SÉLECTION PRESSE FÉVRIER-MARS 2016
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Douglas, Deborah, Franck…, les clés de l’orchestre
Le chef d’orchestre Douglas Boyd entraîne les musiciens de l’Orchestre de chambre de Paris.
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La musique adoucit les mœurs, dit l’adage. Notre reporter, Alice Le Dréau, s’est invitée pendant une répétition de l’Orchestre de chambre de Paris. PELERIN N°6958 | 7 AVRIL 2016
CELIA PERNOT
À PARIS
A PHILHARMONIE DE PARIS ressemble à un bateau qui aurait jeté l’ancre dans le XIXe arrondissement, à la frontière entre le parc de la Villette et la ville de Pantin (Seine-Saint-Denis). Pour y embarquer, via l’entrée des artistes, il faut, depuis l’arrêt du tramway, longer le boulevard périphérique et ses voitures qui défilent, franchir un portique de sécurité, parcourir des couloirs. Et se laisser guider par les notes de musique qui s’échappent d’une salle. À l’intérieur, deux grandes baies vitrées, un piano, une contrebasse et… quarante-trois musiciens ! Il est 10 h 03 ce matin-là et l’Orchestre de chambre de Paris (OCP), l’une des cinq formations musicales en résidence à la Philharmonie, vient de débuter sa répétition. Au programme : des airs signés Rossini et Mozart. Un concert est prévu dans trois jours. « C’est bien, c’est beau, mais ça manque un peu de tempo ! » commente une voix à l’accent britannique. Celle de Douglas Boyd, le chef d’orchestre. Pour faire mon reportage, j’ai promis d’être discrète. Alors, derrière le pupitre des cuivres, j’observe. Voilà six mois que l’ancien hautboïste et maestro reconnu dans sa catégorie a été nommé à la tête de l’OCP. Les instructions fusent. Critiques, enthousiastes, exigeantes. Devant Deborah Nemtanu, la « supersoliste » de l’orchestre, il mime la position de l’archet, pour bien montrer où les musiciens doivent accentuer la note. Entre deux mesures, il range sa baguette sur son pupitre, pour la ressaisir aussitôt. Dans les moments d’accalmie, il s’assoit, sur un tabouret haut, pour en bondir quelques secondes plus tard. Aux cordes (violons, altos, violoncelles…), il lance :
« À la mesure 93, l’interprétation doit être plus syncopée ! » Il recadre les bois et les cuivres (clarinettes, cors…) : « Votre énergie est fantastique. Mais vous jouez trop fort ! » À l’ensemble des musiciens, il précise : « C’est très propre, ce que vous m’interprétez, mais je vous rappelle que dans cette séquence de l’opéra Idoménée, un orage se déchaîne. Soyez plus fougueux ! » Aux vents (flûtes, bassons…), il fait répéter trois fois la même mesure. Essai no 1 : « Vous êtes trop pressés ! » Essai no 2 : « Vous ne jouez pas ensemble. » Essai no 3 : « Hey, it feels good » (« Ça sonne bien ! »). Douglas Boyd donne une indication de tempo, d’accentuation ? Elle est immédiatement reportée, au crayon à papier, sur la partition. En bon amateur de football, l’Écossais sait motiver son équipe. « Quand Mozart a écrit ce morceau, il voulait qu’il soit joué par le plus grand orchestre du monde. En cet instant, vous êtes le plus grand orchestre du monde ! » Mais au fait, à quoi un chef sert-il ? Sans lui, les musiciens seraient-ils vraiment incapables de garder le rythme ? Franck Della Valle, violon solo dans l’orchestre depuis douze ans, m’éclaire. « L’œuvre est un film. Le chef d’orchestre en est le réalisateur. Sur les partitions, qui sont comme un scénario, il y a finalement assez peu d’instructions sur la manière dont il faut jouer. On trouve quelques indications concernant les nuances à apporter : « piano » (faible), « pianissimo » (très faible), « mezzo forte » (moyennement fort), etc. Et c’est à peu près tout. Dans une formation de quarante-trois musiciens, il y aura donc quarante-trois visions possibles d’un même morceau. Le chef est là pour donner « son » interprétation. » Pendant la pause-café, Douglas Boyd me précise : « L’interprétation que je défends n’est qu’une vérité parmi
d’autres. Alors quand je dois diriger une nouvelle œuvre, je n’écoute jamais les versions enregistrées par les autres chefs. Cela risquerait de m’influencer. » La méthode d’un bon chef d’orchestre : Lire et relire la partition (la bibliothèque de l’OCP en contient près de mille) ; s’imprégner de l’histoire de l’œuvre ; comprendre l’époque dans laquelle elle s’inscrit. « Un compositeur n’écrit pas telles ou telles notes par hasard, tout a un sens », confie Douglas Boyd. Avant de me laisser. Pause terminée. Dans cette petite pièce, au cœur de la Philharmonie, j’ai l’impression d’être dans l’atelier d’un peintre. Le concert se construit, devant mes yeux… et mes oreilles. Chaque instrument apporte sa touche. « Brrrravo ! » s’exclame Douglas Boyd, alors que montent dans l’air les premières notes des Noces de Figaro. Il est 12 h 30. « La pratique d’un instrument est un sport de haut niveau, sourit Deborah Nemtanu. À la mi-temps d’un match de foot, on masse les joueurs. Il faudrait y songer, pour les musiciens », sourit-elle. L’heure du déjeuner a sonné. Quatre autres sessions suivront. Puis une répétition générale, quelques heures avant la représentation. L’aboutissement de ces longues heures de travail, minutieuses, les musiciens le vivront, trois jours plus tard, sur la scène du Théâtre des Champs-Élysées. Une de leurs salles fétiches, à Paris, quand ils ne se produisent pas à la Philharmonie. « À la fin de chaque concert je me sens à la fois heureux et libéré, raconte Franck Della Valle, une fois le rideau baissé. Mais jamais, jamais blasé. » ● *L’OCP se produit en concert le 11 avril, au Théâtre des Champs-Élysées, Paris VIIIe. Autres dates : www.orchestredechambredeparis.com PELERIN N°6958 | 7 AVRIL 2016
Concert
Sur France Musique : à la Philharmonie, “Le Messie” était attendu Sophie Bourdais
Publié le 28/02/2016.
