N° 25 I Juillet-août 2017
Portrait
Écologie
BEAUTÉ RADIOACTIVE DU JAPON
Politique
LA POLITIQUE PAILLETTES PAR MYOP
Art vidéo
L’ART VIDÉO, UN SECTEUR MACHISTE ?
Exposition
LA NOUVELLE CRÉATION DE VALÉRIE BELIN
Prix
PHILIPPE CHANCEL, PRIX FIDAL DOCUMENTAIRE
N° 25
I
Juillet-août 2017
BEL. : 5,20 € I CH. : 8,50 CHF
www.fisheyemagazine.fr
AGNÈS B., EXPOSITION MAJUSCULE
GÉNÉRATION RICHESSE : UNE ENQUÊTE DE LAUREN GREENFIELD
ISABELLE, LA FEMME AUX 140 PORTRAITS
Édito DE LA NATURE D’UN MAGAZINE PHOTO Benoît Baume, directeur de la rédaction
Ça devient une habitude, et pourtant on ne s’en lassera jamais. Fisheye fête, au début de l’été, son anniversaire. Un parfum d’insouciance, de joie partagée et d’utopie règne dans ces moments si particuliers qui nous rappellent que créer un média indépendant reste un petit miracle. Surtout quand cela se passe bien. Pour nos 4 ans, la question qui nous habite est celle de la nature même du magazine photo. Clairement notre réponse détonne, en privilégiant les auteurs, la créativité, la réflexion, ou la remise en question des conventions. Pour nous, un magazine photo doit interroger le médium, le pousser plus loin et se démarquer en évitant de tomber dans les poncifs que les médias s’escriment à mettre en couverture en pensant que cela fera vendre plus de papier. Non, nous ne mettrons jamais un portrait d’Emmanuel Macron en couverture. Cela n’a rien à voir avec une opinion politique, c’est juste que le sujet est omniscient, et un magazine de photo doit donner la parole aux auteurs, aux sans-voix, à une vision, et non à une profusion. Voici un combat que nous menons depuis quatre ans et qui s’amplifie. Juste sur la dernière année, nous avons ouvert une galerie à Paris, présente à Arles l’été, avons lancé une nouvelle version de notre site et lui avons adjoint une version anglaise indépendante. Fisheye a aussi publié son premier livre et a lancé un manifeste sur la place des femmes dans la photographie, qui donne lieu à un hors-série que vous retrouvez en kiosque en même temps que ce numéro. Nous essayons de multiplier les points de contact avec vous, et nous sommes toujours aussi surpris et ravis de vous voir toujours plus nombreux à nos côtés. Dans ce numéro d’été, nous essayons de vous apporter une lecture singulière des Rencontres d’Arles en leur consacrant un dossier axé sur la Colombie, l’Iran et l’Espagne. Nous mijotons aussi une belle ratatouille avec des auteurs au long cours qui travaillent depuis des décennies sur leur sujet, comme Isabelle Mège, Lauren Greenfield ou Valérie Belin. Le tout assaisonné avec nos désormais célèbres jeux photographiques de l’été. Fisheye sera également présent du 3 juillet au 31 août, cet été, à Arles, sous la forme du VR Arles Festival, qui, pour la deuxième fois, va proposer le meilleur des films documentaires, fictions et créations en réalité virtuelle à 360 °. Un événement qui saura vous étonner au-delà de ce que vous attendez. Alors venez explorer avec nous les nouvelles formes d’images. Car un de nos grands bonheurs sera de toujours être là où vous ne nous attendez pas.
instantanés
P. 10
T E N DA N C E
Tell Mum Everything is OK P. 12
Repas de famille
P. 14
André Gunthert Penser le corps pour changer son image
VO I X O F F
Jean-Christophe Béchet Le poids des mots, le silence des photos
P. 18
MÉTIER
Homme d’intérieurs Stéphane Vasco, photographe immobilier
P. 16
P. 2 0
P O RT R A I T
Agnès b. Collectionneuse majuscule
p . 24 — D o s s i e r
Faites de belles Rencontres !
© Patrick Swirc / Modds. © Laura Quiñonez Paredes.
CLIC-MIAM
I M AG E S S O C I A L E S
agrandissement
sensibilité
P. 49
A RT V I D É O
Vu d’ailleurs
L’art vidéo, un secteur machiste ?
P. 53
P. 91
EXPOSITIONS
H I S TO I R E
É C O LO G I E
Beauté radioactive mise au point
Isabelle La femme aux 140 portraits P. 10 4
POLITIQUE
P. 61
Présidentielle hors cadre
ÉV ÉNEMENT
P. 5 8
Jesús Madriñán
P. 116
E N A PA RT É
(Grand) Bouillon de culture P. 118
M U S I Q U E
Valérie Belin
Tribew Expérience immersive
Impressions d’Afrique
P. 10 8
P. 121
JEUX
Les jeux de l’été
SOCIÉTÉ Être et paraître : le culte de la richesse
TECHNO
Brassage au cœur de l’Europe
P O RT R A I T
P O RT F O L I O D É C O U V E RT E
P. 67
P. 95
P. 115
N U M É R I Q U E
P. 7 7
Le nouveau défi de la blockchain P. 7 9
PRIX
© Masamichi Kagaya. © Philippe Chancel. © Jesús Madriñán, courtesy galerie RocioSantaCruz.
Philippe Chancel séduit le jury du prix Fidal
P. 124
LIVRES
Photothèque P. 127
labo
AG E N DA
Panorama
P. 8 3
AT E L I E R P H OTO
Pimp my Holga !
S H O P P I N G A P PA R E I L S
Matos
P. 8 6
S H O P P I N G AC C E S S O I R E S
Beach Party P. 8 4
P H OTO M O B I L E
Une photo, une expo
P. 8 8
Les applications et accessoires de l’été
P. 133
FLASH
P. 135
COMM UNIT Y
Tumblr des lecteurs
C H RO N I Q U E
P. 13 8
Contributeurs
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Jesús Madriñán
Lauren Greenfield
Né à Saint-Jacques-de-Compostelle en 1984, Jesús Madriñán a suivi des études d’histoire de l’art à l’université de Barcelone avant d’obtenir un mastère en photographie à l’école Central Saint Martins de Londres. Commencée en Angleterre en 2011 et poursuivie en Espagne en 2013, sa série de portraits d’adolescents dans des boîtes de nuit, réalisés à la chambre, s’enrichit d’un nouvel opus italien, Dopo Roma. Dans ces images étonnantes, publiées dans notre portfolio Découverte, le photographe shoote les jeunes gens aux premières lueurs du jour, à la sortie de leurs nuits festives.
Née en 1966 à Boston, Lauren Greenfield a reçu une éducation marquée par la contre-culture. Diplômée d’Harvard, elle a commencé sa carrière de photographe au National Geographic, a suivi la campagne de Reagan, puis s’est spécialisée dans l’univers de la mode. Elle collabore avec les plus grands magazines – The New York Times, Time, Life ou Stern – et développe une approche anthropologique de la photographie. Ses reportages sur le consumérisme et la richesse, fruit d’une enquête de vingt-cinq ans, sont rassemblés dans le livre Generation Wealth, décrypté dans les pages Société.
Margaux Duquesne
Camille Tallent
De formation journalistique, Margaux Duquesne a réalisé son mémoire universitaire à Lyon sur un thème qui continue de l’intéresser dix ans plus tard : la pudeur en photographie. Elle a développé plusieurs blogs dédiés à ces questions (Rencontre photographique, Journaleuse, Autopsie d’une photo), est passée par la rédaction d’Arts Magazine et travaille aujourd’hui au pôle numérique de France Inter. Elle révèle pour Fisheye l’étonnante histoire d’Isabelle Mège, la femme aux 140 portraits.
Journaliste indépendant, graphiste et artiste, Camille Tallent signe, depuis la fin de ses études en histoire de l’art, des articles sur la création contemporaine. Son attrait pour les pratiques éditoriales et la photographie se matérialise en projets autoédités au sein du duo d’artistes Païen. Un lieu où « nous élaborons une iconographie qui puise sa source dans le sacré et la subversion », précise-t-il. Il nous raconte ici, dans les pages Tendance, l’aventure de la revue Tell Mum Everything is ok qui publie son 6e numéro.
