le magazine lifestyle de la PHOTOGRAPHIE
Portfolio
Politique
PHOTOGRAPHES À L’ÉLYSÉE
Monde EVERYDAY EGYPT
PRISONS SOUS CONTRÔLE
Éducation
DEVENIR PHOTOJOURNALISTE
Test
LA 4K À L’ÉPREUVE
Art vidéo
LE CINÉ DE DAVID CLAERBOUT
NUITS ÉCLECTIQUES
N° 11 mars-avril 2015
L 19203 - 11 - F: 4,90 € - RD
Société
DOSSIER
I BEL.: 5,20 € I www.fisheyemagazine.fr
FEMMES D’ISTANBUL
(AUTO) CENSURE L’ART VICTIME DE LA PEUR
instantanés
P. 8 LES DESSOUS DE L A COUV
Joe Nigel Coleman
P. 10 T E N DA N C E
Ça bouge dans les images… P. 11 T E N DA N C E
Honneur au Pola P. 13 VO I X O F F
Jean-Christophe Béchet P. 14 MÉTIER
Entre pixel et pigment Hervé Pain, tireur numérique P. 16 © Stéphane Lavoué. © todd hido, courteSy La GaLerie particuLière, pariS-BruxeLLeS.
P O RT R A I T
Rafael Yaghobzadeh Questionner le photojournalisme
P. 2 0
— DOSSIER
Nuits éclectiques agrandissement
P. 43 EXPOSITIONS
Vu d’ailleurs
P. 4 6 FOCUS
Everyday Egypt
P. 5 0 P O RT F O L I O
Femmes d’Istanbul Luc Choquer
sensibilité
mise au point
P. 59
P. 97
SOCIÉTÉ
A RT V I D É O
Art : quand la peur s’en mêle
David Claerbout : le cinéma exposé P. 6 4
P O RT F O L I O
P. 10 0 P O RT F O L I O D É C O U V E RT E
Prisons sous contrôle Grégoire Korganow
Matthias Heiderich
P. 110 P RO J E T W E B
Crop the Block Tranches de villes
P. 70 É D U C AT I O N
À l’école du photojournalisme P. 7 3 F O N DAT I O N
Hermès soutient la photo labo
r évé l a t e u r
MODE
30 ans de mode et de photo à Hyères
P. 112 LIVRES
Photothèque P. 114 AG E N DA
P. 75 POLITIQUE
Expositions de printemps
P. 8 5 CAMÉR A TEST
Dans l’album de l’Élysée
Adrien La 4K passe au testeur
P. 117 FLASH
Une photo, une expo
P. 8 8 AT E L I E R P H OTO
Développement au vin
P. 119 I M AG E S S O C I A L E S
André Gunthert
P. 9 0 S H O P P I N G A P PA R E I L S
Matos P. 81 ÉCONOMIE
Photographes, facilitez-vous la vie !
P. 12 0 COMMUNIT Y
P. 9 2
Tumblr des lecteurs
S H O P P I N G AC C E S S O I R E S
Photo Déco
P. 95 P H OTO M O B I L E
Pleins feux sur la nuit
P. 10 8 E N A PA RT É
L’œil du poissonnier
P. 12 2 C H RO N I Q U E
© GRÉGOIRE KORGANOW. © MATTHIAS HEIDERICH. © PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE / S. RUET. © OLIVIER AMSELLEM.
P. 10 6
Contributeurs
6
Luc Choquer
Jenna Le Bras
Né en 1952, Luc Choquer a commencé la photographie en 1980, période où il a collaboré avec la presse nationale et internationale. Alors membre de l’agence Vu’, il a cofondé le collectif Métis en 1988. Ce photographe de la maison Signatures dresse un por trait des femmes à Istanbul dans notre por tfolio Agrandissement.
Après un diplôme de l’ESJ Lille et une année à la rédaction de Libération, Jenna Le Bras a pris son envol vers Le Caire en mai 2014. Depuis, elle suit les tribulations des Égyptiens, entre espoir et désarroi, en collaborant avec Arte, L’Orient-Le Jour, Jeune Afrique, Les Inrocks… Dans notre rubrique Agrandissement, elle décr ypte le mouvement photo Everyday Egypt.
Matthias Heiderich
Grégoire Korganow
Marlène Van de Casteele
Matthias Heiderich a d’abord fait des études de linguistique informatique avant de se lancer dans la photographie. Ce jeune Allemand né en 1982 a été publié dans Vogue, L’Officiel, Zitty Berlin… Il vit et travaille dans la capitale allemande, et vient de publier sa première monographie, Spektrum Berlin, aux éditions Intervalles. Il est notre Portfolio Découverte.
Grégoire Korganow a débuté la photographie à 23 ans, après un diplôme de l’école Estienne, à Paris. Il a ensuite travaillé avec Libération, puis avec de nombreux titres en France et à l’étranger. En 2001, il a participé à la création du magazine De l’air. Son reportage dans les prisons françaises en tant que contrôleur des lieux de privation est publié dans notre rubrique Mise au point.
Doctorante sur la photographie de mode des années 1960 et 1970, Marlène Van de Casteele enseigne l’histoire de la mode à l’école Duperré. Elle a collaboré avec le musée de la Mode et du Textile, le V&A et le Central Saint Martins College of Art and Design de Londres. Elle revient sur les 30 ans du Festival international de mode et de photographie à Hyères dans nos pages Sensibilité.