Un concert de Noël comme un cadeau pour les choristes amateurs : ils étaient deux cent soixante à s'emparer dans l'euphorie de l'œuvre de Georg Friedrich Haendel. A (ré)écouter sur France Musique.
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A voir Jimi Hendrix et Georg Friedrich Haendel, voisins de musée à Londres
Fermez les yeux, revenez deux mois en arrière. Vous assistez au concert de Noël, le dernier proposé par la Philharmonie de Paris avant la trêve des confiseurs et la nouvelle année. Au programme, Le Messie, de Haendel, superbement interprété, sous la direction de Douglas Boyd, par l'Orchestre de chambre de Paris, le chœur Accentus et un quatuor vocal d'une belle homogénéité (Carolyn Sampson, Paula Murrihy, Allan Clayton, Matthew Rose), rejoints en bout de course, pour les trois choeurs chantés en bis – incluant le tubesque Hallelujah –, par les deux cent soixante choristes amateurs installés par pupitres (sopranos, altos, ténors, basses) au-dessus de l'orchestre. Certes, vous n'avez pu entendre le chef d'orchestre encourager les volontaires lors du raccord d'avant-concert, tout en leur demandant de commencer l'Hallelujah « en le chuchotant sur une respiration ». Mais l'euphorie de ces recrues d'un soir ne devrait pas vous laisser insensible.
Compterendu “Theodora” par les Arts lorissants à (re)voir au Théâtre des Champs Elysées et sur Arte Concert
V ÉOLTÉRREASMÉAL E C T I O N T Sortir Loisirs A Bastille, la borne Timescope permet de voir Paris au Moyen Âge
Cinéma Pagaille dans les salles parisiennes : où sont les ilms d'auteur ?
CD Coffret 13 CD Gréco L'essentielle
Un plaisir partagé En Grande-Bretagne, terre natale du Messie, cette dimension participative n'a rien pour étonner. En France si, même si les institutions et formations musicales s'appliquent à changer la donne. Depuis son ouverture, la Philharmonie cherche à impliquer ses publics dans la musique en train de se faire. Et y a plusieurs fois réussi, comme lors de cette Flûte à chanter partagée, en février 2015, par (déjà) l'Orchestre de chambre de Paris avec des choristes de tous âges et niveaux, souvent venus en famille. L'enjeu de ce Messie participatif était un peu différent. Chanter les chœurs en polyphonie, en rythme et, si possible, avec les nuances requises supposait une pratique minimale du chant choral, même si les débutants pouvaient compter, d'une part, sur la mise en ligne de tout un matériel pédagogique, et, d'autre part, sur la présence rassurante de soixante-dix choristes expérimentés issus du Coge (Chœurs et orchestres des grandes écoles). Dans les faits – on s'en doutait, au vu du nombre de « vraies » partitions cornées et annotées –, peu de débutants ont été recensés parmi les participants (80 % de femmes) aux deux ateliers de préparation dirigés par Christophe Grapperon, chef associé d'Accentus, dans les salles de répétition de la Philharmonie. L'expérience sera rééditée l'an prochain, avec une œuvre différente. Le Messie, lundi à 14h sur France Musique. La captation du concert est visible sur culturebox.fr et live.philharmoniedeparis.fr.
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CULTURE
Daniel Hope et Béchara elKhoury pour Yehudi Menuhin...
Le compositeur libanais Béchara el‑Khoury et le violoniste Daniel Hope, à l’issue du concert au théâtre des Champs‑Élysées. CONCERT
Au théâtre des Champs‑Élysées, dans le cadre de sa tournée mondiale, le violoniste britannique a présenté avec émotion « Unfinished Journey » du compositeur libanais... Zeina SALEH KAYALI | OLJ 24/03/2016
Dans sa tournée mondiale qui compte une centaine de dates et de lieux différents, le grand violoniste britannique Daniel Hope rend hommage à Yehudi Menuhin qui aurait eu cent ans en avril 2016. Le programme n'est pas forcément le même d'une ville à l'autre, mais systématiquement, invariablement et fidèlement, Daniel Hope joue Unfinished Journey de Béhara el‑Khoury. Cette pièce avait été commandée en 2009, à l'occasion du dixième anniversaire de la disparition de Yehudi Menuhin. L'autre soir, au théâtre des Champs‑Élysées à Paris, c'est la voix nouée par l'émotion que Daniel Hope annonçait la présence dans la salle de Béchara el‑Khoury, «compositeur libanais vivant à Paris», et confiait au public, touché et amusé que cela «le rendait nerveux»! Placée en première partie du concert, entre le bondissant Concerto pour deux violons et orchestre à cordes en la mineur d'Antonio Vivaldi et l'époustouflante Symphonie de chambre d'après le quatuor en ut mineur de Dimitri Chostakovitch, la pièce de Béchara el‑Khoury est admirablement interprétée. L'archet de Daniel Hope vibre et frémit tandis que l'Orchestre de chambre de Paris, au meilleur de sa forme, offre au soliste un riche et opulent tapis de cordes. Quand la dernière note meurt, le public retient son souffle. Pas un bruit, un silence absolu se fait dans la salle comme si le temps avait suspendu son vol, avant que n'éclate une incroyable salve d'applaudissements qui porte Béchara el‑Khoury sur scène afin de saluer. Pour l'interprète qui maintenant la connaît si bien, cette œuvre du compositeur libanais est «merveilleuse, chaleureuse, un vrai hommage au lyrisme de Menuhin, un voyage de l'Est vers l'Ouest». Quant au compositeur, il dit que «la musique décrit le temps passé à travers une méditation sur le souvenir, sur les images, sur la voix de Menuhin et sur le silence...».
