Espaces Contemporains N° 01/16 Mars / Avril 2016

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ESPACESCONTEMPORAINS.CH MARS/AVRIL 2016

Tissus, papiers peints, les motifs et les couleurs qui changent la déco

Cuisines pleines d’atouts et salles de bain qui jouent la carte du naturel

Musées: nouveaux outils politiques du développement culturel et urbain

Reportages, cinq maisons et cinq styles de vie très inspirants ici comme ailleurs

Déco Tendances 2016


ESPACESCONTEMPORAINS.CH MARS/AVRIL 2016

10 Edito

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Actualités

INTERVIEW

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Philippe Chomat, les mutations du marché de la déco

ZAPPING

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Retour aux origines Les tables s’empilent Inspiration Gio Ponti

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ACTUEL

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Brèves et actualités du design, de l’architecture et de l’art Nouvelle patte au Musée de l’Elysée Le jardin dans tous ses états Appel à candidature pour les « Espaces éditeurs » Livres, les dernières parutions

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ART

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Sublime et effrayante nature

ARCHITECTURE

50 56

Zoom sur le Chili La folie muséale

DESIGN

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Jasper Morrison à Zurich

Déco INSPIRATIONS

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Jouer avec ses plantes Les tissus renouvellent le décor Un canapé sous la loupe Chez Heinz Julen à Zermatt

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Tendances 2016 Notre cahier spécial

REPORTAGES

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L’appartement de Stefano Guidotti en Lombardie Chez l’architecte Patrizia Tenti à Milan A Lausanne, alliance du végétal et de l’architecture L’atelier reconverti de Bérangère Lux La métamorphose d’une villa des seventies

VITRINES

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Les lieux à découvrir

94

SALONS

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170

Les nouveautés de la céramique Homi, le salon italien de la déco d’intérieur Habitat-Jardin, cap sur la prochaine édition

Pratique

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CUISINES

180

Des modèles pour tous les goûts L’art du piano de cuisson

SALLES DE BAINS

Robinetterie du futur 206 Sous le signe du naturel

PROJECTEUR

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Success stories à l’italienne

AGENDA

220 Salons et expos en Suisse et en Europe 224 Adresses

En couverture : En Lombardie, l’appartement du designer Stefano Guidotti. Photo Mads Mogensen.

4  ESPACES CONTEMPORAINS



ART

Hymnes à la nature Grandiose, impressionnante, maltraitée, la nature – et les rapports que l’homme entretient avec elle – hante l’imaginaire contemporain. Plusieurs expositions en témoignent. Josiane Guilloud-Cavat ressenti à contempler – à l’abri – l’océan déchaîné, la sidération face au ciel où les étoiles tracent des perspectives infinies, le frémissement sur un sommet où les monts émergent d’une nappe de nuages à nos pieds. Être conscient de sa petitesse dans un paysage immense, chercher à rejoindre cette dimension qui nous dépasse, changer d’état et être aspiré vers la cime des idées. Voilà des sentiments exacerbés par la grandeur de la nature, qui appartiennent à la catégorie esthétique du sublime, distincte de celle du beau, et qui ont nourri poètes et artistes depuis la fin du XVIIIe siècle. Mais au XXIe siècle, la perception de l’univers a changé. D’une vision apollinienne de la nature dont la clarté et l’organisation faisait modèle, on est passé à une vision dionysiaque confuse, vivante, diversifiée, pour résumer, chaotique. La nature n’a pas perdu de sa splendeur terrifiante et sa potentielle nuisance, loin d’être neutralisée, est désormais amplifiée par les activités humaines. Si l’homme redoute toujours les inéluctables caprices de la « terre mère », il contribue amplement à les provoquer. L’environnement est maintenant envisagé comme un écosystème dépendant des liens intrinsèques entre ressources naturelles, territoriales, économiques et politiques. L’art profondément lié au sublime depuis toujours enregistre forcément ces changements de paradigmes. La mutation en cours entoure l’émergence d’une conscience écologique et le thème environnemental apparaît dans les productions artistiques actuelles.

