CULTURE
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PARAMOUNT PICTURES
Frontière entre les mondes Ville versus forêt, progrès versus espace brut. « La forêt est un espace poreux entre deux mondes où se rencontrent des êtres civilisés et sauvages, comme Jane et Tarzan. Elle peut aussi être un lieu magique, hors de la raison et de laquelle l’humain ne ressort pas indemne », explique Teresa Castro, enseignante-chercheuse en études cinématographiques à l’université SorbonneNouvelle. Exemple emblématique : le film Sleepy Hollow, la légende du cavalier sans tête (1999), réalisé par Tim Burton. L’obscur univers sylvestre incarne un pont entre notre univers et le surnaturel, entre New York et le village de Sleepy Hollow dans lequel les événements semblent outrepasser la réalité.
STUDIO GHIBLI
Zone à défendre « Figure oubliée du cinéma occidental, la forêt se révèle
aussi un lieu vivant et sensible qu’il faut sauvegarder », rappelle Teresa Castro. Les productions japonaises d’Hayao Miyazaki braquent un projecteur sur cet univers à protéger, avec les héroïnes de Nausicaä de la Vallée du vent (1984), ou de Princesse Mononoké (1997). Dans le jeu vidéo Firewatch (2018), la forêt du Wyoming accueille Henry, un garde-forestier qui surveille les départs d’incendie. Ce n’est pas juste une simulation du quotidien d’un pompier. L’immersion est totale et la forêt de Firewatch, seul point d’ancrage, est omniprésente. La progressive prise de conscience écologique confère une forme de splendeur à l’espace forestier représenté comme un personnage à part entière.
La forêt sous toutes les cultures
[PAR LUCIE DIAT ET VICTORIA BEURNEZ]
Lieu d’apprentissage
DR
Découvrir un espace inconnu et se découvrir soi-même, telle est la promesse des contes initiatiques. Bien que l’espace forestier paraisse familier, des mésaventures arrivent parfois. Que ce soit dans Alice au pays des merveilles (1865), de Lewis Caroll, dans Le Livre de la jungle (1894) de Rudyard Kipling, dans le film musical pour enfants Le Magicien d’Oz (1939) de Victor Fleming, ou dans les différentes versions du célèbre jeu vidéo Pokémon, le héros, ou l’héroïne, s’aventure dans la nature. « À la fois lieu de perdition, de rencontre et de métamorphose », selon les mots de Teresa Castro, la forêt devient un terrain d’apprentissage dont l’entrée et la sortie marquent le début et la fin.
Espace de danger
WALT DISNEY PRODUCTION
Effrayante ou accueillante, ses multiples facettes inspirent le cinéma, la littérature et les jeux vidéo.
Oppressant et effrayant, l’univers sylvestre a souvent des allures de zone de non-droit. Il devient un terrain de jeu pour la chasse animale ou humaine… « L’esthétique et le graphisme, avec les zones d’ombre, favorisent l’immersion du joueur », précise Mélissa Fletgen, doctorante en anthropologie (rédactrice d’un article sur la forêt dans les jeux vidéo). Affrontement avec des loups, des dragons et des spriggans, démoniaques, sortes de nymphes des bois, dans The Elder Scrolls V : Skyrim (2011), mauvaise rencontre pour Hansel et Gretel dans le conte des frères Grimm (1812), ou nature anthropomorphe qui attaque Blanche-Neige dans le film d’animation Disney (1937), la forêt sait se montrer menaçante dans la culture populaire. Tous les scénarios sont envisagés… Y compris la mort.
Terrain de ressources Malgré les dangers qui guettent, la forêt demeure, depuis toujours, un lieu de
ressource pour l’homme. Dans de nombreux jeux vidéo, à l’instar des jeux de gestion Age of Empires (1997) ou Dawn of Man (2019), le bois est un matériau essentiel au développement de la civilisation. L’idée prend une dimension particulière dans Minecraft (2011), jeu de construction et de survie. Il permet de construire sa maison et de faire face aux monstres qui rôdent. Les plus grandes sagas s’inspirent aussi de la forêt ressource. Dans Hunger Games (2008), de Suzanne Collins, l’héroïne Katniss doit se rendre illégalement dans la forêt attenante à son district pour y chasser le gibier nécessaire pour nourrir sa famille. Cet espace constitue, à bien des égards, une réserve indispensable à la subsistance de l’humanité. MOJANG/STEVEN SAUS
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