Marketing

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Introduction au marketing – notes pédagogiques

Introduction au marketing : Notes pédagogiques --------------------------------------------------

Professeur Michel M. Kostecki Institut de l’Entreprise Université de Neuchâtel

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Notes pédagogiques : méthode Cette série de notes pédagogiques est destinée aux étudiants de niveau universitaire. Le marketing y est présenté comme une science appliquée, basée sur les sciences économiques, la psychologie sociale, la sociologie, les statistiques et les théories de gestion. Dans la mesure du possible, ces notes s'appuient sur des résultats de recherches scientifiques et des théories réputées comme telles. Ces notes pédagogiques ont trois objectifs principaux:

1)

Familiariser les participants aux fondements scientifiques du marketing,

2)

Préparer à l’étude des cas de l’action marketing à l’aide des concepts et théories

3)

Apprendre à conduire une recherche marketing et à formuler des solutions dans le milieu des firmes et de leurs clients

L’approche des problématiques ici exposées se veut avant tout complémentaire aux ouvrages classiques d’introduction au marketing. Il s’agit principalement d’échanges, de discussions et approfondissements sur certaines thématiques spécifiques, plus que d’un manuel ayant pour but de présenter un catalogue exhaustif des « boîtes à outils » de la discipline. Certains éclairages sont livrés au travers d’une lecture plus personnelle des débats animant la littérature marketing. L’étudiant(e) est par conséquent invité(e) à compléter sa lecture du manuel d’introduction au marketing recommandé pour le cours au moyen de ces notes. Des encadrés comprenant des études de cas, anecdotes et résumés d’études empiriques feront l’objet de discussions au travers du cours. L’intérêt de ces encadrés est (1) de mettre systématiquement en pratique les concepts théoriques via l’application à des cas concrets d’entreprises (2) d’illustrer certaines problématiques et (3) de susciter le débat sur des enjeux spécifiques. A l’issue de chaque chapitre, une liste de questions est mise à disposition de l’étudiant(e) afin de tester la connaissance acquise une fois la matière étudiée. L’expérience tend à confirmer que les étudiant(e)s ayant effectué ce type d’exercices accroissent significativement leurs chances de réussite lors des tests de connaissance. Finalement, les personnes intéressées par l’approfondissement de thématiques particulières trouveront une liste de suggestions de lectures complémentaires à l’issue de chaque chapitre. L’ensemble du contenu de ces notes pédagogiques fait partie intégrante de la matière à connaître pour l’examen.

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Table des matières PARTIE 1 : L’ORIENTATION CLIENT ET LE ROLE SOCIAL DU MARKETING 1. Typologie de l’action marketing ...................................................................................6 2. Qu'est ce que le marketing ? .......................................................................................7 2.1. Le marketing en tant qu’activité ..................................................................................8 2.2. Marketing en tant qu’art et discipline scientifique ....................................................13 3. L'orientation-marché et l’orientation client ................................................................ 18 3.1. Le marché en tant que ressource pour le marketing .................................................18 3.2. Orientation-marché et orientation client ...................................................................19 4. Le marketing et la société........................................................................................... 24 4.1. Le marketing, une activité transitoire et éphémère ? ................................................24 4.2. Le marketing, une technique de manipulation de l'homme ? ...................................27 4.3. Le marketing dans l’univers du magistrorum et scholarium ......................................29

PARTIE 2 : CONCEPTS DE BASE ET THEORIE GENERALE DU MARKETING 5. Typologie des marchés et marketing .......................................................................... 35 6. Les objectifs de la firme et le marketing ..................................................................... 36 7. Les échanges .............................................................................................................. 42 8. Contrats et relations .................................................................................................. 43 9. La perception et l’image ............................................................................................. 45 10. Attributs du produit, utilité et valeur........................................................................ 47 11. Connaître ses clients ................................................................................................ 50 11.1. Les acteurs de la transaction et la relation avec le producteur ...............................50 11.2. La voix du client et le marketing ..............................................................................53

PARTIE 3 : LE COMPORTEMENT D'ACHAT DU CONSOMMATEUR 12. Analyse micro-économique du consommateur ......................................................... 62 13. Quelques alternatives au rationalisme : perspectives philosophiques et sociales ..... 66 14. La consommation en tant que fait culturel ............................................................... 67 15. Le consommateur sous l’approche marketing ........................................................... 68 16. Situations d’achat et rôles lors du processus d’achat ................................................ 70 UNINE, 2009

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16.1. Les rôles dans le processus d’achat ..........................................................................70 16.2. Le degré d’implication dans le processus d’achat ....................................................71 16.2.1. Achat complexe ..............................................................................................71 16.2.2. Achat et recherche d’une justification post-achat ..........................................72 16.2.3. Achat de diversité ............................................................................................72 16.2.4. Achat banal ......................................................................................................72 16.3. Consommation et liberté dans l’acte d’achat ..........................................................73 16.4. Les étapes lors du processus d’achat .......................................................................77 16.4.1. La révélation ou la reconnaissance du problème............................................78 16.4.2. La recherche d'information .............................................................................78 16.4.3. L’évaluation des alternatives...........................................................................79 16.4.4. La sélection de l’alternative et l’achat.............................................................80 16.4.5. Le sentiment post-achat ..................................................................................81 18.4.6. Le modèle du processus consommation/évaluation de Fisk ..........................82 16.5. Les types de décisions du consommateur ................................................................83 16.6. Satisfaction du consommateur ................................................................................85 16.7. Avoir ou faire ? Anatomie de la satisfaction ............................................................86 16. La motivation du client ............................................................................................. 88 16.1. Motivation et besoins...............................................................................................88 16.4. Théories de la motivation et application marketing ................................................88 16.3. Typologie des besoins des consommateurs .............................................................90 16.4. Les conflits de motivations .......................................................................................92 17. Perception, apprentissage et attitudes du client ....................................................... 93 17.1. Le processus de perception ......................................................................................93 17.2. Les attitudes du consommateur et le modèle ABC ..................................................95 17.3. L’image en tant que résultat de la perception .........................................................97 18. Attitude et modèles multi attributs .......................................................................... 99 18.1. Les attributs du produit : cadre notionnel ...............................................................99 18.2. Comment le consommateur évalue-t-il les alternatives ? .....................................101 18.2.1. Modèles d’attitude : les différentes procédures d’évaluation......................101 18.2.2. Le modèle de Lancaster .................................................................................106 18.2.3. Allocation du temps et comportement du consommateur ..........................108 19. Perception du consommateur et biais cognitifs ...................................................... 110 20. Marketing et art de la persuasion ........................................................................... 114

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PARTIE 4 : QUELQUES NOUVELLES TENDANCES DU MARKETING 21. L’économie moderne et l’économie de services ..................................................... 124 22. Préférences du client dans l’économie de services.................................................. 125 23. Culture du réseau et systèmes ouverts ................................................................... 127 24. La vente de garanties et de résultats ...................................................................... 128 25. Stratégies de green marketing: Quel avenir ? ......................................................... 130 26. Déréglementation, technologie et globalisation ..................................................... 133 27. Les enjeux du marketing sur la toile ....................................................................... 134 27.1. E-marketing : cadre notionnel et origine du concept ............................................134 27.2. L’e-marketing mix ...................................................................................................137 27.3. Un exemple de stratégie en ligne : Le marketing viral ...........................................139 27.4. Internet sonne-t-il le glas du marketing traditionnel? ...........................................142

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Partie 1 : L’orientation client et le rôle social du marketing 1. Typologie de l’action marketing Au sein d’une entreprise, l’individu est confronté à une grande diversité d'activités marketing qui exigent des approches et des connaissances de techniques fort différentes. On peut conceptuellement diviser ces activités en quatre catégories (voir figure 1). FIGURE 1 Typologie de l’action marketing

Les tâches routinières des opérations marketing (catégorie 1), telles que la gestion de la force de vente ou le contrôle quotidien de l’action marketing, exigent des connaissances pratiques de « marketing management perçu surtout comme un art ». Ces tâches routinières peuvent être opposées aux préoccupations du type « problem solving » (résolution des problèmes). Les activités de « problem solving » (catégorie 4) peuvent être par exemple une réflexion stratégique, une analyse des raisons des différentes plaintes des clients ainsi que la conception d’une action visant à remédier au problème. Le « Problem solving » exigera souvent une analyse plus conceptuelle et fera recours intensivement aux théories du marketing ainsi qu’aux méthodes d’investigation. On peut aussi classer les activités marketing selon leur caractère relationnel (catégorie 2 et 3). Les activités techniques, qui exigent de bonnes connaissances des outils de récolte de données et d’analyse, s’illustrent par exemple par les études de marché, l’optimisation

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d’un réseau de distribution, la détermination du positionnement, des stratégies de sélection de marché ou encore l’audit marketing. Les tâches de type « back office » peuvent être opposées aux activités essentiellement relationnelles telles que la vente, les relations publiques ou la gestion d’une équipe marketing. La capacité à établir de bonnes relations avec les autres, la capacité de conviction ainsi que l’aptitude à diriger une équipe y sont essentiels. La connaissance des théories et des techniques modernes de négociation, de gestion des ressources humaines, de motivation ou de vente peut contribuer au succès du praticien. La Figure 1 permet de diviser l’univers de l’action marketing en quatre zones. Chacune de ces zones favorise d’autres personnalités, d’autres connaissances et d’autres approches dans l’apprentissage. Dans quelle zone vous situeriez-vous de préférence? L’expérience montre que les jeunes gestionnaires commencent le plus souvent leur carrière en mettant l’accent sur la zone 2/1 et se déplacent vers la zone 4/3 au fur et à mesure que leur carrière au sein de l’organisation progresse.

2. Qu'est ce que le marketing ? Marketing est un terme anglo-saxon. Une commission française de terminologie (au Ministère des finances) recommande de traduire marketing par mercatique ou marchéage. Le terme marchéage recouvrirait les activités pratiques concernant un produit ou un service, tandis que la mercatique engloberait les aspects plus généraux et théoriques de ces activités. Si nous continuons toujours à utiliser le terme marketing, c'est moins par anglophilie que par commodité et obstination des praticiens. Qu'est-ce que le marketing ? Le marketing n'est pas un concept clairement défini. Ses frontières changent constamment et ses définitions sont souvent sujettes à des controverses. Le terme est communément appliqué à plusieurs concepts, tous également légitimes et se référant de près ou de loin à l'entreprise et à sa fonction de gestion. La définition la plus récente approuvée par l’ « American Marketing Association » (AMA) en 2004 décrit le marketing comme étant « une fonction de l’organisation et un ensemble de processus ayant pour but de créer, communiquer et délivrer de la valeur pour les clients ainsi que gérer les relations avec les clients de façon à ce que cela bénéficie à l’organisation et ses parties prenantes ». Tel que le remarquent les professeurs Wilkie et Moore (2007), cette définition comporte néanmoins bon nombre d’insuffisances dans le sens où elle ne couvre qu’une seule des facettes du marketing, celle de la gestion marketing ou « marketing management ». La notion de marketing va bien au-delà de l’activité managériale ; le marketing, c’est aussi une philosophie ainsi qu’un champ de recherche, c'est-à-dire une discipline. Par conséquent, l’approche du concept est ici proposée au travers de deux angles complémentaires: (1) le marketing en tant que sujet c’est-à-dire une activité, et (2) le marketing en tant qu’objet, c’est-à-dire un art.

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2.1. Le marketing en tant qu’activité Le marketing désigne tout d'abord une activité et une fonction de la firme. Nous dirons qu'un bureau de publicité fournit un service marketing ou que Monsieur X est directeur marketing d'une société commerciale ou d'une banque. A l'échelle d'une entreprise, le terme « marketing » recouvre « les activités par lesquelles l'entreprise détecte des besoins solvables et les transforme en demande expresse d'un produit ou d'un service qu'elle veut vendre ». Les activités marketing sont soit de nature « transformationnelle », soit de nature « relationnelle ». D’une part, les activités transformationnelles visent à combiner des ressources et du « know-how » (savoir-faire) afin d’améliorer l’offre (ex: le conditionnement du produit ou les activités marketing dans la R&D). D’autre part, les activités relationnelles maintiennent les liens entre la firme et son environnement (par exemple la vente consultative ou les relations publiques). FIGURE 2 La démarche marketing

Pour le gestionnaire, les activités marketing consistent à « analyser, planifier, mettre en œuvre et contrôler la tarification, la distribution, la communication et les attributs d'un produit ou d'un service » (voir figure 2). A titre d’illustration, le tableau 1 ci-dessous présente une liste, non exhaustive, de certaines préoccupations marketing que peut avoir un entrepreneur. Selon une définition communément utilisée, on entend par activité marketing « le processus managérial qui cherche à identifier, anticiper et satisfaire les besoins du client de manière profitable » (Thomas, 1986). Chaque firme disposera donc d'un système marketing qui peut être analysé en termes d'inputs (entrants) et d'outputs (extrants). Les inputs du système marketing sont : (a) les exigences des clients et (b) les efforts des firmes à les satisfaire. Les outputs du système marketing sont : (a) la satisfaction des besoins des clients et (b) le profit réalisé par la firme lors de ce processus.

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TABLEAU 1 Le marketing : une indication des préoccupations d’un entrepreneur 1. Comment accroitre les revenus de l’entreprise ? 2. Comment procéder pour gagner de nouveaux clients? 3. Quelles sont les menaces et les opportunités pour mon entreprise sur le marché X? 4. Comment définir mon marché pour rendre cette définition opérationnelle (par exemple, pour mesurer la part de marché)? 5. Qui influence ou participe à la décision d'achat de mes produits? 6. Quelles sont les situations types dans lesquelles mon produit a les meilleures chances d'être vendu? 7. Qui est mon meilleur client et quelles sont ses caractéristiques habituelles? 8. Comment procéder pour obtenir le plus d'informations au sujet d'un marché et afin de réduire le risque de lancement d'un produit? 9. Dois-je réduire mon budget publicitaire et réduire mon prix ou bien faire le contraire? 10. A quel segment de marché doit s'adresser mon offre et quelle est la spécificité de mon offre? 11. Comment définir les attributs de mon produit et la gamme offerte pour maximiser la profitabilité de mon entreprise? 12. Est-ce que le prix de mon produit est trop bas (haut)? 13. Quels canaux de distribution dois-je utiliser et comment dois-je m'y prendre pour maximiser mes ventes? 14. Quel type de communication choisir et comment procéder pour maximiser les retombées de mes dépenses publicitaires? 15. Comment organiser et motiver ma force de vente? 16. Comment faire les prévisions de ventes et préparer un plan marketing? 17. Comment contrôler les coûts et la rentabilité de mon action marketing?

Dans la vie courante, lorsque l’on demande à quelqu’un de décrire ce qu’est l’activité marketing, celui-ci aura souvent tendance à réduire sa définition à la publicité. En réalité, cette vision de l’activité marketing est extrêmement réduite ; en effet, pour le spécialiste marketing, la publicité n’est qu’une variable de communication parmi d’autres. Qui plus est, même la communication prise dans son ensemble (incluant par exemple les relations publiques ou encore l’organisation d’évènements) ne constitue qu’une des quatre sousdiscipline du marketing. Parmi les choses qui existent, écrit Epictète, « certaines dépendent de nous, d'autres non ». La notion du marketing mix est basée sur cette distinction appliquée à la réalité de la firme. Le marketing suppose que toute firme conserve la faculté de pratiquer une stratégie qui lui soit propre et de se ménager une demande préférentielle en agissant sur les variables qui composent ce que l'on appelle le "marketing mix". Le marketing mix (M) peut être représenté par un vecteur groupant plusieurs types de variables de décision managériale, soit: M = (x, p, d, c) où x = les attributs d'un produit, p = le prix du produit, d = la distribution et c = la communication (dont une forme est la publicité). Evidemment, le vecteur peut suivre des UNINE, 2009

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modalités fort différentes selon l'entreprise, le type de produits, les caractéristiques de la clientèle ciblée et le comportement de la concurrence. Dans le cas des services, le marketing mix est élargi et inclut des variables telles que le processus, les ressources humaines et la relation personnelle avec le client. Chaque combinaison intégrant les variables du marketing mix constitue un programme possible. On peut l'exprimer à l'aide d'une matrice appelée la matrice du marketing mix: x1, x2, x3, ....., xn p1, p2, p3, ....., pn d1, d2, d3, ....., dn c1, c2, c3, ....., cn A cette matrice est associé un vecteur v = (v1, v2, v3, ..., vn) dans lequel les volumes de vente correspondent à chaque combinaison des variables de décision. En agissant sur ces variables et sur leurs relations (dont la complexité dépasse de loin le cadre de ce modèle), l'entreprise cherchera à produire ce que les clients veulent acheter. FIGURE 3 : Le marketing mix et le processus d’achat

La probabilité d’achat P(A) est donc influencée par les variables du marketing mix (voir figure 3). C’est en agissant directement sur la cible choisie des décideurs (consommateur individuel ou client institutionnel) ainsi que sur l’image du produit que la firme cherchera à maximiser les ventes. Les acheteurs potentiels ont, quant aux marques, un ensemble d’impressions ou d’idées préconçues qui constituent leur « image de marque ». L’image

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de marque et les caractéristiques ou prédispositions de la clientèle peuvent prendre la forme d’une certaine probabilité d’achat (P(A)) représentée au centre du modèle (Lambin, 1970). Parmi les facteurs exogènes à la firme qui font déjà entrevoir la vraisemblance d’achat d’un produit, on trouve les prédispositions du client, (c’est-à-dire les caractéristiques physiologiques, psychologiques, économiques, sociales et culturelles du consommateur) et des caractéristiques des institutions (organisationnelles, procédurales, etc.) dans le cas des acheteurs institutionnels. La firme peut modifier les facteurs exogènes de sa clientèle cible en repositionnant son offre. Une description plus détaillée du marketing mix, qui représente en quelque sorte un tableau de bord placé devant le responsable marketing, est présentée dans le tableau 2. L’exemple du marketing mix d’un hôtel suisse est exposé dans le tableau 3. Le responsable marketing doit trouver le meilleur agencement entre ces différentes variables et concevoir un dosage efficace entre celles-ci. La complexité du marketing mix est d’autant plus grande que toutes ses composantes sont interdépendantes et que la modification de chaque composante retentit sur les autres (Lambin, 1990). Les quatre séries d’éléments énumérés au tableau 2 constituent en quelque sorte les piliers de chaque projet marketing : le produit est l’objet ou le service à vendre : sa définition (caractéristiques, qualité, gamme, services associés, utilisation) et sa présentation (conditionnement, marque et design). Le prix du produit comporte des éléments tels que le prix public, les conditions de paiement et de crédit, les rabais et les remises. La distribution regroupe tout ce qui concerne les circuits de distribution: les points de vente, la force de vente, la motivation des distributeurs et la logistique. La communication, au sens large, englobe les éléments tels que la publicité ou la promotion des ventes ayant pour objectif de développer la vente des produits ou des services via l’information transmise et son impact sur la stimulation de l’acte d’achat du client. L'analyse marketing fait trop fréquemment référence aux modèles mécaniques du fonctionnement de la société et de l'homme. L'utilisation même des figures et des matrices traduit un état d'esprit où les problèmes sont analysés de manière linéaire, dépourvue de relations subtiles entre les variables et faisant abstraction des "réactions chimiques" qui se produisent dans la gestion et le développement des activités économiques. Dans le cas du marketing mix, quelle-est la relation entre le produit, le prix, la distribution et la communication ? Comment peut-on brièvement définir cette interdépendance ? A l'exception du prix peut-être, tout est "produit". La distribution ne doit-elle pas être perçue comme un service essentiel qui entoure le produit central ? La communication, ne fait-elle pas partie du produit-image, ne produit-elle pas des attributs essentiels aux biens et services ? En réalité, même le prix s'intègre dans de nombreux cas à la notion même du produit car il est inséparable de certains attributs du produit tels que la qualité, l'exclusivité, la confiance, la sécurité et la réalisation de soi. Le marketing encourage la firme à aller au-delà de l'action interne de contrôle des coûts pour développer ses ventes en s'adaptant aux besoins de ses clients (optique marketing). UNINE, 2009

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Dans l’économie moderne, le marketing assure aussi un rôle important en tant que fournisseur des services liés à l’utilisation (tel que le « product stewardship » qui est un code de conduite visant à maîtriser les risques d’un produit tout au long de son cycle de vie) et l’après-utilisation (la reprise du produit et son recyclage ou sa réutilisation). Afin de s'assurer de bonnes chances de réussite, la firme doit effectuer une étude de marché. Une telle étude comprend schématiquement la sélection de groupes de clients potentiels, la description de leurs goûts, la définition du produit ou du service offert, le calcul des coûts, l'étude des modes de distribution, la fixation du prix et l'analyse de la rentabilité. TABLEAU 2 Le marketing mix Produit (X) Caractéristiques

Prix (P)

Distribution (D)

Communication (C)

Prix annoncé

Canaux logistiques

Publicité

Rabais

Points de vente

Canaux de communication

Emballage

Escompte

Force de vente

Publicité rédactionnelle

Marque

Marge

Motivation distributeurs

Relations publiques

Gamme

Conditions de paiement

Distribution online

Promotion de vente

Services associés

Systèmes de crédit

Choix des marchés

E-communication

Qualité

TABLEAU 3 Exemple du marketing mix d’un hôtel suisse Produit (X)

Prix (P)

Distribution (D)

Communication (C)

Hôtel*** au bord du lac

Prix haute saison chambre à 1 lit : 120 frs

Réseau de réservation de la compagnie Swiss

Publicité média

50 chambres, 80 lits

chambre à 2 lits : 180 frs

Ebookers.ch

Relations publiques

Chambres avec douche et salle de bain

Prix basse saison chambre à 1 lit : 100 frs

Bureau de voyage Kuoni et Thomas Cook

Annonces à l’aéroport de Genève

Restaurant et bar

chambre à 2 lits : 150 frs

Organisateurs de congrès

Brochures

Tennis

Prix de groupe

Autres hôtels de la chaîne

Sponsoring d’évènements

Piscine

Pension complète

Site Internet de l’hôtel

Site Internet de l’hôtel

Une fois la décision de lancement du produit effectuée, le responsable du marketing doit coordonner les moyens d'action commerciale pour assurer la vente du produit et surveiller l'évolution du marché et des ventes afin de vérifier l'exécution du plan marketing et apporter les modifications nécessaires en temps voulu. Pour pouvoir le faire, il doit connaître les instruments d'analyse et d'action marketing tels que les méthodes d'étude de marché, les techniques de vente, les systèmes de motivation de la force de vente, etc. Le marketing en tant que technique est une forme de technologie du management. UNINE, 2009

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ENCADRE 1: Le marketing mix: quelques conseils pratiques 1. La cohérence entre les actions marketing et le potentiel de l’entreprise  assurer la cohérence entre le potentiel humain, financier et technique de l’entreprise et son action marketing Exemples d’erreurs: lancer un nouveau produit sans avoir le financement approprié une force de vente expérimentée dans le marché des produits de beauté est chargée de vendre des produits textiles sans une formation préalable 2. La cohérence entre l’environnement de l’entreprise et l’action marketing  assurer la cohérence entre l’environnement de l’entreprise et les stratégies produit, prix, distribution, et promotion Exemples d’erreurs: les attributs du produit ne correspondent pas aux préférences de la clientèle locale organisation de la distribution non conforme à la législation sur la concurrence dans un marché étranger 3. La cohérence des actions marketing entre elles  assurer la cohérence entre la publicité, la distribution, le prix et les attributs d’un produit Exemples d’erreur: un produit de luxe soutenu par la publicité qui va à l'encontre de son image choisir un réseau de distribution qui ne correspond pas à l’image de marque (Adapté de: Dubois, P.-L. & Jolibert, A., 1989)

2.2. Marketing en tant qu’art et discipline scientifique Le marketing est « l’art et la science du processus des échanges mis au profit de la firme ». Les arts et les sciences, dirait Jérémie Bentham, n'ont pas entre eux de démarcation bien précise. Art est le mot propre quand il s'agit des opérations pratiques (Bentham, 1811). Karl Popper (1959) considère que le premier critère d'identification d'une science est le comportement des praticiens. Une science, considère Sir Karl, avance des énoncés pour les tester. L’hypothèse est que tout énoncé que l’on soumet à un examen, qu’il exprime une loi générale, décrive un fait ou un événement particulier, fait l’objet d’une approche scientifique. Tester expérimentalement une hypothèse veut dire, ne faire varier qu’une des quantités figurant dans l’hypothèse à la fois, tandis que toutes les autres conditions doivent être maintenues constantes, in ceteris paribus. Le propre d’une science est par conséquent que cette dernière est hypothétiquement « falsifiable », c'est-à-dire qu’il est possible d’en tester les hypothèses et d’en prouver la fausseté. C'est cette mise à l'épreuve des hypothèses par l'observation et par l'expérimentation qui est cruciale dans la définition d'une science. La gestion vit surtout d'emprunts faits à d'autres disciplines. L'étude du comportement du consommateur s'inspire des travaux des économistes, de la psychologie sociale ou encore de la sociologie. L'étude du marché fait appel aux méthodes d'analyse de données de la statistique ou encore du « data mining ». La publicité est analysée notamment à l'aide des UNINE, 2009

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théories de la communication et des médias. L'histoire fait également partie intégrante de cette république des sciences de la gestion. La gestion est basée sur une méthodologie de la pensée pratique c'est-à-dire de la pensée dont le but principal est la connaissance appliquée à l'action de l'entreprise. Comment organiser une action marketing ? Comment convaincre le client ? Quelle stratégie faut-il poursuivre afin de maximiser les chances du succès sur le marché donné? ENCADRE 2: Méthodologie de la recherche en marketing – exercice 1. 2. 3.

Posez une hypothèse concernant la relation entre la rentabilité d’une firme de votre choix et sa part de marché. Proposez quelques implications vérifiables de votre hypothèse. Supposez que vos recherches empiriques vous amènent à confirmer (corroborer par des expériences ou des observations) vos implications vérifiables, quelle conclusion en tirezvous quant à la validité de votre hypothèse de départ? (Est-elle d’une vérité irréfutable?)

Le marketing, bien qu'étant un art, est donc aussi un domaine scientifique. Nous avons vu que les outils marketing en tant que technique sont dominés par le souci d'opérationnalité. Cela ne veut pas dire pour autant que le marketing en tant que technique doit se baser uniquement sur le flair, la créativité et l'imagination du praticien. L'art n'échappe pas à l'analyse scientifique et ne doit pas ignorer la science. Le respect des règles de la méthode scientifique est le meilleur moyen pour garantir la validité des résultats, et ce également en gestion. Le marketing est un carrefour des sciences. Il recouvre l'hétérogénéité des disciplines par les emprunts qu'il fait à d'autres sciences et champs du savoir : sciences techniques, statistiques, mathématiques, économie, psychologie, sociologie et sciences politiques. Une telle diversité d'approches et de méthodologies a ses forces et ses faiblesses. D’une part, une telle approche multidisciplinaire offre la possibilité d’étudier la complexité des phénomènes régissant les relations entre les producteurs et les consommateurs sous des approches qui se veulent complémentaires, permettant ainsi d’en saisir les dynamiques sous-jacentes avec plus d’exactitude. D’autre part, il subsiste plusieurs difficultés d'application de la méthode scientifique dans le domaine du marketing. Premièrement, le marketing manque de corps théorique cohérent. L'éclectisme ne facilite pas le développement des structures conceptuelles du domaine. Il est possible que le corps intégratif du marketing, de même que d'autres sciences de gestion, doive être fourni par la théorie des prix. Les recherches du Prix Nobel d’économie, George Akerlof, de l'Université de Californie à Berkeley, qui s'inspirent des travaux des sociologues, psychologues et anthropologues, semblent offrir une approche intéressante à explorer (voir par exemple Akerlof 2002). Ensuite, le travail expérimental sur le terrain est peu praticable aussi bien à cause de son coût élevé que de la concurrence sur le marché qui laisse peu de place aux expérimentations motivées par des considération de la recherche UNINE, 2009

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scientifique. Cependant, il s'agit d'une faiblesse commune à toutes les sciences sociales. Le progrès en télécommunication et en informatique a néanmoins contribué à faciliter les techniques d’investigation. Troisièmement, les variables marketing sont difficiles à mesurer empiriquement. L'imprécision est grande en raison du caractère aléatoire et indéterminé de ces variables et en raison de la faiblesse des méthodes de mesure disponibles qui restent essentiellement l'enquête (Lambin, 1990). Enfin, la validité externe des mesures empiriques en marketing est généralement limitée à cause des constantes modifications de l'environnement qui limitent la valeur prédictive des résultats. Le marketing en tant que domaine académique, à l'instar du droit, de la médecine ou de l'ingénierie, doit rester un domaine appliqué. Pour réussir dans la vie professionnelle, il faut se préparer en (a) exerçant son talent ; (b) améliorant ses capacités d’analyse scientifique (c) en entreprenant. Il est donc souhaitable qu'on agrandisse l'expérience académique en marketing par une association intime avec le secteur privé. Le marketing fait partie des sciences de gestion. Il est par conséquent impossible de conduire une analyse marketing de manière isolée des autres disciplines de la gestion d’entreprise. En ce qui concerne l’apprentissage de la méthodologie des sciences de gestion, on peut distinguer trois étapes principales: (a) l’analyse de cas ; (b) l’analyse pragmatique et (c) l’analyse inductive du processus de la gestion. L’analyse de cas consiste essentiellement à effectuer une description des faits qui peuvent servir d’exemples et de points de départ pour un débat ou l’application des techniques dans le processus de l’apprentissage. L’objectif est également de profiter de la richesse de l’approche pour déceler certaines dynamiques particulières propre au phénomène étudié qui n’auraient pas pu être repérées au préalable (pour une explication détaillée de l’approche, voir par exemple Yin 1984). Cette approche est en quelque sorte comparable à celle pratiquée par la médecine à ses origines. L’analyse pragmatique ne se satisfait plus de la description de cas mais cherche à découvrir des liens de causalité entre les faits considérés (ex: facteurs de succès, analyse réticulaire, etc.). Par exemple, la comparaison structurée et focalisée proposée par Alexander George distingue trois étapes d’une telle démarche: (1) l'examen d'un certain nombre de cas ; (2) la focalisation sur un nombre limité de variables afin de les analyser de manière détaillée et (3) l'interrogation sur l’existence et la nature des relations entre les variables suggérées par la théorie (George, 1979). La comparaison structurée et focalisée permet une analyse plus détaillée que l’approche quantitative (ex: corrélations) évitant aussi les limitations d’une simple étude de cas qui tente de généraliser à partir d’un seul ou quelques exemples. Une des critiques de l’analyse pragmatique est l’observation de Pareto, affirmant que cette étape mène à des divagations, c’est-à-dire à la création de théories post factum visant à satisfaire les besoins psychologiques de leurs auteurs. Pire, de telles théories sans aucuns fondements scientifiques contribueraient à accentuer le phénomène de mode dans les écrits sur la gestion. Leur multiplication est aussi encouragée par les nombreux

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managers, qui à partir de leur propre expérience, construisent des « théories générales » du management. Il y a finalement l’analyse inductive du processus du marketing qui n’est qu’au début de son développement. Une telle analyse essaie de remonter des faits à une généralisation (une loi) et constitue la base même d’une étude systématique du marketing. Quelques exemples de telles généralisations sont présentés dans l’encadré 3. ENCADRE 3: Quelques exemples de résultats de recherches empiriques récentes Exemple 1 : Le contenu d’une campagne publicitaire dans le secteur des produits de luxe peut-il affecter la propension des clients à vouloir des produits contrefaits ? Des chercheurs ont démontré que le désir du consommateur pour une marque contrefaite varie systématiquement en fonction du fait que la publicité de la marque de luxe met en valeur des objectifs d’adaptation sociale ou d’expression de valeur [les premiers impactant positivement le désir pour les contrefaçons] (Wilcox, Kim, Sen 2009) Implications : Atténuer les éléments faisant appels par exemple au statut et à la reconnaissance des autres dans la communication publicitaire diminue la motivation des consommateurs à se procurer des produits contrefaits Exemple 2 : Lorsque l’on s’adresse à des communautés bilingues (ex. la communauté hispanique aux Etats-Unis), la langue utilisée dans la publicité procure-t-elle des effets différents sur le consommateur ? Une étude récente indique qu’une publicité dans la langue maternelle (ici l’Espagnol), suscitera plus facilement des opinions référant à la famille, aux amis, ou à la maison, ce qui par conséquent peut conduire à des attitudes plus favorables et de meilleures intentions vis-à-vis de la marque (Noriega, Blair 2008) Implications : Il est intéressant, par exemple pour une marque de céréales, de communiquer son identité au travers de publicités en espagnol lorsque celle-ci s’adresse à cette communauté bilingue Exemple 3 : Quel mode d’entrée est le plus pertinent pour pénétrer le marché Chinois ? Créer une « Joint Venture » avec des entreprises locales ou développer sa propre filiale ? Il a été démontré, au travers du cas des entreprises japonaises installées en Chine après les réformes institutionnelles, que la création de filiales en nom propre comportait de plus grandes chances de survie sur ce marché (Papyrina 2007). Implications : Une société qui désire s’implanter sur le marché Chinois sait que ses chances de survie sont (actuellement) statistiquement moins grandes si elle opte pour une « Joint Venture » avec un partenaire local.

Les sciences du marketing, c’est-à-dire les applications du savoir scientifique essentiellement aux relations producteur/client sont en train de provoquer une véritable révolution dans ces relations ainsi que de modifie fortement la manière dont les entreprises perçoivent leurs clients et leurs marchés. Quelle est donc la relation entre la pratique, la théorie marketing et la science? L'opposition entre la théorie et la pratique si UNINE, 2009

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fréquemment évoquée dans le discours sur le management n'a pas beaucoup de sens. On peut plutôt parler de la distinction entre la théorie et l'action, ou mieux encore, entre la science et son application. La pratique intelligente n’existe pas sans théorie, car cette dernière est nécessaire pour organiser l'action de manière rationnelle. Un praticien sans théorie est comme un bateau sans navigateur: il est réduit au statut de simple exécutant. Il ne suffit pas de courir, il faut aussi connaître la bonne direction. De même, les théories de gestion ne font pas systématiquement partie de la science. Une théorie peut en faire partie après un examen empirique qui la corrobore (Hempel 1973). Le gestionnaire peut se servir, dans la pratique de son métier, aussi bien des théories scientifiques que des théories non-scientifiques (par exemple: intuitives). En d'autres termes, il peut pratiquer aussi bien l'art que la science de la gestion. La manière dont il préférera doser les deux dépendra inter allia du rendement que l'investissement dans l'approche scientifique lui permettra de réaliser. Le problème auquel est confronté le praticien en marketing dans son choix entre une action marketing fondée sur une approche intuitive et une action fondée sur la science est schématiquement présenté dans la figure 4. Prenons un exemple fictif du marché des boissons. Une théorie marketing consisterait à poser le fait que la pression sur les coûts de distribution des boissons suisses est en train de s’intensifier. Une analyse marketing basée sur des éléments empiriques pourrait alors être effectuée. Par exemple, l’analyse statistique des séries chronologiques des cinq dernières années pourrait démontrer que les distributeurs suisses de boissons sont obligés de rationaliser afin de réduire les coûts pour faire face à la concurrence des chaînes de distribution étrangères. Une action marketing serait en définitive la modification du système de distribution des boissons par une société telle que Denner. Le passage d’une simple théorie à l’action correspond à une gestion intuitive du marketing (chemin 1-3). Par contre, le chemin 1-2-3 correspond à une gestion scientifique du marketing. C’est surtout le cheminement : théorie du marketing fondements scientifiques - action marketing qui doit faire l’objet d'études universitaires. FIGURE 4 Le marketing entre gestion intuitive et science

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Etant un domaine scientifique appliqué, le marketing apparaît donc avant tout comme le complément méthodologique et conceptuel d’une pratique de gestion. Il est pour le gestionnaire ce que les sciences médicales sont pour le chirurgien ou les sciences techniques pour le constructeur automobile. Le marketing doit donc rendre les idées opérationnelles. Il doit mettre des concepts et des structures théoriques en pratique. Dire que l’entreprise doit maximiser la satisfaction de ses clients sous la contrainte de sa profitabilité est trivial et n’a que peu de valeur pour l’entreprise. Par contre, définir de manière spécifique, systématique et opérationnelle comment une telle maxime peut être réalisée constitue un apport important pour l’entreprise. L’application des ressources intellectuelles et scientifiques à la détermination de solutions aux problèmes des entreprises doit constituer une partie intégrante de l’enseignement universitaire du marketing.

3. L'orientation-marché et l’orientation client 3.1. Le marché en tant que ressource pour le marketing Le marketing est étroitement lié à l'économie de marché. Le marché est « l'endroit où les échanges volontaires de biens et de services ont lieu ». Dans un marché concurrentiel les acheteurs sont libres de choisir, dictant ainsi aux producteurs ce qu'il faut produire et à quel prix. Dans une société basée sur les échanges libres, le marketing - cet art de convaincre - acquiert l'importance d'un savoir-faire essentiel. Le marché est le point de départ de l'action marketing. L'analyse du marché permet de déterminer les besoins et les désirs des clients. Le marketing encourage l'entreprise à aller au-delà de l'action interne de contrôle des coûts pour développer ses ventes en s'adaptant aux besoins de ses clients (optique marketing). Afin de s'assurer de bonnes chances de réussite, l'entreprise doit effectuer une étude de marché. Une telle étude comprend schématiquement la sélection de groupes de clients potentiels, la description de leurs goûts, la définition du produit ou du service offert, le calcul des coûts, l'étude des modes de distribution et des moyens de vente, la fixation du prix et l'analyse de la rentabilité. Le marché est ensuite segmenté en sous-ensembles homogènes à partir des critères retenus. L'entreprise choisit sa cible (c'est-à-dire la catégorie des acheteurs potentiels auxquels elle va proposer ses produits) en fonction des opportunités offertes, de son potentiel et de ses objectifs stratégiques. Elle définira les types de besoins auxquels s'adressera son offre et choisira son positionnement, c'est-à-dire la place à occuper sur le marché par rapport à la concurrence. En fonction de la cible choisie, l'entreprise affinera la définition du produit, fixera le prix (en tenant compte de la valeur perçue par l'acheteur, de la stratégie prix de ses concurrents et du coût du produit). Elle choisira UNINE, 2009

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aussi le canal de distribution le plus adapté au produit et au marché cible, organisera sa force de vente en fonction des canaux de distribution choisis et encouragera les ventes par des actions de promotion et de publicité (communication). Cette mise en œuvre des plans et programmes marketing sera soumise au contrôle visant à apprécier les résultats et à évaluer les progrès. Evidemment le schéma en question n'est qu'une simplification dont le mérite principal est d'offrir une liste de référence des activités commerciales que comprend le marketing. En réalité, les responsables marketing sauteront certaines étapes, reviendront en arrière et prendront de nombreux raccourcis. ENCADRE 4: La clientèle et le comportement de l’entreprise Question : Est-il juste de dire que puisque 5% des clients aimeraient pouvoir faire leurs achats après 20h, les magasins d'alimentation devraient rester ouverts jusqu'à 23h ? Réponse : Cela dépend de la contribution des 5% susmentionnés à la rentabilité totale du magasin. Il faut s'assurer que le dernier franc dépensé à payer les frais d'une ouverture additionnelle d'un magasin rapporte autant que le dernier franc dépensé dans le cadre des autres activités de la distribution, telles que le meilleur service (ex : parking supplémentaire, livraison à domicile, etc.). Question : Est-il vrai que, in ceteris paribus, avec le renforcement des mouvements de protection des consommateurs, les magasins resteront ouverts plus longtemps que sans une telle évolution ? Réponse : Oui, il existe un déséquilibre entre la pression des producteurs et la pression des consommateurs sur les autorités politiques ; un déséquilibre à l'avantage des producteurs. Les producteurs sont très concernés par un plus petit nombre de problèmes que les consommateurs. Leur action est donc mieux ciblée. Ils sont bien informés et investissent dans l'information et le lobbying.

