FLACONS of
CHAMPAGNE
Confi dences d’une terre d’exception
HORS-SERIE N U M É R O G R A T U I T 0 4 J U I L L E T 2 0 1 5 , S U P P L É M E N T D E L’ E Q U I P E N ° 2 2 2 6 4 N E P E U T Ê T R E V E N D U S É PA R É M E N T
FLacons of
chaMpagne
directeur de la publication, directeur de la rédaction : Roberto alvarez Journalistes : essi avellan, anne Lefèvre, hélène piot, christophe d’antonio, Jean-pierre prault, alain Vincenot
s m i r i e n Rité d’ave 0 à4
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directrice artistique : anne duhem, Merci à Fabrice Levannier, Richard alvarez, corinne Soulard photogravure : noureddine gourri comité éditorial : patrick poivre d’arvor, antoine Roland-Billecart, paul Lefèvre, paul Wermus, Jack Russel, nji Modeste chouaïbou Mfenjou
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Remerciements : alain et corinne perot, anne et emmanuel Bride, patrick panaïotis, elie aoun, anne harbulot, les deux Félix et isabel alvarez, Jacky, annie et philippe Leclère, isabelle et Louise. Rédaction et administration : FLacOnS pReSSe 29, rue des Poissonniers 51100 Reims e-mail : flacons.presse@gmail.com dépôt légal en cours
Ville de Reims - Direction de la Communication - © J. Driol
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photographes : Fred Laurès, Michael Boudot, Matias indjic (Madame Figaro), Franck prignet (Figarophoto)
Rendez-vous : cercle d’Or 20, rue Thiers 51100 Reims Régie publicitaire : présidente Marianne Siproudhis dga : christèle campillo Martine Berla Responsable technique : christine denis-couriol aMaURY MediaS 738 rue Yves Kermen 92658 Boulogne-Billancourt Tel : 01 41 04 97 00 photo couverture : © henry clarke / galliera / Roger-Viollet et ADAGP, Paris 2015
z La rédaction de Sport&Style n’a pas pris part à la réalisation de ce hors-série
édito
Made in chaMpagne J’ai conçu ce magazine comme une gourmandise effervescente. Avec la méticulosité d’un chef de caves et le vertige du funambule au-dessus de l’abîme. Qui ne s’angoisserait pas à la naissance de sa première cuvée ? Même si, en l’occurrence, la mienne est en papier. Je voulais par aussi que ce «bébé» voie le jour à Reims, pour être roberto alvarez au plus près du vignoble. N’y voyez aucune maladresse de ma part si je m’explique auprès des acteurs du champagne. Le propos peut évidemment intéresser tous les lecteurs. L’idée qui m’a guidée est d’éditer des photos qui étincellent et des textes qui aient du sens, de mettre en valeur un terroir, ses hommes et ses femmes, de façon inédite et pétillante. Quelque chose d’onirique, à l’image de ce ciel diaphane qui enveloppe parfois la Champagne. C’est une galerie de portraits, traitée dans un style en phase avec son époque, qui ouvre le bal. Nous ne serons pas les arbitres féroces, parfois rances, de la dégustation verticale et horizontale. Il y a pléthore de sachants en la matière. Mais les témoins des élégances, des fulgurances, de ce qui se cogite pour faire bouger les lignes. Nous ne sommes que des passeurs d’histoires. En apportant une touche contemporaine, parce que le monde bouge et que les concurrents de la divine bulle affûtent leurs stratégies. Même si l’on ne peut pas copier ce qui est inimitable, il convient de revenir (peut-être) aux fondamentaux, à la nature originelle de ce vin d’exception. On ne doit pas négocier le prestige à la baisse. Il faut être vigilants et construire les ponts entre le monde d’hier, celui d’aujourd’hui, tout en anticipant les tendances de demain. Telle est l’équation. Avec Le pLaisir la toute la sagesse et l’expertise dues à son rang, des sens Antoine Roland-Billecart, Commandeur de l’Ordre des Coteaux de Champagne, estime que L’essence « La concurrence internationale est de plus en du pLaisir plus rude. Le prosecco italien a fait une percée. Il faut être vigilant et se remettre en question, ce que nous Français ne savons pas toujours faire ». « Fédérer toutes les grandes familles champenoises pour promouvoir notre sous-sol quasi unique au monde avec sa craie, c’est une mission qui me paraît importante », ajoute-t-il. Et, laisser ainsi le soin à nos Marco Polo, à nos Alexandra David-Néel du vignoble d’ouvrir de nouvelles « routes de la soie ». Et, si la candidature UNESCO des « Coteaux, Maisons et Caves de Champagne » était demain validée, ce serait alors la cerise sur le gâteau, comme majuscule finale ! z FLacons
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VEUVE CLICQUOT
UN HYMNE A LA VIGNE PAR CHRISTOPHE D’ANTONIO ❚ PHOTO KAI MÜLLER
Dominique Demarville, chef de caves de Veuve Clicquot, en toute décontraction à Berlin.
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boizel.fr adolescent, il se destinait à l’agriculture ou à l’élevage. Et puis, un jour, il a découvert la vigne. Premières vendanges. coup de foudre. De la science du vin, Dominique Demarville décide de faire son métier. avec cet amour et ce respect de la nature dont il ne s’écarte jamais, car il sait que l’homme lui doit tout quand il fait profession de vivre de ses fruits.
Son village, Tauxières-Mutry, est à un jet de pierre de Bouzy, où l’on cultive un très bon pinot noir pour Veuve Clicquot. Tous les week-ends, Domnique Demarville parcourt les vignes en compagnie de sa chienne golden retriever. L’hiver, il va marcher dans la forêt. « Pour les odeurs et parce que ça m’inspire », dit-il. L’été, il va taquiner la truite dans ses Ardennes natales. « Cette année, j’ai prévu d’apprendre à pêcher à la cuiller, la technique la plus noble et la plus difficile », indique-t-il.
D’aussi loin qu’il s’en souvienne, Dominique Demarville a toujours voulu vivre de la terre. Fils d’une infirmière et d’un ouvrier de l’industrie textile, il a grandi à la campagne, dans les Ardennes, parmi les enfants d’agriculteurs. Il passe tous ses étés avec eux dans les champs, pour les moissons. « Tombé amoureux de l’agriculture et de la terre », il s’inscrit au lycée agricole de Rethel. Là, il se lie d’amitié avec un fils de vignerons champenois. Rencontre déterminante. Automne 1985. Il a 18 ans lorsqu’il participe à ses premières vendanges « sous un soleil rayonnant » à Charly-sur-Marne, à l’invitation de son copain de lycée. Une révélation. La vigne, le raisin, le champagne. Il a trouvé sa voie. Ce sera un BTS au lycée viticole d’Avize, en Champagne, puis un diplôme d’œnologie à Dijon, en Bourgogne, pour parfaire sa formation théorique.
