N° 17 mars-avril 2016
Art vidéo
Découverte
SHANE LYNAM AU FESTIVAL CIRCULATION(S)
Éducation
LES MINOTS DE LA CASTELLANE
Édition L’OVNI CINQ26
Politique EPECTASE EN CAMPAGNE
Portfolio
AMAURY DA CUNHA, PHOTOGRAPHE ET ÉCRIVAIN
DANS LES SECRETS DES PHOTOS DE
FAMILLE LES PHOTOGRAPHES NOUS DÉVOILENT LEURS HISTOIRES
L 19203 - 17 - F: 4,90 € - RD
N° 17 mars-avril 2016
BEL. : 5,20 €
www.fisheyemagazine.fr
ENTRE CLIP ET COURT-MÉTRAGE
FOCUS MONDE NEW YORK IN TRANSLATION
#fisheyelemag
SOCIÉTÉ LES ANNÉES 1980 AU CENTRE POMPIDOU
P. 13
instantanés
T E N DA N C E
Petite grammaire géographique de la tristesse
P. 15 T E N DA N C E
P. 2 2 P O RT R A I T
Carol
P. 16
Cao Fei La virtuose inattendue
I M AG E S S O C I A L E S
P. 10
André Gunthert Au-delà de la société du spectacle
LES DESSOUS DE L A COUV
Brendan George Ko
P. 18 VO I X O F F
Jean-Christophe Béchet Photo, robot, boulot P. 2 0 MÉTIER
La fabrique à livres Fabienne Pavia, éditrice
P. 24
— DOSSIER
© Instagram @sadtopographIes / google maps. © Jérôme Bonnet / modds. © louIse narBo.
PHOTO DE FAMILLE : RÉALITÉS ET FICTIONS
mise au point
P. 6 5 POLITIQUE
labo
P. 7 7 CAMÉR A TEST
Yaman Test en rythme
Photographes en campagne
Matos P. 7 9
AT E L I E R P H OTO
Récupérer la pellicule d’un jetable
agrandissement
P. 8 2 S H O P P I N G A P PA R E I L S
P. 8 0 PRISE EN MAIN
P. 8 4 S H O P P I N G AC C E S S O I R E S
Écolo
P. 8 6 P H OTO M O B I L E
Les photos de famille
Tamron SP 35 mm et SP 45 mm
P. 51 EXPOSITIONS
Vu d’ailleurs P. 5 4
sensibilité
FOCUS
New York in Translation P. 70 SOCIÉTÉ
Coup de rétro sur les années 1980 P. 74 É D U C AT I O N
Les minots de la photo
P. 8 9 A RT V I D É O
Quand le clip flirte avec le cinéma P. 9 2 P O RT F O L I O D É C O U V E RT E
Shane Lynam
P. 9 8 E N A PA RT É
P. 113 TO U R D U W E B
Instanimal
P. 114 LIVRES
Photothèque P. 116 AG E N DA
Nouvelles expos de printemps
Le Centre photographique d’Île-de-France
P. 119 P. 10 0
ÉDITION
FLASH
Une photo, une expo
L’ovni Cinq26 P. 5 8 P O RT F O L I O
© mIchael marcelle. © epectase. © BoogIe. © amaury da cunha.
Boogie Kingston comme jamais
P. 12 0 COMMUNIT Y
P. 10 2
Tumblr des lecteurs
P O RT F O L I O
Amaury da Cunha
P. 110 MUSIQUE
Les pochettes nous font de l’œil
P. 12 2 C H RO N I Q U E
Contributeurs
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Shane Lynam
Arnaud Claass
Né en 1980 à Dublin, en Irlande, et diplômé d’un master en photographie documentaire de l’université du pays de Galles en 2012, Shane Lynam a vécu en France entre 2006 et 2012 pour travailler sur ses deux principales séries : Contours et Fifty High Seasons. Cette dernière est en partie publiée dans notre portfolio Découverte, et se trouve exposée au festival Circulation(s), au Centquatre à Paris. Ses travaux poétiques et politiques sur les périphéries des villes ont paru dans de nombreux journaux et reçu plusieurs distinctions.
Photographe et enseignant, Arnaud Claass est né à Paris en 1949. Ses images sont présentes dans de nombreuses collections publiques et privées. Il est également l’auteur de plusieurs livres de théorie et de textes relatifs à son propre travail. Il a enseigné à l’ENSP d’Arles, de sa fondation jusqu’en 2014, et continue d’y mener un séminaire doctoral. Régulièrement invité dans des institutions européennes et américaines, il mène ici l’entretien avec Amaury da Cunha, un de ses anciens élèves.
Boogie
Irène Jonas Sociologue et photographe indépendante, Irène Jonas travaille sur le genre et sur la photographie de famille. Elle est l’auteur de plusieurs articles et ouvrages dont, en 2010, Mort de la photo de famille ? De l’argentique au numérique (éd. L’Harmattan). Elle fait partie de l’association Regarde ! et développe des projets personnels en photographie. Elle signe la partie sociologique de notre dossier sur les photos de famille.