3.2. Orientation-marché et orientation client L'orientation-marché est fréquemment opposée à l'orientation technique et à l'orientation vente. L'orientation technique est un style de gestion qui privilégie l'activité de production en mettant au second rang les besoins des clients. Dans le cas de l'orientation vente, l'accent est mis sur les techniques permettant d'influencer le client par la force de vente ou par la publicité, la satisfaction du client restant secondaire. L'orientation-marché (market-driven ou market-oriented) signifie que l'entreprise prend les besoins du marché comme point de départ de toutes ses décisions. Le tableau 4 donne un bref résumé des différences entre l'orientation-marché et l'orientation-producteur selon le niveau ou domaine de décision de l'entreprise.

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TABLEAU 4 L’orientation-marché et l’orientation-producteur Niveau ou domaine de décision

L’orientation-marché

L’orientation-producteur

La direction générale

La prise en compte des goûts et des besoins de la clientèle

Les préoccupations internes : essentiellement d’ordre techniques et financières et de gestion du personnel

Décisions stratégiques

Fortement influencées par des données externes

Fortement influencées par des données internes

Qui a le pouvoir dans l’entreprise ?

Les commerciaux et les responsables du secteur R&D

Les techniciens et les financiers

L’évaluation des résultats

Accent mis sur le profit et le chiffre d’affaires à long terme et l’image de marque

Accent mis sur le chiffre d’affaire et le profit à court terme

La commercialisation

Marketing intégré

Priorité données à la vente et à la promotion

La fixation du prix

Accent mis sur le prix psychologique acceptable pour la clientèle et le prix concurrentiel

Le concept de prix de revient est prédominant

Le produit

L’adaptation du produit aux différentes cibles de clientèles

La standardisation du produit et la production peu flexible

La distribution

La distribution et la force de vente sont intégrées avec les autres fonctions de l’entreprise

La distribution et la force de vente sont considérées comme des moyens d’écouler le production

L’après-vente

Un garant des bonnes relations avec la clientèle et un moyen d’info pour améliorer les produits.

Un mal nécessaire pour l’entreprise

La communication

La communication vis à vendre et à améliorer l’image de l’entreprise

Priorité à la publicité qui pousse à la vente

Le développement

Priorité à l’innovation et à la recherche de nouveaux marchés

Priorité au développement des marchés traditionnels à partir de la production

Le consommateur, ses préférences et ses besoins constituent le point de départ de tout raisonnement et de toute action. C’est en cela que Kohli & Jaworski 1990 définissent l’orientation-client comme étant « le degré par lequel l’information sur le client est collectée et utilisée par l’entreprise ». En effet, le marketing encourage l'entreprise à aller au-delà de l'action interne de contrôle des coûts pour développer ses ventes en s'adaptant aux besoins de ses clients. L'orientation-client veut dire vendre avec profit (sans pourtant vendre à tout prix) en s'assurant que le client reste satisfait à long terme. L’orientation-client sous-tend également l'engagement de la firme envers la souveraineté du consommateur. C'est le consommateur ou l'utilisateur qui détermine ce qui doit être produit. L'orientation-client est la condition sine qua non du succès de nombreuses entreprises grandes ou petites. Depuis près de 40 ans, les défenseurs de l’orientationclient, qu’ils soient académiciens ou praticiens, ont soutenu qu’un plan d’affaire qui se concentre sur l’orientation-client permettra une amélioration des performances de l’entreprise (voir par exemple Levitt 1960 ou Porter 1985). L’orientation-client, si intégrée pleinement dans la culture de l’entreprise, permet d’acquérir les comportements requis pour fournir une valeur supérieure aux clients et donc, au final, une performance supérieure à l’entreprise (pour des illustrations empiriques, voir par exemple Jaworski &

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Kohli 1993, Appiah-Adu & Singh 1998, Deshpande et al. 1993, Pelham & Wilson 1996, Langerak 2003). De facto, la priorité donnée à l'intérêt du producteur (l'orientation technique) ou du vendeur (l'orientation vente) au détriment de celui du client représente une des causes importantes d'échec en gestion. Les principaux éléments d’une telle orientation sont implicitement énumérés dans le tableau 5. TABLEAU 5 Quelques éléments mesurant l’orientation client d’une entreprise

1. Savez-vous vraiment ce que vos clients désirent? 2. Les membres de votre organisation connaissent-ils les besoins et les désirs de vos clients? 3. Les canaux d'information à l'intérieur de votre entreprise sont-ils de nature à favoriser le flux d'information entre les clients (par exemple les raisons du mécontentement du client) et les dirigeants de l'entreprise? 4. Vos systèmes de motivation, de promotion, de formation et de contrôle insistent-ils véritablement sur le fait que votre personnel doit mettre tout son talent, son savoir-faire et son enthousiasme au service de la clientèle? 5. Votre entreprise a-t-elle une structure suffisamment flexible pour réagir aux changements dans les préférences des clients et le fonctionnement du marché? 6. La structure de votre organisation est-elle suffisamment conçue en fonction du client et de son processus d'utilisation du produit? 7. Votre offre est-elle suffisamment conçue comme une "solution aux problèmes du client"? 8. Tentez-vous de personnaliser votre offre (services et produits) là où une telle personnalisation est rentable et appréciée par les clients? 9. Etes-vous capable de fonctionner en réseau avec les autres organisations afin de mieux contribuer à la chaîne de valeur du client?

Si la littérature marketing utilise indifféremment le terme orientation-client et orientation-marché (voir par exemple Shapiro 1988), Lambin (2005) suggère le fait que l’orientation-marché non seulement implique une orientation-client, et donc une vision de ses activités sous le regard du client, mais intègre également tous les autres acteurs actifs sur le marché, ce que l’on nomme les parties prenantes ou « stakeholders » (voir chapitre 6). C’est en ce sens que l’on peut définir l’orientation-marché comme étant « l’ensemble des prises de positions stratégiques et des activités qui mettent l’intérêt du consommateur en avant-plan, sans pour autant exclure les autres parties prenantes telles que les propriétaires, les managers, les employés ; de façon à développer une entreprise profitable à long terme » (Deshpande et al. 1993). La philosophie de l’orientation-marché sous-tend l’étude et la connaissance du développement des marchés, le partage de cette information avec le personnel approprié et l’adaptation de l’offre par rapport à un marché en constante évolution (Jaworski et al. 2000). L’orientation-marché prévaut beaucoup plus dans les entreprises produisant des produits de grande consommation que dans celles fabriquant des biens industriels. L'orientationmarché est à la base du succès de firmes telles que Philip Morris, Coca Cola, IKEA ou Swatch. Elle est pratiquée aussi bien par les grandes sociétés que par les PME. Cependant, UNINE, 2009

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d’importantes firmes font encore preuve de ce que l’on nomme le « narcissisme d’entreprise », caractérisée par des positions telles que « nous connaissons mieux nos affaires que nos consommateurs ». Ce type de perspective est cristallisé par cet aphorisme commercial désormais bien connu du directeur de Sony qui déclarait « qu’aucun consommateur ne nous a jamais demandé de développer le Walkman ». ENCADRE 5: Orientation marché – Le cas d’un fabricant de fenêtres Un fabricant de fenêtres et de portes en bois d'une ville de province en France entassait les produits dans un entrepôt et ne faisait rien pour pousser la vente et servir les clients. Il considérait que la récession dans la construction était la principale source de ses difficultés et faisait peu pour réorienter sa production selon les besoins du marché. Le fabricant V de la même région et produisant le même matériel décida de s'attaquer au marché de la rénovation et des particuliers. Il avait une vingtaine de distributeurs dans différentes localités reliées à l'usine par un bon système de télécommunication. Afin de réduire les dépenses de chauffage dans les anciennes maisons, il offrait de remplacer les anciennes portes et fenêtres. V attachait une grande importance à l'organisation de sa distribution et aux indications concernant les préférences des utilisateurs. Résultat : il réussit même à augmenter légèrement ses ventes malgré la crise dans l'immobilier

Nous savons qu'il n'est pas facile de transformer une société qui pratique l'orientation technique ou l'orientation vente en société orientée marché et client. De nombreuses firmes prétendent suivre l'orientation-marché sans véritablement la mettre en application. Un fonctionnement guidé par le marché exigera fréquemment des changements en profondeur aussi bien en ce qui concerne l'organisation de l'entreprise que sa politique, son système de motivation et les attitudes de ses employés. L'orientation-marché n'est pas un but absolu. Chaque entreprise doit chercher son équilibre entre le marketing, la technologie, la production, etc. Il y a des entreprises pour qui la clé du succès est la technologie, d'autres mettront plus d'effort dans le marketing et l'orientation-client. Cet équilibre n'est pas réalisé en 1993 dans le cas Mercedes-Benz présenté ci-dessous. ENCADRE 6: Absence d’orientation-marché – Le cas Mercedes Benz Au milieu des années 90, le constructeur automobile Mercedes-Benz était en très mauvaise posture. L’absence d’orientation marketing et de pensée stratégique qui caractérisent cette firme étaient à la base des problèmes qu’encourait le constructeur automobile. En 1993, les modèles Mercedes invendus n'ont cessés de s'accumuler en Europe et en Amérique du Nord. Dans cette situation une révolution complète de la culture et de l'organisation interne du constructeur s'imposait. Le problème de Mercedes trouvait son origine dans l'écrasante domination d'une discipline, l'ingénierie aux dépens d'une autre, le marketing. Cette entreprise s'est toujours concentrée avec attention et minutie sur le domaine de l'ingénierie. Les voitures produites étaient solides, fiables mais d'un coût très élevé. Cette approche pouvait se défendre aussi longtemps que la différenciation basée sur la qualité représentait

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une alternative viable, ce qui malheureusement pour Mercedes n'est plus le cas aujourd'hui sur le marché automobile. La compagnie Mercedes a été longtemps considérée comme arrogante par plusieurs analystes de la branche. Cette attitude l'a certainement empêchée de répondre avec rapidité aux changements des règles du jeu survenus sur le marché automobile. Plusieurs éléments permettent d'expliquer les problèmes auxquels était confrontée Mercedes : a) La première raison est la compression du cycle de vie des produits dans l'industrie automobile apparue en 1984. Durant cette période, les producteurs automobiles japonais réussirent à réduire le temps d'existence sur le marché d'une voiture familiale à 3,5 années. La moyenne pour les producteurs européens et américains durant la même période se maintint par contre à 5 années. En d'autres termes, alors que Toyota, Nissan ou Honda développaient pour une période donnée deux modèles chacun, Mercedes ne lançait qu'une nouvelle version sur le marché. b) Dans le courant des années 80, les producteurs japonais adoptèrent une nouvelle méthode de production plus connue sous le nom de "production flexible" (« lean manufacturing »). Ce changement passa inaperçu auprès des producteurs européens et américains jusqu'au moment de la publication d'une étude par le MIT. La production flexible se basait sur l'utilisation d'ateliers mécaniques à contrôle numérique complexe, capable de produire une très grande variété de composants automobiles à n'importe quel moment. Ce système, grâce à l'application du concept de production juste à temps (« just-in-time » production) permit d'atteindre des niveaux de flexibilité et de réduction de coûts jamais atteints dans le secteur. c) Un certain nombre de producteurs japonais introduisirent à la fin des années 80 une nouvelle stratégie de différenciation à un niveau de coûts bas. En 1989, Toyota et Nissan lancèrent leurs modèles Lexus et Infiniti, ce qui représentait le premier défi direct lancé à Mercedes. Le développement de ces modèles hauts de gammes reposait sur le principe du « market share pricing » (connu également sous la dénomination « target costing ». Le principe consiste à établir le prix d'un produit cible, juste au dessous des prix pratiqués sur le marché. En poursuivant cette stratégie les producteurs japonais étaient en mesure de développer la série 7 des modèles BMW pour le prix de la série 5. Le principe présenté cidessus est appliqué depuis le début des années 70 à la plupart des produits de consommation. Cependant, une technique affinée et plus performante est apparue à la fin des années 80. Les développements récents en recherche marketing concernant le « target costing » ont permis l'utilisation de techniques solides d'analyse de sensibilité telle que l'analyse de covariance. Cette méthodologie permet de déterminer la valeur que les clients placent dans différents attributs ou paniers d'attributs du produit. Un nouveau défi pour le constructeur automobile se pose en 2009. La menace due au changement climatique exige des nouvelles normes de protection de l’environnement. La préférence des consommateurs et des Etats semblent tendre vers des véhicules à faible consommation d’énergie et une sécurité accrue. Identifiez sur la toile les initiatives les plus récentes de Mercedes qui visent à répondre à ces nouvelles exigences du marché.

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4. Le marketing et la société Avant d’aborder les aspects techniques du marketing, il serait souhaitable de soulever quelques questions fondamentales sur la place qu’occupe cette discipline (et fonction de l’entreprise) au sein de notre société ainsi que sur sa place dans l’enseignement universitaire. Le marketing n'est-il qu’un domaine d’activité transitoire dont l'importance diminuera avec le déclin de la société de consommation ? Le marketing est-il une technique de manipulation de l'homme ? Un domaine commercial tel que le marketing est-il en conflit avec le désintérêt d'un magistrorum et scholarium ? Ces questions soulèvent certaines réflexions essentielles pour le praticien marketing et méritent d’être abordées avec attention.

4.1. Le marketing, une activité transitoire et éphémère ? Les activités marketing ont une grande importance dans notre société. Elles ont des effets sur les consommateurs, les producteurs et la société dans son ensemble. Quelques éléments illustrent assez bien cette place occupée par le marketing. Par exemple, au début des années 70, on notait déjà que 30% à 50% de toute la population active des pays développés travaillait dans le domaine du marketing (Lipson & Darling 1971). Ce taux, près de 40 ans plus tard ne peut qu’être encore plus imposant. Autre exemple, un produit de consommation courante ne coûte en moyenne au fabricant que 40% à 50% de son prix de vente (Barger 1974, Lavidge 1970). Le solde représente en grande partie le coût du marketing. N'est-ce pas trop, pourraient se demander certains ? Ne s'agit-il pas d'une activité non productive, d'un gaspillage qui disparaîtra au fur et à mesure que nos économies quittent le stade de la société de consommation ? Pour aborder ces questions, il nous faut d’abord nous interroger sur les raisons d'une telle importance du marketing dans l'économie moderne. Quatre éléments permettent de comprendre la place qu’occupe cette discipline au sein du tissu économique. (1) Tout d’abord, le marketing est un service. La demande pour les services marketing est sensible au revenu du consommateur: elle augmente plus rapidement que le revenu per capita, c'est-à-dire qu'elle est élastique au revenu. Comment expliquer une telle relation? a) L'augmentation générale du revenu se traduit par une plus grande consommation de biens et de services, qui à son tour stimule la demande pour les services de marketing. b) L'augmentation du revenu per capita a en outre pour conséquence un changement structurel dans la consommation. Au fur et à mesure que la valeur de son temps augmente (avec l'augmentation des salaires), le consommateur achète de plus en plus de biens et services qui lui font "gagner du temps". Les aliments préfabriqués, les biens de consommation durables (machines à laver, aspirateurs ou voitures), le prêtUNINE, 2009

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à-porter de marque ou les voyages organisés sont achetés en nombre croissant. La demande pour ces biens et services, qui ont un plus fort contenu marketing que leurs substituts (tels que les aliments non préfabriqués, le service des femmes de ménage, les vêtements faits sur mesure ou les voyages individuels), se traduit par une utilisation croissante des services marketing. c) Une fois ses besoins physiologiques et ses besoins de sécurité satisfaits, le consommateur cherche à satisfaire son besoin de statut social, d'appartenance, d'affection, de reconnaissance, d'accomplissement de soi et d'autres désirs de niveau supérieur (Maslow, 1954). Dans la mesure où ces besoins supérieurs sont satisfaits par l'achat de biens et services, les aspects marketing y jouent un rôle prépondérant. Les techniques marketing qui favorisent la création de l'image correspondant à certains désirs de niveau supérieur chez le consommateur (tels que le désir de prestige, d'évasion, de précision, de succès et autres) sont aujourd'hui très demandées. Ensuite, avec le développement d'une société d'abondance, (2) le choix du consommateur devient plus complexe et nécessite à son tour plus de services de marketing. a) D'une part, la prospérité se traduit par une plus grande diversité des biens et des services offerts sur le marché. La concurrence s'intensifie, le choix offert au consommateur devient plus étendu. On parle aujourd'hui d'un marché du consommateur par opposition au marché du producteur dans lequel l'approche marketing n'était guère nécessaire. b) D'autre part, la complexité du processus de choix augmente avec l'avancement technologique, la complexité et le raffinement grandissant des biens et des services. L'utilisation des techniques marketing apparaît dans ce contexte de plus en plus indispensable. Le consommateur face à son insécurité s'informe, prend le temps de réfléchir et de comparer. Il veut qu'on lui offre ce qu'il exige, plutôt que de "l'éduquer" à consommer ce qui est disponible. Le consommateur devient véritablement souverain et le producteur a besoin du marketing pour être apte à répondre aux exigences de ses clients. (3) La productivité dans les services marketing ne suit pas la productivité dans l'industrie ou dans l'agriculture. Depuis 1950, la productivité d'un employé dans les services a augmenté en moyenne de 1% par an, tandis que dans le secteur manufacturier l'augmentation était de l'ordre de 2%. Ce décalage a eu pour effet, d'une part, le développement de formes de ventes moins intenses en travail telles que celles qui sont pratiquées par les supermarchés, self-services ou sociétés de ventes par internet ou via des automates. D'autre part, l'augmentation de la valeur du temps humain a favorisé le remplacement de la communication individualisée via le bouche-à-oreille par une

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communication de masse, sous forme de publicité qui représente aujourd'hui 1% à 2% du PNB dans les pays de l’OCDE. Enfin, l'accroissement de la demande pour les services marketing résulte de (4) la rapidité avec laquelle les consommateurs remplacent leurs biens. La multiplication des biens jetables, non réparables, incompatibles ou dépassés par la mode est une caractéristique de l'économie industrielle. Plus les flux de produits s'accélèrent et la vie des produits se raccourcit, plus nous avons besoin de services de transport, de distribution et de communication commerciale. L'expansion des activités marketing apparaît ainsi comme un résultat et non plus comme une cause ou modus operandi de l'économie de consommation. Au travers de stratégies de communication (comme par exemple l’utilisation de techniques argumentatives ou l’utilisation de symboles et images), l'entreprise peut inciter les consommateurs à modifier leur attitude ainsi que leur comportement par rapport à un produit (comme par exemple sa fréquence d’achat). Dans certains cas, il s'agira d'une véritable falsification du produit ou du service offert (Kostecki 1984). Une telle approche augmentera l'utilisation de certaines techniques marketing dans le but d'élaborer une commercialisation basée sur des stratégies persuasives qui restent évidemment suspectes aux yeux de nombreux consommateurs. Ainsi, la transition progressive de notre économie industrielle vers une économie de service encourage fortement la demande pour les services marketing. L'économie industrielle, suggère Giarini (1994), évalue la production et la richesse en termes de valeur ajoutée, d'output. Dans une économie industrielle, l'augmentation de la productivité signifie l'amélioration du processus de production. Dans une économie de service, par contre, c'est la valeur d'utilisation du service produit qui est au centre des préoccupations. On est moins concerné par le processus de production que par le résultat, c'est-à-dire la satisfaction du consommateur. Cette tendance est d'une importance capitale pour la place du marketing dans la société. C'est en économie de service que l'optique marketing, par opposition à l'optique vente, trouvera son véritable épanouissement. L'optique vente présuppose que le consommateur n'achètera pas de luimême suffisamment de produits d'une marque donnée à moins d'être stimulé pour ce produit. Elle met donc l'accent sur les programmes de stimulation du consommateur par la publicité, la promotion et bien entendu les techniques de ventes. L'optique marketing considère qu'il faut « déterminer les besoins et désirs des consommateurs visés afin de produire de façon rentable, c'est-à-dire de façon plus performante que la concurrence, des biens qui répondent à leurs attentes ». Le marketing se met de plus en plus au service du nouveau consumérisme, responsable, informé et tourné vers un style de vie moins orienté vers l'avoir que vers l'être. Le marketing n'est donc pas un domaine transitoire dont le sort est lié à la société de consommation. Au contraire, c'est un domaine en développement dont le rôle est favorisé par l'évolution de nos économies industrielles vers des économies de service

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(Lovelock & Wirtz 2007). Par conséquent, le marketing existera aussi longtemps que nous serons libres de choisir et d'échanger. Les produits et les services ne peuvent être utiles aux utilisateurs que par l'intermédiaire du système marketing. On constate par ailleurs que le champ d'application du marketing tend à s'élargir pour dépasser le cadre traditionnel des échanges de biens et de services. Ces techniques sont appliquées partout où l'on cherche à obtenir d'un groupe de personnes une réponse spécifique autre que l'achat. Cette réponse spécifique peut être une prise de conscience, un changement d'attitude ou encore de comportement (par exemple cesser de fumer ou de boire de l'alcool). Elle peut aussi être un comportement politique ou le changement d'attitude d'un groupe de pression (par exemple du lobby agricole face au protectionnisme). Ainsi, des organisations publiques, humanitaires ou même des Eglises recourent aujourd'hui aux techniques marketing, qui peuvent devenir des outils de changement social dans l'intérêt d'une entreprise, d'une collectivité ou par exemple d'une Eglise. C'est ainsi que certains parlent de marketing social (voir par exemple Kotler et al. 2002). ENCADRE 7: L’approche marketing et les Eglises Dans son ouvrage sur la crise des Eglises, le pasteur Virgile Rochat s'interrogeait sur la désaffection subie par les Eglises traditionnelles en Suisse et ailleurs et suggèrerait des recettes pour les sortir de la crise. Selon l’auteur, pour conserver les fidèles, l'Eglise doit mettre en application une "véritable stratégie marketing". Hommes et femmes sont en présence d'une multiplicité de choix religieux, culturels et esthétiques face auxquels ils doivent se situer. L'Eglise ne représente plus qu'une possibilité parmi d'autres. Pour garder les fidèles, suggère le pasteur Rochat, l'Eglise doit mettre l'accent sur le réveil, la douceur, le mystère dès la prime jeunesse. Elle doit améliorer la qualité de l'accueil de façon à ce que les fidèles se sentent bien ensemble et qu'ils aient envie de consacrer une part de leur temps de leurs activités au sein de l'Eglise. Elle doit "accrocher" ses adeptes dès la prime enfance grâce à des méthodes pédagogiques actives et améliorer la communication auprès du public. Cette étude était basée sur 92 entretiens approfondis avec des anciens catéchumènes qui avaient à peu près quinze ans à l'époque de mai 68 et qui frôlaient, en 1993, la quarantaine (Rochat 1993). Aujourd’hui, le marketing des églises est devenu une discipline à part entière. Plus d’une vingtaine d’ouvrages de références sont à la disposition des pasteurs afin de les aider à accroître le nombre d’adhérents et maintenir leur image de marque. Le lecteur intéressé par le marketing des églises trouvera une bonne synthèse dans Reising (2006).

4.2. Le marketing, une technique de manipulation de l'homme ? Le marketing, au sens où l'entend le commun des mortels, n'a pas une réputation très enviable. On le réduit volontiers à la publicité et aux techniques de ventes persuasives. On suppose que la démarche marketing est cynique, motivée par le désir du gain à tout prix et qu'elle tente de manipuler le client. Jusqu'à quel point ces accusations sont-elles justifiées? Notons tout d'abord que, dans les deux tiers des cas, le marketing veut dire la commercialisation de biens intermédiaires. La majeure partie des actions marketing UNINE, 2009

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concerne donc le marketing industriel, c'est-à-dire le marketing entre professionnels de l'achat et de la vente qui sont par définition difficilement manipulables. Le postulat suivant lequel le marketing est une technique de manipulation de l'homme ne s'applique donc pas à eux. Il s'applique avant tout au consommateur final. Pour comprendre la manipulation du consommateur, il faut s'interroger sur ses origines et sa raison d'être. Une telle manipulation trouve ses racines dans l'asymétrie entre l'influence des consommateurs et celle des producteurs dans les sociétés démocratiques (Downs 1954). Les intérêts des producteurs, contrairement à ceux des consommateurs, sont fortement concentrés. Il en résulte une asymétrie au niveau du degré d'information et de l'investissement dans le lobbying. Pareto dirait que la situation A est supérieure à la situation B si dans la situation A au moins une personne est plus satisfaite sans que les autres ne voient leur satisfaction diminuer. Dans une société de consommateurs non avertis, le critère de Pareto est bien moins exigeant. Dans une telle société, en effet, la situation A est supérieure à la situation B dès que dans la situation A au moins une personne est plus satisfaite sans que les autres ne sachent qu'ils le sont moins. Pour défendre le consommateur contre la manipulation latente de certaines techniques marketing, il faut l'éduquer. Un consommateur averti est moins manipulable et est plus porté à former un groupe de pression qui combat l'utilisation abusive des techniques de vente. Au fur et à mesure que nous attacherons plus d'importance à la protection et à l'éducation du consommateur, la manipulation en marketing diminuera. De plus, on remarque qu’actuellement, l’utilisation croissante des nouvelles technologies appliquées à la commercialisation augmente la transparence du marché. D’autre part, le rôle croissant des ONG favorisant un comportement plus écologique, responsable et respectueux de l’homme tend également à contrecarrer les potentiels abus manipulatoires du marketing. Avec le temps, il a été démontré que le consommateur développe une connaissance personnelle sur les techniques de persuasion utilisées, entre autre, par le marketing (voir par exemple le travail pionnier de Friestad & Wright 1994). Les recherches empiriques indiquent que le consommateur n’est donc pas impuissant face aux stratégies persuasives de communication qui l’entourent. En effet, les consommateurs apprennent à connaître les stratégies persuasives au travers de leurs expériences avec les amis, la famille, les collègues, via leur propre observation de stratégies marketing ou autres agents de persuasion. Le marketing est une arme. Une arme n'existe, disait Victor Hugo, que par les mains qui la tiennent. Pour réduire les abus d'utilisation des techniques de persuasion marketing, il faut restreindre les mains qui les tiennent par l’éducation, la réglementation et les activités des groupements des consommateurs et autres groupes de pression. L’introduction de cours visant à la compréhension et au décodage des stratégies marketing dans les programmes scolaires actuels serait à ce titre un élément de réponse actif de la société face au potentiel déséquilibre.

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4.3. Le marketing dans l’univers du magistrorum et scholarium Chaque époque a ses sciences. Frank Knight, se référant aux sciences sociales, notait que la place que chacune d'elles occupe dans l'histoire dépend de l'intérêt pratique que les réformateurs sociaux de l'époque lui portent en tant que moyen d'assurer le progrès social. En partant du Moyen Âge pour remonter au début du XXème siècle, Frank Knight énumérait les sciences dans l'ordre chronologique suivant: la religion, la réflexion morale, la loi naturelle, la politique et l'économie. Si les sciences économiques et les sciences de gestion continuent à occuper une place de prédilection dans notre société, c'est parce que la production et la consommation occupent le centre de la vie sociale contemporaine. En parcourant les curricula des universités modernes, nous constatons que plusieurs sujets d'études et même des facultés entières ont disparu ou se sont considérablement rétrécis. L'astrologie, la rhétorique ou la poésie sont quelque peu négligées. D'autres domaines d'enseignement tels que l'économie (depuis bientôt un siècle), la psychologie et la sociologie (depuis quelque soixante ans) ont pris le dessus. Il est facile de constater que le progrès du système économique et le développement du marketing sont interdépendants. Sans libreéchange, c'est-à-dire sans marché, il n'y a pas de marketing. L'importance du marketing s'accroît avec le perfectionnement du processus d'échange. Au cours de la vie d'une personne qui a aujourd'hui soixante-dix ans, la consommation moyenne a environ quadruplé. Comment se fait-il que nous soyons aujourd'hui en mesure de consommer quatre fois plus de biens et de services que nos grands-parents ? Quel est le mystère de cette prospérité si soudaine ? ENCADRE 8: La consommation est aussi importante que le travail Le consommateur dans les pays développés a une durée de vie de l'ordre de 650.000 heures, dont 60.000 heures sont consacrées pour gagner des revenus et 280.000 sont attribuées aux loisirs et à la consommation. Dans les sociétés modernes, le temps consacré aux loisirs et à la consommation a tendance à augmenter, d'où l'importance croissante prise par l'éducation du consommateur et les sciences de la consommation. Ces dernières traitent des questions telles que la motivation du consommateur, le choix du consommateur ainsi que des contraintes et des problèmes auxquels sont confrontées les entreprises sur leurs marchés.

Au risque de simplifier un sujet fort complexe, on peut dire que cette amélioration du niveau de vie est liée avant tout au développement des échanges. Nous sommes plus prospères parce que nous avons appris à échanger et à nous spécialiser, c'est-à-dire à exploiter l'avantage comparatif des individus, des entreprises et des nations. Le marché, tel que discuté plus haut, est l’endroit où les échanges volontaires ont lieu. Dans un marché où plusieurs concurrents offrent leurs produits et services, l'acheteur est libre de choisir ; qui plus est, c'est lui qui dicte aux producteurs ce qu'il faut produire et à quel prix. Dans une société où chaque famille construit sa propre maison, fait son pain et

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fabrique ses vêtements, il y a peu de négoce. Une telle société n'a guère besoin de marketing. Pourquoi le marketing en tant que doctrine managériale et science se développe-t-il au milieu du XXème siècle? Une des réponses possibles est que le changement historique de notre époque a créé le contexte approprié au développement d'une telle doctrine. Les inventions techniques et les doctrines managériales ne semblent pas former de changements historiques; au contraire elles paraissent plutôt subir l'histoire. La construction du piano a eu lieu parce que le romantisme était à la recherche d'autres moyens d'expression que le clavecin avec sa sonorité sèche et géométrique. Le développement des nouvelles théories managériales est la conséquence de la structure de son époque qui dans le réquisitoire des inventions, doctrines et techniques commerciales retient celles qui sont les plus nécessaires. La doctrine du marketing et de l’orientation client prend donc cette place importante dans notre société parce que les forces historiques de notre époque l'exigent. Le marketing est donc une discipline qui reste au cœur de l'économie de marché. Elle s'ordonne autour de la souveraineté du consommateur et autour des échanges. Dans une société basée sur les échanges libres, le marketing, cet art de convaincre, acquiert l'importance d'un savoir-faire essentiel. Ses activités, systèmes et techniques y ont pris une telle importance qu'une réflexion et une analyse rigoureuse s'imposaient comme une nécessité aussi bien pratique (au niveau de l'entreprise et du consommateur) qu'au niveau théorique. Faire accepter l'enseignement du marketing dans le milieu universitaire n'était pas une tâche simple. Les intellectuels ont eu depuis longtemps des préjugés contre le marché. Depuis la Grèce antique, le marché était associé avec le commerce et le commerce fut considéré par les philosophes comme une activité basse et méprisable. George Stigler suggère que la principale raison de l'hostilité que les intellectuels gardent toujours à l'encontre du marché est l'ignorance. Il ne se réfère pas aux formulations mathématiques, courbes de coût et modèles statistiques qui remplissent les journaux spécialisés d'économie et de marketing. Stigler suppose très poliment que les intellectuels connaissent tout cela. Ce qu'ils ne connaissent pas, c'est la simple et rudimentaire logique du marché (Stigler 1985).

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QUESTIONS DE RÉVISION

1.

Qu'est-ce que le marketing ? Proposez deux définitions alternatives.

2.

Comment décririez-vous la démarche marketing en se référant au cas d'un produit spécifique?

3.

Qu'est-ce que le marketing mix?

4.

Peut-on parler de marketing scientifique ? Donnez quelques exemples de travaux scientifiques en marketing.

5.

Quelles sont les principales difficultés d'application de la méthode scientifique dans le domaine du marketing ?

6.

Quelle est la différence entre l'orientation vente et l'orientation marketing ?

7.

Quels éléments présentés dans le tableau 3 sont particulièrement visibles dans le cas de Mercedes-Benz ?

8.

Pourquoi l'équilibre entre l'orientation production et l'orientation marketing s'est-il modifié au cours des années dans l'industrie automobile de haut de gamme ?

9.

Donnez d'autres exemples de secteurs dans lesquels cet équilibre est aussi en train de changer. Quelle est la tendance dans le secteur qui vous concerne ?

10.

Pourquoi la demande pour les services marketing augmente-elle ?

11.

Quelle est la place du marketing dans une économie de service ?

12.

Comment le champ du marketing tend-il à s'élargir ? Donnez quelques exemples se référant à la protection de l’environnement et à l’Internet.

13.

Quel est le rôle principal de la protection du consommateur face au marketing?

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RÉFÉRENCES :

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Partie 2 : Concepts de base et théorie générale du marketing

5. Typologie des marchés et marketing Le marketing est étroitement lié aux concepts d'échanges et de marché. Un marché peut être une notion géographique comme, par exemple, le marché aux puces ou une notion difficilement localisable, comme dans le cas des marchés financiers. On peut distinguer différents acteurs et structures d'un marché. Parmi les acteurs, on mentionnera les firmes, les clients, les agences publiques réglementant le marché, les groupes de pression (par exemple, les associations de producteurs ou de consommateurs) et les arbitres influençant les conditions du fonctionnement du marché. On fait souvent la distinction entre un marché efficace et un marché inefficace. Un marché efficace est un marché dans lequel il y a peu d'opportunités de conclure des contrats particulièrement avantageux car tout ce que l'on peut savoir au sujet d'un produit à vendre est reflété dans son prix (par exemple, le marché des matières premières). Dans un tel marché il y a moins de place pour le marketing. L'art du marketing est en grande partie l'art de bénéficier des inefficacités du marché et de créer des opportunités là où cela s'avère profitable pour l'entreprise et acceptable pour les autorités. Le rôle et la nature des activités marketing varient selon le type de marché dans lequel la firme vend ses produits. Une typologie des marchés, qui nous paraît particulièrement utile pour le marketing, est basée sur le critère du pouvoir dans les relations entre le fournisseur et la clientèle (Figure 5). Le marché captif caractérisait dans le passé les marchés des pays communistes de l'Europe de l'Est. Dans les pays occidentaux, il coexistait très fréquemment avec le monopole de l'Etat dans les domaines tels que la poste ou les téléphone. Il faut néanmoins noter que de nombreuses dispositions ont été prises ces dernières années, notamment avec le soutien de l’organisation mondiale du commerce, de manière à libéraliser ces derniers monopoles d’Etat. Afin d'empêcher l'existence d'un marché naïf dans le domaine des services médicaux, l'Etat et les associations professionnelles réglementent l'accès et contrôlent la performance des fournisseurs sur ce marché (notons que les activités réglementaires des associations professionnelles peuvent être aussi la source de grands avantages économiques pour leurs membres au détriment des intérêts des consommateurs).