Dominique Demarville a toujours vécu à la campagne. Pour rester au contact de la nature. Il a son jardin potager, dans lequel il fait pousser haricots verts, tomates et salades. En vrai terrien, il sait que la nature peut être « très généreuse, mais aussi très sévère ». Certaines années peuvent être difficiles. L’angoisse, c’est de manquer de raisin. « En 2011,
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savoir écouter son cœur plutôt que sa raison j’ai vécu une des années les plus délicates de ma carrière », raconte-t-il. Des vendanges très précoces, en août, dans des conditions climatiques extrêmes, un temps chaud et humide. « Une récolte déficitaire, c’est la pire des choses. On est obligé d’écarter certains raisins et de faire le choix de produire moins », explique-t-il. Dominique Demarville est le garant de la qualité et la constance du goût maison. « Mon métier comporte trois rôles d’égale importance. D’abord le travail avec les vignerons pour assurer l’approvisionnement. Ensuite, l’élaboration des vins et la création des assemblages. Enfin, un rôle de communicant auprès des clients, des revendeurs, des journalistes », indique-t-il. La première qualité exigée d’un chef de caves ? « Être un bon dégustateur, bien sûr. Cela veut dire aimer déguster et savoir parfois écouter son Cœur plutôt que sa raison », poursuit-il. Tout aussi important, pour Dominique Demarville, la qualité des relations humaines. Avec son équipe d’œnologues, avec les clients et aussi les viticulteurs. « J’ai une relation très forte avec les gens de la terre soumis aux caprices de la nature », dit-il. On s’en serait douté z
Rio Grande - Photo Thomas Dhellemmes
Ensuite, Dominique Demarville fait ses classes. Il se frotte au travail de la vigne et apprend son métier, d’abord dans une petite maison familiale, à Mesnilsur-Oger, sur la Côte des Blancs, puis au sein de la maison Bauget-Jouette, à Epernay. En 1994, il rejoint la maison Mumm. Quatre ans plus tard, il en devient le chef de caves. Il a 31 ans. « C’est plutôt jeune pour une telle responsabilité, mais j’avais la confiance de mon président, Jean-Marie Barillère », dit-il. En 2006, Jacques Peters, le chef de caves de Veuve Clicquot, la prestigieuse maison à l’étiquette jaune, l’appelle auprès de lui. Dominique Demarville le seconde pendant trois ans, avant de lui succéder en 2009. Chef de caves de Veuve Clicquot, il a atteint le sommet de sa profession. « J’ai la chance de bénéficier d’une grande liberté. Le groupe LVMH, propriétaire de Veuve Clicquot, laisse s’exprimer les créateurs et nous permet de franchir certains horizons », dit-il. Aujourd’hui, à 48 ans, Dominique Demarville, marié et père de trois enfants, habite une maison dont la vue donne sur les vignes de la Montagne de Reims.
Une insoutenable légèreté...
L ’ A B U S D ’ ALCO O L E S T DA N G E R E U X P O U R L A SA NTÉ - À CO N S O M M E R AVE C M O D É R AT I O N
deutz
L’inoxydabLe rosset Fabrice
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par Hélène piot z pHoto MicHael Boudot
Sur les hauteurs de Aÿ-Champagne, un instant de détente pour ce passionné de Harley-Davidson.
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Il est convaincu des qualités de « son » champagne mais prend toujours soin de rendre hommage aux concurrents qu’il admire. Il est bienveillant mais ses flèches font toujours mouche. Le P-dg de Deutz ressemble terriblement à l’espiègle statue qui est l’emblème de la maison.
C’est l’homme pour qui l’expression « Une main de fer dans un gant de velours » aurait pu être inventée. Une élégance à la James Bond période Sean Connery, et une détermination à la Lino Ventura dans les Tontons flingueurs. Un corps de sportif – l’homme a été professeur de karaté et grand adepte de boxe américaine – sur qui le costume tomberait impeccablement. À 65 ans, la silhouette élancée et le sourire éclatant de Fabrice Rosset continuent à illuminer Deutz. Le président-directeur général a pris la tête de la maison en 1996, après trois ans passés au conseil d’administration, « pour voir, écouter et me fondre dans le paysage. C’étaient comme des fiançailles avant un mariage. J’ai l’image d’un fonceur mais on ne s’impose pas chez Deutz: on s’immisce. » Les 22 années passées chez Rœderer – dont il a fini vice-président – l’y avaient préparé. Deutz, Rœderer: deux marques phares de la famille Rouzaud, régulièrement classée parmi les cent plus grandes fortunes françaises. « Si je n’avais pas pris ce temps de l’observation, j’aurais pu être considéré comme un parachuté de chez Rœderer. Ça n’a jamais été le cas.» Arrivant d’une marque de faste et de luxe, dont le fleuron Cristal est le champagne le plus cher du monde, « il fallait bien ce temps pour s’imprégner des valeurs de Deutz: l’humilité, la modestie, le souci de proposer le meilleur rapport qualité-prix possible...» Pour autant, le simple membre du conseil d’administration d’alors ne tarde pas à s’imposer: « J’ai imaginé la cuvée Amour de Deutz dans ces années-là. Je voulais créer un blanc de blancs d’exception qui soit l’étendard de la marque. La statue de l’angelot qui ornait la cour de la maison s’est imposée comme son emblème: sensuelle, universelle et unique en même temps. » Lorsque Fabrice Rosset prend les rênes, les chiffres sont, de son propre aveu, « désolants. Et le stock n’était pas au niveau qualitatif souhaité. J’ai vendu un demi-million de bouteilles et je me suis attaqué
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au redressement. À l’époque, Deutz vendait 600 000 flacons par an. En 2013, elle a dépassé les deux millions. Et vise les 2,15 millions cette année. » Pour faire taire les mauvaises langues qui n’ont pas manqué de demander comment cette augmentation était possible sans achats massifs de vignoble (la maison ne possède que 42 hectares), le P-dg n’a pas vociféré, menacé ou montré les muscles. Il a simplement logé tous les champagnes de la maison dans les flacons très caractéristiques jusque-là réservés à la cuvée William Deutz. De ce fait, impossible de prétendre que les bouteilles avaient été achetées sur lattes à d’autres producteurs, avec un simple changement d’étiquette. « Quand je suis arrivé, Deutz faisait également 97% de marque acheteurs (des champagnes étiquetés au nom de ses clients , NDLR). Nous n’avons conservé que les plus prestigieuses: l’hôtel Beau Rivage à Genève, le groupe Taillevent et les hôtels Penisula.» Enfin, le champagne Deutz du début des années 1990 avait un côté un peu trop austère. « Je me suis
« On peut être rigoureux sans être austère » évertué à le gommer. L’austérité, ça ne colle ni avec Deutz, ni avec moi. On peut être parfaitement rigoureux sans être austère. Heureusement, il y avait aussi une certaine discrétion, un chic, une élégance qui se reflétaient dans le vin. Ce sont eux que j’ai mis en valeur. » La droiture, la rigueur, la discrétion, l’élégance... au bout de tant d’années, les qualités de l’entreprise et de son dirigeant se seraient-elles fondues au point d’en faire des jumeaux? « Ah non, réplique Fabrice Rosset dans un éclat de rire. Je ne me prends pas pour ce que je ne suis pas. Si Deutz devait avoir un jumeau, ce ne serait pas moi, mais mon équipe au complet. Il est évident qu’on ne peut pas passer des décennies ensemble sans partager les mêmes valeurs. Après, si mon sens de l’endurance (acquise au fil de décennies de cyclisme et de randonnée en montagne, NDLR) et mon amour de la vie nous donnent à tous le même sourire que l’amour de Deutz... j’aurai un peu réussi mon pari. » z
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ADDITIONNER LES FORCES MULTIPLIER LES CHANCES
Henriot
OMBRE ET LUMIÈRE
POUR MENER À BIEN VOS PROJETS, C’EST SOUVENT LA BONNE RENCONTRE QUI FAIT TOUTE LA DIFFÉRENCE.
par CHristopHe D’antonio z pHoto FreD Laurès
Organiser et placer votre patrimoine en cohérence avec vos objectifs, réduire votre pression fiscale, préparer la cession ou la transmission de votre entreprise... À la Banque Populaire, votre conseiller saura orchestrer la bonne rencontre avec un Conseiller en Gestion Privée qui vous aidera à optimiser votre stratégie patrimoniale.
