FLACONS 12-2018
of champagne
CHAMPAGNE COLLET LES ARTISANS DU
LUXE
NOTRE SÉLECTION DE CUVÉES POUR LES FÊTES
L’A BUS D’A LCOOL EST DA NGER EU X POUR L A SA NTÉ , CONSOMMEZ AV EC MODÉR ATION
FLACONS 12 -2 018
PLENITUDE DEUXIEME
D E E P E R A N D B E YO N D
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of champagne
Directeur de la publication, directeur de la rédaction : Roberto Alvarez
Journalistes : Philippe Bidalon, Jean-Michel Brouard, Jean Dusaussoy, Léon Mazzella, Philippe Richard
Photographes : Valery Guedes, Thomas Muselet, Les Others, Laurent Rodriguez
Directrice artistique : Anne Duhem
Photogravure : Olivier Certain
Rédaction et administration : FLACONS PRESSE 29, rue des Poissonniers 51100 Reims
E-mail : flacons.presse@gmail.com Dépôt légal en cours *Plénitude deuxième P2, plus profond dans l’exploration des caractères du champagne Dom Pérignon.
Photo Couverture : © Champagne Collet
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ÉDITO
SHOW SHOW L’ARTICHAUT...
’insolent show d’un artichaut près d’une élégante flûte de champagne a mis le feu au vignoble. Imaginez, un roturier qui flirte avec votre fille… Autrement exprimé : peut-on boire du champagne avec un artichaut, un œuf dur, des gougères ou des edamame ? C’est toute la philosophie de la campagne de communication (« Le champagne réservé à toutes les occasions ») orchestrée par Maxime Toubart, président du Syndicat Général des Vignerons de la Champagne (SGV) et destinée aux Millennials (25-45 ans). « La cible, ce n’était pas les vignerons de 50 ans, mais les jeunes, les Millennials. On a donc souhaité surprendre et les études d’impact démontrent que les objectifs sont atteints sans dégrader ni l’image ni la valeur du champagne », explique Maxime Toubart. Désacraliser le champagne et tenter d’identifier les nouvelles tendances de consommation. Même si les explications du président Toubart sur sa démarche sont passées à dix coudées au-dessus des oreilles de nombreux opposants, l’étude menée par l’institut Ipsos, pour mesurer l’impact de la campagne, a délivré de bonnes surprises. Les résultats sont pour le moins renversants : publicité originale, mise en évidence du produit, compréhension au premier coup d’œil, etc. Le SGV n’a pas lésiné sur les moyens : 2 000 affiches pendant une semaine en juin sur Paris puis 7000 au total sur toute la France, suivie d’une nouvelle vague de 5 000 affiches courant septembre. Côté réseaux sociaux, les compteurs ont explosé tous les records. Les 26 visuels et 3 vidéos postées sur Facebook, Youtube, Zebestof totalisent 12,4 millions de vues. Pour la deuxième année, le SGV par Roberto Alvarez Champagne s’apprête donc à reconduire la campagne. Parce que « l’ordinaire peut être extraordinaire », confie Maxime Toubart z
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S Spirit of luxury
Joseph Perrier Blanc de noirs 2010 www.josephperrier.com
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Veuve Clicquot Extra Brut Extra Old www.veuve-clicquot.com
Billecart-Salmon Cuvée Elisabeth - Rosé 2007 www.champagne-billecart.fr
Laurent-Perrier Grand Siècle www.laurent-perrier.com
Gosset Celebris 2007 www.champagne-gosset.com
Taittinger Comtes de Champagne 2007 www.taittinger.fr
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Quelques cuvées d’exception sélectionnées pour vous aider à trouver le meilleur flacon pour les fêtes. La touche élégante, chic et gastronomique. le champagne est aussi un grand vin de table, capable de se marier subtilement avec les mets les plus variés tout au long du repas.
Pol Roger Sir Winston Churchill 2008 www.polroger.com
Moët & Chandon Moët Impérial www.moet.com
Deutz La Côte Glacière 2012 www.champagne-deutz.com
Armand de Brignac Brut Gold Magnum www.armanddebrignac.com
Collet Esprit Couture www.champagne-collet.com
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Besserat de Bellefon Cuvée BB 1843 www.besseratdebellefon.com
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Champagne Piot-Sévillano Provocante
Champagne Palmer & Co Blanc de Noirs www.champagne-palmer.fr
Champagne Pierre Trichet Brut - Premier Cru Champagne Alfred Gratien Cuvée 565 Champagne AR Lenoble Chouilly - Grand Cru Champagne Franck Bonville Pur Avize 2012 Champagne Bruno Paillard Dosage : Zéro Champagne Pierre Gimonnet Chouilly Grand Cru 2012
SÉLECTION POUR
Champagne Vilmart et Cie Grand Cellier www.champagnevilmart.fr
SOUS LE SAPIN
LES
FÊTES Mailly Grand Cru Les Echansons 2008 www.champagne-mailly.com
Champagne Le Brun de Neuville Blanc de Blancs - Extra Brut www.lebrundeneuville.fr
Champagne Barons de Rothschild www.champagne-bdr.com
Champagne Piper-Heidsieck Cuvée Brut www.piper-heidsieck.com Champagne Tsarine Cuvée Premium www.tsarine.com
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Champagne Pol Couronne Grand Cru 75-25 www.champagne-polcouronne.com FLACONS
Champagne de Venoge Princes Blanc de Blancs www.champagnedevenoge.com
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THIÉNOT Cela fait longtemps que le champagne et le monde de l’art filent le parfait amour. La maison Thiénot est entrée dans la danse en 2016 en laissant carte blanche à l’artiste Speedy Graphito. Voici venu le temps de la saison 2 de cette collaboration.
THIÉNOT BY SPEEDY GRAPHITO PAR PHILIPPE RICHARD
PHOTO THOMAS MUSELET
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Le courant est passé entre Garance Thiénot et Olivier Rizzo, le véritable nom de Speedy Graphito.