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Le marché concurrentiel existe aujourd'hui dans la majeure partie des secteurs des pays développés (par exemple le marché des ordinateurs). A l'heure de la crise immobilière, on parle souvent du marché saturé de la consommation. L’économie contemporaine des pays développés, qui est une économie de services, est de plus en plus caractérisée par l’existence de marchés saturés de produits matériels. Cela comporte des implications considérables pour la nature de l’activité marketing (voir le chapitre 7). FIGURE 5 Qui a le pouvoir ? Les relations entre le fournisseur et sa clientèle

6. Les objectifs de la firme et le marketing La vision marketing dépend très fortement du type de firme qui la pratique. Il existe une grande diversité de firmes, désignées par des patronymes ou une raison sociale (ex: Nestlé, Sulzer A.G. ou Google). Il existe également des entreprises qui ne sont composées que d’un seul individu (par exemple un artisan indépendant). Enfin, le concept de la firme inclut aussi des institutions à but non lucratif (telles que la Croix-Rouge, l’école publique ou l’église) dont l’objectif est de créer l’utilité sans faire passer leurs produits et services par le marché. FIGURE 6 La firme, l’entreprise et la société industrielle

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Chaque firme opérant dans un marché indépendamment de sa nature a besoin de marketing afin de gérer le plus rationnellement possible le lien entre ses activités internes et son environnement. Dans le cas de l’utilisation des techniques marketing au service des firmes telles que la Croix-Rouge et l’école publique ou pour convaincre le citoyen d’adhérer à une cause (ex: anti-tabagisme), on parlera, comme vu précédemment, de marketing social. Un système est un ensemble d’éléments qui tentent de réaliser un objectif commun. La firme est un « système hétérogène composé d’éléments réels tels que les employés ou les machines et d’éléments idéaux tels que sa stratégie (vision), son image ou sa culture d’entreprise ». Le système productif est un système qui crée de la valeur dans la conversion des inputs (entrants) en outputs (extrants). Le système marketing de l’entreprise est un « système productif qui établit le lien entre la production et la consommation ». Les activités marketing sont généralement considérées comme des activités de service. Le service marketing, tel que les études de marché, a des extrants intangibles. Cependant, certaines autres activités marketing, comme par exemple le commerce de détail, combinent outputs intangibles avec outputs tangibles. La théorie des systèmes fait aussi la distinction entre les systèmes mécaniques et les systèmes biologiques. Les systèmes mécaniques (par exemple une perceuse) sont entièrement tournés vers l’extérieur : ils modifient leur environnement sans se changer eux-mêmes. Les systèmes biologiques ont la capacité de se modifier eux-mêmes (au moins dans certaines limites) (Bochenski, 1985). La firme moderne, c’est-à-dire la firme appartenant à une économie de services est un système qui s’approche plus d’une vision biologique que mécanique (Kostecki, 1994). Cette dynamique de la firme est façonnée par des éléments externes et des éléments internes. Dans le cas de l’entreprise, cinq catégories d’éléments internes peuvent être mentionnées: (1) Les affaires, c’est-à-dire les activités économiques de la firme ; (2) Les hommes de qui le succès des affaires de la firme dépend ; (3) La technologie, c’est-à-dire l’application du savoir dans le domaine des systèmes, de la chimie et de la biologie afin de créer la valeur et soutenir le travail des hommes tout en contribuant au produit des affaires (Karoutchi, Kostecki, 1994) ; (4) L’équipement et les matériaux ; (5) Le capital financier et les propriétaires. La technologie contient ce que Proudhon appelle le « génie », c’est-à-dire l’invention technologique. Le concept de « génie » peut être élargi pour y inclure également les inventions à caractère commercial et managérial (le « génie managérial »). Le marketing s’occupe essentiellement des relations externes. Les éléments externes peuvent être groupés dans les catégories suivantes : les clients, les concurrents, l’Etat et les groupes de pression (ex: le mouvement des consommateurs ou les écologistes). L’importance relative des éléments externes varie considérablement selon le type de

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produit, la réglementation, la structure du marché, etc. L’action marketing est différenciée selon l’élément externe vers lequel elle est principalement dirigée. L’entreprise orientée clients mettra l’accent sur la fidélisation de sa clientèle par la qualité de son service, la personnalisation, la continuité de la relation, et fréquemment aussi la durée du produit (si désiré par le client). L’entreprise orientée concurrents favorisera l’expansion, la recherche de nouveaux clients, la publicité visant une plus grande pénétration du marché ou une forte concurrence par les prix. L’entreprise orientée partenaires cherchera à créer et à soigner les alliances qui constituent la principale source de son avantage concurrentiel. L’entreprise orientée vers les groupes de pression ou l’Etat privilégiera les relations publiques et le lobbying. Evidemment, comme vu précédemment, une entreprise pratiquant l’orientation-marché se doit d’agir simultanément tant sur ses éléments externes que ses éléments internes. Le tableau 6 résume les différentes formes d’action marketing selon l’importance relative des éléments externes visés. TABLEAU 6 Stratégie marketing et importance relative des éléments externes Eléments externes

Caractéristique de l’action marketing

Clients

Fidélisation par la personnalisation, qualité du service et du produit, continuité et accent sur la satisfaction du client dans l’utilisation du produit (sentiment post-achat)

Concurrents

Recherche de nouveaux clients, stratégies prix, publicité et promotion visant une plus grande pénétration du marché et une expansion des marchés. Accent sur l’image

Partenaires

L’action marketing vise à convaincre les partenaires que la coopération et la continuité des relations se traduisent par des avantages mutuels et à renforcer des liens relationnels

Etat

L’instrument principal du marketing est le « lobbying » qui vise à modifier le cadre réglementaire en faveur de l’entreprise et le « rentseeking »

Groupes de pression

L’instrument principal utilisé : les relations publiques. L’objectif de l’entreprise revient à minimiser l’opposition et à maximiser le soutien des groupes de pression et des autres publics

L’analyse traditionnelle de l’entreprise se focalisait avant tout sur les actionnaires en tant que propriétaires de la compagnie (« shareholders theory »). Sous cette perspective, l’entreprise avait un devoir prioritaire qui était d’accroître la valeur pour ses actionnaires. Nous avons vu précédemment que le modèle input-output de la firme nous permet de comprendre comment l’entreprise convertit les inputs des investisseurs, employés et fournisseurs, en outputs que les consommateurs achètent. Selon cette conception, la firme ne s’adresserait donc qu’à quatre acteurs : les investisseurs, les fournisseurs, les UNINE, 2009

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employés et les clients. Cependant, depuis le travail pionnier de Freeman (1984), les sciences managériales ont identifié un modèle plus affiné de l’entreprise : il s’agit de la théorie des parties prenantes (« stakeholders theory »). Selon la conception amorcée par le Professeur Freeman, le nombre de parties prenantes impliquées dans le processus de la firme est bien plus large et inclut le gouvernement, les groupes politiques, les associations commerciales, les communautés, ou encore le public au sens large. Cette conception inclut donc les éléments internes de l’entreprise tels que les employés ou des éléments externes tels que les fournisseurs, clients, ou associations commerciales. L’approche offerte par la théorie des « stakeholders » soutient que toutes les personnes ou groupes ayant des intérêts légitimes par rapport à une entreprise le font pour obtenir des bénéfices sans pour autant qu’il n’y ait de priorité supérieure de certains intérêts sur les autres (Donaldson and Preston 1995). Comme indiqué dans la Figure 7, les flèches reliant la firme et les parties prenantes vont dans les deux directions. Les personnes intéressées par la théorie des parties prenantes trouveront une revue de la littérature récente ainsi qu’une application du concept au cas de Greenpeace dans Friedman et Miles (2002). FIGURE 7 Des modèles contrastés : modèle input-output vs. stakeholders

(Source: Donaldson and Preston 1995, pp.68-69)

ENCADRE 9: Gérer les relations avec ses stakeholders – le cas de la société Amway La société Amway est une société globale qui manufacture et distribue plus de 450 produis (notamment des produits de beauté, d’entretien ou des compléments nutritionnels) sur près de 80 marchés. Amway travaille avec différents groupes d’intérêts pour mener à bien ses affaires tels que ses fournisseurs, ses employés, ses clients, mais aussi différentes communautés et le public au sens large. Cette compagnie utilise différents canaux pour communiquer avec ses différentes parties prenantes. Leur site internet ainsi que les emails sont utilisés afin de promouvoir les produits au près des revendeurs indépendants et des consommateurs finaux. L’affiliation à des associations commerciales permet à l’entreprise de se tenir informée et de partager des données et points de vue sur l’industrie avec

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d’autres membres du secteur. Les publications ont pour but d’informer le public sur leurs activités et les évènements et les expositions permettent également de s’adresser à d’autres groupes d’intérêts. Amway développe des campagnes supportant également les intentions sociales de l’entreprise. Développer l’image de l’entreprise est essentiel pour une société dont le plan d’affaire repose sur la création de relations avec des individus, mais aussi la communauté au sens plus large. L’établissement de son projet de responsabilité sociale est un outil important de sa communication. Les contributions de près de 300 millions de dollars pour des ONG depuis la création de l’entreprise ont pour but de renforcer cette prise de participation active dans les intérêts de ses parties prenantes, notamment au travers de ses collaborations avec l’UNICEF. Son règlement d’éthique commerciale permet de guider le comportement de l’entreprise et de ses parties prenantes. Dans un marché compétitif où les offres tendent à être similaires, cette implication dans les intérêts de la communauté et cette attention donnée aux aspects environnementaux fournissent clairement des éléments permettant de renforcer l’avantage compétitif de la firme. Parmi les différentes actions prises par l’entreprise, on dénote par exemple l’utilisation de produits biodégradables, l’utilisation d’énergie propre pour l’alimentation de leurs centres de production, etc. En effet, l’entreprise a remarqué qu’avoir des pratiques commerciales qui n’intègrent pas le comportement éthique peuvent mener les parties prenantes à reconsidérer leurs relations avec la compagnie. Par exemple, les fournisseurs peuvent arrêter de vendre ou les consommateurs d’acheter. Au niveau de la compagnie, cela peut nuire à la réputation, ce qui par conséquent influencerait un plus large public et par conséquent, affecter la profitabilité de l’entreprise.

La firme est un système dynamique créé par l’homme et poursuivant certains objectifs. Afin de comprendre l’entreprise en tant que système dynamique, il est utile de commencer par la définition et l’analyse de ses objectifs. La théorie générale des objectifs appliquée aux thèmes dynamiques fait la distinction entre deux types d’objectifs: (a) Les objectifs immanents (finis operis) et (b) Les objectifs transcendants (finis operantis) (Bochenski, 1985). Je répare mon horloge pour qu’elle fonctionne (finis operis), mais je veux que l’horloge fonctionne pour pouvoir l’offrir à mon amie (finis operantis). Autrement dit, (a) est le moyen utilisé pour atteindre (b). L’homme craint les objectifs immanents issus de sa propre création, car de tels objectifs limitent sa liberté. Si je peins ma maison pour qu’elle soit propre (finis operis), j’ai peu de liberté face à l’objectif immanent de mon action de peindre. En faisant mon travail de peintre, je ne peux pas empêcher que la maison soit peinte et je suis obligé d’utiliser certains types de moyens tels que la peinture ou l’échelle. Quel est l’objectif immanent de l’entreprise ? Prenons l'exemple d'une entreprise de transport ferroviaire. Toute la structure immanente d’une telle entreprise, tout son équipement et la compétence de son personnel visent, entre autre, à transporter de manière profitable les objets ou les personnes par train. Le transport ferroviaire profitable est donc l’objectif immanent de l’entreprise des chemins de fer (ceci incluant bien entendu toutes les activités connexes au transport). Généralisé à l’échelle de l’économie tout entière, l’objectif immanent principal de l’entreprise est par conséquent la production rentable. UNINE, 2009

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L’entreprise n’a pas de conscience et de volonté propre: il faut donc refuser l’anthropomorphisme dans notre analyse de l’entreprise. Tel qu’exposé plus haut, l’action de l’entreprise est déterminée par plusieurs groupes d’intérêt tels que les propriétaires (actionnaires), les clients, les employés, l’Etat, les gestionnaires, les fournisseurs ou les partenaires. Il s’agit d’une grande diversité d’intérêts particuliers qui sont très fréquemment contradictoires (Figure 8). FIGURE 8 Les objectifs de l’entreprise et les intérêts particuliers

Le rapport de force affectant l’entreprise a évolué au cours des dernières décennies à l’avantage des employés au détriment des propriétaires. Actuellement, le rapport de force continue d’évoluer à l’avantage des consommateurs et au détriment des propriétaires et des employés. Cela pose un nouveau challenge pour le marketing et modifie en profondeur sa nature. Cette diversité d’intérêts illustrée dans la Figure 8 nous amène à deux observations importantes. La première est qu’il existe des contradictions entre les objectifs particuliers des groupes d’intérêts. Il faut noter néanmoins que la réalisation des objectifs de chaque groupe d’intérêts passe par la réalisation de l’objectif immanent de l’entreprise qui est la production rentable. Ceci nous amène donc à la deuxième observation qui est que le respect des intérêts particuliers au sein d’une entreprise * *, L*, S*, G* X*] est donc logiquement subordonné à l’objectif immanent principal. C’est au gestionnaire, qui veille à la bonne marche de l’entreprise, d’établir jusqu’à quel degré, chaque objectif particulier sera réalisé (parfois contre la pression de tous). Nous avons vu que la firme englobait une multitude d’acteurs aux intérêts parfois divergents. Il faut également noter que chaque entreprise est également caractérisée par une certaine structure de l’autorité. On peut faire la distinction entre : (a) l’autorité épistémique, c’est-à-dire l’autorité dont la source se trouve dans le domaine de la UNINE, 2009

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connaissance (ex: l’autorité d’un consultant en marketing ou d’un juriste) et (b) l’autorité déontique, c’est à dire l’autorité de donner des directives ou d’établir des règles de conduite. L’autorité d’un manager est avant tout de nature déontique. Il existe deux types d’autorités déontiques : (a) l’autorité de sanction et (b) l’autorité de solidarité. L’autorité de sanction correspond par exemple à l’autorité d’un malfaiteur armé qui force quelqu’un à lui donner son argent. D’autre part, l’autorité de solidarité peut être illustrée par l’autorité du capitaine d’un yacht qui cherche à sauver le bateau et son équipage pendant la tempête. L’objectif du marketing est d’utiliser avant tout l’autorité de solidarité dans les relations avec les clients, les partenaires et les employés et de réduire autant que possible l’utilisation de l’autorité de sanction.

7. Les échanges Le processus des échanges volontaires est au centre des préoccupations du marketing. Dans une société où le libre choix et les échanges sont le fondement de la prospérité, l’art de convaincre et la connaissance des techniques et des approches marketing sont d’une grande utilité. L’échange peut être perçu comme une relation interpersonnelle ou bien comme une relation par l’intermédiaire des produits échangés. La forme la plus simple de l’échange est le troc, c’est-à-dire l’échange sans intermédiaire de monnaie. Quels sont les éléments de troc et quel est son mécanisme essentiel ? ENCADRE 10: Faut-il revenir au troc ? Les premiers systèmes d’échanges locaux (local exchange trading systems) sont apparus au Canada dans les années 80. En 1993, on notait par exemple que quelque cent mille Britanniques avaient fait recours au troc pour satisfaire de multiples besoins de leur vie courante. Ce troc des services consiste à dire: - je te répare ta machine à laver mais tu donnes des leçons de piano à mon fils. Certains de ces réseaux disposent de jetons, c’est-à-dire qu’ils sont assortis d’une véritable monnaie locale. Les services offerts vont par exemple de l'enseignement au baby-sitting et de l’enregistrement de films au dépannage informatique. Les prix sont calculés sur l’effort moyen d’une tâche. Les spécialistes du réseau, souvent des personnes au chômage (avocats, mécaniciens, etc.), gagnent beaucoup moins que sur le marché normal des services. Néanmoins, dans le cas du troc, aucun impôt n’est payé car il s’agit d’une activité au noir. De tels réseaux existent également en Suisse et semblent attirer encore, à l’heure actuelle, un certain nombre d’adhérents (voir par exemple http://www.selsuisse.ch/).

Le mécanisme du troc est décrit dans la figure 9. La relation A-B est une relation réciproque interpersonnelle. Elle peut prendre deux formes extrêmes: (a) une relation d’échange c’est-à-dire une relation motivée par les bénéfices spécifiques que A et B se procurent mutuellement et (b) une relation communale c’est-à-dire une relation dans laquelle A est concerné par le bien-être de B et B est concerné par le bien-être de A. UNINE, 2009

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FIGURE 9 Le mécanisme du troc

Dans sa forme extrême, la relation A-B en tant que relation communale peut être représentée par des relations entres les membres d’une famille ou au sein d’une école entre un enseignant et son élève. Les relations d’échanges peuvent donc être réalisées à travers l’échange de produits (la chaîne A-X-Y-B) et les échanges personnels (A-B). Dans un modèle de la concurrence pure et parfaite, les relations d’échange sont réalisées uniquement à travers les échanges des produits. Dans une perspective marketing, une telle vision semble cependant inacceptable car le marketing met aussi l’accent sur l’aspect relationnel des échanges. En effet, la gestion et la construction de la relation avec le client est en quelque sorte l’essence même du concept marketing (Morgan et Hunt 1994). Pour certains types de produits (ex: services personnalisés) le marketing relationnel prend une très grande importance (Christopher et al. 1991). Les relations interpersonnelles (A-B) d’échanges sont souvent développées par les relations publiques. Le principe de réciprocité guide aussi bien les relations interpersonnelles de communication que celles de l’échange de la chaîne (A-X-Y-B) (la livraison de produits contre un paiement). Le marketing n’est donc pas une démarche linéaire qui aurait un début et une fin, mais un système d’interactions entre le producteur, le client, les intermédiaires, l’environnement, etc. La notion de marketing trouve sa source dans les relations de réciprocité entre un producteur et un client (consommateur, utilisateur).

8. Contrats et relations Le débat soulevé précédemment au sujet de la multiplicité des parties prenantes ainsi que sur les différentes formes d’autorité nous amène à voir la firme comme un ensemble de contrats et de relations. La firme crée l'utilité « en développant et combinant ses contrats et ses relations de manière à maximiser la valeur ajoutée ». La nature distincte des contrats et des relations constituant une firme est aussi importante que leur qualité car dans un marché efficace il y a peu d'opportunités pour développer des contrats et des UNINE, 2009

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relations différentes de celles développées par les concurrents (Kay 1993). Le marketing était traditionnellement centré sur la firme et ses clients (marketing externe). Depuis peu, les approches et les méthodes marketing sont aussi utilisées dans les relations entre la direction et les employés de la firme (marketing interne) et dans les relations entre la firme et ses partenaires (marketing en réseau). Chaque entreprise entretient des relations commerciales avec ses clients, ses fournisseurs, ses partenaires et même ses concurrents. Les relations commerciales peuvent avoir trois composantes principales: (a) la coopération ; (b) la coordination et ; (c) la différenciation. La coopération est une activité conjointe visant un objectif commun. La coordination veut dire cohérence des actions menées par les acteurs concernés. La différenciation est l'action d'éviter les activités mutuellement incompatibles. Il est utile de distinguer entre la coopération à fond (« consummate ») et la coopération formelle (« perfunctory ») (Kay 1993). La coopération à fond implique que les parties concernées s'efforcent d'atteindre un objectif commun en partageant l'information et le savoir-faire tout en restant flexible (par exemple, la coopération entre les membres d'un ménage). La coopération à fond implique donc l’autorité de solidarité. La coopération formelle est le degré de coopération qui peut être imposé par la loi ou la menace d'une sanction (par exemple, la coopération entre le client et son bureau de poste). La coopération formelle implique donc l’existence de l’autorité de sanction. La durée est une autre variable importante pour expliquer la nature des relations commerciales et des activités marketing qui en font partie. La première distinction à faire est celle qui concerne la durée des relations à court terme et des relations à long terme. Les relations à court terme reposent sur un contrat "spot" c'est-à-dire un contrat pour un échange immédiat. La courte durée d'une relation commerciale peut être due à la nature de l'offre, à la nature de la demande et aux circonstances dans lesquelles l'échange a lieu. Un restaurant qui cible le marché des consommateurs de passage ne revenant pas régulièrement dans la localité concernée, base ses relations avec la clientèle sur un contrat spot. Il s'agit donc de relations à court terme. La demande individuelle se manifeste de manière temporaire et unique. Le restaurateur étant conscient de la durée limitée et du caractère non-répétitif de ses relations avec la clientèle répondra par une offre à court terme, c'est-à-dire par une offre qui ne cherche pas à fidéliser le consommateur (une telle situation peut être modifiée par exemple par le régime d'une franchise sous lequel la fidélisation de la clientèle à la marque du franchiseur aura du sens). Un échange relationnel signifie l'échange dans lequel les éléments essentiels pour la réussite du contrat ne peuvent pas être raisonnablement garantis par l'application de la loi. Un échange à court terme correspond à un échange immédiat (spot) où la réciprocité est réalisée dans le cadre d'une transaction unique. Le contrat à long terme implique évidemment une plus longue durée des relations entre les parties concernées. La fidélisation des clients est d'habitude une considération importante dans ce type de contrats et la personnalisation un investissement à considérer. Le contrat à long terme UNINE, 2009

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nécessitera un certain degré de coopération, coordination et différenciation dans les relations de longue durée entre le producteur et son client. Indépendamment de sa durée, le contrat peut être de nature formelle ou relationnelle avec de nombreuses implications pour les techniques marketing utilisées. La nature du contrat déterminera par exemple le choix des méthodes employées pour assurer le respect des engagements des partenaires concernés (voir tableau 7). TABLEAU 7 Typologie des échanges : la nature dominante et la durée Nature formelle

Nature relationnelle

Durée à court terme

Titre de transport en commun

Collecte de fonds après un concert

Durée à long terme

Contrat de location

Contrat de mariage

9. La perception et l’image Les concepts tels que l’image et la perception sont des notions très importantes en marketing. La perception du produit signifie « la fonction par laquelle l'être humain ou l'organisation se représente les produits et l'acte par lequel s'exerce cette fonction ». Une partie de ce que le consommateur perçoit lui vient à travers ses sens, ce qu’il voit, sent, etc. (le produit et son environnement); l’autre partie de ce qu’il perçoit est déterminée par son esprit. Le marketing met en évidence les caractéristiques perçues (ou caractéristiques subjectives) du produit plutôt que les caractéristiques intrinsèques (ou caractéristiques objectives) appartenant à l'essence du produit ou à son prix. Les designers industriels et les chercheurs en marketing reconnaissent que la perception des caractéristiques subjectives par le consommateur exerce une influence importante sur l’évaluation du produit (Srinivasan et al. 1997). Cela ne veut pas dire que les caractéristiques intrinsèques du produit doivent être négligées mais que la perception du produit est au moins aussi importante que ses attributs réels. L'image est « la représentation mentale ou sociale d'un produit résultant d'une perception ou impression antérieure ». La valeur ne compte que si elle peut se manifester. L’image est donc en dernier ressort la variable principale déterminant le comportement d'achat et le sentiment post-achat du client. Le marketing tente d’optimaliser l'image du produit, c'està-dire, rendre les attributs perçus d'un produit les plus conformes aux besoins et désirs des consommateurs (utilisateurs) et optimiser la disponibilité du produit là où ses besoins et désirs se manifestent. Communiquer l’image d’une marque à un segment clef de consommateurs est considéré depuis longtemps comme une des activités principales du responsable du marketing (Reynolds & Gutman 1984). De nombreuses variables influent sur l’image du produit. A titre illustratif, une liste non-exhaustive de ces variables est présentée dans la figure 10. UNINE, 2009

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FIGURE 10 Quelques variables déterminant l’image du produit

Il est cependant important de ne pas confondre l’identité et l’image. Tel qu’illustré dans la figure 11, l’identité correspond à la manière dont l’entreprise ou la marque souhaite être perçue par le marché. L’identité est une propriété que l’émetteur du message (ici l’entreprise) souhaite transmettre et définit selon sa propre stratégie. D’autre part, l’image correspond aux perceptions concrètement effectuées par le récepteur du message, le client, public, ou autre partie prenante. Le message, ou le signal transmis, s’effectue via le produit lui-même (un produit incarne un message en lui-même), les personnes (par exemple la force de vente) ou encore les outils de communication (la publicité, les relations publiques, le site internet, etc.). Il peut exister des différences importantes entre l’identité telle que définie par l’entreprise elle-même et l’image perçue par le récepteur du message. Cette distorsion peut être due notamment aux bruits qui interfèrent lors de la transmission du message (par exemple, une rumeur qui viendrait détruire la réputation de l’entreprise, ou tout simplement, une incompréhension du message transmis par le public).

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FIGURE 11 Identité et image

Source : Inspiré de Kapferer 2007

Evidemment, l’image est un facteur bien plus important dans le cas du marketing des produits de consommation que du marketing industriel, caractérisé par plus de rationalité et de professionnalisme dans l’achat. Néanmoins, l’image de l’entreprise et l’image du « made-in » peuvent avoir une grande importance dans le marketing industriel, particulièrement lors de la pénétration de nouveaux marchés étrangers (Usinier, 1992, Kostecki, 1994). ENCADRE 11: La perception et le nombre de timbres Une organisation de bienfaisance constatait récemment, lors de sa campagne de collecte de fonds, que les enveloppes-réponses affranchies avec sept timbres apportaient 50% de plus de dons (en termes de revenu moyen) que les enveloppes affranchies avec un seul timbre de même valeur

10. Attributs du produit, utilité et valeur Le besoin trouve ses origines dans un sentiment de manque du client. L’homme pour vivre doit manger, s’abriter, se vêtir, faire partie de la société, etc. La firme pour pouvoir fonctionner doit aussi se procurer de nombreux inputs tels que les matériaux, la technologie, les services aux entreprises, etc. En d’autres termes, aussi bien les individus (consommateurs) que les institutions (clients organisationnels) ont des besoins. Certains besoins sont faciles à déterminer parce que le client sait exactement ce qu’il veut acheter. Dans d’autres situations, le client peut avoir besoin d’une aide dans la définition de ses besoins (Karoutchi & Kostecki 1994). L’interprétation de certains spécialistes du marketing selon laquelle le marketing ne crée pas de besoins nous paraît donc peu convaincante. La littérature marketing fait souvent une distinction entre le besoin et le désir du client. Le désir signifie « un moyen privilégié de satisfaire un besoin ». L’action marketing est souvent utilisée pour influencer les désirs du client. Par exemple, un message publicitaire peut UNINE, 2009

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suggérer au client qu’un certain modèle de montre peut servir à satisfaire un besoin d’estime. Le cheminement entre la satisfaction des besoins du client et les attributs du produit occupe une place importante dans l’analyse marketing. Le schéma d’un tel cheminement est représenté la figure 12. Le modèle s’applique aussi bien au marketing des produits de consommation qu’au marketing industriel. Les nombreuses variables qui déterminent la valeur du produit pour le client, c’est-à-dire sa capacité de satisfaire les besoins du client, sont discutées en détail dans les chapitres suivants.

FIGURE 12 La chaîne caractéristiques - attributs - perceptions - priorités – utilité (CAPPU)

Afin de comprendre l’anatomie du processus marketing il est utile de faire une réflexion autour de cinq concepts clés : (a) la disponibilité, (b) l’image, (c) la capacité d’achat, (d) la capacité d’utilisation et (e) l’utilité. Afin de vendre un produit, il faut qu’il soit disponible. La disponibilité inclut aussi la présence des attributs qui maximisent la valeur perçue du produit aux yeux du client. Assurer la disponibilité est donc un des premiers objectifs du marketing. Le client choisit son produit en fonction de l’image. C’est donc en dernier ressort la valeur perçue (degré de présence perçue de l’attribut) qui déterminera le comportement d’achat du client. L’optimisation de l’image que les clients se font d’un produit est donc le deuxième objectif du marketing. L’offre pour être réalisée, doit s’adresser aux clients qui disposent d’une capacité d’achat suffisante et d'une capacité d’utilisation.

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L’action marketing maximisera la capacité d’achat de ses clients (a) par un ciblage approprié des clients cibles pour le produit ou service et ; (b) par l’offre de crédit à la clientèle. La capacité d’utilisation sera maximisée par le ciblage et par les cours de formation offerts à la clientèle (ex: cours d’informatique pour les clients des ordinateurs). Finalement, l’utilité peut être perçue ex ante et ex post. L’utilité ex ante ou la valeur perçue ex ante est influencée par les variables déterminant les attributs perçus (voir figure 12). L’utilité ex post ou la satisfaction est déterminée par les facteurs tels que le sentiment post-consommation (post-utilisation), la différence entre les attentes et le vécu, la satisfaction des autres clients, etc. FIGURE 13 Processus de détermination de la valeur définie par le client

(Source : inspiré de Woodruff 1997)

La valeur et la satisfaction sont des notions clefs du marketing. En effet, un produit n’aura d’impact que s’il procure de la valeur et de la satisfaction à son acheteur. Créer de la valeur pour le consommateur (« customer value ») est une activité centrale en marketing orienté client. Bien qu’étant utilisée abondamment, on note cependant une importante confusion concernant cette notion dans la littérature marketing. Cela étant, tous les chercheurs s’accordent à soutenir que la valeur est quelque chose qui est perçu par le client d’un produit ou service, plus qu’un élément objectif déterminé par le vendeur. A défaut d’entrer dans des considérations techniques et par souci de clarté, il est proposé ici d’adopter la définition de la valeur comme étant « le rapport entre les bénéfices attendus et les coûts tangibles et intangibles perçus par les clients ». Plus la préférence perçue des attributs du produit et de ses performances est importante, plus le client attachera de la valeur au produit. Inversement, plus le prix est élevé, moins le client accordera de la valeur, in ceteris paribus. Comprendre et intégrer cette valeur pour le consommateur est primordial pour l’entreprise dans le développement de ses produits et services : il s’agit d’intégrer la voix du client dans le processus de développement des activités de la firme. Si la plupart des entreprises utilisent les études de satisfaction pour mesurer la valeur UNINE, 2009

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accordée par le client, le Professeur Woodruff (1997) suggère une approche intéressante permettant de déterminer cette valeur accordée par le client (Figure 13) La chaîne de valeur du client est un aspect qualitatif important dans la compréhension de la clientèle. Elle comprend l’ensemble des activités exécutées par le client produisant de la valeur pour lui-même (Porter 1985). L’orientation-client cherchera à atteindre un degré d’intégration optimal entre la chaîne de valeur de la firme et celle du client. Exemple : La gestion d’un compte de placement d’un client peut être partiellement placée dans la chaîne de valeur du client par l’intermédiaire de l’e-banking au foyer du client. Le service à table dans un restaurant peut être localisé dans la chaîne de valeur du client par le selfservice qui améliore le processus du choix du client (ex : table centrale sur laquelle l’alimentation est exposée) etc. Cet aspect sera analysé plus en détails dans les chapitres suivants. ENCADRE 12: La chaîne ou la constellation de valeur ? Un nombre croissant de managers pense en termes de chaînes de valeur du consommateur et intègrent d'autres acteurs économiques dans leurs réseaux (fournisseurs, partenaires, concurrents). Un exemple d'une telle stratégie est celle du distributeur des meubles IKEA. Au lieu d'être un maillon dans la chaîne de valeurs des clients, IKEA se positionne au centre d'une "constellation de valeurs". IKEA intègre aussi bien ses clients que ses nombreux fournisseurs et partenaires dans la structure de ses affaires. Par exemple, en échange des bas prix et des services d'une garderie d'enfants, IKEA demande à ses clients de transporter et d'assembler les meubles eux-mêmes.

11. Connaître ses clients 11.1. Les acteurs de la transaction et la relation avec le producteur Plusieurs types d’acteurs participent aux transactions vente-achat: la plus simple différenciation est celle entre vendeurs et acheteurs. Les vendeurs sont d’habitude les producteurs ou les intermédiaires. De temps en temps, on trouvera aussi parmi les vendeurs, les particuliers qui deviennent des vendeurs ad hoc (par exemple dans le marché de produits usagés). Les acheteurs du produit d’une firme sont les clients de la firme. On distingue entre les clients institutionnels (tels que les clients provenant d’entreprises ou les clients provenant des organisations publiques) et les clients individuels. Le comportement d’achat des clients institutionnels (entreprise ou agences publiques) reste le centre d’intérêt du marketing industriel. Le comportement d’achat des ménages ou des individus est la préoccupation principale du marketing des biens de consommation. UNINE, 2009

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ENCADRE 13: Consommateur, utilisateur, client, acheteur ? Les termes « consommateur », « utilisateur », « client » ou « acheteur » sont souvent utilisés dans la théorie du comportement d’achat. Il est donc utile de clarifier les différents aspects de leur signification afin de préciser le cas où ils ne peuvent pas être utilisés de manière interchangeable. Le consommateur est la personne qui utilise des marchandises et des services pour la satisfaction de ses besoins. Dans le cas de beaucoup de services, il est préférable de remplacer le terme de consommateur par celui d’utilisateur qui suggère une contribution productive (« prosumer »). En effet, un certain savoir-faire ou d’autres formes d’inputs de la part du consommateur peuvent être nécessaires pour utiliser les marchandises et les services. L’acheteur est la personne qui procède à l’achat. Le client est la personne (physique et morale) qui requiert des marchandises et services moyennant rétribution. Par exemple, Jean a 5 ans. Il est consommateur de bonbons Sugus mais c’est le père de Jean qui est le client au magasin du coin. La société Orbisphère est notre client mais c’est M. Dubour qui est chargé au sein de la Société Orbisphère de procéder à l’achat des matériaux de bureau.

Les clients peuvent être aussi catégorisés selon le degré de participation dans le processus de production. En effet, la délimitation entre la production et l’utilisation (consommation) n’est pas toujours aisée. D’une part, les utilisateurs sont fréquemment impliqués dans la conception et la réalisation d’un bien. Néanmoins, ce processus de coproduction prend souvent place dans une des activités du processus de création de valeur, mais rarement dans chacune d’elles (Wikström 1996). Par exemple, la détermination d’un costume fait sur mesure met en relation le consommateur et le producteur dans la détermination du design. La relation peut également intervenir au niveau de la production elle même. Le producteur automobile Volvo est impliqué dans la conception et le contrôle de qualité des pièces détachées produits par ses sous-traitants ; le client d’un hôtel qui propose un buffet « self-service » est impliqué dans la production de son petit déjeuner ; le client I-Tunes d’Apple est impliqué dans la production de son CD. D’autre part, le processus même de l’utilisation d’un bien par « l’utilisateur-consommateur » comporte certains éléments de production (quand vous réchauffez votre pizza congelée, êtes-vous en train de produire ou de consommer ?). La relation entre producteur et consommateur peut également intervenir au niveau du processus de consommation : le cas des chèques cadeaux invitant le consommateur à prendre des cours sur un programme qu’il vient d’acheter entre dans cette catégorie. Certains économistes parlent même de technologie de consommation qui est définie comme la manière par laquelle le consommateur combine différents biens et services avec son temps disponible afin de maximiser son utilité (Becker 1965). Les transactions vente-achat sont souvent réglementées par l’Etat ou les associations professionnelles. Les vendeurs et les acheteurs sont donc obligés de respecter un certain nombre de normes lors de ces transactions. Le rôle des différents régulateurs de transactions vente-achat s’accroît dans la société moderne où la protection du

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consommateur, la protection de l’environnement et le contrôle public du risque lié à la complexité des systèmes s’intensifient. TABLEAU 8 Les principaux acteurs des transactions vente-achat Vendeurs

Acheteurs

Producteurs intermédiaires

Utilisateurs – consommateurs Régulateurs

La relation entre le producteur (fournisseur du service) et le client dépend de la nature du problème de choix auquel est confronté le client. On peut distinguer deux situations dans le choix du client : (a) la résolution ouverte du problème et (b) la résolution fermée du problème. La résolution fermée du problème (« closed problem solving ») signifie que le client achète un produit ou un service avec un objectif bien défini dans son esprit. Quand nous prenons un bus en ville pour aller au travail nous n'avons guère besoin que le producteur de service nous conseille dans le processus de choix. La résolution ouverte du problème (« open problem solving ») signifie par contre que le client a besoin d'informations supplémentaires ou de conseils pour choisir un produit. Par exemple, une personne achetant un ordinateur personnel peut avoir besoin des conseils d'un spécialiste afin de déterminer le type d'équipement qui correspond à ses besoins (Karoutchi & Kostecki 1994). Indépendamment de la nature de la solution du problème dans une situation d'achat, la relation entre le producteur et le client changera comme cela est présenté dans la figure 14. FIGURE 14 Problème du choix et relation entre le producteur et le client

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11.2. La voix du client et le marketing Afin de choisir son produit ainsi que les autres variables du marketing mix, la firme doit connaître sa clientèle. Les principales informations au sujet de sa clientèle que la firme cherche à obtenir concernent les points brièvement énumérés dans le tableau 9. TABLEAU 9 L’information au sujet du client Type d’information

Exemples et moyens de récolte

L’identité et les caractéristiques

Nom, prénom, adresse, âge, sexe, activité professionnelle, segment de revenu, éducation, nombre d’enfant, type d’habitation, etc.. Peut-être obtenu au travers d’enquêtes

Les produits achetés et les exigences

Quelles gammes de produits sont achetées ? Produits « premium », produits blancs, produits en promotion ? Ce type d’information est aisément récoltable par exemple au travers de cartes de fidélité. D’autre part, les exigences par rapport aux produits peuvent se récolter au travers de session de tests de produits.

Les facteurs RFM (récemment ? Fréquemment ? Masse d’achat ?)

La fréquence, les dates d’achat ainsi que les quantités peuvent également être centralisées via les programmes de fidélisation.

Les canaux de communication et les activités qui ont influencés la transaction

Publicité TV, imprimée, site internet, évènements, bouche-à-oreille, etc… Question fréquemment utilisée sur les sites internet avant un processus de payement : « comment avez-vous entendu parler de notre service ? ». Permet d’optimiser la répartition des budgets de communication en fonction de l’impact sur l’acte d’achat.

L’historique des relations avec le client

Les communications téléphoniques enregistrées par un service après-vente représentent une source d’information importante permettant de situer l’état de la relation avec le client.

Adapté de Curry (1991)

La firme cherchera surtout à comprendre le comportement de ses principaux clients et de ses clients les plus prometteurs. La courbe achat-client est particulièrement utile dans ce contexte et représente un des outils à disposition du responsable marketing lui permettant d’identifier ses segments de clients les plus importants. La courbe achat-client définit la relation entre le volume d'achat de la clientèle et le nombre de clients. Dit autrement, la courbe achat-client décrit la structure de la clientèle en termes de contribution au volume des ventes de la firme. Une telle courbe est présentée figure 15.

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FIGURE 15 Structure de la clientèle

Evidemment, le point de croisement entre la courbe achat-client et l’axe horizontal (nombre de clients) dépendra de la situation du marché dans laquelle la firme cherche à vendre son produit. Dans un marché saturé, la courbe se dessinera tel que présenté dans le premier graphique de la figure 16. Dans un marché potentiel prometteur elle se présentera comme principalement sous l’axe du nombre de clients. FIGURE 16 Courbe achat-client pour un marché saturé et un marché prometteur

La courbe achat-client permet d’analyser avec plus de précision les caractéristiques des clients pour chaque zone de la courbe. Le responsable marketing peut alors se demander quels sont les profils de client pour chaque zone ? En quoi sont-ils différents ? La UNINE, 2009

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détermination de la clientèle cible pour laquelle il est capital de comprendre le comportement d’achat peut également être mis en évidence. La population des clients de la firme est rarement homogène. Une méthode consiste à classer la clientèle de l'entreprise dans des catégories présentées ci-dessous sous la forme d'une pyramide (Figure 17). Identifier qui sont vos clients les plus profitables et loyaux (« the core customer ») permet aux responsables marketing de définir leurs priorités dans les actions entreprises et surtout de se focaliser particulièrement sur la compréhension de ce segment. En effet, les compagnies qui enregistrent les plus hauts taux de fidélité de leurs clients sont celles qui ont découvert qu’elles devaient concentrer leurs efforts sur ce segment de sorte qu’elles puissent délivrer constamment une valeur supérieure à ces derniers. FIGURE 17 Classement de la clientèle par rapport au volume d’achat

(Adapté de Curry 1992)

Il existe plusieurs stratégies permettant de réunir des informations sur les consommateurs de son entreprise. Questionner la force de vente sur sa perception ainsi que sa relation avec le client est une première stratégie que le responsable marketing peut mettre en œuvre. Cependant, une telle approche comporte deux biais importants : (1) la vision offerte peut être déformée par la propre perception du vendeur (exemple : un vendeur souhaitant des rayons plus larges dans le magasin pourrait confondre son désir avec le désir réel du client); (2) il est difficile d’estimer si les observations sont représentatives de l’ensemble (ou d’un segment) de vos clients. Les études de marché permettent d’éviter ces deux biais dans le sens où elles se focalisent sur des échantillons représentatifs et s’adressent généralement directement au consommateur final. Cela dit, une telle approche doit être envisagée comme complémentaire à la précédente. En pratique, l’étude de marché est utilisée afin de mieux comprendre ce que le consommateur sait et pense à propos de votre produit ou service et en quoi cela diffère de ce que la compagnie a à offrir à ce client.

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Un autre outil à disposition du responsable marketing est la gestion des relations avec le client (« Customer Relationship Management » ou CRM) définie comme étant «un processus systématique ayant pour but de gérer le début, la maintient et la fin de la relation avec le client au travers de tous les points de contact avec celui-ci de façon à maximiser la valeur du portefeuille de relations» (Reinartz et al. 2004, p.295). Ce type de base de données sur le consommateur se développe souvent au travers de programmes de fidélisation (exemple : la carte Cumulus de la société Migros ou encore le programme KrisFlyer de Singapore Airlines). Cette approche se matérialise par l’utilisation de technologies et de programmes informatiques permettant le suivi du client ainsi que la récolte systématique d’information à son sujet. Cela étant, il est prouvé empiriquement que pour être effectif, le CRM doit également être supporté par un personnel engagé dans le soutien du programme ainsi qu’une approche orientée client (Reinartz et al. 2004). L’adage bien connu du CRM est que « conserver ses clients est moins cher que de les gagner ». Un des principaux défauts de cette approche est qu’elle ne permet pas de mettre à disposition la connaissance du client au sujet du produit ou service. Une stratégie importante permettant d’affiner l’intégration des besoins du consommateur dans la définition des produits et service de l’entreprise est ce que l’on nomme la gestion de la connaissance du consommateur (« Customer Knowledge Management » ou CKM). Il existe différentes formes d’informations. Certaines sont réunies au travers de données récoltées au cours des transactions (via le CRM par exemple), d’autres proviennent des interactions entre le consommateur et l’entreprise (Garcia-Murillo & Annabi 2002). Si la plupart des entreprises se revendiquent aujourd’hui comme étant orientées marché ou orientées clients, seules quelques compagnies gèrent en réalité leur ressource la plus précieuse : la connaissance détenue par leurs clients, par opposition à la connaissance au sujet de leurs clients. Le système de CKM comprend l’application des technologies telles que des programmes informatiques offrant une interface permettant aux consommateurs d’avoir accès et de partager leur connaissance à propos d’un produit ou service. Il s’agit en quelque sorte d’une plateforme d’échange de connaissances entre les compagnies et les consommateurs. Ceci permet au consommateur de passer d’une source d’information passive à un partenaire actif dans l’élaboration de la connaissance sur le marché du produit. L’exemple d’Amazon.com est assez intéressant à ce sujet. Cette entreprise en ligne gère la connaissance du consommateur avec succès en fournissant des critiques de livres, la liste des achats passés du consommateur et des suggestions sur mesure pour les lectures futures. Cette connaissance acquise via l’utilisation faite du service par les clients permet par la suite d’affiner l’offre fournie aux autres consommateurs, voire même, d’assister les auteurs de nouveaux ouvrages dans la détermination de nouvelles niches. Cela étant, le CKM ne se limite pas au cas des entreprises de la toile, le cas du producteur de ciment Holcim est donné dans l’encadré 14.

