Compilation des interviews des étudiants de la Sorbonne, Saison 2012-2013
Au cours de la saison 2012-2013, 19 étudiants de l'UFR Musique & Musicologie à l'Université de Paris-Sorbonne, dans le cadre de leur Séminaire de recherche dirigé par Mme Sylvie Douche portant sur le centenaire du Théâtre des Champs-Elysées, ont mené autour de 8 concerts de l’Orchestre de chambre de Paris les interviews : - D’un musicien de l’orchestre en amont du concert - D’un spectateur de l’orchestre pendant l’entracte du concert Voici la compilation de leurs entretiens.
Sommaire Concert du 13/11/12, Marc Duprez et Anne Fournier
p. 2
Concert du 18/12/12, Fany Maselli, Catherine et Michel Quelquejeu
p. 8
Concert du 22/01/13 Jean-Michel Ricquebourg et Charlotte Ginot
p. 15
Concert du 26/02/13, Daniel Catalanotti et Maylis de Coüet
p. 22
Concert du 02/04/13, Sarah Veilhan et Caroline Heid
p. 31
Concert du 26/04/13, Ricardo Delgado et Elisabeth Petit
p. 39
Concert du 14/05/13, Benoît Grenet, Martine et Jean-François Bezault
p. 42
Concert du 21/05/13, Guillaume Paoletti et Etienne Nayrac
p. 47
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Concert du 13/11/12 : Michel Dalberto, du piano à la baguette. Entretiens réalisés par Sabrina Bloch, Elise Rabiller et Quentin Lafarge.
Interview musicien : Marc Duprez.
Marc Duprez, violoniste à l’Orchestre de chambre de Paris, nous reçoit dans les coulisses du Théâtre des Champs-Élysées où il a bien voulu répondre à nos questions, alors qu’il venait de jouer Pierre et le Loup. Quand nous le questionnons sur son parcours, il nous répond qu’il a suivi la formation « tout à fait classique du musicien d’orchestre parisien ». Après des études musicales au Conservatoire de Paris, il s’investit beaucoup dans la musique de chambre, notamment dans un quatuor pendant une quinzaine d’années. Il rentre alors en 1979 à l’Orchestre de chambre de Paris pour lequel il travaille toujours aujourd’hui.
Tout d’abord, nous aimerions savoir si vous avez une affinité pour un répertoire particulier, un compositeur ou un style ? Chaque fois qu’un musicien est interrogé, on lui pose cette question et je ne pense pas que hiérarchiser la musique, la cloisonner selon un classement, soit une bonne chose. Chez chaque compositeur il y a une évolution, les derniers quatuors de Schubert ou de Mozart sont très différents des premiers par exemple. Cependant il est important de jouer des œuvres dites « mineures » ou de jeunesse, afin de les faire découvrir au public, de leur apporter une ouverture dans le répertoire. De même il est difficile de choisir une période quand par exemple pour la première moitié du XXe siècle, j’ai plus d’affinités avec un compositeur tel que Ravel ou Debussy plutôt qu’avec Honegger. Mais je ne peux pas placer un seul compositeur ou une seule œuvre devant tou(te)s les autres. On veut toujours qu'il y ait des classements dans notre société, « un must » un « best-of » ; cette vision de la musique ne me convient pas. 2
Cette année nous célébrons le Centenaire du Théâtre des Champs-Élysées, salle dans laquelle l’OcP et vous-même vous produisez souvent. Cette salle at-elle une valeur particulière à vos yeux ? J'aime beaucoup ce lieu car je trouve que l'on y est aussi bien sur scène que dans la salle. En effet c’est une salle qui par ses dimensions et sa conception est idéale pour un orchestre tel que l’OcP. De plus, les nombreux travaux qui y ont eu lieu en ont fait une salle que je qualifierais d’analytique. Tout y est très clair et il est très agréable de s’y produire en effectif de chambre. La seule restriction pour le Théâtre des Champs-Élysées reste le répertoire symphonique de la seconde moitié du XIXème siècle avec -entre autres- les symphonies de Mahler ou Bruckner auxquelles une salle comme Pleyel est plus adaptée. Mais pour avoir joué dans les deux salles, je trouve que Pleyel a une moins bonne définition des graves et du medium de par le volume de la salle.
Comment l’OcP se prépare-t-il pour un programme comme celui que vous jouerez le mardi 13 novembre ? Tout dépend si les œuvres sont déjà au répertoire de l’orchestre. Généralement pour un concert le mardi, les répétitions commencent le jeudi d’avant et leur nombre (cinq ou six) varient selon la difficulté du programme et l’agenda du chef d’orchestre et du ou des solistes bien entendu. Nous terminons par une répétition générale le lundi.
Vous avez certainement déjà joué ce programme sous de nombreux autres chefs, qu’attendez-vous d’un chef d’orchestre lors d’une nouvelle collaboration ? J’attends avant tout une identité forte, un musicien qui a une idée très précise de ce qu’il attend de nous. De plus, il faut qu’il fasse passer ses intentions de manière claire, concrète. Il existe une terminologie musicale précise pour pouvoir faire comprendre ses idées sans avoir forcément recours à des métaphores incessantes. Évidemment j’attends également de sa part une exigence qui permette à l’orchestre de donner le meilleur de lui-même. 3
Connaissez-vous Michel Dalberto (pianiste qui sera également chef d’orchestre lors du concert du 13 novembre), et avez-vous déjà été dirigé par lui à l’OcP ? Comment aborde-t-on un concert dirigé par un chef qui est également soliste comme ce sera le cas dans le 4ème concerto pour piano de Beethoven? Je connais Michel Dalberto de longue date puisque nous étions au conservatoire ensemble. Il a dirigé une fois l’OcP dans un programme, si mes souvenirs sont exacts, Mozart dans un Concerto pour piano et Wagner avec L’idylle de Siegfried ; le concert s’était plutôt bien passé. Dans ce type de fonctionnement avec un chef qui est aussi concertiste, il faut avoir des repères internes qui fonctionnent et une écoute collective différente de d’habitude ; de plus, si le chef n’est pas très explicite dans les quelques gestes qu’il donne à l’orchestre ou s’il n’en donne pas du tout, le premier violon peut être un relais pour les musiciens de l’orchestre. Cela nécessite donc une très bonne entente et cohésion musicale entre le chef d’orchestre et le premier violon.
Pourquoi avez-vous choisi de jouer dans un orchestre de chambre plutôt que dans un grand orchestre symphonique ? Ce choix découle-t-il du fait que vous ayez eu une longue et importante expérience en musique de chambre ? Effectivement, jouer dans un orchestre de chambre est ce qui se rapproche le plus de la musique de chambre ; j’aime beaucoup cette idée de faire de l’orchestre comme on fait du quatuor à cordes. Il y a donc une grande proximité entre tous les musiciens de l’OcP. Cela dit, je joue également de temps en temps à l’Orchestre de Paris qui est une formation beaucoup plus importante numériquement parlant ; je fais en général 2 ou 3 séries par an et pouvoir ponctuellement jouer dans une autre formation me plaît également beaucoup. En fait, j’aimerais que tous les orchestres parisiens s’échangent leurs musiciens de temps en temps pour que la transmission du savoir et l’expérience de chacun puisse profiter au plus grand nombre ; mais je sais que cette envie n’est pas réalisable malheureusement…
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Comment abordez-vous le travail d’œuvres comme la Symphonie n°41 de Mozart et le Concerto pour piano n°4 de Beethoven ? Plutôt dans une idée d'unité stylistique ou au contraire dans l'optique de différencier deux esthétiques? Personnellement, si je pouvais pour une fois m’autoriser à hiérarchiser les œuvres, je dirais que je préfère nettement la 41e à la 40e de Mozart ; les équilibres sont extrêmement bien dosés et la difficulté du Finale est stimulante. Pour ce qui est du Concerto pour piano n°4 de Beethoven, il occupe une place à part dans le répertoire ; c'est une rupture par rapport à ce qui avait été écrit avant, notamment le mouvement lent. Pour ce qui est d’avoir dans le même programme deux compositeurs, je trouve que ce format de concert est beaucoup plus adapté à l’époque actuelle qu’un concert avec pour thématique un compositeur en particulier. De plus, ici il y a aussi bien de la musique de chambre que de la musique orchestrale, ce qui me permet de pouvoir aller écouter dans la salle les chambristes et d’être alors aussi bien acteur que spectateur. C’est agréable de pouvoir allier les deux dans un même concert. Ces deux compositeurs que sont Mozart et Beethoven correspondent très bien à l’OcP car ils travaillaient avec des orchestres assez peu développés ; il y a donc une grande adéquation entre leur musique et notre formation. Cependant, là où une certaine question d’identité se pose plus, c’est lorsque nous souhaitons jouer Schumann ou Brahms ; il ne sert à rien d’essayer de rivaliser au niveau du volume sonore sur ces musiques du milieu du XIXe siècle avec de grands orchestres symphoniques, nous ne ferions pas le poids. Il faut essayer de profiter alors de notre petit effectif pour faire ressortir des couleurs ou des sonorités qu’un grand orchestre symphonique ne peut pas faire entendre.
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Interview spectateur : Anne Fournier.
À l’entracte du concert de l’OcP du mardi 13 novembre donné au Théâtre des Champs-Elysées, nous avons eu la chance de rencontrer une spectatrice pas comme les autres. En effet, Anne Fournier ne vient pas seule écouter l’Orchestre de chambre de Paris mais plutôt accompagnée de 10 à 50 personnes, issues de son réseau professionnel.
Anne, allez-vous souvent à des concerts de musique classique ? Oui, très souvent. Tout d’abord, il faut savoir que je sors tous les soirs. Au début, je ne proposais pas de la musique classique à mes collègues, pensant qu’ils ne seraient pas intéressés, mais plutôt du théâtre et des expositions temporaires de peinture. J’ai inséré des concerts de musique classique dans ma liste de spectacles proposée à mes 2 000 contacts, il y a 4 ans. J’ai réuni jusqu’à 50 personnes pour un concert de l’OcP.
Pourquoi avez-vous choisi l’OcP plutôt qu’un autre orchestre ? C’est une coïncidence. Au départ, je travaillais avec un revendeur de spectacles qui m’avait proposé un certain nombre de places pour l’OcP. Mais, par ce biaislà, je n’avais pas accès à tous les concerts de l’orchestre et j’ai donc alors décidé de traiter directement avec l’OcP pour pouvoir avoir des places pour toutes les dates.
Suivant actuellement un séminaire autour du Théâtre des Champs-Élysées, nous aimerions savoir si vous avez une affinité particulière avec cette salle ? Pour moi, c’est une des plus belles salles parisiennes. Vous allez trouver ça banal, mais nous y sommes très bien assis et avons de la place pour les jambes, ce qui est loin d’être le cas dans tous les théâtres. Le Théâtre des ChampsÉlysées me fait en fait penser au Théâtre de l’Odéon qui a le même genre de configuration avec des sièges individuels. Par ailleurs, c’est dans cette salle que nous avons entendu la pianiste Brigitte Engerer donner son dernier concert ; 6
nous savions alors qu’elle était malade, mais étions loin d’imaginer que nous assistions à sa dernière apparition sur scène. C’est, je crois, ma plus forte émotion lors d’un concert.