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es bouteilles habillées d’une œuvre d’art ? Rien de nouveau sous le soleil, pensez-vous. Mouton Rothschild orna pour la première fois sa bouteille de l’œuvre d’un artiste pour son millésime 1924 (en l’espèce Jean Carlu). En Champagne, la maison Taittinger a lancé en 1983 sa Taittinger collection avec l’artiste Hongrois Vasarely. Mais c’est avec la maison Thiénot que le Street Art a, pour la première fois, le droit de cité sur un flacon de champagne. L’histoire a débuté il y a quelques années, lorsque Garance Thiénot et son frère Stanislas voulaient nouer une collaboration avec un artiste contemporain pour habiller un flacon de leur maison de champagne. « Nous ne cherchions pas un artiste politiquement engagé, qui assène ses messages à grands coups de slogans sur ses œuvres. On souhaitait au contraire qu’il reste universel, accessible à tout le monde », explique Garance Thiénot. La rencontre avec Speedy Graphito aura lieu par l’intermédiaire d’Opera Gallery, dans leur espace de la rue du Faubourg Saint-Honoré à Paris. Immédiatement, le courant passe entre Garance Thiénot et Olivier Rizzo, le véritable nom de Speedy Graphito. L’artiste est reconnu internationalement, il a débuté sa carrière comme grapheur dans les rues de Paris avant d’envahir les galeries d’avant-garde et les musées d’art contemporain. Garance Thiénot est tombée sous le charme de son art, ce mélange des genres et des époques,
Garance Thiénot est tombée sous le charme de son art, ce mélange des genres et des époques, ses références constantes à l’enfance.
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ses références constantes à l’enfance, cette totale liberté d’expression… des valeurs qui entrent en parfaite résonance avec la jeune maison de champagne ! De cette rencontre va naître en 2016 une première œuvre. Cette série, éditée à 3 000 exemplaires, reprend les codes propres à l’artiste plasticien : émoticônes, présence de son personnage emblématique « Lapinture », ainsi que les couleurs de la maison Thiénot, le rouge et l’or. « Dans cette œuvre, Speedy Graphito a retranscrit son ressenti sur l’histoire de notre jeune maison telle que je lui ai relatée », explique Garance Thiénot. La collaboration fonctionne si bien qu’ils décident d’en faire une trilogie. Cette année voit donc la sortie du deuxième volet du magnum, cette fois paré de bleu. Le nouveau flacon rend un hommage appuyé à la ville de Reims, le berceau de la famille Thiénot. En plein centre du magnum trône une immense rosace, tel le vitrail de la cathédrale de Reims, entouré de feuilles de vignes et de sarments stylisés. « Ce projet, comme le précédent, est l’aboutissement d’une collaboration étroite avec Speedy Graphito. Nous avons choisi entre 5 projets, puis lui avons demandé de modifier certains éléments pour que le dessin s’adapte parfaitement à la forme de la bouteille. Il fallait aussi modifier certains détails, sur le nom de notre maison, par exemple, qui n’était pas assez lisible. C’est également une prouesse technologique car il a fallu transposer en trois dimensions le dessin à plat et l’adapter au sleevage, une opération particulièrement délicate. Sur cette seconde édition, le film plastique rétractable va jusqu’au goulot, ce qui n’était pas réalisable il y a deux ans. Cette nouvelle version est beaucoup plus élégante », se réjouit Garance Thiénot, qui savoure déjà le succès rencontré par cette « Rencontre #2 », également proposée à 3 000 exemplaires. « Nous souhaitons que ce magnum soit à la fois unique, mais également abordable et accessible, pour que le travail de Speedy Graphito puisse être apprécié et partagé par un grand nombre d’amateurs ». A l’intérieur du flacon, pas de cuvée d’exception, mais le brut sans année maison, une manière de ne pas renchérir son prix, fixé pour cette année à 100 €, et rester dans cette philosophie de l’art démocratisé. Et quid du troisième et dernier opus de la trilogie ? « Il faudra patienter jusqu’à 2020, précise Garance Thiénot.
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Au-delà des Millésimes rares
Recréer l’année parfaite
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18.5*/20
93/100
Août 2017
Sept. 2017
Nov. 2017
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“20ème itération de Grand Siècle en magnum (1999-1997-1996)”
laurentperriergrandsiecle www.grandsiecle.com
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CHAMPAGNE
COLLET : LES ARTISANS DU
LUXE PAR PHILIPPE RICHARD
PHOTO VALERY GUEDES
Fondée en 1921, dix ans après la grande révolte des vignerons, la coopérative met un point d’honneur à porter haut et fort les valeurs de la champagne.
Marie-Laure, Marc, Annette, Marie-Josée, James, Ingrid et Dominique : membres du conseil d’administration. L’actionnariat local, ancré dans son terroir.
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« Le savoir-faire, nous le maîtrisons depuis l’origine, restait à le faire savoir », explique Olivier Charriaud le directeur général de la Cogevi.
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est devenu un produit intimement associé au luxe. Or, il n’y a pas de luxe sans artisans, et pas d’artisans sans savoir-faire. Restait à le faire savoir », explique le dynamique directeur général. En avril 2013, il mandate l’agence des « Bâtisseurs de Mémoire » avec laquelle il avait déjà travaillé lorsqu’il dirigeait Cointreau, pour mettre en valeur l’histoire de la coopérative. Le projet de la Cité du Champagne est né. Il débute par la réhabilitation de la Maison Bissinger, un acte symbolique fort, cette maison ayant été détruite en 1911 durant la révolte vigneronne. Elle est pensée comme un musée, où chaque pièce raconte une partie de l’histoire de la Cogévi. Au sous-sol, une vinothèque scénographiée accueille 30 000 flacons. A deux pas, la Villa Collet a été restaurée dans un style Art déco. Une pièce de la maison est dédiée à la cuvée « Esprit Couture », et met en avant le travail des artisans et des petites mains œuvrant jour après jour, en cave comme à la vigne, à l’élaboration du champagne. « Comme un écho, cette pièce rend également hommage aux petites mains du monde de la mode sans qui la haute couture n’existerait pas », poursuit Olivier Charriaud. Un autre espace est consacré au monde de la gastronomie (voir également p. 19). Une large place est également laissée à la création contemporaine, avec un espace destiné à des expositions temporaires : « la galerie des matériaux », où les artistes invités ont pour consigne de présenter des œuvres élaborées avec des matières premières en lien avec le champagne : le verre, le bois, le papier… La Cité est inaugurée le 19 juin 2014. Fort de ce premier succès, Olivier Charriaud réussit à convaincre le conseil d’administration d’aller plus loin et lance le projet d’un musée du champagne où est exposé un siècle d’histoire de la viticulture champenoise, avec une vue imprenable sur le vignoble d’Aÿ et ses essors. « Cette Cité du Champagne n’est qu’un élément de notre politique de mise en avant de nos champagnes. Nos collaborateurs ont désormais compris que lorsqu’un carton de champagne quitte la maison, ce n’est pas une histoire qui s’achève, mais une histoire qui débute. Nous avons donné de la modernité à notre marque, du dynamisme pour que nos collaborateurs soient fiers de porter la bonne parole », conclut Olivier Charriaud. Et c’est à croire que la stratégie adoptée est la bonne. Sur les 5 dernières années, la marque a progressé 6 fois plus en valeur et 3 fois plus en volume que la moyenne de la Champagne. Une réussite exceptionnelle.