Né et élevé à Belgrade, en Serbie, Boogie a commencé à photographier les troubles de la guerre civile qui a ravagé son pays dans les années 1990. Il en garde une certaine attraction pour le côté sombre de l’existence, ce qui se retrouve dans ses travaux au style brut et direct. Son sixième ouvrage A Wah Do Dem (éd. Drago, 2016) nous entraîne dans les quartiers dangereux de Kingston, capitale de la Jamaïque. Boogie est considéré comme l’un des meilleurs représentants de la street photography moderne, ses images sont à retrouver dans le portfolio Agrandissement.
Amaury da Cunha
Guillaume Le Goff
Amaury da Cunha est né à Paris en 1976. Diplômé de l’ENSP d’Arles en 2000, il a écrit de nombreux textes critiques sur la photographie et la littérature, notamment dans Le Monde des livres. Il a publié trois monographies, dont Incidences (éd. Filigranes) l’an dernier, et un ouvrage de récits autour de la photo. Son univers troublant et énigmatique nous a séduits, il est à retrouver dans la rubrique Sensibilité.
Après ses études en journalisme et management des médias à l’université de Rennes 2, Guillaume Le Goff a créé des fanzines, collaboré à Tricks Skatemag, Lodown, Desillusion, Next, L’Optimum, et cofondé le magazine Clark, dont il a été rédacteur en chef de 2001 à 2010. Passionné de street culture, ce touche-à-tout a ensuite dirigé les opérations spéciales de Vice Magazine France avant de rejoindre l’agence et maison d’édition Drago, où il est directeur créatif. Il signe le texte du portfolio de Boogie sur Kingston.
RÉDACTION Directeur de la rédaction et de la publication Benoît Baume benoit@becontents.com Rédacteur en chef Éric Karsenty eric@becontents.com Directeur artistique Matthieu David matthieu@becontents.com assisté de Alissa Genevois alissa@becontents.com Secrétaire générale de la rédaction Gaëlle Lennon gaelle@becontents.com
Rédactrices Marie Abeille marie@becontents.com Marie Moglia moglia@becontents.com Hélène Rocco helene@becontents.com Ont collaboré à ce numéro Jean-Christophe Béchet, Julien Damoiseau (Pix Populi), Maxime Delcourt, Jacques Denis, Anaïs Carvalho (Dans ta cuve !), Sofia Fischer, Gwénaëlle Fliti, André Gunthert, Sylvie Hugues, Mathieu Oui
PUBLICITÉ Directeur commercial, du développement et de la publicité Tom Benainous tom@becontents.com 06 86 61 87 76 Chef de publicité Joseph Bridge joseph@becontents.com 06 64 79 26 13 SERVICES GÉNÉRAUX Directeur administratif et financier Christine Jourdan christine@becontents.com Comptabilité Christine Dhouiri compta@becontents.com
Service diffusion, abonnements et opérations spéciales Joseph Bridge joseph@becontents.com Quitterie DuputelBonnemaison quitterie@becontents.com Fisheye Gallery Quitterie DuputelBonnemaison quitterie@becontents.com Marketing de ventes au numéro Otto Borscha de BO Conseil Analyse Média Étude oborscha@boconseilame.fr 09 67 32 09 34
Impression Léonce Deprez ZI « Le Moulin », 62620 Ruitz www.leonce-deprez.fr
Photo de couverture Brendan George Ko.
Dépôt légal : à parution. ISSN : 2267-8417. CPPAP : 0718 K 91912. Tarifs France métropolitaine : 1 numéro, 4,90 € ; 1 an (6 numéros), 25 € ; 2 ans (12 numéros), 45 € Tarifs Belgique : 5,20 € (1 numéro). Abonnement hors France métropolitaine : 40 € (6 numéros). Bulletin d’abonnement en p. 118.
Fisheye Magazine est composé en Centennial et en Gill Sans et est imprimé sur du Condat mat 115 g
Tous droits de reproduction réservés. La reproduction, même partielle, de tout article ou image publiés dans Fisheye Magazine est interdite.
Fisheye Magazine est édité par Be Contents SAS au capital de 10 000 €. Président : Benoît Baume.