(Lire aussi : Le violon de Hope raconte les notes de Béchara el‑Khoury) Joyeusement baroque La deuxième partie du concert s'ouvre avec le Concerto pour violon et orchestre à cordes en ré mineur de Félix Mendelssohn (composé alors qu'il n'avait que treize ans!), œuvre puissante et virtuose où Hope peut donner libre court à son extraordinaire vélocité. Puis c'est Nostalghia pour violon et orchestre à cordes de Toru Takemitsu, compositeur japonais du XXe siècle s'étant fait connaître du grand public par les musiques écrites pour les films d'Akira Korosawa. Le bouquet final consiste en une interprétation extraordinairement contrastée et rafraîchissante de l'Été, extrait des Quatre saisons d'Antonio Vivaldi. Ainsi se termine le concert sur la même note joyeuse et baroque qui en avait fait l'ouverture. Pas facile de diriger et d'être soliste en même temps. Pourtant Daniel Hope réussit à obtenir une homogénéité et une précision grâce à la qualité de communication qu'il entretient avec l'orchestre. Entouré de Deborah Nemtanu, remarquable violon solo qui lui
donne la réplique notamment dans Vivaldi, et des membres de l'Orchestre de chambre de Paris, le défi est parfaitement relevé. Quant à Béchara el‑Khoury, si apprécié et fêté à l'étranger, souhaitons qu'un jour le Liban lui rende hommage à la hauteur de son immense talent... Pour mémoire Trois concertos de Bechara el‑Khoury disponibles chez Naxos Le « Voyage inachevé » de Béchara el‑Khoury au Théâtre des Champs‑Élysées Béchara el‑Khoury ovationné salle Pleyel à Paris RETOUR À LA PAGE "CULTURE"
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A Vienne de père en fils par Christian Wasselin (_Christian-Wasselin_)
Un concert de l’Orchestre de chambre de Paris nous rappelle quelle fut la fécondité de la première école de Vienne.
JEAN-GUIHEM QUEYRAS est un magnifique violoncelliste mais, plus que le Premier concerto pour violoncelle de Haydn, qu’il avait inscrit au programme de son concert donné le 8 mars au Théâtre des Champs-Élysées, ce sont les deux œuvres de Mozart également à l’affiche qui nous attiraient le plus ce soir-là. Les œuvres des deux Mozart, devrait-on plutôt dire, car ce concert donnait l’occasion d’entendre la Symphonie en sol majeur « Neue Lambacher » de Leopold (le père) et la Première Symphonie d’un Wolfgang (le fils) de neuf ans. La Symphonie « Neue Lambacher » a été retrouvée à l’abbaye de Lambach, où les Mozart auraient fait étape, dit-on, sur la route de Vienne. C’est une œuvre de belle facture, qui fut d’ailleurs un temps attribuée à Wolfgang. Elle a peu à voir avec la naïveté un peu raide de la Symphonie des jouets, qui fut, elle, longtemps attribuée à Haydn avant de l’être à Leopold, même si certaines sources militent aujourd’hui en faveur d’un autre compositeur, beaucoup moins célèbre, le moine Edmund Angerer (la partition fut retrouvée dans un manuscrit, cette fois, du Tyrol). La « Neue Lambacher » se compose des quatre parties habituelles. Les deux mouvements centraux se ressemblent un peu trop, mais la dynamique des cordes et le dialogue qui s’effectue entre elles, dans les deux autres, est soulignée par la disposition de l’Orchestre de chambre de Paris (violons I et II face à face), que le chef Sascha Goetzel (par ailleurs directeur artistique de l’Orchestre philharmonique du Borusan-Istanbul) mène avec beaucoup d’allant. Charmant puis acide La Première Symphonie de Wolfgang n’est pas qu’un travail d’écolier, loin de là, mais n’offre pas tout à coup une autre manière de concevoir la musique – preuve que Leopold n’était pas le musicien laborieux que certains décrivent. Malgré sa brièveté, elle propose notamment un mouvement lent plein d’un charme étrange, où la mélodie est confiée aux cordes graves, les violons jouant le rôle de complices. Le concert s’achevait par la Troisième Symphonie de Schubert, qui se glisse dans la continuité de la musique classique viennoise, mais fait appel à un orchestre renforcé, notamment de cuivres. Le clarinettiste solo de l’Orchestre de chambre de Paris fait merveille dans cette musique espiègle, élégante, mais la couleur acide des trompettes déséquilibre le son dans les tutti et fait s’éclipser le charme (au sens fort) de cette partition au profit d’une agressivité qui ne s’y trouve pas. Un mot, malgré tout, sur le concerto de violoncelle, ou plutôt sur les bis joués par le violoncelliste : Ombres, pièce brève et riche de silences de György Kurtag, enchaînée au célébrissime Prélude la Première Suite de Bach, abordée avec une admirable simplicité et une noble légèreté. Jean-Guihen Queyras est décidément un grand artiste. photographie : Jean-Guihem Queyras (Marco Borggreve/dr) En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies pour réaliser des statistiques de visites et vous proposer des publicités ciblées.