sublime le s grandes tables depuis 1921
m adem oiselle scarlett
n 1911, la champagne gronde ! Elle se rebelle contre les tricheurs qui vont acheter des vins en dehors de l’appellation, à très bas coût, pour les revendre à vil prix. Le Village d’Aÿ est au cœur de la révolte. Les vignerons sont dans la rue, bravant l’armée dépêchée sur place, allant jusqu’à incendier les bâtiments des négociants soupçonnés de trucage. De cette lutte commune naîtra dix ans plus tard la Coopérative Générale des Vignerons de la Champagne délimitée (COGEVI), créée par des dizaines de vignerons réunis autour d’Alphonse Perrin, avec cette même volonté farouche de défendre leur savoir-faire et l’appellation champagne. « Quatre à cinq générations plus tard, la plupart de ces familles sont toujours présentes dans notre coopérative et ont été rejointes par 600 autres adhérents, se réjouit Olivier Charriaud, directeur général de la Cogévi. C’est la preuve que nous réussissons à fédérer des valeurs fortes. La coopérative est une structure où les adhérents sont aussi actionnaires. Ils sont attachés à l’avenir de leur marque et ils s’inscrivent dans la durée. C’est aussi une maison familiale, même si elle ne porte pas le même patronyme que ses vignerons ». Rapidement, la Cogévi, au nom peu glamour, adopta pour une partie de sa production la marque Raoul Collet, du nom de son deuxième directeur général. Les adhérents vont alors prendre leurs bâtons de pèlerin et parcourir l’Europe pour faire découvrir leur champagne. On les retrouve dans les grandes capitales européennes, dans les expositions internationales où ils gagnent prix sur prix. Puis vint le temps d’Henri Macquart, qui présida la Cogévi pendant trente ans. Il fut l’un des hommes clé de la Champagne et joua un rôle prépondérant dans le mouvement coopératif. En un peu moins d’un siècle d’existence, la coopérative ne connaîtra que six directeurs généraux, le dernier en date étant Olivier Charriaud, arrivé en 2011. C’est lui qui va faire entrer la Cogévi et les champagnes Collet (qui a abandonné son prénom à cette même période) dans une nouvelle ère. « Au fil du temps, le champagne
www.champagne-collet.com
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AB BU US SD D’’A ALLC CO OO OLL E ES STT D DA AN NG GE ER RE EU UXX P PO OU UR R LLA AS SA AN NTTÉ É.. À ÀC CO ON NS SO OM MM ME ER RA AV VE EC CM MO OD DÉ ÉR RA ATTIIO ON N LL’’A
COLLET
« LES CHEFS SONT DEVENUS NOS PREMIERS PRESCRIPTEURS » Le 20 novembre eut lieu le dernier des neuf dîners de la 6e édition du prix champagne Collet du livre de chef. Un final en apothéose au cours duquel le chef ligérien Christophe Hay présenta son ouvrage « Un cuisinier à fleur de Loire », tout au long d’un repas virtuose. En chef d’orchestre de ce prix, Olivier Charriaud se régale de voir, année après année, des chefs mettre à l’honneur les différentes cuvées de la Maison.
Le Prix Collet du Livre de Chef a été créé en 2013. Chaque Chef sélectionné est invité à présenter son livre et sa cuisine au Jury, constitué de journalistes, professionnels de la gastronomie, de la photographie et de l’édition. En proposant un menu inédit, extrait de son ouvrage. Près de 50 Chefs (Anne-Sophie Pic, Alain Ducasse, Michel Roth, Julien Duboué, Alexandre Gauthier…) ont présenté des accords mets-champagne grâce à leurs recettes emblématiques et aux cuvées Collet.