Pourquoi avoir choisi le programme du concert du 13 novembre en particulier ? Ce qui me plait dans ce programme, c’est la diversité des formations instrumentales. Nous avons eu du piano seul, de la musique de chambre, un concerto, une symphonie, ce n’est pas toujours le cas lors des concerts. D’autre part, nous n’avons pas eu, ce qui est rare, de musique contemporaine. Cependant, en introduire avec parcimonie est, en général, très bien car cela permet à l’oreille de s’habituer à la musique actuelle. Par contre, un concert composé uniquement de musique d’aujourd’hui ne remporterait pas beaucoup de succès auprès de mes collègues, je pense même qu’ils ne viendraient pas.
Le changement de chef a-t-il été pour vous une déception ou en êtes- vous satisfaite ? En ce qui me concerne, ça ne me dérange pas du tout ; je ne suis pas assez connaisseuse dans ce domaine en particulier. Pour moi, l’essentiel est d’amener d’autres personnes à aller aux concerts, au théâtre, dans les musées, en résumé ensemble vers la culture et je pense que ce but est largement atteint.
Pour conclure, qu’en est-il de vos prochains rendez-vous avec l’OcP ? J’ai réservé pour de nombreux concerts à venir mais également pour un dîner organisé par l’OcP où quelques abonnés fidèles ont été conviés à dîner avec deux musiciens de l’orchestre. Je me réjouis à l’avance de cette rencontre qui va nous permettre d’échanger avec certains membres de l’ensemble, ce qui est un privilège immense pour la fervente spectatrice que je suis !
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Concert du 18/12/12 : Nuits dans un jardin d’Espagne. Entretiens réalisés par Marie Bastian et Laura Gaya.
Interview musicien : Fany Maselli
Fany, vous êtes diplômée des Conservatoires de Turin, Vienne, Paris et vous avez achevé vos études à la Hochschule Hanns Eisler de Berlin. La façon d’appréhender la musique varie-t-elle d’un pays à un autre ? Les méthodes pédagogiques sont-elles différentes entre ces pays ? Oui, tout à fait. Tout d’abord, je suis née et j’ai grandi en Italie. J’ai commencé le basson à l’âge de 10 ans et je suis directement entrée au Conservatoire de Turin. A cette époque, pour les instruments à vent, le cursus au conservatoire durait 8 ans, donc je suis entrée au conservatoire à l’époque du collège en classe à horaires aménagés (CHAM). J’ai fait toute ma formation du collège jusqu’au lycée à l’intérieur du conservatoire. À cette époque il n'y avait pas d'écoles supérieures en Italie, j'ai donc poursuivi mes études en Autriche puis en Allemagne. Naturellement il y a de nombreuses différences pédagogiques (comme culturelles d'ailleurs) entre ces pays européens. En Allemagne et en Autriche la formation est très axée sur l'orchestre. Les traits d'orchestre sont une partie fondamentale de la formation, obligatoire à chaque cours. Les séances d'orchestre sont très nombreuses, cela donne l'opportunité de lire beaucoup de répertoire. De plus, en étant qu’élève, on doit être très indépendant. Un exemple simple : pour le diplôme final l'élève doit lui-même programmer et organiser ses récitals pour l'examen (réserver les salles, organiser les dates des examens, programmer les répétitions jusqu'à choisir le jury !). Si on veut comparer, le système français s'appuie un peu plus sur la maîtrise du répertoire de l'instrument (solistique et chambriste).
Pourquoi êtes-vous venue à Paris ? Connaissiez-vous l’Orchestre de chambre de Paris avant de venir à Paris ? 8
Je suis venue à Paris pour la première fois en 2001 lors d’un échange Erasmus pendant mes études à Vienne. Ma mère est française, donc je connaissais déjà bien la langue française. Ça fait maintenant 8 ans que j’habite ici. J’ai rencontré mon compagnon le dernier jour de mon Erasmus… c’est toujours comme ça ! Puis, je suis partie à Berlin pendant 4 ans, et avec la distance c’était difficile donc je voulais rentrer et trouver un poste à Paris. Lorsque j’ai été acceptée à l’OcP, c’était l’occasion pour moi de revenir en France. Je ne connaissais pas l’Orchestre de chambre de Paris à ce moment-là. C’est en cherchant sur internet que j’ai trouvé une annonce pour concourir pour le poste de basson à l’OcP et je l’ai eu.
Quelle fut votre réaction lorsque vous avez réussi le concours pour être basson solo de l’OCP ? J’ai réuni tous mes amis et on a fait la fête ! Le concours était dur. Le problème des concours d’orchestre c’est que c’est tout ou rien. Pour une personne c’est tout, et pour tous les autres c’est rien. Il faut vraiment le vouloir. Il faut travailler et puis être aussi un peu fataliste. J’ai fait beaucoup de concours d’orchestre, et lorsque tu n’es pas pris tu te dis simplement que ce n’était pas ta place. Il faut se reconstruire et refaire tout le travail pour un autre concours. Il est parfois difficile de retrouver la motivation, mais c’est pareil dans tous les métiers.
Vous avez eu la chance de jouer sous la direction de nombreux chefs d’orchestre, notamment Claudio Abbado pendant votre collaboration avec le Berliner Philharmoniker, y a-t-il eu un chef avec qui vous avez particulièrement apprécié travailler ? Et, a contrario, un chef avec qui il fut difficile de travailler ? Pourquoi ? Jouer sous la direction de Claudio Abbado, c’est une expérience géniale ! Je n’avais jamais connu ça. Pour moi c’est un des plus grands, il y a quelque chose de magique dans ses mains. Quand j’étais à l’Académie de Berliner Philharmoniker, pendant ma dernière année, j’ai eu la chance de faire la dernière tournée de Claudio Abbado en Italie, chez moi à Turin. C’était un rêve pour moi, ma famille était là, ma mère pleurait, et moi aussi... (rires). J’avais 22 ans à l’époque. Ce sont des moments que tu n’oublies pas.
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Ensuite, Bernard Haitink, un chef d’orchestre hollandais, pour moi c’est l’autre « monstre sacré ». Sa gestuelle est tellement claire qu’il n’a même pas besoin de parler. Tout semble évident. Et ici, à l’Orchestre de chambre de Paris, on a eu une très bonne expérience avec Andris Nelsons, il est venu à l’OCP alors qu’il n’était pas encore connu. Maintenant, il fait une carrière incroyable avec le City of Birmingham Symphony Orchestra. L’énergie qu’il donne à l’orchestre ainsi que la manière dont il travaille avec sa patte sonore est vraiment chouette. Il nous a complètement transformés. C’est vraiment une question de feeling avec le chef d’orchestre. Il y a une attitude d’orchestre qui est différente d’un pays à l’autre. En Allemagne et en Autriche, surtout en Autriche d’ailleurs, on a tendance à avoir une certaine latence dans la gestuelle alors qu’en Angleterre le geste est très direct. En France, c’est entre les deux. Parfois on discute entre musiciens, on voit la même personne, on a à faire au même chef d’orchestre, et on n’a pas du tout les mêmes sensations. C’est une chose très subjective et c’est justement ce qui fait la richesse d’un ensemble.
Vous avez également pu jouer dans de nombreuses salles de concert, que pensez-vous du Théâtre des Champs-Elysées ? Y a-t-il quelque chose qui vous plaît particulièrement, ou qui vous déplaît ? J’ai du respect pour cette salle, pour son histoire. Je suis bassoniste, et l’idée que la Première du Sacre du printemps ait eu lieu dans cette salle, avec un public déchaîné, je ne peux m’empêcher d’y penser à chaque fois que j’entre au théâtre. J’aime beaucoup l’architecture de la salle, ils ont fait beaucoup de progrès sur l’acoustique ; l’acoustique était relativement sèche avant les travaux, maintenant c'est plus agréable pour nous, musiciens, de jouer sur scène. Il y a deux salles où j’ai particulièrement adoré jouer : le Musikverein à Vienne et la Philharmonie de Berlin. Le Musikverein est impressionnante avec toutes ses statues dorées qui reflètent son histoire.
Dans le cadre de cet entretien, nous aurons la chance d’assister au concert du 18 décembre prochain au TCE, avec au programme du Mozart, Manuel de Falla, des nocturnes de Chopin, Debussy, De Falla ainsi que du Schoenberg. Aviez-vous déjà eu l’occasion de jouer une de ces œuvres ou même plusieurs ?
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Pour le concert du 18 décembre, je jouerai uniquement dans la pièce de Manuel de Falla Nuits dans les jardins d’Espagne. C’est une découverte pour moi, je n’avais jamais eu l’occasion de jouer cette pièce auparavant mais je suis justement en train d’écouter des enregistrements et d’étudier les partitions. Il arrive souvent que, sur tout un programme, les vents ne jouent que dans une seule pièce alors qu’on voudrait jouer tout le temps. C’est dommage parce qu’on est là pour faire de la musique ! On pourrait imaginer que nous sommes ravis de nous reposer, mais en fait c’est tout le contraire, on attend dans les coulisses et c’est stressant (rires). On jouera notamment avec le pianiste Javier Perianes, qui est vraiment super. Il a déjà joué avec l’OcP l’année dernière à la Cité de la Musique pour le concert de clôture de la Paris Play Direct Academy. Joseph Swensen nous dirigera.
Vous êtes régulièrement invitée dans d’autres formations symphoniques et de musique de chambre. Quels sont vos projets pour les mois prochains ? Y a-t-il des voyages de prévus ? Les voyages, je ne sais pas, ça dépend de l’orchestre. Pour l’instant, j’ai un projet en Amérique du sud avec l’Orchestre Camerata Bern, mais rien de sûr encore. L’année dernière j’ai pris une année sabbatique, j’ai passé 6 mois « off » de l’orchestre, à voyager avec mon basson, notamment à Londres pendant 4 mois et demi où j’ai joué avec London Symphony, puis je suis partie aux EtatsUnis, en Allemagne, en Espagne, en Irlande… ça n’a pas arrêté !
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Interview spectateur : Michel et Catherine Quelquejeu.
Monsieur et Madame Quelquejeu, vous êtes relais de groupe auprès de l’Orchestre de chambre de Paris, pourquoi avoir choisi d’adhérer à cet orchestre ? Êtes-vous abonnés dans d’autres structures culturelles ? Monsieur Quelquejeu : Non, nous n’avons pas d’autres abonnements. Cela fait maintenant plus de 30 ans que nous sommes abonnés à l’OcP (anciennement l’Ensemble orchestral de Paris). Nous avons commencé il y a 35 ans lorsque le chef était Jean-Pierre Wallez, c’était encore à la salle Gaveau à l’époque. Aujourd’hui nous somme plus de 80 dans notre groupe. Madame Quelquejeu : Ça a été fortuit au départ. On a découvert par hasard, ça nous a plu, les lieux de concerts étaient sympathiques et on a bien accroché. Monsieur Quelquejeu : Il y a eu toute une série de chefs extraordinaires, ainsi que de grands solistes internationaux. Nous n’avons aucune envie de changer.
