministères du Travail et de la Recherche pour l’Etat et de la Région Nord - Pas-de-Calais, en tant que collectivité territoriale a été très novateur et a représenté les prémices des premières recherches appliquées en santé travail. Puis, le GIS est devenu le Groupement d’Intérêt Public CERESTE, centre de recherche appliqué et pluridisciplinaire en santé au travail. Le CERESTE, fédérait sous l’égide d’un Conseil Scientifique indépendant, des moyens de l’Etat, de l’Université, de l’Assurance Maladie et du Conseil Régional, et par l’action de l’Institut permettait le développement de recherches et d’action de valorisation auprès des médecins du travail et des entreprises. Avec le Livre Blanc, publié en 1999, l’Institut a misé sur le développement du dialogue entre toutes les parties prenantes en Santé au Travail. Le congrès National, organisé en l’an 2 000 a été un temps très fort de ce dialogue. Il a été aussi précurseur du décloisonnement santé travail/santé publique. C’est ainsi que, dans le prolongement de cette dynamique, le Conseil Régional Nord - Pas-de-Calais, au titre de sa compétence pour le développement de l’action économique, a initié en partenariat avec l’Institut de Santé au Travail du Nord de la France et l’appui des services des santé au travail le programme « Bien-Etre au Travail » visant à renforcer le soutien auprès des TPE pour la maîtrise des risques professionnels. Le développement d’une Plate-forme régionale de Formation pluridisciplinaire en Santé-Travail, en liaison avec l’université et l’ensemble des partenaires concernés, replace
également la formation tout au long de la vie au centre des approches pluridisciplinaires. Comment résumer toutes ces évolutions depuis 35 ans ? Danièle Vanberkel : Je me place sous l’angle de l’Institut. Il y a 35 ans, l’Institut était un outil en appui des médecins du travail en formation ou en activité. C’est ainsi que grâce à des fonds provenant de l’assurance maladie et de l’hébergement par la Faculté de Médecine, ont été mis à disposition un centre documentaire dédié et un laboratoire de toxicologie professionnelle, tout en développant l’ergonomie et la recherche. Je dirais qu’aujourd’hui l’Institut est un « outil tactile » au sens où il est devenu un « carrefour d’échanges » entre les institutionnels, les scientifiques, les professionnels et les entreprises. Mais c’est aussi un « lieu ressources », au sein duquel la dimension universitaire est essentielle et fondamentale. Quels conseils donner à une TPE ou une PME ? Danièle Vanberkel : Ne pas rester seule. A travers son médecin du travail, les équipes pluridisciplinaires et son service de santé au travail, le chef d’entreprise et ses salariés ont accès à un large réseau de compétences, dont la TPE peut bénéficier pour son développement. La prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, la maîtrise des risques professionnels la promotion de la santé et du bien-être au travail constituent autant de dynamiques qui protègent l’entreprise des aléas et concourent à sa performance.
BIOGRAPHIE express DANIÈLE VANBERKEL Après un passage dans la direction des services du cabinet de la Préfecture de Région, puis cinq années au comité pour le développement de la médecine du travail de Lille, Danièle Vanberkel est sollicitée par le Professeur Furon pour organiser le 26ème congrès national de Médecine du Travail de 1982. Elle intègre alors l’Institut de médecine du travail, qui deviendra l’Institut de Santé au Travail du Nord de la France. L’Institut est une association née en 1946 dans le berceau universitaire et soutenu pendant de longues années par la CRAM Nord Picardie, en tant que relais d’information et d’expertise auprès des professionnels ou acteurs de la médecine du travail. L’ouverture d’esprit et l’investissement sans faille des Professeurs Daniel Furon et Paul Frimat, responsables de la discipline Médecine du Travail à la Faculté de Médecine et successivement Président de l’Institut sont un gage de la réussite et de l’utilité sociale de l’association. • 1976-1980 : Comité pour le Développement de la Médecin du Travail – Lille (devenu PÔLE SANTÉ TRAVAIL Lille Métropole). • 1981-1982 : organisation du 26ème Congrès national de Médecine du Travail. • 1983-2015 : Responsable administrative et financière puis en 2001 Secrétaire générale l’Institut de Santé au Travail du Nord de la France. Pendant cette période, elle a assuré concomitamment la responsabilité de gestion du GERN (1981- 1994) ; du GIS Santé Travail (19861990) ; du GIP Cereste et de la Maison Régionale de Promotion de la Santé (1992-2006). Danièle Vanberkel a toujours montré beaucoup de disponibilité dans son métier. Elle a également contribué au décloisonnement de la Santé Travail/ Santé Publique, en assurant la responsabilité administrative la Maison Régionale de Promotion de la Santé (regroupement d’associations).