Ours RÉDACTION Directeur de la rédaction et de la publication Benoît Baume benoit@becontents.com Rédacteur en chef Éric Karsenty eric@fisheyemagazine.fr Directeur artistique Matthieu David matthieu@fisheyelagence.com Graphiste Maxime Ravisy max@fisheyelagence.com Assisté de Justine Roussel Secrétaire générale de la rédaction Gaëlle Lennon gaelle@fisheyemagazine.fr
Rédacteurs Marie Abeille marie@fisheyemagazine.fr Emma Bubola emma@fisheyemagazine.fr Marie Moglia moglia@fisheyemagazine.fr Daniel Pascoal daniel@lense.fr Anaïs Viand anais@fisheyemagazine.fr Community manager Lucie Sordoillet lucie@fisheyemagazine.fr Ont collaboré à ce numéro Jean-Christophe Béchet, Rachèle Bevilacqua, Dorian Chotard, Julien Damoiseau, Maxime Delcourt, Jacques Denis, André Gunthert, Jacques Hémon, Rémy Lapleige (Dans ta cuve !), Sylvain Morvan, Mathieu Oui, Marion Poitrinal
PUBLICITÉ Directeur commercial, du développement et de la publicité Tom Benainous tom@fisheyemagazine.fr 06 86 61 87 76 Chef de publicité Joseph Bridge joseph@fisheyemagazine.fr 06 64 79 26 13 Directeur conseil et brand content Rémi Villard remi@fisheyelagence.com SERVICES GÉNÉRAUX Directeur administratif et financier Christine Jourdan christine@becontents.com Comptabilité Christine Dhouiri compta@becontents.com
Service diffusion, abonnements et opérations spéciales Joseph Bridge joseph@fisheyemagazine.fr Fisheye Gallery Jessica Lamacque jessica@becontents.com Assistée d’Ella Strowel Marketing de ventes au numéro Otto Borscha de BO Conseil Analyse Média Étude oborscha@boconseilame.fr 09 67 32 09 34 Photo de couverture : © Jean-Vincent Simonet.
Impression Léonce Deprez ZI « Le Moulin », 62620 Ruitz www.leonce-deprez.fr Photogravure Fotimprim 33, rue du FaubourgSaint-Antoine, 75011 Paris Fisheye Magazine est composé en Centennial et en Gill Sans et est imprimé sur du Condat mat 115 g. Fisheye Magazine est édité par Be Contents SAS au capital de 10 000 €. Président : Benoît Baume. 8-10, passage Beslay, 75011 Paris. Tél. : 01 77 15 26 40 www.becontents.com contact@becontents.com
Dépôt légal : à parution. ISSN : 2267-8417. CPPAP : 0718 K 91912. Tarifs France métropolitaine : 1 numéro, 4,90 € ; 1 an (6 numéros), 25 € ; 2 ans (12 numéros), 45 € Tarifs Belgique : 5,20 € (1 numéro). Tarifs Suisse : 8,50 CHF (1 numéro). Abonnement hors France métropolitaine : 40 € (6 numéros). Bulletin d’abonnement en p. 130. Tous droits de reproduction réservés. La reproduction, même partielle, de tout article ou image publiés dans Fisheye Magazine est interdite. Fisheye est membre de
LE MONDE BOUGE, ENTREZ DANS LE MOUVEMENT
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I N S TA N TA N É S
LES
DESSOUS
DE
LA
COUV
Jean-Vincent Simonet, 26 ans, sera présent aux Rencontres d’Arles dans le cadre du festival Voies Off. Le travail de ce diplômé de l’Ecal a déjà fait l’objet de nombreuses expositions à Paris, Amsterdam, Londres, Bruxelles… Il nous a séduits et est aujourd’hui à la une de Fisheye. Texte : Éric Karsenty – Photos : Jean-Vincent Simonet
Jean Vincent Simonet « J’aime que mes images agressent l’œil, que ce soit par la puissance des contrastes, le grain ou la composition. Détruire les images, mixer les techniques, briser les conventions établies de la photographie, c’est ça qui m’intéresse. D’ailleurs, je me considère plus comme un peintre digital que comme un photographe », déclare ce jeune artiste né à Lyon en 1991, et dont les travaux iconoclastes ont une puissance déjà repérée par plusieurs institutions comme le Foam ou le British Journal of Photography. Formé à l’École cantonale d’art de Lausanne (Ecal) dont il sort en 2014, Jean-Vincent Simonet aime brouiller les pistes et varier les techniques pour donner à ses images composites une force et une violence inouïes. Un
de ses travaux précédents, un livre inspiré par Les Chants de Maldoror, le poème inclassable d’Isidore Ducasse, a remporté le Swiss Design Award en 2015 – distinction que Jean-Vincent vient aussi de recevoir cette année –, et a été salué par l’ensemble de la critique. Nous avons nous aussi été remués par ses images hybrides à l’énergie contagieuse. La série Would You Like to Live Deliciously ?, dont est extraite la couverture de ce numéro, a été pensée comme un journal photographique classé par émotions. De Rio de Janeiro à la ville du Caire en passant par la scène underground parisienne, chaque image exprime un sentiment particulier. La photographie est ici utilisée comme une manière de figer le
temps et de combattre la mort. Avec son mélange de manipulations numériques et de collages traditionnels, Jean-Vincent Simonet développe une manière singulière et très contemporaine de raconter l’histoire. www.jeanvincentsimonet.com À VOIR Rendez-vous dans la cour de l’Archevêché, dans le cadre de Voies Off Arles, le 4 juillet à 22 h, pour la projection du travail de Jean-Vincent Simonet, qui sera aussi présent à la soirée de clôture, le 8 juillet, avec une performance organisée par l’Ecal.
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I N S TA N TA N É S
PORTRAIT
Styliste connue dans le monde entier, Agnès b. s’est imposée avec des vêtements simples, élégants et pratiques. Elle a fêté les 40 ans de sa marque, autant d’années passées à rencontrer photographes et artistes. Portrait d’une passionnée qui présente sa collection dans le cadre des Rencontres d’Arles. Texte : Rachèle Bevilacqua – Photo : Patrick Swirc / Modds
Agnès b. Collectionneuse majuscule
« Donner à voir », cette expression revient Une exposition classique n’aurait pas eu autant au bonheur d’être reconnu par les siens. » Un sans cesse. Donner à voir ce que les pho- d’effet. Mais le succès change, il modifie la façon achat en appelle un autre, toutes les pièces sont tographes voient, ce que les graffeurs, les de travailler et la teneur des images, surtout reliées entre elles : « Je dois aujourd’hui montrer peintres, les artistes voient. Agnès b. est portée pour les photographes en prise avec le quotidien, ce fil et continuer à prêter les œuvres au plus par ce désir. Elle le dit. Elle aime ça, « donner à comme pour Ryan McGinley. Une dizaine d’images grand nombre d’institutions », dit la créatrice. voir ». Car elle a vu. C’est Henri Cartier-Bresson montrées lors d’une fête new-yorkaise éclairée Chez Yvon Lambert, les règles du jeu changent. qui donnera chair à ce désir. Lorsqu’elle aux bougies avaient convaincu Agnès b. du talent Pour la première fois, elle n’a pas choisi les découvre les portraits du photographe à la du jeune homme. Elle est pièces, ni les images expogalerie Eric Franck, à Genève, elle est saisie la première à l’exposer. sées. Élodie Cazes, coorpar ce qui anime les visages, et par l’instant C’était à Los Angeles. Elle lui dinatrice de sa collection, « DONNER À VOIR qui les cristallise. Cartier-Bresson fait jaillir paie pellicules et planchess’en est chargée, et Agnès b. EST UN PRIVILÈGE, la vie, la beauté, la grâce, les contradictions, contacts. Aujourd’hui, Ryan fera, comme à son habitude, les questions, les tourments et fait battre le McGinley travaille avec une l’accrochage. Les photos de MAIS EN EXPOSANT, cœur. Source de vie. Il révèle. Puis son regard grosse production et il a Massimo Vitali prises dans ON S’EXPOSE AUSSI. s’intéresse au cadrage, à la composition. été débauché par la Team les discothèques sont de ON DIT DE QUEL Elle parle de la rétrospective Walker Evans, Gallery, à New York. la sélection. « On connaît au Centre Pompidou, et de ses magnifiques C’est le galeriste Jean Fourtrès peu ce travail. Ses CÔTÉ DE LA VIE portraits pris dans le métro. Walker Evans, nier, chez lequel elle faisait images sont pourtant très ON SE PLACE. » photographe « vernaculaire ». Le mot l’agace, un stage à 17 ans, qui l’initie intéressantes. Installé sur ce mot savant qui ne parle pas aux gens, pro- à l’art. « Je venais de me mason