Vous êtes « relais de groupe », en quoi cela consiste-t-il ? Où trouvez-vous le public ? Est-ce qu’il s’agit de vos voisins, famille, amis… ? Madame Quelquejeu : Nous sommes prévenus très tôt de la programmation de la saison, nous assistons à la présentation et réservons dès ce moment-là un ensemble de places que nous confirmons et redistribuons ensuite à notre groupe d’amis, en fonction de leurs choix. C’est le même fonctionnement qu’un comité d’entreprise sauf qu’il s’agit d’un comité de copains qui fonctionne par le bouche à oreille ! On fait ça pour le plaisir. Au début nous n’étions que 3 ou 4, mais on est de plus en plus nombreux ! Monsieur Quelquejeu : Ce sont plutôt des amis qui nous rejoignent, mais aussi quelques membres de notre famille. On connaît bien les préférences de notre groupe et on peut deviner les concerts qui vont mieux marcher. C’est un groupe assez vieillissant, il n’y a pas beaucoup de jeunes…
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La direction de l'OcP est en plein changement de direction. Comme cela fait quelques années que connaissez la maison, avez-vous ressenti des évolutions, des changements importants au cours des précédents changements de direction ? Monsieur Quelquejeu : Quand on connait bien l’orchestre, on entend souvent parler de l’emprise de John Nelson et de Monsieur Schneider à la direction de l’Orchestre. Ils formaient vraiment un tandem qui a été extrêmement marquant. Ils ont fait venir des solistes remarquables, notamment tous les premiers violons solistes qui sont des artistes internationaux. Ils ont véritablement façonné cet orchestre et ce qu’il est aujourd’hui dans cette formation tout à fait particulière puisque ce n’est ni un ensemble symphonique ni tout à fait un ensemble de musique de chambre. Depuis que Monsieur Bador est arrivé, il a insufflé plus d’ouverture. Il a fait beaucoup pour l’OcP, il a notamment redéveloppé le partenariat avec l’enseignement, avec les jeunes, avec Accentus aussi. Il a également invité plein de personnages extraordinaires : regardez le concert de ce soir, c’est vraiment incroyable ! On espère que la nouvelle direction va continuer à améliorer les choses. Nous espérons notamment que les « avants-concerts » (l’Entrée en Musique), une spécialité de la Maison, vont continuer, ainsi que le partenariat avec des compositeurs contemporains.
Avez-vous suivi ou suivez-vous actuellement une formation musicale ? Quel est votre instrument préféré ? Pourquoi aimez-vous écouter de la musique classique ? Madame Quelquejeu : Je n’ai pas du tout suivi de formation musicale! C’est plutôt mon mari… Mon instrument préféré c’est la harpe, et la flûte aussi. Monsieur Quelquejeu : J’ai fait cinq ou six ans de piano quand j’étais jeune, et certaines circonstances ont fait que je n’ai pas pu continuer. Mais j’ai toujours adoré la musique, je suis d’une famille de musiciens, ma mère était très bonne pianiste, avec mes frères on jouait souvent ensemble. Puis je me suis reconverti au jazz et j’ai appris le saxophone soprano (un peu aussi le ténor), qui est devenu mon instrument préféré. Je joue aussi de la clarinette. Nous chantons beaucoup aussi. J’aime bien écouter de la bonne musique en général : soit du 13
classique, soit du jazz… c’est notre loisir principal. Nous sommes plus sensibles à la musique qu’aux expositions de peinture, par exemple.
A combien de concerts avez-vous déjà pu assister au Théâtre des ChampsElysées ? Y en a-t-il eu un qui vous a particulièrement marqué et pourquoi ? Madame Quelquejeu : Nous assistons environ à 8 concerts par an. Monsieur Quelquejeu : Ce qui doit faire 250 concerts, quelque chose comme ça ! Le concert où nous avons tous pleuré est le dernier concert de Brigitte Engerer en juin dernier. Nous la sentions très faible pendant le concerto de Schumann, et elle est décédée quelques jours après. C’était un grand, grand moment d’émotion musicale.
Parmi les concerts de cette saison, quel concert pourriez-vous nous conseiller ? Un concert qu’il ne faut absolument pas rater ? Monsieur Quelquejeu : Il y en a beaucoup… Madame Quelquejeu : Les sœurs Labèque au pianoforte le 14 mai prochain. Monsieur Quelquejeu : Oui, les sœurs Labèque avec le Concerto pour deux pianos de Mozart, il n’y en a pas beaucoup d’autres qui vont rejouer ce Concerto avec une telle maîtrise ! En tout cas il y a toujours des solistes invités formidables et des programmations merveilleuses qu’il ne faudra pas rater !
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Concert du 22/01/13 : Nuits dans un jardin d’Espagne. Entretiens réalisés par Leslie Delenclos et Lucile Fanien.
Interview musicien : Jean-Michel Ricquebourg
Vous êtes membre de l’Orchestre de chambre de Paris depuis 1993, qu’est-ce qui vous a donné envie d’intégrer cette formation il y a 20 ans ? Je suis rentré sur concours en janvier 1993, mais j’ai eu la chance de participer aux activités de l’Ensemble orchestral de Paris quasiment dès sa création. Il est l’un des orchestres au sein duquel j’ai été appelé à « cachetonner », ainsi qu’à l’Orchestre national et au Philharmonique de Radio France. C’est un peu le hasard qui a donné un coup de pouce à mon envie pour cet orchestre. J’ai été contacté pour un remplacement de dernière minute sur une série avec Kiri Te Kanawa et Jean-Pierre Wallez. Celle-ci a été déterminante pour la suite de ma collaboration avec l’OcP. Ensuite, pendant 6-7 ans j’ai donné la priorité absolue aux activités de l’Ensemble orchestral de Paris. C’est après l’arrivée d’Armin Jordan qu’ont été créés les postes de timbalier et de trompette solo, qui n’étaient pas dans l’organigramme de l’orchestre initialement (30 cordes et 8 vents titulaires). Enfin, au bout de 8 ans de présence quasiment continue de ma part, j’ai accédé au poste sur concours en 1993. Ma motivation pour l’orchestre de chambre, c’est l’obligation pour un cuivre de trouver sa juste place. C’est à la fois une expérience troublante et passionnante parce qu’il faut adapter et jauger le jeu de la trompette en fonction de l’ensemble du répertoire joué par l’orchestre de chambre, de Bach à la musique contemporaine. L’adaptation ne se fait pas du jour au lendemain et se réajuste, se retravaille à chaque série. Il faut trouver le bon équilibre entre les salles qui sonnent différemment en fonction des instruments, et les chefs qui ont chacun « leur bras » et libèrent le son différemment. Bien sûr, cette 15
différence est très subtile, mais c’est dans cette petite marge que se trouve l’intérêt de jouer de la trompette dans l’orchestre de chambre.
Justement vous abordez le fait que les salles puissent sonner différemment, quelles sont les particularités acoustiques de celle du TCE ? Il faut savoir que cette salle évolue tous les 5 ans environ. J’ai donc eu la chance d’avoir connu plusieurs théâtres des Champs Élysées (installation des sièges en velours, pose d’un parquet spécial, mise en place d’une coque au dessus de l’orchestre, etc.). Pour moi, toutes ces évolutions vont dans le bon sens. C’est une bonne salle pour un effectif d’orchestre de chambre, néanmoins, pour y avoir joué en symphonique, je trouve qu’elle a tendance à saturer dans cette formation. Une fois sur le plateau, commence le jeu avec l’espace scénique : on recalibre, redéfinit sa position dans l’espace et dans le temps (changement d’implantations en fonction de l’œuvre) pour trouver au mieux sa place au sein de la pyramide sonore de l’orchestre. Certes, l’acoustique évolue lorsque la salle est remplie, mais c’est une variante constante à laquelle on s’habitue en une dizaine de mesures. A titre personnel, j’ai une préférence pour la salle du Théâtre du Châtelet, l’espace son de celle-ci est un lieu assez magique. Ce n’est pas par hasard qu’a existé cet engouement populaire autour de l’opérette : c’était un lieu à la fois grand et intime. Alors que le théâtre des Champs-Élysées serait plutôt un lieu d’intimité. Je consacre 90% de mon temps de présence dans cette salle à jouer, mais quand je ne suis pas programmé sur un concert, je m’installe dans la salle comme spectateur. Par envie d’abord, mais aussi par obligation professionnelle : pour connaître cette salle en tant qu’auditeur et pouvoir se rendre compte des éventuels petits « travers » de l’orchestre. Car nous n’avons évidemment pas la même oreille lorsqu’on est sur scène ou dans la salle.
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Vous avez enseigné dans 3 écoles de musique, qu’est-ce que cela vous a apporté en plus des concerts ? J’ai arrêté l’enseignement il y a 2 ans, non pas pour des raisons d’emploi du temps professionnel : celui-ci s’est allégé d’année en année ; mais pour des choix de vie personnels. Lorsqu’on enseigne, on parle de soi. On transmet un savoir que nos maîtres nous ont eux-mêmes transmis, dont on est les témoins et les dépositaires. Comme on trouve sa place dans l’orchestre, on doit trouver sa place dans une forme de chaîne de transmission des savoirs. Enseigner, c’est donner aux élèves l’intelligence de l’instrument qu’on ne peut soi-même détenir et mettre au point que lorsqu’on la pratique. Le pédagogue ne peut parler juste que des choses qu’il a complètement maîtrisées. On ne peut aborder un instrument que si on sait exactement ce dont on parle, cela s’acquiert avec l’expérience sur le terrain. Le fait de faire partie d’un orchestre aide à enseigner et inversement. Enseigner, c’est « apprendre à apprendre », l’élève apporte beaucoup de choses. Il faut apprendre que c’est l’autre qui va apprendre, bref, c’est une histoire de dialogue, comme à l’orchestre. Pour moi jouer et enseigner c’est le même métier, à condition de ne pas mettre de barrière entre les deux. J’ai beaucoup donné à l’enseignement, mais d’avoir arrêté me manque et je pense que je m’y remettrai.
Vous avez intégré la trompette naturelle au sein de l’orchestre il y a quelque temps, qu’est-ce que cela apporte à votre jeu ? Et dans quel répertoire l’utilisez-vous ? J’ai adopté la trompette naturelle il y a 2 ans, ce choix a été appuyé par le chef principal de l’époque, Joseph Swensen. Cet instrument de conception ancienne permet de donner une place, une identité différente au son des trompettes dans l’orchestre, un son plus naturel. Les nuances sont autogérées, dans la mesure où elles correspondent à ce que les compositeurs (Mozart, Haydn, Beethoven etc.) savaient de la sonorité de la trompette à l’époque. Lorsqu’il est 17
écrit double forte, on joue réellement double forte. Celui-ci devient mezzo forte avec une trompette moderne. Concernant le répertoire de la trompette naturelle, elle est jouée dans le répertoire classique jusqu’à la 3ème ou 4ème symphonie de Beethoven.
Avez-vous eu l’occasion de vous produire dans d’autres formations que l’orchestre de chambre ? Je ne suis plus attaché qu’à l’OcP, mais dans le passé j’ai eu notamment la chance d’être cornet soliste au sein des musiciens des Gardiens de la Paix. Cela correspondait à une opportunité de carrière et rejoignait surtout mon répertoire de naissance. Mon grand-père était chef d’une harmonie dans le Pas-de-Calais. Dans le domaine de la musique populaire, et juste avant l’arrivée d’un sport de masse démocratisé, les harmonies et orphéons ont permis de niveler les classes sociales bien installées et de créer un lien social fort entre les habitants du canton. Autrement, nous faisons de la musique de chambre de façon épisodique avec nos collègues de l’orchestre, et nous aspirons à cela. Il est important de pratiquer plusieurs types de musiques et celui qui me manque le plus, au niveau de l’enrichissement de la palette sonore et instrumentale, est le jazz. En 2001, j’ai eu l’opportunité de créer un concerto du compositeur juif américain John Schoenfield, dont l’état d’esprit vaudeville et la connotation jazz n’ont pas été un frein à mon interprétation. Je dois dire aussi que le répertoire et la patte sonore de l’orchestre symphonique me manquent, car celui-ci permet de retoucher à une autre dimension de la trompette.