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Journal Julia Lezhneva avec l’Orchestre de Chambre de Paris et Douglas Boyd - Vitamine C - Compte-rendu
Jacqueline THUILLEUX Lire les articles >> Plus d’infos sur Théâtre des Champs Elysées La jeune diva colorature avec l’Orchestre de Chambre de Paris revivifié par son nouveau chef Douglas Boyd, et dans un programme peu compromettant, Mozart et Rossini, il y avait de quoi exciter l’appétit du fidèle public de la formation, outre celui de la série des Grandes voix, amateur de belles vocalises. Et du bonheur, on en a eu, un bonheur pétillant, léger, dû à la tonalité fruitée et à la vivacité de la soirée, déroulée sur un mode festif. Il est vrai que la voix de Julia Lezhneva (photo), propulsée aux sommets dès son plus jeune âge - elle n’a aujourd’hui que 26 ans - a de quoi réjouir par son incroyable agilité. Même si l’on en sait les défauts, qui ne vont pas en s’améliorant : un timbre métallique, dont la stridence se fait vibrante lorsqu’elle s’essaie à un chant plus large, plus puissant. Et une présence un peu timide de jeune artiste qui n’a encore que modérément le sens de la scène. Pour le reste, Lezhneva est un phénomène purement et simplement, et l’on a plaisir à constater que cette voix à à la fois miraculeuse de célérité et un peu rêche parfois dans les sons plus soutenus, s’arrondit lorsqu’elle se chauffe, comme un objet d’argent que l’on ferait briller. Charmante certes, dans l’air de concert de Mozart, Voi avete un cor fedele, elle a manqué de sentiment dans le « Temerari… Come scoglio » de la Fiordiligi de Cosi fan tutte. Puis merveille, l’Otello, de Rossini (air du saule), lui a superbement réussi : débarrassée de ses scories la voix rayonnait avec lyrisme. Enfin, éblouissement avec « Tanti affetti » de La donna del lago, tout en finesse
légère : Rossini, décidément, lui sied à la perfection. Aucune réserve, en revanche pour la qualité montante de l’orchestre, comme réveillé de son sommeil par le pétulant et sympathique Boyd, qui n’économise guère son énergie et sait mettre en valeur la beauté des violons menés par Deborah Nemtanu, ou la grâce inattendue des contrebasses, dans les Danses allemandes KV 606 de Mozart, avant de s’enflammer sur l’ouverture de Guillaume Tell, pétaradante comme il convient. Le public est sorti d’humeur joyeuse de cette soirée virevoltante. Jacqueline Thuilleux
Paris, Théâtre des Champs-Elysées, 19 février 2016 Photo Julia Lezhneva © Frank Juery – Naïve
Virtuose et sensible
Récital Julia Lezhneva - Paris (TCE) Par Christian Peter | ven 19 Février 2016 |
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Pour son nouveau récital au Théâtre des Champs-Élysées, Julia Lezhneva a concocté un programme qui s’articule autour de deux de ses compositeurs fétiches : Mozart, tout d’abord, qui tient une place de choix dans la première partie du récital. Des extraits du ballet d’Idoménée ouvrent la soirée avant que la soprano ne propose l’air de concert « Voi avete un cor fedele » qu’elle chante avec une insolence et une facilité déconcertantes. On reste pantois devant la virtuosité ébouri ante de la cantatrice qui exécute à l’envi trilles et vocalises avec une redoutable précision. Pourtant l’on demeure quelque peu sur sa faim devant cette mécanique impeccablement huilée qui semble tourner à vide, tant la soprano paraît indi érente aux mots et à l’ironie sous-jacente du texte. Fort heureusement cette impression s’estompe rapidement dès le morceau suivant, « Mi lagnerò tacendo » tiré du Siroe de Hasse, dont elle a gravé une intégrale remarquée aux côtés de Franco Fagioli, parue au printemps dernier. Ici point de virtuosité gratuite, Les in exions de la voix parviennent à exprimer la mélancolie que ressent le personnage et sa détermination. Pour conclure la première partie, Julia Lezhneva qui interprètera Fiordiligi à Wiesbaden en mai prochain, nous o re un avantgoût de cette prise de rôle. Son « Come scoglio » laisse augurer du meilleur : le récitatif est chanté avec aplomb et toute l’autorité nécessaire et l’air proprement dit n’appelle que des éloges tant sur le plan expressif que vocal, à l’exception peut-être d’un aigu nal un rien tendu. La seconde partie met Rossini à l’honneur à travers deux scènes d’opéra seria qui s’intercalent entre deux ouvertures célèbres. Dans le grand air de Desdémone « Assisa a piè d’un salice », la cantatrice doit a ronter le souvenir de Cecilia Bartoli qui avait interprété l’opéra entier in loco en 2014. Avec des moyens somme toute di érents et une émotion plus contenue Julia Leznheva se hisse sans peine sur les mêmes cimes que sa consœur. Son interprétation nimbée de nostalgie n’est pas dépourvue de charme et la luminosité de son timbre fait ici merveille. Avec le rondo nal d’Elena de La Donna del lago La soprano termine son programme sur une page virtuose propre à mettre en valeur sa technique et déclencher l’enthousiasme du public. En bis, elle nous o re un Chérubin sensuel et délicat à travers un « Voi che sapete » subtilement nuancé et achève de nous éblouir avec un « Alleluia » de Porpora tout en vocalises qu’elle exécute sur un l de voix. A la tête de l’Orchestre de chambre de Paris dont il est directeur musical depuis septembre dernier, Douglas Boyd réserve de belles surprises surtout dans Mozart, dirigé avec élégance (les danses allemandes) et fermeté (« Come scoglio »). Dans Rossini, la scène de Desdémone, empreinte de mélancolie, contraste avec l’ouverture de Guillaume Tell menée tambour battant, dont la dernière section martelée à l’excès s’achève dans un tintamarre qui vient tempérer la bonne impression que le chef avait laissée jusque là.
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BOUT I QUE E N LIGN E
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Kiss me, Kate fait grimper la température du Théâtre du Châtelet Le 04/02/2016
Par Charlotte Saintoin
Le Théâtre de Châtelet accueille le rare Kiss me, Kate de Cole Porter inspiré de La Mégère apprivoisée de Shakespeare. Ecrit à la fin de sa carrière pour Broadway, ce sommet du musical réunit une troupe de haut niveau, portée par un Orchestre de Chambre de Paris en grande forme. Jusqu'au 12 février. Fidèle au Châtelet, sur les planches duquel il monte depuis sept ans les œuvres de Sondheim, Lee Blakeley s'attaque à l'un des derniers chefs d'oeuvre de Cole Porter : Kiss me, Kate. Déployant tout le génie de Porter tant dans l'écriture -sans cesse à double sens- que dans la musique, Kiss me, Kate remporte un franc succès lors de sa création en 1948 à New York, enchaînant ainsi 1033 représentations.