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ENCADRE 14: Customer Knowledge Management – Le cas de la société Holcim Au début des années 2000, la société Holcim, active notamment dans la production et la distribution de ciment, a pris le défi de développer une plateforme d’échange de connaissances où chaque membre de l’industrie, que ce soit les personnes du bâtiment, les distributeurs, les ingénieurs ou encore les architectes, puisse interagir non seulement pour effectuer des achats, mais aussi pour s’échanger des informations. Cette plateforme offre un espace de discussion sur les estimations de consommation de ciment future ou encore sur le partage d’expériences positives ou négatives par rapport à telle ou telle application du produit, etc. D’une part, cette importante récolte d’information permet à l’entreprise d’ajuster ses services en fonction des visions échangées, d’autre part, ce type de stratégie renforce la prise de participation dans le projet de l’entreprise, ce qui semble à l’heure actuelle être relativement apprécié par ses consommateurs. (Inspiré de Gibbert et al. 2002)

S’il est important de connaître son consommateur clef, il faut aussi connaitre celui qui décide de ne plus l’être. En effet, ces consommateurs insatisfaits représentent une source d’information inestimable sur les raisons pour lesquelles une compagnie n’arrive plus à répondre adéquatement aux attentes et besoins du client. Il est important en marketing de connaître les raisons du succès d’une stratégie. Comparer ses propres performances avec celles des personnes/entreprises les plus profitables est en ce sens une approche nécessaire. Si Albert Einstein disait « Inverser, toujours inverser en mathématiques et en physique », il en va de même en affaires : commencer par détecter des échecs et ensuite les corriger est en effet une approche qui porte ses fruits. Un exemple de stratégie à adopter pour localiser ses échecs vis-à-vis du client est présenté dans l’encadré 15. ENCADRE 15: Connaître les raisons de départ des clients clefs En moyenne, les CEOs des entreprises américaines perdent la moitié de leurs consommateurs tous les cinq ans. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’ils ne s’intéressent pas aux raisons même de ces départs. Or, il est intéressant de savoir que dans la plupart des situations, l’amélioration d’un seul pourcent dans la rétention des consommateurs peut engendrer des accroissements de profits allant jusqu’à 20% ! Il est possible de mettre en place des stratégies ayant pour but d’obtenir cette information essentielle de clients insatisfaits. Une première étape consiste à identifier les clients insatisfaits les plus importants de l’entreprise afin de réduire l’échantillon à ses éléments les plus déterminants. Le développement d’interviews, soit par téléphone, soit en face à face avec ses consommateurs est alors nécessaire. Il est fortement recommandé d’impliquer des managers importants de l’entreprise dans ce processus afin (1) d’offrir une certaine importance à l’interviewé afin de récolter plus d’informations ; (2) d’être certain que les personnes ayant les pouvoirs décisionnels prennent conscience des problèmes fondamentaux de l’entreprise. Lors du processus d’entretien avec ces clients insatisfaits, l’utilisation de la méthode de cause à effet (« root-cause analysis ») semble être appropriée. Cette méthode consiste à poser cinq fois la question « pourquoi » jusqu’à arriver à la source de l’échec. Pour identifier la cause originelle d’un départ ou d’une baisse de consommation, l’intervieweur doit identifier trois à quatre évènements décevants

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et les pondérer de façon appropriée. Une fois ces causes identifiées, il est possible, avec certains clients, d’essayer de proposer des solutions à ces problèmes pour savoir si ces derniers auraient permis de sauver la relation commerciale. Cette approche peut par exemple être effectuée au travers de « focus groups ». L’étape finale est bien entendu de développer un plan d’action basé sur les résultats de ces entretiens. (Inspiré de Reichheld 1996)

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QUESTIONS DE RÉVISION :

1.

Donnez un exemple de marché efficace et de marché inefficace. Comment le rôle du marketing se modifiera dans chacun de ces cas ?

2.

Peut-on dire que le marché des services éducatifs dans les pays européens est un marché captif ?

3.

Etes-vous d'accord avec l'affirmation que la coopération formelle domine les relations entre les institutions publiques et ses clients ? Expliquez. Donnez quelques exemples de situations impliquant le service public dans lesquelles la coopération à fond a souvent lieu. Quelles sont les caractéristiques distinctives de ces situations ?

4.

Quels types de relations avec les clients et les contrats sont prépondérants dans le cas de l'entreprise de votre choix ? Analysez les implications marketing de l'anatomie des relations et des contrats concernés.

5.

Quelles sont les relations logiques entre les termes suivants : l’entreprise, la société industrielle et la firme ?

6.

Donnez quelques exemples d’entreprises qui fonctionnent plutôt comme des systèmes mécaniques et des entreprises qui opèrent plutôt comme des systèmes biologiques.

7.

Etes-vous d’accord avec l’idée selon laquelle l’entreprise est un système dynamique ? Quel est le rôle du marketing dans la gestion du changement ?

8.

Définissez les principales composantes de l’entreprise ? Quelle est la place du «génie managérial» dans l’entreprise ? Donnez quelques exemples d’inventions managériales particulièrement réussies.

9.

Quels sont les éléments externes de l’entreprise ? Comment l’importance relative de ces éléments affecte-t-elle l’action marketing de l’entreprise ?

10.

Pourquoi l’entreprise doit-elle impérativement connaître son client ? Comment peut-elle identifier ses clients les plus importants ? Quels sont les moyens de récolte d’information au sujet du client ?

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RÉFÉRENCES :

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Partie 3 : Le comportement d’achat du consommateur « La meilleure façon d'étudier le genre humain est d'étudier l'homme » Alexandre Pope (1688-1744), Essai sur l'homme

12. Analyse micro-économique du consommateur L'acheteur est l'élément clé du marché. Tel que nous l’avons vu précédemment, la firme doit étudier qui sont ses clients, quelles sont les situations d'achat, quel est le processus d'achat et quelles variables clés expliquent comment tel client potentiel est amené à acheter ou ne pas acheter un produit. Si le praticien peut s’appuyer sur sa force de vente, les études de marché, le CRM ou le CKM pour connaître ses clients, il ne faut néanmoins pas négliger l’importante source de connaissance générale sur le comportement du consommateur qui a été développée au travers de ces dernières décennies au travers des recherches scientifiques. Les modèles du comportement du consommateur s'appuient sur trois disciplines principales : (1) La psychologie, qui met l'accent sur les influences internes; (2) La sociologie qui est centrée sur les influences externes; (3) L'économie, qui met l'accent sur le calcul des implications du comportement du consommateur, partant de l’hypothèse de la rationalité de ce comportement. Tandis que les études économiques du consommateur ont une tradition s'étendant jusqu'au début du XIX siècle (ex. J. Bentham), les premières applications des concepts et des méthodes de la psychologie et de la sociologie empirique aux problèmes du comportement du consommateur eurent lieu vers 1930. Néanmoins, ce type d'études de marché ("études de motivation") ne devint célèbre que vers 1950 lorsque l'accroissement rapide de la productivité s'est traduit par une difficulté croissante à trouver de nouveaux débouchés. Selon l'axiome méthodologique de la micro-économie, l'homme est motivé dans sa vie économique par des considérations typique de cette sphère (l'homo aeconomicus). Le comportement d'achat du consommateur n'est qu'une manifestation du comportement humain. Néanmoins, plusieurs raisons expliquent pourquoi l'étude du comportement d'achat constitue un domaine bien délimité d'analyse (behavioural sciences) : (1) Notre comportement dans le domaine économique est fréquemment différent de notre comportement dans d'autres sphères de la vie (objectifs, motivations, attitudes, système UNINE, 2009

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de valeurs, etc.). Par exemple, il n'est pas rare qu'un homme d'affaires compense l'égoïsme de ses activités professionnelles par l'altruisme dans la vie communautaire. (L'importance de la sphère "consommation" dans les préoccupations d'un individu, mesurée en termes de temps de réflexion ou d'action, peut varier considérablement au cours d'une vie). (2) Le comportement économique de l'homme a lieu dans un contexte économique spécifique dont la connaissance est nécessaire pour une analyse compétente. (3) Les études marketing du comportement du consommateur sont conduites en tenant compte de l'action potentielle de la firme et, fréquemment, en utilisant des techniques et des approches propres aux sciences commerciales. La théorie économique suppose que le consommateur est un agent économique rationnel qui maximise sa satisfaction ou son utilité. Le consommateur agit dans un but intéressé. Cela n'implique pas nécessairement l'égoïsme : le consommateur trouve aussi son accomplissement dans la charité ; son comportement charitable est simplement interprété comme une forme d'action intéressée. L'homo aeconomicus n'est pas uniquement motivé par des considérations matérielles, il peut également être motivé par l'amour, l'amitié, etc. Le postulat de rationalité comme défini par les économistes, contient deux ingrédients : (i) le comportement intéressé et (ii) la cohérence dans le comportement. Le consommateur saura toujours s'il préfère le bien A au bien B ou si les biens en question sont indifférents pour lui. Si le consommateur préfère A à B et B à C, il préférera A à C (principe de la transitivité). En d'autres termes, le consommateur doit être capable de ranger les biens par ordre de préférence, c'est-à-dire, il doit disposer d'une mesure ordinale de son utilité et être en possession d'un classement rationnel de ses préférences. Les économistes du XIXème siècle tels que Jevons, Pareto, Walras ou Marshall supposaient que l'utilité supplémentaire attachée à la consommation d'une unité d'un bien devait décroître à mesure qu'augmentait la consommation de ce bien. Quand un consommateur achète une certaine quantité d'un bien à un certain prix, sa décision d'achat est le résultat d'un double choix : (a) L'acheteur choisit un bien pour satisfaire un besoin parmi tous les besoins qui sont à satisfaire; (b) L'acheteur choisit de dépenser une partie de ses ressources à la satisfaction de ce besoin. La théorie économique utilise le concept de courbe d'indifférence et de contrainte budgétaire afin de déterminer l'option du consommateur et les critères auxquels cet optimum doit satisfaire (voir par exemple Henderson et Quandt 1972). Une fois que le consommateur a décidé de ce qu'il désire, il cherche à l'obtenir en minimisant son effort. L'analyse micro-économique du comportement du consommateur, fort rigoureuse et élégante, peut constituer un cadre intégrateur pour une multitude d'approches et de visions. Néanmoins, l'analyse micro-économique traditionnelle n'est pas suffisante. Son axiome méthodologique, selon lequel l'homme est motivé dans son comportement d'achat par des considérations économiques, s'avère être d'une validité trop limitée pour pouvoir guider l'action de l'entreprise. Le marketing, par son souci d'opérationnalité, doit

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donc chercher d'autres approches. L'éclectisme paraît inévitable, car réduire l'action de l'homme à quelques considérations uniques est une simplification qui porte rarement des fruits dans le contexte commercial. La motivation du consommateur, c'est-à-dire « l'ensemble des facteurs ou des besoins qui déterminent son comportement », n'est qu'un aspect particulier du comportement de l'homme. D'où une grande diversité de théories et d'approches visant à expliquer la motivation du comportement d'achat des individus et des ménages qui se procurent des produits pour leur usage personnel. Un acte d'achat par le consommateur, ou un acte d'utilisation auquel s'intéresse le marketing ne peut être analysé qu'à l'aide des schémas et concepts faisant appel aux différentes sciences humaines et les intégrant dans un "modèle explicatif et opérationnel". Les économistes se sont avant tout penchés sur les faits économiques observables et quantifiables de l'acte de consommation. Cette approche est sécurisante, car elle permet de relier le phénomène de consommation à la productivité du processus de production. La vision des économistes qui suppose un mode déductif de raisonnement chez le consommateur est contredite par les résultats d'études psychologiques. Les modèles économiques présument que l'individu formule ses conclusions par l'intermédiaire d'un processus logique, en partant des prémisses complets, cohérents et bien définis du problème. Une telle interprétation est plausible dans le cadre de résolutions de problèmes simples. Par contre, elle ne l'est plus quand le problème devient suffisamment complexe pour excéder les capacités du traitement des données et du raisonnement déductif de l'esprit humain. A partir d'un certain niveau de complexité, le consommateur (l'individu) optera pour le raisonnement inductif plutôt que déductif, c'est-à-dire qu'il transfère l'expérience acquise en traitant un problème semblable. Le consommateur recherche les analogies et les modèles de cette expérience passée afin de formuler des hypothèses et construire des modèles de la situation à laquelle il est confronté actuellement. C'est seulement à partir de ce moment, que l'individu commencera de nouveau à raisonner de manière plus ou moins déductive sur cette base (Arthur 1992). L'analyse économique du comportement du consommateur constitue actuellement un des domaines les plus innovateurs en sciences économiques. Certains économistes ont entrepris l'effort révolutionnaire de se demander comment le consommateur prend ses décisions d'achat. Une telle analyse est forcément interdisciplinaire et intègre aussi bien des éléments de psychologie expérimentale que des sciences cognitives. L'école "Simonienne" suppose que la rationalité est limitée ("bounded rationality"). La rationalité du consommateur agissant dans un but intéressé est limitée par le manque d'information et son coût. Les travaux de cette école sont fortement influencés par la pensée d’Herber Simon, prix Nobel et ancien professeur à Carnegie-Mellon University aux UNINE, 2009

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Etats-Unis. Afin de comprendre le comportement du consommateur, il faut aussi comprendre ses contraintes (March et Simon 1958, March 1978, Wright, 1975). L'école d'économie quasi-rationnelle suppose que le consommateur est rationnel la plupart du temps, mais pas toujours (Thaler, 1994). On observe, par exemple, que le consommateur préférerait dépenser moins d'argent afin d'augmenter son épargne. Cependant, une fois l'argent disponible, le consommateur est tenté de le dépenser (le principe de la transitivité n'est donc pas respecté). Dans ces circonstances, le consommateur peut opter pour le système d'épargne basé sur les transferts réguliers vers le compte d'épargne effectué par la banque. Le consommateur a tendance à distribuer son budget en différents "comptes mentaux". Par exemple, il désire dépenser tant pour les vacances et tant pour l'éducation de ses enfants ou l'achat de vêtements. L'abus d'une affectation mentale entre l'épargne et la consommation peut se traduire par un sentiment de culpabilité (Thaler 1994). Quelques manières d'aborder la question de la rationalité du comportement du consommateur dans la littérature économique récente sont présentées dans le tableau 10. TABLEAU 10 La rationalité du consommateur dans la théorie économique 1. Maximiser la satisfaction, c'est-à-dire agir dans un but intéressé (mais pas nécessairement égoïste). (J. Bentham et les économistes traditionnels). 2. Agir dans un but intéressé sous contrainte de manque d'information et du coût de l'information (Herbert Simon et ses disciples). 3. Chercher et analyser l'information afin d'agir dans un but intéressé mais observer le comportement des autres consommateurs quand l'information est coûteuse (Bikhchandani Hirschleifer, Welch 1992) 4. Analyser l'information afin d'agir dans un but intéressé mais en accordant plus d'importance aux données récentes qu'aux données à long terme et en pondérant plus lourdement les risques de pertes que les possibilités de gains (Tversky et Kahneman 1979). 5. Agir dans un but intéressé en déduisant par l'observation des règles de comportement pas nécessairement rationnelles mais simples et qui s'avèrent justes la plupart du temps (Sargent, 1993). 6. Agir dans un but intéressé la plupart du temps mais pas toujours (Thaler 1994). 7. Le consommateur peut choisir rationnellement de se conformer à un type de comportement social irrationnel (Becker et Murphy 1988). 8. Le consommateur a tendance à penser plus aux expériences futures positives qu'aux expériences futures négatives (Becker et Mulligan 1997)

Les hypothèses 3, 6 et 7 peuvent contribuer par exemple à expliquer le phénomène de la mode dans la consommation ou certaines formes “d'irrationalité” liée au contexte social. UNINE, 2009

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13. Quelques alternatives au rationalisme : perspectives philosophiques et sociales Rappelons cette phrase du grand poète Friederich von Schiller au sujet de son prochain : “Individuellement, l’homme est un être passablement raisonnable et censé. Dans une foule, il devient aussitôt un crétin”. Les consommateurs agissent en fonction de croyances qui pourtant peuvent se révéler fausses. Leur manière d'agir est-elle pour autant irrationnelle? Certains penseurs "irrationalistes" prétendent expliquer ce type de comportement par des causes (et non des raisons) qui, par définition, échappent à la conscience et la volonté du consommateur. Ces causes sont pour Freud les désirs inconscients, pour Nitzsche la volonté de puissance, pour Durkheim l'inculcation sociale ou pour Marx l'aliénation économique, etc. Transposée dans le contexte de la consommation, cette lignée d'irrationalistes fait des consommateurs en quelque sorte des victimes de forces qu'ils ne maîtrisent pas, ce qui explique leur comportement soit faux ou entaché de fausse conscience (donc irrationnel) et manipulable. Une autre théorie cognitive générale proposée par Boudon nous inspire à dire qu'une telle interprétation du comportement du consommateur (interprétation basée sur l'explication des causes) est toujours trop restrictive (Boudon 1995). Lorsqu'on se demande pourquoi l'individu (ou le consommateur) croit à une idée objectivement non fondée, on constate qu'il a souvent des raisons d'y croire qui, par définition, ne sont pas objectives et peuvent même être fausses. Il faut donc distinguer entre les raisons que les consommateurs invoquent à bon droit et la vérité. Il existe une puissante tradition philosophique qui, depuis Hume, sépare radicalement le fait et la valeur. Son but était de montrer que la rationalité n'était pas possible dans le domaine des valeurs. La théorie ouverte de l'argumentation de Raymond Boudon ainsi que celle de Stephen Toulmin prétend qu'une argumentation valide est possible dans toutes les pratiques humaines. La notion de "bonnes raisons" (ou "raisons transsubjectives") est le centre de la pensée de Boudon. De "bonnes raisons" sont des raisons que l'on peut faire valoir face à autrui pour valider un jugement qu'il soit factuel (c'est vrai) ou moral (c'est bon). Toute décision d'achat et toute stratégie marketing peuvent donc reposer en ce sens, sur de bons motifs. ENCADRE 16: Bonnes raisons et société pluraliste Dans le cas d'une société pluraliste, il est fréquemment essentiel de savoir ce que l'on fait en cas de litige sur les bonnes raisons; notamment là où les raisons sont également bonnes de part et d'autre. Faut-il interdire la publicité pour les cigarettes et l'alcool? Est-il acceptable que le cartel puisse fonctionner dans de nombreux secteurs de l'économie suisse? Comment justifier le protectionnisme agricole dans certains pays développés qui se traduit par une hausse des prix de l'ordre de 300-400% et une perte substantielle de revenus des pays pauvres exportateurs de produits agricoles?

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Boudon refuse de mesurer la raison aux seuls critères de la rationalité scientifique. Selon lui, il n'y a pas d'abîme entre fait et valeur. Il suggère que personne ne taxerait d'irrationnelle une conception physique, un moment défendu par les scientifiques, réfutée plus tard. La conception s'est révélée fausse, mais les physiciens avaient de bonnes raisons d'y croire. Un tel argument peut être élargi, jusqu'à en faire une théorie cognitive générale de l'action sociale. La théorie antipositiviste de Boudon cherche donc à remplacer les théories "irrationalistes" concurrentes. Le monde acceptera-t-il une telle interprétation de la rationalité ?

14. La consommation en tant que fait culturel Certains sociologues et psychologues présentent la consommation comme étant un fait culturel et relevant de la pratique des signes. Afin de comprendre le contenu symbolique du produit il faut se référer au code de signes (d'objets/signe) et de différences auxquelles le produit fait appel (Baudrillard, 1968; Richard, 1980; Langer, 1957; Levy, 1959). Selon Baudrillard (dont la théorie est clairement d'inspiration marxiste), la consommation comporte (i) un côté signe (le signe est arbitraire en regard de la chose qu'il est censé représenter) et (ii) un côté signifiant (c'est-à-dire l'image adjointe à ce signe). Pour devenir un objet de consommation, l'objet (produit) doit d'abord se convertir en signe. Le produit est alors consommé selon le système de signes, et non plus dans sa matérialité et dans sa valeur d'usage. Cette abolition de l'objet en faveur du signe ainsi que celle du sens que le signe devrait donner à l'objet est, selon l’auteur, l'élément central de la consommation dans la société de consommation. Par l'acte de consommation, l'individu s'insère dans un réseau de signifiants inconscients d'inspiration idéologique. Il s'agit d'un acte toujours précédé par un système d'échange formé de termes sociaux et économiques qui est ni isolé ni isolable de l'ensemble des relations complexes formant un système social. Pour le sociologue, la compréhension de la logique de consommation nécessite donc l'étude de son fonctionnement au plan des faits et des signes de consommation. Le psychologue suisse Jean Piaget (1964) écrit : "l'enfant qui joue à la poupée refait sa propre vie, mais en la corrigeant à son idée, il revit tous ses plaisirs ou tous ses conflits, mais en les résolvant, et surtout, il compense et complète la réalité grâce à la fiction". Le consommateur dans la société de consommation de masse est-il loin d'une telle vision du comportement enfantin ? ENCADRE 17: Le scientisme et le comportement du consommateur La science et la technique ont une emprise croissante sur la vie sociale dans les pays développés. Les activités marketing n’échappent pas à cette tendance. Pourtant, la dimension essentielle de l’homme est la signification. Ce qui veut dire que l’homme est avant tout un être de compréhension et d’interprétation. Pour saisir les actions du consommateur, il ne suffit pas de décrire des « données brutes » ou des « comportements d’achat ». Pour saisir les

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actions humaines, il faut aussi mettre à jour de multiples éléments qui sont invisibles pour les méthodologies et approches positivistes de la recherche en marketing. Le grand philosophe canadien Charles Taylor dira que l’homme est avant tout un être de langage. Ce qui veut dire que la signification est essentiellement quelque chose de partagée. C’est dans un cadre de valeurs historico-culturelles que l’individu se comprend lui-même. Dans un tel contexte, le consommateur est capable de hiérarchiser l’ensemble de ses besoins, désirs ou inclinations. Je bois parce que j’ai soif ; je mange parce que j’ai faim. Je désire telle ou telle marque de produit parce qu’elle me paraît avantageuse ou attirante. En effet, les biens matériels et les services ont pour nous une force d’attraction. Néanmoins, nous sommes aussi capables d’évaluer nos besoins et de poser un œil critique sur notre comportement de consommateur. Nous le faisons par rapport à certaines valeurs qui sont en nous et qui restent supérieures à nos inclinations présentes. C’est grâce à ces valeurs que nous choisissons entre le projet de partir en vacances au Club Med et celui de rester à la maison pour soigner un parent malade. C’est aussi grâce à ses valeurs que l’homme est capable de mener sa vie et de lui conférer sens et unité. (Source : Taylor 1997)

L'analyse du comportement du consommateur doit donc tenir compte de la pratique des signes qui a toujours un caractère ambivalent. Le marketing des produits de consommation et la consommation elle-même constituent "l'activité de manipulation systématique de signes" (Baudrillard 1970). La pratique du marketing cherche à conjurer dans les deux sens du terme, c'est-à-dire "faire surgir pour capter par des signes (les forces, le réel, le bonheur, etc.), et évoquer quelque chose pour le nier et le refouler" (Baudrillard, 1968). Les activités marketing telles que la publicité, le conditionnement du produit ou la promotion, peuvent manipuler les signes à l'avantage de l'entreprise. Le choix du consommateur n'est donc pas fondé en dernière instance sur les attributs du produit mais sur les attentes concernant le niveau de satisfaction et la jouissance que l'utilisation du produit lui semble pouvoir procurer. Lors de l'achat, le client n'est pas confronté à des produits mais à des promesses de satisfaction. En conséquence, le responsable du marketing doit se pencher sur l'aspect "promesse" du produit/service, sur son image, ses attributs tangibles et les garanties à offrir afin de rendre les promesses de satisfaction les plus convaincantes possibles pour le consommateur.

15. Le consommateur sous l’approche marketing Afin d'expliquer le comportement du consommateur, l'analyse marketing se focalise sur des facteurs tels que : (a) les attributs des produits et les attentes concernant le niveau de satisfaction ; (b) le profil de la clientèle ; (c) les caractéristiques des situations d'achat ou de consommation, etc.

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ENCADRE 17: Exercice – Définir son comportement de consommateur "Quelle est votre voiture préférée? Quelle marque de chocolat choisissez-vous? Quels vêtements aimez-vous porter?" Beaucoup d'étudiants en marketing confrontés à ces questions répondent que cela dépend. Mais de quoi cela dépend-il? Quelles sont les principaux facteurs déterminant le comportement du consommateur? Faites un essai, inscrivez sur une page les principales variables qui déterminent selon vous le choix des vêtements par les jeunes consommateurs âgés de 16 à 20 ans habitant votre ville. Etablissez votre typologie des variables mentionnées.

La diversité des variables à considérer est énorme. Elle comporte les caractéristiques individuelles du consommateur ou de l'acheteur (besoins, attitudes, perceptions), les variables déterminant son microcosme social (situation familiale, professionnelle, amitiés, etc.) et le contexte socioculturel dans lequel l'achat et la consommation ont lieu (classe sociale, nationalité, religion, prospérité de la société, etc.). La théorie du comportement d'achat s'intéressera donc à plusieurs niveaux d'explication (voir figure 18). (1) Le niveau consommateur/client (les caractéristiques de l'individu, ses besoins, ses perceptions et attitudes et son processus décisionnel); (2) Le niveau interpersonnel (l'influence relative des membres du ménage, les leaders d'opinion, les groupes de référence); (3) Le niveau des stimuli non-contrôlables par la firme tels que le cadre politique, économique, socioculturel ou technologique; (4) Le niveau des stimuli contrôlables par la firme (le marketing mix). FIGURE 18 Comportement d’achat, stimuli contrôlables et non contrôlables

(Source : Kostecki 1996b)

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La distinction entre les stimuli contrôlables et les stimuli non contrôlables par la firme est particulièrement importante pour le gestionnaire. Les stimuli contrôlables permettent d'influencer la décision d'achat du consommateur, son sentiment post-achat et postutilisation font donc partie du marketing mix. Même les stimuli traditionnellement considérés comme étant non contrôlables (environnement politique ou changement technologique) peuvent devenir partiellement contrôlables grâce aux efforts des relations publiques ou aux efforts de R&D. La théorie du comportement d'achat cherche à répondre principalement à cinq questions : (1) qui achète ? (2) Quand ? (3) Où ? (4) Comment ? (5) Pourquoi ? En effectuant cette analyse du comportement d'achat, le marketing moderne s'intéresse aux trois dimensions du client : (1) le client en tant qu'acheteur et/ou consommateur d'un produit; (2) le client en tant que coproducteur d'un service ou d'un produit; (3) le client en tant qu'influenceur des autres clients. La deuxième et la troisième dimension du comportement du client sont particulièrement importantes dans le cas des services (Cowell 1985).

16. Situations d’achat et rôles lors du processus d’achat Le consommateur n'achète pas de la même manière du pain, un livre ou une voiture. Son comportement d'achat dépend des situations dans lesquelles l'achat a lieu. Ces situations peuvent être décrites en termes (i) des rôles dans le processus d'achat, (ii) du degré d'implication de l'acheteur lors de l'achat, (iii) des types des besoins à satisfaire (des produits à acheter) et (iv) de l'interaction avec les autres clients lors du processus d'achat.

16.1. Les rôles dans le processus d’achat Demandez à des clients d’un produit ou service de décrire en détail le processus d'achat d'un produit donné. Dans le cas de l'achat d'une paire de skis, cette description peut prendre la forme suivante : « André Dufour : 32 ans, instituteur, marié, deux enfants, Neuchâtel, sportif. Jacques, mon instructeur de skis à Villars, m'a recommandé d'acheter de nouveaux skis, mes anciens étant déjà usés et peu élastiques. Bernard, mon ami a conseillé la marque X ou Z à mon épouse. Mon épouse Anne, était très contente de l'apprendre car elle cherchait un cadeau d'anniversaire pour moi. Elle est allée avec ma fille Isabelle au magasin qui vend les marques en question. C'est ma fille Isabelle qui a décidé quels skis choisir en regardant leur design, leur couleur et le prix. Elle a opté pour la marque X. J'en suis content car ces skis sont vraiment de bonne qualité et correspondent à mes attentes. Mon nouvel instructeur Jean partage mon avis ». L'exemple ci-dessus permet d'identifier six rôles différents dans le processus d'achat : (a) L'initiateur : la personne qui la première propose d’effectuer l’achat (Jacques); (b) L'influenceur : la personne (ou groupe de personnes) qui a un effet sur le choix de UNINE, 2009

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l’acheteur (Bernard); (c) Le décideur : la personne qui définit ce qu’il faut acheter (Isabelle); (d) L’acheteur : la personne qui effectue l’achat (Anne); (e) L’utilisateur : la personne qui utilise le produit (André); (f) L’évaluateur : celui qui évalue l’achat (Jean). L’étude des rôles lors du processus d’achat doit se faire de façon détaillée à chacun des niveaux évoqués ci-dessus. Dans de nombreux cas (achats impulsifs ou achats simples), les six rôles sont joués par un nombre réduit de personnes. Dans la plupart des situations, une seule personne peut jouer plusieurs rôles à la fois; par exemple, l’initiateur peut être en même temps aussi bien décideur qu’acheteur. ENCADRE 18: La Faculté en tant qu’influenceur A la fin du XVIIIe siècle, l'usage du lait au petit déjeuner se développa rapidement dans les villes, au lieu de soupe. Le lait le plus recherché était le lait d'ânesse, vivement recommandé par la Faculté : "Il répare les tempéraments affaiblis par l'incontinence et la débauche." Dans les faubourgs, on élevait des troupeaux d'ânesses. (Source : Barret, Gurgand et Tievant 1979)

16.2. Le degré d’implication dans le processus d’achat L’achat d’une maison ne se fait pas de la même manière que celui d’une bouteille d’eau minérale. Les situations d’achat différent donc selon le degré d’implication de l’acheteur dans le processus d'achat. Ce dernier critère peut être combiné avec celui du degré de différence entre les marques, nous permettant de distinguer quatre types de situations d’achat (voir tableau 11). TABLEAU 11 Situations d’achat selon le degré d’implication et la différence entre les marques Différence entre les marques significative

Différence entre les marques non significative

Niveau d’implication élevé

1. Achat complexe

2. Achat et recherche d’une justification post-achat

Niveau d’implication faible

3. Achat de diversité

4. Achat banal

(Source : Assael 1987)

16.2.1. Achat complexe Le niveau d’implication de l’acheteur est très élevé. L’achat est caractérisé par une dépense importante. Se tromper est vécu comme un événement très grave et le risque lié à l’achat est considéré comme élevé. La différence entre les marques est significative mais l’acheteur a une faible expérience du produit. Le contenu symbolique du produit est très significatif pour l’acheteur. L’acheteur est actif dans sa recherche d’informations et de UNINE, 2009

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conseils. Le vendeur fait face au cas de la résolution ouverte du problème (« open problem solving ») dans lequel il est souhaitable pour lui d’agir comme conseiller du client (Karoutchi & Kostecki, 1994). L’acheteur tente d’être rationnel et rigoureux dans sa prise de décision. Il veut apprendre afin de formuler sa propre opinion sur les marques disponibles. Il établit des critères précis pour comparer les alternatives. Les influenceurs (experts, conseillers, amis, famille) peuvent jouer un rôle très important lors du processus d’achat. L’acheteur est sensible à la publicité si celle-ci est crédible. L’achat complexe est la situation dominante lors de l’achat d’une voiture, d’une installation hifi, d’une machine à laver ou d’un ordinateur portable par un infographiste. 16.2.2. Achat et recherche d’une justification post-achat Malgré sa volonté de s’impliquer de manière importante, le client ne parvient pas toujours à percevoir de différence significative entre les marques offertes et est insécurisé face aux choix proposés. Il prendra sa décision en fonction d’éléments explicites tels que le niveau de prix ou la disponibilité du produit et ce n’est qu’ensuite qu’il cherchera à justifier sa décision d’achat (théorie psychologique de la dissonance cognitive). Le client tentera de développer une attitude favorable vis-à-vis de la marque afin de réduire la perception d’une dissonance résultant du sentiment d’avoir peut-être pris une mauvaise décision d’achat. Dans de telles situations d’achat, la communication du vendeur doit être orientée vers le sentiment post-achat et rassurer le client sur son bon choix. Cette situation est celle des acheteurs de vêtements (qui n’ont pas le goût sûr), d'ordinateurs (par des nonspécialistes) ou de revêtements muraux. 16.2.3. Achat de diversité L’information au sujet des marques offertes est obtenue par hasard parce que l’implication est faible. L’acheteur est sensible aux différences perçues entre les marques. Son comportement d’achat est guidé par la volonté de varier ses plaisirs au gré des circonstances et de son humeur. L’infidélité à telle ou telle marque n’est pas justifiée par une insatisfaction particulière. Lors d'un achat de diversité, l’impact de la répétition publicitaire peut être déterminant sans que la crédibilité de la source du message soit essentielle. L’approbation sociale joue un rôle fort limité lors de l’achat de diversité. De nombreux producteurs confrontés à l’achat de diversité lors de la vente de leurs produits (par exemple Nestlé ou Procter & Gamble) tentent de multiplier les marques qu'ils offrent sur les rayonnages des grandes surfaces. L'achat de diversité est le scénario dominant par exemple lors de l’achat de confitures, de biscuits ou de plats préparés. 16.2.4. Achat banal L’achat banal est caractérisé par un comportement de routine. Les différences entre les marques sont peu importantes aux yeux du client et son implication dans le processus d'achat est faible. Le produit est choisi par l'acheteur en fonction d'éléments pratiques simples tels que son accessibilité ou un emballage facile à transporter. Dans la situation d'achat banal, le vendeur fait face à la résolution fermée du problème (closed problem solving) qui laisse peu de place au conseil de la part du vendeur. L'impact de la

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présentation du produit sur le point de vente (emplacement) et de la répétition publicitaire peut être déterminant. Ce type de situation d'achat est dominant pour le sel, le sucre en morceaux ou le beurre. Evidemment, la classification proposée dans le tableau 11 ne peut pas être considérée comme étant universelle. En effet, le degré d'implication dans le processus d'achat et la perception de la différence entre les marques peuvent varier pour le même produit d'un client à l'autre. Il existe évidemment plusieurs autres typologies de situations d'achat. Il est également possible de développer des typologies qui tiennent compte des variables qui paraissent particulièrement importantes pour un produit donné (exemple : disques CD, forfaits de voyage, antiquités).

16.3. Consommation et liberté dans l’acte d’achat Un autre élément contextuel important est le degré de liberté dont dispose le consommateur pour faire le choix. Différents types de situations sont résumés dans l’encadré 19. La nécessité d'acheter (ou de vendre) est importante car on sait à quelles pertes de valeur désastreuses peuvent parfois aboutir les achats forcés, ou simplement les réductions de prix lorsqu'elles sont consenties par la nécessité. ENCADRE 19: Déterminisme de la consommation 1. Le consommateur peut être obligé de consommer pour des raisons physiologiques (exemple: consommation de nourriture). 2. Le choix du consommateur peut être limité par des normes techniques (exemple : voiture), des restrictions légales (exemple : réglementation des services professionnels), et une disponibilité limitée des marques dans un endroit donné. 3. Le consommateur est poussé à la consommation par "la nécessité de la vie" : (i) les exigences des activités professionnelles primaires dans les domaines vestimentaires, du transport, etc.; (ii) les exigences de l'éducation des enfants (exemple : demande pour les services éducatifs, etc.); (iii) les exigences de l'habitat (exemple : peinture, services d'entretien, etc.). 4. Le consommateur est souvent dépendant de certains produits (exemple : médicaments, tabac). 5. De nombreux achats du consommateur sont quasi-automatiques (exemple : les achats routiniers des produits d’entretien). Un autre élément contextuel important est le degré de liberté dont dispose le consommateur pour faire le choix. 6. Le consommateur est fréquemment, conditionné dans son choix (exemple : l'attrait de la nouveauté, la publicité, l'influence des autres). 7. Le consommateur est forcé d'acheter un service ou un produit à un endroit et à un moment donné (exemple : la nécessité de prendre le taxi afin de se rendre de l'aéroport à l'hôtel, la nécessité d'offrir un cadeau, ou de faire face à une obligation familiale).

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FIGURE 19 L’influence des autres dans l’acte d’achat – Le cas de Tintin

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L'influence des autres peut aussi être fort contraignante en ce qui concerne la liberté de choix. On dit souvent dans la pratique marketing qu'il n'y a rien de mieux pour le succès que le succès. Une telle situation est, par exemple, présentée par la bande dessinée "Tintin" (figure 19). L'influence des autres est particulièrement forte dans "les marchés structurés", c'est-à-dire dans les marchés où le degré de satisfaction d'un consommateur moyen pour son achat dépend de l'opinion que l'expert a du produit acheté (exemple : les objets d'art). La consommation déterminée par les nécessités de la vie telles que les activités professionnelles, les obligations familiales ou la loi constituent la consommation primaire. La liberté du choix du consommateur est considérablement limitée dans ces types d'achat en ce qui concerne le choix entre les produits génériques et souvent même les marques. La consommation secondaire est liée aux achats qui ne sont pas directement préprogrammés par la profession, la vie familiale ou imposés par la loi; les achats dans le domaine des loisirs ou les achats de divertissement sont liés à ce type de consommation. Le consommateur est considérablement plus libre dans son choix des produits génériques lors des achats conduisant à la consommation secondaire. Néanmoins, cela n'exclut pas l'existence des "cylindres de la consommation" aussi dans ce type d'achat (par exemple, l'achat d'équipement de golf par un joueur passionné ou la fréquentation des concerts symphoniques par un mélomane). Le consommateur "condamné" à l'achat de produits de la consommation primaire peut devenir la victime de la sous-concurrence résultant d'une action concertée des entreprises telles que le lobbying pour une législation avantageuse pour l'entreprise (par exemple dans le domaine des normes techniques), l'effort pour limiter l'accès au marché (par exemple par les associations professionnelles), ou la constitution de cartels régionaux dans certains domaines de la distribution (par exemple, la vente de l'équipement de ski en hiver dans les stations de ski). Si de façon générale, les facteurs situationnels contribuent substantiellement à la compréhension du comportement du consommateur (Belk 1975), certains besoins du consommateur ont clairement un caractère situationnel déterminant dans l’acte d’achat (bien plus encore que les attributs du produit lui-même). Par exemple, j'ai besoin d'un parapluie même si j'en possède un, car j'ai oublié le mien à la maison. De nombreuses situations forçant le consommateur à faire l'achat peuvent être créées par la firme. Par exemple, de nombreuses sociétés de bienfaisance font leurs collectes de fonds sur le lieu de travail en réalisant que la pression des pairs favorisera la générosité des individus ("achat obligatoire"). Les besoins situationnels sont particulièrement fréquents dans les cas des achats de cadeaux "achats d'ennui", "achat folie", etc.