échelle, il attend que les noncé à tout bout de champ. Les tics de langage rier avec Christian Bourgois, gens composent la photo, et sont énervants car ce sont des postures, et je dessinais neuf heures par semaine aux Beaux- on remarque toujours un individu qui se détache Agnès b. n’aime pas la posture. Arts de Versailles, et je voulais être conservatrice de la foule. Massimo continue de travailler à Sa première exposition, en 1984, elle l’offre à de musée. J’étais timide et je l’écoutais beaucoup. la chambre », ajoute-t-elle. On retrouvera aussi Martine Barrat qui termine son reportage sur Il a mis des mots sur des choses que je sentais. » les tirages de Larry Clark, Helen Levitt, Malick Harlem, et à qui elle a demandé de photographier « Depuis, Agnès b. découvre les artistes, et les Sidibé et Leila Alaoui, entre autres. Barbès, lieu de vie s’il en est. À la fin des années galeries s’en emparent », affirme Yvon Lambert, Les amis d’Agnès b. sont des artistes : « Leur 1990, Agnès b. rencontre Harmony qui va exposer cet été 350 pièces de travail porte la beauté, et la beauté fait du Korine, scénariste de Kids, le film la collection d’Agnès b. à Avignon bien », explique-t-elle. Leurs œuvres aident à de Larry Clark. Ils s’entendent dans le cadre des Rencontres comprendre. Et elle a eu besoin de comprendre et immédiatement, et elle lui d’Arles. Collection déjà pré- de trouver un sens à sa vie. En 1958, alors qu’elle Exposition achète des photos et des sentée au Centre national est en terminale, une de ses amies arrive, enceinte, On aime l’Art…!! dessins, qu’elle va prêter au de la photographie en 2000, habillée en noir. Son compagnon a été tué pendant Agnès b. Centre Pompidou pour une aux Abattoirs de Toulouse la guerre d’Algérie. Le monde d’Agnès b., bourdu 6 juillet au exposition qui sera consaen 2004, au LaM de Lille en geois, catholique, de droite, installé à Versailles, 5 novembre 2017, à la crée au cinéaste désormais 2015, ou au Musée national explose. Il lui a fallu en créer un autre. Elle vient Collection Lambert reconnu, à l’automne prod’histoire de l’immigration de se marier avec Christian Bourgois et, pour à Avignon (84). chain. C’est aussi Agnès b. à Paris en 2016. Chacune gagner sa vie, travaille au magazine Elle, qui qui, la première, représente de ces expositions dresse aime son style constellé de pièces chinées aux Nan Goldin en France. Gilles le portrait de la créatrice en puces. En 1976, elle ouvre sa boutique rue du Dusein, collectionneur et marchand filigrane. Les œuvres racontent Jour et expose photos, dessins et œuvres divers. d’art, lui avait demandé de s’occuper toujours le collectionneur. Elles ont Juste en face, en 1984, c’est une boucherie qu’elle de la photographe américaine, et Agnès b. avait toutes été choisies, et choisir n’est jamais le transforme en galerie, qui déménagera en 1996 alors proposé à la photographe de projeter les fruit du hasard. « Donner à voir est un privilège, pour rejoindre la rue Quincampoix où elle est images au cinéma La Bastille en les commentant mais en exposant, on s’expose aussi, analyse toujours. Son attirance et sa curiosité pour l’art en direct. « Nous étions tous à moitié en pleurs. Agnès b. On dit de quel côté de la vie on se ont constitué son éducation sentimentale, c’est Nan y compris. Cette séance est inoubliable. » place. On s’expose à la critique, mais également désormais sa source de jouvence.
été ’ d o r é m u re n t o n t e , t x n e u v a i r r é r a c s a r s u n jo o Les beaux mme notre dossier c présente e co ion aussi. Tout rles, dont la 48 édit compter s d’A n s a s e r , t s n n o o c i n t i e R . pos r x u ’e o t d u a e t n i n a e it nt une quara événements qui grav matique é x h t u e e r d b s m a o p a y les n ’ n s l i e , h e c r o o r c p n p e ’a e Cette anné s une multiplicité d u o c é d s i ma t de û o g e r t centrale, o ical er v s d i a u r g i e a g a à y destinées n par ticulier « un vo t e e x e l p e m c ver tes. Ave ne géopolitique co rdzé, son d’u tou S r u m a œ S c r e u t i a t iur c s o e p d , » s i o e r t t n bouillonna s avons ainsi retenu images : n ou e N e . g r a u y e o t v c e dir r ce u o es p p s a t e l é a s p i i o c r n T i nations pr l’Iran et l’Espagne. si s u a a r e n , è ie m s u o v i u q la Colomb s our nier c r r e a d p n n ’a l ’u d e mm o c i u majeures q –, – e y r u e q l i l t a n a G é e t à la Fishey r tiers d’ été dans la ci vingtaine a u q c sa s e e v s a d , l n a v i t pre s Fe ur s s e t e l a r é A r c R e V d ainsi qu’au alité vir tuelle signés ça t u o t t é E r . de films en tre coins du monde re 2017 a b u m q e t s e p d e s s u 4 ven au 2 t e l l i s en t y u r j a 3 K u c i d Ér — se passe . ien s é l r a l i e l o sous le s
© Leslie Moquin, photo extraite de la série Hasta Abajo. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
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S E L AR 7 201 25
S E T FAI LLES E B DE ONTRES ! C N RE
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r é, directeu m Stourdz a S c rd e a v g a re n sure, en lie ion, qui renouvelle le e León as it d d e é en is c D n e o tt es P e u c na r Jacq ajeurs de ei ll is pa ien, Caroli ez-vous m tien. — Propos recu d re colomb n u lt re u s C e d la e n inistère de Vuelta . U phes. Entr t photogra isuels au m t de l’exposition L a e v s s n rt ie a c s ti e s a la lère d ommissari artistes, p E x-conseil ’Arles, le c uvres de ving t- huit d s e tr n o c d e s Re n vers les œ MBIE mbie à tra O L O sur la Colo C
É T I S R E V I D A S L U « L P T ES TE N A S S E R É T N I » R E R O L P X E À S FOCU
Justement, quelle est la place de la jeune garde dans l’histoire de la photographie colombienne ? Des années 1940 à aujourd’hui, il y a toujours eu d’excellents photojournalistes, mais très peu de photographes d’art – genre considéré alors comme mineur. La photographie est devenue une pratique privilégiée de l’art contemporain colombien à partir des années 1990, suivant en cela le mouvement du monde occidental. En fait, ce sont les artistes conceptuels qui ont « élevé » la considération pour la photographie comme moyen d’expression artistique en Colombie.
« Cette image – construite – montre l’impact dévastateur de la construction de barrages pour privatiser les réserves d’eau naturelle. Par son échelle, ses qualités picturales, le paysage bouleversé qu’elle présente, la perspective aérienne qui nous donne momentanément une vision supérieure, tout fait sens. Cela montre l’actuelle disproportion dans la relation nature/culture, et s’inscrit dans le travail de Carolina Caycedo, une artiste et une activiste de causes qui ont à voir avec cette forme de violence du pouvoir économique sur les espaces publics dans les zones rurales. »
© Carolina Caycedo. © Carlos Zarrate, avec l’aimable autorisation de l’artiste.
Fisheye Les artistes sélectionnés appartiennent à plusieurs générations. Comment les avez-vous sélectionnés ? Carolina Ponce de Léon La sélection est très ample. Il s’agissait de choisir les thèmes dominants de l’exposition en fonction de ce qui nous paraissait le plus fort à montrer du point de vue artistique, mais aussi de ce que chaque artiste pourrait révéler de l’expérience colombienne. Il est intéressant de voir que Beatriz González, née en 1938, fut la pionnière de l’utilisation des images médiatiques pour comprendre la réalité sociale et culturelle colombienne dans les années 1960. Et que, d’une certaine manière, Andrés Felipe Orjuela, né en 1985, continue une forme de recherche similaire à partir d’archives photographiques des médias. Si la réalité sociale colombienne est un thème commun à plusieurs générations, celui-ci est exploré différemment en fonction des expériences de chacun. Ces points d’association ou de contraste apportent une complexité que nous voulions mettre en évidence.