Que pouvez-vous nous dire sur le programme du 22 Janvier, dont le temps fort sera la création de l’œuvre Miniature de Thierry Escaich ? Pour Dvořák nous utiliserons la trompette à palettes dont la projection sonore plus homogène est plus adaptée à ce répertoire. Le reste du programme sera 18
joué sur la trompette à pistons. Les pièces de Dvořák et Poulenc sont en quelque sorte « pétries dans la tradition ». En revanche, pour l’œuvre de Thierry Escaich ce sera différent, le compositeur sera là dès la première répétition pour éventuellement modifier la partition et pour l’explorer en même temps que les musiciens. Le travail sur une création est forcément passionnant, il passe par l’assimilation du texte musical, ce qu’on va réussir à en faire, et aussi par le choix de l’instrument en fonction de la volonté du compositeur.
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Interview spectateur : Charlotte Ginot.
Vous êtes une habituée de l'OcP, depuis quand lui êtes-vous fidèle et qu'estce qui anime votre engouement pour celui-ci ? J’ai un double intérêt pour cet orchestre, en tant que spectatrice car c’est un très bon ensemble que je viens écouter depuis six ans. Et en tant qu’enseignante car j’y amène mes groupes du Conservatoire de Bobigny. J’y enseigne l’analyse, l’histoire de la musique et la culture. J’accompagne de manière prioritaire à ces concerts les publics issues de Bobigny, essentiellement des adolescents en premier et second cycle de cursus musical.
Étudiez-vous les œuvres avec votre classe avant la représentation ? Avez-vous une "préparation" particulière ? Oui bien sûr, mais ce soir c’est un peu particulier car c’est la première fois que j’accompagne des élèves qui ne sont pas que des adolescents, il s’agit de mon groupe d’analyse. On étudie les partitions, comment elles fonctionnent. On analyse le contexte et le texte, si il y en a.
Quand il s’agit d’une création contemporaine, comment préparez-vous l’écoute ? L’Orchestre de chambre de Paris travaille régulièrement avec Thierry Escaich, pour l’instant ce sont les principales créations que l’on ait vues avec celle de James MacMillan. Si je n’ai pas la partition ce n’est pas très grave, j’aborde ces pièces de la même manière que j’aborderais d’autres œuvres. Par exemple pour Escaich, dont on connaît le style, prendre une autre œuvre pour comprendre son positionnement, la manière dont il se situe peut être une première approche. Je peux aborder ça aussi par le timbre, par exemple pour une création de MacMillan l’an dernier nous avions étudié l’emploi des instruments à vent au XXème siècle.
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Comment réagissent vos élèves à la musique contemporaine ? Très bien, cela ne leur pose aucun problème. Ils n’ont pas de préjugés, je leur fais aussi écouter du Stockhausen ou du Feldman. Il ne faut juste pas leur dire que c’est un objet « étrange » parce que sinon ils l’intègrent comme tel, il faut traiter ça comme du grand répertoire. Ce qu’il y a de plus difficile pour les élèves, c’est le répertoire symphonique style classique de la Première École de Vienne. Une forme sonate de Mozart n’est pas forcément évidente si on n’a pas la dramaturgie en tête, ils peuvent être moins sensibles à la texture instrumentale. Alors que dans une pièce contemporaine il y a au contraire une dimension de geste, de théâtralité et de langage qui interroge. Haydn et Mozart, c’est ce qu’il y a de plus difficile car c’est là où il y a le moins d’accroche quand on ne connaît pas la musique classique et quand on n’en écoute pas.
Dans les concerts à venir, quels sont ceux que vous attendez impatiemment ? Oui, je pense que La Création de Haydn à la Cathédrale Notre-Dame de Paris sera super. Ils vont jouer ça très bien.
Votre ressenti sur la première partie du concert ? Les deux pièces de Poulenc, notamment Le Concert champêtre et son esprit néoclassique, étaient intéressantes. De plus Andreas Staier est un très grand musicien qu’on a peu l’occasion d’entendre à Paris.
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Concert du 26/02/13 : Le Magnificat de Bach. Entretiens réalisés par Clara Marin, Héloïse Sérazin et Reïko Hoshida.
Interview musicien : Daniel Catalanotti
Daniel, quel est votre parcours et pourquoi avez-vous choisi votre instrument : le cor ? Mes quatre frères et sœur et moi-même, sommes d’après ce que l’on dit, la onzième génération de musiciens professionnels dans ma famille ; nous n’avons donc pas eu le choix de faire autre chose que de la musique dans notre maison ! Mon père étant violoniste, on a tous fait du violon. Au bout de plusieurs années, mon père m’a aiguillé vers l’alto. La raison de ce choix, je n’en sais rien… lui faisant partie d’un trio à cordes (2 violons et 1 alto), il a peut-être pensé ouvrir des opportunités de musique de chambre chez ses enfants. Un jour, il nous a réuni et nous a dit : « vous allez tous apprendre à jouer d’un instrument à vent ». L’ainée a joué de la flûte, l’ainé des garçons du basson, mes deux petits frères jumeaux de la clarinette et du hautbois, et puis moi, il lui semblait que le cor m’irait bien.
Qu’est-ce qui vous a amené à jouer dans cet orchestre ? Cela fait longtemps que vous êtes là… Je suis entré dans cet orchestre le 1er janvier 1980, c'est-à-dire à un peu plus d’un an après sa création. Ce qui m’a amené à jouer dans cet orchestre ? En fait, comme étudiant, j’ai été amené à jouer dans différentes formations, orchestres symphoniques, orchestres de chambre, orchestres de variétés pour des enregistrements en studios de musiques de variétés ou de musiques de films et même parfois un peu de jazz, mais dans l’ensemble, j’ai joué surtout dans de nombreux 22
orchestres de chambre. Le répertoire m’a tout de suite fasciné par les parties solistes quasi permanentes du cor dans toute la musique classique, ce qui ne se trouve à mon avis pas de la même manière dans un orchestre symphonique ou un orchestre d’opéra. De plus, dans les orchestres de chambre, on a plus l’opportunité de jouer en soliste, ce que j’ai pu faire dans de très nombreux pays (surtout avec l’Orchestre de chambre Paul Kuentz). Entre temps, je suis rentré à l’Orchestre de la Garde Républicaine, tout en enseignant parallèlement dans des conservatoires de musique. Avec ces orchestres de chambre, j’ai pu aborder les grandes lignes du répertoire, ce qui m’a beaucoup aidé pour le concours d’entrée à l’Ensemble orchestral de Paris. Pour moi qui suis cor solo, l’orchestre de chambre est la formation la plus fascinante qui soit de par l’étendue et l’extrême délicatesse des parties dévolues à mon instrument. L’exigence de fiabilité et de qualité les plus absolues sont exigées tout naturellement pour le poste que j’occupe. La remise en question de l’instrumentiste que je suis est donc permanente.
Le cor a-t-il une histoire particulière ? Raconter l’histoire du cor en quelques mots, c’est quasiment impossible. Alors, pour faire simple, les plus lointains ancêtres du cor sont les gros coquillages marins ainsi que les cornes d’animaux (rappelez-vous le cor de Roland de Roncevaux en forme de corne d’animal appelant à l’aide Charlemagne), puis beaucoup plus près de nous, la trompe de chasse (celle-là même qui est entrée pour la première fois dans un orchestre à Versailles à la cour de Louis XIV). Ensuite, il y a eu le cor d’harmonie (appelé injustement cor naturel de nos jours) et enfin, le cor chromatique à pistons qui est utilisé actuellement. Il y a, depuis que le cor d’harmonie existe, une hiérarchie dans nos pupitres de cors : d’un côté ceux qui sont cors aigus (les 1ers, 3èmes, 5èmes cors, les chiffres impairs) ; de l’autre ceux qui sont cors graves (les 2èmes, 4èmes, 6èmes cors, les chiffres pairs). Jusqu’au début du 20ème siècle, les cors aigus ne descendaient jamais au-delà d’une certaine limite et ceux qui étaient cors graves ne montaient jamais au-delà d’une limite bien définie. Avec l’avènement du cor à pistons, et à cause d’eux, les compositeurs se sont mis à écrire les parties de cors aigus et graves dans toute la tessiture de l’instrument, ce qui a 23
accru la difficulté du cor, son étendue sonore étant devenue bien plus grande que celle des autres cuivres. On a pour habitude de dire que quand dans un concert on entend le cor, c’est qu’il a fauté. En effet, le cor, comme le violoncelle, de par leurs timbres particuliers et leurs tessitures (ni extrêmement graves ni extrêmement aiguës) sont les liants de l’orchestre comme les sauces en cuisine. Si la sauce n’est pas bonne, le plat sera raté quelle que soit la qualité des autres ingrédients.
Comment travaillez-vous ? En amont et en aval des concerts, comment organisez-vous votre temps de travail ? En ce qui me concerne, mon travail se divise en trois parties : la 1ère, c’est le déchiffrage de la partition qui permet de recenser les traits difficiles qui méritent un entrainement particulier, et ceux plus aisés qui vont marcher tout de suite, et sur lesquels je peux déjà travailler le phrasé. L’entrainement technique commence dans cette période. La 2ème, c’est le peaufinage des traits difficiles et la mise en place de toutes les différentes parties ainsi que des phrasés définitifs. Et enfin, la 3ème et dernière phase, c’est le filage de l’œuvre, avec les dernières corrections si nécessaire et la pose du vernis si je peux m’exprimer ainsi. Sans compter le travail d’endurance en jouant l’œuvre si possible plusieurs fois d’affilée. Pour des œuvres solistes ou de musique de chambre, j’aime bien m’y prendre bien en amont (de trois à six mois avant le concert) pour pouvoir laisser reposer mon travail à un moment donné et le reprendre plus tard. A ce moment, beaucoup de choses ont mûri et je peux aller ainsi beaucoup plus loin dans le travail d’interprétation et de compréhension de l’œuvre à défendre. Pour moi, comme vous le voyez, je n’aime pas m’y prendre à la dernière minute, ce qui ne m’empêche pas de temps en temps de faire des remplacements de dernière minute (au pied levé comme on dit dans le métier), mais pas trop souvent quand même. Avec le cor, on essaye toujours d’être au top, le plus parfait possible, comme les sportifs de haut niveau, il faut approcher les 100% de fiabilité toute l’année tout en interprétant les musiques que nous jouons au plus près des intentions 24
des compositeurs. Tout ceci nous oblige à un entrainement intensif quasi permanent. Pour cela, la musique est un extraordinaire apprentissage de la discipline.