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FIGURE 20 Comprendre la nature de la consommation

(Source : Kostecki 1996b)

On peut aussi mettre en doute la liberté du choix d'un consommateur bombardé par des messages publicitaires ou des actions promotionnelles, etc. (Packard, 1958). Dans une étude célèbre, James M. Vicary a enregistré, à l'aide de caméras invisibles, les changements de rythme des battements de paupières des clients d'une grande surface. Ce rythme diminuant de plus de moitié au moment où les clients prennent en main les produits, l'auteur conclut qu'ils se trouvaient alors dans un état semi-hypnotique. De nombreuses expériences ont montré qu'à la suite de changements dans l'emballage, dans le logo ou dans la marque d'un produit resté identique, les consommateurs interrogés affirment avoir constaté des différences dans les propriétés physiques ou gustatives des produits concernés (Macus-Steiff, 1961). En effet, pour de nombreux produits, les études de motivations démontrent que le consommateur achète des symboles plus que des objets (Voir chapitre 14). De nombreux consommateurs achètent de la santé plutôt qu'une salade. Ils choisissent de l'espoir plutôt qu'un produit cosmétique. Ils optent pour un symbole de standing plutôt que pour une voiture. ENCADRE 20: Coke vs. Pepsi – Que disent les neurosciences ? Si le Coca-Cola® et le Pepsi® sont presque de composition chimique identique, les consommateurs enregistrent d’importantes préférences subjectives pour l’une ou l’autre marque. Cette observation nous amène à nous poser la question suivante : comment les messages culturels combinés avec du contenu (autrement dit, entre-autre les activités marketing) modifient-ils nos perceptions ? Une récente étude fondée sur des méthodes propre à la neuroscience semble offrir une approche assez intéressante à ce sujet. Les chercheurs ont en effet essayé de comprendre quelles étaient les réponses neurologiques liées aux préférences vis-à-vis de chacune de ces boissons. L’expérience consistait à faire tester l’une ou l’autre de ces boissons à l’aveugle, puis à reconduire la même expérience tout en indiquant les marques sur les produits. La plupart des participants avaient une opinion assez forte sur leur boisson préférée avant l’expérience. Il est intéressant de remarquer que la corrélation entre la marque qu’ils préféraient et la marque qu’ils reconnaissaient lors du

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test de goût était relativement faible. Les résultats montrent clairement que lorsque les jugements sont basés seulement sur une information sensorielle (lorsque l’on goûte le produit à l’aveugle), l’activité d’une partie précise du cerveau détermine la différence (« ventreomedial prefrontal cortex »). Cela étant, ces informations sensorielles jouent un rôle extrêmement faible dans la détermination du comportement du consommateur. En réalité, une fois que la marque était présentée aux participants, la connaissance de la marque biaisait les préférences et faisaient appel cette fois-ci à d’autres parties du cerveau (« hyppocampus / dorsolateral prefrontal cortex / midbrain). Les chercheurs ont mis en évidence le fait que la référence à la connaissance de la marque avait un impact conséquent sur les préférences visà-vis du produit. En effet, une fois le label Coke indiqué sur le produit, la préférence pour celui-ci s’avère relativement plus forte, confirmant une certaine prédominance de ces parties du cerveau dans la détermination des préférences pour un produit. (Source : McLure et al. 2004)

16.4. Les étapes lors du processus d’achat L'acheteur traverse différentes étapes lors du processus de décision d'achat. Afin d'identifier ces étapes, nous pouvons : (a) interroger des acheteurs et les prier de décrire leur processus de choix (méthode prospective); (b) organiser des séances de travail avec un panel de consommateurs pendant lesquelles les participants décrivent la façon dont ils s'y prendraient pour choisir un produit (méthode prescriptive); (c) analyser notre propre façon de choisir (méthode introspective). De nombreux modèles du comportement d'achat ont été développés par les chercheurs. Notre exposé se limitera aux quelques modèles qui nous paraissent les plus significatifs et de la plus grande utilité pratique. Le processus de décision d'achat comporte cinq étapes : (1) La révélation/reconnaissance du problème ; (2) la recherche d’information ; (3) L’évaluation des alternatives ; (4) L’achat ; et (5) Le sentiment post-achat. FIGURE 21 Les niveaux successifs de la prise de décision du consommateur

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16.4.1. La révélation ou la reconnaissance du problème Un besoin n'est pas toujours évident. Certains besoins se manifestent en réponse à des stimuli internes (la soif), d'autres sont révélés par des stimuli externes (la vitrine d'un magasin, la publicité, le bouche à oreille ou le désir d'imiter des personnes que le consommateur admire). Dans certains cas, l'étape de l'éveil du besoin est très brève (la faim), dans d'autres cas, elle est très longue (besoin d'études universitaires). Dans certains cas, il s'agira même d'un diagnostic qui exigera aussi bien l'implication de l'acheteur que du vendeur (choix d’une assurance). L'action marketing doit tenir compte des stimuli susceptibles d'engendrer un besoin ou un désir. 16.4.2. La recherche d'information La recherche d’information commence une fois que le besoin est révélé (dans certains cas, les deux étapes peuvent être confondues). Elle prendra la forme soit : (a) d'une recherche d’informations internes; ou (b) d’une recherche active d'informations externes. Lors d’une prise de décision d’achat, nous pouvons entreprendre une recherche interne en analysant nos propres connaissances pour rassembler des informations sur le choix du produit. Cependant, afin de parfaire notre analyse de l’information, nous avons besoin de compléter nos connaissances au travers d’une recherche externe. Dans certains cas (par exemple pour le choix des services d'un avocat ou d'un dentiste), l'acheteur favorisera des sources d'information externes plus personnelles telles que ses proches ou ses voisins. Dans d'autres cas, il cherchera l'information publique qui lui paraît la plus objective, telle que l'opinion des associations de consommateurs ou l'opinion des experts. Dans d'autres cas encore, il se laissera influencer par la publicité ou par d'autres sources commerciales. Evidemment, une importante source d'information pour le consommateur restera le contact direct avec le produit et l'expérience qu'il fait avec la marque concernée (donc ses informations internes récoltées au travers de sa relation avec la marque ou le produit). Le processus de recherche d’information implique également ce que l’on nomme l’économie de l’information. L’idée est que les consommateurs recueilleront autant de données nécessaires afin de prendre une décision en toute connaissance de cause. Les consommateurs forment des attentes sur la valeur de chaque information supplémentaire et continuent leur recherche tant qu’ils considèrent que leur coût est inférieur au bénéfice fourni (ce que les économistes nomment utilité). Dit autrement, les consommateurs se donneront du mal à collecter autant d’informations que possible si ce processus n’est pas trop lourd et ne prend pas trop de temps par rapport aux avantages que cela leur procure dans leur résolution du problème. En règle générale, l’activité de recherche d’information dépend de l’importance de l’achat ou lorsque les informations pertinentes sont plus difficile à obtenir et à traiter. Le profil des consommateurs influence également la quantité d’information recherchée. Ceteris paribus, les personnes les plus jeunes et ayant le plus haut niveau de formation ont tendance à effectuer plus de recherche. Les femmes cherchent plus volontiers que les

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hommes, de même que ceux qui attachent plus d’importance à leur style et à l’image qu’ils donnent (Prus 1989). Normalement, les décisions d’achat qui impliquent une recherche approfondie d’information comportent un risque perçu. La perception du risque peut être due au cout, à la complexité du produit ou à la difficulté de le comprendre. Raymond Bauer (1960) est le premier chercheur qui a formellement proposé d’analyser le comportement du consommateur en tant que preneur de risque. Le problème central du consommateur est le choix. Etant donné que l’issue d’un choix ne peut être connue que dans le futur, le consommateur est confronté à l’incertitude. La perception du risque est un point fondamental du comportement du consommateur parce que le risque est souvent perçu comme désagréable et pouvant produire de l’anxiété (Tylor 1974). La tableau 12 présente cinq formes de risques. TABLEAU 12 Cinq types de risques perçus Type de risque

Acheteurs les plus sensibles au risque

Achat les plus sujets à risque

Risque monétaire

Les personnes à revenu et fortune plus modestes sont plus vulnérables

Les articles hauts de gamme représentant une dépense élevée

Risque fonctionnel

Capital-risque constitué des différents moyens de satisfaire le besoin. Les consommateurs pratiques sont les plus exposés

Produits et services qui requièrent l’implication exclusive de l’acheteur

Risque physique

Capital-risque constitué de la vigueur physique et de la santé. Personnes âgées ou en mauvaise santé sont plus sensibles à ce risque

Véhicules, produits inflammables, traitement médicaux, alimentation, etc…

Risque social

Capital-risque constitué de l’amour propre et de la confiance en soi. Personnes peu sûres d’elles sont les plus exposées

Les biens socialement visibles et symboliques : vêtements, bijoux, voitures, maisons,…

Risque psychologique

Capital-risque constitué des affiliations et du statut. Ceux qui manquent de respect de soi sont plus sensibles que les autres

Les dépenses qui peuvent engendrer la culpabilité, les biens durables et services dont l’utilisation demande un sacrifice

(Source : Inspiré de Solomon et al. 2004)

Le risque perçu peut être drastiquement réduit en fonction de l’investissement qu’accorde le consommateur dans le processus de recherche d’information sur le produit ou service. Les consommateurs n’engagent pas forcément une recherche rationnelle en identifiant chaque option de façon rigoureuse. Certains produits nécessitent en réalité beaucoup moins d’information (voir chapitre 16.5). Qui plus est, il existe une multitude de biais cognitifs dans le processus de décision (voir chapitre 20). 16.4.3. L’évaluation des alternatives L'évaluation est la phase dans laquelle l'acheteur forme ses jugements quant aux marques qu'il compare. L'évaluation est dépendante des attributs d'un produit, de l'importance et UNINE, 2009

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de la concordance des attributs tels qu'ils sont perçus par le consommateur, de ses préférences et de sa procédure d'évaluation. Quelles sont les procédures d'évaluation d'achat ? La littérature scientifique en marketing propose plusieurs modèles explicatifs de formation d'un ordre de préférence (ces modèles seront développés au chapitre 18 consacré aux attitudes). Lors du processus d’évaluation du choix de consommation, le consommateur va étudier les possibilités qui s’offrent à lui, ce que l’on appelle son ensemble évoqué, c'est-à-dire tous les produits qu’il comprend déjà en mémoire ainsi que les produits exposés dans son environnement commercial. En règle générale, les consommateurs incluent un nombre relativement réduit de possibilités dans leur ensemble évoqué (par exemple, la taille moyenne de l’ensemble évoqué d’un consommateur de bière américain est inférieur à trois). On note également l’existence d’un ensemble inerte, qui est composé de tous les produits/marques dont le consommateur connait l’existence, mais pour lesquels celui-ci ne considère pas l’achat au début de son processus à cause d’une évaluation préliminairement négative (Spiggle & Sewal 1987). La présence de la marque dans l’ensemble inerte du consommateur est un élément clef sur lequel le responsable marketing doit intervenir. Un deuxième volet important dans l’évaluation des alternatives consiste en la catégorisation des produits. Lorsqu’un consommateur évalue des produits, il les évalue en fonction de ce qu’il connaît déjà de ces produits ou de produits comparables. Ce processus de catégorisation peut être favorable ou non au produit, selon ce à quoi il est comparé (ex. du caviar en conserve, si associé aux autres produits en conserve de type carottes, peut avoir des effets négatifs sur le produit). En effet, la catégorisation des produits présente de nombreuses implications stratégiques tel que le positionnement ou encore le fait d’être un produit exemplaire au sein de sa catégorie. 16.4.4. La sélection de l’alternative et l’achat Une fois les alternatives pertinentes d’une catégorie évaluées, il reste à effectuer son choix. L’intégration des informations récoltées comme les expériences passées avec le produit ou un produit comparable, les informations présentes lors de l’achat ou encore les croyances relatives aux marques communiquées par la publicité, peut drastiquement influencer le choix (Smith 1993). Le consommateur utilisera des critères d’évaluation pour juger les mérites des options en compétition. Les attributs qui seront réellement utilisés pour différencier les options sont appelés les attributs saillants ou déterminants. Les consommateurs étudient les ensembles d’attributs selon différentes règles, en fonction de la complexité de la décision et de l’importance qu’ils y accordent. Il existe deux formes principales de règles : les règles de décision compensatoire et non compensatoire. Les règles non compensatoires sont des raccourcis de choix dans lesquels un produit possède un attribut si faible que d’autres attributs mieux jugés ne peuvent pas compenser cette faiblesse. Dit autrement, le consommateur élimine toutes les options qui ne remplissent pas certaines conditions de base. A la différence, les règles de décision compensatoires laissent au produit une chance d’être choisi malgré une insuffisance. Dans ce cas, les

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consommateurs sont prêts à mettre en balance les qualités et défauts des produits et leur choix peut donc différer nettement (voir également chapitre 18) 16.4.5. Le sentiment post-achat La vente ne se termine pas avec l’achat. Le consommateur fait face à bien d’autres activités lorsqu’il utilise le produit chez lui et doit décider s’il en est satisfait. Le processus de satisfaction est spécialement important pour les spécialistes marketing qui sont conscients que la clef du succès n’est pas de réaliser une vente, mais de créer une relation à long terme avec le client afin qu’il renouvelle son achat. Le client est souvent insécurisé face au choix qu'il doit faire lors du processus d'achat. Tout d'abord il peut avoir des difficultés à percevoir des différences significatives entre les marques ou même les produits. Ensuite, il peut aussi douter de ses capacités à bien choisir et se laisser impressionner par l'entourage. De telles situations peuvent se traduire par une situation de dissonance cognitive résultant du sentiment d'avoir peut-être commis une erreur, autrement dit, d’avoir eu un comportement d’achat antagonique à son attitude par rapport au produit ou service. En effet, cette situation de dissonance cognitive peut arriver lorsque nous avons pris une décision après avoir longtemps hésité entre plusieurs possibilités qui comportaient chacune leurs avantages et leurs inconvénients. Cela tient au fait que nous sommes conscients d’avoir rejeté une solution en partie positive, donc de perdre quelque chose. C’est ce que les psychologues sociaux nomment la dissonance postdécisionnelle (Festinger 1957). ENCADRE 21: Quelques stratégies pour accroître la justification post-achat Afin de rassurer le client sur le bien-fondé de sa décision d'achat, le fournisseur doit mettre en place une stratégie de communication dont voici quelques exemples : • Texte d'un papillon attaché au produit vendu : « Vous êtes l'heureux acquéreur d'une montre Cartier, célèbre pour ses exceptionnelles qualités techniques et esthétiques » • « 5 millions de consommateurs ont déjà acheté le même produit » • « Le modèle de montre que vous avez acheté a été primé à l'exposition universelle X pour ses qualités techniques et esthétiques » • « Nous reprenons votre produit dans les deux semaines qui suivent votre achat s'il ne vous donne pas entière satisfaction »

Après l'achat, le client cherchera donc à se rassurer sur le bien-fondé de sa décision et aura tendance à se forger une attitude favorable vis-à-vis du produit acheté afin de réduire la situation de dissonance cognitive. De nombreuses études empiriques confirment que le consommateur a tendance à valoriser ses décisions après coup (voir par exemple Knox et d’Inkster 1968, Frenkel et Doob 1976). On remarque notamment que les nouveaux propriétaires de maisons sont particulièrement sensibles aux félicitations au sujet de leur UNINE, 2009

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bon achat immobilier, et la majorité des consommateurs apprécient quand on leur fait des compliments au sujet de leurs achats vestimentaires. Les enjeux marketing sont clairs : favoriser tant que possible la justification post-achat au moyen des outils de communication à disposition (voir encadré 21). 18.4.6. Le modèle du processus consommation/évaluation de Fisk Le modèle de Fisk (1981) est un modèle offrant une description du processus d’évaluation d'achat et de consommation basé sur une décomposition de ce processus en trois stades: (a) La préconsommation ; (b) La consommation et (c) La postconsommation. La préconsommation couvre des étapes telles que la reconnaissance du problème, la recherche de l'information et la sélection de solutions alternatives (voir Figure 22). Le modèle peut être résumé par la formule suivante : (6) EIII = f (EI, EII, utilisation) où EI = f (reconnaissance du problème, recherche de l'information et sélection de alternatives) et EII = f (EI, choix)

FIGURE 22 Le modèle du processus consommation-évaluation de Fisk

(Source : Fisk 1981)

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Le stade de la préconsommation contient les événements et les actions qui ont lieu typiquement avant la consommation tels que reconnaissance du problème à résoudre la recherche de l'information sur les alternatives d'achat, la sélection des alternatives, etc. L'objectif du stade I est d'identifier la meilleure solution aux problèmes du consommateur. Le stade de la consommation est le stade où le consommateur fait son choix. Evaluation II est une fonction de l'évaluation I ainsi que du choix effectué. Pendant le stade de la préconsommation, le consommateur formule ses attentes au sujet du service. Les expériences associées avec le service seront confrontées avec ses attentes. Si le client est satisfait du service, il l'utilisera. Si le client n'est pas satisfait, il peut être néanmoins obligé d'utiliser le service. Dans un tel cas, il cherchera à réduire sa dissatisfaction en se plaignant, en refusant de payer, etc. Evaluation III est une fonction de l'évaluation II et de l'évaluation I. La satisfaction constitue la motivation de ré-achat. La dissatisfaction, par contre, peut empêcher le ré-achat ou se traduire par la communication des opinions négatives aux autres consommateurs. Les études empiriques démontrent que le client communiquera sa dissatisfaction à un plus grand nombre des personnes que sa satisfaction.

16.5. Les types de décisions du consommateur La quantité d’information recherchée par le consommateur ou l’évaluation du produit diffère en fonction du type de décisions. En effet, pour caractériser le processus de prise de décision, il peut être utile de considérer les efforts que nécessite chaque prise de décision. Les recherches menées par Howard & Sheth (1969) nous proposent de représenter ce processus de décision au travers d’un continuum allant de : (1) la prise de décision habituelle ou l’achat routinier (« Routinized Problem Solving ») (2) la résolution courte du problème (« Limited Problem Solving ») (3) la résolution longue du problème (« Extensive Problem Solving ») Les décisions qui impliquent une résolution longue du problème (RLP) sont plus proches de la perspective traditionnelle de la prise de décision. Dans ce cadre, le consommateur tente de récolter le plus d’informations possibles, en ayant recours à la recherche interne et externe. La prise de décision prend généralement plus de temps du au processus de recherche d’information mais également au temps alloué à l’évaluation et l’examen des attributs de la marque. On note également un niveau d’implication plus élevé et la décision finale est perçue comme présentant un certain risque. La résolution courte du problème (RCP) est en général plus simple et plus directe. Les acheteurs ne recherchent pas beaucoup d’information et n’évaluent pas chaque solution de façon rigoureuse. L’utilisation de règles simples de décision (raccourcis cognitifs) leur permet de choisir plus rapidement des solutions, par exemple en adoption une ligne de conduite générale plutôt que de recommencer chaque fois le processus de décision. La troisième catégorie, l’achat routinier (AR) concerne les situations où le consommateur prend des décisions sans y UNINE, 2009

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accorder beaucoup d’effort conscient. Ce type d’achat concerne en réalité la majeure partie de nos achats (ex. les produits que l’on place machinalement dans notre panier au supermarché) et pose un problème important sur le plan marketing : comment introduire de la nouveauté dans un tel contexte ? Les stratégies marketing permettant de changer ce schéma de prise de décision routinier devront faire preuve de tact dans la manière dont elles convainquent le consommateur qu’il a intérêt à oublier ses vieilles habitudes de consommation pour en acquérir de nouvelles.

TABLEAU 13 Les caractéristiques des stades de décision Stade de vie du produit

Stade de décision

Quantité d’information exigée

Rapidité de la prise de décision

Introduction

RLP

Importante

Longue

Croissance

RCP

Moyenne

Moyenne

Maturité

AR

Petite

Courte

Source : Howard (1989)

Le processus de décision d'achat est fortement influencé par le stade du cycle de vie du produit. Cette classification est basée sur le fait que le consommateur tend à simplifier son processus d'achat à la suite d'un processus d'information et d'apprentissage. Le tableau cidessous compare l’analyse du cycle de vie du produit sous l’angle économique, psychologique et marketing.

TABLEAU 14 Processus de décision d’achat et cycle de vie du produit Croissance du produit

Maturité du produit

La fonction d’utilité change

La fonction d’utilité ne change plus mais la technologie de consommation change

La fonction d’utilité est constante et la technologie de consommation est constante

La formation du concept

Le concept atteint

L’utilisation du concept

Résolution longue du problème

Résolution courte du problème

Achat routinier

Introduction du produit

Economie

Psychologie

Marketing

Source : Howard (1989)

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16.6. Satisfaction du consommateur Lors de la cinquième phase du processus d’achat, le sentiment post achat, la question de la satisfaction ou non du consommateur est primordiale et déterminera la potentielle fidélisation de celui-ci. Qu’est ce donc alors que la satisfaction ? L'action de contenter un besoin ou un désir est couramment appelée la satisfaction. Selon le philosophe anglais Alfred North Whitehead un sage désire : (i) vivre, (ii) vivre bien et (iii) vivre mieux (Bochenski, 1992). Vivre bien nécessite en plus de la consommation une certaine qualité des relations humaines et un sens à sa vie (voir Figure 23). Le bonheur est comme la chaleur d'un four à bois qui se dégage lors d'une activité humaine donnant un sens à la vie. Donner un sens à sa vie constitue donc une nécessité incontournable de la satisfaction et la condition sine qua non de l'épanouissement de l'homme. Il en résulte que la consommation des biens obtenus lors des échanges commerciaux ne peut donc constituer la seule source de la satisfaction humaine. FIGURE 23 L’anatomie de la satisfaction et les échanges commerciaux

(Source : Kostecki 1996)

La satisfaction ou l’insatisfaction du client est déterminée par ses sentiments globaux, ou son attitude vis-à-vis d’un produit ou service après son achat. Plus précisément, le degré de satisfaction résultant de la consommation d'un produit (utilité du produit) est déterminé par (i) l'expérience même de la consommation (le vécu) et (ii) la mémorisation. On peut donc faire la distinction entre : l'utilité vécue et l'utilité mémorisée. L'utilité vécue est évaluée immédiatement lors du processus de la consommation. L'utilité mémorisée est une représentation biaisée et incomplète de l'utilité vécue. Le biais résulte de l'oubli et des règles qui caractérisent le processus de l'évaluation rétrospective d'une longue expérience en un seul score global (l'évaluation des aspects positifs et négatifs de l'expérience). Par exemple, l'application de la règle "tout est bien qui finit bien" peut se traduire par une importante différence entre le score de l'utilité vécue et celui de l'utilité mémorisée. On peut considérer que chaque acte de consommation est une forme de service. L'utilité vécue peut avoir un profil bien différent (c'est-à-dire suivre différentes règles de l'évaluation) selon la nature du service. UNINE, 2009

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Les consommateurs sont engagés dans un processus constant d’évaluation des produits et services achetés au travers de leurs activités de consommateurs. Ce qui est attendu par le consommateur est la qualité et la valeur. Le niveau de satisfaction du consommateur est influencé par la relation entre la performance et le niveau des attentes du consommateur (Hansen 1972). Cette relation suggère que la stratégie de communication qui vise à attirer les clients vers un produit doit être conçue en fonction de la performance du produit afin de ne pas créer des attentes trop élevées dans l'esprit du consommateur. Cette qualité et cette valeur est en réalité relative aux attentes qui ont été formulées préalablement par le consommateur en fonction de ses croyances à propos du produit, d’une expérience antérieure ou d’une communication vantant les qualités du produit. Si le produit répond conformément à ses attentes, la réaction positive du client ne sera pas nécessairement très importante. S’il dépasse ses attentes, il sera satisfaits. Par contre, si le résultat est en dessous des attentes, un sentiment d’insatisfaction important peut en résulter. Donc selon cette approche, la satisfaction ou l’insatisfaction n’est autre que la confirmation ou non de nos attentes. Par exemple un niveau particulier d’attentes en ce qui concerne la propreté de votre chambre au Marriott peut vous sembler extrêmement insatisfaisant alors que ce même niveau de propreté vous aurait semblé satisfaisant dans un hôtel Ibis. Ceci souligne l’importance de la gestion des attentes. En effet, plus vous offrez de promesses difficile à atteindre, plus le risque d’insatisfaction du consommateur est important. Il est aussi utile en marketing de faire la différence entre les critères de satisfaction et les critères d'insatisfaction (Herzberg, 1966). Ces derniers sont fréquemment différents des premiers. Par exemple, dans le cas des services bancaires, les critères de satisfaction peuvent concerner des aspects tels que les services supplémentaires ou la personnalisation du service, tandis que les critères d'insatisfaction incluent le temps d'attente trop long (Kostecki 1996b).

16.7. Avoir ou faire ? Anatomie de la satisfaction La figure 24 propose une simple typologie des plaisirs de l'individu en faisant la distinction entre les plaisirs (i) d'utiliser, (ii) d'avoir et (iii) d'être. Au final, l’expérience rend-elle les gens plus heureux que la possession matérielle ? L’étude du comportement du consommateur a d’abord permis de mettre en évidence le fait que les personnes matérialistes tendent à avoir moins de bien être que les personnes non matérialistes. Les personnes entièrement d’accord avec des idées telles que « l’une des choses les plus importantes pour moi dans la vie comprend l’acquisition de biens matériels » ou encore « acheter des choses me donne énormément de plaisir » sont les personnes qui enregistrent les niveaux de satisfaction les plus faibles comparé à ceux qui ne sont pas d’accord avec de telles propositions (Belk 1985, Richins & Dawson 1992). De récentes recherches issues de la psychologie sociale ont finalement permis de démontrer que les achats d’expériences (ceux effectués avec l’intention d’acquérir une expérience de vie), rendent les gens plus heureux que les achats matériels (Van Boven & Gilovich 1993). UNINE, 2009

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FIGURE 24 L’anatomie de la satisfaction

Pourquoi les achats d’expériences rendent-ils les gens plus satisfaits que les achats matériels ? Trois explications permettent de comprendre la raison de ce phénomène. Tout d’abord, les expériences sont plus susceptibles d’être réinterprétées positivement avec le temps comparativement aux possessions matérielles. Ensuite, les expériences sont beaucoup plus centrales en ce qui concerne le développement identitaire de la personne. La vie d’une personne est en quelque sorte la somme de ses expériences, ce qui n’est pas vraiment le cas si l’on parle de possessions matérielles. Finalement, les expériences ont une valeur sociale plus importante dans le sens où il est plus agréable et utile dans la création de liens sociaux de parler de ses expériences que de parler de ses possessions matérielles (Van Boven & Gilovich 1993). Si l’on prend le cas particulier des services, on remarque que ces derniers peuvent être classifiés en deux grandes catégories : Catégorie "R" : "c'est le résultat final qui compte" ; Catégorie "P" : "c'est le processus qui compte" La catégorie "R" est bien illustrée par des services tels que les soins dentaires, les services de nettoyage ou la consommation des médicaments. La catégorie "P" contient des services tels que les concerts ou les voyages de divertissement. Chaque type de consommation peut être placé quelque part entre ces deux positions extrêmes. Dans le même ordre d’idées, le modèle de Holbrook et Hirschman (1982) est fondé sur la recherche d’expériences par le consommateur. Les auteurs montrent en effet qu’en étudiant le consommateur en tant que simple processeur d’informations (comme par exemple les modèles multiattributs présentés au chapitre 18), les recherches en théories du comportement du consommateur ont négligé l’importance aussi importante des aspects expérientiels de la consommation. Dans certaines situations et pour certains types des produits (par exemple le théâtre) le consommateur est intéressé davantage par une expérience vécue que par la recherche de l’utilité que procure le produit. La consommation du produit se traduit par une expérience qui en elle-même est une source de satisfaction. La consommation d’un spectacle de théâtre expérimental ou d’un vin de grand cru peuvent illustrer les situations dans lesquelles le consommateur recherche avant tout l’expérience (Holbrook et Hirschman 1982 ; Bourgeron et Filser, 1995).

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16. La motivation du client L'élément auquel il faut toujours remonter dans l'analyse marketing est la conduite d'achat. Or, toute conduite suppose des mobiles et des valeurs finales (Piaget 1964). Comprendre les motivations, c’est comprendre les réactions et les choix des consommateurs. Si l’objectif du marketing est de satisfaire les besoins des consommateurs, cela implique qu’il faille comprendre ses besoins et leurs raisons d’être. La motivation reste donc au centre de l'analyse marketing.

16.1. Motivation et besoins Par motivation on entend « l'ensemble des facteurs ou des besoins qui déterminent le comportement ». Quand un besoin se fait sentir, il se crée une tension qui amène la personne à agir afin de le satisfaire. La motivation désigne donc « ces processus qui conduisent les individus à agir ». Les besoins peuvent être utilitaires (recherche d’un bénéfice fonctionnel) ou hédoniques (besoin expérimental, induisant des réponses émotionnelles ou imaginaires). Les théories psychologiques de la motivation font également la différence entre les besoins biogéniques, les besoins physiologiques innés tels que la faim ou la soif et les besoins psychogéniques tels que le besoin de statut, de pouvoir, de plaire ou d'aimer. La plus grande partie de l'effort marketing dans les pays développés s'adresse aux besoins psychogéniques du consommateur. De façon générale, le besoin doit devenir suffisamment intense pour constituer un mobile à l'action (par exemple l'achat). L'intensité avec laquelle le client ressent un besoin a un impact important sur le comportement d'achat. Par exemple, une étude conduite aux Etats-Unis a montré que des ménagères qui n'avaient pas mangé depuis 5 heures dépensaient en moyenne $ 7.50 de plus pour la nourriture en faisant leur marché que les ménagères qui faisaient leurs achats immédiatement après avoir mangé. Certains chercheurs suggèrent en ce qui concerne la demande pour les produits à fort contenu symbolique (c'est-à-dire les produits satisfaisant surtout les besoins psychogéniques) que le consommateur sera motivé par deux types de considérations principales : (i) Le désir d'impressionner les autres ou de se présenter aux autres de manière la plus avantageuse possible (la consommation démonstrative). (ii) Le désir de s'assurer sur ses qualités telles que le goût, le courage ou l'intelligence (la consommation justificative), (Goffman 1971, Campbell 1993). Soulignons que les motifs cidessus ne sont pas nécessairement contradictoires car (i) peut aussi constituer le moyen d'attendre (ii).

16.4. Théories de la motivation et application marketing Il existe une multitude de théories de la motivation qui inspirent les théoriciens et les praticiens du marketing (Petrof, 1988). Certaines de ces grandes écoles sont énumérées au tableau 15. Ces conceptions, bien que divergentes dans l’approche, sont en réalité complémentaires et permettent de mieux cerner le concept dans sa globalité.

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TABLEAU 15 Quelques théories de la motivation Théories de la motivation

Idée centrale

Auteurs clefs

La conception classique de l’économie

Les consommateurs cherchent à acheter les biens et services qui leur donnent la plus grande satisfaction

Adam Smith, Alfred Marshall, Jeremy Bentham

La théorie psychanalytique

Porte sur la façon de résoudre ses conflits internes. Sexualité comme motif dominant (leitmotiv).

Freud, Lacan

La théorie néo-freudienne

Ajoutent à l’importance accordée à la sexualité une variété d’autres motifs. Exemple : Le motif fondamental est la lutte pour la supériorité dans le but de surmonter les sentiments d’infériorité acquis pendant l’enfance (Adler)

Alfred Adler, Eric Fromm, Harry S. Sullivan, Karen Horney

La théorie hiérarchique

Approche organisationnelle de la motivation. Accent mis sur un processus psychologique organisé. Cinq niveaux de motifs qui ont une relation avec le comportement

Abraham H. Maslow

La théorie de l’existencerelationnel-croissance

Approche basée sur la conception de Maslow. Trois différences majeures : (1) réduit à trois catégories ; (2) pas nécessairement de progression vers le haut de la hiérarchie ; (3) plus d’un besoin peuvent être déclenchés en même temps

Clayton Aldeferer

La théorie de l’image de soi

Suppose que l’individu satisfera les désirs fondés sur l’idée qu’il a de lui-même. C’est cette idée qui détermine ses motifs et le conditionne dans ce sens. Motivation comme un processus où l’individu doit constamment lutter pour maintenir et améliorer son image de lui-même

Carl Gustave Jung

La théorie du champ psychologique

Des forces d’intensités variables nous poussent à combler un besoin. Lorsque nous approchons de la satisfaction de ce besoin, nos motifs acquirent une valence positive, mais engendre aussi des valences négatives envers tout ce qui s’y oppose. Approche basée sur la situation et pas sur l’expérience passée.

Kurt Lewin, Leon Festinger, Alex Bavelas, Dorwin Cartwright

L’analyse transactionnelle

Focalise sur les principes de la psychanalyse et du concept de soi. Chaque individu possède certaines conceptions de lui-même et ces dernières affectent la façon dont il se comporte. Analyse les transactions entre les personnes pour faire ressurgir le contexte ayant donné lieu au stimulus transactionnel

Eric Berne

(Source : Petrof 1988)

Il est très difficile de se servir des théories de la motivation au niveau opérationnel car : (a) Des motifs différents peuvent conduire à un comportement similaire. Par exemple lors d'achat d'une voiture de sport les consommateurs peuvent être différemment motivés par le désir de rouler vite, impressionner son entourage ou paraître jeune. (b) Des motifs UNINE, 2009

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similaires peuvent avoir pour effet un comportement différent. Par exemple, le désir de la célébrité peut motiver un homme à devenir écrivain et l'autre à commettre un crime. (c) De multiples motifs inconscients sont difficilement identifiables et se prêtent mal à une analyse à des fins marketing (Dichter 1972). (d) Le comportement d'achat est souvent influencé plus fortement par notre environnement (par exemple lors des achats situationnels) que par nos motifs intérieurs. Par exemple la générosité de l'individu lors d'une collecte de fonds pour une œuvre de bienfaisance peut être fortement encouragée par le fait que les autres le regardent. (e) Dans de nombreuses situations, le consommateur peut choisir de se comporter de manière opposée à ses convictions véritables (par exemple, afin de paraître poli, le consommateur peut offrir une cigarette à une personne qu'il déteste). (f) Le comportement de l'individu ne dépend pas uniquement du type de motivation mais aussi de son intensité. Etes-vous d'accord de sauter du 10ème étage quand un incendie se déclare dans votre salle de bains ? Etes-vous prêt à sauter quand les escaliers et les ascenseurs de votre immeuble ont pris feu ?

16.3. Typologie des besoins des consommateurs Une typologie des besoins très fréquemment utilisée (et abusée) par les experts en marketing est celle de Maslow (1954) qui hiérarchise les besoins humains en six catégories: (i) besoins physiologiques, (ii) besoins de sécurité au sens large (tranquillité des rues, poste de police proche, plan de financement de l'achat d'une maison, etc.), (iii) besoins d'appartenance (intégration professionnelle, standing du quartier), (iv) besoin d'estime, de reconnaissance et d'affection, (v) besoin d'autonomie et d'indépendance, (vi) besoin d'accomplissement de soi (en quoi l'achat s'inscrit-il dans un parcours de vie). Cette pyramide est fondée sur l’hypothèse d’une hiérarchie des besoins, à savoir qu’il faut satisfaire en premier lieu ses besoins de base avant d’aspirer au niveau supérieur. Une fois l'importance respective de ces besoins identifiée, l'action marketing pourra se concentrer sur ceux qui sont les plus sensibles pour l'acheteur potentiel. Se concentrer ne veut pas dire "sur-motiver" car l'art du marketing exige de la mesure. Il s'épanouit dans un effort constant, attentif et suffisamment équilibré pour ne pas faire fuir le client. Evidemment, le profil des besoins dominants lors d'achat d'un produit dépendra aussi bien de l'individu que du produit acheté et de la situation dans laquelle l'achat a lieu. Il y a aussi un autre besoin du client que Blaise Pascal appelle "les charmes de la nouveauté" qui fait courir l'homme "témérairement après les nouvelles" (Pascal 1670). Ce modèle proposé par Maslow est assez controversé et cela pour deux raisons principales. Tout d’abord, une activité ou un produit peuvent satisfaire plusieurs niveaux de besoins et couvrir la totalité de la pyramide. Ensuite, il est important de remarquer que le modèle ne prête pas attention aux différences de cultures et fonde ses postulats hiérarchiques sur une conception purement occidentale (biais ethnocentrique). En effet, on peut prendre l’exemple des kamikazes japonais qui montrent que la survie spirituelle est une motivation plus forte que la survie physique. De la même manière, plusieurs

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cultures asiatiques valorisent plus le bien être du groupe (besoin d’appartenance) que les besoins individuels (besoins d’estime). FIGURE 25 Typologie et hiérarchie des besoins de l’individu – Théorie de Maslow

Source : Maslow (1954)

Murray (1964) fait la distinction entre les besoins fondamentaux de l'individu : besoin d'appropriation, d'accomplissement, d'exhibition, de dominance, d'affiliation, de reconnaissance, de défense, d'agression, d'autonomie, d'ordre, d'éviter l'infériorité, de protection, de compréhension, de secours, de jeux. Le tableau 16 basé sur la classification de Murray permet d’évaluer le profil des besoins du client lors d’une situation d’achat. Depuis la recherche pionnière effectuée par Maslow, une multitude de typologie ont vue le jour. D’autres formes de présentations de la hiérarchie des besoins sont notamment disponibles dans Packard (1958). TABLEAU 16 L’évaluation des besoins du client lors de la situation d’achat Type de besoin

Importance du besoin pour le client lors de la situation d’achat considérée

1. Appropriation 1 2 3 4 5 6 2. Accomplissement 1 2 3 4 5 6 3. Exhibition 1 2 3 4 5 6 4. Dominance 1 2 3 4 5 6 5. Affiliation 1 2 3 4 5 6 6. Reconnaissance 1 2 3 4 5 6 7. Défense 1 2 3 4 5 6 8. Agression 1 2 3 4 5 6 9. Autonomie 1 2 3 4 5 6 10. Ordre 1 2 3 4 5 6 11. Eviter l’infériorité 1 2 3 4 5 6 12. Protection 1 2 3 4 5 6 13. Incompréhension 1 2 3 4 5 6 14. Secours 1 2 3 4 5 6 15. Jeux 1 2 3 4 5 6 Echelle de Lickert allant de 1 à 6 (allant de « 1 » sans aucune importance à « 6 » extrêmement important (Source : adapté de Murray 1964)

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16.4. Les conflits de motivations Il est aussi utile dans le marketing de faire la distinction entre (i) la tendance à l'approche (maximisation de la satisfaction) et (ii) la tendance à l'évitement (minimisation de la dissatisfaction). Tout objectif a une valence positive ou négative. Les consommateurs tendent vers des objectifs à valence positive et vont chercher des produits leur permettant de les atteindre. Par opposé, les consommateurs peuvent tendre à éviter un résultat négatif. Ils organisent alors leur consommation pour ne surtout pas atteindre ce résultat. C’est en cela que beaucoup de consommateurs désirent éviter le rejet, c'est-à-dire l’objectif négatif (ex. les déodorants répondent aux motivations négatives de ceux qui souhaitent éviter la transpiration). Les trois types de conflits motivationnels auxquels fait face le consommateur qui cherche à atteindre ses objectifs sont présentés dans le tableau 17. Une décision d’achat implique plusieurs sources de motivations, positives ou négatives qui souvent se rivalisent. Dans ce contexte, le rôle du marketing est de proposer des solutions à ces potentiels dilemmes. TABLEAU 17 Tendance à l’approche et à l’évitement Type de conflit

Approche – Approche

Evitement – Evitement

Approche – Evitement

Exemple La contrainte budgétaire oblige le consommateur à choisir entre deux plaisirs : (a) l'achat d'un système HiFi ou (b) des vacances à l'étranger. Il s'agit d'une substitution budgétaire. Le consommateur doit choisir entre deux situations désagréables : (i) consommer un repas sans sel ou (ii) aller dans le froid acheter du sel dans le magasin le plus proche. Le consommateur choisit entre deux combinaisons de choses agréables/désagréables à la fois. Par exemple, le consommateur a envie de manger un chocolat mais il a peur de grossir.