François Cam-Drouhin
Mesut Y. Tufan
Après une formation en histoire de la photographie à l’École du Louvre puis à l’EHESS, François Cam-Drouhin, né en 1984, travaille auprès de libraires et d’experts. Lauréat de la bourse Roederer/BnF pour la recherche en photographie, il réalise pour notre dossier une petite histoire de la photographie de nuit.
Ancien éditeur photo et curateur chez Sipa Press, Mesut Y. Tufan est photographe, chroniqueur à RFI, collaborateur à Courrier International et cinéaste documentariste. Installé depuis 2007 à Istanbul, il photographie, écrit, expose et publie en Turquie et ailleurs. Il analyse pour nous le portfolio de Luc Choquer, dans les pages Agrandissement.
Directeur de la rédaction et de la publication Benoît Baume benoit@becontents.com Rédacteur en chef Éric Karsenty eric@becontents.com Directeur artistique Matthieu David matthieu@becontents.com assisté de Alissa Genevois alissa@becontents.com Secrétaire générale de la rédaction Gaëlle Lennon gaelle@becontents.com
Rédactrice Marie Abeille marie@becontents.com Ont collaboré à ce numéro Jean-Christophe Béchet, Dorian Chotard, Maxime Delcourt, Gwenaëlle Fliti, Olivier Geyelin, André Gunthert, Rémy Lapleige, Sylvain Morvan, Camille Moulonguet Régie externe Alexandra Rançon Objectif Média alexandra.objectifmedia@gmail.com 00 32 484 685 115 www.objectif-media.com
Directeur commercial, du développement et de la publicité Tom Benainous tom@becontents.com 06 86 61 87 76 Chef de publicité Joseph Bridge joseph@becontents.com Directeur administratif et financier Christine Jourdan christine@becontents.com Comptabilité Antoine Bauvineau compta@becontents.com Service diffusion, abonnements et opérations spéciales Joseph Bridge joseph@becontents.com
Marketing de ventes au numéro Otto Borscha de BO Conseil Analyse Média Étude oborscha@boconseilame.fr 09 67 32 09 34 Impression Léonce Deprez ZI « Le Moulin », 62620 Ruitz www.leonce-deprez.fr Photogravure Fotimprim 33, rue du Faubourg-SaintAntoine, 75011 Paris
Fisheye Magazine est composé en Centennial et en Gill Sans et est imprimé sur du Condat mat 115 g Fisheye Magazine est édité par Be Contents SAS au capital de 10 000 €. Président : Benoît Baume. Président fondateur : Patrick Martin. 8-10, passage Beslay, 75011 Paris. Tél. : 01 48 03 73 90 www.becontents.com contact@becontents.com
Dépôt légal : à parution. ISSN : 2267-8417. CPPAP : 0718 K 91912. Tarifs France métropolitaine : 1 numéro, 4,90 € ; 1 an (6 numéros), 25 € ; 2 ans (12 numéros), 45 € Tarifs Belgique : 5,20 € (1 numéro). Abonnement hors France métropolitaine : 40 € (6 numéros). Bulletin d'abonnement en p. 118. Tous droits de reproduction réservés. La reproduction, même partielle, de tout article ou image publiés dans Fisheye Magazine est interdite.
Mention contractuelle : « Patrick Martin et Denis cuisy, associés fonDateurs »
Ours
Édito QUE LA NUIT NOUS EMPORTE BENOÎT BAUME, DIRECTEUR DE LA RÉDACTION
Le noir. L’obscurité, les ténèbres, l’aveuglement, l’ignorance, voici de bien drôles de thèmes à rattacher à la photographie, celle qui consiste littéralement à écrire avec la lumière. La nuit, ce moment fantasmé où tout se transforme quand les craintes s’éveillent et les ombres effraient. La nuit, synonyme de la fête, mère de tous les désirs et matrice de la sexualité. Nous y sommes allés à pas de loup, puis vertement et avec éclat. Fisheye grandit et n’a plus peur du noir. Et finalement, ce qu’il y a de plus grisant repose certainement sur cette phase où tout se trouble, quand les frontières de la matière et du néant s’effritent. Dans ce déni de réalité, les vérités finissent par émerger. Les vérités sur les intentions de chacun, la nature réelle des auteurs que nous avons réunis dans ce dossier très éclectique, car personne ne possède la nuit, chacun tente d’y survivre. Le rouge. Le crépuscule et l’aube, la mort et la renaissance éternelle, tellement convoitées par les gens d’images. Au moment où le soleil s’approche de l’horizon, la lumière traverse une couche atmosphérique plus dense et augmente la largeur de son spectre. La seule lumière transmise est alors celle des basses fréquences, le rouge. C’est dans cet instant magique que les choses se dévoilent. La nuit de la terreur qui vient de se manifester début janvier à Charlie Hebdo, à moins de 300 mètres de notre rédaction, nous montre à quel point les cauchemars peuvent nous faire grandir et nous éveiller à la nature tangible de notre société, aussi bien les crispations et la haine, que la solidarité et l’espoir. Le vert. Tout va plus vite. Quand il fallait une heure de pose, voici quelques années, pour espérer capturer l’esprit de la nuit, les appareils qui proposent des sensibilités de plus de 400 000 ISO permettent de voir comme en plein jour dans l’obscurité la plus complète. Pourtant, la nuit ne se laisse percevoir que dans la durée. Quand l’œil et nos sens s’acclimatent. C’est là que le regard capte l’indicible. Comme le rayon vert, qui ne se laisse voir qu’armé de patience et seulement pour quelques secondes. La nuit n’est pas affable. Le blanc. La nuit, les lumières et leurs contrastes ressortent là où elles passent inaperçues le jour. Le modelé n’existe que dans l’ombre. Le contraste, que dans l’obscurité. La photo n’existait que par le noir et blanc et leur danse harmonieuse. Cela n’a pas vraiment changé. Parler de la nuit, c’est parler d’un territoire bien plus propice à l’image que tout ce qu’on pouvait imaginer. C’est un voyage dans lequel il faut accepter de lâcher prise pour trouver les bonnes questions. Nous n’avons pas forcément les réponses, mais nous y avons trouvé du plaisir. Énormément de plaisir. Notre nuit n’a pas fini de vous surprendre.