Vous êtes également enseignant. Comment envisagez-vous la transmission de votre passion ? Vous avez raison de parler de passion, quand vous avez une passion, la transmettre pour moi est un devoir, et pour continuer sur ce terrain, sans passion, je ne pourrai pas faire de la musique. Mon instrument est un instrument tellement exigeant, l’entraînement doit être quasi permanent y compris pendant les week-ends, les vacances petites ou grandes, enfin tout le temps. Quand je suis sorti du conservatoire, je ne savais pas trop dans quelle direction aller (enseignement, orchestre, soliste, musique de chambre…), alors, avec les copains on passait tous les concours qui se présentaient, cela nous faisait travailler (concours internationaux, concours d’orchestres et surtout le certificat d’aptitude à l’enseignement délivré par le Ministère de la Culture : CA). J’ai eu de belles réussites dans des concours internationaux et j’ai obtenu le fameux CA à l’enseignement. Ensuite, j’ai eu par hasard un poste de professeur de cor, et là, j’ai appris sur le tas ce qu’était l’enseignement, c’était ce qui se faisait à l’époque. J’ai découvert qu’il n’y a pas une personne qui donne et l’autre qui reçoit (l’élève en l’occurrence), mais au contraire, c’est un véritable échange qui s’opère. Vous donnez et vous recevez en même temps, et ainsi vous avancez dans votre réflexion sur votre jeu, c’est un échange permanent, et vous progressez en même temps que l’élève, c’est formidable. J’ai aussi fait de la direction d’orchestre, alors je dirige parfois de grands ensembles de cuivres, et je donne également des cours dans des stages de perfectionnement et des stages de musique de chambre. Je fais également travailler les pupitres de vents dans des orchestres d’étudiants universitaires.
Est-ce que vous avez déjà eu une démarche pédagogique en dehors de vos classes avec vos élèves, par exemple à la rencontre d’un public éloigné, pour expliquer votre instrument ? 25
Oui, j’interviens assez régulièrement dans des écoles, des centres pour handicapés, des maisons de retraite, des prisons parfois, j’ai toujours fait cela. A chaque fois, c’est une expérience très enrichissante pour moi. C’est aussi une grande joie de voir ces publics apprécier la musique qu’ils n’ont pas l’habitude d’entendre et que nous leur proposons. En général, ces publics ne sont jamais allés à un concert. La musique appartenant à tout le monde, il est logique que nous allions à la rencontre de ces publics. En 2012, j’ai lancé l’idée de faire fabriquer par des enfants dans des centres sociaux culturels de quartiers dits défavorisés des garden-horn (cors des jardins). Nous avons donc acheté des rouleaux de tuyaux d’arrosage, des embouchures en plastique et des entonnoirs et avec les enfants nous avons fabriqué ces fameux instruments. Nous les avons entraînés à faire des rythmes sur des sons différents et nous les avons faits participer à une fête à Bagnolet. Cet orchestre composé d’une douzaine d’enfants a joué des airs entraînants accompagnés par quelques-uns de nos grands élèves de nos conservatoires qui jouaient les mélodies. L’expérience a eu beaucoup de succès et les enfants étaient ravis d’avoir pu avec presque rien monter un petit orchestre.
Une question sur le concert du 26 février : le programme de ce concert est très contrasté entre la musique de Bach et la création française d’une pièce contemporaine. Trouvez-vous que c’est une bonne idée de jouer Bach et MacMillan dans une même soirée ? Bach, pour nous musiciens, c’est un peu le père de la musique. L’interaction de toutes les musiques entre elles est extraordinaire. On peut faire jouer ensemble dans un concert des groupes classiques et par exemple les Deep Purple, les Rolling Stones, des groupes de jazz, de rap ou bien d’autres et pouvoir également entendre dans un même concert de la musique classique et contemporaine. Pourquoi vouloir cloisonner les choses ? Du temps de Bach, on écoutait du Bach, alors pourquoi au 21ème siècle ne pas écouter de la musique de notre temps avec de la musique classique ou bien d’autres musiques ? On n’est pas dans un zoo, où chacune des sortes de musique serait enfermée dans une cage et regarderait celle d’à côté de travers. Il y a bien entendu différentes manières de s’approprier les différents langages musicaux et de les faire aller dans un sens ou dans un autre sens, mais la finalité de la musique est toujours 26
la même, c’est l’émotion qu’elle va susciter en nous qui est la chose la plus importante qui soit. D’ailleurs, souvent, fermez les yeux en écoutant de la musique, l’image que la musique crée en vous n’est peut-être pas la même que celle de votre voisin, mais quelle importance ? Je vois des spectateurs ou des musiciens agacés parfois quand d’autres personnes applaudissent entre les mouvements d’une œuvre, ce qui n’est pas la tradition. Pourtant, c’est formidable, l’émotion peut naître à n’importe quel moment de l’écoute d’une œuvre, cette spontanéité qui est touchante. Pourquoi l’interdire ? Alors pourquoi pas MacMillan et Bach dans un même concert ? Il est vrai que la musique contemporaine est souvent intellectuellement compliquée pour un auditeur non averti, et souvent aux concerts on reçoit peu d’explications. Il faut donc encourager nos publics à venir aux « entrées en musique » juste avant nos concerts, les œuvres jouées au concert qui suit sont commentées pour une meilleure écoute pendant celui-ci. Personnellement, dans mes concerts, je prends toujours le temps avant une œuvre contemporaine de dire quelques mots sur cette œuvre, son auteur et le contexte de son écriture.
Vous êtes un vrai magicien, Daniel ! Je ne sais pas, mais vous savez la musique doit faire rêver. On est des conteurs d’histoires sans une seule parole mais seulement avec des notes de musique. Pour nous, musiciens, on essaye toujours d’être techniquement au top pour faire passer les émotions qui sont dans la musique et quand on y arrive, c’est cela qui est magique. Parfois mon épouse me demande « mais quand est-ce que tu vas arrêter tout ça ? » je lui réponds : « quand je ne pourrai plus souffler ! ». Chaque jour où j’apprends quelque chose de nouveau en musique ou dans n’importe quel domaine est un jour formidable. La vie passe à une telle vitesse que chaque minute qui passe doit être un enchantement.
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Interview spectateur : Maylis de Coüet.
Madame De Coüet, comment avez-vous découvert l’Orchestre de chambre de Paris ? Nous sommes abonnés depuis au moins vingt ans et venons entre six et dix fois par an. Nous assistons à la présentation de saison et récupérons le programme pour les membres du groupe (24 personnes). Trois membres du comité central suggèrent une base de six spectacles par an. Chacun choisit ce qui l’intéresse ; parfois plus, parfois moins. On prend nos places un an à l’avance, sans savoir si on sera en déplacement, malade… Quand on ne peut pas venir, on se fait remplacer.
L’Orchestre de chambre de Paris vient de jouer La Suite No 2 en si mineur de Bach et Le Credo de MacMillan pour cette 1ère partie du concert. Qu’avez-vous pensé de ce que l’on vient d’entendre ? Aviez-vous déjà entendu ces œuvres ? Non, aucune. J’étais un peu inquiète honnêtement car il y a environ trois semaines, nous sommes venus écouter une pièce de MacMillan qui ne nous a pas plu du tout ! Dans notre groupe, nous ne sommes pas très fans de musique moderne. Mais en fait, nous avons tous été agréablement surpris ce soir.
Comment choisissez-vous les concerts que vous désirez entendre ? Cela dépend. Parfois, c’est pour les nouveautés : quand il y a une œuvre qui sort un peu de l’ordinaire, on se précipite !
Pourquoi avez-vous choisi le concert de ce soir en particulier ? Pour le Magnificat de Bach que nous allons entendre après l’entracte !
Aviez-vous préparé votre venue au théâtre, par exemple en écoutant des CD ? 28
Non, je ne prépare rien avant. J’attends – comment dirais-je – la surprise ! En revanche, je viens à l’avant-concert à 19h si j’en ai la possibilité.
Et justement, est-ce que vous aimez l’avant-concert, ces conférences de présentation ? Je trouve ça très intéressant. Cela nous permet de nous plonger davantage dans le contexte du concert, et grâce à cela, nous écoutons mieux, parce que nous savons ce qui va arriver… La dernière fois, Aldo Ciccolini, un grand pianiste, a été époustouflant. Il s’est présenté d’une manière extrêmement simple et modeste. J’étais avec une amie, nous avons trouvé cela extraordinaire. Il a été « bissé », très applaudi. C’était fantastique ! Très intéressant.
Vous avez certainement eu le programme de salle de ce soir. Qu’est-ce que vous lisez, qu’est-ce qui vous intéresse dedans ? Je lis tout. Parce que, en fait, il y a beaucoup de choses que je ne connais pas. Les descriptifs, les biographies, notamment celle du soliste. Je trouve que les commentaires sont vraiment intéressants.
Allez-vous assister à des concerts dans d’autres salles que le Théâtre des Champs-Elysées ? De temps en temps, je vais à l’Opéra… plutôt à Bastille qu’à Garnier. Grâce au comité d’entreprise, j’ai parfois des places pour des concerts à la cathédrale Notre-Dame de Paris, ou ailleurs, avec des prix particulièrement intéressants. On a de la chance. D’ailleurs, je remercie beaucoup l’Orchestre de chambre de Paris parce qu’il y a des tarifs très variés ce qui permet de venir régulièrement sans ruiner son budget !
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Quels sont votre instrument et votre compositeur préférés ? Le piano. Et j’aime beaucoup Beethoven.
Avez-vous eu une formation musicale ? Non, aucune. Pour moi, la musique est une détente. Après une journée chargée, je suis très contente de venir deux heures écouter un concert.
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Concert du 02/04/13 : Amitié franco-russe en musique. Entretiens réalisés par Caroline Hoebens, Solveig Carpenter et Aurore Germain.
Interview musicien : Sarah Veilhan.
Voilà maintenant 10 ans que vous êtes membre de l'OcP. Pourriez-vous nous parler de votre parcours musical ? Est-ce un attrait de longue date pour la musique de chambre qui vous a conduit à intégrer l'Orchestre de chambre de Paris ? Mon parcours musical est assez classique. Je viens d'une famille de musiciens, mon père est clarinettiste. Très tôt j’ai assisté à de nombreux concerts, j’ai donc baigné dans cet univers et j'ai toujours eu ce désir d'en faire mon métier. L'Orchestre de Chambre de Paris est vraiment une structure dans laquelle je me suis tout de suite bien sentie. Mais j'ai aussi eu la chance de travailler au sein de plusieurs orchestres symphoniques, à l’Opéra national de Paris, et donc dans des structures complètement différentes, tant par le répertoire abordé que par le nombre de musiciens, la présence ou non de la fosse orchestrale, mais aussi par les lieux de concerts; même si l’OcP est présent sur toutes les scènes...J'aime la musique de chambre, et de fait cet orchestre, j’aime l'investissement qu'on peut avoir au niveau du son, chercher à le façonner, sentir l’importance de chacun pour créer la matière qui devient musique.
Devez-vous adapter votre jeu aux différentes esthétiques (baroque, classique, romantique, contemporaine) présentées aux divers concerts de l'OcP ? Au cours de ma formation, j’ai étudié le violoncelle baroque. C’est un tout autre apprentissage car la technique est différente et ce fut un grand enrichissement aussi pour la pratique du violoncelle moderne et la manière d’aborder la musique ancienne. Ainsi, selon le répertoire et tout en gardant l’instrument moderne, on peut ajuster son mode de jeu, la manière dont on 31
tient l’archet, dont on appréhende la corde dans sa vibration et sa résonnance. Il y a aussi la question du vibrato…Sir Roger Norrington par exemple demande systématiquement à ne jamais vibrer : on va donc aborder la corde différemment et le son qui en résulte en est complètement changé. C’est le même principe chez les cuivres et la petite harmonie. J’apprécie le côté « création de matière » bien présent en orchestre de chambre.