Les rendez-vous patrimoniaux ne sont pas seulement pour les autres, parlez-en avec votre Conseiller Banque Populaire ! Thomas Henriot, directeur général du champagne Henriot, poursuit l’œuvre de son père.
#LaBonneRencontre
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« savoir être intemporel et en dehors des modes passagères » vignes, goûter les premiers jus et visiter les sombres crayères. « Une période fondatrice », commente Thomas Henriot. Pour poursuivre l’œuvre paternelle, Thomas Henriot a fait sienne la devise familiale, « l’esprit libre ». Ce qui, dans la gestion d’une maison de champagne, se traduit, pour lui, par cette formule : « savoir être intemporel et en dehors des modes passagères ». Et il a une autre formule prête lorsqu’on lui demande ce qu’il voudrait personnellement apporter à une maison aux traditions si bien établies : « toute tradition est une innovation qui a réussi ». Pour ce qui est de garder l’esprit libre, Thomas Henriot cultive une autre passion : la moto. « L’un des derniers espaces de liberté, libre de toute contrainte », affirme-t-il. Thomas Henriot en possède quatre. Chacune avec ses caractéristiques. Une Yamaha, une BMW, une Harley-Davidson et une Royal Enfield. « Pour moi, la moto est le moyen le plus extraordinaire d’aller à la rencontre des paysages », dit-il. C’est sur deux roues qu’il aime parcourir le pays champenois, rouler au milieu des vignes et chercher l’inspiration z
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Lorsqu’il skie, c’est « le plus loin possible » des pistes. À l’écart des sentiers balisés. Thomas Henriot, 41 ans, président de l’entreprise familiale fondée à Reims en 1808, pratique depuis plus de quinze ans le ski de randonnée. « Une discipline qui demande engagement physique et endurance », précise-t-il. Traduction : on remonte les pentes à ski, avec des peaux de phoque fixées sous le ski pour accrocher la neige. Pas assis sur un siège. Une discipline qui ressemble à Thomas Henriot. Elle allie l’exigence, la rigueur de l’effort au goût de la liberté et des grands espaces. Rigueur et exigence, d’abord. Thomas Henriot a étudié la biologie. « Je voulais une formation scientifique structurante pour le reste de ma vie », explique-t-il. Il enchaîne avec une formation en management à l’EM Lyon, « pour me rapprocher du monde de l’entreprise ». « Je voulais travailler à la frontière de la science et du marché », ajoute-til. Plus tard, il entre chez Saint-Gobain, car « dans l’industrie lourde, il n’y a pas de place pour le blabla. On s’engage sur ce qu’on sait tenir », dit-il. Les grands espaces, Thomas Henriot y a goûté pour la première fois alors qu’il était étudiant. Paris-Pékin en camionette Renault Trafic avec des copains. Il n’a pas vu Pékin. Malade, il s’est arrêté en route et a parcouru les hauts plateaux tibétains. Un grand souvenir. Après ses études, alors qu’il travaille pour la Lyonnaise des Eaux en Argentine, il explore les grands champs de glace de Patagonie, à la pointe sud du continent. Expérience extrême. « Une aventure comme on n’en vit qu’une fois dans sa vie », selon lui. « Ces voyages ont dilaté mon univers et m’ont donné des clés pour comprendre le monde », poursuit-il. Après son expérience industrielle chez Saint-Gobain, Thomas Henriot s’initie à la gestion d’une PME avec la fondatrice d’une entreprise spécialisée dans le packaging pour l’industrie cosmétique. Son
père, Joseph Henriot, qui dirige la maison familiale depuis 1962, juge alors qu’il est prêt. « Mon père m’a observé pendant dix ans avant de me proposer de le rejoindre », explique Thomas Henriot. « La clé d’entrée, ce n’est pas le nom. C’est la compétence. Il serait illusoire de penser que le nom suffit », poursuit ce célibataire sans enfant, qui appartient à la 7e génération de Henriot à diriger l’une des rares maisons de champagne restée une entreprise familiale. Aujourd’hui, Thomas Henriot n’a plus de temps pour les grands voyages. Sans regret. « Le plus beau des voyages, c’est de continuer celui commencé par mon père », dit-il, en hommage à ce père admiré qui s’est éteint en avril dernier. « Un homme très affûté, possédant des compétences rares, et qui m’a appris ce que personne d’autre n’aurait pu m’apprendre », affirme-t-il. Ses premiers souvenirs sont tous liés à ce père qui l’emmenait, enfant, marcher dans les
L'abus d'alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.
Depuis janvier 2014, il préside aux destinées de la maison fondée par ses ancêtres nicolas et apolline Henriot. « surpris et touché » lorsque son père a fait appel à lui pour rejoindre l’entreprise familiale, il est aujourd’hui le garant d’un style bicentenaire. Portrait d’un jeune patron chez lequel rigueur scientifique et âme d’aventurier vont de pair.
www.janisson.com
PDG du Champagne Krug, Margareth Henriquez, s’est plongée dans l’histoire et les traditions de cette maison rémoise avant d’en porter les valeurs comme le respect des terroirs et la patience.
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Les vies de Maggie
Margareth Henriquez est une meneuse d’équipes. cette femme solaire a su imposer son style quitte a y perdre son sommeil. la perfection n’attend pas.