Fela Lufadeju interprétant "Too Darn Hot" © Théâtre du Châtelet - Vincent Pontet
M Y OLYRI X
A la mise en scène, Blakeley réalise un travail colossal, sagace mais parfois excessif. Plaçant l'action en 1948, il accentue les traits comiques de l'opéra en misant tantôt sur la répétition, tantôt sur l'effet surprise, mais aussi sur la mise en abyme. Blakeley s'en donne à cœur joie dans les allers-retours entre les coulisses et la scène, alternant ambiance italienne et américaine, tout en ménageant les longues plages instrumentales de l'oeuvre. Des idées ingénieuses, comme le décor mobile des coulisses, le défilé des miss italiennes lors de « Where Is the Life That Late I Led ? » de Petruchio, en côtoient d'autres plus désuètes, telles que la projection sur écran géant des cartes postales italiennes illustrant le « We Open in Venice ». D'autres encore ressemblent bien étrangement au Singin'in the Rain de Robert Carsen qui avait lieu quelques mois plus tôt. Les chorégraphies signées Nick Winston émerveillent et exploitent l'excellent niveau de la distribution. Le périlleux « Too Darn Hot » qui allie swing et lindy hop, est jubilatoire et sublimé par Fela Lufadeju (Paul). Le chorégraphe semble d'ailleurs y glisser un clin d’œil à la scène du réverbère exécutée par Gene Kelly dans Singin'in the Rain, qui vola d'ailleurs à Cole Porter le désormais culte « Make 'em Laugh ». Brigitte Reiffenstuel apporte à l'ensemble d'innombrables costumes qui en mettent plein la vue pour, selon le goût de chacun, le pire et le meilleur.
DÉCOUV RIR L'O PÉ RA
B ILLETTE RI E
BOUTIQUE E N LIGN E
ME M B RE S
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M Y OLY RI X
Sur Ôlyrix, vous pouvez échanger avec d'autres passionnés Des espaces de discussion sont accessibles en bas des pages d'article ! Christine Buffle (Lili Vanessi/Katharine) et David Pittsinger (Fred Graham/Petruchio) © Théâtre du Châtelet - Vincent Pontet Côté distribution, Christine Buffle continue son incursion dans le registre de la comédie musicale en campant le rôle de Lili Vanessi et de Katharine. Issue de l'opéra -et cela s'entend, elle a bien fait de persévérer dans le domaine tant ses talents d'actrice s'expriment ici. C'est ainsi avec un plaisir non feint qu'elle campe une mégère aussi insupportable que caractérielle, jetant au visage de Petruchio tout ce qui lui tombe sous la main. David Pittsinger semble plus à son aise en Fred Graham qu'en Petruchio. Elegant et sensible dans son interprétation de l'homme encore amoureux, son Petruchio, assez statique, peine à forcer le trait du macho qui dresse sa femme. Tentatrice hors pair, femme émancipée, Francesca Jackson magnifie le rôle de Loïs Lane comme celui de Bianca, sa voix suave s'épanouissant à merveille dans les aigus. Bien que son rôle reste discret dans l'oeuvre, Alan Burkitt livre un Bill et un Lucentio de bonne facture.
JE CRÉ E M O N CO MPTE
Martyn Ellis et Daniel Robinson, duo de malfrats truculent © Théâtre du Châtelet Marie-Noëlle Robert La cerise de ce gâteau déjà délicieux, c'est bien sûr le duo formé par Martyn Ellis et Daniel Robinson. Chacune de leurs apparitions amène son lot de fous rires dans le public. Drôlissime, le numéro bien huilé des deux compères, façon Laurel et Hardy, atteint son apogée lors du génial « Brush Up your Shakespeare », copieusement applaudi par un public déjà conquis. La plus grande réjouissance de la soirée vient sans nul doute de la prestation livrée par l'Orchestre de Chambre de Paris placée sous la direction de David Charles Abell. Revenant au cœur de la partition de Cole Porter, la libérant de ses erreurs de copie, l'orchestre réalise un travail d'orfèvre bien salutaire. Le « Too Darn Hot » n'a jamais sonné aussi juste et c'est avec une immense joie que l'on entend le génie de Cole Porter se déployer dans l'antre du Châtelet. Kiss me, Kate, mise en scène de Lee Blakeley, direction musicale de David Charles Abell, jusqu'au 12 février au Théâtre du Châtelet, réserver mes billets (dès 29 €). Vous avez vu le spectacle ? Livrez-nous votre critique sur la page de la production ! TAGS :
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Deux musiciens de l'Orchestre de chambre de Paris dans la prison de Meaux : une journée particulière Par Lorenzo Ciavarini Azzi
Journaliste, responsable de la rubrique Classique de Culturebox
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Mis à jour le 09/02/2016 à 12H23, publié le 09/02/2016 à 11H09
Pendant le concert à la prison de Meaux. © Lorenzo Ciavarini Azzi/Culturebox
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PARTAGES
C'est dans la philosophie de l'Orchestre de chambre de Paris : jouer la musique là où elle ne serait naturellement pas présente et en faire un moteur de reconstruction sociale. Deux de ses musiciens se sont joints à un pianiste, professeur en prison, pour donner avec deux détenus un concert de Brahms, Durand et Piazzolla au Centre pénitentiaire de Meaux. Récit d'une journée particulière.