Fisheye est membre de
Photogravure Fotimprim 33, rue du Faubourg-SaintAntoine, 75011 Paris
8-10, passage Beslay, 75011 Paris. Tél. : 01 77 15 26 40 www.becontents.com contact@becontents.com
Mention contractuelle : « Patrick Martin et Denis cuisy, associés fonDateurs »
Ours
Édito PHOTO DE FAMILLE : LE SELFIE DE SES ÉMOTIONS BENOÎT BAUME, DIRECTEUR DE LA RÉDACTION
Au début, le sujet ne m’emballait pas trop. La photo de famille ? Pour de vrai ? Le thème me semblait un peu rasoir, vite limité et un tantinet désuet. Et puis je me suis laissé convaincre. Toucher à la photo de famille, c’est explorer la question de l’intime. Celle de la représentation du bonheur, de son rapport à ses proches, de la trace qu’on nous laisse et de celle qu’on cherche à transmettre. On s’attaque aussi à la problématique de l’auteur et du sujet, de la mise en scène et du secret. Les champs exploratoires se révèlent vite vastes et complexes. Sans repasser dans les sillons de Pierre Bourdieu, Fisheye a lancé un appel à des artistes qui ont répondu présents afin de décortiquer ce thème avec une forme de légèreté sérieuse. La photo de famille nous ramène rapidement à une interrogation personnelle sur notre propre pratique et nous fait osciller entre la mélancolie et une joie pleine et substantielle. On se retrouve en introspection, quasiment en analyse face à ces concentrés d’émotions que sont les albums de famille ou leurs formes plus actuelles issues des smartphones. Et on se dit qu’on aurait dû faire plus et mieux pour les conserver. Mais ceci est une autre histoire. Sinon, Fisheye vous avait prévu une surprise, elle va enfin arriver. Nous allons ouvrir la Fisheye Gallery dans les mois qui viennent. Le concept : à chaque session, cinq jeunes auteurs proposeront une série de cinq images exclusives, tirées à cinq exemplaires par un laboratoire de premier plan. Chaque photo sera signée et numérotée, et proposée à un prix de 500 euros. L’idée est de lancer sur le marché des auteurs repérés par Fisheye et qui ont le potentiel, selon nous, de devenir des acteurs majeurs à terme. C’est aussi une manière de mettre en avant des œuvres en tirage très limité, de haute qualité et à un prix abordable par rapport aux pratiques actuelles. La Fisheye Gallery sera aussi un lieu où nous pourrons nous réunir. Célébrer les lancements de nos numéros et faire la fête sans raison particulière. Nous espérons que le concept vous plaira. N’hésitez pas à nous écrire pour nous faire part de vos suggestions. Elles ont toujours été vivement prises en compte depuis le début de notre petite aventure. Alors, à vos mails ! Nous les attendons.
I N S TA N TA N É S
LES
DESSOUS
DE
LA
CO U V
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Pour Brendan George Ko, la photo est un témoignage, la trace d’un moment, d’un lieu, d’une personne. Un acte presque symbolique, pour construire une mémoire visuelle et émotive. TexTe : Marie Moglia – PhoTos : Brendan george Ko
Brendan George Ko « Je vis une existence qui doit être filmée », voilà ce que nous répond Brendan George Ko, 30 ans, lorsqu’on l’interroge sur ses inspirations. Une citation qu’il tient du réalisateur Ross McElwee, l’un de ses artistes fétiches. La vidéo et le cinéma tiennent une place primordiale dans le travail de Brendan qui partage son temps entre Toronto, où
il est né, et Hawaï, sa région d’adoption. « Comme je bouge pas mal entre deux pays aux cultures très différentes, mes souvenirs s’égarent souvent. La photographie me permet de m’accrocher aux endroits et aux gens que j’ai croisés. » Pour lui, il n’existe pas d’art plus précis et vivant que la photographie. Attaché à la notion de mémoire, Brendan est un conteur
qui s’emploie à documenter le moindre instant partagé avec un proche ou un inconnu. C’est pourquoi il a réalisé, entre autres, la série The Wandering Hobo. Car, pour lui, la photo est aussi une affaire de rencontres, de liens et d’affection. www.brendangeorgeko.com
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Photo de famille : réalités et fictions TexTes : GwéNaëLLe FLiTi, irèNe JoNas, éric KarseNTy, MaThieu oui eT héLèNe rocco.
© Louise Narbo.
Les photos de famille occupent une place singulière parmi les images qui nous entourent. Des généalogistes aux collectionneurs, elles s’invitent dans nos vies au-delà des albums traditionnels. Photographes, cinéastes, écrivains, gens de théâtre… les artistes ne sont pas en reste pour interroger ces images de notre intimité et développer les histoires qu’elles recèlent. Si les photos de famille et leurs usages ont évolué avec les mutations de la société, leur relation au document (historique, sociologique ou politique) s’estompe au profit de fictions qui explorent nos réalités.
Marie-Paule Nègre Scrutations
© sara iMLouL. Marie-PauLe NèGre / siGNaTures.
« À la mort de mes parents, toutes les images de famille ont atterri chez moi. Les photos bien sûr, mais aussi la trentaine de petits films 8 mm qu’on se projetait au moins une fois par mois, dans le couloir de la maison. J’aimais beaucoup manipuler le film, le coller quand il cassait… c’était moi la projectionniste quand j’étais enfant, et je tenais souvent la caméra. J’ai intitulé cette série Scrutations parce que ça correspond pour moi à “gratter les images”, à fouiller la mémoire… Il y a un plaisir tactile à sonder ces photos minuscules, en sélectionner certaines, puis les tirer en grand format. Avec leurs couleurs particulières, elles sont bien plus que des photogrammes. Entre film et photographie, elles font renaître l’émotion des moments perdus dans le monde confus du souvenir. » www.signatures-photographies.com
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Louise Narbo Mémoire de papier
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© Louise Narbo.