krug
par alain Vincenot z pHoto Matias inDJic/ MaDaMe Figaro
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Cette femme est contagieuse. Sa curiosité, sa verve, ses fulgurances, tout en elle respire l’intelligence et l’émotion. Vous tombez sous son charme instantanément. Margareth Henriquez est née au Vénézuela. Des études d’ingénieur des systèmes et, après dix-sept ans au sein plusieurs entreprises de cosmétiques et de parfums, puis dans les vins et spiritueux, elle a passé un an à Harvard. Pour cette amatrice d’opéra, de musique classique, de jazz et de vélo, « en ville je me déplace toujours à bicyclette », mère de deux fils qui vivent au Mexique et deux fois grandmère, on n’obtient rien sans travail, quitte à raccourcir ses nuits. « J’aime travailler, même quand cela est pénible. » Autre trait de son caractère : son aptitude à diriger. «J’ai appris à manager en regardant mon père. » En 1995, elle prend, au Mexique, la direction de Nabisco, une entreprise de biscuits. Jusqu’en 2000. En 2001, la voilà en Argentine, à la tête de Bodega Chandon, maison de vins détenue par Moet Hennessy LVMH. En 2009, on lui confie les rênes du Champagne Krug, racheté dix ans auparavant à Rémy Cointreau. La maison fut fondée à Reims, en 1843, par Jean-Joseph Krug. La politique de la famille va être de posséder des vignes afin
de mieux contrôler ses approvisionnements. Aujourd’hui, vingt-et-un hectares de vignes 100% grand cru appartiennent au Champagne Krug. C’est dans ce temple de l’excellence, vieux de plus d’un siècle et demi, dont elle a su s’imprégner, que Maggie officie depuis maintenant six ans. « Son passé est tellement riche, confie-telle, qu’il ne doit pas être négligé. Chaque parcelle a une histoire, qu’il convient de valoriser. Pour cela, il faut savoir écouter les vignerons, qui adorent leur métier. » A ces exigences, le Champagne ajoute l’assemblage et une relation de long terme. «Aujourd’hui, on déguste la Grande Cuvée créée avec la vendange de 2006, assemblée à 142 vins de douze années différentes, le plus ancien datant de 1990 et le plus jeune de 2006. Je ne pourrai déguster la première Grande Cuvée élaborée depuis mon arrivée chez Krug qu’en 2018. La dernière édition, réalisée avec 195 vins issus de douze années, ne sera mise en vente qu’en 2023. » Sur la contre-étiquette de chaque bouteille Krug, il est possible de suivre toute son histoire. Projet de Maggie : « Faire figurer sur l’étiquette frontale de chaque bouteille de Grande Cuvée le numéro de son édition. Cette année, on boit l’édition 163. » z Flacons
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Descendant d’une vieille famille écossaise, le PDg de de Venoge est féru d’histoire. Un art de vivre qu’il cultive aussi à l’italienne...
S’intéresser à ce cordon bleu qui unit de Venoge à son PDG, Gilles de la Bassetière, c’est se pencher sur l’attraction naturelle des particules, bourgeoise (et suisse) pour la première, aristocratique (écossaise et vendéenne) pour la seconde. Ces « de » - là étaient faits pour se rencontrer autour d’une histoire « de valeurs et de traditions », revendiquée depuis 1837 par la devise maison : Noblesse oblige... Lorsqu’il fit écrire la saga des Venoge, Gilles de la Bassetière eut la surprise de découvrir dans les livres de comptes une facture acquittée en 1870 par son arrière-grand-oncle, le Vicomte de la Bassetière. Cette particule constitue « un énorme atout dans le monde du vin » : « Surtout en Europe où il y a plus de monarchies parlementaires que de républiques ». « Une étude a montré que le champagne est associé à la royauté et à la noblesse », souligne Gilles de la Bassetière encouragé par cette réalité commerciale à communiquer sans complexe sur l’ADN de Venoge en même temps que sur le sien. Il est authentiquement issu d’une dynastie écossaise : les Morisson (prononcer à la britannique) du Lowland (Basse Terre devenu Bassetière) : « Mes ancêtres, proches de William Wallace (Braveheart), sont venus s’installer en France à la fin du xiiie siècle ». Il s’amuse du pied de nez qu’il est parvenu à adresser en faisant en sorte que, dans le Who’s Who, le visuel de la campagne promotionnelle intitulée Vive le Roi soit en vis-à-vis de la page consacrée au Président de la République. En 2005, Gilles de la Bassetière a eu l’idée de créer le Champagne Louis XV en hommage au monarque qui en 1728, publia un édit autorisant la mise en bouteille et le transport des vins de Champagne : « C’est l’acte de naissance du champagne ». Adepte jusque dans le sport de disciplines « nobles» comme le rugby – il a joué au 3e niveau national à Maisons-Laffitte – le tennis ou le golf, Gilles de la Bassetière revendique l’autre face de son blason, celui d’un homme d’affaires, que les États-Unis ont vu naître : « J’ai la mentalité américaine avec cette recherche de l’efficacité ». Le goût des traditions, du pur business : le PDG de Venoge pourra bientôt en débattre dans son futur fumoir-billard : « Une idée du bonheur, c’est un bon cigare cubain avec un bon champagne blanc de noirs, dans un bon fauteuil club, en bonne compagnie et après un bon repas italien : l’excellence dans la simplicité ». z
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de Venoge les lettres
de noblesse Au restaurant La Villa, à Reims, pour déguster quelques spaghetti.
par Jean-pierre prault z photo Fred laurès
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La Cité du Champagne,
un lieu unique à déguster… L’exposition Lalique se tient dans un lieu voué aux arts déco : la villa Collet, au cœur de la Cité du Champagne, à aÿ. d’autres événements suivront...
Une superbe exposition dédiée à René Lalique dans sa ville natale d’Aÿ.
interview isabeLLe LeCLère
en 1921. En ce lieu, les expositions se succèdent (actuellement une saga sur René Lalique) et les univers thématiques permettent de plonger dans la gastronomie (avec le chef triplement étoilé Régis Marcon), dans la haute couture, dans les arts contemporains, autant de lieux qui expriment les différentes sensibilités de notre collection de champagnes Collet.
Au regard de votre expérience, comment appréhendez-vous l’inscription sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco, début juillet, de la Champagne ? C’est un moment majeur pour la Champagne et le champagne. Cette Cité du Champagne rasNous sommes sur une terre oLivier Charriaud semble une richesse incroyable ? d’histoire, de savoir et de tradiDirecteur général du Dans quelques mois, nous propochampagne Collet et de la Cité tion. L’histoire des conflits sur du Champagne à Aÿ. serons à nos visiteurs, le Musée ces terres croise l’excellence des métiers du champagne, au des terroirs et le savoir-faire des pied des coteaux, qui présentera, de manière dynavignerons depuis des siècles, et font de cette région un mique, une impressionnante collection sur tous les des pôles majeurs de l’économie française, un symbole outils et objets liés à la fabrication du champagne, de du savoir-faire et du luxe, mais surtout de culture. la vigne à la cave ainsi qu’un parcours guidé dans les vignes. En outre, nos visiteurs peuvent avoir le plaisir Vous parlez de « culture champagne », est-ce en de déguster un repas préparé par un chef. Sur un seul lien avec ce lieu unique que vous venez de créer site, les amateurs comme les touristes peuvent avoir un au pied des coteaux à Aÿ ? véritable tour à 360° sur le champagne et notre région. Oui, ce projet me tient profondément à cœur. Avec Jacques Marquette, le Président de la COGEVI, nous Pour vous, le tourisme œnologique est un axe fort voulions offrir un lieu d’exception à la Champagne. Un de développement ? lieu au carrefour de l’histoire des vignerons et de cette Il est fondamental d’être à l’écoute des visiteurs, de leur terre, c’est pourquoi nous avons imaginé un musée qui proposer une offre qualitative « à la carte ». Au sein traverse le siècle. Mais, aussi un lieu dédié au métier, de la Cité du Champagne, c’est le visiteur qui choisit où le visiteur peut admirer nos caves datant de 1880. ce qu’il veut voir. Le champagne n’aura plus de secret Et, enfin, un lieu de culture avec la Villa Collet, dédiée pour lui et il deviendra un de nos ambassadeurs. Nous au Arts déco, le véritable ADN de notre marque née devons être fiers de nos métiers de tradition et nous devons valoriser la dimension culturelle car le public qui vient chez nous est avide de découverte. L’offre en champagne en matière d’œnologie est déjà riche en région, le potentiel est-il croissant ? Je crois profondément que le tourisme œnologique est la meilleure des approches pour bâtir une attraction sur le temps long vers cette destination « Alsace et Champagne » synonyme de terroirs de tradition, de paysages d’exception et de gastronomie. z
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au nom du père, Jean-Jacques cattier, et du saintesprit marketing, alexandre détonne et cartonne avec la marque armand de Brignac. l’art de l’habillage pour une famille pourtant à mille lieues du bling-bling.
