Texte Arnaud Velvelovich
Mood
# TA BOO Homme blanc d’une trentaine d’années, scrolleur dépendant et socialement intégré, je vois depuis quelques années le confort de ma maison mentale se faire ébranler par des combats digitaux. Des causes qui, au quotidien, propulsent violemment mon empathie contre les murs du tunnel de mes sombres a priori. Les hashtags sont nombreux, récurrents et virulents, ils sont même devenus un business, un positionnement marketing. Ils envahissent mes dîners de famille, ma consommation culturelle, bouleversent mes relations sociales et démystifient même mes idoles…
LES VARIATIONS ET LES PERSONNALITÉS INTER SEXE SONT MULTIPLES
C’est en plein été 2020, le regard perdu dans les méandres de ma dose journalière d’informations inutiles, que je suis tombé sur cette nouvelle qui depuis a retourné mon esprit. « Le 1er août, l’Assemblée nationale française rejette la proposition de loi d’interdire les mutilations intersexes non consenties. » J’ai relu plusieurs fois ce titre a fin d’être sûr de ne pas me méprendre. On ne parlait pas ici d’excisions au nom d’une religion quelconque, mais bel et bien de personnes mutilées en France et ceci de façon tolérée et reconnue… J’étais déconcerté, mais surtout, j’avais besoin d’en savoir plus. Beaucoup plus. Je n’arrivais pas à laisser l’indolence de mon déni prendre le dessus.
6
Et j’ai eu beau chercher, rien. Aucune discussion binaire dans les médias. Aucun poing levé sur twitter, rien… Le sujet fait incontestablement l’objet d’un immense tabou. Je me rappelle alors avoir aperçu un petit « i » ou le petit « + » que l’on omet systématiquement après le Q de LGBTQ. C’est ce petit oubli qui représente les personnes intersexes. Des personnes qui naissent tout simplement avec des variations sur les caractéristiques sexuelles de leur biologie : les chromosomes, hormones, le sexe interne ou externe, ou alors des caractéristiques sexuelles secondaires comme une poitrine, une pilosité, etc… Un petit oubli qui représente presque 2% de la population, tout autant que les personnes aux yeux verts ou aux cheveux roux, mais qui n’ont pas la chance, elles, de correspondre à la conception stéréotypée de notre monde.
Lorsqu’un enfant né intersexe, ces variations ne permettent pas de catégoriser l’identité sexuelle du nouveau-né c’est-à-dire les dichotomies habituelles : homme ou femme, Adam ou Eve… Or cette singularité est impossible dans la bipolarité de nos sociétés. De l’état civil à l’éducation, au sport comme aux relations humaines, le monde n’est pas organisé pour des personnes qui ne possèdent pas ou ne se reconnaissent pas dans les critères des catégories définies. Les variations et les personnalités intersexe sont multiples. Alors bien plus que leur anatomie, le principal fait qui les lie, c’est leur vécu commun. Un vécu de stigmatisations, d’exclusions, de traumatismes, de cicatrices, de violences médicales et sociales. Depuis les années 50, sous des justifications pathologiques vagues et souvent fictives les médecins jouent, hormonent et bricolent avec des corps sains, en tenant pour seul motif : faire rentrer cette diversité dans les normes. Ces actes qualifiés de « préventifs » par les bourreaux, maintiennent un tabou sur la réalité. On préfère cacher les multitudes du vivant au prix de nombreux problèmes de santé physique et mentale. Cette chirurgie destructrice est surtout pratiquée dès le plus jeune âge et donc forcément sans consentement. En 2016 la France a été condamnée à trois reprises pour torture par l’ONU et différents organismes internationaux. En France, on estime d’ailleurs à 2000, le nombre d’enfants subissant chaque année des « opérations d’assignation sexuelle ». Au Luxembourg, depuis 2016, le Code civil a été réformé sous l’engagement des députées Françoise Hetto-Gaasch et Sylvie Andrich-Duval, afin de permettre aux personnes le désirant de modifier ou de ne pas mentionner leurs identités sexuelles en fonction de leurs volontés. En 2018, à travers une initiative du ministère de la Famille, une campagne de sensibilité a été lancée dans le but de donner un début de visibilité à la cause. De nombreuses initiatives notamment auprès des milieux scolaires ont ainsi été mises en place avec la volonté de l’ASBL locale Intersexe et Trans. Mais seule une rénovation de lois peut changer profondément les mentalités et protéger ces enfants. À l’heure où le monde se regarde de travers entre 2 genres, la reconnaissance de l’intersexe serait une richesse formidable pour casser les codes des dualités archaïques de nos sociétés.