8
I N S TA N TA N É S
LES
DESSOUS
DE
LA
COUV
Photographe australien autodidacte, Joe Nigel Coleman, 28 ans, explore le monde pour nous en rapporter des images qui nous conduisent en terres inconnues, entre rêves et souvenirs. TexTe : Éric KarsenTy – PhoTos : Joe nigel coleman
Joe Nigel Coleman
« Depuis quelques années, prendre des photos est devenu incroyable. Je peux utiliser la pellicule comme une toile pour quelque chose de très important pour moi. C’est une manière peindre à l’aide de lumières et de couleurs d’une manière de découvrir comment je perçois le monde. Je souhaite que plus créative. Les films réagissent différemment quand ils mes images ne soient pas la simple représentation de ce que sont exposés longtemps à la lumière, ils révèlent des coloris et je vois, mais la manière dont je le vois. Elles deviennent alors des formes que l’œil ne peut voir. » Joe Nigel Coleman est un une description romantique de mes souvenirs, de mes désirs, photographe autodidacte né à Newcastle, en Australie. Il donne de mes peurs, des choses auxquelles je me confronte quand un caractère surréaliste à ses photos en utilisant toutes sortes je rêve. Je voudrais que celui qui regarde mes photos puisse d’appareils. Après avoir passé la plus grande partie des huit pénétrer dans certains de mes rêves. Évoquer des impressions dernières années à voyager autour du monde, il livre des images surréelles, des sensations d’étonnement, d’ambiguïté et de qui traduisent une certaine beauté de l’inconnu et un profond beauté. Il ne s’agit pas de documenter un désir de nature. Ses travaux ont été publiés lieu ou un moment, mais de donner forme dans de nombreuses revues et présentés un à des fragments de mon imagination qui peu partout dans le monde, notamment à joenigelcoleman.com deviennent les vôtres. Prendre des photos Londres lors d’une exposition personnelle, après le coucher du soleil est une chose Many Moons & More, en 2012.
I N S TA N TA N É S
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PORTRAIT
Nourri à la culture du photojournalisme traditionnel, Rafael Yaghobzadeh est un jeune photographe au parcours déjà hors du commun. Avec son regard affirmé et sa curiosité sans cesse renouvelée, il nous parle d’une génération qui s’interroge sur l’avenir de son métier. TexTe : Éric KarsenTy – PhoTo : sTÉPhane LavouÉ
Rafael Yaghobzadeh Questionner le photojournalisme
Il nous reçoit au huitième étage d’une tour du XIIe arrondissement de Paris, dans l’appartement de ses parents où il a sa chambre. Élancé, avec une barbe naissante et des sourcils épais abritant un regard très doux, Rafael est déjà plus aguerri que le jeune homme un peu timide qu’il laisse paraître. Il faut dire qu’avec son père, Alfred, fameux reporter de l’agence Sipa Press qui couvre les conflits de la planète depuis l’âge de 19 ans, les cours de géopolitique ont eu lieu autour de la table familiale. Là, il a vu passer beaucoup de journalistes et entendu de nombreuses histoires. Il a vu défiler les copains de son paternel, parfois blessés, et tout un univers de légendes a bercé son enfance. Quand Alfred lui offre son vieux Canon F-1, Rafael, alors âgé de 10 ans, commence à photographier le monde qui l’entoure. Bien vite il descend dans la rue pour suivre ses premières manifestations, comme celle anti-FN du 1er mai 2002. Il marche beaucoup dans Paris, et connaît par cœur les lignes du métro, dont une vieille carte décore toujours les murs de sa chambre. Dans le sillage de son père, il dépose ses travaux à Sipa où il rencontre Goksin Sipahioglu, son charismatique fondateur. En 2003, il publie sa première photo dans Le Nouvel Observateur. En 2005, il réalise son premier sujet sur les 1 000 de Cachan, le plus grand squat de France abritant de nombreux sans-papiers. Une de ses photos est publiée dans Elle, il a tout juste 15 ans. Mais Rafael a la passion des voyages, héritée des récits de son père, inlassable globe-trotter d’origine iranienne, et de ses vacances à Alexandrie, dont sa mère est originaire. Ce goût des autres, il le cultive en s’inscrivant en fac d’histoire, une fois le bac en poche. On est en 2011, Rafael a 20 ans. La révolution tunisienne
bouscule l’actualité et sa scolarité. Le jeune homme lâche l’université et saute dans un avion pour débarquer seul à Tunis. Le premier jour, il se fait voler son portefeuille avec son maigre pécule et ses papiers. Il arrive à rester sur place grâce à la solidarité de trois autres photographes. Il obtient alors une première pige pour l’agence Associated Press et sa première commande de Libération. Pour l’agence News Pictures, il suit les révolutions arabes en Égypte où la situation est plus tendue – son père couvre aussi les événements pour Sipa. Son année de fac est perdue. Il se réinscrit en 2012, mais c’est le mouvement des zadistes de Notre-Dame-des-Landes qui le ramène sur le terrain du reportage, terrain qu’il ne lâchera plus. C’est aussi cette année-là qu’il obtient sa carte de presse, numéro 119760. NOUVELLES ÉCRITURES