Le frisson

activité résulterait d’anciens travaux de forage soviétiques. Le ton est donné : qui de l’homme ou de la nature est le plus effroyable ? Passé ce sas, la première section trace une topographie des lieux du sublime et de leur fabrication culturelle. Paysage marin avec tempête qui approche, de William Turner, montre dans une sorte de pré-abstraction la confusion des éléments lorsque ciel et mer se confondent. Les extrêmes géographiques telles que les Alpes, l’Etna, le Vésuve, les chutes du Niagara ou les glaciers sont par ailleurs amplement représentés. La deuxième section parcourt l’imaginaire de la catastrophe et explore la fascination morbide de l’Occident pour la destruction du monde par la nature. Dans les eaux-fortes apocalyptiques de John Martin, du début du XVIIIe siècle – qui ont inspiré les décors des films Blade Runner et Le Seigneur des anneaux – et les extraits du film Melancholia de Lars von Trier, des personnages pareillement désarmés font face à l’imminence de leur disparition. La troisième section est sans doute la plus tragique de l’exposition. Désormais l’humain est partout destructeur. Plus une seule étendue vierge qui ne porte son empreinte. La séduction des images cache des tragédies écologiques et trompe le terrible qu’elle révèle. Sur un mur, une phrase1 extraite du livre Printemps silencieux (1962), de Rachel Carson, précède le sublime ultime. 1.

« Sur des portions de plus en plus nombreuses du territoire américain, le retour des oiseaux n’annonce plus le printemps, et le lever du soleil, naguère empli de la beauté de leur chant, est étrangement silencieux. » Printemps silencieux, Rachel Carson, 1962

Le sublime à l’épreuve L’exposition « Sublime. Les tremblements du monde », présentée au Centre Pompidou-Metz, débute comme une odyssée au milieu du XVIIIe siècle lorsque apparaît l’idée du sublime et se poursuit jusqu’à nos jours alors que la notion est violemment mise à l’épreuve. La présentation n’est pas figée dans une chronologie et les œuvres sont réparties dans dix-neuf salles thématiques regroupées en cinq sections. Darwaza (2011) d’Adrian Missika ouvre l’exposition. La projection vidéo occupe un grand mur et montre un cratère en feu, d’un diamètre de 70 mètres, profond de 30 mètres, situé dans le désert « des sables noirs » du Karakoum, au Turkménistan. Embrasé depuis quarante ans par le méthane qui s’en échappe, son Juan Navarro Baldeweg, Une forêt tropical dans l’Arctique. Application of a climatic control system, 1972, dans le cadre de l’exposition au Centre Pompidou-Metz, Bas Jan Sublime, les tremblements du monde. Ader, Farewell to Faraway Friends, 1971. Egalement au Centre Pompidou-Metz.les tremblements du monde.

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architecture

Photo: Nina Vidic

Le Centre d’Innovation Angelini sur le campus de l’Université Catholique à Santiago (2012-13).


architecture

Le Chili à l’honneur

PHOTO: Cristobal Palma

L’annonce est tombée le 13 janvier dernier. Le Chilien Alejandro Aravena est le lauréat 2016 du Prix Pritkzer. Ce choix confirme la montée en puissance de l’architecture chilienne dont Aravena est l’une des personnalités marquantes, mais pas la seule. Philip Jodidio en 1967, Alejandro Aravena a fait ses études à l’Université catholique du Chili (UC), ainsi qu’à l’Université IUAV de Venise. Fondateur d’Alejandro Aravena Arquitectos en 1994, il est par ailleurs directeur d’Elemental, un groupe d’architectes qui s’est focalisé sur des projets en rapport avec les populations défavorisées de Santiago. Membre du jury du Prix Pritkzer de 2009 à 2015, il est cette année commissaire de la Biennale d’architecture de Venise. En Suisse, Alejandro Aravena a réalisé l’une des résidences pour écrivains à la Fondation Jan Michalski pour l’écriture et la littérature (avec +2 Architectes, Montricher, 2015). Et à Shanghai, le futur siège de Novartis qu’il a dessiné est en construction.

PHOTO: Roland Halbe

Opacité et transparence S’il y a bien de la variété dans les réalisations d’Alejandro Aravena, l’une de ses plus puissantes structures est le Centre d’innovation Angelini sur le campus de l’Université catholique, à Santiago (2012-13). Selon le jury du Prix Pritzker, « avec le Centre d’innovation Angelini, la maturité de l’architecte est évidente. Robuste vu de loin, le bâtiment est en réalité très humain et attrayant. Inversant les conventions de l’architecture, l’opacité extérieure du béton cède la place, à l’intérieur, à un atrium léger et plein de lumière. La masse du bâtiment étant située en périphérie, sa consommation énergétique est minimisée. L’intérieur est rempli de lieux de rencontre et sa transparence permet aux utilisateurs de se rendre compte des activités qui s’y déroulent. Aravena a su créer un environnement d’espaces intéressants et pleins de vie. » Et selon Aravena lui-même : « le caractère volontairement monolithique du bâtiment le rend austère et en quelque sorte hors du temps. Ce choix nous a conduit naturellement à l’utilisation du béton parce que cette pierre liquide vieillit bien et correspond aux principes que nous avons choisis pour cette composition, à savoir la pesanteur apparente. »

Les tours Siamese construites en 2005, sur le campus San Joaquín. L’architecte a réalisé de nombreux bâtiments pour l’Université Catholique de Chili dont ces deux tours de bureaux L’Ecole de Médecine de 2004. et de salles de classes. Université Catholique de Chili. Santiago, Chili.

