Fisheye Magazine N°8

Page 1

LE MAGAZINE LIFESTYLE DE LA PHOTOGRAPHIE

Mode

L’ÉCHANGISME VESTIMENTAIRE

Politique

LE CONFLIT UKRAINIEN PAR GUILLAUME HERBAUT

Cinéma

SALGADO PAR WIM WENDERS

Matos

LE TEST STYLÉ DES STYLISTES

Portrait

JORGE PENICHE, L’AMI DES RAPPEURS

Société

MISSION PHOTOGRAPHIQUE SUR LE TERRITOIRE FRANÇAIS

DOSSIER

PEOPLE & PHOTO

L 19203 - 8 - F: 4,90 € - RD

N° 8 septembre-octobre 2014

I BEL.: 5,20 €

LIAISONS DANGEREUSES

VENEZUELA

UNE PRISON AUX MAINS DES DÉTENUS MONDE

L’AFROFUTURISME www.fisheyemagazine.fr


6

Contributeurs

Armen Parsadanov

Raphaële Bertho

Guillaume Herbaut

Vincent Pérez

Armen a 33 ans et habite à Kiev. Il achète son premier appareil photo à 15 ans et affectionne tout particulièrement la photographie de mode. Il explore le glamour et la beauté des attitudes dans ses images couleur et noir et blanc. Sa photographie est en couverture de ce numéro de rentrée.

Historienne de la photographie, elle est l’auteur de l’ouvrage La Mission photographique de la DATAR, un laboratoire du paysage contemporain. Elle vient commenter le portfolio de la mission France[s] Territoire Liquide et met en perspective cette incroyable virée dans la France d’aujourd’hui.

Membre fondateur de l’agence L’Œil Public, Guillaume Herbaut entretient des liens étroits avec l’Ukraine. Il s’y rend tous les ans

L’acteur ne considère pas la photographie comme un simple passe-temps entre deux tournages. Il s’agit d’une vraie vocation. Il a étudié la photographie à l’école de Vevey et s’est appliqué pendant de longues années à réaliser des portraits exigeants et sensibles. Il nous présente son travail et nous parle de son rapport à la célébrité et à l’image.

l’histoire politique, sociale et humaine du pays. Le photographe nous présente sa vision des événements qui bouleversent l’Ukraine depuis décembre 2013.

Sebastián Liste

Serge Tisseron

Graham Walzer

D’origine espagnole, Sebastián Liste travaille principalement en Amérique du Sud. Sa série sur une prison contrôlée par les détenus au Venezuela impressionne par sa maîtrise du sujet et la force de sa narration.

Il est psychiatre, docteur en psychologie, psychanalyste et chercheur à l’université Paris VII. Serge Tisseron est aussi photographe, ce qui fait de lui le candidat idéal pour parler du phénomène de l’échangisme vestimentaire.

Il est né et a grandi à Los Angles. Le photographe partage sa vie entre la Cité des Anges et New York. Entre photographie documentaire et esthétique de mode, sa série intitulée Dad tranche par son humour et la tendresse qu’il manifeste pour ce père un brin déjanté.

Ours Directeur de la rédaction et de la publication Benoît Baume benoit@becontents.com Rédactrice en chef Jessica Lamacque jessica@becontents.com Directeur artistique Matthieu David matthieu@becontents.com assisté de Alissa Genevois alissa@becontents.com Secrétaire générale de la rédaction Gaëlle Lennon gaelle@becontents.com Rédacteurs Marie Abeille marie@becontents.com Éric Karsenty eric@becontents.com Camille Lorente camille@becontents.com

Ont collaboré à ce numéro Julien Collinet, Maxime Delcourt, Cathy Dogon, Gwenaëlle Fliti, Sophie Frediano, Cécile Lienhard, Camille Moulonguet, Cécilia Sanchez

Marketing de ventes au numéro Otto Borscha de BO Conseil Analyse Média Étude oborscha@boconseilame.fr 09 67 32 09 34

Régie externe Alexandra Rançon / Objectif Média alexandra.objectifmedia@gmail.com 00 32 484 685 115 www.objectif-media.com

Impression Léonce Deprez ZI « Le Moulin », 62620 Ruitz www.leonce-deprez.fr

Directeur commercial, du développement et de la publicité Tom Benainous tom@becontents.com / 06 86 61 87 76

Photogravure Fotimprim 33, rue du Faubourg-SaintAntoine, 75011 Paris

Directeur administratif et financier Virginie Sevilla Service diffusion, abonnement et opérations spéciales Joseph Bridge joseph@becontents.com

Fisheye Magazine est composé en Centennial et en Gill Sans et est imprimé sur du Condat mat 115 g

Fisheye Magazine est édité par Be Contents SAS au capital de 10 000 ¤. Président : Patrick Martin. Actionnaire : Denis Cuisy. 8-10, passage Beslay, 75011 Paris. Tél. : 01 48 03 73 90 www.becontents.com contact@becontents.com Dépôt légal : à parution. ISSN : 2267-8417. CPPAP : 0718 K 91912. Tarifs France métropolitaine : 1 numéro, 4,90 ¤ ; 1 an (6 numéros), 25 ¤. Tarifs Belgique : 5,20 ¤ (1 numéro). Abonnement hors France métropolitaine : 40 ¤ (6 numéros). Bulletin d'abonnement en p. 119. Tous droits de reproduction réservés. La reproduction, même partielle, de tout article ou image publiés dans Fisheye Magazine est interdite.


