Magazin n°2 La Forêt en quête d'essence

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Des femmes participent au reboisement d’une mangrove, au Cameroun.

Les sentinelles de la forêt

DANS DES COMMUNAUTÉS AGROFORESTIÈRES DE LA VALLÉE DU CONGO, LA GESTION PAR LES FEMMES DE LA FORÊT SE RÉVÈLE BÉNÉFIQUE. Les femmes sont-elles l’avenir de la forêt ? « Quand elles prélèvent, elles pensent à demain. Elles préfèrent cueillir les fruits, plutôt que d’abattre l’arbre », analyse Cécile Ndjebet, ingénieure agronome et présidente du Réseau des femmes africaines pour la gestion communautaire des forêts (Refacof). « Elles récoltent feuilles, herbes, champignons, fleurs mais s’occupent également des champs, défrichent, font du brûlis », ajoute Eulalie ­Guillaume, consultante indépendante pour l’ONG Rem et cofondatrice de l’entreprise Gaïchaïn. Avec son système de traçage, cette ­société londonienne œuvre pour une plus grande transparence dans l’exploitation des ressources. Pour ces deux professionnelles, l’accès des femmes aux postes ­décisionnels est une question primordiale. Toutes les activités culturelles, agricoles ou économi­ ques sont organisées par les commu­nautés ­forestières. Cellesci sont gérées par des ­comités de gestion au sein ­desquels les femmes ont peu de place. Cécile Ndjebet prend l’exemple du Cameroun : « Les femmes sont reléguées à des postes de secrétaire ou de ­trésorière. ». ­Actuellement, aucune ne siégerait à un poste de déléguée. En Républi­que ­démocratique du

Congo (RDC), en 2015, sur les onze membres du comité du village de Boku, il n’y avait qu’une femme. Aucune dans celui de la commune voisine de Botulu. Les femmes vivant en milieu rural doivent également faire face à des barrières législatives. Selon le ­Refacof, seules 2 % d’entre elles ont accès à la propriété foncière sur le continent africain. S’ajoutent les barrières culturelles. « Elles refu­ sent parfois de prendre ces postes, puisque l’on leur a souvent répété que ce n’était pas leur place », précise Cécile Ndjebet. Développer leur leadership et leur esprit d’entreprise Des associations ou des ONG travaillent sur le terrain en accord avec les gouvernements et les ­organisations internationales. Au Cameroun, le Refacof organise des sessions de formation. L’objectif : les inciter à collaborer les unes avec les autres ou à développer leur leadership et leur esprit d’entreprise, afin que leurs activités soient budgétisées et prises en compte. Après des études menées en 2018 dans la région du Lobaye, en ­République centrafricasine, Norma Guitinzia, spécialiste du genre pour le Centre pour l’information

environnementale et le développement durable (CIEDD), constate des améliorations : « Dans les comités, des femmes ont été nommées conseillères et les hommes se sont rendus compte de leur effet positif. » Les bénéfices pour la forêt sont réels, particulièrement chez les peuples autochtones. Dans ces communautés, les femmes ont une éducation forestière, comme ­l’explique Norma Guitinzia : « Elles connaissent les secrets des plantes. Elles cherchent à conserver les ­forêts, elles ont conscience de protéger leur lieu de vie. » Après le passage de l’équipe d’Eulalie ­Guillaume, une femme a été désignée conseillère à Botulu. De son côté, Cécile Ndjebet a observé la prise de pouvoir ­économique et la sécurisation du statut des femmes dans les ­communautés camerounaises. Par chance, les sociétés évoluent aussi. « Après des déceptions en villes, de nombreuses jeunes femmes éduquées retournent dans leurs villages natals et s’engagent dans les communautés », note ­Cécile Ndjebet. Les prémices d’une nouvelle ère peut-être. n PAR CASSANDRE RIVERAIN

À Bornéo, l’or rouge de la discorde. En flashant ce QR Code, retrouvez notre article sur les ravages de la production d’huile de palme.


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