« Mémoire de papier est né quelques années après la mort de mes parents. La succession achevée, les meubles vendus, les photos réparties. Je souhaitais nouer les papiers porteurs d’écriture avec les photographies. Je n’ai jamais utilisé les documents authentiques, j’ai tout rephotographié. J’ai ainsi tout repris, comme si je voulais me tenir derrière l’auteur de l’époque, le traverser, lui et son boîtier, pour être enfin le témoin des scènes du passé. Remonter le temps, tisser un récit qui m’appartiendrait et colmaterait ces vastes landes trouées des cratères de l’oubli. Aujourd’hui, je pense que ce titre est probablement relié à mon père qui me disait, lorsque j’étais triste : “Tu grandiras et tu oublieras !” Les objets et documents sont devenus, en quelque sorte, ma mémoire externe. » www.louisenarbo.fr
MISE AU POINT
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M IS E AU
POINT
É D U C AT I O N
Des ados des quartiers Nord de Marseille documentent leur quotidien et partent en reportage au cœur de la ville. Sortie photo sous le soleil, exactement. TexTe eT phoTos : Marie abeille
Les minots de la photo Il faut les voir, appareils photo à la main, professionnelles – pour la presse et pour une tout sourire, débarquant au pied de la équipe d’archéologie sous-marine –, Teddy Cité radieuse. Ils s’appellent Ryad, Nani, mène un projet baptisé Insulae depuis près Rayan, Oussam, Alfa et Nabil, ils ont entre de cinq ans. Le photographe retrouve en effet 12 et 16 ans. Tous habitent La Castellane, plusieurs caractères propres à l’isolement des dans les quartiers Nord de Marseille. Au- îles sur des lieux non entourés d’eau. Comme jourd’hui, les apprentis photographes ont pour pour La Castellane, « une véritable forteresse, terrain de jeu la célèbre « Maison du Fada », on est dans le parfait exemple du territoire dessinée par Le Corbusier, dans le 8e arron- isolé en milieu urbain », explique-t-il. Une dissement. Ils sont accompagnés forteresse dans laquelle on ne de Teddy Seguin, photographe, pénètre pas si facilement, surtout et de Naba, animateur du centre avec un appareil photo. À l’époque, OUSSAM, RYAD ET ALFA social. Au-delà de ses activités Teddy a alors pris contact avec SUR LE TOIT DU CORBUSIER.
le centre social du quartier, qui, toujours à la recherche de nouveaux projets culturels au sein de la cité, lui a demandé d’animer des ateliers. LES QUATRE SAISONS
Malgré une « absence totale de fibre pédagogique », de son propre aveu, le photographe a accepté. En septembre 2014, il a commencé à enseigner les bases de la prise de vue à une petite dizaine d’ados. Ensemble, ils ont élaboré le projet « Les quatre saisons de la Castellane »,
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C AMÉRA TEST
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Un b-boy qui aime la photo ? Voilà un bon cobaye pour un battle d’appareils, en musique, s’il vous plaît. TexTe eT phoTo : Marie abeille
Yaman
Test en rythme
Yaman, 38 ans — Yaman est tombé dans la danse quand il était tout petit. À Cergy, où il a grandi, c’était la mode du break. Au lycée, il trouvait des excuses pour s’échapper de classe et s’entraîner dans les couloirs. Un jour, il sèche les cours pour accompagner un danseur qui travaille sur la préparation d’une chorégraphie pour un événement. Yaman y croise la directrice de l’Académie internationale de la danse qui lui propose une bourse pour rejoindre son école. Il
quitte le lycée pour l’Académie et rencontre le chorégraphe Redha qui, dès la première année, lui offre de danser sur ses spectacles. Puis il est repéré par Kamel Ouali, avec lequel il collabore pendant plusieurs années. En parallèle, Yaman ne lâche pas l’underground et s’épanouit pleinement dans les battles de break. En 2008, il part à New York sur un coup de tête tenter une audition pour la prochaine tournée de Madonna. Au culot, il passe les différentes sessions avec succès
jusqu’à la consécration : chorégraphier une des chansons de la Madone et danser sur le Sticky and Sweet Tour pendant deux ans. En 2012, Yaman enquille avec le MDNA Tour. Aujourd’hui, le petit gars de Cergy a bien grandi et alterne comédie, danse, chorégraphie et photographie, une passion qu’il s’est découverte au fil de ses voyages et de ses rencontres. Instagram : @yam_sonite
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PRISE
EN
MAIN
Petite incartade du côté des objectifs pour nous intéresser aux nouveaux Tamron 35 mm f/1,8 et 45 mm f/1,8, deux focales fixes qui s’adressent aux amoureux des belles optiques. Les deux objectifs étudiés ici sont destinés à des reflex Canon, Nikon ou Sony. Conçus pour les capteurs 24 x 36 mm, ils peuvent aussi être utilisés sur les boîtiers à capteur APS-C. Leur angle de champ sera alors réduit, et ils se comporteront comme des 55 mm ou des 70 mm. TexTe eT phoTos : Jean-ChrisTophe BéCheT