Flacons : Comment est né le prix champagne Collet du livre de chef ? Olivier Charriaud : Lorsque j’ai pris la tête de la Cogévi, je suis littéralement tombé amoureux des vins. Je voulais alors transmettre mon enthousiasme au marché, mais ma parole n’a que peu de poids. J’ai alors souhaité que ce message soit porté par des prescripteurs crédibles. Comme nous n’avions pas le budget pour nous attacher les services d’un grand chef, ni la légitimité de la maison Taittinger pour parrainer un prix culinaire. Il fallait donc se montrer plus malin. Avec Bertrand Glory, notre directeur commercial, est ainsi née cette idée de récompenser chaque année un livre de chef. Quels sont les critères qui entrent en ligne de compte pour ce prix ? O. C. : Avec notre jury de journalistes spécialisés, nous jugeons la qualité du livre, bien entendu, mais aussi la sincérité du chef et sa volonté de transmettre des valeurs que nous mettons également en avant à travers nos champagnes. C’est pourquoi il est important de voir les chefs cuisiner devant nous. Le prix a été créé en 2013 à la « Table ronde », un lieu situé au cœur de Paris où le chef peut préparer ses plats au milieu des convives. La première édition a réuni neuf chefs, et c’est Nicolas Stamm qui fût couronné. Cette année, nous avons changé de lieu et organisons désormais nos dîners à la galerie d’exposition Gaggenau, à côté de l’Arc de Triomphe. Nous avons un peu perdu en proximité avec le chef, mais je n’ai plus besoin d’apporter mes costumes chez le teinturier après chaque évènement… Est-il difficile de convaincre les chefs de participer au prix ? O.C. : Au contraire, dès la troisième édition, ce sont eux, en direct ou via leur maison d’édition, qui nous ont
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sollicités pour participer et présenter leurs livres. Nous avons été surpris par cet enthousiasme et la reconnaissance rapide de notre évènement. Favorisez-vous les chefs qui servent le champagne Collet à leur table ? O.C. : Absolument pas, ce n’est pas le but de ce prix. Certains découvrent nos champagnes à l’occasion du dîner, d’autres, comme c’est le cas avec Christophe Hay, servent nos vins depuis longtemps dans leur restaurant…Eric Guérin, le chef de la Mare aux oiseaux qui a remporté notre 3e édition, par exemple, s’est épris de nos cuvées à l’occasion de sa venue, et il propose désormais régulièrement des dîners thématiques où il met Collet à l’honneur. Quels sont les souvenirs qui vous ont particulièrement marqués à l’occasion de ces 6 saisons du prix ? O.C. : Chaque édition a été riche en émotions culinaires, et nous avons été impressionnés par l’implication de l’ensemble des chefs participants. Je me souviens, par exemple, de Jean-Luc Rabanel qui voulait monter en TGV, et qui s’était vu refuser l’accès au train car son matériel était trop volumineux. Il a alors pris en catastrophe sa camionnette pour venir jusqu’à Paris et nous a réalisé « à l’arrache » un superbe repas. Vous nourrissez-vous de ce prix ? O.C. : Côtoyer ces chefs nous permet, en effet, de faire évoluer notre gamme pour être plus en phase avec leurs attentes. Par exemple, pour notre dîner avec Olivier Nasti, chef étoilé à Kaysersberg en Alsace, notre chef de cave voulait présenter un rosé qui se marie bien avec un beau dessert à base de fruits rouges. Il a alors imaginé une cuvée dont le dosage ne soit pas trop important pour s’accorder avec la délicatesse de l’entremets. C’est ainsi qu’est née notre cuvée Rosé Dry Collection privée. De même, nous avons revu complètement nos habillages en prévision de ces évènements. Je me souviens d’une réflexion de l’épouse du chef Johan Leclerre, qui, voyant nos nouveaux flacons pensait que nous avions fait un habillage spécifique pour le dîner de son mari. Je lui avais alors répondu que c’était tout simplement le nouvel habillage. Elle me dit alors du tac au tac : « vous savez, j’aime beaucoup vos champagnes, je les avais même sélectionnés pour le restaurant, mais leurs étiquettes étaient tellement ringardes que je n’osais pas les mettre en salle. Désormais, elles seront à la hauteur de notre table ». Comme quoi, si vous voulez aller dans de beaux endroits, il faut être bien habillé. Cela vaut pour nous comme pour nos champagnes !
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LAURENT-PERRIER
& Philippe Labbé Retour sur la cuvée iconique de la maison Laurent-Perrier, Grand Siècle, avec son directeur marketing, Arnaud Richard, pour laquelle Philippe Labbé, chef étoilé de La Tour d’Argent, a créé un accord sur mesure.
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ICÔNES POUR UN ACCORD PARFAIT PAR JEAN DUSAUSSOY
PHOTOS VALERY GUEDES
CUVÉE GRAND SIÈCLE « Grand Siècle est une cuvée prestige, lancée en 1959 par Bernard de Nonancourt (père d’Alexandra et Stéphanie, propriétaires du Groupe Laurent-Perrier), avec la volonté d’apporter quelque chose de nouveau au marché à partir de cette réflexion : « Pourquoi les cuvées haut de gamme en Champagne sont toutes millésimées alors que ce qui fait le trésor et la magie de la Champagne est l’assemblage ? » L’assemblage, non seulement des cépages, mais aussi des années et des crus. En poursuivant son observation, il a remarqué que les années millésimées l’étaient soit pour leur structure, leur fraîcheur ou leur finesse. D’où l’idée d’assembler trois cuvées millésimées pour recréer à chaque fois l’année parfaite » déclare Arnaud Richard. « Aujourd’hui, Michel Fauconnet, troisième Chef de caves depuis 1949, dispose d’une cuverie, dédiée à la cuvée Grand Siècle, avec les 11 des 17 grands crus de chardonnay et de pinot noir, susceptibles de rentrer dans l’assemblage pour obtenir le style Grand Siècle. Le millésime le plus jeune entrant dans sa composition a toujours au moins 10 ans de cave et même 14 dans la cuvée à la vente actuellement, puisqu’il s’agit d’un 2004. »
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LANGOUSTE PUCE ROYALE & CAVIAR OSCIÈTRE IMPÉRIAL. CUITE AU NATUREL, DÉLICATEMENT ASSAISONNÉE D’UNE CRÈME DE POMME VERTE CITRONNÉE « Je ne peux pas me passer d’un sommelier dans une maison. J’adore le vin et j’ai envie de découvrir. C’est une complicité dans le travail. Avec David Ridgway (chef sommelier de la Tour d’Argent), on a été marqué par la note très fine du Grand Siècle ainsi que par sa douceur. La finesse, je l’ai associée à la saveur de la langouste et la douceur par la crème fraîche. En même temps il y a un peu d’acidité et de la fraîcheur que j’ai amenée par de la pomme verte à laquelle j’ai rajouté un petit peu de citron. Et enfin le caviar pour le côté salin qui assaisonne le tout. Le médaillon de langouste est posé sur une julienne de langouste et pomme verte liée avec la crème, puis il est lustré à l’huile d’olive. On vient ensuite déposer le disque de jus de pomme et citron gélifié sur lequel repose le caviar osciètre impérial. » Partir de la bouteille pour aller vers l’assiette. Un exercice auquel le chef est habitué car avec la carte des vins exceptionnelle que possède la maison, il n’est pas rare qu’un client choisisse d’abord les vins pour lesquels la cuisine adapte ensuite les plats.
H.BLIN
& Thierry Landragin
PAR CLÉON MAZZELLA PHOTO KAI MÜLLER
S’il existait premiers ou grands crus pour le meunier (second cépage de la Champagne avec 32% de l’encépagement), nul doute qu’ils seraient autour de Vincelles, dans la Vallée de la Marne. Daniel Falala, Directeur Général de Champagne H.Blin, met le berceau de ce cépage à l’honneur et le chef Thierry Landragin (Le Restaurant de l’Abbaye à Hautvillers) en lumière à travers un accord gourmand.