Les conquêtes
d’ALexAndre
Alexandre Cattier roule en C4 Picasso « version familiale » ; son champagne, il l’aime « avec 20 ou 30 ans d’âge et du foie gras » ou avec « une salade de chèvre chaud accompagnée de Brut Antique » : c’est ailleurs que dans l’excentricité qu’il faut chercher le secret de la réussite d’une maison, familiale elle aussi, qui a fait de sa marque « Armand de Brignac » un des champagnes les plus chers du monde. Celui du rappeur Jay Z. 3 000 bouteilles en 2006, 150 000 aujourd’hui : « Jamais une marque n’a connu une telle progression en aussi peu d’années. C’est un cas d’école », constate Alexandre Cattier. Un cas d’école : les Cattier en sont un également. Jean-Jacques, le père, a eu l’idée de la bouteille la plus coûteuse du monde et de la métallisation. Alexandre a hérité de ce bébé bling-bling qu’il gère en marge « des codes champeno-champenois ». Comme papa, titulaire d’une maîtrise de physique, Alexandre a suivi des études scientifiques, un DEUG de mathématiques... Comme papa, Alexandre n’avait pas forcément la vocation viticole (« je n’aimais pas ce champagne qui me privait de mon père quand il partait 2 ou 3 semaines à l’étranger »). Il a pourtant suivi la destinée familiale car chez les Cattier, on est cartésiens, « thèse, antithèse, synthèse ». Les Cattier n’ont pas « la paresse intel-
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lectuelle » dans les gènes. Alexandre a donc fait ses classes : stage de sept mois en Australie, diplôme d’œnologie, découverte du travail manuel et passage obligé au service technique. Le bientôt quadra a enfilé la panoplie trompeuse et décalée de son père, vrai génie du marketing : « Le champagne reste dans des stéréotypes. Il n’y a pas de révolution marketing mais nous, ça ne nous a jamais fait peur ». Armand de Brignac résume toutes les audaces de la maison Cattier dans « le packaging ». Sous des allures austères, les Cattier cachent un grain de folie. En même temps qu’un sens terrien des affaires qu’ils affûtent en traitant à l’américaine avec Jay Z et ses intermédiaires. Avancer « sans casser ce qui a été fait avant », « surprendre, se réinventer, oser » : Alexandre – qui planche personnellement sur l’habillage noir mat d’une nouvelle cuvée – a conscience du challenge héréditaire. « L’ADN un peu fofolle de la maison » est bien cachée chez lui : elle détonne sous les riffs vénérés de Deep Purple : « J’adore le hard rock pour le côté énergique. Ce côté puissant et généreux que j’aime à ressentir dans le champagne ». « Simple coïncidence », Alexandre Cattier a dans son iPhone un titre de Motorhead intitulé « Ace of Spade », comme cet As de Pique qui figure sur l’étiquette d’Armand de Brignac... z
cattier
par Jean-pierre prault z photo Fred laurès
Flacons
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Chez nous, vous serez chez vous Frédéric Mairesse, toujours entre deux avions. Le monde est sa maison.
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Directeur général du champagne Barons de Rothschild, Frédéric Mairesse confie s’épanouir dans cette petite maison soucieuse de très haute qualité. Portrait trés chic d’un infatigable voyageur.
Frédéric Mairesse est insaisissable. On le cherche dans un hôtel à Singapour ou sur la terrasse d’un restaurant à New York et il est à Monte-Carlo avec la joueuse de tennis Serena Williams et l’incomparable Eva Longoria, de la série Desperate Housewife, pour leur offrir un Mathusalem dédicacé par les trois baronnes et barons de Rothschild. Frédéric Mairesse a un don d’ubiquité. Il y a quelque chose en lui de Gatsby le Magnifique, dans son allure et son sourire, lorsque le flash d’un photographe le surprend avec ses invités.. Originaire du Nord, parents imprimeurs, grands-parents imprimeurs et maraîchers, Frédéric Mairesse a découvert le Champagne au cours de ses études. Tout a commencé par un bac agricole au lycée viticole d’Avize, dans la Marne, près d’Epernay. Ensuite, à l’école d’agronomie de Toulouse, il a obtenu un diplôme d’œnologie, puis a passé un DESS de gestion, et est entré à l’école d’agronomie de Paris. A sa sortie, stage de six mois chez Lanson Pommery, qui l’a embauché comme ingénieur qualité. Se dotant d’une formation à l’INSEAD (Institut Européen d’Administration des Affaires) de Fontainebleau, il a pris, à 35 ans, la direction générale de la maison Ogier, à Châteauneuf-du-Pape, avant que le Champagne Barons de Rothschild ne le recrute et lui confie la direction générale. « Une maison, petite mais de très haute qualité, souligne-t-il, au sein de laquelle je m’épanouis. » Et une famille animée depuis des générations par des valeurs d’entreprise et d’humanisme. « La Famille Rothschild a une culture de l’excellence. Elle signe des Champagnes premiums, qui rivalisent avec les plus prestigieuses marques champenoises. Nous sommes sur un marché de niche assez exclusif », ajoute-t-il. Anobli, ainsi que tous ses descendants, au titre de baron, en 1822, par l’empereur d’Autriche, François 1er, Mayer Amschel Rothschild, le fondateur de la dynastie, premier de la famille à ouvrir une banque, choisit pour ses armoiries, cinq flèches reliées entre elles. Il avait cinq enfants. Il leur disait : « Cha-
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cune des flèches peut être aisément brisée, mais, ensemble, elles résisteront. » La devise : « Concordia-Intégritas-Industria » (Unité-intégrité-activité). Aujourd’hui, on la retrouve sur chaque flacon de Champagne Barons de Rothschild. En 2005, en effet, trois Rothschild, Benjamin, banquier à Genève, propriétaire du Château Clarke Edmond de Rothschild, à Listrac, dans le Bordelais, Eric, propriétaire du Château Lafite Rotschild, premier cru classé à Pauillac, et Philippe, propriétaire du Château Mouton Rothschild, également premier cru classé à Pauillac, ont décidé d’unir leurs expériences dans le monde du vin et les mettre au service de l’excellence dans le Champagne.
« nous n’avons pas créé un champagne autour d’une stratégie marketing » Ainsi est né, à Reims, le Champagne Barons de Rothschild. « Nous voulions faire bien et bon, dira Philippe Sereys de Rothschild, atteindre une qualité dont nous serions fiers. Nous avons été assez vite convaincus que nous pouvions assembler des crus de grande qualité. De nombreux vignerons sont venus nous voir, nous en avons démarché d’autres ; le produit que l’on souhaitait semblait réalisable. » Précision : « Nous n’avons pas créé un Champagne autour d’un business plan ou d’une stratégie marketing. Nos Champagnes sont issus de terroirs, de produits de qualité et d’un bel assemblage. » « Un Champagne, précise Frédéric Mairesse, est le délicat résultat d’un assemblage de villages, de cépages, de millésimes. Notre travail ressemble à celui d’un créateur de parfums. Avec, toutefois, une différence : nous, ça change tous les ans. » D’où cette absolue nécessité, chaque année, de trouver les bons raisins, dans les bons villages afin d’obtenir, après plusieurs années de maturation, le Champagne le plus brillant possible. Pratiquant les sports de glisse, passionné de mer et de voile, aimant le théâtre, le cinéma et la lecture de biographies, Frédéric Mairesse sait se montrer patient. « Quand on vend une bouteille de brut, il y en a quatre qui attendent en cave. » z
L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.