Justement, comment qualifieriez-vous l'état d'esprit de cet orchestre de chambre par rapport à d’autres orchestres où vous participez occasionnellement (Orchestre de Paris, Orchestre national de France, Orchestre Philharmonique de Radio France) ? La première impression que j’ai reçue de l’orchestre a été l’esprit de famille. Il est accueillant et tout le monde apprend à se connaître très vite. Dans les autres orchestres symphoniques avec lesquels j’ai pu jouer, les musiciens sont deux fois plus nombreux, ce qui n’implique pas forcément la même proximité. Ici, à l’OcP, les relations humaines sont beaucoup plus intenses…
Le concert du 02 avril prochain offre un très intéressant aperçu de la musique du 20ème siècle sous l'angle franco-russe, à cheval entre classicisme et modernité. Comment percevez-vous la diversité mais aussi les points de rencontre de ce programme? On est en plein néoclassicisme avec l’unique symphonie de Poulenc et le Concerto en ré de Stravinsky, écrits d’ailleurs la même année. Le 1er mouvement du Concerto en ré est très rythmé « spiccato », puis il y a cette grande mélodie lyrique aux violons-violoncelles dans le second mouvement. Et dans le final, j’avais noté sur la partition staccato ben articolato. Avec Debussy, on revient au tout début du 20ème siècle dans sa grande période d’écriture orchestrale (La Mer). Puis, avec Chostakovitch, on est en pleine période soviétique des années 1960. Il nous immerge dans son univers sombre et torturé et on pourrait considérer ce 2ème concerto comme son plus grand autoportrait.
A propos du soliste Alexander Kniazev : en tant que violoncelliste vousmême comment percevez-vous son jeu ? C'est une personnalité incroyable avec un caractère excentrique, extraverti et 32
parfois même inattendu.
Sa personnalité peut-elle convenir au Concerto n°2, de caractère plus introspectif que le précédant concerto ? Il y a en effet quelque chose de recueilli et sombre dans cette œuvre. Déjà ce concerto commence par un mouvement lent, un largo plein d’un lyrisme désolé, mais en même temps il faut une fougue et une certaine folie pour le jouer. Cette folie peut à la fois être exprimée dans le recueillement comme dans l’extériorisation. Je suis donc très impatiente de retrouver Alexander Kniazev, de l’écouter, et encore une fois je mesure la chance de pouvoir être si près des solistes.
Il y a-t-il des interactions entre le soliste et l'orchestre ? La coopération entre le chef et le soliste peut se faire de toutes les manières possibles. Le chef suit le soliste dans ses intentions musicales, ses tempi. Il peut aussi vouloir imposer ses idées même si c’est rare. Le soliste, lui, ne s’adresse généralement pas directement à l’orchestre mais passe habituellement par l'intermédiaire du chef, dont le rôle est d’être au plus proche de la conception musicale du soliste et de la transmettre à l’orchestre.
Et la harpiste, Valeria Kafelnikov ? Elle vient très souvent à l'orchestre, soit au sein de l'orchestre, soit en tant que soliste. Elle a une sonorité ronde et chaleureuse dont le mariage avec les cordes sera particulièrement intéressant pour cette œuvre. Il y aura une bonne osmose et une bonne complicité puisqu'elle a l'habitude de jouer avec nous. Je me réjouis de la retrouver.
Peut-il arriver que le chef soit en désaccord avec le soliste et ce désaccord peut-il, à votre avis, être ressenti par le public ? Cela arrive fréquemment. Plus qu'on ne le croit et pour différentes raisons ! Un chef peut ne pas aimer le jeu soliste et vice-versa. Les désaccords peuvent porter sur la conception de l’œuvre, sur des divergences de style, 33
d’interprétation. Mais au final, je ne pense pas que cela ait un réel incident sur le public. Le concert peut malgré tout être magnifique. Quand on rentre sur scène on est tous réunis pour la même cause, celle de la musique. Le concert est ensuite le fruit du travail, du talent de chacun et parfois d’une pincée de magie qui donne cette étincelle en plus. Et ce, quoi qu’il se soit passé avant. C'est quelque chose qui m’a toujours portée. Debussy a écrit que « l'art est le plus beau des mensonges »…à méditer…
Selon vous, le Théâtre des Champs-Elysées retransmet-il bien l’univers chambriste et intimiste du programme du 02/04 ? Les travaux qui ont été faits nous ont changé la vie. Le son qui en résulte n’a rien à voir, il est plus chaleureux, enveloppant. Avant c’était une acoustique froide et il était plus difficile de marier les sons. Désormais, le Théâtre des Champs-Elysées est parfaitement adapté à notre formation. Je ne sais pas qui est adapté à qui mais c’est extrêmement agréable d’y jouer ! On n’est pas perdus sur scène comme on peut l’être à Pleyel. Et puis…le Théâtre des Champs-Elysées a une telle histoire !
Avez-vous un plaisir particulier à jouer le répertoire haut en couleurs du 02/04 prochain ? Je ne sais pas quelle œuvre j’aimerais ne pas jouer tellement je trouve ce programme particulièrement attrayant ! On a beaucoup travaillé le Concerto en ré de Stravinsky du fait de sa difficulté. Pour Debussy on se retrouvera en petite formation et cela me plaît toujours. La Sinfonietta de Poulenc est très intéressante et pour Chostakovitch …on va lâcher les fauves (rires) ! Finalement on aura à la fois l’aspect retenu et explosif.
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Interview spectateur : Caroline Heid.
Madame Heid, depuis combien de temps fréquentez-vous les concerts de l'Orchestre de chambre de Paris ? Pourquoi la formule proposée vous plaîtelle tout particulièrement ? Je fréquente les concerts de l’OcP depuis cinq ans et c’est un ensemble auquel on ne peut qu’être fidèle. De manière générale, l’Orchestre de chambre de Paris m’a permis de découvrir de nombreuses œuvres, dont celles de Poulenc, et d’élargir mon horizon d’écoute au-delà de Mozart ou Haydn, vers les compositeurs romantiques comme Schumann et même vers les compositeurs contemporains collaborant avec l’orchestre chaque saison. Avec la liberté de choisir ses œuvres que permet la formule d’abonnement, j’ai tendance parfois à ne pas brusquer mes habitudes auditives. Je me porte alors moins spontanément vers le XXe siècle. Mais je reste tout à fait consciente que l’oreille s’éduque aussi, et mon oreille a d’ailleurs évolué au gré de la programmation. Depuis ces cinq dernières années, mon écoute a beaucoup changé. Du XVIIIe siècle, mes choix se sont déplacés progressivement vers le XXe siècle - en passant par Debussy, Roussel - en particulier avec Thierry Escaich et Nicolas Bacri qui sont des compositeurs contemporains que je n’aurais jamais écoutés par moi-même.
Comment avez-vous eu l'idée de vous abonner au concert de l'Orchestre de chambre de Paris ? C'est un groupe d'amis qui m'a fait découvrir le Théâtre des Champs Elysées, qui est situé tout près de mon lieu de travail, et c’est ici que j’ai découvert l’Orchestre de chambre de Paris. Ces six dernières années, j'ai découvert la musique de chambre ainsi que l'opéra auquel je ne m'étais pas encore réellement intéressée. J'avais déjà un goût pour la musique concertante et symphonique mais c'est vraiment grâce à l'OcP que j'ai pu découvrir et apprécier de nouveaux aspects de la musique classique.
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Suivez-vous une démarche préparatoire d'écoutes et/ou d'informations avant chaque concert ? Ressentez-vous le besoin de posséder certaines clés (sur l'œuvre, le contexte de composition...) pour profiter du concert au mieux? Je lis la brochure qui nous est distribuée et elle me fournit déjà quelques indications. Le programme dégage une idée centrale permettant de faire un lien intéressant entre les œuvres. Comme mon approche est à la fois intellectuelle et sensible, l’agencement du programme éveille toujours ma curiosité. Ensuite, si une œuvre me plaît, je la réécoute chez moi.
Il y- a-t-il un élément particulier qui vous a fait choisir le concert franco-russe de ce soir ? J’ai choisi ce concert en particulier pour la programmation de Debussy (Danses sacrée et profane), artiste auquel je me suis familiarisée. Par ailleurs, j’avais envie de réentendre la Sinfonietta de Poulenc que j’ai déjà eu l’occasion de découvrir ici.
En quoi venir assister au concert constitue une situation d'écoute inégalable ? L’écoute en concert est quelque chose de très visuel pour le spectateur. L’énergie des instrumentistes se ressent beaucoup mieux ; par exemple, les gestes des percussionnistes précédés de leurs préparations, les différents modes de jeux des cordes, etc. Guidée par mon regard circulant de pupitres en pupitres, mon oreille a appris à se pencher davantage vers les fréquences graves (cuivres graves, contrebasses, violoncelles) qui m’étaient au départ bien moins familières.
Le lieu du concert a t-il une incidence sur votre écoute ? Choisissez-vous les concerts en fonction du lieu ou du programme ? Le Théâtre des Champs-Elysées est un théâtre que j'aime beaucoup, particulièrement l'atmosphère présente dans les places en loges. J'ai aussi 36
fréquenté la Salle Pleyel, dans laquelle j'ai écouté de grandes œuvres, notamment la Symphonie Alpestre de Richard Strauss avec une quinzaine de percussions et autres configurations improbables (rire). Mais je préfère tout de même l’atmosphère intimiste du Théâtre des Champs-Élysées. Par ailleurs, je fréquente régulièrement la salle Cortot pour les concerts de musique de chambre. Cette salle me plaît aussi car on se sent très proche des musiciens et les conditions d’écoute et de visibilité sont partout optimales. En assistant à ces concerts de musique de chambre plus que les autres années, j’ai appris à mieux connaître la musique de chambre, notamment celle de Poulenc, Brahms, Schubert, Schumann mais aussi celle de Beethoven, bien plus difficile d’accès que ses symphonies. C’est une musique émouvante mais aussi très exigeante, qui ne nécessite pas la même qualité d’écoute et exige donc une démarche bien particulière.
Assistez-vous aux répétitions de l'Orchestre de chambre de Paris ? Non, je n'y vais pas pour la seule et unique raison qu’elles ont lieu le matin et que je ne suis pas disponible à ce moment de la journée. L’idée m'aurait pourtant intéressée car j'aime l'atmosphère des répétitions. Cela me rappelle l'époque où je préparais moi-même des concerts.
Vous êtes donc musicienne ? Oui, je suis musicienne amatrice. J'ai suivi une formation d'alto en conservatoire pendant dix ans, ainsi que les cours de solfège et d’orchestre. Mais je ne pratique plus.
Pour finir, un petit mot sur la première partie du concert ? L’œuvre de Debussy était magnifique, c'est une musique évidente qui coule de source, et celle de Poulenc mérite vraiment d'être connue et écoutée. Sa Sinfonietta est très étonnante avec à la fois des passages de facture classique et d’autres moments inspirés du music-hall. 37
Concert du 26/04/13 : Gidon Kremer aux Champs-Elysées. Entretiens réalisés par Lise Cantin et Clément Couturier.