L’EXTRA BRUT SUBLIME LA SAINT-JACQUES 22
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PASSION DE SAINT-JACQUES AU BLANC DE NOIRS « L’avantage de la maison H.Blin, c’est qu’ils ont des vinifications qui gardent une grande fraîcheur aux vins et notamment sur ce meunier », confie le chef. « On est sur un vin structuré, mais sans lourdeur, qui amène de la fraîcheur avec des arômes de nèfle et de quetsche. Ce qui est très intéressant pour la SaintJacques car, tout comme les crustacés, elle nécessite des vins sur la longueur, mais avec un côté acidulé et iodé. » Pour conserver toute la fraîcheur au fruit de mer, le chef la travaille au beurre Mycryo. « C‘est un beurre de cacao, sur des notes de chocolat blanc plus que de cacao, sous la forme d’une poudre, qui offre l’avantage de ne pas avoir d’adhérence lorsqu’on poêle la Saint-Jacques et permet de la colorer sans la griller. Une fois craquelée, je déglace au champagne le beurre qui a caramélisé puis je rajoute de la pulpe de fruit de la passion afin qu’elle soit juste tempérée par le jus et je sers tout de suite avec quelques zestes de lime. »
BLANC DE NOIRS 100% MEUNIER NON MILLÉSIMÉ H.Blin pour Henri Blin le fondateur, en 1947, avec 28 autres vignerons, de cette coopérative de type familiale. « C’est assez rare qu’une coopérative porte le nom d’une personne, commente Daniel Falala, dont le président actuel, Simon Blin, n’est autre que le petit-fils d’Henri. » Et de poursuivre : « A Vincelles, le meunier est notre cheval de bataille. Il représente 70% de l’encépagement. Mais ce blanc de noirs est atypique avec un meunier qui chardonnise. Sur une base 2014, provenant de parcelles exposées sud-sud-est où ce cépage est sublimé, on obtient à la fois une belle maturité ainsi qu’une certaine finesse et élégance qui donnent des vins assez tendus et frais. » Dosé seulement à 5 grammes, c’est un extra brut commercialisé en brut qui nécessite « tout un travail de conservation après dégorgement (entre 6 mois et un an) pour que le fondu se fasse bien afin d’éviter cette petite amertume que peut avoir le meunier. Il y a une dualité sur cette cuvée avec une première bouche sur la tension et la fraîcheur et une fin de bouche toute en longueur. »
PAR JEAN DUSAUSSOY PHOTOS VALERY GUEDES
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DOM PÉRIGNON
& Jocelyn Herland 2008, millésime d’exception en Champagne de par ses qualités organoleptiques, marque, en plus, chez Dom Pérignon, le passage de relais entre les chefs de cave Richard Geoffroy et Vincent Chaperon. Pour l’accompagner, Jocelyn Herland, chef exécutif du Restaurant le Meurice Alain Ducasse doublement étoilé, est allé chercher un accord d’une élégante simplicité.
ÉLOGE DE L’ÉLÉGANCE PAR JEAN DUSAUSSOY PHOTOS VALERY GUEDES
SAINT-PIERRE, COURGE, OXALIS ET CITRON CAVIAR « Quand on part du principe que c’est le champagne qui doit être mis en avant et qui fait le lien avec le plat, on commence par la découverte du vin avec mon chef sommelier, Thomas Evangelista. Le 2008 se définit par son élégance à laquelle l’association Saint-Pierre, courge, citron caviar nous semblait correspondre. » Il est intéressant de remarquer que l’on retrouve les mêmes pistes que dans la recette précédente (agrume, végétal, iode), mais avec des ingrédients différents. « Le citron caviar, ce n’est pas juste un citron, poursuit le chef. Il y a un parfum, une texture en bouche, il y a un petit éclat qui peut arriver quand vous croquez dedans rappelant la bulle. La courge, il y a à la fois son côté doux (d’autant plus qu’il y a un peu de butternut avec le potiron), mais aussi le côté toasté par rapport à la graine rôtie que l’on utilise sous forme d’huile. Le filet de Saint-Pierre quand on le lève, est en trois morceaux avec une belle chair. En l’habillant juste d’écailles de courge, il est dans une élégance par rapport au champagne. Une élégance dictée par le champagne. »
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DOM PÉRIGNON VINTAGE 2008 (ÉDITION LIMITÉE) « 2008, qui succède au 2009 (commercialisé plus tôt en raison des caractéristiques solaires du millésime), est un millésime exceptionnel, très attendu. Un grand classique des vendanges champenoises, à l’image de 2002 ou 1990. Un équilibre parfait en chardonnay et pinot noir à 50/50, alors que c’est une cuvée qui peut varier jusqu’à 40/60. 1996 est la dernière fois où l’on a eu un tel équilibre, ce qui veut dire que les deux cépages se sont exprimés avec une même intensité » commente Vincent Chaperon, Chef de caves de Dom Pérignon. « Deux mots viennent pour décrire le Vintage 2008, musclé et athlétique. Ce que l’on essaie toujours de faire c’est d’avoir le plus possible Dom Pérignon dans le millésime et de millésime dans Dom Pérignon. Au caractère naturel du millésime avec cet équilibre de fraîcheur, de pureté et d’élégance, il a fallu rajouter des éléments d’épaisseur et de chair, notamment à la cueillette (plus tardive qu’en 1996, donc avec plus de maturité), mais aussi à l’élaboration et avec cette année de maturation supplémentaire, pour obtenir ce muscle athlétique. » « Chez Dom Pérignon, on considère que le vin est d’abord au service d’une expérience et la première sont les accords mets & vins. Avec notre chef maison, Marco Fadiga, et Richard Geoffroy on a travaillé pour 2008 sur la thématique « Tour du Pacifique » parce que pour nous toutes les cuisines mexicaines, péruviennes puis du sud-est asiatique faisaient résonner ce que l’on ressentait dans le vin, ce côté très lumineux, très vibrant, très frais, tendu, mais avec de la richesse. On a fait beaucoup d’essais, mais je me souviens d’un accord sur une « Explosion de guacamole, jus de kumquat et huître » où on joue vraiment sur cette dimension agrume du kumquat, végétale de l’avocat - car on revendique cette dimension végétale noble chez Dom Pérignon - mais aussi iodée et minérale avec l’huître. »
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HENRIOT
& Arnaud Lallement Si tous les vins sont ses bébés, Laurent Fresnet, maître de caves de la maison Henriot, clôture, avec ce premier millésime d’Hemera (2005), la boucle commencée il y a bientôt 13 ans avec la mission que lui avait confiée Joseph Henriot, faire rentrer la cuvée premium de la maison, « Les Enchanteleurs », dans le style Henriot. Pour accompagner cette naissance, le chef triplement étoilé, Arnaud Lallement (L’assiette Champenoise à Tinqueux) nous propose son accord.