TE O, A GEN A CAYCED , CAROLIN TE WATU EN G A , Á PAR AN 16. XINGÚ, 20 ES A GENTE E D’IMAG AG LL CO ES. PHOTO UMÉRIQU RES ET N SATELLITAI URE/CULTURE NAT SECTION : RES DE LA ES CULTU (NOUVELL NATURE)
© Ana María Rueda, avec l’aimable autorisation de l’artiste.
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Dans La Vuelta, nous avons ainsi inclus des travaux des années 19761979 de Miguel Ángel Rojas, un des premiers artistes plasticiens à avoir exploré les possibilités conceptuelles et expérimentales de ce médium. La Vuelta s’appuie plus sur les travaux de photographes plasticiens et d’artistes conceptuels que sur ceux de photographes documentaires. Pourquoi ? Avec Sam Stourdzé, nous avons très vite décidé de nous concentrer sur les démarches d’artistes plasticiens, plus que journalistiques ou documentaires. Ce choix n’a pas été déterminé par le fait que l’une est meilleure ou plus précise que l’autre. Mais, s’il s’agit de « documenter » un pays, nous proposons de le faire à partir de ses « documents » et, dans ce sens, le travail des photographes plasticiens nous a intéressés, afin d’offrir un regard moins définitif que la photo journalistique ou documentaire. Bien que plusieurs artistes utilisent la documentation directe, comme le fait un journaliste, ils inscrivent leur travail dans l’espace discursif et symbolique de l’art contemporain. Ce déplacement de contexte crée d’autres possibilités pour la lecture des images et la perception du pays. Une volonté de s’exonérer de certains clichés associés à la Colombie ? Certains artistes touchent directement à ces clichés, comme Juan Sebastián Peláez qui s’approprie des movie stills [photos de plateau utilisées pour la promotion, ndlr] de films hollywoodiens avec des acteurs qui interprètent des rôles très stéréotypés de gangsters colombiens. D’autres explorent et exposent ce qui nourrit ces clichés – une histoire de violence, de trafic de drogue, etc. – de façon plus subtile, mais sans nier que cette histoire s’infiltre dans tous les espaces du quotidien. Le problème avec les stéréotypes, c’est qu’ils aplanissent et simplifient la compréhension de la réalité, tandis
C ANTOS, ÍA RUEDA, ANA MAR 6. 01 E 2002-2 E/HISTOIR MÉMOIR S) SECTION : VE TI EC BJ ES SU (MÉMOIR
ns le nisée da lta, orga e u V 2017, a ie L b n -Colom e c Expositio n ra F jan. l’année n du Mé cadre de int-Marti a S e ll e p à la cha
que les mêmes thèmes traités avec l’art permettent d’atteindre plus de complexité et de profondeur. Prenons l’exemple de la vidéo Los Rebeldes del Sur, de Wilson Díaz, qui documente un concert de soldats des FARC et qui, à cause du déplacement du contexte où il est montré, permet une perception différente d’individus qui sont reconnus comme les ennemis de l’État. Cette documentation, qui montre une scène absurde et humaine, déstabilise les représentations plus unidimensionnelles et idéologiques de « l’ennemi » que
« J’ai choisi deux images dans cette section, parce que, plus que les trois autres, celle-ci est marquée par de grands contrastes. Cette photo se trouve dans la section des artistes qui examinent plus directement le thème du conflit armé. Quand on voit ces images, dans le contexte du conflit, on est dépaysé, sans savoir de quoi il s’agit. Et bien qu’il n’y ait aucun indice dans les photos, il s’agit de victimes de la guerre interne, des adolescents, qu’Ana María a connus lors d’un workshop dans le cadre d’un programme de réinsertion dans la vie civile. Elle a expérimenté avec eux afin de créer des images d’une ambiguïté inquiétante là où la guerre a tendance à “produire” des images claires et définitives. Par contre ici, les indices sont insaisissables : ces visages – chargés d’innocence mais aussi d’une tension sombre – se fondent dans un espace onirique, et on entre dans l’inconnu d’une expérience humaine au-delà de l’imaginable. »
délivrent les médias. Plus qu’une volonté de s’exonérer de certains clichés, l’idée était d’éviter au mieux ce que Luis Ospina et Carlos Mayolo – deux cinéastes de Cali – ont appelé dès les années 1970 « la pornomisère », en référence à l’exploitation émotionnelle, commerciale et politique du thème de la misère. Du point de vue de l’exposition, ceci impliquait de présenter des images plus ambiguës ou pénétrantes, qui puissent suffisamment déstabiliser le spectateur afin qu’il regarde chacune d’elles d’une manière
moins attendue – même si celles-ci traitaient de la marginalité, de la douleur humaine, etc. Vous avez intitulé l’exposition « La Vuelta », un terme qui signifie « le retour », « la boucle », qui mais évoque aussi le narcotrafic en argot. Est-ce une volonté de dire que la réalité n’est jamais unilatérale, que la guerre civile n’a pas été vécue de la même façon par tous les Colombiens ? En premier lieu, nous l’utilisons dans le sens de « tour », comme
28 QUINAS LÓPE Z, ES RUE], ROSARIO OINS DE C S [GRO GORDAS 2002. RITOIRE LIEU/TER ) SECTION : URBAINES S IE PH RA (C ARTOG
© Rosario López, avec l’aimable autorisation de l’artiste.
« Cet artiste utilise la photographie comme une extension de la sculpture. Comme ici, avec les relations spatiales, volumétriques, des densités, des tensions formelles… Néanmoins, la simplicité de cette image est trompeuse, car pour être une photo, le réel s’infiltre et commence à charger l’image d’autres significations. D’abord, ces coins de rue se trouvent partout dans la Candelaria, le quartier colonial de Bogotá. Et comme vous le voyez dans l’image, il y a un grand effort à les faire disparaître visuellement, comme s’ils n’existaient pas… Derrière cette raison esthétique, se trame un autre enjeu : empêcher les homeless [sansabri] d’utiliser les coins pour dormir, déféquer, etc. Comme quoi, une image dans sa simplicité et son humour peut révéler des dimensions plus sinistres. »
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© Paulo Licona, avec l’aimable autorisation de l’artiste.
N S Y SATÁ NA, JESÚ PAULO LICO DOS), 2004. A Z E (LOS CRU E/HISTOIR MÉMOIR SECTION : ECTIVES) BJ SU ES (MÉMOIR
« Et j’ai choisi cette seconde image de Paulo Licona parce qu’elle aussi touche les frontières de l’imaginable, bien que son point de départ soit beaucoup plus concret. Jésus et Satan (2004), une série de sept photographies analogiques, fut réalisée tandis que Paulo Licona travaillait dans une ONG pour les commissions de démobilisation des groupes paramilitaires. Les photos représentent des mains de soldats paramilitaires dont les ongles sont peints en noir. Ces derniers font partie des “croisés”, une secte qui pratique la sorcellerie pour protéger ses membres de la mort et des esprits des personnes qu’ils ont assassinées. Leurs mains soignées et féminines contredisent la perception de virilité et de cruauté attendue de la part d’un combattant de guerre. Si bien que les ongles peints en noir sont une déclaration d’arrogance et de défiance à la mort, ainsi que la manifestation d’un pacte surnaturel avec le diable. Ils trahissent aussi un sentiment de vulnérabilité et la peur de la mortalité. Ce sont des mains qui ont assassiné, démembré, torturé, et qui laissent en même temps entrevoir peur, honte, fragilité, délicatesse et beauté : le paradoxe dérangeant de la complexité de la guerre. »
dans le Tour de France. Et ces tours impliquent une rencontre avec la diversité, avec des passages plus faciles et d’autres plus difficiles. Pour la Colombie en particulier, cela signifie une diversité culturelle, géographique, sociale et économique très contrastée. Et c’est aussi une source de célébration, parce qu’en cyclisme, par exemple, les sportifs colombiens tendent à avoir d’excellentes performances dans le monde. « Vuelta » signifie aussi « une course », comme dans « je dois faire la vuelta pour payer ma facture d’électricité »… Il s’agit d’un usage très quotidien qui, dans le contexte du narcotrafic, est devenu un euphémisme pour les missions illégales à accomplir. Nous avons d’ailleurs emprunté ce terme à une œuvre de Juan Fernando Herrán, qui traite de cet aspect. C’est aussi une façon de reconnaître les facettes plus sombres de la vie quotidienne en Colombie, abordées par plusieurs artistes de l’exposition. En outre, ce terme donne également l’idée d’un come-back, d’une nouvelle possibilité, même si cela ne va pas sans difficulté parce que la paix ne vient pas juste d’un accord signé. C’est une construction culturelle, sociale et politique qui rencontre
beaucoup de forces d’opposition. En ce sens, peut-être que La Vuelta, le retour, deviendra un cercle, ou une spirale de violence qui continue de se perpétrer, ou une nouvelle voie qui s’ouvre pas à pas. Toutes ces significations sont là. Sur des sujets identiques, certaines œuvres donnent un regard décalé, voire ironique, d’autres sont plus corrosives, voire mélancoliques. Est-ce une manière de saisir cette réalité plurielle et paradoxale en réunissant des visions parfois divergentes ? Tout à fait. Cette exposition est loin d’être homogène. Nous aurions pu choisir des œuvres ou des pratiques artistiques plus proches, ou opter pour un seul récit, un seul thème. Mais la diversité montrée ainsi, comme une gamme ample où néanmoins tout est connecté, est plus intéressante à explorer. Nous avons fait le choix délibéré de pousser les contrastes et les contradictions, parce que ces points de tension sont intéressants, plus dynamiques et représentatifs d’une scène artistique qui suggère plus de questions qu’elle n’offre de réponses.