Il s’essaie aussi à la photo de mode en couvrant la fashion week à Paris ou en assurant la postproduction de shootings de défilé. En 2013, il assiste Newsha Tavakolian, jeune photographe iranienne qui l’entraîne dans ses voyages : Jordanie, États-Unis, Inde… En phase avec la nouvelle génération de photographes qu’il accompagne depuis une dizaine d’années déjà, Rafael partage avec eux les questionnements sur le photojournalisme, le fonctionnement des agences, la couverture de conflits qui l’a tant fait rêver… En particulier depuis son dernier reportage à Sloviansk, en Ukraine, où il a ressenti la chaleur d’un obus au-dessus de sa tête avant de l’entendre exploser dans un fracas assourdissant à quelques dizaines de mètres. Raphaël nous rapporte cet événement avec difficulté, en allumant une cigarette et en cherchant ses mots. Il nous décrit sa dernière rencontre avec Andrea
Rocchelli, photographe italien qui a trouvé la mort dans cette même région. Il nous parle de Rémi Ochlik et de Lucas Dolega, deux copains reporters tués sur le terrain. Il nous raconte comment il a appris l’assassinat de Camille Lepage… Secoué par ces disparitions brutales, le jeune photojournaliste a pris conscience de ce qu’était vraiment la guerre. Mais « si on ne pense qu’aux risques, il faut changer de métier », argumente le jeune photojournaliste. Aujourd’hui, Rafael travaille avec le studio Hans Lucas. Il va dans les rédactions, propose des sujets un peu décalés sur l’actualité et envoie des PDF en cours de reportage, ce qui lui permet de décrocher des commandes de Grazia, de Paris Match ou du Nouvel Observateur. Il s’essaie à de nouvelles écritures, tente des prises de son, envisage de faire de la vidéo et de monter des projets avec d’autres photographes. « Il est moteur dans le groupe de nos photographes, révèle Wilfrid Estève, directeur d’Hans Lucas, et sa manière de raconter les histoires comme son editing sont très sûrs. Un héritage de la culture Sipa dont il a été nourri. » Dans sa bibliothèque, James Natchwey, Don McCullin, Reza, Benjamin Lowy, mais aussi Robert Doisneau, Richard Kalvar… Il continue de lire chaque semaine Courrier International tout en s’interrogeant sur d’autres écritures que le reportage. En repartant, on croise son père, Alfred, dans la cuisine d’où s’échappent des odeurs épicées aux saveurs orientales. Son visage s’éclaire d’un grand sourire pendant qu’il découpe une carotte en rondelles. Il prépare le couscous pour la fête du soir en l’honneur de son fils Rafael qui a 24 ans aujourd’hui.
www.rafael-yaghobzadeh.com
N U I T S É C L E C T I Q U E S
Il existe autant de manières de photographier la nuit qu’il y a de photographes. Une diversité d’approches que nous vous proposons de découvrir à travers une balade. Une balade en images où les photographes nous entraînent dans des nuits étoilées, mystérieuses ou festives, des nuits d’amour ou d’angoisse, des nuits dans les villes ou en compagnie de lucioles… Une rêverie avec, en contrepoint, l’esquisse d’une possible histoire de la photographie de nuit. TEXTE : MARIE ABEILLE, DORIAN CHOTARD, GWENAËLLE FLITI, OLIVIER GEYELIN, ÉRIC KARSENTY, GAËLLE LENNON ET CAMILLE MOULONGUET
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DARREN ALMOND, PORTO MOSQUITO, 2013.
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PLEINE
LUNE
« Ma petite amie m’avait emmené en vacances dans le sud de la France, à côté d’Aix-en-Provence, c’était la pleine lune. J’ai pensé que je pouvais peut-être prendre des photos à la lumière de la lune. Qu’avec un temps de pose de quinze minutes, cela pourrait donner quelque chose. Quand la planche-contact est revenue, il y avait cette image, c’était une image de jour, avec des couleurs surprenantes. Mais surtout il y avait cette lumière étrange que je n’arrivais pas à déterminer. Du fait de la rotation de la Lune, la source d’éclairage avait changé durant l’exposition, cela avait adouci toutes les ombres. C’est ce qui donne cette ambiance d’un autre monde. » Darren Almond, artiste conceptuel britannique né en 1971, raconte ainsi la photo à l’origine de ce travail qui s’étend sur plus de dix ans et qui conduit aujourd’hui à la publication du somptueux ouvrage Fullmoon, aux éditions Taschen. « Ça a commencé comme une quête romantique, et ça s’est transformé en concept contrôlé. Je me suis impliqué dans cette méditation de la pleine lune et dans l’acte de photographier. Ma vie a été fortement connectée au paysage, notamment à ce paysage de la nuit, loin de toute la pollution lumineuse que nous générons et qui nous entoure. Mon projet est une horloge mue par la lune. Ces prises de vue ne sont pas des snapshots, elles durent entre quinze minutes et deux heures. Ce qui laisse au paysage plus de temps pour s’exprimer. L’histoire de la lumière y est plus palpable, plus tangible. Vous ne pouvez pas fixer la lumière du soleil, la prendre en photo : les ombres sont très fortes, dures et agressives. Mais la lumière réfléchissante vous pousse à regarder au-delà, on peut voir plus loin à travers la nuit. »
© Darren almonD / éDitions taschen.