UN COUP DE CŒUR TRIPLEMENT ÉTOILÉ
PAR JEAN DUSAUSSOY PHOTO VALERY GUEDES
VEAU FERMIER, OIGNONS, JUS DE VIANDE, TRUFFE BLANCHE « Quand je goûte un vin et surtout un champagne, j’ai un déclic sur le plat qui pourrait aller avec. Je ne parle pas d’accord parfait, je parle d’un coup de cœur qui va créer une émotion entre le vin et le plat. Quand j’ai goûté Hemera 2005 qui a été une belle année où on a eu un joli soleil durant tout l’été - on a un vin avec de la richesse et avec 13 ans de bouteille, le vin peut s’exprimer avec des notes évolutives, mais toujours sur la finesse avec Laurent Fresnet - tout de suite j’ai vu une pièce de veau. La petite côte de veau élevé sous la mère, avec beaucoup de tendreté, avec une mâche très agréable, mais terminée en fin de cuisson avec un jus de veau un petit peu réduit pour apporter un côté évolué et toasté en fin de bouche. Cela va bien se marier avec le 2005 où l’on a sensiblement tous les mêmes aspects. L’accord parfait pour moi n’existe pas. Cette bouteille je l’ai goûtée il y a déjà trois semaines, aujourd’hui ce serait différent car on n’est pas dans le même contexte. On n’a pas la même température extérieure, le vin aura continué à évoluer, le produit qui a été accordé ne sera pas le même. Donc je pense que l’accord est plus une affaire de coup de cœur à l’instant qu’une perception ultime. Après, cet instantané peut se répéter mais jamais à 100 %. »
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CUVÉE HEMERA 2005 « Quand je suis venu travailler chez Champagne Henriot, Joseph Henriot m’avait demandé de préciser le style de la maison sur les bruts, de l’affiner sur les millésimes et surtout de rapprocher Les Enchanteleurs de l’époque de l’ADN actuel de la maison, c’est-à-dire la fraîcheur, la minéralité, le fruité et les notes de viennoiserie alors que Les Enchanteleurs étaient sur des arômes d’automne comme la truffe, le champignon, le sousbois. Pour ce faire, tout en gardant les mêmes 6 grands crus et les mêmes pourcentages (moitié chardonnay, moitié pinot noir), je me suis éloigné de la vinosité pour aller chercher des notes plus aériennes, de la finesse, de la fraîcheur, de la salinité en sélectionnant d’autres approvisionnements afin d’élaborer un vin (dosé seulement à 5 grammes) plus printanier qu’automnal. Un vin plus lumineux, d’où son nom, Hemera, déesse de la lumière du jour chez les Grecs. » Le dernier accord sur lequel il a dégusté cette cuvée Hemera ? « Au Canada, d’où je viens de rentrer, sur un Comté de 12 mois tout simplement. Une association entre le crémeux du fromage et la fraîcheur du vin, son côté beurre frais, cela marche du feu de Dieu ! »
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PANNIER
& Alain Dutournier
UNE POULARDE QUI JOUE LES ÉGÉRIES PAR JEAN DUSAUSSOY z PHOTOS VALERY GUEDES
Avec Egérie 2008, Pannier relooke sa muse. Nouvel habillage plus féminin et passation, à l’été 2019, entre le chef de caves Philippe Dupuis et son successeur, Yann Munier, à l’issue d’une transition et d’une transmission de 18 mois entre les deux hommes, selon le principe de la « solera ». L’occasion pour Alain Dutournier, le chef doublement étoilé du Carré des Feuillants, de redécouvrir la marque et d’offrir un « Oreiller de la Belle Aurore » pour un accord gourmand.
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POULARDE FAÇON BELLE AURORE « J’étais content de renouer avec une marque que j’avais un peu oubliée et ce qui m’a énormément plu est que ce vin sort des canons de l’ordinaire. Il est totalement différent, il a une signature, un style, celui de Pannier, avec sur ce 2008 un nez exceptionnel et une subtile vinosité qui reste très pure. J’aime cette pureté, mais j’aime aussi cette intensité. C’est un champagne que j’ai envie d’harmoniser avec de la cuisine, avec lequel j’ai envie de manger. Cette Egérie me donne une note émotionnelle quand je la goûte. Ce qui est bien, c’est de cultiver cette distinction entre les marques, les maisons, les vignerons. Ce que je demande à un vin, c’est qu’il me donne une émotion qui touche ma sensibilité pour qu’elle commence à le graver dans ma mémoire et dans mon palais. C’est un vin qui a du sens et demande à être regoûté et partagé. Au-delà de faire du commerce, puisque je suis restaurateur et caviste, l’important, c’est de le faire déguster à des amis. Et pour ce faire, il faut que ce soit quelque chose qui sorte de l’ordinaire. Pour moi, c’est la plus belle des références. » « Quand je goûte un vin de Champagne de cette pointure, j’ai envie de manger. Pas forcément un poisson ou une viande rouge, mais une belle volaille. On a réussi à conserver ce goût de poularde de ferme qui a couru dans une cuisson assez lente et d’enrichir les suprêmes avec les gras de cuisses qui sont intégrés dedans, ainsi que des ris de veau, du foie gras de canard et un assaisonnement dont chaque chef a le secret sur les épices qu’il y met. Tout a été précuit séparément et ensuite incorporé dans une croûte où je rajoute de la truffe puisque c’est le début de la saison. »
EGÉRIE 2008 « Au début des années 80, se souvient Philippe Dupuis, Pannier a rapidement compris que pour grandir dans son statut de marque, il lui fallait une cuvée de prestige avec des crus de premiers plans. Egérie est née en 1985, trois ans après que je sois arrivé dans la maison. 1985 a été un millésime très qualitatif. A l’époque on était plutôt sur une base de 40% chardonnay de la Montagne de Reims, 30% de pinot noir toujours de la Montagne de Reims et 30% de meunier de la vallée de la Marne. Au cours des années on a affiné le style en baissant la proportion de meunier pour aboutir à un assemblage à 50% chardonnay et le reste de pinot noir avec quelques pointes de meunier, qui sont importants car c’est notre cépage historique (la cave est située dans la vallée de la Marne), et parce que cette pointe de meunier participe à la signature Pannier. Egérie est dosée en extra brut car on estime qu’avec le temps important de vieillissement sur lattes, il n’a pas besoin de plus de 5 grammes pour que le vin puisse exprimer son côté tendu, ciselé et raffiné dont le 2008 est la parfaite expression. Et un parfait équilibre entre les cépages blancs et noirs, rebondit Yann Munier, tout particulièrement en 2008, avec cette particularité d’apporter dans une cuvée premium une touche de meunier, ce que l’on ne retrouve pas dans les autres maisons. C’est vraiment la signature d’Egérie. »
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KRUG
& Fish
PAR LÉON MAZZELLA PHOTOS LES OTHERS
LES DOUZE APÔTRES DE LA GRANDE CUVÉE
La Maison Krug a réuni une pléiade de chefs venus du monde entier, tous passionnés par la cuisine du poisson, pour vivre une aventure hors du commun sur l’île de Majorque. Le temps d’une pêche matinale et miraculeuse.