AG R AN DI SSEMENT
ÉCOLOGIE
Dans ses autoradiographies, Masamichi Kagaya révèle les traces laissées par les rejets radioactifs sur des objets, sur la flore et sur la faune. Menée à la suite de l’accident nucléaire de Fukushima, en mars 2011, cette approche scientifique et documentaire produit des images d’une intrigante beauté, aussi énigmatiques que vénéneuses. Texte : Éric Karsenty – Photos : Masamichi Kagaya
Beauté radioactive
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ÉCOLOGIE
PAGE PRÉCÉDENTE : CETTE BOTTE A ÉTÉ TROUVÉE À 10 KM DE LA CENTRALE NUCLÉAIRE DE FUKUSHIMA. COMME ELLE A ÉTÉ EXPOSÉE AU SOLEIL, ELLE PRÉSENTE D’INNOMBRABLES FISSURES À SA SURFACE OÙ SE SONT ACCROCHÉES DES PARTICULES RADIOACTIVES. NAMIE, OCTOBRE 2013, NIVEAU DE RADIATION : 260 CPM. (LE CPM DÉFINIT UNE UNITÉ DE COMPTAGE, DE « COUP PAR MINUTE », C’EST CE QU’INDIQUE LE COMPTEUR GEIGER.)
« Avec cet ensemble d’autoradiographies, autour de Fukushima à la suite de la triple catasj’espère que les générations futures laisse- trophe de 2011 (tremblement de terre, tsunami et ront derrière elles notre société dépendante accident nucléaire). Trois mois plus tard, en juillet de l’énergie nucléaire, et seront dispensées des de la même année, Masamichi Kagaya a décidé accidents et des déchets nucléaires », déclare de rentrer au Japon pour chercher un moyen Masamichi Kagaya, photographe japonais de de visualiser les radiations reçues par les objets, 30 ans, qui a mis au point avec Satoshi Mori, les plantes ou les animaux. Avec le professeur professeur émérite de l’université de Tokyo, Satoshi Mori, qui travaille notamment sur la un étonnant procédé de visualisation des contamination des végétaux, il va ainsi mettre au retombées radioactives. Car si jusqu’à présent point ce qu’il appelle les « autoradiographies ». on pouvait mesurer le niveau de la radioactivité CONTAMINATION RÉVÉLÉE dans l’air, on ne pouvait pas savoir « comment les particules radioactives sont distribuées, où elles se concentrent dans les villes, les Pour réaliser ces images, il suffit de placer lacs, les forêts et sur les créatures vivantes », un échantillon sur une plaque sensible à la radioactivité (développée en 1987 par Fuji poursuit le photographe. La contamination radioactive continue d’être une Film Industries et Kasei Optics) durant une préoccupation majeure au Japon. « L’ennemi période donnée, puis de « révéler » l’image par un dispositif qui permet de invisible » – comme on nomme rendre progressivement visible ici, pour le décrire, ce mal inoCE SERPENT A ÉTÉ RETROUVÉ À 30 KM la répartition des substances dore et incolore qui traverse de DE LA CENTRALE NUCLÉAIRE DE radioactives. Depuis cinq ans, grandes étendues, porté par les FUKUSHIMA. L’AUTORADIOGRAPHIE A ÉTÉ PRISE APRÈS NETTOYAGE ET le photographe et le chercheur vents – continue d’empoisonner SÉCHAGE DU SERPENT DURANT ont ainsi produit plus de 300 aula vie des habitants. Plus de QUATRE MOIS. C’EST L’ANIMAL LE PLUS PARMI CEUX COLLECTÉS À toradiographies de la flore, de 80 000 personnes ont dû être CONTAMINÉ CE JOUR PAR LE PHOTOGRAPHE. NAMIE, évacuées des villes et villages 2012, NIVEAU DE RADIATION : 1 500 CPM. la faune et de différents objets.
Ce procédé de révélation de la contamination radioactive est une première. En effet, on peut visualiser non seulement les dépôts de particules radioactives qui, comme des diamants, produisent des scintillements. Mais on peut aussi remarquer, sur les plantes comme sur les animaux, différents niveaux lumineux qui sont proportionnels à la radioactivité ingérée. On voit ainsi sur une souris, dont on a extrait les organes internes, que ses reins sont particulièrement exposés (presque blancs) parce qu’ils ont filtré une grande quantité d’eau contaminée. En effet, rappelle le photographe : « Dans les grandes régions qui s’étendent des environs de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi à Namie, Iitate et les forêts denses des montagnes d’Abukuma, les animaux qui continuent à vivre dans ces zones sont exposés à de fortes radiations. » Ce travail de visualisation de la contamination radioactive a fait l’objet de plusieurs expositions et de la publication d’un livre en 2015. Suite à cette édition, des habitants ont demandé que l’on compare des matières contaminées à d’autres non contaminées, en particulier des aliments. D’une part, parce qu’il existe une radioactivité
CE GANT A ÉTÉ COLLECTÉ À L’EXTÉRIEUR D’UNE MAISON, JUSTE SOUS UN TOIT. ON PEUT VOIR DES PARTICULES RADIOACTIVES PROVENANT DES RETOMBÉES SUR CET ÉCHANTILLON. IL SEMBLE QUE CE GANT AIT ÉTÉ UTILISÉ APRÈS MARS 2011. IITATE, 2013, À 30 KM DE LA CENTRALE NUCLÉAIRE DE FUKUSHIMA, NIVEAU DE RADIATION : 1 500 CPM.
CETTE IMAGE A ÉTÉ RÉALISÉE EN EXPOSANT DEUX ÉCHANTILLONS DURANT LE MÊME TEMPS. SUR CELUI TROUVÉ À 10 KM DE LA CENTRALE DE FUKUSHIMA (À DROITE), ON VOIT UNE CONTAMINATION INTERNE ET EXTERNE, ALORS QUE SUR L’ÉCHANTILLON PROVENANT DE HIROSHIMA (À GAUCHE) IL N’Y A PAS DE CONTAMINATION. À DROITE, NIVEAU DE RADIATION : 100-150 CPM. À GAUCHE : 50 CPM.
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ÉCOLOGIE
CE BALLON DE FOOTBALL A ÉTÉ TROUVÉ EN JUIN 2013, LA PARTIE BLANCHE ET BRILLANTE MONTRE LA CONTAMINATION RADIOACTIVE. NAMIE, 2013, 10 KM DE LA CENTRALE NUCLÉAIRE DE FUKUSHIMA, NIVEAU DE RADIATION : 280-770 CPM.
naturelle qu’ils souhaitaient mettre en regard avec une contamination d’origine nucléaire, et d’autre part, pour savoir si les aliments qu’ils achetaient étaient propres à la consommation. C’est ainsi que se sont développées les autoradiographies, dont une partie est visible sur le site du photographe, et que l’on peut aussi découvrir sur son smartphone et en 3D, grâce à une application dédiée.