DARREN ALMOND
ROGELIO BERNAL ANDREO, POLIHALE BEACH.
ROGELIO BERNAL ANDREO — HAWAII CÉLESTE
« C’est au cours de vacances en famille sur l’île de Kauai qu’une nuit j’ai décidé d’explorer une plage isolée. La vue était si magnifique – et si différente de ce qu’on a l’habitude de voir sur les photos d’Hawaii –, que j’ai tout de suite voulu réaliser une série sur ces bouts de terre. Ce que je ressens dépend beaucoup du lieu, et les photos de paysages nocturnes que je prends aussi. Ce n’est pas la même chose d’être dans le parc national de Yosemite, une nuit d’hiver, et sur une plage isolée à Hawaii, en été. Comme je suis souvent seul, j’éprouve toujours une sensation d’isolement et d’excitation à savoir que je suis la seule personne à prendre ce paysage en photo à ce moment-là. Je ne m’inquiète pas du style, j’essaie simplement de capturer la scène. » Le travail de Rogelio Bernal Andreo, astrophotographe né en 1969, est publié dans des revues internationales comme National Geographic et Ciel et Espace, diffusé dans de nombreux documentaires et reconnu par la Nasa. Sa dernière série réalisée sur les îles d’Hawaii fait l’objet d’un livre, Hawai’i Nights, et ses photographies sont à l’origine de la création des Photo Nightscape Awards.
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© rogelio Bernal anDreo / Deepskycolors / ciel et espace photos. © thierry cohen, courtesy thierry cohen et galerie esther WoerDehoff.
T H I E R RY
COHEN
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NUITS
ÉTOILÉES
Depuis 2010, Thierry Cohen éteint les villes artificiellement, puis les éclaire avec la Voie lactée. Un ciel rendu invisible par la pollution lumineuse des mégapoles et qu’il va chercher dans des lieux désertiques situés sur la même latitude. New York, Tokyo, Paris, São Paulo, Shanghai, Los Angeles sont alors recouverts des ciels du Montana ou du Sahara occidental, créant ainsi une réalité nouvelle. « Dénicher le bon endroit n’est pas simple. En m’aidant de Google Earth, des cartes de la Nasa et de mes repérages, je cherche les axes correspondant à des ciels assez spectaculaires. J’ai besoin d’une vaste zone totalement sombre, d’un horizon non pollué, ce qui est rare. À moins de 300 kilomètres d’une agglomération, il y a toujours un halo ou une lueur rendant mon travail impossible. En plus d’être tributaire du calendrier lunaire et de la saison, je le suis aussi de la météo. Dans le Montana [ciel de Paris], le mauvais temps et une aurore boréale aux teintes vertes m’ont bloqué plusieurs jours. Le désert d’Atacama au Chili [ciel de Rio et de São Paulo] est particulier pour son rapport au silence. Il n’y a aucune vie – je pouvais presque entendre les battements de mon cœur –, rien qu’une nature aride dont l’érosion est si lente que le sol en conserve les empreintes, des années durant. Dans la prairie du Montana, au contraire, je rencontrais coyotes, serpents à sonnette et élans. Au fil de la nuit, les repères d’échelle et de distance s’effacent tandis que mon ouïe s’aiguise. Il y a ce sentiment d’être perdu et à la fois en sécurité dans un univers qui devient familier. Ce qui a motivé mon travail ? L’idée de faire prendre conscience aux gens de la pollution lumineuse qui les entoure, de la perte de la nuit. Mon but n’est pas d’offrir une vision post-apocalyptique, mais plutôt l’image d’une ville apaisée par le silence rapporté du désert. » THIERRY COHEN, SÃO PAULO 23° 33’ 22’ S 2011-06-05 LST 11:44.
MICHEL SÉMÉNIAKO, LUCIOLES, ITALIE, 2008.
MICHEL
SÉMÉNIAKO
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LUCIOLES
« Les lucioles n’aiment pas la lumière. À la moindre lampe qui s’allume, elles s’éteignent. Selon les espèces, elles produisent même des lumières de couleurs différentes. Mais elles ne sont vraiment lumineuses qu’une quinzaine de jours par an. Une saison des amours durant laquelle s’instaure un véritable dialogue amoureux. Les femelles restent au sol et émettent un clignotement lumineux. Le mâle, s’il souhaite s’accoupler, est obligé d’imiter ce signal. C’est une lettre d’amour où la lumière est un langage. Un langage parallèle au mien. Et sur cette image, ma lumière vient se superposer à la leur en une double exposition. La nuit, c’est le moment qui me permet de reconstruire le monde. Le monde réel s’efface, la lumière du jour s’évanouit et les “capteurs” de nos yeux deviennent insuffisants. C’est le moment où l’imaginaire se substitue à la réalité et réinvente le monde. Le noir est alors une page blanche où l’on peut écrire avec de la lumière. Et il y a autant de manières de le faire qu’il y a de relations sensibles à la nuit. »
© MICHEL SÉMÉNIAKO / SIGNATURES.
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ANTOINE D’AGATA, SANS TITRE (NUEVO LAREDO, MEXIQUE, 2004).
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© antoine D’agata / magnum photos, courtesy galerie les filles Du calvaire, paris.