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ne pléiade de toques prit la mer afin de lui rendre un hommage à la fois gourmand et effervescent, en sublimant les accords mets et vins, nommé « pairing » comme on dit fiançailles ou mariage. L’appariement eut lieu de retour au port de Cala Figuera, sur l’île de Majorque, après une pêche en haute mer en compagnie de professionnels. Et cette expérience culinaire et avant tout humaine, si proche de la nature, a donné lieu à la publication d’un petit livre
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intitulé avec humour « Queues de poisson », le quatrième d’une série. Les contributeurs sont tous remarquables dans leur domaine propre : Tout d’abord Eric Lebel, Chef de Caves Krug, Arnaud Lallement, chef triplement étoilé de l’Assiette Champenoise et maître queux du champagne Krug, Olivier Krug, directeur de la Maison éponyme fondée par Joseph Krug en 1843, et représentant de la sixième génération. Puis, l’équipage des douze chefs ayant répondu présents à bord pour réaliser et célébrer cet événement. Des chefs issus des « Ambassades Krug », ces grandes tables réparties aux quatre coins du monde, qui étaient de cette partie de pêche singulière. Ce qui permit de les rapprocher dans un esprit de camaraderie. Les stars discrètes se nommaient Krug Grande Cuvée – assemblage de plus de 120 vins sélectionnés dans toute la Champagne -, et Krug Rosé, particulièrement douées pour escorter les produits de la mer. Le défi ? celui de laisser s’exprimer la sensibilité de chaque chef en fonction des prises de « la pêche du jour » et des flacons à apparier. En partant à la recherche de l’accord parfait, et en laissant parler son instinct, tout en débridant son inventivité alliée à son savoir-faire technique. Une aventure maîtrisée. Mais avant cela, il s’est agi de savoir tenir correctement une canne et d’y placer un leurre avec adresse. Parce que les chefs pêchèrent, tâtèrent du moulinet, se familiarisèrent avec l’art de sentir la touche et celui du ferrage à l’instant idoine ! Saint-Pierre, rascasse, rouget barbet étaient de sortie, car de saison. La pléiade de chefs cuisina aussi - crus ou cuits -, cabillaud, coquille Saint-Jacques, vivaneau rouge, crabe, oursin... agrémentés parfois de caviar. Leur talent s’est aussitôt révélé sur le produit pur, son individualité avant de l’associer puisque, comme le dit Eric Lebel, « chaque parcelle de vigne, chaque poisson est unique ». La salinité et la subtilité de la chair des prises du jour se fiancèrent donc avec délice à la fraîcheur, à la texture vibrante, aux notes d’agrumes, de fruits secs, de brioche grillée et de fleurs de la Grande Cuvée. « Un Krug synonyme d’élégance, de savoir-faire, d’héritage, fruit de la détermination d’un homme, Eric Lebel, qui se lance sans retenue dans l’art de l’assemblage », déclara le chef milanais Domenico Soranno. Ryan Clift fut encore plus lyrique, qui dit de la fraîcheur de Grande Cuvée qu’elle « monte en bouche comme une étoile filante ». Le chef Hiroyuki Kanda lui, se plut à sublimer le Krug Rosé avec des miettes de Matsuba (crabe des neiges), de la laitance de poissonglobe et du caviar. Car les douze préparations furent un feu d’artifice de saveurs. Un hommage à « l’individualité parcellaire », un axiome maison, en mettant à l’honneur le poisson : c’est Krug & Fish avec l’esprit sparringpartner, pour un « pairing » des plus festifs.
Les pêcheurs étaient impatients de voir comment les chefs avaient transformé leur prise du matin en chef-d’œuvre culinaire. FLACONS
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Pour répondre à cet hommage au terroir, le chef Jean-Baptiste Natali dit avoir choisi « un plat de saison avec la chasse ». Des suprêmes de colvert rôtis sur coffre au sautoir qu’il a associé au raisin et à la betterave. L’acidité du raisin relevé d’une pointe de vinaigre d’une part, et des grains de chasselas farcis d’une purée betterave pour le côté terre. Côté terre que l’on retrouve aussi dans les cèpes grillés et dans le sang du canard, servi rosé, pour savoir « causer » à l’exceptionnelle ampleur de la cuvée et du millésime dont l’absence de dosage est « parfaite, selon le chef, pour faire un repas tout au champagne. » Un vrai vin de table, au sens noble du terme .
Regards croisés de Jean Rémy Rapeneau, directeur commercial du Château de Bligny, et Jean-Baptiste Natali, chef étoilé à l’Hostellerie La Montagne (Colombey-les-DeuxEglises), sur un terroir qui leur est cher.