« Maintenant, nous pouvons voir ce type de contamination comme des images et non comme des mesures. Nous pouvons tous constater qu’elle existe. En outre, nous avons trouvé un type de contamination que nous ne connaissions pas », souligne le photographe. Mais le plus étonnant, au-delà de l’aspect scientifique qui donne à ce travail sa dimension documentaire, c’est son incroyable beauté plastique qui confère
une poésie à la vision spectrale de la contamination. Ce résultat étonnant a séduit le jury des lectures de portfolios de Kyotographie qui lui a décerné son premier prix, et a obtenu en mai dernier une Honorary Mention dans la catégorie « Art hybride » des Prix Ars Electronica, qui distinguent le cyber-art. www.autoradiograph.org
ARLES 2017
LES RENCONTRES DE LA PHOTOGRAPHIE EXPOSITIONS 3 JUILLET — 24 SEPTEMBRE RENCONTRES-ARLES.COM
MINISTÈRE DE L’EUROPE ET DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE MINISTÈRE DE LA CULTURE DIRECTION RÉGIONALE DES AFFAIRES CULTURELLES PACA GOBIERNO DE COLOMBIA, INSTITUT FRANÇAIS RÉGION PROVENCE-ALPES- CÔTE D’AZUR CONSEIL DÉPARTEMENTAL DES BOUCHES-DU-RHÔNE VILLE D’ARLES
PHOTOGRAPHIE (DÉTAIL) : KARLHEINZ WEINBERGER AVEC L’AIMABLE AUTORISATION D’ESTHER WOERDEHOFF DESIGN ABM STUDIO
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APPAREILS
LABO
MATOS Texte et sélection : Marie Abeille
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NIKON COOLPIX W300
OLYMPUS TOUGH TG-5
RICOH WG-50
Nikon propose un compact capable d’accuser des chutes de 2,4 m de haut, des températures jusqu’à - 10 °C et des plongées à 30 m de profondeur. Rien de très surprenant jusque-là, si ce n’est l’arrivée d’un enregistrement vidéo 4K/ UHD à 30 images/seconde.
La star des baroudeurs s’offre une cure de jouvence pour l’été. Le nouveau capteur de 12 millions de pixels, couplé au processeur TruePic VIII, lui offre une réactivité et une qualité d’image à toute épreuve. Mieux : le petit nouveau, étanche jusqu’à - 15 m, profite d’un enregistrement vidéo 4K à 30 images/ seconde, d’un enregistrement Full HD à 120 images/seconde et d’une protection antibuée pour son écran.
Oui, il y a beaucoup de baroudeurs dans cette sélection, par ailleurs assez pauvre en nouvelles références. Mais que voulez-vous, nous ne faisons pas le marché. Donc Ricoh aussi veut sa part du gâteau et propose pour cela le WG-50, son étanchéité jusqu’à 14 m de profondeur, sa résistance aux chutes de 1,6 m de haut ou aux températures jusqu’à - 10 °C, et ses six diodes LED qui encerclent l’objectif équivalent 28140 mm f/3,5-5,5.
2 NIKON D7500
Vous avez aimé le D500 ? Tant mieux, on n’aura pas trop à vous vendre le D7500. Le successeur du D7200 reprend le capteur, le processeur, l’enregistrement 4K, le système de mesure d’exposition et SnapBridge du D500. Le tout dans un boîtier idéal pour les amateurs avertis.
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PANASONIC LUMIX TZ90 SONY ALPHA 9
La saison estivale, c’est aussi l’occasion de ressortir les compacts voyageurs. Le successeur du TZ80 dispose d’un zoom 30x équivalent 24-720 mm f/3,3-6,4, d’un viseur électronique et d’un écran tactile et orientable de 1 040 000 points. Et bien sûr, toujours les atouts de son aîné, tels que la stabilisation sur 5 axes ou les fonctionnalités 4K photo et vidéo.
On se quitte sur une note un peu plus pro avec un nouveau poids lourd dans la catégorie des hybrides plein format. Sony a créé la surprise en présentant son Alpha 9 et son monstrueux capteur plein format Exmor RS rétroéclairé BSI Stacked. Ça en jette, n’est-ce pas ? Tentons d’être bref : rafale de 20 images/seconde, autofocus hybride à 693 collimateurs en détection de phase, vidéo 4K/UHD à 25 images/seconde et 100 Mbps sans recadrage, autonomie doublée, ergonomie ultra-travaillée et qualité d’image optimale… Sony marche sur les platesbandes des reflex pros Nikon et Canon.
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EN APARTÉ
Utiliser la culture pour créer du lien social en banlieue, c’est le pari du Grand Bouillon. Concerts, expos photo et ateliers… Ce café culturel associatif offre depuis trois ans une programmation alternative dans le centre-ville d’Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis. Fisheye est parti rencontrer sa créatrice. Texte : Dorian Chotard – Photos : Julien Bonet
(Grand) Bouillon de culture Il est à peine 22 heures, et la fête bat déjà son plein au Grand Bouillon. Des enfants déchaînés jouent à cache-cache entre les tables pendant que leurs parents refont le monde au comptoir sur fond de Donna Summer. Une ambiance qui détonne avec les vernissages guindés où l’on sirote du bout des lèvres une flûte de champagne. « C’est clair que ça change des galeries du Marais », s’amuse la photographe Nathalie Bauer. Ce jeudi, une cinquantaine de personnes sont venues découvrir ses images de l’East End, un quartier populaire de Londres où elle a résidé. Sur la petite scène du café, Julien Bonet, le photographe officiel du lieu, s’empare du micro et lance une pique aux
Parisiens qui se sont déplacés pour l’occasion : « Vous avez bien fait de traverser le périph ! » Les habitués le savent : dans cette brasserie du centre-ville d’Aubervilliers, chaque soir est une fête potentielle.
attention et l’interroger sur la genèse du lieu autour d’un verre de blanc. Tout est parti d’un constat, lorsqu’elle s’est installée à Aubervilliers il y a huit ans : « En arrivant ici, j’ai trouvé les choses trop cloisonnées. Il n’y avait pas de café qui m’accepte en tant que femme. » Après TRAVAILLER SUR LE LIEN SOCIAL plusieurs expériences dans l’art contemporain, les milieux associatifs et un crochet par Berlin, Parmi la foule, impossible de rater cette qua- germe alors l’idée de monter un café culturel dragénaire aux cheveux courts, en perpétuel dans sa ville : « L’ambition de départ, c’était mouvement, qui donne l’impression de gérer de travailler sur le lien social et de créer une mille choses à la fois. C’est Marie communauté mixte, intergénéraAudoux-Paugoy, l’inspiratrice du tionnelle, ouverte à la culture et LA FAÇADE DU GRAND Grand Bouillon. On profite d’une à sa pratique », poursuit-elle avec BOUILLON, À AUBERVILLIERS, OCTOBRE 2015. pause en terrasse pour capter son un débit de mitraillette.
VERNISSAGE DE L’EXPOSITION O MY GOD ! ETC. DE PIERRE TERRASSON, EN NOVEMBRE 2014.
LE GRAND BOUILLON ACCUEILLE ÉGALEMENT DES CONCERTS, COMME CELUI DES KING’S QUEER, EN JANVIER 2015 (EN BAS À GAUCHE), OU LE DJ SET DE DJ DANSLANUIT ET LE VJING DE PIXEL CARRÉ, EN FÉVRIER 2015 (EN BAS À DROITE).