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DĂŠco


Déco

13 Idées vertes Pour changer sa déco en jouant avec ses plantes Évelyne Malod-Dognin, Photos : DR

Jouer sur les formes

Tous les pots adoptent la même forme en tonneau mais se déclinent dans des formats différents et trois tons en harmonie. (Tine K Home)

1 2 Jardin ambulant

Plantes décoratives et aromatiques se mélangent sur une desserte à roulettes et se déplacent de la cuisine au salon ou au balcon. (House Doctor)

3 Autour d’un banc

Un vieux banc en bois brut fait un support idéal à une composition végétale. Les pots rassemblés prennent place dessus ou tout autour. (Bloomingville)

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issus & papiers peints Dossier réalisé par Evelyne Malod-Dognin et Magali Prugnard EN COLLABORATION AVEC FRANçOISE FAURE

Le retour du motif et de la couleur


déco

Tour d’horizon des principales manifestations dédiées au textile et zoom sur les grandes tendances du printemps. A travers les différentes collections dévoilées par les éditeurs, le message est clair : fin de la monotonie et cap sur le style déco avec des revêtements qui s’inspirent de la nature sous toutes ses formes ou font irradier nos intérieurs.

Heimtextil, Francfort « Bien être 4.0 » une fréquentation et un nombre d’exposants en hausse par rapports à l’an dernier, ce grand salon allemand mais à vocation internationale confirme sa position de leader du secteur. Dès début janvier, il offre chaque année un panorama des nouvelles tendances en matière de textiles d’ameublement, de papiers peints, de voilages et de stores. Ces tendances, passées au crible d’une armada de bureaux de style, sont élaborées à partir de milliers de tissus envoyés par des fabricants du monde entier. Ce qu’il ressort de la

Avec

présentation 2016, c’est la dimension émotionnelle attribuée au tissu et le rôle qu’il est amené à jouer dans la qualité de vie chez soi. Tant au niveau des coloris, car on connaît aujourd’hui les vertus des couleurs sur notre état psychique, voire physique, que des matières. On note une attention particulière portée aux fibres naturelles comme le coton, la laine, la soie, le lin, le chanvre… mais aussi un retour aux tissus riches, velours, jacquards, soie, parfois rehaussés de fils d’or et déclinés dans des tons appuyés comme le vert émeraude, le rouge sang, le jaune or…

Heimtexsuisse, Berne Le salon qui monte salon helvétique consacré à la décoration d’intérieur prend de l’ampleur. Vitrine des nouveautés et des tendances, il a rassemblé cette année 90 exposants, sur une surface de 8000 m², qui ont vu défiler plus de 2000 visiteurs durant trois jours. L’association romande Decorum qui réunit les agents, représentants et distributeurs spécialisés dans les textiles d’ameublement, les papiers peints, la passementerie, le cuir et simili, les tapis et moquettes occupait une longue allée où l’on pouvait notamment découvrir les grandes marques de textile telles que Pierre Frey, Designers Guild, Casamance, Jab… Et naturellement les grands acteurs suisses étaient au rendez-vous pour présenter leurs nouveautés, dont Christian Fischbacher, Création

Le

Baumann et Schlossberg avec son linge de maison. Côté tapis et moquettes on a remarqué Tisca, Limited Edition, Belcolor entre autres. Si l’on devait retenir un élément phare de l’édition 2016 du salon helvétique, ce serait l’amélioration perceptible des produits exposés, avec des innovations techniques marquantes, notamment dans les systèmes d’ombrage. Les préoccupations écologiques et tout ce qui touche au développement durable s’affichent aussi de manière croissante. À l’avenir, ce salon ambitionne de devenir un grand salon de la décoration d’intérieur en s’élargissant au secteur du revêtement de sol et du mobilier. Rendez-vous en 2017.

Paris Déco Off, Paris Vitrines portes ouvertes internationale qui a lieu chaque année fin janvier, Paris Déco Off n’est pas à proprement parler un salon. Il s’apparente plutôt à un ensemble de journées portes ouvertes, organisées dans les boutiques des éditeurs de tissus et de papiers peints ou dans des espaces éphémères mis à leur disposition par des galeries d’art. Un parcours chiquissime permet d’arpenter de petites rues pavées et sinueuses au nord et au sud de la Seine, dans lesquelles on s’oriente grâce à des lampes géantes suspendues comme des lampions et customisées par les éditeurs. Une des particularités de l’événement est d’être ouvert au grand public. Conséquence ?