ANTOINE
D ’ A G ATA
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NUIT
D’AMOUR
ET
DE
MORT
« La nuit est désordre, envers de la raison, réfutation des apparences », selon Antoine d’Agata. Voilà une entrée en matière assez rude pour nous précipiter d’emblée dans ce milieu opaque, sans queue ni tête, qui ne commence et ne finit jamais et qu’Antoine d’Agata photographie en apesanteur, mais sans évasion. À la fois torture et matrice, la nuit est pour lui une condition première où l’inconscience rejoint l’épouvante. « La violence de la nuit m’est vitale », explique-t-il. Tout est là, mélangé dans cette obscurité sans fin et sans lieu. Le monde apparaît dans une sorte de virginité non pas brute mais brutale. Pour le photographe : « La nuit est d’amour et de mort. Le désir et la mort se partagent la part obscure du monde. » Une nuit qui est la même partout et recouvre le monde de sa matière colossale. « La brutalité, l’urgence, l’immédiateté des sensations et la nudité des sentiments ne donnent prise à aucune sorte d’exotisme », précise-t-il. Antoine d’Agata garde le moins de contrôle possible sur l’image, et la vie prend toujours le pas sur la photographie. « La couleur de la nuit est celle de la chair » et, dans ses œuvres, la nuit apparaît dans une abstraction où le désir, la douleur et la peur ont pris le pouvoir absolu. Comme des déchirures forcenées, ses images imposent ce flou qui fait si bien parler l’inconscient.
PAGE SUIVANTE : ANTOINE D’AGATA, SANS TITRE (LAS PALMAS, CANARIES, ESPAGNE, 2004).
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AGR A NDIS S EMENT
P O RT FOL IO
De retour d’une résidence d’artiste où il a passé plusieurs mois à photographier les Stambouliotes des différents quartiers, Luc Choquer nous ramène un témoignage fascinant de cette cité en pleine mutation. Une mutation que portent les femmes de cette ville métissée. TexTe : MesuT Y. Tufan – PhoTos : Luc choquer / signaTures
Femmes d’Istanbul Deuxième ville d’Europe après Moscou et ses 14 millions d’habitants, Istanbul voit se déverser chaque jour des flots de touristes de tous les coins du monde, pressés d’admirer le jardin du palais Topkapi et les eaux sombres du Bosphore. Depuis le XVIe siècle, les récits de voyage des orientalistes et les mystères entourant la vie des femmes ont nourri l’imaginaire des Européens. Même si les temps ont changé, cette mégapole à la croisée de l’Orient et de l’Occident est toujours attirante et envoûtante. Par son exotisme, son dynamisme et son rythme enivrant, mais aussi par ses contradictions. Attiré par les lieux de rencontres et les atmosphères métissées, Luc Choquer se passionne pour les périodes de transition. Dès lors, dresser le portrait d’Istanbul en portant un regard attentif et sensible sur les femmes de la ville s’est révélé une aventure fascinante. Car cette cité est à la confluence de cultures parfois concurrentes et conflictuelles. Première République laïque en terre d’islam, la ville fut aussi la capitale du premier empire chrétien, devenue ensuite la capitale et le phare du monde musulman. La poussée de l’islamisme est d’abord perceptible à travers l’apparence des femmes. À la fin de l’empire ottoman avec Mustafa Kemal, après la Première Guerre mondiale, elles se dévoilaient ; dans la Turquie des années 1990 sous Recep Tayyip Erdogan, le foulard islamique a de nouveau envahi l’espace public. Les Turques ont été pionnières des courants féministes en Orient, elles ont obtenu le droit de vote avant leurs sœurs françaises, dès 1930. Aujourd’hui, deux mondes s’affrontent, se côtoient et rivalisent. Le pouvoir expose ouvertement son projet d’islamisation de la société et rencontre une grande résistance. Les femmes sont une nouvelle fois au centre de ce conflit. Les événements de Gezi, en juin 2013, le confirment : l’apprentissage de la démocratie Ce reportage inédit fera est en cours, mais traverse une bientôt l’objet d’un livre période de turbulences. aux éditions TerreBleue.