Interview musicien : Ricardo Delgado.
À l’occasion du concert du 26 avril prochain proposé au Théâtre des Champs Élysées par l’Orchestre de chambre de Paris, nous avons eu la chance de rencontrer un des contrebassistes de l’orchestre, Ricardo Delgado. Ricardo Delgado a commencé la musique au Venezuela, via un programme appelé El Sistema. Ce projet, fondé en 1975 par José Antonio Abreu, a pour principe d’apporter une éducation musicale aux enfants dans les bidonvilles et de former rapidement des orchestres. Ricardo a donc débuté par la musique et les rythmes typiquement vénézuéliens au sein d’un ensemble instrumental. Son choix s’est ensuite porté sur la contrebasse, dont il dit « être tombé amoureux ». Après avoir intégré l’Orchestre national du Venezuela, avec lequel il a pu participer à de nombreux concerts, notamment sous la direction du chef Giuseppe Sinopoli, il obtient une bourse pour poursuivre ses études musicales en Suisse. À la suite de son cursus, Ricardo passe le concours pour rentrer à l’Orchestre de chambre de Paris, dont il fait partie depuis 6 mois maintenant. Son goût pour la musique en petit ensemble et la musique de chambre s’est développé au cours de ses études en Europe. La recherche d’un son d’ensemble, le jeu sur les couleurs, la recherche des phrasés et le rôle précis de chaque musicien dans ce type de formation réduite font qu’il apprécie particulièrement la musique de chambre. Selon lui, le chef d’orchestre face à cette taille d’ensemble doit surtout motiver les musiciens, donner une énergie et une direction à suivre. 38
À propos de ses goûts musicaux, Ricardo dit avoir une préférence particulière pour Bach mais également pour « la folie et la générosité » de Mozart et « les symphonies très structurées » d’Haydn. Le concert du 26 avril proposera justement plusieurs œuvres de Mozart, deux pièces de Schubert et une symphonie de Haydn. Avant de faire partie de l’Orchestre de chambre de Paris, Ricardo n’avait pas eu l’occasion de jouer dans ce théâtre et ne le connaissait que de réputation. Il apprécie particulièrement d’y jouer, jugeant que la scène et l’architecture générale se prêtent aisément au jeu d’un orchestre tel que l’OcP, qui peut retrouver dans cette salle un côté intime malgré la grandeur de ce théâtre. Ricardo n’est qu’au début de sa carrière et nous lui avons demandé quels étaient ses envies et ses projets musicaux pour l’avenir. Il nous a répondu que tout en continuant à jouer de la musique de chambre, il aimerait revenir à ses origines en jouant de la musique folk-vénézuélienne qui lui offrirait une autre approche de la musique.
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Interview spectateur : Élisabeth Petit.
C’est dans le grand hall du Théâtre des Champs-Elysées que nous avons eu le plaisir de rencontrer Elisabeth Petit, fidèle spectatrice de l’Orchestre de chambre de Paris, au pied des deux imposants escaliers revêtus de tapis rouges. Ce soir, la présence au programme d’une symphonie de Haydn et du grand violoniste Gidon Kremer l’a incitée à pousser les portes du Théâtre des Champs-Elysées. Grâce à une association sur son lieu de travail, l’Institut national de la recherche agronomique, Elisabeth Petit a découvert l’Orchestre de chambre de Paris il y a une trentaine d’années. Parmi les spectacles de théâtre et de musique proposés par l’association, Madame Petit a opté pour les concerts et en est devenue le relais, depuis déjà une quinzaine d’années. Cette activité culturelle a pris le dessus sur toutes les autres qu’elle pouvait avoir, et cela pour son plus grand plaisir ! Son répertoire favori s’étend de Bach à Mendelssohn, en passant par Haendel et Mozart, avec une affection particulière pour tout le corpus de Beethoven. Toutefois, elle tient à souligner son attachement à Haydn : « Plus d’une fois, il m’est arrivé de sortir d’un concert où j’ai été subjuguée par une symphonie de Haydn que je ne connaissais pas, et le lendemain de me précipiter acheter un album, pour le réécouter en boucle durant plusieurs jours ! ». Elisabeth Petit est une mélomane avertie. Petite déjà, elle a été initiée au piano avec le soutien de parents eux-mêmes musiciens amateurs. Encore aujourd’hui, elle participe assidûment aux répétitions d’un chœur polyphonique dont elle fait partie grâce à son entreprise. Ce qui la fascine le plus lors des concerts ? La virtuosité des violonistes, la volubilité harmonieuse des harpes, ou la majesté des trompettes. Elle aimerait d’ailleurs souvent faire exploser sa joie à la fin de longs morceaux, pour remercier les musiciens du travail accompli et de leur prestation, mais regrette généralement la frilosité et la froideur du public parisien.
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Prochain rendez-vous fixé dans moins d’un mois, pour écouter ses « deux chouchous » comme elle les surnomme avec un grand sourire rempli d’affection : les pianistes Katia et Marielle Labèque. Elles joueront d’ailleurs ce soir-là une symphonie de Mozart. Madame Petit est une spectatrice généreuse. Elle nous a confié se sentir comme au sein de sa propre famille auprès de l’Orchestre de chambre de Paris. Une spectatrice que bien des orchestres rêveraient d’avoir.
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Concert du 14/05/13 : Les sœurs Labèque au piano dans Mozart. Entretiens réalisés par Clara Brenier et Dorothée Voisine.
Interview musicien : Benoît Grenet.
Benoît, vous avez déjà une longue et fructueuse carrière derrière vous, pouvez-vous nous décrire un peu plus précisément votre parcours musical ? J’ai commencé le violoncelle à l’âge de sept ans dans une famille de mélomanes. Mes parents ont toujours écouté beaucoup de musique, j’ai été baigné dans la musique. J’en entendais quand je m’endormais le soir et il y en avait beaucoup dans la journée aussi. Mes deux grandes sœurs jouaient du piano. J’ai choisi le violoncelle et mes parents n’ont d’abord pas pensé que je pourrais en faire mon métier. Ni moi d’ailleurs, car j’en ai joué de façon assez naturelle, de la même manière que je pratiquais aussi la natation et le tennis par exemple. C’est vrai qu’entre le rêve d’enfant et le fait de gagner réellement sa vie, il y a une sacrée dichotomie. J’ai d’abord étudié au Conservatoire de Reims puis un an avec Michel Strauss au Conservatoire de BoulogneBillancourt. Je suis rentré ensuite au CNSM de Paris dans sa classe, il m’a beaucoup soutenu. J’ai passé mon prix en 2001 et par la suite j’ai effectué mon perfectionnement de violoncelle de 2003 à 2005 auprès de Philippe Muller et Christophe Coin. Parallèlement, j’ai participé à l’Orchestre des Jeunes Gustav Mahler à partir de 2000, c’était absolument génial ! La première tournée était avec Seiji Ozawa, avec, entre autres, Une vie de héros de Strauss. J’avais 20 ans à l’époque, c’était très impressionnant. J’ai eu beaucoup de chance, car je me suis retrouvé violoncelle solo en 2002. C’était une année où Claudio Abbado dirigeait. Il a assisté à la 8ème symphonie de Bruckner et a apprécié le travail des violoncellistes. Le courant est passé entre nous. Il refondait alors l’Orchestre du Festival de Lucerne. Je me souviens, on jouait Parsifal à Edimbourg lorsqu’il m’a invité dans sa loge. Je me suis dit qu’il allait me dire mes quatre vérités mais en fait il m’a proposé de participer à l’orchestre ! Donc j’ai accepté et ce fut très 42
intéressant puisqu’il y avait des gens très charismatiques dans la section de violoncelles, comme Natalia Gutman, Valentin Erben… Depuis, c’est un vrai privilège d’y être invité chaque année. Parallèlement à tout ça, j’ai participé à deux autres tournées avec l’Orchestre des Jeunes Gustav Malher en 2004 et en 2006, et j’ai aussi participé à la Fondation de l’Orchestra Mozart que Claudio Abbado a créé en 2004. J’ai dû limiter progressivement ma participation à ces tournées lorsque je suis devenu musicien permanent à l’Ensemble orchestral de Paris en 2006.
Comment s’est passé votre arrivée au sein de l’Orchestre de chambre de Paris justement ? Après y avoir effectué quelques remplacements, j’ai passé le concours en octobre 2006, et ça a marché. Les gens y sont très accueillants.
Vous épanouissez-vous dans cet orchestre ? En quoi est-il différent d’autres orchestres et en quoi vous convient-il particulièrement ? J’aime beaucoup son action envers les jeunes publics, les scolaires, les concerts pour jeunes enfants, les répétitions ouvertes...Je trouve ça très chouette. Même si notre salle de répétition au 104 n’est pas idéale car elle est petite et quand on est nombreux, on finit par étouffer. Il y a de beaux programmes et de très bons chefs invités à l’OCP. D’ailleurs, j’adore le chef Masaaki Suzuki qui va diriger le concert du 14 mai prochain. Il nous avait déjà dirigés en 2010. Je connais ses enregistrements des Cantates de Bach, qu’il a enregistrées avec son ensemble au Japon et qui sont assez réputés. C’est quelqu’un de très exigeant dans le travail et à la fois très poli et respectueux.
Pour les non-spécialistes de musique classique, pouvez-vous expliquer la place d’une œuvre de Stravinsky, Pulcinella, dans un programme essentiellement lié à la période classique puisque composé d’Haydn et de Mozart ? 43
Vous n’êtes pas sans savoir que Pulcinella est une sorte de pastiche inspiré de Pergolèse donc une œuvre néo-classique. Je sais qu’on a beaucoup critiqué cette œuvre, que les gens trouvaient que c’était une régression par rapport au Sacre du printemps. Mais il y a quelque chose de très moderne dans la façon d’enchaîner et de traiter les thèmes dans cette pièce. Donc le rappel du passé s’imbrique totalement dans le programme aux côtés de Haydn et Mozart. Et puis, c’est le Centenaire du TCE en 2013 donc Stravinsky est symbolique pour cet anniversaire.
A côté de vos activités à l’orchestre, est-ce que la pédagogie vous intéresse ? J’ai donné quelques cours particuliers mais pas suffisamment. Un jour j’ai participé à un jury au Havre. Quand on écoute des enfants jouer, même très jeunes, on comprend dès les premières mesures leur personnalité, j’ai trouvé cela très riche. En 2006, on m’avait demandé de faire une master class après un récital au Volcan (scène nationale du Havre), finalement annulée car il y avait peu de gens inscrits. Mais une élève était venue me voir toute déçue, donc naturellement je lui avais proposé de l’écouter. J’ai dû lui faire cours pendant 2h30. L’année d’après, j’ai participé au jury et cette élève était là : je l’ai trouvée métamorphosée, ce qui m’a fait très plaisir, dans la mesure où j’avais imaginé son potentiel. L’enseignement est passionnant mais c’est vrai que c’est exigeant car on doit être très présent. J’aimerais enseigner et à la fois j’aime ce privilège d’avoir un peu de temps libre à côté de l’orchestre. J’aime cette liberté de pouvoir parfois m’échapper et jouer avec des gens différents qui ne réagissent pas de la même manière. J’ai par exemple quelques projets d’enregistrements et je joue de temps en temps à l’Orchestre de chambre d’Europe sous la direction de chefs tels que Bernard Haitink.