Édito ARAGO, TOCQUEVILLE ET FLEUR PELLERIN BENOÎT BAUME, DIRECTEUR DE LA RÉDACTION

Tout se bouscule en cette fin d’été bien trop pressée de nous jeter dans les bras de l’automne. Le refus de la cacophonie ou du débat – cela dépend du point de vue – a donné naissance à un nouveau gouvernement. Une nouvelle ministre de la Culture a fait son entrée rue de Valois. Antagoniste patentée d’Aurélie Filippetti, Fleur Pellerin arrive avec un bagage numérique plus conséquent, mais devra résoudre les mêmes équations insolubles face à la baisse des budgets. Dans le même temps, Snapchat, l’application qui permet d’envoyer des photos éphémères, vient de réussir, sans avoir réalisé le moindre centime de chiffre d’affaires, une nouvelle levée de fonds auprès du célèbre capital-risque Kleiner Perkins qui valorise la société à près de 10 milliards de dollars. Une somme en grande partie liée à l’offre de rachat par Facebook de 3 milliards de dollars, refusée voici quelques mois, qui a boosté la notoriété et la valeur de l’entreprise du jeune Evan Spiegel. Snapchat fait peur, car son service attire de plus en plus de jeunes utilisateurs, là où Facebook décroche. Pourtant, face à cette course effrénée à la popularité juvénile, on a l’impression que la notion même de photo devient obsolète. On a le sentiment qu’il ne faudrait pas grand-chose pour rendre cette vieille dame de 175 ans (si on considère la présentation de l’invention de Daguerre en 1839 par Arago à l’Académie des sciences et non la première photo de Nicéphore Niépce en 1826) digne du Tetris des médias numériques. Une part de notre histoire pour laquelle on a de l’affection, mais dont on aurait un peu honte devant ses amis. Pourtant, est-ce Snapchat qui nous a fait aimer la photo ? Non ! Et ce n’est pas le petit fantôme ou un de ses confrères en devenir qui nous en détournera. La photo évolue, et il faut arriver toutefois à la suivre. Là où notre site fisheyemagazine.fr est né comme un blog, nous avons décidé de lui donner une nouvelle apparence à partir de mi-septembre pour être plus en phase avec ce que nous voulions vous offrir sur le Net. On espère que vous apprécierez. Autre changement de taille dans Fisheye, c’est le départ de Jessica, notre bien-aimée rédactrice en chef qui a décidé de suivre les traces de la valise de Robert Capa. Elle nous manquera. Éric nous a rejoints pour reprendre cette tâche bien ardue d’inventer ce magazine protéiforme qu’est Fisheye. Dans notre petite rédaction, la pratique quotidienne de notre gouvernance est un phénomène complexe que même la lecture assidue de De la Démocratie en Amérique d’Alexis de Tocqueville ne saurait régler complètement. Dans cette quête, Fisheye a trouvé sa voie et a su s’inventer comme une personne morale avec sa propre identité. Ce numéro riche et réussi (vous nous direz) en est une belle incarnation. P.S.: Petite surprise dans un mois, vous trouverez un hors-série de Fisheye en kiosques. Nous avons voulu approfondir la couverture du premier numéro et nous n’avons pas été déçus.


L A

C ÉL ÉB RITÉ

22

FACE

À

L’IMAGE


© XAVIER LAMBOURS / SIGNATURES.

LA CÉLÉBRITÉ FACE À L’IMAGE Interroger le rapport complexe de la photo et des people, voici un chemin marécageux dans lequel il est facile de s’embourber. Tantôt victimes des photos sous le flash des paparazzis, tantôt manipulatrices, tantôt vraies et spontanées face à l’appareil, les stars ne gèrent pas leur image de la même manière et chacune y joue une partie importante de sa carrière. Pour ce sujet délicat, nous avons essayé de retourner le problème en évoquant le parcours de la photographe star Annie Leibovitz qui a fini par se laisser emporter par les excès de ses modèles.Vincent Pérez, célèbre acteur et vrai photographe, nous guide dans sa pratique.