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S ÉC TION
CHAPITRE
65 MISE AU
PO I NT
PORTFO L I O
Prisons sous contrôle Grégoire Korganow n’est pas le seul photographe à avoir travaillé dans les prisons françaises, mais c’est bien le premier à l’avoir fait en qualité de contrôleur des lieux de privation de liberté. Une position singulière qui l’a amené à pénétrer dans une vingtaine d’établissements pénitentiaires, de 2011 à 2014. TexTe : Éric KarsenTy – PhoTos : GrÉGoire KorGanow
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R É V É L AT E U R
Citons d’abord les réseaux sociaux, devenus incontournables pour se faire connaître ou garder le contact avec les clients. « Facebook,Twitter, Instagram,Tumblr, LinkedIn, Pinterest : je les utilise tous », témoigne Alexandre Pommier. « Ces sites ont bouleversé la façon de démarcher les clients, constate aussi Wilfrid Estève. Ils constituent un langage différent, qui ne remplace pas la rencontre mais la complète. » Plus récemment, deux outils sont venus s’ajouter à ce panel. Sur le papier, Blink, créé il y a un an par deux éditeurs photo du Wall Street Journal, est la solution la plus séduisante. Cette plate-forme de géolocalisation en temps réel permet aux médias d’entrer directement en contact avec les professionnels situés à proximité de l’événement qu’ils souhaitent couvrir. L’utilisateur se trouve au Brésil pendant la Coupe du monde ou en Égypte en pleine révolution ? Il se connecte à l’application et peut échanger des messages instantanés avec les entreprises intéressées par son profil. « Blink demeure, pour l’instant, essentiellement anglophone, nuance Wilfrid Estève. Les médias français n’ont pas encore pris le réflexe. Reste à voir si cela prendra de l’ampleur chez nous. » Pour MyPhotoAgency, lancé en 2012, le succès est au rendez-vous : plus de 1 400 photographes sont déjà enregistrés sur ce site Internet. Cette agence photo digitale met en relation les entreprises ou particuliers avec les photographes les plus proches de chez eux et correspondant le mieux à leurs besoins, que ce soit pour shooter un mariage, une naissance, ou pour couvrir un événement. Surfant sur la mode des coffrets cadeaux, MyPhotoAgency commercialise aussi, depuis la fin 2014, des ShootingBox qui permettent aux particuliers de s’offrir des séances photo clés en main avec certains des professionnels inscrits sur le site. ADRESSES UTILES blink.la www.myphotoagency.com
POUR AVOIR PLUS DE COMMANDES
ÉCONOMIE
Nouveau-né dans l’univers de la photo sur le Web, le laboratoire virtuel Easy Raw a été créé par le photographe Lionel Souci. Ce professionnel se propose de retravailler les clichés de ses clients à partir des fichiers RAW contenant les données brutes de l’image, en corrigeant les défauts d’exposition et en mettant la lumière en valeur. « Le travail sur un fichier RAW s’apparente au développement d’un négatif réalisé par un laboratoire photo », précise-t-il sur son site Internet, preuve à l’appui. Une fois retravaillées, les images sont remises à leur propriétaire au format JPG. Gain de temps assuré. Pour réaliser des portfolios interactifs en ligne, Klynt et Racontr constituent les meilleurs sites existant à ce jour. « Deux outils très ludiques, qui aident le photographe à valoriser ses images », s’enthousiasme Wilfrid Estève. ADRESSES UTILES www.easyraw.fr www.klynt.net
POUR METTRE EN VALEUR MES IMAGES
racontr.com
R É V É L AT E U R
De la parution d’un cliché qu’un client a omis de signaler, au vol pur et simple d’une image diffusée sans accord, les photographes doivent rester vigilants. Heureusement, il existe en ligne plusieurs outils qui permettent aux pros de surveiller leur production. Le plus sûr : PixTrakk, développé par l’éditeur de logiciels PixWays (lire p. 81). « Un conseil : multipliez les outils pour être sûr de ne rien laisser passer », suggère Wilfrid Estève. Il existe sur Internet quelques adresses référençant l’ensemble des titres de presse et disposant d’outils de recherche performants. Citons par exemple la chaîne de magasins de presse Relay, dont le site donne accès à 600 magazines et 140 000 livres numériques. Incontournable ! ADRESSES UTILES www.pixways.com/pixtrakk/ www.relay.com www.pressreader.com www.pickanews.com
POUR SURVEILLER MES PARUTIONS
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ÉCONOMIE
Google propose des dizaines de fonctionnalités, peu connues de la plupart de ses utilisateurs, permettant de gérer une comptabilité ou simplifiant la rédaction de divers formulaires. « Je ne connais rien de plus complet et de plus concret », assure Wilfrid Estève. Pensez-y ! Les personnes atteintes de phobie administrative préféreront faire confiance à la Conciergerie pour Photographe afin de négocier et rédiger un devis, mener à bien une documentation thématique, vendre ou facturer un reportage. « Rien n’est imposé, mes services s’adaptent aux demandes de chacun, précise Dorothée Vappereau, créatrice de la société. Certains ne font appel à moi que ponctuellement, d’autres ne veulent pas du tout mettre le nez dans la paperasse et me confient toutes leurs tâches administratives. » De quoi partir en shooting l’esprit libre.
Joëlle Verbrugge, photographe et avocate établie à Anglet, sur la côte basque, spécialiste des droits d’auteur, tient depuis plusieurs années un blog dédié au sujet. Pour ceux qui veulent aller plus loin, ses ouvrages – Vendre ses photos et Droit à l’image et droit de faire des images, parus en 2013 – font référence dans le métier. Les sites de la Société civile des auteurs multimédia (Scam), de l’Assurance formation des activités du spectacle (Afdas) et de l’Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (Agessa) constituent aussi de vraies mines d’informations. ADRESSES UTILES blog.droit-et-photographie.com www.scam.fr www.agessa.org
www.afdas.com
ADRESSES UTILES www.google.com/work/apps/business laconciergeriepourphotographe.wordpress.com
POUR GÉRER MES TÂCHES ADMINISTRATIVES
POUR CONNAÎTRE MES DROITS
Héritier de la photographie d’architecture allemande, tout en maîtrise et en rigueur, Matthias Heiderich revisite les cités germaniques en se jouant des formes qu’il distribue dans des carrés cadrés au plus serré. Il compose une géométrie ludique et surprenante qu’égaie une palette de couleurs acidulées ou pastel, puisées dans les nuances du ciel ou les aplats industriels. La ville devient ainsi un terrain de jeu visuel qui nous transporte et nous enchante. Le travail de Matthias Heiderich fait l’objet d’une première monographie, Spektrum Berlin, publiée aux éditions Intervalles. Éric Karsenty www.matthias-heiderich.de
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PROJET WEB
S EN S IB ILITÉ
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PROJET WEB
Raconter une ville et ses quartiers via de petites immersions vidéo de trois minutes, c’est le projet de Crop the Block. Des films singuliers et poétiques qui invitent à la déambulation urbaine.