TOUTE L'ACTU MUSIQUE Le violoniste Ivry Gitlis, 93 ans, invité du Festival de Pâques 2016
Centre pénitentiaire de MeauxChauconin, en pleine campagne briarde, à une heure de route de Paris. Vent froid, ciel bas et gris. Gaetano Pattavina nous accueille devant la prison avec un grand sourire qui réchauffe. C'est un habitué des lieux. Tous les mardis, ce musicien professionnel se rend ici pour donner des cours de piano. Et aujourd'hui est un jour spécial car deux musiciens du prestigieux Orchestre de chambre de Paris (OCP) le rejoignent pour
David Bowie : regardez l'étrange premier film dans lequel il tourna en 1967
David Krakauer fait résonner la musique Klezmer en Bretagne BRETAGNE
un véritable concert : la violoniste Sylvie Dusseau et le corniste Gilles Bertocchi. Michel Polnareff se livre comme jamais dans "Spèrme", son autobiographie
LIVE MUSIQUE CLASSIQUE A REVOIR
Roméo et Juliette de CONCERTS & Prokofiev au Théâtre EXTRAIT SPECTACLES Mariinsky EN LIVE
MUSIQUE CLASSIQUE
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Nikolaus Harnoncourt dirige la Passion selon St Jean de Bach
Extrait de la Passion selon St Marc de Bach
EXTRAIT
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OPÉRA
MUSIQUE CLASSIQUE
Extrait de Lady Macbeth, air de Katerina Ismaïlova
Chopin Nocturne opus 9 n°1 par Brigitte Engerer
© LCA
Les trois musiciens sont tout de noir vêtus, comme pour chaque concert. Cerise sur le gâteau, les deux détenus élèves de Gaetano vont également être de la partie pour deux morceaux joués avec des professionnels. Une première.
Qualité d'écoute Dernier élément de cette équipée venue de Paris, Amélie Eblé, la responsable des actions
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culturelles de l'Orchestre, coorganisatrice de l'événement. On sait la formation aujourd'hui dirigée par Douglas Boyd très impliquée : insérer la musique dans le tissu social et la faire vivre auprès des publics "empêchés" est une priorité. Et l'OCP a trouvé à la prison de Meaux un partenaire de taille en la personne d'Irene Muscati. Sept ans que cette intellectuelle
VOYAGEUR DE NOTES
italienne, passée par la médiation culturelle, a patiemment construit ce qui ressemble bien à
CD: le Schumann juvénile et ardent de Jan Lisiecki
une vie culturelle dans les murs de la prison. Et hors les murs quand elle emmène ses détenus à Versailles, au Louvre ou au Quai Branly ! D'un côté il y a des actions ponctuelles : concerts, expositions, pièces de théâtre… et de l'autre le volet pédagogique à l'année, avec pas moins de quinze intervenants présents toutes les semaines. Parmi eux, donc, Gaetano
A la Philarmonie, la légende Radu Lupu et un orchestre de Paris au parfum scandinave.
Pattavina, arrivé à la suite de l'acquisition miraculeuse d'un piano, par l'association "Trait d'union".
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Irene Muscari accueille le public dans la salle de spectacle de la prison et présente ses projets culturels. © LCA/Culturebox
"Secteur scolaire" : c'est là, dans des locaux de la prison dédiés à la formation, que se trouve la salle de spectacle. Là que les deux détenus musiciens s'échauffent enfin, avant le concert. JeanPaul et Michel n'avaient jamais fait de musique avant d'être acceptés à ces cours, il y a un an et demi. Ils mesurent leur chance, il n'y a que deux places pour tout l'établissement. "Ils ont une qualité d'écoute qui leur est propre", raconte leur professeur Gaetano : "Ce n'est pas juste une activité, ça devient comme un entraînement de l'esprit. C'est pour cela qu'ils sont très attentifs aux méthodes d'apprentissage, ils y pensent en cellule. Quand elles sont efficaces, ça prend des proportions incroyables ! Si on pense que la réinsertion est reconstruction, il est utile d'apprendre ces techniques". Accompagnés pour la première fois
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par d'autres instruments grâce à la présence du corniste et de la violoniste de l'OCP, Jean Paul et Michel découvrent la musique comme une béquille. "Je leur ai dit de se rattraper, en cas de difficulté, de se laisser porter par les autres musiciens", dit Gaetano.
La prison, lieu de production culturelle de haut niveau ? Bureau d'Irene Muscari : affiches de spectacles placardées au mur, dossiers de production traînant sur la table… On se croirait facilement chez un producteur culturel parisien, si ce n'était, de la fenêtre, la vue sur les barbelés et les murs de la prison. Irene Muscari travaille dans un lieu de détention, mais elle pense culture : "Ce qui régit mon action ici c'est la qualité. Dans le rapport dedans/dehors : ce qui est proposé dedans doit l'être dans des conditions proches de l'extérieur. J'aime les projets qui ne sont pas nés pour la prison, à nous de les adapter. La prison peut devenir un lieu de production culturelle de haut niveau : c'est une microsociété où un public et des talents existent, malgré les parcours chaotiques et difficiles". Pour rejoindre le lieu du concert, nous traversons des cours et des couloirs : partout où elle passe, Irene est sollicitée par des détenus qui rappellent leur présence au concert et leur intérêt. La culture est fédératrice.
L'un des détenus joue avec le corniste Gilles Bertocchi. © LCA/Culturebox
La salle est remplie bien avant l'heure. Une trentaine de personnes : quelques personnels de la prison, trois femmes de la précieuse association "Trait d'union" très impliquées à Meaux. Et, évidemment, les détenus, arrivant par petits groupes et sacrifiant au rituel quasi chorégraphique des poignées de mains et des check. Moment de convivialité. Parmi eux, M. s'est assis au premier rang : "Je suis musicien moimême, je fais de l'afropop et du jazz, mais plus que tout j'aurais voulu apprendre du classique, la vie en a décidé autrement. Il n'y a pas jour où je n'écoute pas Radio Classique". B, lui, est dans la découverte : "On pousse la porte, d'abord sans réel plaisir. Et puis ça nous plaît de nous ouvrir, d'apprendre des choses. La prison, c'est un mal pour un bien : l'idée est aussi de sortir moins bête. Ici, j'ai appris la guitare. Comme je suis perfectionniste, il m'arrive de jouer jusqu'à cinq heures d'affilée ! Je joue différents styles, y compris le rock, cette musique de blancs !", ditil en riant. "Pensez qu'avant, ma culture, c'était uniquement le rap".
