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Conclusion

Malgré leur faible nombre puisque seulement 128 refuges sont gérés par la Fédération Française des Clubs Alpins et de Montagne (FFCAM) dont 28 dans le massif des Ecrins, les refuges sont au centre de nombreux débats et enjeux, en particulier depuis les années 1970s. En effet, bien qu’étant catégorisés comme des « espaces d’accueil recevant du public », les refuges n’en demeurent pas moins des bâtiments singuliers et soumis à des contraintes de réalisations et de fonctionnement toutes particulières. En effet, ils sont implantés dans des lieux hostiles, isolés et dangereux (neige, vent, avalanches, chutes de pierres…). De ce fait, leur accès est complexe et n’est possible qu’à pieds par de petits sentiers ou par la voie des airs en hélicoptère. Leurs ressources énergiques et matérielles dépendent des trajets de ravitaillements ou de la Nature qui les entoure ce qui impliquent qu’elles sont limitées et doivent être rationnées.

De plus, malgré son statut de lieu d’accueil touristique, la vie en son sein reste typique faisant l’apogée de « l’ensemble » et de la communauté puisque les couchages, les espaces de repas et, parfois, les sanitaires sont collectifs contrairement à des gîtes, des locations ou des hôtels classiques. Enfin, leur gestion est confiée à des associations publiques ayant un fort impact dans l’économie et la vie en Montagne pour la grande majorité, telles que la FFCAM ou les Parcs nationaux et régionaux, en font des structures uniques au rôle primordial dans les discussions et enjeux liés aux tourismes et à la préservation de l’environnement en Montagne en plus de leur rôle basique d’hébergement temporaire.

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Ainsi, dans le massif des Ecrins, espace marqué par la présence d’un Parc national, les refuges évoluent et, comme on a pu le voir précédemment, leurs fonctions aussi. En effet, sous l’action combiné de ses différents acteurs, les refuges y sont des leviers majeurs du tourisme mais aussi des actions de préservation du patrimoine menées par le Parc national des Ecrins et quelques associations locales. Ils se doivent d’accueillir de plus en plus de visiteurs et de répondre à leurs besoins croissants de confort et d’espace. Les refuges sont des lieux publics qui permettent de faire vivre une économie axée sur les pratiques de loisir, telles que la randonnée ou l’escalade mais aussi leurs gestionnaires, le Parc et leurs gardiens.

Dans l’optique de s’affirmer comme des pôles d’attractivité, ils offrent aussi, de plus en plus, la possibilité de nouvelles pratiques déconnectées de l’alpinisme, pourtant affilié aux refuges depuis leur création. On retrouve donc des expositions, des spectacles, des stages… dans les refuges au cœur des Ecrins qui tendent à se renouveler pour séduire un public plus vaste qui ne connait pas forcément le massif. L’objectif est ainsi de faire connaître les Ecrins et de les promouvoir, de mêmes que les actions de protection des patrimoines naturels et culturels menées par le Parc et la région. Au fil du temps, les refuges se sont agrandis et adaptés à ces utilisations et ces attentes nouvelles des visiteurs.

En effet, depuis leurs créations, les refuges sont de parfaits moyens pour les architectes et les acteurs de la construction et du tourisme pour tester de nouvelles manières d’accueillir du public dans des bâtis toujours plus grands et confortables malgré leur situation particulièrement contraignante impliquant aussi l’obligation d’être autonomes en énergie. De nombreuses technologies et techniques constructives tant dans les matériaux que dans les manières de récolter de l’eau ou de l’électricité ont été déployées et tester dans les refuges. Ces bâtis sont donc devenus des ensembles imposants, capables d’offrir de la place pour des dizaines voire plus d’une centaine de randonneurs tout en revendiquant un impact sur l’environnement minimal à l’instar des récents refuges du Goûter sur les pentes du Mont-Blanc ou du refuge de Mont Rose en Suisse, dans le Valais.