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Tranches de villes
Se balader dans un parc à Berlin au milieu de jongleurs, faire une virée dans Barbès by night, visiter un quartier de São Paulo recouvert de fresques, flâner dans les rues de Tel-Aviv aux côtés de deux danseuses qui balancent leur chorégraphie surréaliste au milieu des curieux… Il y a pas mal de petits films étonnants (une soixantaine) à visionner sur Crop the Block, une plate-forme Web qui permet de découvrir des villes à travers le regard singulier d’un cinéaste qui filme son quartier en toute liberté.
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RACONTER LA DIVERSITÉ DES QUARTIERS
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L’histoire commence il y a deux ans, alors qu’Adrien termine son école de commerce à Saint-Pétersbourg et souhaite raconter la diversité des quartiers de Paris à ses amis. Il cherche sur Internet des petites vidéos, mais il ne trouve que des images ultra-classiques de tour Eiffel et d’autres monuments de la capitale. Il en parle alors à son copain Nicolas, un passionné de vidéo, qui termine lui aussi ses études de commerce. L’idée mûrit en quelques mois durant lesquels ils arpentent les festivals de courts-métrages, ratissent la Toile, repèrent des réalisateurs et leur proposent de tourner des vidéos sur le quartier de leur choix. Avec à chaque fois un format de trois minutes au maximum. Ils composent ainsi une première mosaïque de films, aussi variée que surprenante, sur Paris. Afin d’étendre leur exploration, ils décident, l’été suivant, de se poser durant un mois à Berlin, une ville qui les fait rêver. Le matin, ils visionnent des films et, l’après-midi, ils rencontrent des vidéastes pour leur exposer leur projet et les inviter à y prendre part. L’accueil
est enthousiaste. Très vite, de nombreuses vidéos viennent nourrir le site, qui en profite pour se refaire une interface plus soignée. Le compteur des visiteurs uniques explose (entre 500 et 800 par jour), et de jeunes réalisateurs les contactent des quatre coins de la planète. São Paulo puis Tel-Aviv viennent enrichir la fresque qui, pour exister sur le site, exige au moins cinq points de vue par ville. MOMENTS DE POÉSIE
Pour examiner les projets, Adrien et Nicolas s’appuient sur les conseils de scénaristes en fonction des sujets. Une fois le premier pitch validé, ils se réservent un droit de regard à la fin de la réalisation. À ce jour, ils n’ont refusé qu’un seul projet. Crop the Block prend une dimension professionnelle avec des villes ou des institutions qui, séduites par les films mis en ligne, passent commande pour des réalisations spécifiques. Adrien et Nicolas accompagnent alors ces demandes et se transforment en agents auprès des vidéastes. On prend un grand plaisir à naviguer parmi tous ces courts-métrages, même si, pour certains, des maladresses demeurent. On y rencontre de vrais moments de poésie, une approche sensible où la musique tient souvent le rôle de guide. Bientôt, de nouvelles villes viendront compléter la balade sur la Toile : Sydney, Bucarest, Rome, Londres, New York… Alors, que vous ayez envie de vous balader au cœur des cités du monde, ou que vous vous sentiez une âme de « cropper » pour raconter votre quartier, faites une première escale sur Crop the Block. www.croptheblock.com
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S EN S IB ILITÉ
COMMUNITY
Tumblr des lecteurs
Cont nous inuez à e vos p nvoyer Fishey hotos, e ado faire re de décou nouvelles ver te s: co becon ntact @ tents .com
WAY HAY AND UP SHE RISES Till a fait des études de cinéma d’animation et ça se ressent dans ses images. Son site nous raconte des histoires, à travers des photos qui semblent tout droit extraites de films. till-l.tumblr.com
NICOLAS CAZARD PHOTOGRAPHY Nicolas nous livre toute une série de photographies, mais c’est la justesse de ses portraits qui retiennent toute notre attention. ncazard.tumblr.com
THERE SHE GOES AGAIN Charlotte Luneau a réalisé un Tumblr graphique et coloré où elle n’hésite pas à mixer photos de mode très travaillées, paysages intemporels et scènes plus intimes. charlottelu.tumblr.com
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MISS AIR Une hôtesse de l’air qui tient un Tumblr, forcément il faut s’attendre à du voyage, de la chambre d’hôtel et du paysage de rêve. Sophie partage avec nous son univers, sur terre et dans les airs. hellomissairblog.tumblr.com
DISRUPTIVE PHOTOGRAPHY Églises, urbex, portraits ou nature, Gwael semble photographier tout ce qu’il voit. Ses photos mélangent les genres, les formes et les couleurs. gwaeld.tumblr.com
PROJET LÉVITATION « Mes copains et moi, on essaie d’apporter notre touche de légèreté. » Ce sont les mots de Fanny qui, lassée par la lourdeur du quotidien, propose un site tout en apesanteur. projetlevitation.tumblr.com
XO MICAELA MCLUCAS Les images de Micaela offrent un pêle-mêle dynamique où les corps et les ambiances électriques s’entrechoquent. Un Tumblr qui n’a pas peur de mixer paysages, mode et scènes de vie. micaelamclucas.tumblr.com
ANNE CHARLOTTE Anne-Charlotte Henry photographie un peu de tout. Scènes de rue ou portraits, elle capte les petits détails qui font la magie d’une image dans un Tumblr tout en argentique. annecharlottehenry.tumblr. com