Ecoute quasi-religieuse "C'est formidable, cette impression de produire de la beauté ensemble, ça tient du prodige" dit Gaetano Pattavina en introduisant le concert. "L'assiduité et la passion de Michel et de JeanPaul, c'est précieux. L'art et la culture ne tolèrent pas qu'il y ait de barrières parce qu'il y a l'être humain". Michel commence, avec un Lied de Krassef pour cor et piano, au côté de Gilles Bertocchi. Pas une hésitation. Immersion totale dans son piano et complicité avec Gilles. JeanPaul, découvre lui aussi le moteur du jeu à deux, dans une Aria de Paganini pour violon et piano. Il dira plus tard à son public : "A l'oreille, Sylvie a réussi à me suivre". Les morceaux sont courts mais très applaudis. Michel est rassuré : désormais il pourra "y aller sans crainte" affirmetil devant ses codétenus.
Un autre détenu, cette fois avec la violoniste Sylvie Dusseau. © LCA/Culturebox
La suite du programme prévoit un Trio de Brahms, pour piano, violon et cor, "évoquant un chemin vers la lumière", explique Gaetano. Dans le public, une écoute quasi religieuse s'installe dès le début du morceau romantique et mélancolique, inspiré par le paysage de la Forêt Noire. Entre les deux morceaux, chacun des musiciens s'amuse à présenter son instrument. Combat de coq à qui en dira plus, entre la violoniste sur les cordes et le corniste sur les cuivres. Le public, réceptif, s'en amuse. Curieux, M. ose la question, à propos des instruments à corde : pouvezvous me parler du théorbe ? Sylvie Dusseau, surprise : "mais c'est un instrument baroque !" Le deuxième morceau, "Trio pictural", est d'un compositeur contemporain, Philippe Durand. Gaetano Pattavina avait prévenu son auditoire : "Vous nous direz quelles couleurs vous y voyez". Message reçu : sourcils froncés, leurs regards traduisent l'étonnement, puis l'intérêt, enfin le plaisir une fois acceptés les mouvements de la musique. Certains bougent la tête dans le rythme, se laissent porter mais restent vigilants et concentrés.
Evasion... Enfin vient la pièce du compositeur argentin Astor Piazzolla, "Oblivion". Explication du professeur : "Alors que jusqu'ici, la musique jouée menait toujours à une ouverture lumineuse, cette œuvre est plus nostalgique, elle évoque le douloureux sentiment de l'oubli". La ligne mélodique du tango, portée par le violon, provoque soudain une autre écoute, dans le recueillement ou l'abandon. Un détenu, sa joue posée dans la paume de la main, semble ailleurs. Un autre, visiblement bouleversé, aurait fondu en larmes dans d'autres circonstances. D'autres touchent un voisin de la main ou s'échangent un signe comme pour partager le bonheur d'être là.
Sylvie Dusseau, Gaetano Pattavina et Gilles Bertocchi dans l'échange avec le public. © LCA/Culturebox
"Vous nous avez fait voyager !", "on était ailleurs", "une véritable évasion", lancent quelques uns spontanément, lors de l'échange qui suit le concert. "Vous m'avez mis la musique dans
le cœur", ajoute le plus ému. Et une question, d'emblée, à l'attention des musiciens : "Nous, vous nous avez bercés. Et vous, ça vous fait quoi, cette musique ? "On se régale", répond Sylvie Dusseau, la violoniste. "Mais il nous arrive parfois de ne pas être satisfaits de ce qu'on joue, parfois ça ne marche pas", corrige Gilles Bertocchi, le corniste. Les détenus sont demandeurs d'informations, un monde s'ouvre à eux : "Avezvous fait d'autres détentions ? Vous jouez où, d'habitude ? Musicien, estce une passion ou un métier ?" Gilles est visiblement à l'aise avec son instrument là où on ne l'attend pas. Marqué aussi par ses précédentes interventions en milieu carcéral, il sait trouver les mots pour dire sa passion : "Voyezla comme un sport, j'ai fait beaucoup d'arts martiaux, ça m'a tenté aussi. Il faut énormément de travail, ça devient un métier, mais ça peut rester une passion". Il évoque d'autres types de musique, "un cor ça peut aussi accompagner du rock metal si on veut", témoignetil. Sa parole enthousiasme, son jeu contradictoire avec la violoniste Sylvie Dusseau sonne vrai, la musique est une matière vivante. L'heure avance, le temps imparti sera bientôt écoulé. On ne badine pas avec les horaires dans une prison. On remballe. Les musiciens joueront ce soir dans une salle traditionnelle. Michel et JeanPaul attendront leur cours mardi prochain, et les autres détenus le prochain spectacle.