« LE CAFÉ, C’EST JUSTE UN PRÉTEXTE POUR FAIRE VENIR LES GENS PLUS FACILEMENT ET QU’ILS DÉCOUVRENT DES CHOSES INATTENDUES. »
Portée par ses convictions, Marie Audoux-Paugoy semble capable d’abattre des murs, et c’est littéralement ce qu’elle a fait. Après trois ans de démarches administratives, les travaux démarrent au printemps 2014 dans un vieux troquet qui fut autrefois un « bouillon », une cantine ouvrière. Six mois, dix tonnes de gravats et 1 900 heures de travail bénévole plus tard, le Grand Bouillon ouvre ses portes le 4 octobre 2014. « On a été accueilli avec curiosité, mais aussi avec quelques réticences, se souvient Marie. Les gens se demandaient si nos tarifs et notre offre étaient adaptés à Aubervilliers… » Avec ses murs bruts et sa déco récup, ses bières artisanales et ses fromages du marché, le Grand Bouillon passerait à Paris pour un énième bistrot branché, un des établissements qui fleurissent dans les anciens quartiers populaires de la capitale et attirent la clientèle aisée du coin. MÉLANGE DES GENRES
Mais au Grand Bouillon, la mixité n’est pas un vœu pieux. Le bar brasse chaque soir toutes les couches sociales de la ville, des jeunes parents comme des piliers de comptoir. Kamel, client assidu et roi de la rime, pose un slam dès qu’il en a l’occasion, même pendant un concert de musique baroque. En deux ans et demi, Marie a observé cette évolution : « On est passé d’une époque de cohabitation, pendant laquelle chacun apprenait à se connaître, à un véritable amalgame avec plein de rencontres », se félicite-t-elle. Moins de trois ans après sa création, le Grand Bouillon a déjà accueilli plus d’une centaine d’artistes. Des concerts, des expositions, des débats, mais aussi des ateliers de couture, de yoga ou encore d’éveil musical pour enfants.
PROCHAINES EXPOS PHOTO Du 6 au 29 juillet 2017 : Mamadou Traoré Du 5 octobre au 1er novembre 2017 : Stéphane Ouradou Du 2 novembre au 6 décembre 2017 : Suzane Brun Du 4 au 31 janvier 2018 : Marc Melki Les vernissages ont lieu les premiers jeudis du mois, à 19 heures, en présence de l’artiste.
Un mélange des genres voulu par Marie : « Je ne voulais pas faire une institution culturelle intimidante. Le café, c’est juste un prétexte pour faire venir les gens plus facilement et qu’ils découvrent des choses inattendues. » Dans cette optique, la photographie joue un rôle à part : « C’est le moyen d’expression le plus proche des gens, ça les touche. On voit par exemple qu’ils ont moins peur d’aller parler aux artistes quand ce sont des photographes. » Albertivillarien depuis près de quarante ans, le photographe Pierre Terrasson compte parmi les fidèles du Grand Bouillon. Ancien compagnon d’infortune de Serge Gainsbourg et portraitiste de la scène rock des années 1980, il y a exposé ses images. Pour cet artiste fort en gueule, il était temps qu’un tel lieu existe : « Le Grand Bouillon est venu combler un manque. Avant, il n’y avait rien pour exposer à Aubervilliers. C’est le seul endroit rock’n’roll de la ville. »
Grand Bouillon, 2 ter, rue du Moutier, à Aubervilliers (93).
www.grandbouillon.org
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S EN S IB ILITÉ
MUSIQUE
De M à Oumou Sangaré, en passant par la bande-son du film Félicité : trois pochettes d’albums très médiatiques pour trois visions différentes de l’Afrique. Texte : Jacques Denis
M et JR réunis pour l’album Lamomali. Résumant l’intention de l’aventure malienne du chanteur français avec l’un des plus grands joueurs vivants de kora, Toumani Diabaté, et son fils, Sidiki, l’image produite par le street artist fait doublement sens : un mariage en noir et blanc, sur fond jaune pétant ! Le montage est le reflet de ce qui se trame dans cette rencontre : un peu ambigu, un brin sexy aussi. La pochette dans sa version promotionnelle est recouverte d’une citation empruntée à l’écrivaine Andrée Chedid, grand-mère de M : « Toi, qui que tu sois, je te suis bien plus proche qu’étranger. » Pour autant, le résultat de ce disque laisse plutôt pantois. D’union, il est bien entendu question, mais la réunion vire vite à une affaire qui ressemble plus au tube de l’été qu’à un projet artistique fort d’une vision renouvelée de ce rapport entre deux mondes : l’Europe et l’Afrique. « C’est un album politique, au sens noble du terme. Tout le monde dit que la guerre, c’est pas bien et que les méchants sont méchants ! Moi, je préfère dire ce qui va bien, voir le verre à moitié plein. C’est ma façon à moi de m’engager. […] Au lieu de regarder le fossé que certains creusent entre l’Afrique et nous, je préfère créer des ponts », insiste M dans une interview publiée sur le site du Parisien. Et de citer la « sobriété heureuse » de Pierre Rabhi, apôtre d’une solidarité sociale citoyenne. « Le but est de chercher une richesse intérieure, pas une richesse extérieure », reprend le chanteur, « profondément multiculturaliste », comme JR, si l’on en croit son site. Certes, mais sous ce vernis de clichés, nous voilà replongés dans les années 1980 – quand le monde chantait We are The World –, dans un clip haute couture habillé par le styliste Jean-Paul Gaultier. Et, dans la foulée, opération de M pour soutenir l’association Donko Seko via la fondation Danse pour la vie financée par Repetto, en customisant l’iconique
modèle Zizi de la marque de chaussures avec la wax de chez OWL Paris. Et comme le scande le slogan de cette enseigne de mode : « L’Afrique c’est Chic ! » Pour le meilleur quand il s’agit de faire bénéficier la communauté d’un judicieux empowerment ; pour le pire quand il s’agit de faire de bonnes affaires, telles les Galeries Lafayette et leur opération « Africa Now ». À l’heure où le vénérable musée Dapper dédié à l’art africain et caribéen a dû fermer ses portes, faute de ressources, la fondation Louis-Vuitton célèbre – comme la Grande Halle de La Villette, notamment – le continent longtemps sous-exposé. Ces impressions d’Afrique, qu’elles soient sonnantes ou imagées, attestent d’un certain regard. SORTIR DES CLICHÉS
LA BANDE ORIGINALE DU FILM FÉLICITÉ, RÉALISÉ PAR ALAIN GOMIS, EST ORNÉE D’UNE CRÉATION ORIGINALE DE L’ARTISTE KÉNYAN EVANS MBUGUA.
Justement, parlons de visions qui donnent une autre version : celle d’Alain Gomis, réalisateur franco-sénégalais. Son film Félicité, primé aux festivals de Berlin et de Ouagadougou (Fespaco), montre un visage plus oblique, à l’image du portrait de profil ornant la pochette du disque Around Félicité, qui réunit la bande-son par le groupe congolais Kasai Allstars, et des remix. Cette fois, une image sobre, sombre, elle aussi duale, derrière laquelle se trouve une forte personnalité, un personnage vibrant et vivace – interprété par Véronique Beya Mputu – comme l’est l’immense Kinshasa, théâtre de tous les possibles et décor du film. Sur fond bleu, ce portrait de l’héroïne de Félicité, aux frontières de la photo, du graphisme et de la peinture, est signé par le Kényan Evans Mbugua. Il dessine en creux un autre visage de l’Afrique, qui fait écho à ce son tradi-moderne, une espèce de rencontre du troisième type entre des traditions et l’électrification, entre l’asphalte jungle de la mégalopole et les remixeurs de toute la planète
POUR SON ALBUM MOGOYA, LA CHANTEUSE OUMOU SANGARÉ A FAIT APPEL AU TALENT DU PEINTRE CONGOLAIS JP MIKA.
© Evans Mbugua . © JP Mika .
Impressions d’Afrique
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© JR.
musique. On y danse, mais on y panse aussi les plaies saillantes. C’est également l’ambition d’Oumou Sangaré, diva sortie du fabuleux creuset mandingue et qui a conquis le monde sans perdre son ancrage local. À l’approche de la cinquantaine, sans cesse prête à des collaborations, toujours prompte à stigmatiser les difficultés du quotidien malien, la native de Bamako garde ce cap avec son dernier album, Mogoya. Pour être
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double, elle n’en oublie jamais de s’inscrire dans décor réinventé qui rappellera de bons souvedes perspectives panafricaines. Pour meilleure nirs aux amateurs des studiotistes qui firent la preuve, l’image haute en couleur qui sert de légende photographique du continent. Comme couverture a été réalisée par le Congolais JP Mika, une allégorie de ce qui se joue ici : hier remixé une des révélations de l’exposition par aujourd’hui, pour inventer des Beauté Congo, présentée à la Fonlendemains susceptibles de tous dation Cartier en 2015-2016. On y nous enchanter, en surjouant les LE STREET ARTIST JR A RÉALISÉ CE MONTAGE PHOTO QUI FAIT découvre la belle Malienne, large sirènes des clichés, plutôt que d’y LA COUVERTURE DE L’ALBUM DU LAMOMALI DE M. sourire et talons hauts, dans un céder à tout prix.