L ES

S TA R S —

23

Les journaux people nous ouvrent leurs portes et évoquent l’épineuse question du droit à l’image. Face à l’émergence des réseaux sociaux, les célébrités n’ont pas mis longtemps pour diffuser leurs images avec une habileté marketing de haut vol. Deux photographes français, Xavier Lambours et Jérôme Bonnet, habitués des stars de cinéma, évoquent l’évolution de leur métier. La relation épineuse des people et de la photo ne laisse pas émerger de jugement définitif, mais laisse un sentiment diffus que le faux-semblant se marie parfois à merveille avec l’authentique, à tel point qu’ils ont du mal à se passer l’un de l’autre.

ET

LA

PHOTO


Entretien croisé

« LES STARS CONSTITUENT UN MARCHÉ » PROPOS RECUEILLIS PAR ÉRIC KARSENTY

Comment abordez-vous une personnalité ? Avez-vous un protocole établi ? Xavier Lambours Je pars sans idée préconçue. L’exemple type, c’est le portrait que je dois réaliser tout à l’heure où je ne sais pas du tout ce que je vais faire. J’ai rendez-vous au Royal Monceau où j’ai pris une de mes photos fétiches (Lillian Gish), mais, depuis, l’hôtel a été rénové et je ne sais pas ce que je vais trouver. En fait, je m’adapte assez vite au lieu. C’est l’école Libé, tu as des rendez-vous et, en très peu de temps, tu dois t’adapter. Il m’arrive aussi d’avoir une idée, comme au dernier festival de Locarno où j’ai fait le portrait de Rutger Hauer. J’ai pu l’embarquer à la sortie de la ville où on a essayé plusieurs situations avant de trouver la bonne, celle qui nous plaisait à tous les deux. J’aime bien me servir des lieux que je trouve. Jérôme Bonnet Moi aussi les lieux m’aident beaucoup. Je ne prépare rien de spécial, sauf la lumière que j’apporte. J’arrive en avance et je m’installe en m’adaptant à l’endroit. Je prépare le cadre, ça dépend de la lumière et de ce que je trouve. Ce n’est pas basé sur une idée. Sauf parfois quand la personne est très connue, je peux avoir une image en tête. Je commence souvent par un plan large, en pied, puis je m’approche jusqu’au gros plan. Quand vous travaillez pour un magazine, vous avez un cahier des charges précis ou vous êtes assez libre ? X.L. Le plus souvent on me donne carte blanche. Quand on m’appelle, c’est pour avoir mon regard, donc on me laisse assez libre.

Xavier Lambours & Jérôme Bonnet sont deux photographes cinéphiles dont on découvre régulièrement les portraits dans la presse nationale et internationale, mais aussi dans des expositions comme récemment à la MEP. Ils nous livrent leurs expériences au contact des stars qu’ils photographient.

JÉRÔME BONNET ET XAVIER LAMBOURS.

L A

C ÉL ÉB RITÉ

24

FACE

À

J.B. Oui, moi aussi on me laisse souvent carte blanche. Parfois on me demande une humeur, quelque chose de pas trop sombre ou de coloré. Dans la presse française, on te demande si tu es disponible tel jour à telle heure, et on te laisse faire. Du côté de la presse anglo-saxonne, j’ai souvent un brief plus précis. Les journaux étrangers regardent mon site et choisissent plusieurs images pour décrire leurs attentes, qu’ils détaillent dans de nombreux mails. Avez-vous remarqué une évolution de la relation des stars à leur image ? J.B. Les stars constituent un marché, elles sont très entourées. Les agents qui les représentent cherchent à les convaincre que leur avenir professionnel dépend essentiellement de leur image et qu’ils sont les seuls garants pour la contrôler de A à Z. C’est sur cette peur qu’ils jouent pour asseoir leur pouvoir. Certains journaux résistent à cette pression et publient les photos de leur choix sans s’en remettre à un contrôle. D’autres, qui auraient les moyens d’imposer leur vue et d’établir un rapport de force, se laissent entraîner dans un espace consensuel où tout le monde est content. Mais tout n’est pas toujours verrouillé, il y a des moments de fragilité quand on photographie les actrices… X.L. Quand j’ai commencé mes premiers portraits à Cannes dans les années 1980, on n’exigeait jamais de voir mes images avant de les diffuser. Isabelle Huppert est connue pour demander à valider les images d’elle. Une fois, elle est même venue regarder derrière mon ordinateur pour exiger une nouvelle correction. J.B. Quand tu fais un portrait pour une personne en promotion et qu’elle n’a que dix minutes à t’accorder, ce qui est très peu, les journaux arrivent à négocier qu’il n’y ait pas de validation. Mais quand tu fais une séance où la personne te donne beaucoup, quand tu passes huit heures avec du stylisme dans un studio, c’est compliqué de dire : « Non,

L’IMAGE


ROBERT DE NIRO PHOTOGRAPHIÉ PAR JÉRÔME BONNET EN 2011 ET PAR XAVIER LAMBOURS EN 1994.

vous ne pouvez voir aucune photo avant publication. » Ce qui peut se comprendre… Le cauchemar étant que la personne tue toutes tes photos, mais ça ne m’est jamais arrivé. X.L. J’ai horreur des validations, c’est insultant. C’est quelque chose qui me met très mal à l’aise. Qu’est-ce que vous recherchez quand vous faites un portrait ? X.L. Ce qui m’intéresse, c’est de rencontrer des gens extraordinaires dans différents domaines. C’est comme un enrichissement

© XAVIER LAMBOURS / SIGNATURES. © JÉRÔME BONNET / MODDS. MARIE ABEILLE.