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By Patricia Boccadoro PARIS, 15 MARCH 2016 —"My aim is to create a world-class orchestra for Paris, a world class city", Douglas Boyd, the recently appointed new principal conductor for the Orchestre de Chambre de Paris, told me. Speaking in his dressing-room at the Theatre des Champs-Elysées shortly before a concert featuring the trumpet player, Reinhold Friedrich, Boyd said that he intended to find the orchestra a style of its own, so that it could be instantly identified. "It’s my dream to change the profile so that we are seen as one of the finest chamber orchestras in the world." This might seem like wishful thinking to anyone who has not assisted at one of the orchestra’s recent concerts, but in the relative short time he has been at the helm, this dynamic, immensely likeable Scottish conductor is more than halfway there. Since his official appointment in September 2015, the sound and personality of the orchestra has dramatically changed. From being a somewhat jaded group of musicians, albeit individually gifted, attracting audiences by virtue of such guest artists as pianist Fazil Say or contralto Nathalie Stutzmann, it has become an exciting entity in its own right, with orchestra members extending their joy of music to their spectators. I asked Boyd how he had managed this and what his future projects for the orchestra were. "First of all", he began, "I try to remain myself and although I know I’m very demanding, I always try to respect each musician. I have a lot of energy and find it easy to communicate my passion for music. I was also incredibly lucky to be brought up through the European Youth Orchestra project which gave birth to the Chamber Orchestra of Europe four years later and where I was not only a founding member, but principal oboe for 21 years. We played as though our lives depended upon it and shared the joy of making music at the highest possible level". "I tell the musicians that music isn’t a job but a privilege which has to be shown every time they go on stage. And then", he added, "there’s a very good chemistry with everyone which is not always the case, and once we got the spirit going, it was like a roller-coaster. Everything we do is about articulating the music to make it come alive". Born in Glasgow in 1959, Boyd grew up surrounded by music both at home and at school. His mother was a pianist who played the organ in church each Sunday, while his grandfather, he recalled, had a wonderful voice and spent his time singing all the songs of Mario Lanza, a singer he venerated. He reminded me that everyone in Britain could learn to play an instrument as in the 60’s, before the arrival of Margaret Thatcher, all lessons were free, and that he was able to play in a local youth orchestra as early as the age of 9. Later, they had a residency every summer at a castle on the banks of the Clyde where it was an absolute paradise with lots of pretty girls around. It was there, he said, that he discovered the joys of playing in an orchestra and abandoned an early ambition to be a footballer to become a musician, although the choice of the oboe was pure chance. He fancied playing the clarinet, but the only instrument left in the school was the oboe ... the rest, he reminisced, was history. After studying at the Royal Academy of Music in London, Boyd completed his studies with Maurice Bourgue in Paris, perhaps when his love story with the French capital began. But although Boyd began his career as an oboist, he always harboured a wish to conduct and 15 years ago, inspired by both Claudio Abbado and Nikolaus Harnoncourt, began conducting, first of all with the Chamber Orchestra of Europe and then with ensembles including the National Orchestra of Scotland and the B.B.C. 2001 found him music director of Manchester Camerata, his first important conducting commitment where he remained for 10 years. Simultaneously, following in the footsteps of Richard Strauss, he began conducting the Musikkollegium de Winterthur, a leading Swiss orchestra formed in 1629, as well as becoming the artistic director of the prestigious Garsington Opera in the U.K. He also accepted invitations to conduct the Chamber Orchestra of Paris on several occasions. "When the job of Principal conductor was proposed and knowing the potential here, I
didn’t hesitate", he said with warmth and conviction. "I relished the challenge and immediately set about learning to speak French; I love Paris, it’s an amazing city, and it was the right time for a change. It was a time when several people were leaving the Ensemble and there was the possibility of new blood with people who shared the same ideas, enthusiasm, and mentality. Now I plan to spend about 10 weeks a year here. It’s enough. As an oboe player I worked a lot with Abbado, Solti and Karajan, but if I’d had to work with them every week of my life, I’d have gone stark raving bonkus, and I wouldn’t wish that on "my" orchestra. I learned so much from different people and musicians need all the experience they can get." "I was also attracted by playing at the Theatre des Champs Elysées, a theatre with a tremendous history, and where one can look out of the windows and see the elegant Avenue Montaigne, the Seine, and the magical Eiffel Tower! "But perhaps most of all, there were the tremendous possibilities offered by the residence at the new Philharmonie, with all the young people and the educational programmes that are going on here that is so important." "There’s certainly more money for culture here than in the U.K.", he continued, "Simon Rattle is desperately trying to get support for a new concert hall for the London Symphony Orchestra, and here, they just did it!"
Douglas Boyd and the Orchestre de Chambre de Paris Photo: J.B. Millot Moreover, he added that the orchestra was doing a lot of work with both individual musicians and small groups who played in different places, from hospitals to prisons. He related the project for a February concert in a low-security prison at Meaux, a small city outside Paris, where some prisoners who had been learning to play instruments were going to appear with their teachers and where members of the orchestra were working with them. There had already been a successful project at the Paris City Hall for New Year when a group of children, a group of teenagers, and a group of adults went to a concert with Gautier Capucon to listen to works by Stravinsky, Mozart, and Philippe Manoury. They subsequently created three different pieces of their own which were performed at a big concert including many of France’s leading politicians. Previously, on December 22nd, 350 volunteers had rehearsed extracts from The Messiah with a choirmaster followed by 40 minutes with Boyd himself, and the subsequent performance at the Philharmonie was a great success. "They’d never sung with an orchestra before", the conductor added, ‘but it goes to show that what we do offstage in the community is just as important as what we professionals do onstage. The Philharmonie was constructed in the 19th arrondissement of Paris, an area where there are social and economic problems and where there is less access to classical music. I want to attract a new public of young people by getting out and bringing the joy of music to the community. I firmly believe that one’s life can be changed through music." He concluded by repeating that he wanted to shape the sound of the orchestra and do his best work so the musicians would follow him to make things happen. Recordings* would help, and as their reputation grew, doors would open in terms of touring. As it is, they are going on tour to Germany shortly with a tour planned to
Istanbul next year. "But our home is Paris," he reminded me", with French music and the French contemporary scene a priority, but the more the word gets out that something’s happening here, then we’re on a journey. Each concert that we give is the most important. You can never come in from the garden and tell your wife, ‘the garden’s done,’ he said with a smile. "It’s just like that with an orchestra; it’s never okay, the work is never done. We can always go further." A stupendous concert was given at the Theatre des Champs-Elysées on February 19th, with the sublime Russian soprano, Julia Lezhneva singing extracts from Hasse, Mozart and Rossini. The orchestra gave a rousing version of Rossini’s William Tell overture which had the sedate Paris audience on its feet for a lengthy standing ovation, repeated with even more enthusiasm after "La donna del lago" which ended the evening. Douglas Boyd is accomplishing the near impossible. This orchestra is being woken up with a boom and a bang. People poured out of the packed theatre, their faces wreathed in smiles.
* Bach’s concertos, Beethoven’s symphonies, Schubert’s 4th and 8th symphonies form just part of Boyd’s vast discography, while his recordings of Mahler’s Symphony No. 4 and the Das Lied von der Erde with the Manchester Camerata won international acclaim. Headline portrait photo credit of Douglas Boyd: J.B. Millot Based in Paris, Patricia Boccadoro is a culture critic and senior editor at Culturekiosque. She last wrote on
Marc Chagall - The Triumph of Music.
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