Dans un conflit approche-approche, un consommateur doit choisir entre deux options désirables. Dans ce contexte, les professionnels du marketing peuvent tenter de résoudre le conflit en liant plusieurs bénéfices. Par exemple, les produits allégés revendiquent souvent d’avoir du goût, ce qui permet d’éviter au consommateur d’avoir à faire des choix entre des bénéfices qui pourraient sembler incompatibles. Le conflit évitement-évitement survient quand les consommateurs sont tiraillés entre deux options indésirables. Par exemple, suite à une panne imprévue, une personne peut hésiter entre investir dans la réparation de sa chaudière ou l’achat d’une nouvelle chaudière. Il est possible d’arbitrer ce conflit en insistant sur les avantages cachés de l’une des options (par exemple, en valorisant un plan de crédit pour la nouvelle chaudière). Le conflit approche-évitement survient lorsque nous sommes tiraillés entre le désir d’un produit et son évitement. Un

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bon exemple de prise en compte par les praticiens du marketing est le slogan « parce que je le vaux bien » de la société l’Oréal qui offre au consommateur la possibilité de surmonter la culpabilité en convainquant les consommateurs qu’ils méritent le luxe. De façon générale, on note que l'action publicitaire ou l'effort de vente renforce la tendance à l'approche. L'offre de crédit ou d'un service de livraison réduisent la tendance à l'évitement.

17. Perception, apprentissage et attitudes du client 17.1. Le processus de perception Nous savons à présent que le consommateur ne se comporte nullement d'après la réalité extérieure, dont il n'a qu'une connaissance très imparfaite, que d'après la manière dont il perçoit cette réalité (voir chapitre 9). Il se comporte d'après des images qu’il se représente. L'image résulte de la perception. La perception est « le processus par lequel l'homme choisit, organise et interprète des informations pour construire une image de son environnement en accord avec son schéma de référence ». Au même titre que les systèmes informatiques, les consommateurs procèdent à des étapes de traitement de données au cours desquelles les stimuli sont saisis et stockés. Cela étant, contrairement à l’ordinateur, nous ne remarquons que certains stimuli de notre environnement. Parmi ceux-là, nous n’en retenons que quelques-uns, que nous ne traiterons peut-être pas de façon objective. La perception n’est pas seulement liée au stimulus lui-même, en réalité, trois facteurs déterminent sa perception : (a) les caractéristiques du stimulus, c'est-à-dire la nature de l’information livrée ; (b) le contexte social et culturel dans lequel l’information est recueillie et ; (c) les caractéristiques du consommateur lui-même telles que sa connaissance personnelle par rapport au stimulus ou ses expériences passées (Sheth et al. 1999). FIGURE 26 Schéma du processus de perception

Source : Solomon et al. (2004)

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Comme illustré dans la figure 26, le processus de perception est divisé en trois étapes que sont l’exposition, l’attention et l’interprétation. L’exposition a lieu lorsqu’un stimulus est perceptible par les récepteurs sensoriels d’un individu. La deuxième phase, l’attention, correspond au degré d’activité de traitement consacré à un stimulus précis. Comme la capacité du cerveau à emmagasiner des informations est limitée, les consommateurs sélectionnent ce à quoi ils sont attentifs, c’est ce que l’on nomme le processus de sélection perceptuelle. L’étape finale consiste en l’interprétation de ces stimuli sélectionnés. Lors de la phase d’exposition, les consommateurs se concentrent sur certains stimuli et n’en perçoivent pas d’autres. En marketing, il est souvent essentiel de savoir si la différence entre deux stimuli sera perçue par les consommateurs. En effet, le responsable marketing peut travailler sur ces stimuli afin de capter l’attention du consommateur. Pour ce faire, il faut se demander à partir de quel niveau l'attribut physique d'un produit sera-t-il observable, c'est-à-dire, à partir de quel niveau le consommateur moyen est-il capable de reconnaître son existence? La loi de Weber nous permet de répondre à cette question. Au 18ème siècle, un psychopysicien, Ernst Weber, a établi que le degré de changement nécessaire pour être perçu dépend systématiquement de l’intensité du stimulus initial. Par exemple, le consommateur moyen reconnaît que l'eau est sucrée dès qu'elle contient au moins 50 grammes de sucre par litre. On peut aussi parler d'un minimum de différence observable d'un attribut. Par exemple, le consommateur moyen saura reconnaître qu'un litre d'eau est plus sucré que celui qui contient 50 grammes de sucre dès que la différence dépasse 10% (5 grammes). Si nous substituons une ampoule de 100 watts par une ampoule de 50 watts la différence d'éclairage est plus facilement observable que dans le cas où nous substituons une ampoule de 150 watts par une ampoule de 100 watts. Cela veut dire que le minimum de différence observable dépend aussi de l'intensité initiale du stimulus. La loi de Weber résume cette relation dans la formule suivante : (1)

,

Où est le montant d'input (énergie) qu'il faut augmenter afin que l'observateur puisse remarquer la différence, I est le niveau initial d'input (énergie). Autrement dit, plus le stimulus d’origine est fort, plus le changement devra être grand pour être perçu. L’implication pour les praticiens du marketing est évidente. Par exemple, on remarque qu’en moyenne, certains détaillants considèrent qu’une réduction doit être d’au moins 20% pour influencer les acheteurs. Si tel est le cas, une paire de chaussette vendue à CHF10 doit être mise en promotion à CHF8. En revanche, pour un pantalon vendu CHF100, une simple réduction de CHF2 ne suffit pas, il devra être soldé à CHF80 pour que la promotion ait le même impact.

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ENCADRE 22: La différence perceptible On peut se demander si la notion de "continu mathématique" n'est pas tout simplement tirée de l'expérience. Si cela était le cas, les données brutes de l'expérience, que sont nos sensations, seraient susceptibles d'être quantifiées. On pourrait être tenté de le croire puisque, récemment, des chercheurs se sont efforcés de les mesurer et qu'une loi, connue sous le nom de loi de Fechner, a été formulée, d'après laquelle la sensation serait proportionnelle au logarithme de l'excitation. Mais si l'on examine de près les expériences par lesquelles on a cherché à établir cette loi, on serait conduit à une conclusion toute contraire. On a observé, par exemple, qu'un poids A de 10 grammes et un poids B de 11 grammes produisaient des sensations identiques, que le poids B ne pouvait non plus être discerné d'un poids C de 12 grammes, mais que l'on distinguait facilement le poids A du poids C. Les résultats bruts de l'expérience peuvent donc s'exprimer par les relations suivantes : A = B, B = C, A < C, qui peuvent être observées comme la formule du "continu physique". Il y a là, avec le principe de contradiction, un désaccord intolérable, et c'est la nécessité de le faire cesser qui nous a contraints à inventer le "continu mathématique". On est donc forcé de conclure que cette notion a été créée de toutes pièces par l'esprit, mais que c'est l'expérience qui lui en a fourni l'occasion. Nous ne pouvons croire que deux quantités égales à une même troisième ne soient pas égales entre elles, et c'est ainsi que nous sommes amenés à supposer que A est différent de B et B de C, mais que l'imperfection de nos sens ne nous avait pas permis de les discerner. (Source : Poincarré 1902)

17.2. Les attitudes du consommateur et le modèle ABC L'attitude est souvent définie comme étant « une tendance (une prédisposition) à évaluer d'une certaine manière un objet ou le symbole qui lui est lié, et ce de façon durable ». De façon générale, la littérature marketing recense trois modèles d’attitudes : (1) les modèles de hiérarchie d’effets (le modèle ABC) ; (2) les modèles multiattributs et ; (3) les modèles mesurant l’attitude vis-à-vis de la publicité (ces derniers ne seront pas traités dans les notes pédagogiques). Chaque type de modèle explore différentes composantes de l’attitude et les approche sous des angles complémentaires de façon à comprendre le développement de l’attitude (Wells & Prensky 1996). Le modèle de hiérarchie des effets est exposé ci-dessous, les modèles multiattributs seront présentés au chapitre 18. L’attitude relève de la dimension affective de l’être humain. Elle se trouve au centre d’un modèle qui fait appel à deux autres dimensions : les dimensions cognitives et conatives (Fishbein et Ajzen 1975). La dimension cognitive se manifeste entre autres par les croyances de l’individu. Les croyances correspondent à l'idée que le consommateur se fait d'un produit (d'une marque), par exemple, boire un verre de vin rouge par jour est bon pour la santé. Ces sentiments correspondent à un certain degré de l'attirance (ou de la répulsion) que le consommateur ressent vis-à-vis d'un produit (par exemple, «je n'aime UNINE, 2009

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pas les films américains »). On attribue trois origines possibles aux croyances : l’expérience personnelle, l’information donnée par autrui ou une inférence. L’aspect conatif, lui renvoie aux intentions, c'est-à-dire aux actions projetées à l’égard d’un bien ou d’un service. Ces trois dimensions du consommateur sont présentées dans la figure 27 au travers du cas de l’iPhone d’Apple. FIGURE 27 Attitude, croyance et intentions : Les trois dimensions de la personne

Une attitude est durable et générale car elle ne s’applique pas à un évènement ponctuel. Les consommateurs développent des attitudes vis-à-vis d’un grand nombre d’objets : attitude envers un objet précis, envers des comportements liés à la consommation. Un enjeu de première importance pour le marketing consiste à faire évoluer les attitudes des consommateurs. Néanmoins, une tendance à agir ne correspond pas toujours au passage à l'acte du consommateur. Dans certains cas, cette tendance à agir ne se concrétise pas (le consommateur ne passe pas à l'achat du produit, malgré une attitude globalement favorable à son sujet). Dans d'autres cas, le consommateur passe à l'achat grâce une action promotionnelle du vendeur, malgré une attitude peu favorable au sujet d'un produit. Si le modèle de Fishbein et Ajzen (1975) sépare schématiquement l’attitude de la croyance et de l’intention, il est important de noter que les recherches marketing intègrent ces trois notions dans la notion même d’attitude. En effet, la plupart des chercheurs estiment que l’attitude est composée de trois éléments : l’affect, le comportement et la cognition. L’affect fait référence à la manière dont un consommateur aime un objet. Le comportement renvoie aux intentions de cette personne et la cognition désigne les croyances qu’un consommateur développe face à un objet. Ces trois composants de l’attitude constituent le modèle ABC des attitudes (« Affect, Behavior, Cognition »). Jusqu’ici, il n’y pas de différence fondamentale avec le modèle présenté ci-dessus. L’apport fondamental du modèle ABC est qu’il met en valeur le fait que l’importance relative de ces trois composants de l’attitude varie en fonction du degré de motivation du consommateur par rapport au bien ou service. L’impact relatif de ces trois composants est expliqué au travers du concept de hiérarchie des effets. UNINE, 2009

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FIGURE 28 Trois hiérarchies d’effets

Comme illustré dans la figure 28, chaque hiérarchie précise qu’une série d’étapes a lieu dans la conception d’une attitude. Dans le cas de la hiérarchie d’apprentissage standard, le choix d’un produit s’apparente à un processus de résolution de problèmes. Tout d’abord, il se fait une opinion sur le produit en intégrant des connaissances sur ses attributs (cognition), ensuite, il évalue ces opinions et se forge un point de vue (affect) et finalement, le consommateur adopte un comportement approprié en achetant le produit. La hiérarchie d’apprentissage standard suppose que le consommateur est très impliqué dans sa décision de faire un achat. Dans le cas de la hiérarchie de faible implication, le consommateur n’a pas de préférence marquée pour l’une ou l’autre des marques, se contentant d’un faible niveau de connaissance des produits dont il se fait une opinion en les utilisant ou en les consommant. Dans ce cas, les croyances entretenues précèdent le comportement (l’achat) qui lui-même va déterminer la dimension affective. La troisième catégorie, la hiérarchie expérientielle des effets, illustre les situations où les consommateurs agissent en fonction de leurs réactions émotionnelles. Selon l’approche expérientielle, les attitudes peuvent être fortement influencées par les attributs intangibles d’un produit, tels que la publicité, le nom des maques, le packaging ou encore le contexte dans lequel l’expérience a lieu.

17.3. L’image en tant que résultat de la perception L’image de marque est reconnue depuis longtemps comme un concept extrêmement important en marketing (voir par exemple Gardner & Levy 1955). L'image de marque est faite, par exemple, de toutes les idées (souvent implicites et fort confuses) entretenues au sujet d'une marque par ses consommateurs. Plus précisément, l’image de marque est définie comme étant « l’ensemble des perceptions au sujet d’une marque mises en UNINE, 2009

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évidences par les associations accordées à la marque dans l’esprit du consommateur » (Keller 1993). Ces associations effectuées par rapport à la marque peuvent être classifiées en trois catégories : les attributs, les bénéfices et les attitudes. Les attributs sont les éléments descriptifs qui caractérisent un produit ou un service. Les bénéfices recouvrent la valeur personnelle que les consommateurs attachent aux attributs du produit (ou service), dit autrement, il s’agit de tout ce que le consommateur pense au sujet de ce que le produit peut lui apporter. Et finalement, l’attitude par rapport à la marque, définie ici comme étant l’ensemble des évaluations des consommateurs par rapport à la maque (Wilkie 1986). De façon générale, l’image de marque réfère à la manière par laquelle le receveur de l’image (le consommateur) décode les signaux émanant des produits, services et de la communication couverte par la marque (Kapferer 2007). ENCADRE 23: L’image du produit, du vendeur et de la situation d’achat «Comme il approchait, au petit pas... du château ? non, du lieu de leur dernière couchée, il passe à côté de lui un de ces merciers ambulants qu'on appelle porte-balles, et qui lui crie : Monsieur le chevalier, jarretières, ceintures, cordons de montre, tabatières du dernier goût, vraies Jaback, bagues, cachets de montres. Montre, Monsieur, une montre, une belle montre d'or, ciselée, à double boîte, comme neuve... Jacques lui répond : J'en cherche bien une, mais ce n'est la tienne... et continue sa route toujours au petit pas. En allant il crut voir écrit en haut que la montre que cet homme lui avait proposée était celle de son maître. Il revient sur ses pas et dit au porte-balle : L'ami, voyons votre montre à boîte d'or, j'ai dans la fantaisie qu'elle pourrait me convenir. - Ma foi dit le porte-balle je n'en serais pas surpris, elle est belle, très belle, de Julien le Roi. Il n'y a qu'un moment qu'elle m'appartient, je l'ai acquise pour un morceau de pain, j'en ferai bon marché. J'aime les petits gains répétés, mais on est bien malheureux par le temps qui court, de trois mois d'ici je n'aurai pas une pareille aubaine. Vous m'avez l'air d'un galant homme, et j'aimerais mieux que vous en profitassiez qu'un autre...» (Source : Diderot 1797) Questions 1. En vous inspirant des concepts marketing, analysez les différents types d'approches dont se sert le vendeur afin de motiver le comportement d'achat de sa clientèle potentielle. 2. En quoi cette manière de vendre est-elle différente des méthodes de vente des grands centres commerciaux modernes ? L'approche du mercier ambulant est-elle encore appliquée dans la vente d'aujourd'hui ? Donnez quelques exemples. Pourquoi n'est-elle plus pratiquée par la majeure partie des grands magasins ? 3. Pensez-vous qu'il sera nécessaire à l'avenir d'augmenter la personnalisation dans la vente des produits de consommation ?

Il y a plusieurs types d'images qui influencent le comportement du consommateur lors d'achats (voir l’encadré 23). Les plus importants sont : (i) L'image des attributs des produits; (ii) L’image du vendeur ou producteur (facteurs relationnels); (iii) L'image de la UNINE, 2009

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situation d'achat (facteurs contextuels tels que l'image du point de vente ou la perception qu'il s'agit d'une "véritable occasion"). L'image de marque est fortement influencée par les attitudes du consommateur, sa perception et son expérience. L'expérience découle de l'apprentissage et d'un conditionnement préalable. A partir d'un stimulus donné, l'individu a tendance à répondre d'une façon préétablie en fonction de sa connaissance du produit et ses habitudes de consommation. Il est donc important pour les responsables marketing de tenir compte des attitudes, des habitudes et de l'expérience du consommateur.

18. Attitude et modèles multi attributs 18.1. Les attributs du produit : cadre notionnel Chaque produit ou chaque marque peuvent être décrits en termes d'attributs. L'attribut est l'avantage recherché par l'acheteur. L'attribut peut être fonctionnel (confort, vitesse d'une voiture) ou affectif (esthétique de la carrosserie). Certains auteurs distinguent aussi entre les macro-attributs, c'est-à-dire les attributs qui recouvrent un grand nombre de dimensions (par exemple : "la qualité" d'une voiture) et les micro-attributs qui se réfèrent à une seule dimension (la consommation d'essence) (Lambin, 2005). L'ensemble des attributs d'un produit ou d'une marque, appelé aussi "panier d'attributs", génère le service ou la satisfaction du consommateur. Généralement de nombreuses caractéristiques objectives interviennent pour produire un panier d'attributs. Les caractéristiques objectives constituent la fiche technique d'une marque. L'acheteur potentiel s'intéresse aux caractéristiques objectives d'un produit lorsque ces dernières renforcent la crédibilité d'un attribut. Le degré de présence de l'attribut dans un produit donné mesure le niveau d'un attribut. La différence entre les marques dans une catégorie de produits peut être définie de manière plus spécifique par les différences des niveaux d'attributs considérés. Les acheteurs potentiels ont des perceptions sur la présence des attributs dans la marque. Le degré de présence perçu des attributs peut varier selon le consommateur car les perceptions des individus sont relatives et sélectives. Les stimuli extérieurs sont particulièrement remarqués si l'individu éprouve un besoin auquel se réfèrent ces stimuli. Ce degré peut aussi varier car la perception s'appuie sur la publicité, le bouche-à-oreille, l'expérience et les caractéristiques observables du produit telles que l'emballage, la couleur, le design, etc. Les perceptions des acheteurs potentiels sont relatives car leurs attentes et leurs expériences ne sont pas les mêmes. Les perceptions sur la présence des attributs dans les produits sont évidemment influencées par les caractéristiques observables du produit UNINE, 2009

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telles que l'emballage, le design, le logo ou le lieu et l’emplacement de vente. Elles sont aussi dépendantes de l'expérience que le consommateur a faite avec la marque évaluée, de l'information obtenue au sujet de la marque, le comportement des autres consommateurs face à la marque, etc. Le consommateur perçoit un produit comme un mix d'attributs susceptibles de procurer l'utilité (voir par exemple le tableau 18). TABLEAU 18 Comment les clients choisissent-ils leur banque de gestion de fortune ? Attributs Valeur de la marque Relations personnelles Qualité du service professionnel Planification d’une approche intégrée de gestion de fortune Connaissance des marchés Meilleurs produits Innovation et développement de produits Savoir faire international Etendue de la gamme de produits Disponibilité de produits de fournisseurs externes Recherche et analyse

16.9% 16.3% 16.3% 13.3% 7.5% 6.7% 6.6% 6.2% 4.7% 3.4% 1.8%

(Source : PWC 2007)

Les attributs peuvent différer dans leur pouvoir de déterminer le choix du consommateur car les acheteurs potentiels n'attachent pas nécessairement la même importance à chaque attribut. Trois éléments méritent ici d’être approfondis : l’importance, la déterminance et la saillance d’un attribut. L'importance d'un attribut reflète les priorités ou les valeurs que le consommateur en question réserve à chacun des avantages offerts par la marque. Si un attribut important est également représenté dans les produits concurrents, cet attribut ne peut pas être déterminant dans le choix du consommateur. La déterminance fait référence à des attributs importants, sur lesquels l'acheteur différencie les produits (ou les marques) évalués. La déterminance est donc définie simultanément par le degré d'importance en score de différenciation, c'est-à-dire de la différence perçue entre les marques sur chacun des attributs retenus (Lambin, 2005). La saillance d'un attribut reflète la facilité avec laquelle le consommateur constate l'existence d'un attribut. Cela étant, un attribut saillant, c'est-à-dire celui que le client remarque en premier, par exemple la couleur, n'est pas nécessairement important pour lui. La différence entre l'importance d'un attribut pour un consommateur et la déterminance (l'importance de l'attribut dans la différenciation des produits) est illustrée dans le tableau 18. Il est évident que la sécurité du dépôt est de la plus grande importance pour chaque client de la banque car personne ne désire déposer son argent à la banque et le perdre. Par contre, dans un pays où les banques ne tombent que très rarement en faillite, la sécurité du dépôt n'est pas un attribut déterminant, c'est-à-dire qu’il ne vous fait pas choisir telle banque plutôt qu'une autre. UNINE, 2009

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Le modèle de Sasser, Olsen et Wyckoff (1978) postule que chaque consommateur a un ensemble de besoins. Par exemple, il a besoin d'un conseil juridique, besoin d'avoir confiance en ce juriste qui fournit ce conseil, besoin de contrôler le choix qui affecte son problème légal. Pour chaque ensemble de besoins, il existe un ensemble d'attributs de services désirés par le consommateur. Un certain nombre d'attributs est au départ bien précis dans l'esprit du consommateur, les autres attributs sont vagues et exigent une clarification de la part du producteur. Néanmoins avec l'expérience de la consommation, le consommateur formule une vision bien précise de ses besoins et des attributs qu'il recherche dans le service demandé. Les attributs en question incluent des facteurs tels que: la sécurité, la qualité constante et continue, la rapidité, l'attitude bienveillante de la part du producteur, l'accessibilité du service, etc. Chaque service offert sur le marché est caractérisé par un certain mix d'attributs qui sont communiqués aux clients potentiels et évalués par ces derniers. Sasser, Olsen et Wyckoff suggèrent trois approches alternatives pour décrire le comportement d'achat dans le cas des services : (1) La décision d'achat est déterminée par un seul attribut décisif pour le consommateur ; (2) Le client fait son choix surtout en fonction d'un attribut dominant, les autres attributs pouvant l'influencer si un certain niveau de performance est attendu par ce dernier ; (3) Le client évalue les options disponibles et les classe selon leurs attraits.

18.2. Comment le consommateur évalue-t-il les alternatives ? La modélisation du processus de choix du consommateur est un aspect important pour la compréhension de la décision d'achat. Cette section propose une brève revue des principaux modèles qui peuvent se montrer utiles pour un spécialiste en marketing. Contrairement aux modèles de hiérarchie des effets, les modèles multiattributs se concentrent sur les attributs d’un produit/service et suggèrent que l’attitude des individus par rapport à cet objet est le résultat de l’agrégation de ses évaluations sur chacun des attributs. Le consommateur choisit des combinaisons de biens (objets, services, idées, personnes) en vue de "produire" des services qui à leur tour créent la satisfaction (Lambin, 2005).

18.2.1. Modèles d’attitude : les différentes procédures d’évaluation L’évaluation globale d’un produit par le consommateur peut permettre de définir l’ensemble de son attitude vis-à-vis d’un produit ou d’un service donné. Un analyste marketing pourrait se contenter de demander à un échantillon de consommateur ce qu’ils pensent d’une marque. Cependant, les attitudes sont souvent beaucoup plus complexes dans le sens ou le produit ou service peut être composé de plusieurs attributs dont l’importance diffère en fonction des individus. Les modèles d’attitude tentent de

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distinguer les différents éléments qui peuvent se combiner pour influencer les évaluations d’un individu sur des produits ou services. De nombreuses études marketing sur les procédures d'évaluation (règle de composition) utilisées par les clients afin de se former un jugement à l'égard des différentes marques ont permis d’enrichir considérablement la modélisation du processus du choix. Les modèles d’attitude multi-attributs ont connu un grand succès auprès des analystes marketing. Ce type de modèles part du principe que l’attitude d’un consommateur (son évaluation) par rapport à un objet (Aj) dépend de ses croyances par rapport à plusieurs attributs de l’objet. Le recours aux modèles multi-attributs suppose qu’en identifiant ces croyances particulières et en les combinant entre elles pour en tirer une mesure de l’attitude globale du consommateur, il est possible de prédire quelle sera son attitude face à un produit ou une marque. L’exemple de l’évaluation de quatre marques de voitures est présenté au tableau 19. Supposons qu'un consommateur compare plusieurs marques de voitures (A, B, H, M) qu'il considère en vue d'un achat futur. Parmi les attributs que le consommateur estime comme étant les plus importants figurent : le confort, l’économie d'essence, l’esthétique et le prix d'achat. TABLEAU 19 Evaluation des marques de voiture par un client Marques

Confort

Economie d’essence

6 8 A 8 6 B 4 10 H 10 9 M L’évaluation est effectuée sur une échelle de 1 à 10

Esthétique

Prix

10 7 8 6

5 8 8 3

Chaque marque est entièrement décrite par un ensemble de notes correspondant à son évaluation sur chacun des attributs susceptibles d'intéresser l'acheteur potentiel. Notre consommateur donne la note 6/10 à la marque A sur l'attribut « confort »; 8/10 sur l'attribut « économie d'essence »; 10/10 sur l'attribut « esthétique ». Quel modèle choisira-t-il ? Dans le tableau 20, six modèles alternatifs schématisant les procédures d'évaluation du client sont présentés. (A) Le modèle de dominance : Si un modèle de voiture est à la fois le plus confortable, le plus économique, le plus esthétique et le moins cher, le choix n'est pas difficile. Il est rare qu'une marque de voiture offre simultanément toutes ces caractéristiques. Le modèle de dominance a donc une utilité plutôt limitée. Néanmoins, il permet souvent d'éliminer une ou quelques marques dont tous les critères sont inférieurs aux autres alternatives proposées. Le modèle de dominance (en tant que modèle supplémentaire à un des autres modèles proposés) permet par conséquent de simplifier ou de réduire le nombre des options disponibles.

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TABLEAU 20 Les différentes procédures d’évaluation Modèle

Description

De dominance*

Eliminer une alternative qui, sur tous les critères est inférieure à une autre

Conjonctif*

La conjonction des niveaux minima que la marque doit posséder sur chacun des attributs est définie (modèle non compensatoire)

Disjonctif*

Un seuil est établi pour certains attributs seulement (modèle non compensatoire)

Lexicographique*

Les attributs sont classés par ordre d'importance et les marques sont comparées sur l'attribut venant en tête en considérant l'attribut venant en second, en cas d'ex-aequo (modèle non compensatoire)

Attente-valeur (Fishbein)

L'acheteur donne un poids à chaque attribut et note chaque marque sur chaque attribut. n

Ajm

Pi m Vijm i 1

m

Aj = attitude de l’acheteur m à l’égard de la marque j. / P i attaché à l’attribut i par l’acheteur m. /

m ij

V

poids

valeur de la marque j sur

l’attribut i telle qu’elle est perçue par l’acheteur m / n = nombre d’attributs Du produit idéal

L’acheteur choisi sa norme selon la formule n (m) j

(m) i

D

( m) j

D

i 1

=

I i( m ) = (m) = i

P x

(m) = ij

P x

( m) ij

I

(m) i

Dissatisfaction de l’acheteur (m) à l’égard de la marque j. Position idéale sur l’attribut i pour l’acheteur m. Poids attaché à l’attribut i par l’acheteur m. Valeur de la marque j sur l’attribut i telle qu’elle est perçue par l’acheteur m.

n

=

Nombre d’attributs.

*modèles non compensatoires

(B) Le modèle conjonctif : Dans certaines situations, le consommateur peut définir la conjonction des performances minimales que la marque désirée doit posséder sur chacun des attributs. Par exemple, le consommateur peut désirer une voiture dont le prix et le coût d'exploitation ne dépassent pas un certain montant et qui satisfont un certain degré minimum de confort et d'esthétique. Une telle procédure permet au consommateur

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d’éliminer rapidement les marques qui ne sont pas acceptables. Dans une telle procédure d'évaluation, une bonne performance sur un attribut ne permet pas de compenser une performance insuffisante sur un autre attribut. En plus, le modèle conjonctif ne prend pas en compte la performance d'une marque au-delà du minimum requis. Il s'agit donc d'un modèle non compensatoire. (C) Le modèle disjonctif : Le consommateur établit un seuil sur certains attributs seulement (ex. le prix et l'économie d'essence). Une performance médiocre du produit sur d'autres attributs ne le préoccupe pas. Ainsi le consommateur peut décider de ne retenir que les voitures qui ont une note supérieure à 8 sur l'attribut "prix". Dans le tableau 19, les modèles A et M seraient alors éliminés. Le modèle disjonctif est donc non compensatoire car une bonne note sur un attribut considéré comme pas important ne peut pas compenser une faible note sur un attribut retenu comme critique. (D) Le modèle lexicographique : Les attributs sont classés par ordre d'importance (ex. 1. prix, 2. économie d'essence, 3. esthétique, 4. confort) et les marques sont comparées sur l'attribut venant en tête (ex. prix); c'est uniquement en cas d'ex aequo sur le premier attribut que l'attribut venant en second est aussi considéré. Ce sont les marques H et B qui sont retenues. La marque H étant supérieure à la marque B sur l'attribut venant en second, ce sera celle que le consommateur achètera finalement. Le modèle lexicographique est un modèle non compensatoire. (E) Le modèle attente-valeur de Fischbein : Le modèle multi-attributs le plus utilisé est le modèle de Fischbein (1983). Il mesure trois composants de l’attitude : (i) les croyances qui sont prises en compte durant l’évaluation de l’objet ; (ii) les liens objet-attribut, ou la probabilité qu’un objet précis ait un attribut important et ; (iii) l’évaluation de chacun des attributs importants. Le consommateur donne un poids « P » à chaque attribut « i » et il évalue la performance « V » (la valeur) de chaque marque sur chaque attribut. L'attitude globale « A » du consommateur « m » vis-à-vis de chaque marque « j » est dégagée selon la formule suivante: n

(7) A jm

Pi m Vijm i 1

où Ajm

représente l’attitude du consommateur m à l’égard de la marque j ;

Pi m = poids attaché à l’attribut i par le consommateur m ; Vijm = valeur (performance de la marque sur l’attribut i telle que perçu par le consommateur m) ; n = nombre d’attributs. Il s'agit donc d'un modèle compensatoire où une faible performance de la marque sur un attribut peut être compensée par une meilleure performance sur un autre attribut. Pour illustrer l'application de ce modèle, reprenons les données du tableau 19 et supposons que

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l'acheteur d'une voiture attache les poids suivants aux différents attributs : confort 2/10, économie d'essence 3/10, esthétique 1/10 et prix 4/10. Le calcul suivant nous permettra de déterminer le choix du consommateur. AA = (2 x 6) + (3 x 8) + (1 x 10) + (4 x 5) = 66 AB = (2 x 8) + (3 x 6) + (1 x 7) + (4 x 8) = 73 AH = (2 x 4) + (3 x 10) + (1 x 8) + (4 x 8) = 78 AM = (2 x 10) + (3 x 9) + (1 x 6) + (4 x 3) = 65 Le consommateur m choisira donc la marque H. (F) Le modèle du produit idéal : Le consommateur a une image idéale du produit. Cette image du produit idéal dépendra de l'expérience du consommateur, de son image de soi, de ses aspirations sociales, de ses motifs d'achat, etc. Plus une marque se rapproche par ses attributs du point idéal (l'image idéale), plus elle est appréciée par le consommateur. Dans le tableau 19, un "produit idéal" aurait été un produit qui obtiendrait 10/10 sur tous les attributs. Néanmoins, une telle modélisation est peu réaliste. En réalité, le consommateur peut très bien considérer que sa "voiture idéale" peut avoir un confort réduit (par exemple 8/10) ou une performance concernant l'économie d'essence limitée (par exemple 7/10). Un tel produit idéal sera donc décrit par le vecteur (8, 7, 10, 10). Le consommateur effectuera son choix selon la formule suivante : n

(8) D

m j

Pi m V

=

m ij

m i

i 1

où D mj signifie la dissatisfaction du consommateur m à l’égard de la marque j ; m i

symbolise le vecteur des positions idéales sur les attributs i, iE (1....n) ;

m ij

est le poids attaché par l’acheteur m à l’attribut i ;

Vijm est la valeur de la marque j sur l’attribut i telle qu’elle est perçue par l’acheteur m ; n = nombre d’attributs Plus

m j

D

est petit, plus forte est la préférence de l'acheteur pour la marque j. Dans le cas

où une marque correspond parfaitement au produit idéal

m = j

D

0

Pour illustrer l'application de ce modèle, reprenons encore une fois les données du tableau 19 et le vecteur des poids de l'exemple précédent. DA = 2 (6 - 8) + 3 (8 - 7) + 1 (10 - 10) + 4 (5 - 10) = -24 DB = 2 (8 - 8) + 3 (6 - 7) + 1 (7 - 10) + 4 (8 - 10) = -14

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DH = 2 (4 - 8) + 3 (10 - 7) + 1 (8 - 10) + 4 (8- 10) = -9 DM = 2 (10 - 8) + 3 (9 - 7) + 1 (6 - 10) + 4 (3 - 10) = -22 La marque de voiture préférée par l'acheteur, car elle s'approche le plus du produit idéal, est la marque H. Les six modèles de comparaisons des alternatives peuvent être testés empiriquement pour chaque produit. Pour les tester, il faut demander à un échantillon d'acheteurs visés : (1) Quels sont les attributs déterminants lors de leurs choix ; (2) Pour quels attributs un seuil minimum est établi ; (3) Peut-on considérer un attribut particulier comme étant clairement dominant lors du choix ; (4) Quels poids les clients potentiels attachent-ils aux différents attributs ; (5) Comment perçoivent-ils la performance des marques concurrentes sur les attributs considérés (6) Quels sont les niveaux des attributs d'un produit idéal recherché par le client. D'habitude, il est plus facile de tester empiriquement le choix des produits que le choix des services. Les applications stratégiques de ces modèles pour le responsable marketing sont multiples. De telles analyses permettent par exemples aux marques de capitaliser sur leurs avantages relatifs. Par exemple, si vous remarquez que votre marque est supérieure sur un attribut par rapport aux autres, vous devez convaincre le consommateur que cet attribut-là est important. Il est possible également que vous puissiez identifier des nouveaux attributs à ajouter afin de vous démarquer de la concurrence. Enfin, ces modèles permettent aussi de déterminer des stratégies pour influencer les classements des concurrents, ce qui est le cas typique des publicités comparatives qui ont pour but de recadrer les avantages de la marque sur un attribut particulier par rapports aux marques concurrentes. 18.2.2. Le modèle de Lancaster Les modèles de comportement du consommateur développés par des économistes tels que Abbott (1955), Lancaster (1966) et Becker (1965, 1991) constituent le point de départ pour les nombreux modèles marketing du comportement d'achat. Si les modèles présentés plus haut permettent de comprendre comment le consommateur évalue les alternatives ainsi que son attitude vis-à-vis de celles-ci, le modèle de Lancaster présenté ici permet de déterminer les quantités et les choix des différents produits qu’un consommateur achèterait à partir d’un budget donné. La consommation est perçue comme un processus de transformation de produits en services. Par exemple, dans le cas d'une voiture, on peut distinguer les services suivants: le confort, la rapidité, l’économie (d'essence), la sécurité ou encore l’esthétique (donc de façon similaire au modèles multiattributs vus plus haut). Le modèle de Lancaster formalisera le comportement du consommateur en termes de caractéristiques et non de produit.

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(1) U = U(Z) où Z = (z1 ... zn) quantité de services obtenus par l'utilisation des produits. Lancaster introduit le concept de la technologie de la consommation. La technologie de la consommation détermine dans quelle mesure les produits contribuent à procurer les caractéristiques attendues par le consommateur. Le modèle repose sur trois hypothèses principales. Premièrement, les niveaux de caractéristiques obtenus sont proportionnels aux quantités consommées: (2) Zi = aij xj où aij est la quantité de services i obtenue dans une unité du produit j. Deuxième hypothèse, les quantités de chaque caractéristique obtenue par différents produits sont additives : (3)

aij x j j 1

(Cette supposition permettra l'utilisation d'une matrice de la consommation). Troisième et dernière hypothèse : tous les éléments subjectifs au choix (la perception des produits, l'information ou les préférences) se trouvent retracés dans la fonction d'utilité (hypothèse d'universalité et d'objectivité). La définition du marché d'un produit s'effectue à partir de l'examen des attributs. De cette manière, la stratégie de différentiation devient précise, c'est-à-dire repérable et mesurable le long des attributs des produits (Védrine 1978). (4) max U = U(Z) Z=AX PX B où P = (p1 ... pn) et B constitue la contrainte budgétaire du consommateur et pn le prix du produit n. L'équilibre du consommateur (la manière dont il répartit son budget) se réalise sous l'effet de deux processus : (i) l’effet de substitution efficace et (ii) la substitution privée. Dans le cas considéré ci-dessous (tableau 21), le consommateur accorde deux fois plus d'importance à l'attribut Z1 qu'à l'attribut Z2 et son budget est égal à 150 francs.