« Il y a un côté vampire, comme si je leur prenais un peu de leur vie, comme si je me nourrissais d’eux. »

de chacune de ces vies que je croise. Il y a un côté vampire, comme si je leur prenais un peu de leur vie, comme si je me nourrissais d’eux. Ces rencontres te construisent, façonnent ta mémoire, fabriquent des histoires, parfois de grandes histoires… J.B. Pour moi, un bon portrait, c’est celui qui me fait progresser. Celui où j’ai tenté quelque chose qui a marché. Il faut être ambitieux pour essayer de faire la différence. Il existe déjà beaucoup de très bonnes photos des stars, l’idée c’est d’en faire une nouvelle qui soit intéressante. C’est difficile, mais c’est le challenge. Vous avez tous les deux photographié Robert de Niro, star internationale par excellence. Racontez-nous votre séance. X.L. C’était à Paris en 1994, une commande pour un entretien avec Robert de Niro

L A

par Yves Mourousi. Ce dernier était en retard et j’ai commencé la séance photo avec l’acteur qui était d’excellente humeur. Je l’ai photographié dans sa chambre d’hôtel où j’ai compris qu’il avait passé une excellente nuit… Il a accepté toutes les situations que je lui proposais. Jusque dans la salle de bains où je l’ai fait monter dans la baignoire en lui demandant d’écraser son visage contre un verre dépoli qui laissait deviner sa physionomie, tandis qu’on pouvait voir à côté les lignes de sa main. C’est une de mes photos préférées. Elle est comme la mise en scène d’un petit film dont je suis le réalisateur et Robert de Niro l’acteur. Yves Mourousi est arrivé en fin de séance, juste à temps pour faire une photo et poser ses questions. J.B. C’était à Cannes en 2011 pour Madame Figaro, Robert de Niro était le président du jury. L’acteur est quelqu’un de très gentil qui joue à la perfection son rôle de gars modeste, un peu mal à l’aise et qui vous donne toutes les expressions qu’on trouve dans ses films. Mais moi, je voulais quelque chose de plus fort et je n’arrivais pas à l’obtenir… jusqu’à ce que, derrière moi, un journaliste du Web qui devait lui poser une question commence à le filmer à son insu. D’un coup, je l’ai vu se cabrer et prendre une expression beaucoup plus dure. J’ai juste eu le temps de déclencher une fois. Robert de Niro a interpellé le journaliste pour lui signifier qu’il venait de perdre la réponse à sa question… mais grâce à lui, j’ai eu ma photo. Votre pire souvenir, et le meilleur ? X.L. Le pire, c’était en 1983 quand j’ai vu Michelangelo Antonioni et son attaché de presse. Celui-ci m’a dit : « Alors, Xavier, on t’a attendu… » J’avais oublié le rendez-vous ! J’ai tenté : « On peut essayer quand même. » Mais il m’a répondu : « C’est trop tard. » J’y pense presque tous les jours… Et pour le meilleur, il y a celui de Martin Scorsese, en 2006. J’étais en terrasse à Cannes, je l’ai vu passer et j’ai bondi devant lui en lui montrant son portrait

C ÉLÉBRITÉ

25

FACE

À

dans le livre que je venais de publier. Ses gardes du corps m’ont stoppé, pensant que j’étais un fan en mal d’autographe, mais Scorsese les a arrêtés en comprenant que j’étais l’auteur. « C’est toi qui as pris cette photo ? I love it ! » Il m’a demandé ma carte et, le lundi suivant, j’ai reçu un coup de fil : Scorsese me donnait rendez-vous pour une prise de vue. J.B. J’attendais l’appel de l’attaché de presse de Jamie Foxx pour la commande d’un magazine et j’ai appris que la prise de vue était annulée parce que la journaliste n’avait pu se rendre au rendez-vous. Je suis toujours très touché par ce que les gens peuvent donner dans une séance photo. Comme sur le tournage de la série Les Revenants où je devais photographier Clotilde Hesme. La journée avait été longue et difficile, l’actrice était énervée et elle devait jouer une séquence triste où elle pleurait. Au moment de la prise de vue, malgré sa fatigue et la tension accumulée, elle a rejoué la scène et elle a pleuré pour moi.

L’IMAGE


L A

C ÉL ÉB RITÉ

26

FACE

À

L’IMAGE


ANNIE LEIBOVITZ OU LA FOLIE DES GRANDEURS TEXTE : JULIEN COLLINET

© CARRIE DEVORAH / WENN.