Quelques minutes de répit, entre deux photos, pour le chef de caves Frédéric Panaïotis et Essi Avellan, Master of Wine.
par Essi avEllan z photo FrEd laurès
RuinaRt
les secrets du chef Panaïotis
Essi Avellan, Master of Wine, a testé pour Flacons le style Frédéric Panaïotis, chef de caves de Ruinart. Selon elle, l’homme est convivial, marqué par le raffinement. Une complexité lentement construite mais une façade accessible qui vous attire immédiatement. Comme un excellente cuvée... Une bouteille de Richebourg 1976, servie un soir de noël 1985, a changé le destin de Frédéric Panaïotis alors qu’il n’était encore qu’un étudiant. C’est aujourd’hui le visage, encore juvénile, de Ruinart la plus ancienne maison de champagne, fondée en 1729. Frédéric Panaïotis était seulement âgé de 43 ans en 2007 quand il a été nommé à la tête de la vinification de cette maison-bijou appartenant à la prestigieuse collection LVMH. Les maîtres de chai qualifiés sont les célébrités du Champagne. « Je ne suis pas la star, ce sont les champagnes qui sont les stars. Nous, chefs de caves, passons la majorité de notre carrière à parler des vins que nos prédécesseurs ont réalisés. Je ne suis que le gardien du style pour les générations à venir», explique Frédéric Panaïotis, modeste et prévenant, comme à son habitude. Au cours de ses huit années au sein de la maison, les vins ont remarquablement gagné en précision et, en conséquence, les champagnes Rui-
Il peut s’exprimer dans sept langues dont le japonais nart ont récemment décroché les premiers prix dans de prestigieux concours. « Nous avons porté beaucoup d’attention aux détails dans de nombreux projets individuels », dit Frédéric Panaïotis, parlant toujours de l’équipe plutôt que de lui-même. Mais en plus de la vinification, la mission du chef de cave en Champagne est de plus en plus tournée vers la communication. Les maîtres de chai sortent de leurs tanières pour parler régulièrement des vins. Ce qui fait d’eux des ambassadeurs mondiaux qui zigzaguent à travers le monde et partagent également leurs connaissances sur les médias sociaux. En réalité, il est difficile pour moi de penser à un meilleur communicant que Frédéric Panaïotis. Il n’a aucune difficulté à être à la fois technique et divertissant. Si vous souhaitez entrer dans la technique, il est toujours prêt à partager ses connaissances de la manière la plus ouverte et
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constructive. Et il peut le faire dans au moins sept langues différentes, y compris le japonais ! « Je trouve que les langues sont un excellent outil pour l’apprentissage des cultures », explique-t-il. La maîtrise des langues semble innée pour lui, mais il insiste sur le fait qu’il s’agit avant tout de travail plutôt qu’un don. « C’est la même chose que pour la dégustation, je me considère comme un dégustateur fiable, mais c’est 95% de travail et seulement 5% de talent. » Mais comment était le jeune Frédéric? « J’étais un bon élève, j’adorais les animaux et la pêche était mon passetemps favori », résume-t-il. Il est natif de la Champagne, ses grands-parents avaient un petit vignoble de Chardonnay à Villers-Marmery sur la Montagne de Reims. « Nous avions une grande réunion de famille tous les dimanches, durant laquelle j’ai été initié au champagne. Et je me suis fait de l’argent de poche en faisant les vendanges», se souvient-il. Logiquement, après de nombreux rebondissements, il a fini responsable de la vinification d’une maison de Champagne connue surtout pour ses chardonnays. Frédéric Panaïotis devait initialement être le prochain chef de caves d’une grande maison de Pinot Noir, Veuve Clicquot, mais le décès soudain de son prédécesseur lui a fait quitter Clicquot pour Ruinart. « Une maison de cette taille et de ce niveau de qualité me convient parfaitement », avoue-t-il. Ruinart a longtemps été une marque de connaisseur, réputée pour ses liens forts avec le monde de la sommellerie. L’averti et charmant Frédéric Panaïotis s’inscrit parfaitement dans ce monde-là. Pour moi, il semble comme chez lui dans un arc en ciel de cultures et s’enthousiasme sincèrement d’en découvrir toujours plus sur cellesci. L’esprit ouvert et curieux de Panaïotis a fait de lui l’homme cosmopolite qu’il est aujourd’hui. Même si il est principalement l’archétype de l’intellectuel, il y a un côté sauvage en lui. Par exemple, son passe-temps favori est la plongée libre, réputée dangereuse. « En réalité les gens ont de faux à-priori sur ce sport. Il se produit davantage d’accidents en plongée sous-marine. Je ne prends pas de risques inconsidérés, je les évalue préalablement. » Il a certainement pris un risque calculé avec le Dom Ruinart 2007 lors de sa première vendange à Ruinart, sur une année que beaucoup n’ont pas déclarée. Mais nous devrons encore attendre quelques années que le vin arrive sur le marché pour voir si sa prise de risque est payante. Clairement ambitieux, Frédéric Panaïotis a une aisance naturelle, il est accessible, avec une pointe d’espièglerie et de pureté. Avec ces qualités, il ressemble beaucoup au style de la maison Ruinart. Un millésime... z
apprivoiser La rareté L’abus d’aLcooL est dangereux pour La santé. À consommer avec modération.
Janisson
par Jean-pierre prault z photo Fred laurès
L’odyssée de La
vigne
L’heure du thé pour Manuel Janisson devant son vaisseau à Verzenay.
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le siège de sa maison à Verzenay pose ses lignes futuristes comme un vaisseau moderne au milieu d’une mer de vignes ancestrale. l’expression d’un champagne at « the state of the art ». Ce n’est pas la maison bleue sur la colline de San Francisco mais au pied du célèbre phare de Verzenay, le siège du Champagne Janisson & Fils produit son effet. L’édifice conçu par Giovanni Pace est posé là comme une signature délibérément moderne mais aussi comme un vaisseau « au milieu d’une mer de vignes ». Combinaison épurée de lignes, de cubes et de lumière, Manuel Janisson l’a voulu tel qu’il conçoit son champagne, comme « un assemblage de vins de base, très simples, qui produit quelque chose de complexe ». « Tout ce qui n’a pas d’utilité dans le tableau est par là même nuisible ». Il y a du Henri Matisse dans la perception de son art chez Manuel Janisson. Le J qui symbolise la maison, est le fruit d’une longue réflexion avec ses trois enfants. Il peut être vu comme une initiale, un nez ou la représentation d’une carafe... Son champagne, Manuel Janisson l’aime «droit », tout « en netteté, en pureté, en tension », « plus en longueur qu’en largeur », perception géométrique excluant le super flu, « l’excessif » : « Les vins trop puissants peuvent paraître agréables mais ils fatiguent très vite le palais. Pour moi, le champagne n’est pas seulement un vin à déguster mais à boire dans la convivialité, c’est donc préférable de faire dans la finesse ». Au milieu de ce qui ressemble fort à sa fondation Maeght, Manuel Janisson vit au milieu de formes viticoles. Dans l’une des pièces, il a fait suspendre des structures de cristal colorées ressemblant à des gouttes de vin que l’artiste, Didier Tisseyre, a baptisées « Lacrima ». Manuel Janisson s’enthousiasme d’une création « en gestation » commandée à un autre artiste : Frank Morzuch. D’une baie vitrée, jailliront des « sarments trempés dans du bronze » : « Une volée de flèches venues des vignes qui frapperont les visiteurs au coeur ». « Je suis un anti-magicien ». Le champagne Janisson n’est pas rococo, passéiste, mais contemporain : « Je ne m’oppose pas au bio mais mon choix, c’est la viticulture durable. J’emprunte à la modernité dès que c’est possible, comme avec le tracteur full électrique ». « Mon père posait un parachute récupéré durant la guerre sur les belons à la vendange pour récupérer au maximum le bouquet. Aujourd’hui, je réfrigère directement le jus à l’écoulement au pressoir ». z
Flacons
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Elle rêvait d’histoire, de fouilles archéologiques. Il était écrit que rien ne se passerait comme prévu...