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TABLEAU 21 Le modèle de Lancaster – un exemple Produits Caractéristiques

Z1 Z2 Prix unitaire (CHF)

1

2

3

4

5

16.5

6

9

3

3

6

2

9

6

18

50

25

50

20

50

Max U = 2Z1 + Z2 16.5x1 + 6x2 + 9x3 + 3x4 + 3x5 = Z1 6x1 + 2x2 + 9x3 + 6x4 + 18x5 = Z2 50x1 + 25x2 + 50x3 + 20x4 + 50x5 150 La solution du système d'équation permettra de déterminer le panier du client en termes de quantités des produits achetés. 18.2.3. Allocation du temps et comportement du consommateur Selon Becker, la dimension temporelle doit être aussi intégrée dans la théorie du comportement du consommateur (Becker, 1965). En effet, le processus de la consommation ne s'effectue pas instantanément et le "prix" d'un produit de consommation devrait inclure non seulement le prix du produit sur le marché mais aussi la valeur du temps requis pour user de ce produit. En d'autres termes, les rapports d'utilités marginales de la théorie traditionnelle sont inadéquats puisqu'ils ne reflètent pas le "plein prix" (le plein prix est égal au prix du marché plus la valeur du temps nécessaire à la consommation du produit). Imaginons que le consommateur a le choix entre aller jouer au tennis ou se rendre au cinéma. Il en coûte CHF 20 pour aller jouer au tennis et CHF 15 pour aller au cinéma. Supposons maintenant que le cinéma prend plus de temps (2½ heures) que le tennis (1 heure). Si chaque heure du temps du consommateur vaut CHF 30 (son salaire horaire), le "plein prix" de sa partie de tennis est CHF 50 (soit CHF 20, le prix de marché et CHF 30, le prix de temps nécessaire pour la consommation qui est le coût d'opportunité). Le plein prix du cinéma pour le consommateur serait CHF 90 (CHF 15 pour le billet et CHF 75 pour la valeur de temps). Contrairement à ce que le prix de marché suggère, le "plein prix" du tennis est en fait substantiellement inférieur au "plein prix" du cinéma. Si le consommateur tient compte du facteur temps, il lui coûtera plus cher d'aller au cinéma que de jouer au tennis. Le temps est donc une ressource rare du consommateur et de ce fait il n'est pas gratuit. Le consommateur consacrant une heure de son temps à la consommation sacrifie le revenu qu'il aurait pu gagner en travaillant. Ce manque à gagner est le "coût d'opportunité" de

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l'heure investie dans le non-travail. Le temps immobilisé par certaines activités de la consommation n'est plus disponible pour d'autres activités (de production ou de consommation). Soit T, le temps total disponible après le sommeil (disons 16 heures par jour), la contrainte du budget temps à laquelle fait face le consommateur peut être formulée comme suit : n

(5)

t ( L)

ti i 1

où t (L) est le temps consacré par l'individu au travail et ti est le temps consacré par le consommateur à la consommation du produit i. T ne peut pas dépasser le temps total disponible (16 heures dans notre exemple). A la contrainte budgétaire du modèle de Lancaster, il est donc nécessaire d'y ajouter la contrainte temporelle (5). La théorie de Becker permet de mieux expliquer certains phénomènes couramment observables dans le comportement d'achat. En effet, comment expliquer que la recherche des bonnes occasions d'achats est une activité qui attire plus souvent les personnes à plus faible revenu (dans un segment du marché donné) que les consommateurs au revenu élevé. Un tel comportement s'explique notamment par le fait que le temps n'a pas la même valeur pour chacun des deux groupes de consommateurs. Au fur et à mesure que la productivité s'est accrue dans les économies développées, le temps est devenu de plus en plus cher. Il s'ensuit que les consommateurs des pays développés s'efforcent de profiter davantage des heures consacrées au non-travail. Ils essaient d'augmenter le rendement de leurs heures libres en consommant plus par unités de temps (Becker, 1971). Dans certaines situations, cela peut nécessiter l'utilisation d'une plus grande quantité de produits dans une même activité de consommation visant à augmenter la productivité du processus de la consommation (consommer veut dire combiner les biens avec le temps afin de produire sa satisfaction). L'utilisation des remonte-pentes pour le skieur en est un exemple. Dans d'autres situations, cela signifie une consommation simultanée de plusieurs produits. Ainsi, certains consommateurs prennent leur café au soleil sur la terrasse d'un restaurant en écoutant la musique, fumant une cigarette, lisant un journal et caressant leur chien, tout cela en même temps afin de "bien profiter" de leur temps de loisirs avec plus ou moins de satisfaction. L'approche de Becker permet de comprendre pourquoi l'augmentation de la productivité, bien qu'elle entraîne l'abondance matérielle, accroît en même temps la rareté relative du temps de l'individu. Il en résulte un environnement humain beaucoup plus trépidant où le temps libre (temps de la consommation) semble être affecté à des activités où le rendement est le plus élevé, au détriment de ces types de consommation où le rendement d'emploi du temps ne peut pas être facilement accru, par exemple le développement de la culture personnelle, la contemplation ou même l'amitié (Linder, 1970).

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19. Perception du consommateur et biais cognitifs Dans de multiples situations d'achat, le consommateur adopte des stratégies visant à réduire l'effort cognitif et à éviter la surinformation au sujet du produit et des conditions de son offre. Afin de réussir, les stratégies en question doivent avoir deux caractéristiques principales : Tout d’abord, elles doivent constituer une procédure simple et efficace afin de traiter une grande quantité d'information au sujet des marques considérées. Ensuite, elles doivent être raisonnablement exactes la plupart du temps. La psychologie sociale suggère deux principales stratégies minimisant l'effort mental du consommateur dans le processus d'achat : (i) la stratégie heuristique et (ii) le biais. La stratégie heuristique est une méthode de prise de décisions visant la simplicité et l'efficacité. Il s’agit de règles qui conduisent à des approximations souvent efficaces, mais faillibles. Le biais, par contre, se réfère aux erreurs et distorsions particulièrement fréquentes dans la conviction d'un groupe social. Le terme de biais renvoie « aux distorsions entre la façon dont nous devrions raisonner pour assurer le mieux possible la validité de nos conclusions et la façon dont nous raisonnons réellement » (Gardair 2007). Très souvent, ces biais résultent de l’application d’heuristiques. La perception de la performance du produit sur un attribut peut varier très fortement selon le client. Comme remarquait déjà Machiavel, la même manière de faire peut donner des résultats opposés. Une des raisons pour expliquer cette observation est que les mêmes stimuli peuvent être interprétés différemment. Cette interprétation différenciée par le client peut être due à (i) l'exposition sélective, (ii) la distorsion sélective et (iii) la rétention sélective. L'exposition sélective signifie qu'un stimulus aura plus d'impact sur le client quand celui-ci est concerné. Le client qui envisage d'acheter une voiture mobilisera son attention face aux messages publicitaires ou autres concernant les voitures. L'art de la publicité est l'art de s'adresser aux consommateurs concernés, de manière à maximiser les objectifs marketing de la firme. La distorsion sélective signifie que l'individu déforme l'information afin de la rendre plus conforme à ses attentes. Certaines informations répondant bien aux convictions du moment sont retenues plus facilement. D’autres messages sont rejetés car ils dérangent. Si nous considérons qu'il est particulièrement approprié d'avoir un bateau à longue quille pour faire des croisières en mer, nous sommes très sensibles aux messages qui confirment notre point de vue. La rétention sélective signifie que le client mémorise plus facilement les informations qui supportent ses convictions. Vous mémorisez plus facilement le nom du vin que vous aimez déguster qu’une marque de cigarettes si vous ne fumez jamais. Concernant la distorsion sélective, la théorie comportementale des marchés financiers connue sous le terme anglais de « Behavioral Finance » parle de l’effet d'information à la source (« information sources effect »). Selon cette théorie, la concordance subjectivement ressentie entre des informations d’origines différentes renforce la confiance du UNINE, 2009

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consommateur dans les décisions prises sur la base de ces informations, ce qui ne se traduit pas nécessairement par une amélioration qualitative des décisions, car la fiabilité des sources n’a pas été vérifiée. Dans une telle situation le consommateur aura la tendance à écarter sans en vérifier la validité des informations divergentes émanant d’autres sources. Il existe une multitude de stratégies heuristiques que les consommateurs utilisent couramment au travers du processus d'achat. Les six stratégies les plus connues sont ici présentées. (1) Le jugement par la ressemblance: Le consommateur confronté à une nouvelle marque aura tendance à juger la qualité du produit en la comparant avec les marques déjà connues. Une telle approche appliquée à un nouveau produit se traduit par l'effet du prototype : la première marque sur le marché bénéficie fréquemment d'un avantage car elle constitue pour le consommateur le point de référence dans l'évaluation des autres marques proposées. L’effet du prototype motivait de nombreuses entreprises occidentales des biens de consommation à pénétrer rapidement les marchés de l’Europe de l’Est après la chute du mur de Berlin (Kostecki, 1996a). (2) Le consensus fictif : Dans de nombreuses situations, le consommateur tente de surestimer le nombre de personnes qui approuvent son achat. L'effet du consensus fictif est particulièrement fréquent dans les situations d'insécurité car il permet au consommateur de se convaincre lui-même (Marks & Miller 1987). (3) La disponibilité : L'importance de certains attributs du produit dans le choix du consommateur dépendra aussi de la facilité avec laquelle ces attributs viennent à son esprit. Par exemple, un acheteur typique de voiture aura tendance à évaluer la qualité du véhicule en se référant à l'apparence des sièges plutôt qu'aux caractéristiques techniques du moteur. La disponibilité est souvent à la source des erreurs de jugement du consommateur quant au risque lié à certaines activités. Par exemple, la majorité des gens considèrent à tort que le transport aérien est plus dangereux que le transport routier. La raison est simple, les accidents aériens sont plus spectaculaires et attirent fortement l'attention du public. (4) L'amorçage ("Priming") : Le « priming » se réfère aux procédures qui augmentent la disponibilité de certaines catégories d'information, de sorte que cette information est la première à venir à l'esprit de l'individu (Higgins et King 1981, Strull et Wyer 1980). De nombreuses situations de ce type arrivent en marketing. Par exemple, après avoir entendu des histoires d'agression, un consommateur aura une plus grande tendance à se procurer un système d'alarme à la maison. De même, un consommateur qui a vu une publicité en faveur d'une marque est plus enclin à acheter cette marque dans les heures ou les jours suivant la diffusion de la publicité. (5) Cadrage: Supposons qu'une enquête vous indique que 80% des propriétaires d'une marque de vélo sont satisfaits de leur produit. Imaginez ensuite qu'une enquête estime que 20% des propriétaires des vélos de cette marque sont insatisfaits de leur vélo. UNINE, 2009

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Comment ces informations influenceront-elles votre évaluation de la marque sur une échelle allant de 1 à 7 (excellent) ? Evidemment, les deux informations peuvent indiquer les mêmes résultats, néanmoins la deuxième manière de présenter l'information vous encouragera à donner une évaluation moins satisfaisante de la marque concernée. Quand les aspects positifs sont mis en valeur, notre jugement au sujet d'un produit est meilleur que lorsque les attributs négatifs ont soulignés (Levin 1987, Neale et Bazerman, 1985). L'effet de du cadrage est fréquemment exploité par les vendeurs ou dans la publicité afin d'influencer la perception du client. (6) L'ancrage: Afin d'expliquer l'effet de l'ancrage, considérons l'exemple suivant. Le client intéressé par l'achat d'un livre ancien au marché aux puces offre un prix initial très bas afin de pouvoir ensuite négocier l'achat. Le prix initial proposé s'appelle le point de référence, c’est-à-dire le nombre à partir duquel les négociations commencent. Evidemment, le point de référence peut être considérablement exagéré et fortement dépasser le prix du marché. L'effet d'ancrage sur la valeur perçue d'une maison est illustré par les résultats de l'étude de Northcraft et Neale (1987) présentés ci-dessous. FIGURE 29 La relation entre la valeur perçue d’une maison et le prix d’ancrage 160 140 120 100 Amateurs (étudiants) 80

Experts

60 40 20 0 119000

129900

139900

149900

Lors des entrevues, les répondants estimaient les prix justes (valeur perçue) de quelques maisons qu'ils avaient visitées auparavant. Leur jugement était clairement influencé par le prix demandé (point d'ancrage indiqué sur l'axe horizontal). Le plus élevé est le prix d'ancrage (au moins dans certaines limites du raisonnable), le plus grand fut l'estimation aussi bien des amateurs (étudiants) que des experts (agents immobiliers). Aussi bien le cadrage que l'ancrage engendrent des effets de sur le comportement de l'acheteur qui, d'un point de vue strictement rationnel, ne devrait pas être influencé par ces biais (Baron & Byrne 1991). Il faut chercher les raisons de l'existence de tels effets dans la tendance de l'acheteur à vouloir réduire son effort mental lors du processus d'achat UNINE, 2009

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(Fiske & Taylor 1984). L'ancrage et le cadrage sont souvent exploités dans le domaine commercial. La tendance du consommateur à minimiser l'effort mental dans le processus d'achat peut conduire à des phénomènes assez inattendus tels que l'utilisation des attributs non pertinents dans les stratégies de différenciation. La théorie conventionnelle de la différenciation des produits suggère que les producteurs déterminent tout d'abord les besoins et préférences des consommateurs et ensuite s'efforcent de satisfaire des besoins et préférences de leur clientèle cible en différenciant les produits. Les recherches empiriques démontrent que dans de nombreux cas les entreprises peuvent suivre une stratégie contraire à la théorie conventionnelle et attacher une grande importance à un attribut non pertinent (Carpenter et al. 1994). Une telle approche peut se montrer particulièrement efficace dans les marchés des produits qui sont similaires dans leurs dimensions importantes. Par exemple, Procter & Gamble différencie le café instantané « Folger's » par la forme des cristaux et Alberto Culver différencie son shampooing « Natural Silk » en y ajoutant de la soie. Evidemment, aussi bien la forme des cristaux du café que l'addition de la soie dans le shampooing ne sont pas pertinents pour l’utilisation du produit. Pourquoi donc de telles stratégies ont-telles du succès ? Comment est-il possible que des attributs non-pertinents se traduisent par un avantage concurrentiel? Carpenter et al. (1994) proposent plusieurs explications d'un tel comportement du consommateur : (1) L'attribut non pertinent rend le produit unique et de cette manière permet au consommateur de simplifier son processus de choix (par exemple le consommateur confronté à une multitude de shampooings sur le rayon d'une grande surface peut plus facilement opter pour le shampooing « Natural Silk » car ce dernier a quelque chose en plus). (2) Le consommateur a tendance à porter le jugement de la causalité en se référant à un attribut unique plutôt qu'à la combinaison des différents attributs. Par exemple en constatant que le shampooing contient de la soie, le consommateur déduira que sa qualité doit être meilleure. (3) Le consommateur suppose que le producteur n'aurait pas souligné l'importance d'un attribut si ce dernier était sans valeur pour le consommateur. (4) Enfin, il est fort probable que le client, même inconsciemment, fasse la relation entre les cheveux et la soie et désire que ses cheveux aient l’éclat de la soie. Les décisions d'achat peuvent aussi s'avérer très peu rationnelles, dues au phénomène d'escalade d'engagement. Discutons brièvement l'un de ces phénomènes : celui de la dépense gâchée (« sunk cost »). Le phénomène de la dépense gâchée (« sunk cost ») apparaît chaque fois qu'un client reste sur une ligne de conduite dans laquelle il a préalablement investi et ceci au détriment d'autres lignes de conduite plus avantageuses (Arkes & Blumer, 1985).

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ENCADRE 24: Le phénomène de la dépense gâchée – l’exemple des vacances à ski Imaginez que vous ayez dépensé 200 francs pour un week-end à ski à Villars et 100 francs pour un week-end à ski, à priori plus prometteur, à Verbier. Vous vous apercevez avec étonnement que les deux activités réservées dans deux agences de voyages différentes concernent le même week-end. Malheureusement, comme il s'agit de réservations faisant l'objet d'un rabais, les deux agences refusent de vous rembourser et vous êtes obligé soit d'aller à Villars (200 francs), soit d'opter pour le week-end à Verbier présentant pour vous plus d'attrait. Quelle option allez-vous choisir? Les études empiriques montrent que votre choix se fixera probablement sur le weekend à ski le plus cher (Arkes & Blumer, 1985). Le phénomène de la dépense gâchée est fréquent dans le domaine des investissements et était mis en lumière par de nombreux travaux de finance comportementale.

20. Marketing et art de la persuasion Le marketing est essentiellement l'art de la persuasion. Pourquoi la persuasion réussit-elle dans certains cas et se traduit par un échec dans d'autres circonstances ? L'analyse traditionnelle de la psychologie sociale (Ecole de Yale) met l'accent sur deux types de questions: (i) Quand est-ce que la persuasion est la plus efficace ? (ii) Comment procéder afin que la persuasion soit la plus efficace ? Les recherches empiriques traitant de ces sujets sont complexes et leurs résultats ne sont pas toujours compatibles. Néanmoins, on peut avancer quelques règles générales qui tendent à augmenter l'efficacité des efforts de la persuasion en marketing. On a pu par exemple démontrer que (a) le client refusera plus fréquemment de changer d'attitude quand il s'aperçoit qu'il est manipulé (Walster & Festinger 1962). Concernant le profil du vendeur, des recherches empiriques ont mis en évidence le fait que (b) le communicateur qui a une personnalité attirante et qui a une certaine notoriété influencera plus facilement l'attitude du client (Kiesler & Kiesler 1969). Toujours dans la même idée, (c) Le communicateur qui paraît expert influencera plus facilement l'attitude du client (Hovland & Weiss 1951, Cialdini 1988). (d) Quand le client a l'attitude contraire à celle du communicateur, ce dernier ne doit pas ouvertement contredire le client mais présenter sa conclusion en reconnaissant le bien-fondé de l'attitude initiale du client (Brehm 1980). (e) Une personne perçue comme désintéressée est plus efficace qu’une autre qui semble tirer un avantage quelconque du message (Walster & Festinger 1962, Petty et Cacioppo 1979). Un client peut de temps en temps, avoir suffisamment de raisons pour se comporter, dans le processus d'achat, de manière incompatible avec ses attitudes. Par exemple, une femme qui est peu intéressée par le sport peut fréquenter des matchs de football pour plaire à son ami. Une personne qui déteste prendre l'avion peut se voir forcée à le faire pour des raisons professionnelles, etc. Le fait de céder et d'agir contrairement à ses convictions dans le comportement professionnel (par exemple au sein d'une force de vente) affecte à la longue nos attitudes. Néanmoins, il est intéressant de noter que selon UNINE, 2009

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plusieurs études empiriques ; plus on nous rémunère pour avoir un comportement contraire à nos convictions, moins nos attitudes changent (Festinger et Carlsmith 1959, Riess et Schlenker 1977). ENCADRE 25: Pascal et la persuasion L'auto persuasion est la forme la plus efficace de la persuasion "On se persuade mieux, pour l'ordinaire par les raisons qu'on a soi-même trouvées, que par celles qui sont venues dans l'esprit des autres". Le client n'aime pas se tromper. "Quand on veut répondre avec utilité et montrer à un autre qu'il se trompe, il faut observer par quel côté il envisage la chose, car elle est vraie ordinairement de ce côté-là, et lui avouer cette vérité, mais lui faire découvrir le côté par où elle est fausse. Il se contente de cela, car il voit qu'il ne se trompait pas et qu'il manquant seulement à voir tous les côtés; or, on ne se fâche pas de ne pas tout voir, mais on ne veut pas être trompé" (Source : Pascal 1670)

Le comportement du client est aussi influencé par son attitude face à l'effort promotionnel. Le consommateur peut résister à la persuasion promotionnelle en évitant les messages publicitaires ou en évitant de prendre sa décision d'achat sous la pression du vendeur (évitement sélectif). L'effet persuasif du message promotionnel est aussi réduit par le fait que le consommateur, conscient de l'intention du message, va tenter de lui résister (Cialdini & Petty 1981). Une telle réaction est appelée la résistance préventive (« forwarning »). La résistance préventive peut être minimisée par l’application de méthodes plus subtiles de «publicité douce», telle que le sponsoring ou la vente par l’intermédiaire des relations publiques. Enfin, le consommateur qui se sent atteint dans sa liberté personnelle par un effort promotionnel de la part du vendeur résistera à un tel effort de vente (il aurait acheté le produit dans d'autres circonstances). Ce processus est appelé opposition réactive (Brehm 1980). Le vendeur efficace doit donc apprendre la mesure afin de faire face à l’opposition réactive de ses clients. ENCADRE 26: La perception du client et le comportement du vendeur La vente est un métier fort complexe. Il existe de nombreuses "techniques" de ventes personnelles pouvant aider le vendeur dans sa tâche, pourvu que ces techniques soient appliquées intelligemment. La règle de base dans la vente est la courtoisie et l'amabilité. Les signes non verbaux sont aussi utilisés afin de gagner la sympathie du client, tels que la tactique d'auto-présentation (Schlenker 1980, Wortman & Linsenmeier 1977). De nombreuses études indiquent par exemple, que les personnes qui émettent des signes non verbaux suggérant l'attitude amicale obtiennent de meilleures évaluations dans les interviews avec les employeurs potentiels (Baron 1986, Baron & Byrne, 1991). Ils sont aussi souvent mieux appréciés par leurs interlocuteurs dans le contexte social (Riggio & Friedman 1986)

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QUESTIONS DE RÉVISION :

1.

Identifiez les différents rôles lors de votre dernier achat de disques

2.

La satisfaction dépend du processus ou du résultat ? Classez les services et la consommation des produits suivants selon votre perception de la source dominante de l'utilité (processus versus résultat final) : transport en commun, visite chez un médecin, lecture de livre, consommation d'un médicament

3.

Identifiez les différents facteurs intervenant dans une décision d’achat de biens de consommation durable (ex. voiture, vélo, poste de radio, ski). Choisissez un achat que vous avez effectué dernièrement.

4.

Exercice de groupe : Votre équipe est composée de deux interviewers et un interviewé. L'interviewé désigne un produit et décrit les circonstances de l'achat. Les interviewers l'interrogent sur les points suivants : (a) Aviez-vous besoin du produit en question ; (b) Pour quelle raison aviez-vous besoin du produit ? (s'agitil d'un besoin primaire, secondaire ou d'un achat d'impulsion) ; (c) Pourquoi avezvous préféré la marque choisie ? (d) Pourquoi avez-vous choisi ce point de vente ? (e) Qu’est-ce qui vous a déterminé à faire votre achat à ce moment précis ? Sur la base de l'interview, les interviewers décrivent brièvement les points suivants en s'efforçant d'établir les liens avec les concepts théoriques discutés en classe : (i) nature d'achat, (ii) circonstances de l'achat, (iii) les besoins de l'interviewé, (iv) les motifs d'achat, (v) le processus décisionnel, (vi) les critères et les procédures du choix, (vii) le sentiment post-achat.

5.

Identifiez les principaux freins et motivations à l'achat (i) d'un système stéréo, (ii) d'un ordinateur PC, (iii) d'un voyage à l'étranger. Comment ces freins et motivations peuvent-ils varier selon le type du client, les circonstances de l'achat et la nature des relations entre le vendeur et le client ?

6.

Donnez quelques exemples de techniques de vente basées sur l'ancrage et l'encadrement. Proposez quelques stratégies d'utilisation de telles techniques dans la promotion et la vente d'un produit de consommation de votre choix.

7.

A l'aide du modèle hiérarchique de Maslow, identifiez les différents besoins du consommateur qui sont dominants lors de l'achat de : (i) disques (ii) d'une cravate ou d'un foulard, (iii) d'une montre, (iv) d'un parfum, (v) d'un cadeau pour votre ami(e), (vi) d'une visite guidée dans un musée, (vii) d'un objet d'art de vos rêves. Expliquez brièvement les différences dans les stratégies de la vente et de la communication qu'exige chaque profil des besoins dominants.

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8.

Comment formulez-vous votre jugement au sujet du service offert par votre dentiste ? (a) Indiquez les différents attributs du service qui sont importants pour vous ; (b) Indiquez les attributs qui sont déterminants dans votre choix d’un dentiste ; (c) Comment procédez-vous afin de trouver le « meilleur » dentiste ?

9.

Comment expliquez-vous, en vous inspirant de la théorie de Becker, que le retraité qui vit modestement de sa pension et de ses prestations de l'AVS et qui dispose de beaucoup de temps peut de façon rationnelle consacrer plusieurs heures à rechercher les meilleures affaires lors de l'achat d'une voiture d'occasion ?

10.

L’augmentation de la productivité d'une économie se traduit par une plus grande quantité de biens matériels dont dispose le consommateur moyen mais aussi par peu de temps pour jouir de ces biens. Quelles conclusions en tirez-vous pour les activités marketing ?

11.

A long terme, il peut être irrationnel d'acheter certains produits par habitude, mais à court terme, acheter par habitude peut être un moyen très rationnel. Que pensez-vous de cette affirmation ? Expliquez, en vous inspirant de l'approche de Becker.

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RÉFÉRENCES :

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Partie 4 : Quelques nouvelles tendances du marketing 21. L’économie moderne et l’économie de services Le service se place au centre de l'économie moderne comme l'industrie était au centre de l'économie industrielle et l'agriculture au centre du système économique traditionnel (Giarini 1994). La « servicisation » de l'industrie à laquelle on assiste aujourd'hui est un phénomène analogue à l'industrialisation de l'agriculture dans l'économie industrielle. Dans l'économie de service l'industrie manufacturière n'a sa raison d'être que par le service et à travers le service. La société de service exige un nouvel état d'esprit de la part des chefs d'entreprises et des dirigeants de l'Etat. Elle favorise d'autres mentalités, d'autres talents, d'autres formes d'organisations. Cela étant, en quoi l'économie de service est-elle différente de l'économie industrielle? Cinq éléments permettent de mieux comprendre ces différences. Tout d’abord, dans l'économie industrielle les entreprises visent à maximiser l'output. Dans l'économie de service les producteurs recherchent avant tout à maximiser l'utilité. Ils cherchent à mieux répondre aux besoins spécifiques du client. Le marketing gagne de l'importance en tant que déterminant du succès de l'entreprise. Ensuite, dans l'économie industrielle la valeur est essentiellement contenue dans les produits et matériaux échangés. Dans l'économie de service c'est l'utilisation et la performance des systèmes qui déterminent la valeur. L'entreprise contribue à la chaîne de valeur du client par un système composé de services, de biens matériels et de symboles qui optimisent la performance. En troisième point, on note que dans l'économie industrielle la qualité est synonyme de "bien faire son métier" tandis que dans une société de service elle implique un processus de relations interactives et suivies avec le client visant à maximiser sa satisfaction sous la contrainte des ressources données. Dans la société de service l'aspect relationnel gagne de l'importance sur l'aspect technique en tant que variable déterminante de la qualité. Quatrièmement, dans l'économie de service, les technologies dominantes sont liées au fonctionnement des systèmes. Les technologies stratégiques sont celles qui sont applicables aux services et dont le développement est encouragé par les besoins des producteurs de services. Dans l'économie industrielle les technologies dominantes sont celles qui sont appliquées à la transformation des matières premières en produit finis. Finalement, une distinction importante est que la démarche du management est souple, « biologique » et rapide en économie de services. Elle s'inspire du UNINE, 2009

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fonctionnement du cerveau où chaque cellule est porteuse de l'ensemble d'informations et jouit d'une importance qui dépend de la fonction effectivement remplie et non d'une position hiérarchique (Vandermerwe 1994). La rapidité dans la prise de décisions, la flexibilité, le réseau, l'esprit d'ouverture et la liberté de choix sont les mots-clés de ce nouveau type de management. Par contraste, le management de l'économie industrielle s'inspire d'une vision « mécanique » pour ne pas dire « militaire » par son ordre et sa hiérarchie. TABLEAU 21 L’économie de services et l’économie industrielle Economie de services

Economie industrielle

Objectif: résultat dans l'utilisation.

Objectif: maximisation de l'output.

Valeur déterminée par la performance.

Valeur contenue dans les produits et les matériaux échangés.

Qualité déterminée par l'interaction avec le client et la capacité de répondre à ses besoins spécifiques.

Qualité ancrée à la notion de bien faire son métier.

Technologies dominantes liées au fonctionnement des systèmes.

Technologies dominantes appliquées à la transformation des matières premières en produits finis.

Management souple, « biologique »; rapidité des décisions.

Management basé sur une structure hiérarchique et formelle; gestion « mécanique ».

22. Préférences du client dans l’économie de services La capacité à satisfaire les besoins des clients est la première déterminante du succès des entreprises dans l'économie de service. L'orientation-client signifie que le client constitue le point central de l'activité de la firme et cette dernière doit s'attacher à bien comprendre l'évolution de ses préférences. En quoi sont-elles différentes des préférences du client dans l'économie industrielle ? Quelles sont les implications de ces différences pour le marketing moderne ? Le tableau 22 ci-dessous présente les différences les plus marquées entre les préférences du client dans la société industrielle et l’économie de services. Quelles sont les implications de cette évolution pour le marketing ? Tout d’abord, la demande pour les services ainsi que pour les systèmes composés (services et produits matériels) s'accroît même si la demande pour les produits matériels stagne. Le plaisir lié à l'utilisation prend le dessus sur le plaisir lié à la possession. Les services du type leasing ou location gagnent de l'importance. Les produits matériels sont perçus comme les éléments produisant les services. Les attributs intangibles gagnent de l'importance en tant que déterminants du comportement d'achat. Les activités de services sont les principales activités en expansion.

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TABLEAU 22 L’économie de services et l’économie industrielle Economie de services

Economie industrielle

Utilisation

Accumulation de biens matériels

Achat de solutions et de systèmes personnalisés

Achat de biens et services qui paraissent utiles

Systèmes ouverts

Un seul fournisseur afin d'assurer la compatibilité des systèmes

Les attributs intangibles sont des critères importants de choix

Les attributs tangibles appartiennent aux principaux critères de choix

Service visant la personnalisation, la performance et moins de vulnérabilité

Service visant le dépannage et le maintien

Les services sont offerts dans le temps désiré par le client

Les services sont offerts dans le temps habituel pour le secteur

Transparence du processus de production

Producteur réputé

Les contrats relationnels sont essentiels*

Le contrat formel constitue la base des relations dans les affaires

* Le contrat relationnel est un contrat dont l'exécution ne peut être garantie par la loi (par exemple, le contrat de mariage ou le véritable attachement de l'employé au succès de son entreprise)

Deuxièmement, il faut noter que l'orientation client nécessite une bonne compréhension de la chaîne de valeur du client. Le diagnostic et les capacités à identifier des solutions désirées sont des éléments critiques pour l'entreprise. Les vendeurs deviennent des consultants qui maintiennent des relations interactives et continues avec leurs clients. Troisièmement, l'orientation client signifie que le personnel en contact avec la clientèle met tout son enthousiasme et son savoir-faire au profit du client de manière à contribuer aux objectifs de l'entreprise. Le service à la clientèle n'est plus perçu comme une responsabilité fonctionnelle. C'est un état d'esprit et une attitude pour l'ensemble des employés. En dernier point, le savoir-faire et le talent des employés constituent l'instrument principal de l'orientation-client. La flexibilité organisationnelle et des systèmes de motivation qui visent à encourager l'orientation-client sont les supports nécessaires pour s'assurer que les employés sont effectivement au service de la clientèle. Ainsi de nombreuses organisations qui déclarent adopter l'orientation-client échouent faute d'avoir procédé aux changements organisationnels nécessaires. La bureaucratisation est l'ennemi numéro un de l'orientation-client (Osborn & Gaebler 1993). ENCADRE 27: Importance croissante du secteur des services De façon générale, on constate une importance croissante de l’évolution des services dans l’économie mondiale. Tel qu’illustré ci-dessous au travers du cas des services commerciaux, le poids de ce secteur dans la valeur ajoutée des pays a significativement augmenté ces 20 dernières années. On note des hausses particulièrement importantes dans le cas de la Russie, la Turquie ou encore le Luxembourg pour lequel ce secteur représente actuellement près de 50% de la valeur ajoutée du pays.

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Valeur ajoutée dans le secteur bancaire, les assurances, la construction, et autres services commerciaux (en proportion de la valeur ajoutée de chaque pays) 2007 or latest available year

1990 or first available year

50 45 40 35 30 25 20 15 10 5 us si an Sl Fe In ov d di C a k era a ze R tio ch ep n R ub ep lic u N bli or c w a Po y l G and re e Tu ce rk M ey ex Fi ic o nl a Ko nd re So a u t Sp h a in Af Po ric a r H tug Sw un a l i tz gar er y la Au nd D s tri en a Sw ma ed rk e Br n C az i an l a Ic da el an Ja d pa n Ita N Ir l y e e N the lan ew rl d a Z nd O eal a s EC n D d Be tota G l giu l e m U A rm a ni u n te s t y d ra U Ki li a ni ng te d d om St a Lu Fr te s xe a n m ce bo ur g

0

R

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Source : OECD Factbook 2009

23. Culture du réseau et systèmes ouverts La condition nécessaire pour qu'une organisation soit effectivement orientée vers le client est la structure et la culture du réseau. L'organisation en réseau favorise la liberté d'action des employés dans la poursuite des objectifs de l'entreprise. Elle préfère l'autoorganisation plutôt que la rigidité structurelle. Elle encourage les relations horizontales plutôt que le commandement par le centre. Elle combine la spécialisation avec l'approche du généraliste plutôt que d'opter de manière exclusive pour l'une ou l'autre (Vandermerwe 1993). Enfin, elle préfère les liens temporaires et le contrôle par projet plutôt que la permanence et le contrôle fonctionnel. L'organisation en réseau facilite aussi une bonne gestion des relations que l'entreprise entretient avec ses partenaires et ses concurrents. L'orientation-client exige que l'entreprise soit structurée d'une manière sensée pour le client. L'organisation doit refléter le cycle d'activité du client plutôt que le processus de production tel qu'il est vu par l'entreprise. Le processus technique ne doit pas être séparé du client. Il ne peut surtout pas être perçu comme une manière de réduire les coûts au détriment du service à la clientèle. Les études empiriques démontrent qu'un mauvais service est la principale cause du mécontentement de la clientèle (voir par exemple Smith et al. 1999). Les organisations qui pratiquent l'orientation-client doivent identifier chaque élément de service et refléter, dans leur système comptable, leur contribution à la chaîne de valeur du client.

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Le passage d'une structure industrielle ou bureaucratique à une structure en réseaux est un processus long et difficile. Néanmoins, une telle transformation est nécessaire, car sans elle, la formation visant à une plus grande culture du service au sein de l'organisation se traduira par la frustration des employés et n'aboutira guère à une meilleure performance du service à la clientèle. Désormais, le client montre également une nette préférence pour les systèmes ouverts. Le système ouvert signifie que l'utilisateur n'est pas lié à un hardware ou software particulier mais maintient une liberté totale de manœuvre. Il est libre de choisir en fonction de ses besoins plutôt que d'être forcé d'accepter l'offre de son fournisseur principal. Le client ne voit aucun intérêt à ce que l'équilibre du pouvoir bascule à l'avantage d'un seul fournisseur. Dans sa perception, l'utilisation des systèmes fermés se traduit par moins de concurrence et moins d'innovation. Cette tendance est particulièrement visible dans le marketing des systèmes informatiques. On la retrouve également en business consulting où le rôle d'un "chef d'orchestre" coordonnant le travail des comptables, experts fiscaux, juristes et conseillers en finance ne cesse de croître. Elle se manifeste également dans d'autres domaines qui se mettent à l'heure du réseau. Les systèmes ouverts deviendrontils la règle dans des secteurs tels que l'automobile, l'éducation, la banque ou l'assurance dans les années à venir ? Les principaux ennemis des systèmes ouverts dans le cas des services informatiques étaient traditionnellement les fournisseurs du hardware. Les producteurs d'ordinateurs avaient la fâcheuse habitude d'équiper leurs clients d'un seul système en limitant la liberté de choix. Les choses ont bien évolué depuis. L'utilisateur dispose actuellement de système opérationnel Unix offrant un grand choix. Les vendeurs de ce système font partie du COSE (Common Open Software Environment) qui favorise la compatibilité des différents systèmes. Mais l'intégration des systèmes a surtout été encouragée par l'apparition de Microsoft.

24. La vente de garanties et de résultats Vendre des solutions - voilà désormais le mot d'ordre pour de nombreuses sociétés. Les banques, les assurances, les vendeurs de systèmes informatiques, les avocats, tous proposent des solutions à nos problèmes. Néanmoins, l'économie de service devra aller plus loin. Il faudra en effet passer de la vente de solutions à la vente de résultats. Trois forces poussent les entreprises vers la vente de performance et de garanties: (1) la nécessité de se différencier de ses concurrents, (2) la vulnérabilité croissante des systèmes vendus et (3) le désir social d'internaliser les coûts environnementaux de la production et de l'utilisation des biens et des services. L'analyse des préférences de la clientèle dans le domaine de la gestion de fortune démontre, par exemple, que les clients individuels et institutionnels deviennent plus UNINE, 2009

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exigeants en ce qui concerne la performance de leurs portefeuilles (Odier & Lenhard 1994). Cette tendance encourage les innovateurs à lier directement la commission du gestionnaire et la performance du portefeuille qu'il gère. On note une tendance semblable dans la consultation et aux Etats Unis dans les professions juridiques. La vente de garanties est aussi étroitement liée à la complexité et à la taille grandissante des systèmes. La marge d'erreur tolérable est aujourd'hui considérablement réduite. La vulnérabilité devient un véritable problème de gestion dans l'économie moderne (Giarini 1994). Les producteurs sont de plus en plus obligés de réduire le décalage de la responsabilité (« liability gap ») dans le marketing des biens et des services. Finalement, le développement de lois et les pressions en faveur de la protection de l'environnement encourage la vente de performance. En effet, l'un des principaux dangers pour l'environnement résulte du fait que de nombreux coûts environnementaux représentent des externalités pour l'entreprise. Les législations modernes tentent de réduire ces externalités comme illustré dans l’encadré 28. ENCADRE 28: Des accords de Kyoto aux permis de polluer Le protocole de Kyoto propose un calendrier de réduction des émissions de 6 gaz à effet de serre qui sont considérés comme la cause principale du réchauffement climatique. Il comporte des engagements absolus de réduction des émissions pour 38 pays industrialisés, avec une réduction globale de 5,2 % des émissions de dioxyde de carbone d'ici 2012 par rapport aux émissions de 1990. Théoriquement, ce sont des mécanismes de subsidiarité, qui doivent servir de compléments à des politiques nationales de lutte contre les émissions afin d’assurer une flexibilité à l’ensemble du système. Ces mécanismes sont au nombre de trois. (1) Le mécanisme des permis négociables concerne un système de marché de permis d’émission. Principal mécanisme prévu par le Protocole de Kyoto, ce dernier vise à encourager l’amélioration des systèmes de production les plus polluants. La marge bénéficiaire, fruit de la revente des permis, reviendra donc dans un premier temps essentiellement à ceux qui amélioreront les structures les moins efficaces et les plus polluantes. Il est donc rationnel que plusieurs pays s’accordent pour maîtriser les émissions de CO2 au meilleur rapport efficacité/prix, c’est-à-dire là où les réductions d’émissions sont les moins coûteuses. (2) Le mécanisme de développement propre (MDP) a été créé afin de permettre aux Occidentaux de réaliser leurs objectifs en investissant dans des projets dans les pays en développement. Il est la réponse aux demandes des pays en développement d’un mécanisme financier qui appuie le développement économique en adoptant des méthodes de production plus « propres ». Le mécanisme génère des crédits d’émission sur la base de projets d’investissement dans un pays en développement. (3) La mise en œuvre conjointe (MOC) est un mécanisme de financement de projets ayant pour objectif premier le stockage de carbone ou la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ces projets permettent de générer des crédits d’émission de gaz utilisables par les investisseurs.