Elle a photographié les plus grands, de Nelson Mandela à Bill Gates en passant par Miles Davis, est partie en tournée avec les Stones. Drogue, fraude fiscale, banqueroute. Sa vie ressemble à un roman. Et si la rock star, c’était elle ?

Jardin du château de Versailles, août 2006. Alors que les derniers rayons de soleil frappent l’édifice, une armée d’éclairagistes et de maquilleurs s’activent. Kirsten Dunst grimée en Marie-Antoinette, une énorme choucroute sur la tête, s’apprête à monter dans un carrosse. Le film de Sofia Coppola est pourtant achevé depuis plusieurs mois. Les acteurs sont toutefois de nouveau convoqués, le château, privatisé, le plateau du film, remonté. Annie Leibovitz ne pouvait être présente lors du tournage. Lorsque son boîtier refuse de se déclencher, elle n’a qu’à sourciller pour qu’un assistant n’accoure à sa rescousse. Rien d’étonnant pour cette grande blonde de 1,80 mètre qui est la photographe la plus cotée au monde. Ses tarifs peuvent s’élever à 100 000 dollars pour un portrait ou à 250 000 dollars pour une campagne publicitaire. La moindre starlette rêve de passer devant son objectif. Pour elle, Whoopi Goldberg s’est baignée dans un bain de lait, Arnold Schwarzenegger a bravé les éléments et posé en tee-shirt au sommet d’une montagne enneigée de l’Idaho, Demi Moore a enduré jusqu’à treize heures de maquillage pour être

L A

C ÉLÉBRITÉ

27

photographiée nue avec un costume trois-pièces peint sur le corps. Certains de ses clichés sont des éléments à part entière de l’histoire de la pop culture. Le 8 décembre 1980, à l’aide d’un Polaroid, elle immortalise John Lennon, nu, en position fœtale dans les bras de Yoko Ono. La séance a lieu seulement quelques heures avant que Mark David Chapman, l’assassin de Lennon, vide le barillet de son revolver sur l’ancien leader des Beatles. La photo fera la couverture de Rolling Stone et restera comme l’un des principaux faits d’armes d’une carrière forgée à coups d’opportunisme.

Like a Rolling Stone Elle entre au magazine en 1970. Dans l’ouvrage Freelance de Philippe Garnier, Grover Lewis, un des reporters de Rolling Stone, se souvient d’une môme de 20 ans sans expérience « qui avait peur de tout. Il fallait la pousser pour la faire descendre de voiture et sortir son matériel ». Leibovitz n’est encore qu’étudiante

FACE

À

L’IMAGE


DES DÉTENUS DORMENT SUR LE TOIT DE LA PRISON. LES PRISONS DU VENEZUELA ONT EN GÉNÉRAL UNE CAPACITÉ DE 15 500 PRISONNIERS, MAIS AUJOURD’HUI ELLES EN ACCUEILLENT PLUS DE 52 000.


Vista Hermosa est la prison la plus connue du Venezuela et l’une des plus dangereuses. Le photographe d’origine espagnole Sebastián Liste a séjourné deux semaines entre mars et avril 2013 dans cet établissement pénitentiaire contrôlé par les détenus. PROPOS RECUEILLIS PAR JESSICA LAMACQUE – PHOTOS : SEBASTIÁN LISTE / NOOR

À L’INTÉRIEUR D’UNE PRISON VÉNÉZUÉLIENNE


DES PRISONNIERS EN TRAIN DE PRÉPARER DES PIPES POUR FUMER DU CRACK, UNE DROGUE DÉVASTATRICE DÉRIVÉE DE LA COCAÏNE.

DES ENFANTS DE PRISONNIERS JOUENT DANS UNE DES COURS, AVEC UN MIRADOR À L’ARRIÈRE-PLAN. LES DÉTENUS SONT AUTORISÉS À VOIR LEUR FAMILLE DEUX FOIS PAR SEMAINE.

DES MEMBRES DU « CARRO », LE GROUPE ARMÉ CHARGÉ D’ASSURER LA SURVEILLANCE DE LA PRISON, EFFECTUENT UNE RONDE DE ROUTINE. LEUR CHEF EST APPELÉ LE « PRAN ».

DES DÉTENUS S’ENTRAÎNANT LA NUIT DANS LE GYMNASE DE LA PRISON. ILS ONT CRÉÉ LEUR PROPRE MONDE À L’INTÉRIEUR DE VISTA HERMOSA. IL Y A DES LIEUX POUR DANSER ET FAIRE DU SPORT. DANS CES ENDROITS, LES FEMMES ET LES ENFANTS EN VISITE CIRCULENT LIBREMENT.

DES DÉTENUS JOUENT AVEC UN CHIEN DANS UN DES COULOIRS DE LA PRISON.