boizel Le charme discret
d’eveLyne par alain Vincenot z photo MatiaS inDJic/ MaDaMe Figaro
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Présidente du champagne Boizel, maison créée en 1834 par ses aïeux, Evelyne Roque-Boizel s’attache à perpétuer un savoir-faire familial à cheval sur trois siècles. Elle qui rêvait d’archéologie...
Ni Evelyne Boizel, ni son mari, Christophe Roque, ne se destinaient à l’univers du Champagne. Elle était étudiante en histoire et archéologie. Ingénieur Supélec, il travaillait chez Renault dans un laboratoire de recherche informatique. Cependant, en 1972, à la mort de René Boizel, le père d’Evelyne, celle-ci avait alors 22 ans, le jeune couple décida, avec l’aide du chef de caves, Marcel Carré, d’épauler la mère d’Evelyne, Erica. Puis, ils reprenaient le flambeau de la maison créée en 1834, à Epernay, par Auguste Boizel et Julie Martin. Auguste Boizel était issu d’une vieille famille champenoise d’Etoges. Julie Martin descendait d’une lignée de vignerons établis à Aÿ depuis le XVIème siècle. Ils furent parmi les premiers, en Champagne, à orner leurs bouteilles d’une étiquette. Autre originalité pour l’époque, celle-ci portait le nom des deux époux : « BoizelMartin ». Malgré les difficultés, les récoltes faibles, Auguste et Julie allaient bâtir, marche après marche, une réputation de qualité, en France, mais également à l’étranger. En effet, ils pressentaient l’importance qu’allait prendre l’exportation. En 1871, ils s’associaient à leur fils, Edouard. La société changeait de nom : « Boizel Père et fils ». Edouard et son épouse, Adèle Camuset allaient créer leurs premiers Bruts. Boizel, dont les caves, hautes et larges, creusées dans la craie, sous les bas celliers pour les fûts et les grands celliers de dégorgement et d’habillage, assuraient une parfaite conservation, s’installait dans le paysage champenois. Un temps pressenti pour perpétuer le savoir familial, le frère d’Evelyne, Eric, avait, en 1969, contracté une maladie qui allait l’emporter. Ne restait donc qu’une alternative : assumer l’héritage ou vendre. « Auparavant, souligne Evelyne, je n’avais jamais envisagé de succéder à mon père. Lui, non plus d’ailleurs. Nous n’avions jamais réfléchi à cette éventualité. Toutefois, dans les sociétés de notre taille, il existe des liens très forts entre la famille et la maison, des je ne sais quoi qui se transmettent de génération en génération sans qu’on en prenne conscience. On baigne naturellement dedans. » Précision : Evelyne ne considère pas que, dans ce type de filiation, il suffise
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de se couler dans ce qui a été réalisé précédemment. « Chaque génération doit apporter sa propre créativité, innover, ajouter quelque chose de personnel. » En 1984, lors du 150ème anniversaire, elle définissait en trois mots l’esprit Boizel : « Une famille, une maison, une tradition ». Finis les projets de fouilles archéologiques et de décryptages de vieux manuscrits. « Je me destinais à la recherche. Une activité qui vous absorbe entièrement. Je n’aurais pas pu l’exercer parallèlement au Champagne. » Désormais, cette passionnée de littérature, « si je passe plusieurs jours sans pouvoir lire, je suis en manque », de musique classique, d’opéra et de montagne se consacre pleinement à la Maison Boizel. Et déguste « la chance » de diriger une petite entreprise. « C’est un mélange de moments les plus divers. » Gestion, commercialisation, rencontres avec les clients, voyages, salons, culture de la vigne, agitation des vendanges, vinification et assemblages. « Cette dernière étape, au cours de laquelle il faut se mettre à l’écoute du vin afin d’en obtenir ce qu’il y a de meilleur, est très différente des autres. Particulièrement austère, elle nécessite une grande concentration. » A la question « à quoi reconnaît-on un grand
le champagne doit vous ouvrir des portes de goût Champagne ? », elle répond : « Il doit d’abord être un excellent Champagne. Mais aussi pousser ses qualités à l’extrême. Une image : il doit vous ouvrir des portes de goût et chacune d’elles doit vous attirer vers d’autres portes et d’autres territoires à explorer, qui, eux aussi précèdent de nouveaux horizons. Comme un cheminement qui vous enchante de surprises. » Ainsi la « Cuvée sous-bois », en 1990, qui, vinifiée en fûts anciens selon les méthodes du début du XXème siècle, rappelle aux amateurs le caractère des Champagne de jadis. Ou bien encore le « Joyau de France Rosé 2000. » Les projets d’Evelyne: continuer à développer Boizel. « Il y a quatre ans pour l’un, cinq pour l’autre, nos deux fils, Florent et Lionel, après une expérience en France et à l’étranger, nous ont rejoints. Ce sont eux qui, après notre départ, prendront les rênes de la maison. » La sixième génération de Boizel est en marche. z
Ambassadeur de Billecart-Salmon, il a sillonné le monde pour développer les exportations. Son goût pour la communication est aussi au service de l’Ordre des Coteaux de Champagne, une vitrine pour communiquer avec la planète. Plus jeune, Antoine Roland-Billecart ne pensait pas nécessairement rejoindre la maison de champagne dirigée à l’époque par son père et aujourd’hui par son frère aîné. À vrai dire, il avait plutôt « envie d’aller voir ailleurs ». A 16 ans déjà, il part faire sa terminale aux États-Unis, dans une petite ville de l’État de New York. Pour apprendre l’anglais. Sitôt rentré en France, il repart pour l’Espagne et s’inscrit à l’université, à Madrid. Pour apprendre l’espagnol, cette fois. C’est là qu’il est rattrapé par le service militaire. « J’étais quasiment un déserteur », s’amuse-t-il. Il en est quitte pour deux années dans la marine. « Une super expérience », se souvient-il. A bord de l’aviso-escorteur Victor Schoelcher, avec pour port d’attache Djibouti et l’Océan Indien pour horizon, il patrouille dans le détroit d’Ormuz pendant la guerre Iran-Irak. Fait escale en Inde, au Pakistan, au Sri Lanka... « Pour moi qui étais marin dans l’âme, être sur l’eau, c’était déjà le bonheur », dit-il. A son retour de l’armée, il achève ses études. « Un jour, mon père m’a pris entre quatre yeux », raconte-t-il. Ils sont seuls à bord du voilier familial. « Maintenant, il faudrait prendre une décision », lui lance-t-il. C’est ainsi qu’en septembre 1985, Antoine Roland-Billecart entre dans l’entreprise familiale, fondée en 1818 à Mareuil-sur-Aÿ. Une maison réputée pour la finesse de ses vins, qui lui vaut de figurer « dans le Top 5 des meilleures maisons de champagne en termes d’aura et de notoriété », souligne-t-il. À la fin des années 80, Billecart-Salmon exporte à peine 30% de sa production. Aujourd’hui, plus de 65%. En tout, 95 pays. A 54 ans, il se définit encore aujourd’hui comme le « pigeon voyageur » de la maison. Le messager. « Après les vendanges, c’est un moment-clé dans la vie d’un producteur de vin. Il faut aller donner des nouvelles à droite et à gauche : aux prescripteurs, sommeliers, cavistes ou journalistes, aux revendeurs et à nos importateurs », explique-t-il. « Pas de langue de bois. Si le millésime n’est pas bon, on le dit », assure-t-il. Nommé Commandeur de l’Ordre des côteaux de Champagne, il estime que « La concurrence internationale est de plus en plus rude. Le prosecco italien a fait une percée. Il faut être vigilant et se remettre en question », explique-t-il. « Fédérer toutes les grandes familles champenoises pour promouvoir notre sous-sol quasi unique au monde avec sa craie, c’est une mission qui me paraît importante », conclut-il. Un rôle qui lui va comme un gant. ❚
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BILLECART-SALMON :
L’HOMME
Antoine RolandBillecart, directeur général adjoint de Billecart-Salmon et Commandeur de l’Ordre des Coteaux de Champagne.