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AUX ALENTOURS Performance
Pénibilité
ARIAS Nord-Pas-de-Calais
Prévenir la pénibilité pour développer le bien-être ! A l’occasion de la présentation de ses vœux 2015, l’ARIAS Nord-Pas-de-Calais a organisé une conférence débat sur le thème de la pénibilité, le 22 janvier 2015 à Lille. Couvrant le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie, l’Association Régionale des Intervenants pour l’Amélioration de la Sécurité (ARIAS) existe depuis 1984 et fédère une centaine de membres actifs. Deux intervenants ont présenté leurs expériences respectives : Laurent Huglo, Ingénieur Conseil Régional Adjoint de la CARSAT Nord Picardie (Caisse de Retraite et de Santé Au Travail) et Pierre Plouvier, ergonome des secteurs Assemblage et Logistique à l’Usine Toyota d’Onnaing. De la petite entreprise à la plus grande, chacun est concerné. Président de l’ARIAS1 , Jean Macher précise l’objet de l’association : « Promouvoir la sécurité et la santé dans les entreprises et développer les liens entre les différents intervenants en Sécurité Santé : Ingénieurs et Animateurs Sécurité, Médecins du Travail, Infirmières, IPRP, Intervenants en prévention des risques professionnels,… ». Aborder la pénibilité était essentiel pour « faciliter la compréhension et l’appropriation de ce nouveau champ d’action aux intervenants pour l’amélioration de la Sécurité au travers d’une transposition très "terrain" ». Un enjeu économique Le renforcement de la législation vis-à-vis de la prévention de la pénibilité est issu, depuis dix ans, des lois successives réformant les retraites. Actuellement différents facteurs de pénibilité sont identifiés par le législateur et doivent faire l’objet, en cas de dépassement de certains seuils2 , de déclarations spécifiques et individuelles auprès de la CARSAT. Réduire la pénibilité nécessite des investissements. Mais ces investissements préservent l’avenir de
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l’entreprise. Car, seule, la prévention peut réduire les coûts sociaux et d’indemnisation, tout en améliorant la production. Point de départ : le DUER ! Chaque entreprise, quelles que soient sa taille et son activité, doit évaluer les risques professionnels sur chaque situation de travail. Cette évaluation doit être colligée dans le Document Unique d’Évaluation des Risques. Il faut donc évaluer en priorité les facteurs de pénibilité… sans oublier les autres risques ! L’évaluation permet d’identifier les moyens de prévention nécessaires. En matière de prévention, les actions doivent être hiérarchisées et planifiées. Cette évaluation et les objectifs de prévention doivent être partagés entre tous les acteurs de l’entreprise De la pénibilité… au « bien-être » Différentes méthodes d’évaluation existent. La plupart de ces méthodes vise à recenser les facteurs de pénibilité par des relevés d’activité, des observations de postes et de
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situations de travail, ou des identifications de risques et danger. Il est fortement conseillé de rester pragmatique. Le ressenti des salariés est une clé d’entrée incontournable et le dialogue est essentiel. L’objectivation par des mesures et/ou des relevés d’observation vient en complément. La démarche doit être progressive. Il importe alors de cibler régulièrement des points d’amélioration, en échelonnant les investissements. Le but est alors d’améliorer la qualité de vie au travail et le bien-être au sein de l’entreprise, plutôt que de subir une législation supplémentaire.
Le Un site dédié : www.preventionpenibilite.fr 1 ARIAS, Entreprises et Cités, 40 Rue Eugène Jacquet, 59700 Marcq-en-Barœul. 2 Voir Entreprise & Santé n° 28, page 27, interview du Docteur Brigitte Pamart.
AGENDA
ACTU
« Regards de jeunes »
rives de l’Aa et de la Colme Présenté par la Mission Locale des 5 à 14h00 et Jeudi 21 mai 2015 à 14h00 201 i ma 19 rdi Ma 00, 14h à 5 201 i ma 12 Les Mardi
la santé au travail ! Trois Des jeunes bénévoles vous parlent de une heure de détente, de er pass z représentations sont prévues. Vene plaisir et d’échanges. : Valérie à la Mission Locales de Réservations indispensables ! Contact ou appeler au 03.28.22.21.03 lle Gau de Bourbourg, 28, place du Général Georges sur L’Aa Lieu : Théâtre des Insolites de Saint
emploi » « Pénibilité, mode d’ UP
Réservé aux adhérents du SIM Le 28 Mai 2015 à 8h30
un cabinet d’avocats spécialisés. Petit-déjeuner animé en partenariat avec la loi et des décrets relatifs s qui vous intéressent sur l’application de Venez poser en direct toutes les question à la pénibilité au travail. 1 Halluin - 03 20 94 12 54 Lieu: SIMUP - 22 rue de Lille - 5943 p.fr il de la Vallée de la Lys www.simu trava au é Sant : : Pour en savoir plus
ation Plateforme régionale de form pluridisciplinaire en santé travail
Du 29 juin au 03 juillet 2015
santé au travail et des représentants A destination des professionnels de par la Plateforme régionale de formation ées d’entreprise, les Septentrionales, port F, Iréo, Association régionale des services en santé-travail (Université Lille 2, ISTN ine d’événements. Les Septentrionales de santé au travail), proposent une sema ssionnelle et du DPC pour les acteurs sont éligibles au titre de la formation profe de santé-travail. cardio vasculaire, Faculté de Droit, Lille Lundi 29 juin : Parcours de soin et santé nisations de travail sur la santé, Faculté Mardi 30 juin : Impact des nouvelles orga de Droit, Lille plan de prévention et suivi postMercredi 1er juillet : Amiante, actualités, expositionnel, Faculté de Droit, Lille ent, Faculté de Droit, Lille Jeudi 02 juillet : L’obligation de reclassem région aujourd’hui et demain, Vendredi 03 juillet : La santé-travail en mode, Calais la de et Cité internationale de la dentelle
.istnf.fr/septentrionales Pour en savoir plus et s’inscrire : www m il.co gma ales@ trion pten Contact : lesse ro porte de lundi 29 juin au jeudi 02 juillet (mét Lieu : Faculté de Droit de Lille du le vendredi is, Cala à e, mod la de et elle dent la Douai) et à la Cité internationale de gare de Calais). 03 juillet (à 5 minutes à pied de la Entreprise & Santé • 2éme Trimestre 2015 • N°30 • www.entrepriseetsante.fr
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