Manifestation

Des quartiers d’ordinaire paisibles se transforment en ruches bondées dont les ouvrières – des décorateurs et des passionnés – n’ont de cesse de fouiller parmi des milliers d’échantillons de textiles et de revêtements muraux. Le rendez-vous est en effet devenu incontournable pour les amateurs. Une centaine de grandes maisons internationales y participent, comprenant à la fois les éditeurs de tissus historiques les plus haut de gamme mais aussi de jeunes maisons branchées comme Kirkby Design du groupe Romo ou Scion du groupe Sanderson. Ils y divulguent tous leurs nouvelles collections sorties en janvier, sachant que certaines maisons attendront le milieu de l’année pour présenter une deuxième collection 2016.

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TENDANCES

Sophistiqué Du cuivre, de l’or, du cuir, du marbre, des lignes tout en élégance et en finesse, des décors travaillés et des détails raffinés. Des créations qui puisent aux sources des années trente et de l’Art déco.

100  ESPACES CONTE MPORAINS

1. Chaise longue Leaf, Marten Claesson, Eero Koivisto, Ola Rune pour Living Divani recouvert du jacquard en soie Kunst de Rubelli, livingdivani.com, rubelli.com 2. Lampadaire AJ7, design Arne Jacobsen en 1929, And Tradition, andtradition.com 3. Assiette en porcelaine, Belle Époque, Haviland, haviland.fr 4. Guéridon Band Collection, design Bethan Gray, bethangray.com 5. Miroir F.A.33, design Gio Ponti en 1933. Gubi, gubi.com 6. Chaises Beetle recouvertes d’un velours de coton. Gubi, gubi.com 7. Table Mizar, design Roberto Lazzeroni, Giorgetti, giorgetti.eu 8. Lampe de table, pied en marbre, Donna, Delightfull, delightfull.eu 9. Canapé Seymour, design Rodolfo Dordoni, Minotti, minotti.com 10. Tissu de la collection Charleston, Pierre Frey, pierrefrey.com


TENDANCES

MARS / AVRIL  101


REPORTAGE

Passion design esprit Art nouveau

Photos Fabrizio Cicconi/Living Inside Conception Chiara Dal Canto, Texte français Florence Merlin

À Milan, l’appartement de l’architecte et galeriste Patrizia Tenti, une passionnée de design.

124  ESPACES CONTEMPORAINS


REPORTAGE

Le sofa Superronda d’Andrea Branzi, 1966, était installé à l’origine au Piper Club, créé en 1965, qui demeure l’un des hauts lieux de la vie nocturne de Rome. Au mur, Dinamica Visuale, de Toni Costa, 1968. Luminaire Filippo Panseca, 1968. Radiophonographe créé en 1965 par Achille et Piergiacomo Castiglioni pour Brionvega.


cuisines

Ce modèle se distingue par la géométrie de ses éléments que vient souligner l’absence de poignées et l’extrême finesse de son plan de travail. Phoenix, Varenna, poliform.it

182  ESPACES CONTEMPORAINS


cuisines

Cuisines

Inspiration gourmande

Dessiné par Patricia Urquiola, ce système de cuisine modulaire est disponible dans une multiple combinaison de matériaux, tous soigneusement choisis pour leurs caractéristiques écologiques. Salinas, Boffi, boffi-lausanne.ch Sous ses faux airs de bibliothèque, ce modèle propose une réponse innovante aux solutions de vie contemporaine où la cuisine et le living ont tendance à fusionner. Foodshelf, Scavolini, scavolini.com

MARS / AVRIL  183


salles de bains

Formes accueillantes et volumes étudiés pour les sanitaires Shui Comfort, design Paolo d’Arrigo. Cielo, ceramicacielo.it

206  ESPACES CONTEMPORAINS


salles de bains

Formes pures, matériaux nobles et envie de naturel Evelyne Malod-Dognin

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La robinetterie à commande numérique CL1 de Dornbracht permet de régler température et débit avec précision et se complète d’une douchette extractible. dornbracht.com Ces lavabos sur pied se caractérisent par la finesse de leur pourtour et se prêtent à tous les aménagements. ME by Starck, Duravit, duravit.com Cet élément à commande centralisée et tactile simplifie la gestion de l’eau durant la douche. Axor One, design Barber & Osgerby, hansgrohe.ch Tonic II offre des combinaisons multiples et des atouts technologiques comme le rinçage des WC sans rebord. Crea Ceram, creaceram.ch, bringhen.ch

MARS / AVRIL  207


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