QUI MURMURE À L’OREILLE DES FLACONS
PAR CHRISTOPHE D’ANTONIO ❚ PHOTO FRED LAURÈS
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Le regard passionné de Michel Drappier, un homme dévoué aux siens.
Drappier
par anne Lefèvre z photo freD Laurès
Le CisterCien L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.
fLacons
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Michel Drappier est un pur produit du terroir. Il dirige vent debout la maison de champagne qui porte son nom. Et qui, au XIIè siècle, à Urville, dans l’aube, abrita un temps les moines cisterciens de clairvaux sous la houlette de saint-Bernard. Portrait d’un homme d’écoute et de conviction. Drappier, un nom de métier qui sent la faute d’orthographe. Et qui s’explique peut-être par le fait qu’au XVIIè siècle, les préposés à l’etat civil qui prenaient note des actes de naissance étaient payés à la page ! Dans la famille Drappier donc, on demande en premier Remy Drappier, né en 1604 et qui choisit d’être… drapier à Reims. C’est en 1808, que l’un des ancêtres de Michel s’installe comme vigneron à Urville, dans le canton de Bar-sur- Aube, à 20 minutes de Colombey–les-deux–Eglises. On comprend pourquoi De Gaulle avait toujours en réserve dans sa cave personnelle, des bouteilles de Drappier 100 % Pinot Noir. Mais tout bon cavalier qu’il fut, l’histoire n’a jamais précisé s’il les ouvrait au sabre. Les années passant, le champagne Drappier, entré à l’Elysée il y a 15 ans, continue d’apporter un peu de pétillance à la raideur du protocole de certains dîners d’Etat. Sa Cuvée de Prestige a été servie, en avril dernier au Premier Ministre indien, Narendra Modi, lors de sa visite officielle en France. Un mois plus tard, c’est sa Grande Sendrée millésimée 2006 qui a rendu les honneurs au Roi d’Espagne. La voix est chaude et décontractée. La silhouette qui tutoie le mètre quatre vingt est mince, très mince – il vient de perdre 5 kg après l’intervention chirurgicale d’une méchante hernie discale – Mais l’œil brun séducteur et le sourire lui donnent un faux air du plus Ecossais des James Bond, Sean Connery… Durant quelques semaines encore, Michel Drappier va devoir composer avec ses béquilles, mais il n’est pas du genre à caler devant un pépin de santé. Né en 1959 – « un bon millésime » – souligne-t-il en riant, Michel Drappier n’a jamais songé à prendre la tangente pour un autre métier. Avec la bénédiction paternelle – son père, André, est toujours actif dans la société - il suit ses études d’œnologie à l’Ecole de Viticulture de Beaune puis rejoint le giron familial dont le résumé pourrait être « le champagne, la vigne, le champagne ». À 56 ans, lui-même reconnaît volontiers « Toute ma vie passe au travers du prisme
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du champagne… et j’adore ». Quand il fait venir une harpiste et une violoniste au domaine, c’est pour leur demander d’interpréter ou de composer des morceaux à la gloire du précieux vin. Jolie manière de susciter l’émotion qui pimente la dégustation. De ses hobbies, il parle avec gourmandise. Il aime nager et marcher. Nager partout. À la mer, en rivière, en eaux très fraiches dans des coins sauvages, en piscine quand il voyage. Et marcher… mais toujours avec une bouteille de champagne dans le sac à dos. Plus jeune, il dessinait et faisait de l’aquarelle. Maintenant, il n’a plus vraiment le temps. Mais il met quand même sa patte sur les étiquettes des flacons et les cartes de vœux. À part ça que sait-on de lui ? Qu’il est fidèle en amitié. On s’en serait douté. Qu’il lit « Cosmos » le dernier ouvrage de son ami, le philosophe Michel Onfray dont il apprécie le parcours et les idées : « Un terrien hédoniste »… Hédoniste, Drappier l’est finalement aussi : « Je peux apparaître comme sec,
saint-Bernard peut dormir tranquille strict, rigoureux dans le travail. Mais je suis fidèle et très respectueux de tous mes collaborateurs. Signe révélateur, mon bureau date du XIIè siècle et on me dit souvent que j’ai quelque chose de cistercien ». Qu’on se rassure, il ne va pas jusqu’à la mortification. Il avoue même une sorte de jouissance à respirer certaines odeurs. Celle de l’air marin, de la lavande et des vins. « Oui, j’aime les vins, tous les vins avec un penchant pour les Bourgogne et j’aime découvrir toutes les cuisines du monde ». Grand arpenteur de villes et de pays, il ne regrette jamais de rentrer à Urville, retrouver sa famille, sa femme Sylvie et ses trois enfants… Une famille « mère-poule », comme il dit. Il est bien là. Il sait que Charline, 24 ans, sortie de l’Hedhec, qui travaille actuellement aux USA chez leur importateur, reviendra probablement au bercail. Même probabilité pour Hugo, 22 ans. Lui, après l’Ecole de Beaune, achève sa formation dans une Ecole d’ingénieurs en viticulture en Suisse. Quant à Antoine, 18 ans qui passe son bac, sa passion est l’agriculture et l’un de ses plaisirs, labourer les vignes avec des chevaux. Sauf incident amoureux qui entrainerait l’exil, l’avenir de ces trois là est quasiment tracé. Saint-Bernard peut reposer tranquille z