Tamron SP 35 mm f/1,8 Di VC
Tamron SP 45 mm f/1,8 Di VC
Le choix des gourmets
Longtemps Tamron a été spécialisé dans la production de zooms spectaculaires, comme les 18-200 mm et 18-300 mm, des modèles économiques qui ont séduit un large public. Aujourd’hui, dans le sillage de son grand concurrent Sigma, Tamron cherche à monter en gamme et à concurrencer Canon ou Nikon sur le terrain des objectifs experts. Ce 35 mm f/1,8 et ce 45 mm f/1,8 en sont la preuve. Certains s’étonneront de ce choix radical. En effet, les zooms peuvent sembler aujourd’hui plus modernes et polyvalents que les focales fixes. Cela se vérifie pour la photographie familiale et pour certaines disciplines comme la photo animalière ou sportive, le reportage d’actualité, etc. En revanche, pour des pratiques artistiques, les focales fixes restent essentielles. Après des années de « zoomite » aiguë, le monde du numérique semble enfin redécouvrir le charme des objectifs monofocaux, qui obligent le photographe à se concentrer sur son viseur et à se déplacer pour trouver le bon angle et la bonne distance de cadrage. La cohérence visuelle d’une série d’images sera toujours plus forte avec l’emploi d’un tel objectif. Grâce à sa souplesse d’emploi, le zoom tout-terrain incite l’opérateur à la facilité : à quoi bon bouger puisque je peux zoomer ? Bref, les focales fixes continuent de séduire ceux qui pensent qu’une photo se construit avec calme, précision et passion. Slow-food contre fast-food ? Oui, un
peu… Et si on regarde l’histoire de la photo, on remarque vite que peu d’auteurs majeurs ont utilisé des zooms. POINTS DE VUE DÉCALÉS
Les techniciens savent que les focales fixes sont plus performantes sur le plan optique et qu’elles conservent des avantages en termes de luminosité et de distance de mise au point minimale. Nos deux objectifs Tamron en sont la preuve : avec des ouvertures maximales de f/1,8 et des distances de focalisation de 20 cm (pour le 35 mm) et de 29 cm (pour le 45 mm), ils se situent en haut du panier. Cette capacité à s’approcher d’un sujet est souvent sous-estimée, car c’est aussi ce qui autorise des points de vue décalés et des perspectives étonnantes. De plus, en associant une prise de vue rapprochée à l’emploi d’une grande ouverture, on va réduire la profondeur de champ et créer ce fameux flou d’arrière-plan appelé « bokeh ». Un flou naturel, et non créé artificiellement par des logiciels spécifiques. Bref, pour rester dans la métaphore culinaire, avec des focales fixes on pratiquera une photo bio, garantie sans OGM ! En fidèle défenseur des focales fixes, j’attendais beaucoup de ces deux nouveaux Tamron. Leur fiche technique est alléchante, puisqu’ils bénéficient de toute la batterie des accessoires modernes : un système de stabilisation VC, une
motorisation autofocus USD, des lentilles à revêtement en fluorine, un traitement eBand pour réduire le flare et les effets d’images fantômes, sans oublier une construction métallique somptueuse avec cinq joints d’étanchéité. Et comme tout cela est combiné avec une ergonomie de mise au point bien conçue, fluide et précise, le plaisir est au rendez-vous dès le premier contact. Un peu comme lorsque l’on s’assoit dans le fauteuil en cuir d’une berline haut de gamme et que l’on manipule un levier de vitesse qui s’adapte parfaitement à notre main. On peut nommer cela luxe et volupté, je préfère parler de confort et de plaisir d’utilisation, car, heureusement, le prix de ces Tamron – autour de 750 euros chacun – n’a rien à voir avec celui de certaines automobiles. FOCALE POLYVALENTE
J’ai d’abord utilisé le 35 mm monté sur un Nikon Df. L’objectif est plutôt imposant avec ses 450 g. C’est le poids à payer pour bénéficier d’une telle luminosité, d’une belle construction et d’une large bague de mise au point, très agréable à utiliser en manuel, ou en appui de l’AF. J’ai juste regretté l’absence d’échelle de profondeur de champ. La stabilisation, que l’on peut déconnecter, m’a semblé efficace pour gagner environ deux valeurs. Elle sera utile autour du 1/15e s ou du 1/30e s., si on a peur de perdre du piqué en raison du risque de bougé.
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PRISE
EN
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MAIN
45 mm, 400 ISO, f/4, 1/100e s. LA FOCALE NORMALE DU 24 X 36 EST LE 43 MM, DIAGONALE DU FORMAT. CE 45 MM S’EN RAPPROCHE ET PERMET DE CADRER AVEC PRÉCISION, MÊME DANS DES CONDITIONS DE LUMIÈRE ATTÉNUÉE. L’AUTOFOCUS A BIEN RÉAGI, MALGRÉ LA PRÉSENCE D’UNE VITRE.
35 mm, 100 ISO, f/16, 1/30e s. GRÂCE À LA STABILISATION, ON PEUT DESCENDRE EN SENSIBILITÉ ET UTILISER À MAIN LEVÉE DES VITESSES LENTES. LES ÉLÉMENTS EN MOUVEMENT SERONT FLOUS, ALORS QUE LES ÉLÉMENTS STATIQUES RESTERONT NETS. ET MÊME À F/16, ON NE NOTE PAS DE PROBLÈME DE DIFFRACTION.