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LIVRES
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Texte : Éric Karsenty – Photos : Marie Abeille
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D A – Magnum Manifeste CLARA BOUVERESSE ET CLÉMENT CHÉROUX Magnum Manifeste est un livre capital qui condense, par la richesse des textes, des images et des documents qu’il rassemble, l’esprit de la célèbre coopérative qui fête son 70e anniversaire. Réalisé sous la direction de Clément Chéroux en collaboration avec Clara Bouveresse, il deviendra vite un outil aussi indispensable qu’instructif, pour un prix raisonnable. Éd. Actes Sud, 49 €, 416 pages.
B – Horizons
ÉRIC PILLOT L’élégance et le raffinement des nouveaux Horizons d’Éric Pillot trouvent dans ce livre au format généreux (33,5 x 24 cm) un écrin à leur image. Maquette sobre et impression soignée, l’œil dérive au gré des plages de gris dans les images des bords de mer que le photographe a arpentés dans le Nord de la France. On avait déjà eu l’occasion d’apprécier In Situ, un livre qui explorait notre relation à l’animal ; avec Horizons, l’espace s’ouvre. Éd. La Pionnière, 49 €, 64 pages.
C – C’est de voir qu’il s’agit ROBERT DELPIRE Ce « montreur d’images », comme il aime à se qualifier, semble avoir eu plusieurs vies : éditeur, commissaire d’expositions, directeur d’agence de publicité… son amour de la photographie et son œil sûr l’ont conduit à travailler avec les plus grands : Josef Koudelka, Henri Cartier-Bresson, Robert Frank, William Klein, Sarah Moon… Une centaine de leurs images balisent ce florilège de textes écrits au long d’une carrière singulière, traçant ainsi, par petites touches, un autoportrait des plus sensibles. Éd. Robert Delpire, 34 €, 240 pages.
D – Ísland RÉZA KALFANE Véritable ovni éditorial, ce premier livre de Réza Kalfane est fascinant. Ce photographe français d’origine indienne a découvert l’Islande en 2012 et ne cesse, depuis, de la photographier. L’ouvrage propose un parcours en noir et blanc qui joue habilement avec la couleur du papier. L’impression argent sur papier noir confère d’emblée une dimension de mystère qui fait écho aux légendes islandaises. Éd. Réza Kalfane, 50 €, 116 pages.
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LIVRES
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E – Voyage ordinaire COLLECTIF Jérôme Blin, Denis Dailleux, Charles Fréger et Ambroise Tézenas ont reçu une commande pour travailler sur le thème des voyages ordinaires, un joli prétexte pour arpenter les routes du Caire, de New Delhi, de Bombay ou de Saint-Nazaire. La Chapelle des Franciscains, centre d’art contemporain de Saint-Nazaire, à l’origine du projet, présentera l’exposition qui accompagne le livre en octobre prochain. Éd. Le Bec en l’air, 32 €, 124 pages.
F – Réagir
SÉBASTIEN VAN MALLEGHEM Le nouveau livre de Sébastien Van Malleghem poursuit l’exploration de la noirceur du monde avec des images sombres et fortes, servies par une maquette à la mesure de sa démarche, sans concession. Après la police et les prisons belges, les junkies et les SDF de Berlin, ou les morgues de Mexico, c’est à Tourcoing qu’il nous conduit aujourd’hui, auprès de l’association Réagir, dont la mission principale est d’accueillir et de soigner les toxicomanes. Des photos poignantes accompagnées de témoignages éclairants. Éd. André Frère, 29,50 €, 160 pages.
G – Idyssey STEFANO DE LUIGI Ce photographe italien membre de l’agence VII et distingué par de nombreux prix, dont quatre World Press Photo, a décidé de s’embarquer sur les traces d’Ulysse et de revisiter son Odyssée. Une relecture contemporaine réalisée avec un smartphone, une Idyssey que l’on retrouve dans un livre à l’élégance rare. Les photos au format carré – collées de manière à laisser voir leurs deux faces – sont accompagnées de chants du poète Homère, et les pages du livre passent progressivement du bleu clair au noir, pour accompagner un voyage dans les profondeurs. Éd. Bessard, 75 €, 52 pages.
H – Looking for Love on the Left Bank ED VAN DER ELSKEN Difficile de passer à côté de cet ouvrage bouleversant qui vous fait découvrir les coulisses du journal intime d’Ed van der Elsken dans le Paris des années 1950. Une histoire d’amour à Saint-Germain-des-Prés, titre français du livre publié en 1956, est ainsi décortiqué et mis en perspective par plusieurs textes, dont celui de Tamara Berghmans, conservatrice au FoMu d’Anvers. Un complément indispensable aux deux expositions présentées au Jeu de Paume et à la galerie Folia, jusqu’à la mi-septembre. Éd. The Eyes Publishing, 33 €, 112 pages.
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TUMBLR
Tumblr des lecteurs Continuez à nous envoyer vos photos, Fisheye adore faire de nouvelles découvertes : moglia@becontents.com
LBR-PHOTOGRAPHY.TUMBLR.COM
Ludovic a le regard avide. Avec son téléphone, il photographie quotidiennement son environnement, guidé par les impulsions de sa sensibilité. Toutes ses images sont traitées
sur son smartphone. Le rendu est impeccable, les cadrages sont soignés, et les lumières sont toujours très douces. Une jolie source d’inspiration !
BSPHOTOGRAPHIES. TUMBLR.COM
La première source d’inspiration de Benoît, c’est son entourage. Il considère la photographie comme le moyen de préserver les souvenirs. « J’aime figer des détails qui me touchent. Une émotion, un regard… J’adore regarder les gens, décrypter leur ressenti, et c’est pourquoi ma pratique est principalement tournée vers l’humain. » Son premier boîtier lui a été offert par son grand-père lorsqu’il avait 11 ans. Benoît ne se contente pas de communiquer une émotion, il la transmet.
et présentent
“ La Pho t og ra phie I ra nie nne “
©Behnam Sadighi
©Erfan Dadkhah
©Mehregan Kazemi
©Saba Alizadeh
©Sina Shiri
©Sadegh Tirafkan
©Gelareh Kiazand
©Mohsen Rastani
©Rana Javadi
©Solmaz Daryani
©Azin Nafarhaghighi
©Bahman Jalali
©Ebrahim Noroozi
©Gohar Dashti
©Hamed Farhangi
©Mehdi Monem
©Morteza Niknahad & Behnam Zakeri
©Nazanin Tabatabaee Yazdi
©Sahar Mokhtari
©Tahmineh Monzavi
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©Alireza Fani
©Alireza Fani
©Sina Shiri
©Abbas Kiarostami
Sous la dire ction ar tistique de
Anahit a Ghabaian et N ewsha Tavakolian
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S ENSIBILITÉ
TUMBLR
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EVAOBRIAN.TUMBLR.COM
Eva veut nous raconter la douceur rassurante du quotidien. La langueur familière d’une routine paisible. Ses photographies intimes sont sans doute les plus réussies. Elles racontent avec délicatesse son amour de la vie.
ASHLEYCOMER.TUMBLR.COM
La photographie est, pour Ashley, un médium aux possibilités infinies – la jeune femme est convaincue qu’une seule image peut avoir un impact considérable. C’est aussi pour elle le moyen de rassembler, de réunir. Sa démarche consiste donc à photographier des individus dans des endroits qui ne leur ressemblent pas, de trouver du sens, du lien, entre des éléments qui ne devraient pas s’accorder. Ashley parvient à raconter des histoires qui dépassent le cadre de l’image.
ESRAEFE.COM
S’il fallait résumer en un mot le style d’Emma, ce serait « bucolique ». La jeune femme shoote essentiellement en extérieur. Chacune de ses images est une ode à la nature. La photographe rend grâce à la lumière, aux couleurs harmonieuses des arbres, à la ligne délicate des fleurs… Son travail est composé de dizaines de poésies à la fois muettes et éloquentes.