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Interview spectateur : Martine et Jean-François Bezault.
Monsieur et Madame Bezault, êtes-vous satisfaits par cette première partie de concert et quelles sont les raisons pour lesquelles vous l’avez choisi ? Oui, très satisfaits… Je pense que nous l’avions surtout choisi pour la présence des sœurs Labèque. Mais si la programmation ne nous avait pas intéressés, nous ne serions pas venus. De plus, pour nous le lieu est très important. Cela fait vingt ans que nous venons régulièrement au Théâtre des Champs-Elysées. Avant d’être abonnés à l’Orchestre de chambre de Paris, nous venions déjà dans ce théâtre et petit à petit nous nous sommes aperçus que les programmes et les interprètes de l’Orchestre de chambre de Paris nous plaisaient beaucoup.
Pourquoi avoir choisi cet orchestre ? Est-ce pour rester au Théâtre des Champs-Elysées ? D’une part, nous apprécions particulièrement la programmation de l’Orchestre de chambre de Paris, qui est largement ouverte et permet de se familiariser avec la musique de compositeurs contemporains. D’autre part, nous n’avons jamais souhaité quitter le Théâtre des Champs-Elysées. Il y a une année ou deux nous étions abonnés à la fois à Pleyel et au TCE, puis finalement le choix s’est porté sur le TCE. Nous y reviendrons d’ailleurs pour la saison prochaine : nous y avons une dizaine de concerts programmés. En même temps, on suit aussi cet ensemble dans d’autres salles, à la Salle Cortot par exemple.
Depuis quand êtes-vous abonnés à l’Orchestre de chambre de Paris et avezvous des contacts avec d’autres abonnés ?
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Nous nous sommes posés la question et pensons que cela fait cinq, six ans... Nous avons rencontré quelques personnes aux diners abonnés-musiciens organisés par l’Orchestre de chambre de Paris.
Quels sont les avantages que vous avez grâce à cet abonnement ? Monsieur Bezault : D’abord, il y a les avantages matériels, les places sont moins chères. L’abonnement nous permet aussi d’avoir une place gratuite à partir de six concerts. Madame Bezault : C’est aussi amusant de retrouver régulièrement les musiciens. Même s’ils ne nous connaissent pas, on les reconnaît. Cela créé une certaine complicité.
Pouvez-vous nous décrire votre lien avec la musique ? Est-il affectif, professionnel ou autre ? Madame Bezault : Nous n’avons jamais véritablement joué de la musique mais nous sommes mélomanes. Je déplore de ne pas avoir eu une formation car j’apprécierais sûrement davantage certains moments musicaux si j’avais eu des formations de base. J’ai étudié à la Sorbonne, en Lettres, et je sais bien que lire un texte, cela s’apprend, tout comme lire la musique. Monsieur Bezault : J’ai étudié un peu le solfège il y a bien longtemps... Ma mère était bonne pianiste amatrice mais comme j’étais le petit dernier, elle s’était lassée avec mes frères et sœurs, du coup je n’ai pas eu le droit au cours de musique (rire) ! Je pense que c’est vraiment dans la famille que le goût de la musique se forme et se transmets.
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Concert du 21/05/13 : Deborah Nemtanu et François Leleux, l’orchestre en complicité. Entretiens réalisés par Léa Centoze et Nicolas Bernal.
Interview musicien : Guillaume Paoletti.
Guillaume, comment avez-vous commencé à jouer de la musique? Venez-vous d'une famille de musiciens? Absolument pas, je viens d’une famille de scientifiques. Mon père était biologiste, il dirigeait toute la biologie au CNRS (Centre national de la recherche scientifique). Dans ma famille, il y avait beaucoup d'a priori concernant le métier de musicien. La musique était considérée comme une activité éducative, comme faire du sport, de la poterie ou du catéchisme. Mon père et ma mère étaient très mélomanes, mais sans aucun antécédents musicaux. J'ai commencé le violoncelle à l’âge de neuf ans. La musique s'est avérée pour moi quelque chose de vital au sens premier du terme. Je ne pouvais pas m'endormir le soir sans mettre mon tourne disque. C’est donc une activité qui s'est transformée en passion, et je dois dire que ça n'a pas été facile de faire passer la musique de l'état de "loisir" au stade professionnel.
Quelle a été votre formation musicale ? Très classique. D’abord dix ans au Conservatoire de Boulogne Billancourt, près de Paris, en classe de violoncelle, musique de chambre, orchestre et solfège. Parallèlement, j'ai eu mon Bac scientifique (C) à l’âge de seize ans, puis j'ai fait un Deug de biologie en cours du soir à Jussieu en quatre ans alors même que j’étais rentré au CNSM de Paris à l’âge de dix-neuf ans (1987). Comme souvent dans la vie pour les choses fondamentales, affectives ou professionnelles, je n’ai 47
pas eu de choix à faire : la musique s'est totalement imposée à moi, elle m’a submergée, elle était une nécessité quand j'étais petit, et c'est devenu vital d'en faire mon métier. Ma formation au CNSM a duré trois ans et s’est achevée avec deux premiers prix. Ensuite, je suis allé étudier aux Etats-Unis, à l’université de Yale puis de Bloomington auprès du célèbre violoncelliste Janos Starker qui nous a quitté il y a quelques jours et à qui je rends hommage ici aujourd’hui. En sortant du CNSM, un ami m'a demandé de le remplacer au Conservatoire de Bourg la Reine en tant que professeur, pour les deux premiers cycles, et j’ai donc découvert le métier d'enseignant. Actuellement, j’enseigne au CNSM depuis dix-sept ans. J'ai ensuite intégré l'Orchestre des Jeunes de la Communauté Européenne où j'ai côtoyé Bernard Haitink, Vladimir Ashkenazy, Mstislav Rostropovitch et Carlo Maria Giulini. Nous avons fait des tournées incroyables dans toute l’Europe et les pays scandinaves. Plus tard, en 1992, j’ai monté le trio Bartoldy (piano, violon, violoncelle) avec lequel j'ai commencé une carrière pendant cinq ans. On a eu la chance de gagner le plus important concours international de musique de chambre à Munich, ce qui nous a ouvert les portes de toute l’Allemagne et de bien d’autres pays.
Qu'est-ce qui vous a amené à jouer dans l'Orchestre de chambre de Paris ? Deux choses : en avril 1997, j'avais presque 30 ans et j’étais à la recherche d’un métier stable. A cette époque-là, je faisais des remplacements à l'Opéra de Paris. L’enseignement et l'orchestre m'intéressaient énormément. Par la suite, je me suis renseigné sur les places disponibles en violoncelle dans les orchestres. Je cherchais plus particulièrement une place dans la région parisienne. J’ai entendu qu'il y avait une place de violoncelle solo à l'Orchestre de chambre de Paris, j'ai travaillé énormément pour ce concours et je l'ai gagné. J'ai pu commencer dès janvier 1998, et cela fait maintenant quinze ans que j’occupe cette place. Mes motivations étaient d'avoir un métier, d'occuper une place dans un orchestre, et en particulier cette place de violoncelle solo dans cet orchestre.
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Quels sont les projets à venir avec l'Orchestre de chambre de Paris ? Disons que les projets à venir sont ceux qu'il y a tout le temps dans un orchestre, même s'il n’y a pas deux jours qui se ressemblent. Les projets sont une saison au Théâtre des Champs-Elysées et d’autres salles parisiennes, des déplacements ou des tournées, des activités socio-éducatives, des enregistrements (CD), des festivals, des opéras, des ballets, et la possibilité, de temps en temps, de jouer un concerto en tant que soliste (ce que j’ai déjà fait une quinzaine de fois). Ce qui me plaît c'est cette diversité. De plus, je suis aussi co-directeur artistique avec la violoniste Déborah Nemtanu du Festival les Journées Musicales entre Loir et Loire depuis 2011.
Qu’est-ce que vous pensez du programme choisi pour le concert du 21 mai 2013 ? C’est un programme extrêmement classique composé de deux « locomotives » : Mozart et Schubert ; et de deux « wagons » : Hummel et Maderna. La symphonie de Schubert, rarement jouée, me semble un choix intéressant et François Leleux est un magnifique musicien.
Le Théâtre des champs Elysées a une valeur particulière à vos yeux ? J’aime beaucoup ce théâtre, je le fréquentais étant enfant. Le Théâtre des Champs Elysées a une valeur importante par le poids de son histoire et c’est une merveille d’architecture. En revanche, l’acoustique n’y est pas très flatteuse.
Selon vous que faut-il faire pour rendre la musique classique accessible à un public plus large et aux jeunes en particulier ? Je pense qu’il y a déjà beaucoup de choses mises en place pour les jeunes. Rien qu’avec l’Orchestre de chambre de Paris, il existe des places de concert à tarif 49
très réduit pour les étudiants et scolaires toute l’année, ainsi que des interventions de musiciens dans les collèges et écoles primaires. Pour moi tout est au service des jeunes, à l’exception de la télévision où la musique classique est dramatiquement quasi totalement absente ! Une idée peu onéreuse pour rendre la musique encore plus accessible serait de mettre en place un système de sonnerie musicale dans les écoles : à chaque intercours il pourrait y avoir une sonnerie différente avec un thème connu, tiré aussi bien du classique que de la variété française que de la musique du monde que du jazz etc…
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Interview spectateur : Étienne Nayrac.
Depuis combien de temps fréquentez-vous les concerts de l’Orchestre de chambre de Paris ? Depuis le début de l’année scolaire 2012-2013. J’ai découvert cet orchestre avec le Bureau des Arts de mon école. Je fais moi-même partie du BDA où j’ai proposé ce genre de concerts aux étudiants.
Pourquoi avez-vous choisi l’Orchestre de chambre de Paris ? Je ne suis pas un expert en la matière. La musique classique m’intéresse, j’ai donc voulu apprendre à mieux la connaitre avec les offres pour étudiants de l’Orchestre de chambre de Paris. Cela nous permet d’assister à plusieurs spectacles assez diversifiés, avec un avantage tarifaire.
Avez-vous une formation musicale ? Non, je débute totalement.
Que pensez-vous de la programmation établie par l’Orchestre de chambre de Paris ? Elle est assez variée. J’ai assisté à quatre ou cinq concerts cette saison, aussi bien à la salle Cortot qu’au Théâtre de Champs Élysées, où j’ai eu notamment la chance d’entendre La Création de Haydn. J’apprécie aussi la découverte de compositeurs que je ne connais guère.
Il y a-t-il une raison particulière qui vous a fait choisir le concert de ce soir plutôt qu’un autre et qu’avez-vous pensez de la première partie du concert ?
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Des compositeurs que je ne connaissais pas tels que Maderna et Hummel ont attiré mon attention. Etant novice, je n’ose pas juger, mais j’ai trouvé cela très intéressant. J’ai pu entendre le Requiem de Mozart en ce début d’année, ce qui m’a permis de reconnaitre l’esthétique de ce compositeur dans le Concerto pour violon entendu ce soir même. J’ai par ailleurs été surpris de voir Deborah Nemtanu et François Leleux être à la fois solistes et chefs pour ce concert.
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