La qualité d’image obtenue est d’un excellent niveau, digne d’une focale fixe de référence, avec une vraie homogénéité de rendu à partir de f/2,8. Une petite accentuation classique en postproduction redonnera un peu de microcontraste selon les sujets traités, notamment pour les paysages. Bien sûr, à f/1,8, l’image est un peu molle et les ciels sont assombris dans les coins (vignetage classique), mais rien d’excessif, surtout en numérique où les logiciels correcteurs font merveille. Pas de distorsion visible, et donc un excellent bilan pour ce semi-grand-angle qui reste, à mon sens, la focale la plus polyvalente de toute la gamme 24 x 36. J’ai ensuite monté le 45 mm f/1,8 sur le Nikon Df, et j’ai trouvé les mêmes résultats en termes de piqué, vignetage et distorsion. Techniquement, il est toutefois plus aisé de réussir optiquement un 45 mm qu’un 35 mm. Plus on se rapproche des valeurs standard (entre 50 et 70 mm), plus il est facile d’éliminer ou de réduire les défauts optiques. Donc logiquement, ce 45 mm est excellent, notamment pour les sujets proches. En numérique, la restitution des sujets lointains pose toujours davantage de problèmes aux objectifs, en termes de piqué, entre autres. Ce 45 mm ne fait pas exception. Toutefois, à condition de ne pas craindre les objectifs imposants (il atteint les 500 g), on sera conquis par ce Tamron qui est au niveau des 50 mm de référence de Canon, Nikon, Zeiss ou Sigma. Bravo ! STABILISATION EFFICACE
Au final, les promesses sont tenues, et ces deux Tamron permettent d’entrer dans le luxe photographique sans se ruiner. Si, en termes de qualité d’image pure, il sera difficile de les trouver visuellement supérieurs aux modèles déjà connus des autres marques, ils offrent deux avantages vraiment appréciables : une stabilisation efficace sur au moins deux valeurs de diaphragme, et une fabrication soignée, robuste et agréable à l’usage. Le plus délicat sera sans doute de se décider entre le 45 mm et le 35 mm. Ces deux focales sont trop proches pour ne pas être en concurrence. Si Tamron avait proposé un 25 mm et un 45 mm, ou un 35 mm et un 75 mm, on aurait pu les associer. Là, il faut choisir ! Le 45 mm s’utilise comme un 50 mm, le 35 mm comme un semi-grand-angle. Ma préférence personnelle ira au 35 mm, mais nous sommes là dans la subjectivité du goût. Un peu comme au restaurant quand, pour le dessert, la carte vous propose un tiramisu ou des profiteroles. Prendre les deux ne serait vraiment pas raisonnable.
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SENSIBILITÉ
S H A N E F I F T Y
LY N A M
H I G H
Après avoir travaillé sur la banlieue parisienne avec sa série Contours, Shane Lynam, le plus francophile des photographes irlandais, s’attaque avec Fifty High Seasons aux stations balnéaires construites entre Montpellier et Perpignan dans les années 1960. Issu de la « Mission Racine », ce projet immobilier avait pour ambition de créer une nouvelle source de revenus pour la région Languedoc-Roussillon en développant le tourisme. Un projet qui avait aussi une dimension sociale et voulait permettre l’accès aux bords de mer à toute une classe populaire. Cinquante ans plus tard, l’utopie architecturale a quelque peu vieilli, mais le regard tendrement
S E A S ON S
décalé de Shane Lynam lui redonne des couleurs. Né en 1980 à Dublin et diplômé d’un master en photographie documentaire de l’université du pays de Galles en 2012, le photographe nous donne une vision poétique et politique de toutes les hybridations de nos périphéries, entre enquête et vagabondage. Jusqu’au 26 juin, ce travail est exposé au Centquatre, à Paris, dans le cadre de Circulation(s), le Festival de la jeune photographie européenne, dont Fisheye est partenaire. Éric Karsenty www.shanelynamphoto.com www.festival-circulations.com
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LIVRES
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TexTe : Éric KarsenTy – PhoTos : Marie abeille
A
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A – Dark City :
Urban America at Night LYNN SAVILLE Les balades nocturnes de Lynn Saville nous entraînent dans les rues des cités américaines, de New York à Philadelphie, en passant par Detroit, Cleveland, Baltimore et bien d’autres. Dark City nous donne à voir des villes photographiées du crépuscule à l’aube comme autant de décors d’un film étrange d’où s’échappent parfois des fantômes. Ce troisième ouvrage de l’auteur consacré à la nuit distille un mystère envoûtant. Éd. Damiani, 45 €, 128 pages.
B – 42,84 km2 sous le ciel JACQUELINE SALMON Sous ce titre purement géographique se cache en fait un projet ambitieux : représenter une ville,Toulon. Portraits, paysages, collection de ballons de rugby, de pompons de marins ou de presse locale… Jacqueline Salmon a parcouru la ville, ses archives et ses alentours pour assembler ses images comme un grand puzzle, dans lequel Jean-Christophe Bailly à laisser courir sa plume. Éd. Loco, 35 €, 256 pages.