Ces nouvelles constructions sont malgré tout sujettes à de nombreuses controverses et débats. Bien que leur impact environnemental soit effectivement limité par leur capacité à être pratiquement auto-suffisants, leur impact paysagé et leur atteinte au patrimoine restent décriés. On parle de plus en plus « d’hôtel d’altitude » ou de gîte, d’auberge à propos de ces bâtis qui n’ont plus grand-chose à voir avec les premiers refuges destinés, à l’époque, aux seuls alpinistes.

Vues des refuges du Goûter (2013) et de l’Aigle (2014), deux visions et architectures contemporaines des refuges totalement différents

Tous acteurs des Savoies et Louis Gaillot, Le dauphiné libéré, URL: https://www.tous-acteurs-des-savoie.coop/wp-content/uploads/2014/01/7_2_525bee4948486-150x150.jpg - https://cdn-s-www.ledauphine.com/images/C920ECB8-22CF-4FB6-AEBC-1513ABA37329/NW_raw/le-refuge-de-l-aigle-renove-photo-louis-gaillot-1436470995.jpg

Ce sont des bâtiments aux formes et aux revêtements définis, non pas par la volonté de s’intégrer aux coutumes locales mais plus afin d’offrir une résistance importante à la neige, au vent... grâce à des écoulements d’air et d’eau étudiés en amont. On parle aussi de la volonté des architectes de souligner le « grand paysage », mais cela appelle aussi à ce que le bâtis ne s’efface pas forcément au sein de celui-ci et apparaît tel une « espèce de bunker de verre, de métal ou autres, bien planté […] dans un milieu où nous autres, humains, devrions faire preuve d’une certaine modestie » (Claude Mauguier, modérateur du forum du site refuges.info.fr).

Ainsi, au cœur du massif des Ecrins, une autre architecture des refuges, initiée par le refuge de l’Aigle, construit en 2014 par l’architecte Jacques Félix Faure, mieux adaptées aux enjeux environnementaux et patrimoniaux mis en avant par le Parc national des Ecrins, tout en offrant les adaptations nécessaires à l’accueil des nouveaux clients est privilégiée. Elle consiste à retrouver l’architecture et les caractéristiques initiales des refuges notamment en s’axant sur l’idée de « cabane perchée en haut d’un sommet ». Le refuge de l’Aigle reprend donc la typologie, l’emplacement exact et même certains éléments de son prédécesseur. Il marque alors la liaison entre mémoires et devenir des refuges en faisant l’unanimité auprès des acteurs et des visiteurs qui apprécient la mise en valeur du paysage, du patrimoine et un confort accru dans ce projet.

Le Parc national des Ecrins, les Clubs Alpins de Briançon et de Grenoble, les locaux et les autres acteurs des refuges des Ecrins se dirigent donc vers une approche plus responsable et tenant compte de l’avis de chacun afin de mettre en place des refuges toujours plus performants et adaptés au territoire, aux clients sans pour autant renier leur patrimoine important. Les refuges sont des structures importantes pour la région qui tient à les mettre en valeur et organise de nombreux débats, recherches et évènements dans le but de réfléchir à leur appréhension future et leurs devenir à l’instar de l’atelier Refuge remix en 2019.

Parmi les nombreux éléments qui viennent à influencer les refuges, l’équilibre entre l’accueil de nouveaux clients plus nombreux et plus variés et le respect des patrimoines culturels et naturels au sein de ces édifices est le plus important. Il définit les refuges qui sont aujourd’hui plus que jamais au cœur du tourisme des Ecrins, en particulier depuis la crise sanitaire qui amena à une augmentation importante de fréquentation. Cela pousse le Parc national des Ecrins à réagir notamment afin de répondre aux attentes de touristes et de faire respecter les règles et actions menées par ce dernier. L’architecture, les fonctions et les contextes environnementaux et sociétaux des refuges des Ecrins changent et ces derniers doivent ainsi continuer d’évoluer en s’axant sur une insertion dans le patrimoine toujours plus importante en développant, par exemple, leur réversibilité.