46

AG RAN DIS S EMENT

FOCUS

La création contemporaine africaine est traversée par un courant appelé l’afro-futurisme. Avec sa capacité à créer des mondes plus vrais que nature, la photographie en est le médium de prédilection. Découverte d’un courant et d’un geste fondateur dans l’histoire de la photographie africaine. TEXTE : CAMILLE MOULONGUET

L’afro-futurisme est un courant artistique né dans les années 60 aux États-Unis dans la mouvance du funk et du psychédélisme. Un mouvement aussi appelé Space Age en référence aux grandes conquêtes spatiales. Son point culminant se situe en 1974, avec la sortie du film coécrit par l’artiste-musicien Sun Ra et intitulé Space is The Place. Le scénario est déroutant. En tournée européenne avec son orchestre, Sun Ra disparaît mystérieusement. Il est parti à la découverte d’une planète perdue dans l’espace afin d’y préparer la venue des Afro-Américains avant la destruction totale de la Terre, dont les vicissitudes (bombes atomiques, guerre froide, ségrégation) la mènent à sa perte… Derrière la découverte des origines extraterrestres et supranaturelles des Noirs, il y a un réel propos. Ce film fait l’apologie des bénéfices matériels et spirituels de la conquête spatiale pour la communauté afro-américaine. Des musiciens comme George Clinton ou Bootsy Collins des groupes Funkadelic et Parliament ont également

contribué à cette cosmologie pétrie d’afrocentrisme et de science-fiction. LA JEUNE GÉNÉRATION

Quarante ans plus tard, l’afro-futurisme est devenu par extension tout ce qui met en rapport l’Afrique au sens large avec le futur. Pour le poète new-yorkais Saul Williams, le mot « afro-futurisme » est un terme marketing qui

ne renvoie pas à l’authenticité de la démarche initiale. « L’afro-futurisme appartient à une autre époque. Celle où on bouleversait les codes de la science-fiction afin d’impulser un mouvement de libération du peuple noir en imaginant des histoires dingues. Aujourd’hui, parler d’afro-futurisme est un moyen d’étiqueter les artistes », affirme-t-il. Cependant, l’extension est tentante tant le futur occupe l’imaginaire des artistes africains aujourd’hui. Ce futur prend des formes et des intentions multiples. Mythologies, science-fiction, magie des mondes à venir, ce mouvement toujours vivant aux États-Unis, notamment à travers la chanteuse Janelle Monáe ou l’artiste DJ Spooky, prend une dimension assez large en Afrique. Initialement diasporique, il est devenu un mouvement propre à l’histoire des peuples africains. L’artiste afro-futuriste démultiplie le futur pour mieux dépasser le présent. Le Sénégalais Omar Victor Diop a commencé sa carrière de photographe en 2011 OMAR VICTOR DIOP, avec sa série Fashion SOIF (2011).

© OMAR VICTOR DIOP, COURTESY MAGNIN-A.

Les nouveaux mondes de l’afro-futurisme


AG RANDISSEMENT

2112 : Le Futur du beau. Depuis, il est devenu un des artistes les plus prometteurs de la jeune génération. Il perpétue le genre du portrait si cher à l’Afrique, avec ses grands maîtres tels que Mama Casset ou Samuel Fosso, tout en lui donnant une direction très personnelle. Dans cette série, il présente des images comme tirées d’un magazine des années 2112. « Fashion 2112 est une projection visuelle de ce que pourraient devenir nos standards de beauté et d’élégance, le jour où jeter sera de très mauvais goût », explique-t-il. Cette révolution esthétique remet en cause l’embardée consumériste et s’inscrit dans une autre réalité que celle des États-Unis des années 60. Pourtant, le geste est similaire dans le sens où le futur permet de dépasser le présent. DÉJOUER LES STÉRÉOTYPES

© GERALD MACHONA, COURTESY OF THE GOODMAN GALLERY.

Le Zimbabwéen Gerald Machona se sert de la photographie pour sa capacité fictionnelle et crée des images dont la réalité est ailleurs. Pour lui, l’afro-futurisme endosse plus des allures de clichés qu’il ne s’apparente à une vraie démarche artistique. Il explique que certains le voient comme « un style bâtard de la science-fiction occidentale » alors que, pour lui, l’afro-futurisme est plus lié à « la connexion spirituelle à un passé

47

FOCUS

perdu qui, imaginé dans le présent, revêt des formes futuristes ». Il fait référence en particulier à la communauté Chewa dont la diaspora a immigré au Zimbabwe et qui aborde le fait d’être étranger par des mascarades invoquant des esprits du passé. « Je me suis approprié cette pratique stratégique dans mes performances par l’usage des masques afin de contester des maux sociaux similaires que j'affronte actuellement en tant qu’étranger vivant en Afrique du Sud », explique-t-il. C’est pour déjouer les stéréotypes négatifs qu’il a construit un « afro-naute » dont le casque et la combinaison sont formés par des dollars zimbabwéens. Le fait de se sentir étranger renvoie à la figure de l’alien ou de l’extraterrestre, et l’appartenance à une autre planète symbolise l’étrangeté. L’afro-futurisme ne faisait pas initialement partie de la démarche du Sud-Africain Clivert Thibela. « J’ai récemment été associé à ce terme à travers les observations faites sur ma démarche artistique. Depuis lors, je suis tombé amoureux de cette idée de l’art comme forme d’évasion. Le fait que l’on puisse reconstruire une réalité à partir d’éléments de notre imagination, de notre histoire africaine et, plus encore, le fait que, grâce à cette culture, on puisse exprimer les dilemmes quotidiens des personnes de couleur, cela m’inspire énormément »,