C – Rock
JEAN-LUC BOETSCH Le Grand Ouest américain est un lieu fascinant, marqué par des figures de l’histoire de la photo comme Ansel Adams et Edward Weston. Cette double fascination a entraîné Jean-Luc Boetsch sur ces territoires immenses et désertiques. Mais ses images impeccables et superbement imprimées, nettes du premier plan à l’infini, se présentent trop souvent comme des prouesses techniques. C’est dommage, d’autant que dans cette édition trop généreuse se cachent quelques pépites. Éd. Trans Photographic Press, 45 €, 136 pages.
D – La Condition
post-photographique SOUS LA DIRECTION DE JOAN FONTCUBERTA Édité à l’occasion du dernier Mois de la photo à Montréal, cet ouvrage dirigé par Joan Fontcuberta tente de faire le point sur la condition post-photographique. Illustré par les travaux de 29 artistes, ce livre propose de nombreuses analyses critiques abordant, entre autres, la notion d’auteur et les pratiques « appropriationnistes ». Éd. Kerber, 45 $, 176 pages.
E – Danser la peinture :
Pour une contrehistoire dansée de l’art LAURENT PAILLIER ET PHILIPPE VERRIÈLE Mettre en relation danse et arts plastiques, c’est le défi de ce livre pensé par Laurent Paillier, photographe, et Philippe Verrièle, critique de danse. À chacun des onze chapitres, un jeune chorégraphe revisite l’œuvre d’un plasticien. Une manière inédite de faire bouger les images… Éd. Scala, 35 €, 172 pages.
S ENSIBILITÉ
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LIVRES
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F – Fukushima,
Fragments KOSUKE OKAHARA Il y a cinq ans, le 11 mars 2011, des vagues de 30 m déferlaient à l’intérieur du Japon, provoquant un drame humain de plus de 18 000 morts. Un tsunami qui faisait suite à un violent séisme fut à l’origine de l’explosion partielle de la centrale nucléaire de Fukushima. Durant quatre ans, Kosuke Okahara a arpenté ces espaces empoisonnés et ces maisons détruites pour photographier la désolation et le silence dans un noir & blanc sobre et délicat. Éd. de La Martinière, 50 €, 176 pages.
G – Now and Then
SARAH MOON Qu’elle photographie la mode, les animaux ou la nature, Sarah Moon transfigure à chaque fois la réalité pour en façonner des images empreintes de rêves. Cet ouvrage des éditions Kehrer, qui accompagne une rétrospective présentée à Hambourg, réunit dans une élégante maquette et une impression impeccable un joli parcours de son travail, que viennent éclairer plusieurs textes et entretiens (en anglais). Éd. Kehrer, 45 €, 160 pages.
H – Srebrenica,
nuit à nuit ADRIEN SELBERT Les lecteurs de Fisheye s’en souviennent certainement, et pour ceux qui auraient manqué le portfolio d’Adrien Selbert sur la génération Srebrenica – publié dans notre numéro 13 –, les éditions du Bec en l’Air viennent de rassembler son travail, qui a aussi obtenu le prix Maison-Blanche. Éd. Le Bec en l’Air, 19 €, 88 pages.
I – Glasgow
RAYMOND DEPARDON On a découvert le travail couleur de Raymond Depardon lors de l’exposition Un moment si doux, au Grand Palais, au cours de l’hiver 2013-2014. Tout n’était pas convaincant, sauf certainement ce reportage réalisé à Glasgow pour le Sunday Times Magazine, qui n’avait pas été publié. Un travail sans artifice et en délicatesse, où la couleur se révèle nécessaire. Éd. du Seuil, 29 €, 144 pages
J – Un nouveau regard
sur la mobilité urbaine BRUCE GILDEN Johannesburg, Manchester, New York, Paris, Hong Kong… Bruce Gilden a l’habitude d’arpenter les villes et de saisir au vol, avec son flash et sa lumière crue, les passants qui les traversent. Avec un noir & blanc sans concession, il nous livre le fruit de sa commande sur la mobilité urbaine confiée par la RATP. Un résultat décapant, comme seul un grand de la street photography pouvait le réaliser. Éd. de La Martinière, 30 €, 96 pages.
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S EN S IB I LITÉ
COMMUNITY
Tumblr des lecteurs
DISSECARE.TUMBLR.COM
« Découper » et « disséquer » sont des mots tirés du latin dissecare. Voici comment Lou Stymes, 28 ans, a choisi de baptiser son Tumblr. C’est en déménageant à l’étranger que la jeune femme a ressenti le besoin de photographier. Son regard affûté et sa maîtrise un peu sauvage des lumières et du cadrage dévoilent une jolie sensibilité nourrie à l’intuition et au geste spontané.
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GOLEDZINOWSKI.TUMBLR.COM
Sylvain Mignot, alias Sayem, est producteur. Son univers professionnel, c’est la musique : « J’aime penser que, si la musique m’a appris à écouter, la photographie m’aide à voir. » Avec une grande réserve, Sylvain se présente plutôt comme « un témoin de jolies choses » que comme photographe. Cette réserve pourtant n’apparaît pas dans ses images. Car Sylvain parvient à capter une force enivrante et révèle les gens qui passent devant son objectif.