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D’autre part, le leasing devient une méthode fréquemment utilisée afin d'optimiser l'utilisation des biens dans le temps. Il permet d'inclure la responsabilité de la performance (c'est-à-dire le résultat) dans le calcul du coût de production et dans le prix. Par exemple, la marque Volvo offre aux conducteurs de taxis des arrangements en leasing selon lesquels les réparations et le maintien de la voiture jusqu'à un certain kilométrage (par exemple 400 000 km) sont pris en charge par le producteur Le mode d'élaboration des prix change. En effet, l'économie industrielle fixe le prix en fonction de deux variables principales: les coûts de production et le marché. Dans la vente de résultats, l'élaboration des prix se rapproche de celle d'une prime d'assurance. Elle tient compte des événements incertains qui peuvent se produire dans l'avenir. Elle est basée sur l'évaluation probabiliste des coûts futurs liés à l'utilisation.

25. Stratégies de green marketing: Quel avenir ? L’environnement naturel et physique était traditionnellement abordé en tant qu’influence externe aux décisions managériales. Aujourd’hui, ces éléments sont devenus centraux en stratégie marketing (Drumwright 1994). Durant la période allant des années 70 au milieu des années 80, les facteurs environnementaux ont commencé, bien que faiblement, à s’intégrer dans les stratégies commerciales. Cette lente intégration était due principalement à deux raisons (1) les régulations étatiques concernant l’environnement commençaient à croître et ; (2) un mouvement consumériste commençait d’autre part à s’organiser (Sale 1993). Il y a donc déjà près de 40 ans que le lien entre marketing et environnement se pose : Bell & Emery (1971) s’interrogeaient déjà quant à savoir si le concept de marketing n’allait pas se tromper de centre d’intérêt en mettant en avant le désir et la satisfaction du consommateur au détriment, à long terme, des intérêts de la société et de l’environnement. Aujourd’hui, il semblerait que le centre d’intérêt de certains segments de consommateurs tende à se confondre avec les intérêts environnementaux. La concrétisation de ce phénomène a été favorisé par des facteurs tels que la pression médiatique, la meilleure connaissance des problèmes environnementaux, l’activité croissante des groupes de pression, une législation plus ferme ou encore l’impact sur l’opinion publique de désastres provenant des industries (Kalafatis et al. 1999). Par conséquent, les consommateurs sont devenus plus sensibles quant à leurs habitudes de consommation et l’impact écologique que celui-ci peut représenter. Le terme « green marketing » ou marketing vert a été élaboré afin de décrire la volonté de développer des stratégies marketing visant à toucher les consommateurs écologistes, ou simplement des consommateurs sensibles aux questions environnementales (McDaniel & Rylander 1993). Le marketing vert peut également être associé à ce que certains auteurs nomment le marketing écologique ou le marketing durable (« sustainable marketing ») ; l’idée centrale étant que cette forme de marketing représente un progrès vers le développement durable (Peattie & Crane 2005). Varadarajan (1992) et Menon & Menon UNINE, 2009

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(1997) proposent le terme « environpreneurial marketing » pour mettre en évidence le besoin d’une approche entrepreneuriale alliant considérations écologiques et objectifs de la stratégie marketing. Une recherche menée par Vandermerwe & Oliff (1990) il y a près de 20 ans montrait que déjà 92% des multinationales européennes se défendaient d’avoir changé leurs produits en réponses aux considérations environnementales et 85% affirmaient avoir changé leur système de production. Ottman (1994) montrait également que l’introduction de produits verts doublait aux Etats-Unis entre 1989 et 1990 pour atteindre 11.4% des produits ménagers. D’importantes multinationales telles que Body Shop, Volvo, Ecover et même McDonalds sont assez vite devenues des références dans la littérature « green marketing » en tant qu’illustration du succès commercial de ce type d’approche. Il a en effet pu être démontré qu’il existait de facto une relation positive entre la considération de l’environnement par l’entreprise et ses performances commerciales (Jaffe et al. 1995, Porter & van der Linde 1995). Les attributs demandés par les clients aujourd'hui ne se réfèrent pas uniquement au produit mais aussi au processus de production. Les acheteurs exigent une production écologique, un comportement éthique de la part de leurs institutions financières et de la transparence en ce qui concerne l'origine de certaines matières premières (par exemple pour s’assurer que le bois ne provient pas de sites qui sont exploités de manière à détruire l’environnement). Le cas du constructeur automobile Toyota présenté dans l’encadré 29 est en ce sens extrêmement représentatif de la tendance. Cela étant, si de nombreuses compagnies ont développé des lancements de produits à vocation environnementale ou adopté une attitude positive face à l’environnement, il est intéressant de constater que cette tendance à développer des campagnes de communication de type écologique tend à stagner ces dernières années du à la peur des compagnies d’être accusées de « green washing », autrement dit, d’utiliser la fibre écologique sans pour autant la mettre en application (Peattie & Crane 2005). Un important paradoxe a émergé concernant la pratique du « green marketing » : en dépit de l’intérêt croissant de la société pour les produits à connotation écologique, les sociétés produisant ce type de produits n’ont en réalité pas réussi à accomplir les résultats que l’on aurait pu attendre en termes de parts de marché (Wong et al. 1996). Peattie & Crane (2005) ont identifié cinq causes potentielles à cet échec. Tout d’abord, les entreprises qui ont le plus communiqué leurs fibre écologique sont ces mêmes compagnies qui ont été en première ligne de la critique en tant qu’industries sales. A titre d’exemple, de grandes sociétés actives dans le commerce de ressources énergétiques telles que Shell ont adopté un positionnement vert au cours de ces dernières années, et ce, malgré l’apparente inconsistance que cela puisse soulever. Dans la dynamique du début des années 90, beaucoup d’entreprises ont pris pour acquis que le positionnement vert était la source d’une croissance des ventes. Par conséquent, ces marques en question se sont contentées d’ajuster leurs campagnes de communication de façon opportuniste tout en cherchant à mettre en valeur de potentiels éléments écologiques dans leurs gammes de produits existantes. Un troisième élément majeur du phénomène vert est UNINE, 2009

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l’approche à court terme avec laquelle beaucoup d’entreprises ont abordé le phénomène. Rationalisation de la production sous prétexte de considérations environnementales, stratégies de prix maladroitement surélevées sont des éléments répondant de cette approche sans réelle vision commerciale. Une autre caractéristique ayant nuit à l’émancipation du « green marketing » est l’émergence de nombreux produits verts qui bien qu’innovants ne répondaient pas aux demandes des consommateurs. Beaucoup d’entrepreneurs ont en réalité opéré sur base d’une orientation-production (voir chapitre 3.2). Tous leurs efforts étaient orientés vers la production d’un produit respectant au mieux les critères environnementaux, sans pour autant savoir s’il s’agissait effectivement des produits que le consommateur désirait. La cinquième et dernière principale erreur du marketing vert est ce que Peattie & Crane (2005) nomment le marketing de conformité. En effet, beaucoup de firmes ont transformé leur adaptation vis-à-vis des nouvelles normes légales en vigueur en une opportunité de promouvoir leur fibre verte. Selon les auteurs toujours, certaines firmes américaines sont allées jusqu’à se nominer pour leur excellence en matière de respect de l’environnement sur la seule base du fait qu’elles respectaient l’ensemble des règles légales en la matière. Face à de telles difficultés, ce n’est peut-être pas surprenant que la plupart des projets qui se sont vu endosser la bannière du « green marketing » ont en réalité peu de choses en commun, que ce soit avec le marketing ou avec l’environnement. Il ne faut cependant pas en conclure que tous les efforts du marketing vert ont échoué, ou qu’il n’y a pas eu de bons exemples d’innovations, améliorations ou changements radicaux. Il existe en effet un certains nombre de cas exemplaires identifiables. Cependant, force est de reconnaître qu’il s’agit là d’exceptions plus que de la majorité. ENCADRE 29: Transparence de la production – Le cas de Toyota La société automobile japonaise Toyota développe depuis maintenant plusieurs années des campagnes de communication intégrée sur ses marchés visant à mettre en valeur la manière écologique par laquelle la marque produit ses véhicules. Plus que les modèles de voitures eux-mêmes et leurs caractéristiques écologiques, ce sont les méthodes de production qui sont mises en avant. Les éléments de communication du constructeur japonais comprennent notamment la réduction d’énergie utilisée par voiture, la réduction d’utilisation d’eau, les améliorations en termes d’émanation de CO2 sur les sites de production, etc. Parmi les chiffres avancés, on note par exemple qu’en dix ans, la société aurait réduit de près de 97% la quantité de détritus déversés dans les décharges de ses usines au Royaume-Uni et en France. Le dernier cri en matière de production de voiture que la société ne manque pas de mettre en avant est le site Tsutsumi au Japon. Ce site de production est notamment équipé de 12'000 panneaux solaires et entouré de près de 50'000 arbres plantés lors d’évènements organisés par la marque. Parmi d’autres projets, ces derniers planifient de peindre l’ensemble de l’usine à l’aide d’une peinture photocatalytique ayant des propriétés écologiques considérables. (Source : Site du constructeur)

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26. Déréglementation, technologie et globalisation Les multiples sociétés de services étaient par le passé à l'abri de la concurrence. Un tel état de fait ne peut durer là où les activités de services deviennent le facteur principal de la compétitivité. Parmi ces entraves à la concurrence on trouve: les monopoles d'Etat, la réglementation, les barrières à l'entrée érigées par les associations professionnelles, les restrictions au droit d'établissement des firmes étrangères, la bureaucratisation des services publics, etc. La concurrence est aussi limitée par le caractère relativement archaïque de nombreuses activités de services (ex. l'éducation, l'hôtellerie ou certaines formes de commerce de détail) et la faible internationalisation d'un nombre important de secteurs. La situation est cependant en train de changer rapidement grâce aux nouvelles technologies, à la déréglementation et à la tendance générale vers la globalisation des opérations. Ainsi, on constate qu’en Suisse, 53% des entreprises ont délocalisé une partie de leur production entre 2000 et 2005. D’ici 2010, ce chiffre serait estimé 74% des entreprises (Gebauer & Fletsch 2005). Appuyées par des technologies de transport et de communication de plus en plus performantes, les délocalisations prennent de plus en plus d’ampleur et sont souvent un succès. A titre d’illustration, la table 23 présente le taux de délocalisation par secteur en 2005 pour le cas de la France. TABLEAU 23 Délocalisation et autres implantations des entreprises françaises par secteur d’activité Secteur d’activité

Délocalisation seulement

Délocalisation et autres implantations

Autres implantations seulement

Total

Industrie agricole et alimentaires Industrie du bois et du papier Edition, imprimerie, reproduction Métallurgie et transform. des métaux Industrie des produits minéraux Industrie manufacturière Construction navale et aéronotique Industrie des équipements électroniques Industrie des équipements du foyer Industrie textile Industrie automobile Habillement, cuir Pharmacie, parfumerie, entretien Chimie, caoutchouc, plastique

0.3% 2.3% 1.0% 2.3% 2.4% 3.8% 3.5% 2.8% 7.7% 10.9% 13.5% 12.6% 1.8% 6.3%

0.8% 0.5% 0.2% 1.0% 1.0% 1.5% 3.9% 2.4% 1.7% 4.0% 3.1% 4.1% 0.6% 3.4%

1.2% 2.8% 4.5% 4.2% 4.7% 5.0% 3.7% 8.0% 4.8% 0.7% 4.2% 4.9% 20.3% 14.4%

2.3% 5.6% 5.7% 7.5% 8.0% 10.2% 11.0% 13.2% 14.2% 15.6% 20.9% 21.6% 22.6% 24.2%

Sources : COI-TIC 2006, FICUS 2002, LIFI 2002

La technologie stratégique peut être définie comme une technologie dont l'application favorisera le choix d'un service particulier par son utilisateur potentiel (Frohman 1985). La technologie est évidemment une variable stratégique dans les services liés aux télécommunications. Aujourd'hui, elle devient également de plus en plus importante dans des secteurs tels que l'hôtellerie, l'éducation ou le commerce de détail. Le développement de technologies spécifiques aux domaines des services accroissent nettement l'importance UNINE, 2009

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de la variable technologique dans la formulation des stratégies marketing. Ainsi, la multiplication des ventes par le biais des points de ventes automatiques, et du développement de la vente par téléphone, et bien entendu de la distribution via internet annoncent un véritable bouleversement dans le commerce de détail. La technologie ouvre de nouvelles perspectives sur l'innovation, encourage le développement des réseaux, ainsi que le partenariat. Suite aux progrès dans l'infrastructure des télécommunications, la mobilité des postes de travail dans le secteur des services augmente rapidement, contribuant à l'abaissement des coûts de services et à la globalisation des opérations. Les firmes multinationales apparaissent dans de nouveaux domaines tels que les services de nettoyage, de surveillance, et de nombreux services personnels. La tendance vers la globalisation des entreprises se traduit aussi bien par des opportunités que par des menaces pour les firmes de services. Les entreprises réagissent par la fusion, l'acquisition et le développement de nouvelles formes de partenariat. C'est le paysage local des petites et moyennes entreprises de services qui risque d'être particulièrement affecté par ce développement. Afin de survivre et de rester prospères, de telles entreprises (i) cherchent à maintenir un équilibre dynamique entre la participation dans un réseau global et la pratique locale de l'orientation-client (ii) elles se positionnent de préférence dans le type de services qui nécessite une compétence locale et (iii) elles visent à défendre leur position concurrentielle par l'innovation dans le service et dans son marketing.

27. Les enjeux du marketing sur la toile 27.1. E-marketing : cadre notionnel et origine du concept Entre 1995 et 2000, pendant la période que l’on appelle le « dot.com » boom, des milliers de projets commerciaux ont vu le jour sur la toile. L’engouement de la sphère financière pour ces projets a précédé de loin la solidité et la fiabilité de ce nouvel environnement commercial. Entre 2000 et 2001, la bulle internet a éclaté et a emporté avec elle la majeure partie de ces jeunes entreprises. Bien que n’ayant pas pu continuer l’expansion qui leur était prévue, ces « cyberentrepreneurs » ont néanmoins trouvé le temps d’introduire et de développer de nouvelles techniques marketing spécifiques aux activités sur la toile. C’est dans un tel contexte d’euphorie entrepreneuriale que l’e-marketing a vu le jour, en tant que fonction spécifique d’un environnement commercial plus large encore, que l’on nomme e-business. L’e-marketing ou le marketing interactif peut se définir comme étant « l’ensemble des outils permettant les échanges relationnels dans des environnements digitaux, connectés et interactifs » (Kalyanam & McIntyre 2002). Dit autrement, l’e-marketing correspond à UNINE, 2009

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l’utilisation d’Internet (et/ou d’autres technologies interactives) de façon à créer et médiatiser le dialogue entre la firme et les clients (Coviello et al. 2001). Watson et al. (2002) définissent les stratégies d’e-marketing comme étant des stratégies comprenant l’utilisation de réseaux de communication et de données récoltées en ligne de façon à offrir une communication personnalisée et ininterrompue entre la firme et ses clients ainsi que créer de la valeur au-delà des réseaux traditionnels. Si les définitions de cette discipline du marketing peuvent inclure l’une ou l’autre nuance, le point central qui relie l’ensemble de ces conceptions est que l’e-marketing repose sur la technologie de façon à permettre l’interactivité. C’est cette relation avec la technologie et l’interactivité qui différencie l’e-marketing des autres pratiques marketing. Cette interactivité implique l’établissement d’un dialogue électronique qui fournit un accès à l’information pour le client et, en retour, l’utilisation de ces technologies interactives par les clients permet également de fournir de l’information à l’entreprise. L’e-marketing permet de développer des stratégies personnalisées tout en étant adressées à la masse. Comprendre les opportunités et les questions relatives à la pratique de l’e-marketing nécessite une analyse de l’évolution même de la pratique marketing. Pendant l’ère agricole et encore récemment dans certains pays en voie de développement, consommateurs et entreprises achetaient des produits proches de leur emplacement physique. Dans une telle structure, la plupart des transactions marketing étaient initiées par le client et adaptées à son besoin personnel (par exemple les tailleurs de vêtements). La production était typiquement mise en place après la réception de l’ordre (ce que l’on appelle « Make To Order » ou MTO) et la spécialisation se faisait à un niveau local. Ce mode de fonctionnement a évolué avec l’avènement de la production de masse et du transport de masse, particulièrement après la seconde guerre mondiale. Etant capable de produire à des coûts bien moindres, le marché a commencé à être dominé par des produits développés en masse. Le décalage existant entre la production en masse et la mise sur le marché a donné sa raison d’être au marketing. C’est ainsi que le marketing a commencé à devenir une fonction primordiale d’intermédiation entre la production et le consommateur. L’e-marketing a donné lieu à des changements fondamentaux dans la pratique de gestion, et impacte encore à l’heure actuelle le comportement du consommateur dans sa pratique quotidienne. Cette modification des codes a des conséquences relativement similaires aux changements associés à l’introduction des automobiles et des téléphones dans le sens où ces avancées technologiques ont également permis de repenser les transactions dans le temps et la distance (Sheth & Sharma 2005). L’e-marketing utilise internet en tant que plateforme qui permet aux firmes de s’adapter au besoin du consommateur, de réduire les coûts de transaction, et de permettre aux consommateurs d’évoluer vers un environnement se détachant du temps et des distances (Watson et al. 2002). L’intention des managers en e-marketing est de créer un dialogue en temps direct. Dit autrement, l’emarketing est similaire au marketing de l’aire agricole avec des relations récurrentes entre UNINE, 2009

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le consommateur et le producteur, mais tout en étant mis en œuvre à des coûts bien moindres (Sheth et al. 2000). Les avantages principaux de l’e-marketing sont de réduire les coûts et d’augmenter le nombre de personnes informées par la marque. Ceci est du à trois raisons (1) tout d’abord les firmes peuvent fournir une quantité illimitée d’information au client, de plus, l’information peut être délivrée dans un format que le client peut facilement traiter et comprendre. (2) La firme peut créer des interactions en personnalisant/customisant l’information pour des clients individuels de façon à leur permettre de sélectionner ou créer les produits et services qui rejoignent leurs exigences particulières. Finalement (3) les plateformes e-marketing permettent d’organiser les transactions entre le client et la firme sans que le contact humain soit nécessaire (Sheth & Sharma 2005). Les applications liées à l’e-marketing deviennent de plus en plus importantes mais la pénétration de ces dernières demeure relativement modeste (Brodie et al. 2007), contrairement à ce que l’on pourrait croire. Comme l’on fait remarquer Barwise & Farley (2005) dans une étude sur les activités de communication marketing des entreprises dans sept pays, une hausse de l’utilisation des outils de l’e-marketing dans la stratégie de communication des entreprises peut aisément être constatée. Par exemple, entre 2002 et 2004, les activités e-marketing ont accru en importance dans le budget de communication de l’entreprise, passant de 7 à 8.2% alors que les traditionnels médias de communication (TV, radio, presse) enregistrent un léger mais constant déclin. Barwise & Farley (2005) concluent qu’avec presque 10% des parts des budgets de communication alloué à la pratique e-marketing, on ne peut plus ignorer que celle-ci est désormais intégrée dans la pratique. Cette analyse est également confirmée par Brodie et al. (2007) qui ont constaté que 71% des firmes américaines enregistraient des niveaux moyens à importants dans leur utilisation des pratiques e-marketing. Malgré le fait que l’e-marketing fait désormais partie du paysage commercial, son expansion est bien moins importante que l’on aurait pu prétendre. Les raisons qui facilitent l’adoption de stratégies e-marketing par les firmes est avant tout liées à la maturité et l’expérience de celle-ci avec les technologies de l’information (Wu et al. 2003). Les recherches menées par Brodie et al. (2007) tendent également à confirmer que la pénétration de la pratique e-marketing est également plus importante pour les sociétés opérant dans le B2B ainsi que dans le cas des firmes exportatrices. Est-ce que la pénétration de la pratique du marketing en ligne a un impact sur la performance ? Plusieurs études ont récemment démontré l’existence d’une corrélation positive entre le niveau de maturité e-marketing, ou dans un sens plus large, e-business, et la performance de l’entreprise (voir notamment Garbi 2002, Khan et Motiwalla 2002, Wu et al. 2003, Brodie et al. 2007). Par exemple, Wu et al. (2003) ont étudié l’intensité d’adoption des pratiques e-business en mesurant l’importance avec laquelle les outils d’ebusiness étaient utilisés dans quatre processus commerciaux : la communication,

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l’administration interne, les commandes et les approvisionnements. Leur analyse révèle que l’adoption de pratiques e-business était positivement corrélée avec quatre mesures de performance : l’efficience commerciale, les performances de vente, la satisfaction du client, et le développement de la relation. De façon similaire, Brodie et al. (2007) ont démontré que l’adoption des pratiques e-marketing accroissait l’acquisition de nouveaux clients et la rétention de ces derniers.

27.2. L’e-marketing mix Si l’e-marketing peut être vu comme un simple outil de publicité et de communication sur Internet, en réalité la discipline embrasse un éventail bien plus large d’activités. L’emarketing inclut entre autre la gestion des relations avec les clients, les activités de vente ou encore la recherche et l’analyse de l’information sur le consommateur. Cela étant, dépendant du centre d’intérêt de chacun, la communauté marketing a développé une vision très sélective des techniques relatives à la pratique sur internet. Par exemple, pour les développeurs web, e-marketing se résume à créer des sites qui sont robustes tout en étant bien ajustés au trafic qu’ils génèrent. Pour les publicitaires, e-marketing correspond à la publicité en ligne ainsi que son impact sur le nombre de visites et la création ou le maintient de la marque. D’autres courants encore, plus axés sur la gestion de la relation client (CRM) ont mis en évidence les effets de personnalisation. Cette absence d’effet intégrateur entre tous ces différents courants a amené Kalyanam et McIntyre (2002) à développer un modèle rassemblant 11 fonctions e-marketing : l’e-marketing mix. Les outils de l’e-marketing ont pour propriété d’être digitaux de sorte qu’ils facilitent les interactions et la communication avec les individus sur des réseaux digitaux (Hanson 2000). Tel que discuté plus haut dans ces notes pédagogiques, deux perspectives importantes ont traversé l’histoire du marketing. La paradigme transactionnel (comprenant les 4P du marketing mix) et le paradigme relationnel. Dans les années 90, la théorie marketing s’est en effet dirigée vers le paradigme de l’échange relationnel, pointant par là l’importance de la rétention du consommateur au travers de la relation, incluant également le besoin pour des interactions personnalisées. Le marketing transactionnel est donc un sous-ensemble d’un concept plus large que l’on appelle le marketing relationnel. Cette perspective plus large voit le marketing en tant que relation construite sur des séries continues d’interactions elles-mêmes fondées sur la collaboration créée avec chaque consommateur individuel. Si le principe du marketing mix a été le paradigme de l’échange dans un monde physique, le principe de l’e-marketing est celui des échanges relationnels dans un monde connecté en réseaux électroniques. Intégrant ces deux perspectives dans la détermination du modèle e-marketing mix, Kalyanam et McIntyre (2002) ont réuni l’ensemble des activités et outils du Marketing sur la toile en un seul modèle.

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FIGURE 30 Le eMarketing Mix = 4Ps + P2+C2+S3

Concernant la partie propre à l’échange, les fonctions marketing restent similaires au marketing traditionnel. La fonction de configuration correspond au produit. Un exemple est le site Dell où il est possible de configurer son propre ordinateur. De plus, beaucoup de sites proposent également des produits digitaux, tels que des rapports d’analyse, de la musique ou autre produit transférable sur support électronique. La fonction évaluation se réfère au prix du marketing mix. La particularité e-marketing est que cet environnement permet l’utilisation à large échelle de mécanismes d’établissement de prix tels que certaines formes de vente aux enchères qui ne seraient pas possibles dans un autre contexte. La fonction de facilitation correspond à la distribution. Dans le cadre de l’emarketing, la fonction de facilitation réfère à l’endroit de la transaction ainsi qu’au mesures prises en vue de sa simplification. La distribution en ligne a par ailleurs mené à ce que l’on nomme la désintermédiation (c'est-à-dire, la disparition progressive des intermédiaires commerciaux de sorte que le producteur est en contact direct avec le client). La fonction de symbolisation englobe la promotion. Ceci comprend les publicités en ligne, les liens sponsorisés sur les moteurs de recherche tels que Google, les emails sortants ou encore le marketing viral. On peut également mentionner les promotions de ventes telles que les e-coupons offrant des réductions sur des produits vendus en ligne. Cela étant, cette pratique est de caractère situationnelle car elle est souvent appliquée de façon temporaire. Concernant le deuxième paradigme, le marketing relationnel, on identifie la personnalisation, la sécurité, le respect de la vie privée, le site, et le service client en tant que fonctions d’échange relationnelle. Il est fondamental en marketing relationnel

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d’identifier ses clients et de réunir de l’information à leur sujet. La personnalisation se définit comme étant toute forme de customisation qui apparait suite à l’identification des besoins d’un consommateur spécifique. La proposition de livres proches de des intérêts de chaque internaute sur Amazon.com est une parfaite illustration de cette fonction. Les questions de sécurité lors de la transaction, du respect de la protection des données et du service après-vente sont également des fonctions que le responsable marketing devra assumer lors de l’établissement de son plan. Comme illustré sur la figure 30, ces fonctions chevauchent les fonctions transactionnelles. En plus des perspectives d’échange et de relation, une autre perspective de l’e-marketing est le fait qu’internet est un réseau (Hanson 2000). Au sein de ce réseau se développent des communautés, définies comme étant « un ensemble de relations imbriquées, construites sur des intérêts communs qui satisfont les intérêts des membres qui ne seraient normalement pas atteignables individuellement » (Mohammed et al. 2002). La création de communautés est actuellement reconnue comme une fonction importante incombant à la responsabilité des praticiens du marketing. Comme indiqué dans le schéma, cette fonction est considérée comme une fonction situationnelle plus qu’une fonction basique. Etant donné que les interactions dans la communauté peuvent être au sujet d’autres fonctions, la communauté modère d’autres fonctions et chevauche les autres. Les 11 fonctions mises en évidences dans l’e-marketing mix permettent de structurer les éléments essentiels devant intervenir dans la détermination du plan marketing. L’organisation de ces fonctions autour de ces 11 éléments intégrateurs permet également de structurer leur implémentation.

27.3. Un exemple de stratégie en ligne : Le marketing viral Le marketing viral constitue un des nombreux outils à la disposition du responsable emarketing. Le marketing viral est une stratégie publicitaire qui a pour objectif de stimuler le bouche-à-oreille en ligne. L’idée est que le consommateur devient lui-même une force, un allié de la stratégie marketing et endosse la responsabilité de diffuseur d’information au près de son propre réseau. Steve Jurvetson et Tim Draper sont les premiers à avoir introduit cette pratique en 1997. Ces derniers avaient alors convaincus Hotmail de placer des annonces au pied des emails que les utilisateurs envoyaient. Phelps et al. (2004) définissent le marketing viral comme étant « le processus visant à encourager une communication honnête entre les réseaux de consommateurs actifs tout en utilisant l’email comme canal ». Il est difficile de contester le fait que le principe de la rumeur (« buzz ») joue un rôle important dans le processus d’achat de nombreux produits. En effet, l’achat fait partie intégrante d’un processus social. Cela implique non seulement une interaction face-à-face entre la compagnie et le client mais également de nombreux échanges d’information ainsi que l’influence des personnes qui entourent le client. Un élément clé de la consommation de marque est la question de l’appartenance à un UNINE, 2009

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groupe: est-ce que je veux être un membre du groupe, dans ce cas, mes amis ou mon réseau plus éloigné, qui utilisent le produit ? L’utilisation de stratégies de marketing viral permet de créer ces formes de communautés et offrir un réseau de référence au consommateur. Rosen (2000) suggère l’existence d’importants réseaux invisibles comprenant des « hubs » (ensemble de personnes bien positionnées pour partager l’information), des « clusters » (zones de connections extrêmement denses), et des connections entre ces clusters. Au sein de ces réseaux, existe un flux constant de commentaires navigant entre les nœuds du système. C’est ce que l’on appelle le « buzz ». Selon Roger (1995), les médias de masse sont relativement plus pertinents pour prendre connaissance et se renseigner au sujet d’une innovation, alors que la communication interpersonnelle serait plus appropriée pour le processus de persuasion. Par conséquent, on peut supposer que les consommateurs communiquant via leur courrier électronique peuvent persuader plus facilement que la publicité mass média. Ceci dit, l’aspect persuasif n’est pas le seul élément à atteindre, en effet, les responsables marketing utilisant la stratégie virale espèrent également que cette stratégie de communication de consommateur à consommateur augmentera aussi la connaissance et la conscience du produit ou service. Etant donné que le marketing viral signifie encourager une communication honnête entre les consommateurs et que cette communication sur internet se matérialise via courriel, comprendre les motivations, attitudes et comportement de ceux qui transmettent et reçoivent les messages par courriel est nécessaire pour implémenter des stratégies effectives de marketing viral. La figure 31 présente un modèle de transmission de courriel en 4 étapes : (1) la réception d’un émail en chaîne ; (2) la décision d’ouvrir ou de fermer le message ; (3) si celui-ci est ouvert, vient ensuite la lecture ou le décodage du message et ; (4) la décision de transmettre ou non le message à son propre réseau. FIGURE 31 Les quatre étapes de la transmission d’un courriel

Source : Phelps et al. (2004)

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Sur base de focus group, d’analyse de contenu des courriels et d’entrevues en profondeur avec des internautes, Phelps et al. (2004) ont mis en évidence une série de tendances propres à chacune de ces étapes. Quatre types de profils d’internautes ont pu être identifiés (voir tableau 24). Le cadran 1 inclut ceux qui ne reçoivent pas de grandes quantités d’emails en chaine et qui ne les retransmettent pas. Le cadran 2 concerne ceux qui reçoivent peu d’emails mais qui les retransmettent dans une grande proportion. C’est bien entendu le segment d’utilisateur qui représente la plus grande opportunité pour le responsable marketing car ils sont réceptifs aux messages et les transmettent en forte proportion mais cependant n’en reçoivent pas encore beaucoup. Le cadran 3 recense ce qu’on appelle ici les « experts du viral ». Cette catégorie regroupe ceux qui reçoivent une importante quantité d’emails et qui les font suivre dans la majeure partie des cas à leur propre réseau. Ils représentent un atout capital pour la stratégie de marketing viral : ce sont en quelque sorte des ambassadeurs ou des responsables des relations publiques de l’entreprise. Finalement, le cadran 4 représente ceux qui reçoivent beaucoup d’emails mais qui n’en retransmettent à peu près aucun. TABLEAU 24 L’effet d’Internet sur le Marketing Mix Réception des courriels en chaine

Expédition des courriels en chaine

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Large %

Beaucoup

Quelques

Cadran 3

Cadran 2

Expert du viral

Les expéditeurs non fréquents Grande opportunité

Faible %

Cadran 4

Cadran 1

Les expéditeurs non fréquents

Les expéditeurs non fréquents

Il est essentiel de bien sélectionner les premières personnes à qui l’entreprise va envoyer son courriel. En effet, Phelps et al. (2004) ont démontré que les personnes s’arrêtaient en phase deux du processus (effacement du message sans lecture) lorsque l’email provenait directement d’une entreprise. Par contre, ces mêmes personnes ouvraient le même message si celui-ci provenait d’une personne qu’ils connaissent, ceci pour la bonne et simple raison qu’ils assument que le produit doit être intéressant si l’information leur a été transmise par une personne de confiance. On comprend dès lors pourquoi la détermination de ce premier groupe de diffuseur est primordiale. Il faut en effet que les entreprises identifient les « experts du viral » et les leaders d’opinion qui sont intéressés UNINE, 2009

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par le produit ou service. Trouver ces personnes intéressées dans les activités de l’organisation peut être facilité par l’existence d’une liste interne à l’entreprise comprenant les noms des clients ayant consentis à être tenus informés des activités de l’entreprise par courriel. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il est plus intéressant d’envoyer le message initial à un minimum de personnes (mais bien sélectionnées) de sorte à laisser le message se diffuser par la suite au travers des réseaux personnels de ces consommateurs. En ce qui concerne le type de message, les recherches empiriques tendent à suggérer que les messages qui suscitent une émotion forte, de l’humour, de la peur, de la tristesse ou de l’inspiration ont plus de chance d’être réexpédiés à d’autres internautes. En tête de liste, les bonnes actions ont été retransmises dans 100% des cas. Viennent ensuite les photos de personnes nues, les blagues sur des questions de genre, les blagues sur le travail ou l’informatique, des message prévenant des formes de criminalité, les jeux et les messages en chaine faisant référence à la chance. Ces derniers ont tous enregistré des taux de réexpédition supérieur à 50%. De façon intéressante, cette étude indique que les emails proposant des produits gratuits et contenant des conseils utiles sont relativement plus ignorés (Phelps et al. 2004).

27.4. Internet sonne-t-il le glas du marketing traditionnel? Avec l’avènement d’Internet, les techniques de manipulation des 4Ps ont changé. Concernant le produit, Internet permet (1) de découvrir beaucoup plus rapidement les besoins des consommateurs ; (2) de mieux personnaliser les produits en fonction des besoins spécifiques de chaque consommateur ; (3) de tester les produits plus rapidement et ; (4) de raccourcir le cycle de vie du produit (Avlonitis & Karayanni 2000). En ce qui concerne le prix, Internet favorise la standardisation des stratégies de prix entre les différents marchés, ou du moins, réduit les écarts de prix. Qui plus est, internet favorise également le pouvoir de négociation des consommateurs puisque le marché gagne en transparence (tous les produits et points de vente peuvent être plus facilement comparés). En ce qui concerne la distribution, en rapprochant l’utilisateur final et le producteur, Internet a clairement diminué le pouvoir des intermédiaires tels que les agents ou les distributeurs (Eid & Trueman 2002). Internet a aussi poussé les intermédiaires à trouver de nouveaux panels de services de façon à réaligner leur valeur ajoutée. En ce qui concerne la communication, on est passé d’un mode de communication d’un émetteur vers de nombreux destinataires à un mode ou plusieurs émetteurs s’adressent à plusieurs destinataires dans une interaction permanente. De plus, l’utilisation d’internet à permis aux départements de vente d’avoir une discussion interactive avec les consommateurs. Au regard des intérêts indiscutables du marketing interactif, peut-on dès lors décréter la fin de l’ère du marketing traditionnel ?

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TABLEAU 25 L’effet d’Internet sur le Marketing Mix 4P PRODUIT

Effet Permet de mieux découvrir les besoins des consommateurs Meilleure personnalisation des produits en fonction des préférences individuelles Produits testables plus facilement et plus rapidement Cycle de vie du produit plus court

PRIX

Augmente la standardisation des prix entre les différents marchés Compétition sur les prix entre entreprises accrue Taux de conversion approximatif pour chaque pays

PROMOTION

Communication interactive avec les clients Réduction des coûts globaux de publicité Annuaires et référencement pour amener le client au site de l’entreprise

PLACEMENT (Distribution)

Réduction de l’importance et de la dépendance vis-à-vis des intermédiaires Importantes capacités en matière de prise de commande et de suivi de l’information

Source : Inspiré de Eid & Trueman 2002

Avec l’avènement d’internet, de nombreux chercheurs et praticiens se sont interrogés sur l’avenir du marketing. Certains ont en effet été jusqu’à avancer que le marketing tel que nous le connaissons actuellement est en voie de disparition (voir par exemple Holbrook & Hulbert 2002). L’argumentation part de la référence à l’époque du troc. A cette époque, il n’y avait en effet pas besoin de marketing puisque les membres de l’échange était en contact direct et qu’il n’y avait pas besoin de médiation, de quelque genre que ce soit. Avec l’avènement de la révolution industrielle, la production de masse a donné lieu à un écart entre le producteur et son consommateur. Le marketing, au travers notamment des variables du marketing mix permet de fermer cet écart entre producteur et consommateur. Le principe sous-jacent est donc qu’aussi longtemps qu’il y aura cet écart, aussi longtemps la fonction marketing aura un sens. Actuellement, c’est donc l’hypothèse de la réduction de cette séparation entre producteur et consommateur qui pousse certains à postuler la mort du marketing. L’idée sous-jacente est que l’on aurait tellement segmenté jusqu’à retrouver des unités individuelles que l’on se retrouverait dans une situation proche de celle du troc. La révolution des systèmes de l’information serait à ce titre le catalyseur de ce processus de personnalisation, principalement du à l’avènement d’internet dans les modèles d’affaires. Plusieurs raisons permettent de douter de la disparition du marketing. Par exemple, même dans cette société de l’information, où Internet représente un nouveau moyen de faire du UNINE, 2009

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commerce, ce dernier n’éliminera jamais ou ne servira jamais de substitut pour les canaux de distribution traditionnels (McCole 2004). Dans le cas des produits bon marché et fréquemment achetés, le réseau de distribution traditionnel sera favorisé tout simplement parce que ces fonctions n’offrent pas d’économie d’échelle. De plus, on peut noter également qu’il faudra toujours des personnes possédant la connaissance en marketing pour développer des stratégies (par exemple en e-branding), ou encore gérer les 4P, même si le décalage entre client et producteur à été évincé. De plus, il faudra toujours des personnes pour développer les produits, trouver les canaux de distribution adéquats (même si uniquement en ligne), développer les prix appropriés et développer des campagnes de communication appropriées. On peut également mentionner le fait qu’il sera toujours nécessaire d’avoir des analystes marketing pour gérer l’important flux d’information livré par les clients, même si cette information est triée au préalable au moyen de programmes informatiques. Enfin, il faudra toujours des personnes pour gérer la qualité du service ou encore développer la stratégie vis-à-vis des compétiteurs (McCole 2004). D’autre part, il est intéressant de noter que si les compagnies leader du marché utilisent les stratégies d’e-marketing pour accroître leur avantage par rapport à la concurrence, l’impact sur la transformation et l’évolution des pratiques marketing est relativement modeste. En fait, l’impact majeur de l’e-marketing est de complémenter les canaux traditionnels du marketing (Day & Bens 2005, Brodie et al. 2007). A l’heure actuelle, il est en effet inconcevable de développer un plan marketing stratégique sans une étroite association entre les outils de l’e-marketing et les outils du marketing mix traditionnel. L’emarketing dépend de son intégration avec les autres pratiques marketing et ne doit pas être perçu comme une pratique indépendante.

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QUESTIONS DE RÉVISION :

1.

En quoi l’économie de service est-elle différente de l’économie industrielle ?

2.

Peut-on dire que les préférences du client sont différentes dans l’économie industrielle et de service ? Si oui, quelles sont ces différences ?

3.

Identifiez une entreprise axant sa communication sur la vente de résultats. Quelles sont les raisons qui expliquent ce choix stratégique ?

4.

Qu’est-ce que le marketing vert ? Citez un cas d’entreprise intégrant particulièrement cet aspect dans sa stratégie.

5.

Quelles sont les raisons qui expliquent la faible expansion du marketing vert durant ces quinze dernières années ?

6.

Choisissez une entreprise suisse de petite taille. Dans le contexte de globalisation et d’accroissement des délocalisations, quelles recommandations générales donneriez-vous pour l’aider à rester compétitive ?

7.

Qu’est ce que l’e-marketing et quels sont ses avantages par rapport au marketing traditionnel?

8.

Qu’est-ce que l’e-marketing mix ? Appliquez ce modèle afin de développer un aperçu de plan e-marketing pour une société active dans la vente de rapports d’analyse financière.

9.

Comment procèderiez-vous pour développer une stratégie de marketing viral ?

10.

Est-il concevable qu’Internet mette fin à l’existence du marketing ? Argumentez.

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