Ouvrages :

- DEBELMAS, Jacques, PECHER, Arnaud et BARFERY, Jean-Claude, Découverte de la géologie du Parc national des Ecrins et carte géologique 1/100 000, Orléans, édition BRGM et Gap, édition du Parc national des Ecrins, paru en 2002

- L’Alpe en partenariat avec le Musée Dauphinois, Numéro 88 : Refuges, De l’abri de fortune au tourisme d’altitude, Grenoble, édition Glénat, paru en avril 2020

- CHIORINO, Louis, en collaboration avec le Parc national des Ecrins et le Club alpin français de Briançon, Histoire de refuges en Vallouise, avril 2002.

Documentaires :

- ANDRIEUX, Claude, d’après les témoignages recueillis en 2006 par CUVELIER, Laeticia, La Nouvelle Cabane de l’Aigle, Nomade productions/ TéléGrenoble/ TV8 Mont blanc avec le soutien du Centre National du Cinéma et de l’Image Animée, Décembre 2014

- PETIT, Xavier, Gardiens, gardiennes, 2009

URL : Gardiens, gardiennes - Xavier PETIT - 2009 - Films de

Articles :

- BOURDEAU, Philippe, « La nouvelle vie des refuges », L’Alpe, n°88, printemps 2020

- DINI, Roberto, GIBELLO, Luca et GIRODO, Stefano, « Un modèle de durabilité ? », L’Alpe, n°88, printemps 2020

- GUIBAL, Jean, JONQUERES, Agnès, « De l’abri de fortune au tourisme d’altitude », L’Alpe, n°88, printemps 2020

- LYON-CAEN, Jean-François, « Un laboratoire architectural », L’Alpe, n°88, printemps 2020

- Parc national des Ecrins, « Fidèles aux Ecrins, Contradictions et paradoxes… », L’écho des Ecrins, n°28, juillet 2007

SINISCALCHI, Valeria, « Économie et pouvoir au sein du parc national des Écrins », Techniques & Culture [En ligne], n°50, 2008, mis en ligne le 31 décembre 2010, consulté le 15 avril 2021.

URL : http://journals.openedition.org/tc/3941

Sites web :

- « Cabane du Mont Rose CAS », Site de Zermatt Matterhorn

URL : Découvrir la cabane du Monte Rosa | Zermatt Matterhorn

Consulté en mai 2021

- Centre Fédéral de Documentation Lucien Devies de la FFCAM, « L’Aménagement de la montagne et les Refuges », Site officiel du Centre fédéral de documentation Lucien Devies, site et association affiliés à la Fédération Française des Clubs Alpins et de Montagne (FFCAM), Paris

URL : L’Aménagement de la montagne et les REFUGES, Centre Fédéral de Documentation (ffcam.fr)

Consulté entre Avril et Mai 2021

- MAUGUIER Claude, Fiches des refuges des Ecrins, Refuges.info

URL : Refuge de l’Aigle 3440 m (refuge gardé) (refuges.info)

Consultées entre décembre 2020 et février 2021

- Equipe du Cléo (Centre pour l’édition électronique ouverte), OpenEdition

URL : OpenEdition: four platforms for electronic resources in the humanities and social sciences: OpenEdition Books, OpenEdition Journals, Hypotheses, Calenda

Consulté entre janvier et mai 2021

- COMMENVILLE, Pierre, avec la coordination de GONDRE, Claire, Site officiel du Parc national des Ecrins, agence WebSenso, Gap, septembre 2014

URL : https://www.ecrins-parcnational.fr

Consulté entre novembre 2020 et mai 2021

- « Parc national des Ecrins », Wikipédia

URL : Parc national des Écrins — Wikipédia (wikipedia.org)

Consulté en mai 2021

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