S ENSIBILITÉ
ZEELL.TUMBLR.COM
Ce Tumblr se présente comme un « jeu sensible de montage-démontage de toutes ces images accumulées au cours de mon existence ». Carole Tassart s’est inscrite sur la plate-forme il y a quatre ans, peu de temps
GUILLAUMEGAUBERT. TUMBLR.COM Guillaume Gaubert, 23 ans, se décrit comme « quelqu’un de très nostalgique ». C’est parce qu’il a besoin de s’accrocher à ses souvenirs que le jeune homme s’est embarqué dans la photographie, il y a un peu plus d’un an. C’est souvent en voyage que Guillaume donne corps à sa passion. Il se cherche en même temps qu’il cherche notre regard. Et il réussit parfois à nous perdre avec lui dans l’éblouissement des paysages qu’il découvre au cours de ses randonnées.
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COMMUNITY
LUCIE35MM.TUMBLR.COM
Il y a moins d’un an, Lucie Delavay, 27 ans, se lançait dans la photographie. En faisant défiler les images de son Tumblr aux allures brutes et rétro, force est de constater que, pour une débutante, Lucie a déjà un style bien affirmé. Aujourd’hui recruteuse dans le Web, la jeune femme rêve de photoreportages et de nouvelles rencontres. En attendant, elle ne sort jamais sans son Olympus Mju-II.
avant son entrée à l’École des beaux-arts. Ses photographies tirées de son quotidien se succèdent selon une « logique poétique ». Dans ce flux continu d’images, elle nous raconte son histoire.
YA-TENDER.TUMBLR.COM
Mystérieuse et intrigante, Ya Tender est son propre modèle. Sauf sur son Tumblr, où elle dévoile des images de son environnement quotidien. Ces clichés plus personnels révèlent tout autant que ses travaux sa vulnérabilité et les émotions qui la bouleversent. Secouée par ses propres chagrins, Ya a trouvé dans la photo le moyen de canaliser ses réflexions, son obsession du je et sa fascination pour l’étrangeté du corps.
Chronique
Quand vous tapez son nom dans Google, il ressort environ 500 000 occurrences. Juste sur la partie Actualités, on arrive à pas loin de 30 000 articles. Bettina Rheims fait le buzz avec son exposition à la Maison européenne de la photographie (MEP). Elle a bénéficié d’une couverture presse quasi inédite par son ampleur, la diversité des médias qui s’en sont fait l’écho et les débuts de polémiques qui contribuent à attirer l’attention. Le but de mon propos ici n’est pas de poser la question de la qualité de cette exposition, mais de s’interroger sur l’importance, pour des institutions qui portent la photo, d’attirer le public. En moyenne, l’ensemble des musées français, selon les estimations du ministère de la Culture, a drainé 70 millions de visiteurs en 2014. Le Louvre arrive en tête avec 9,3 millions de visiteurs, et il reste le premier musée au monde. À Paris, suivent Orsay et Pompidou, avec environ 3,5 millions d’hôtes par an chacun. Quand on revient sur le territoire de la photo, sur cette même année 2014, le Jeu de Paume annonce 317 000 visiteurs payants, la MEP, 190 000, et les Rencontres d’Arles, un peu moins de 100 000. La photographie reste donc, dans les grandes masses, un faible pourvoyeur d’entrées muséales. L’exposition Lucien Clergue qui vient de se terminer a ainsi regroupé 65 000 visiteurs au Grand Palais, ce qui est considéré comme un succès. Pour revenir à la MEP, un bon accrochage va rassembler 50 000 visiteurs. Certaines expositions ne feront que 25 000 entrées. Celle de Bettina Rheims est partie pour dépasser les 150 000. Avec environ 1 500 personnes par jour, en semaine, elle multiplie par plus de cinq l’audience habituelle du lieu. Cet engouement massif du public bénéficiera forcément à la MEP qui va certainement battre son record de 2013 de 230 000 entrées, acquis grâce à l’exposition de Sebastião Salgado. Bettina Rheims va ainsi assurer l’année de la Maison européenne de la photographie et contribuer au financement du lieu et des futures expositions de photographes moins connus. La logique du nombre de visiteurs, dans un État qui voit ses ressources disponibles baisser, s’impose désormais à tous les conservateurs de musée et reste un des marqueurs les plus visibles du succès d’un établissement. Évidemment, ce chiffre ne parle pas forcément de la qualité d’une curation, du travail de fond effectué ou de l’aide apportée à la création, mais il préfigure une disposition à élargir son champ d’action et apporter de la visibilité à des artistes en devenir. Sans en faire un veau d’or, il faut donc savoir observer ces chiffres avec finesse et en comprendre les ressorts qui sont bien plus vastes que leur apparence. La récente liquidation de la Pinacothèque de Paris – musée entièrement privé qui n’hésitait pas à jouer la surenchère médiatique et marketing pour mettre en avant des grands noms – en est le parfait contreexemple. Sans travail de fond, le public ne suivait plus. Même le célèbre Karl Lagerfeld, qui a vu son exposition photographique en cours se fermer prématurément, n’aura rien pu y changer. Comme quoi, les célébrités ne sont pas toujours le gage d’un succès qui demeure plus capricieux qu’il n’y paraît. Benoît Baume
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LA LOI DES GRANDS NOMS ET DES GRANDS NOMBRES