« L’AFRO-FUTURISME APPARTIENT À UNE AUTRE ÉPOQUE. CELLE OÙ ON BOULEVERSAIT LES CODES DE LA SCIENCE-FICTION AFIN D’IMPULSER UN MOUVEMENT DE LIBÉRATION DU PEUPLE NOIR EN IMAGINANT DES HISTOIRES DINGUES. »

GERALD MACHONA, UNTITLED (2010).


MISE AU POINT


M IS E AU

POINT

57

PORTFOLIO

Les photographes du collectif France[s] Territoire Liquide ne se sont pas attachés à explorer toutes les facettes du réel de notre société. Ils ont souhaité livrer une vision artistique de la France. Raphaële Bertho, historienne de l’image, nous raconte cette épopée photographique. TEXTE : RAPHAËLE BERTHO – PHOTOS : FRANCE[S] TERRITOIRE LIQUIDE

BERTRAND DESPREZ. CE TRAVAIL SOULIGNE LES MODIFICATIONS ENVIRONNEMENTALES ET SOCIÉTALES LIÉES AU SPORT ET À SES INFRASTRUCTURES.

Ils ont vu la France C’est dans un petit café en face de la Bibliothèque nationale de France que je rencontre à l’automne 2012 deux photographes qui me parlent d’un projet aussi hardi qu’ambitieux : France[s] Territoire Liquide. À l’époque, l’idée de relancer une grande mission photographique de l’ampleur de celle de la DATAR *, qui a marqué l’histoire de la photographie, est dans l’air. Mais l’affaire n’est pas si simple, il ne s’agit pas de renvoyer plusieurs dizaines

de photographes avec leur chambre arpenter le territoire national. Pour que le projet soit pertinent, réussi, il faut qu’il soit en adéquation avec son époque. Et c’est sans conteste le cas de France[s] Territoire Liquide initié par Frédéric Delangle, Cédric Delsaux, Patrick Messina et Jérôme Brézillon : les quatre photographes ont su formuler avec acuité une proposition croisant les problématiques de la photographie comme du territoire en ce début de XXIe siècle.


JÉRÔME BRÉZILLON. REPORTAGE INÉDIT SUR LES PAYSAGES FRANÇAIS REMARQUABLES ET TOURISTIQUES. LE PHOTOGRAPHE A DISPARU EN MARS 2012. LA MISSION LUI EST DÉDIÉE.


ANNE FAVRET ET PATRICK MANEZ. LES DEUX PHOTOGRAPHES RÉALISENT CE QU’ILS APPELLENT « UN JOURNAL D’UTOPIE » AVEC CETTE IMMERSION DANS LA VIE DU SITE DE L’OBSERVATOIRE DE LA CÔTE D’AZUR, SUR LE PLATEAU DE CALERN.

BEATRIX VON CONTA. LE THÈME DE L’EAU EST TRÈS PRÉSENT DANS LE TRAVAIL DE BEATRIX VON CONTA. AVEC CETTE SÉRIE INTITULÉE FLUX, ELLE POSE SON REGARD SUR LA PROBLÉMATIQUE DU TRANSPORT ET DU TRAFIC MARITIMES ET FLUVIAUX.

PAGE SUIVANTE : FRÉDÉRIC DELANGLE. TIRAGE DE LA CAPITALE COLORISÉE PAR DES PEINTRES INDIENS POUR MONTRER LE DÉCALAGE ENTRE LA VILLE RÊVÉE ET LA RÉALITÉ DE PARIS.




102

S EN S IB ILITÉ

MODE

Un barbu en tunique fleurie et sandales à talons, une femme en costumecravate tombant à mi-cuisse, un senior habillé comme un ado. Bien plus qu’une simple mode, ce travestissement questionne avec humour notre identité et notre place dans la société. TEXTE : MARIE ABEILLE

Si vous êtes un habitué du Web et des réseaux sociaux, difficile d’être passé à côté du phénomène Switcheroo. Initiée en 2010, cette série réalisée par la photographe canadienne Hana Pesut a rencontré un véritable succès sur la Toile. Son auteure était pourtant loin d’imaginer un tel impact. « Je campais avec quelques amis, et deux filles portaient des tenues vraiment différentes. L’une était vêtue de leggings léopard, d’un tee-shirt tie and dye et d’un manteau aux broderies dorées, un ensemble très coloré, tandis que l’autre portait un jean et un tee-shirt noirs. J’ai pensé que ce serait marrant de leur faire échanger leurs fringues et de faire une photo avant-après. » Switcheroo était né. LE VÊTEMENT, TÉMOIGNAGE DE NOTRE HISTOIRE

Si la série est récemment ressortie des méandres d’Internet, elle connaissait déjà une grande popularité outre-Atlantique. Ce regain d’intérêt pour le travail d’Hana n’est sans doute pas dû au hasard. D’autres photographes se sont, depuis, essayés à cet avant-après vestimentaire. Opportunisme, inspiration ou coïncidence, certaines séries photo sont troublantes de ressemblance. Ainsi, des portraits de membres d’une même famille qui échangent leurs tenues ont récemment fait le tour des réseaux sociaux, devenant rapidement viraux. À travers cette série, le photographe interroge le spectateur sur la transmission des traditions entre les différentes générations en Asie. La technique est similaire, mais pas le message. Pour Hana, aucune autre prétention à l’origine du projet que celle de réaliser des portraits fun. « Aujourd’hui, Switcheroo est devenu une série sociale ou même une série de mode, mais ce n’était pas mon intention de départ, je trouvais juste l’idée marrante et intéressante. J’ai vraiment aimé laisser libre cours à l’interprétation des gens

plutôt que de leur imposer mon point de vue. » D’ailleurs, le projet ne s’est pas lancé tout de suite. Hana explique avoir eu du mal à convaincre des inconnus de se prêter au jeu. La jeune femme a donc commencé en mettant en scène ses amis, un moyen de se constituer une première collection d’images et d’inciter plus de m o n de à p a r t i c i p e r. S e r g e Tisseron, psychiatre, docteur en psychologie et psychanalyste, explique : « Échanger des vêtements, c’est un peu échanger des identités. Cet échange est parfois troublant, entre hommes et femmes notamment, et d’autres fois énigmatique, entre personnes d’âges différents : mais pourquoi les vieux ne s’habillent-ils pas comme les jeunes ? » Le psychanalyste rappelle l’évolution dans notre société du rôle du vêtement, qui témoignait autrefois du statut social de chacun. « De nos jours, tout au moins en Occident, les vêtements définissent bien moins l’identité que ne le font les traits du visage, l’expression, la manière de marcher… Mais si nos habits ne portent plus le témoignage de notre catégorie sociale, la variété

JON URIARTE, SÉRIE THE MEN UNDER THE INFLUENCE.

© JON URIARTE. © HANA PESUT.

Dialogue vestimentaire


S ENSIBILITÉ

« ÉCHANGER DES VÊTEMENTS, C’EST UN PEU ÉCHANGER DES IDENTITÉS. CET ÉCHANGE EST PARFOIS TROUBLANT, ENTRE HOMMES ET FEMMES NOTAMMENT, ET D’AUTRES FOIS ÉNIGMATIQUE, ENTRE PERSONNES D’ÂGES DIFFÉRENTS »

de vêtements dont chacun peut aujourd’hui disposer a pour conséquence qu’ils témoignent bien plus de notre histoire intime. » TROUVER SA PLACE

Dans un autre registre, le photographe espagnol Jon Uriarte a lui aussi travesti ses modèles dans sa série The Men Under The Influence. Il y fait poser des hommes portant les vêtements de leurs compagnes dans l’appartement qu’ils partagent. « L’idée est de montrer comment les hommes hétérosexuels de ma génération, dans les pays développés, peuvent parfois se sentir un peu perdus dans leurs relations. Le rapport homme-femme dans le couple n’a plus rien à voir avec celui que l’on a connu chez nos parents. » Ces portraits tendent donc à exprimer la vulnérabilité et la perte de repères de ces hommes face à l’émancipation des femmes dans la société moderne. « Bien sûr, il n’y a rien de dramatique dans mon message, c’est un sentiment dont j’ai discuté avec certains de mes amis et j’ai pensé que ce serait un sujet intéressant. » Pas d’avant-après dans le travail de Jon, son point de vue est celui qu’il connaît, un point de vue d’homme. « Beaucoup de gens me demandent pourquoi je n’ai pas photographié aussi les femmes, mais j’ai beau parler des relations entre hommes et femmes, mon but est d’en parler selon mon point de vue personnel. » La démarche était donc bien différente de celle d’Hana Pesut. « L’objectif de cette série n’est pas de montrer ce qui arrive lorsqu’on échange les vêtements entre hommes et femmes. J’ai réalisé ces mises en scène pour transmettre un message, un sentiment qui, je pense, est commun à certains hommes de ma génération. Lorsque je réfléchissais au meilleur moyen d’exprimer cette notion, l’idée d’échanger les vêtements m’est veHANA PESUT, SÉRIE SWITCHEROO. nue. » Cette évolution

MODE

103


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.