6 CÉPAGES POUR UN HOMMAGE PAR JEAN DUSAUSSOY PHOTOS VALERY GUEDES
TAITTINGER
BLIGNY
COLVERT DE CHASSE FRANÇAISE AUTOUR DU RAISIN ET DE LA BETTERAVE
Pierre-Emmanuel Taittinger (à droite) avec Kenichiro Sekiya, le lauréat, et l’immense David Douillet.
Le Lauréat du 52ème Prix Culinaire Le Taittinger 2018 est Kenichiro Sekiya, disciple de Joël Robuchon. Une édition émouvante sous la présidence de Jean-paul Bostoen, Chef de l’Auberge de l’Ill (Famille Haeberlin, 3 étoiles au Michelin.
LE 52ÈME TAITTINGER EST UN CHEF JAPONAIS Le thème du concours : « Turban de la mer accompagné d’une garniture à base d’artichaut et d’une garniture libre ».
CLOS DU CHÂTEAU DE BLIGNY BRUT NATURE « C’est le seul clos bénéficiant de la dénomination Château comme récoltant manipulant en Champagne », rappelle Jean Rémy Rapeneau. « Un peu moins d’un hectare complanté, entre 2001 et 2004, dans l’enceinte du château, à parts égales entre les trois cépages majoritaires (chardonnay, pinot noir et meunier) et trois des quatre cépages rares (arbane, petit meslier et pinot blanc). » Une volonté de son père, Christophe Rapeneau, Sparkling Winemaker 2017 pour la Maison Charles de Cazanove, de faire une cuvée d’exception en hommage à toute la Champagne à travers ses cépages. Le septième, le pinot gris (ou fromenteau en Champagne) a été planté plus récemment dans le clos afin que les futurs millésimes contiennent l’ensemble des cépages champenois. Récolté en un seul passage et pressé ensemble, ce clos contient donc des maturités différentes en son sein, tous les cépages n’arrivant pas à maturité à la fois. Ici, l’assemblage est fait à la vigne, c’est ce qui en fait la spécificité de cette cuvée à la fois saline et très ample, avec une absence de dosage qui renforce l’effet terroir.
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Une Vitalie Taittinger concentrée avec Jean-Paul Bostoen, MOF lauréat du « Taittinger » en 2004.
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DEUTZ
Fabrice Rosset, qui préside la Maison sise à Aÿ, et Michel Davesne, son emblématique Chef de caves depuis quinze ans, « cosignent » deux nouvelles cuvées ciselées qui subliment le pinot noir, sans faire de l’ombre à la prestigieuse cuvée William Deutz.
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HAUTE COUTURE PARCELLAIRE
PHOTO VALERY GUEDES
ls ne s’entendent pas comme larrons en foire parce que l’affaire est sérieuse, mais plutôt comme un duo d’exception : « Cela fait quinze ans qu’avec Michel Davesne, Chef de caves, nous vivons un ciel sans nuages comme on le dit à propos des vieux couples », dit Fabrice Rosset, Président de la Maison Deutz depuis 1996. L’un des exploits de ce pur Champenois est d’avoir fait exploser les ventes de la Maison, les faisant quadrupler en une quinzaine d’années : de 600 000 bouteilles à 2,4 millions aujourd’hui. Et cela avec une philosophie du management s’appuyant sur des préceptes basiques du marketing, précise Fabrice Rosset avec modestie : « Deutz était une belle endormie qu’il s’agissait de réveiller en douceur en étant constamment en alerte, aux aguets des marchés afin d’observer les signes tangibles ici et là. Une bonne presse hexagonale et internationale, des consommateurs qui ont toujours suivi, un investissement de chaque jour ont composé l’alchimie de la réussite. » L’homme se définit comme un obsessionnel de la qualité, dont l’échelle des valeurs repose sur le respect du consommateur. Le succès à l’export est vite arrivé, tout en maintenant une forte présence en France : « Nous avons augmenté les volumes en gardant le même ratio : 60 % sur le marché national, 40 % à l’export. » Amoureux de sa charge qu’il confesse parfois déborder, il s’efforce de travailler main dans la main avec son Chef de caves : « J’aime aussi le travail d’amont, même s’il outrepasse mes attributions et compétences. Je tiens mes carnets de dégustation depuis 22 ans déjà. » Michel Davesne, dont le parcours est atypique : pas de diplôme d’œnologie, mais
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Hommage à William Deutz : Parcelle « La Côte Glacière » et Parcelle « Meurtet»
PAR LÉON MAZZELLA
une formation en biotechnologie, Chef de caves chez Palmer durant 18 ans, puis une année pour entrer dans le costume de Deutz, comprendre ses vins (14 cuvées à ce jour), on fait de lui le complément d’objet direct de Fabrice Rosset : « Nous sommes en parfaite harmonie, en symbiose même, depuis mon arrivée en 2003 », déclare Michel Davesne. « Nous dégustons toujours ensemble tous les vins clairs. Pour les assemblages, qui sont davantage l’apanage du Chef de caves, mes orientations sont suivies, mais la décision finale est collégiale et nous sommes très souvent du même avis avec Fabrice. » Le duo Deutz ne souffre pas la moindre modulation de fréquence : « Nous sommes toujours sur la même longueur d’onde. Michel est de surcroît un Chef de caves remarquable, car pourvu d’une grande humilité. » Interrogés séparément sur la définition du style maison, Michel Davesne répond spontanément : « Précision, finesse, élégance, pureté », tandis que Fabrice Rosset déclare : « Séduction et élégance. L’équation profondeur-complexité-puissance. » Soit la recherche de l’harmonie , c’est raccord. « Améliorer la qualité tout en maintenant cet ADN », précise Fabrice Rosset, « c’est maîtriser l’exubérance de certains millésimes par exemple, maintenir le fil conducteur en intégrant la personnalité de chaque vendange. » Michel Davesne enchérit : « Nous sommes une Maison de taille relativement modeste, ce qui nous autorise à faire de la haute couture et pas du prêt-à-porter. » Le duo ne se prive pas de sculpter chacun de ses vins. Il y a les cuvées de prestige : William Deutz (les trois cépages), Amour de Deutz (chardonnay), mais le travail de haute précision est exécuté
sur le Brut Classic (75-80 % du volume total). Ce qui n’interdit pas à Deutz de se livrer à du travail parcellaire comme en témoignent les deux nouvelles cuvées dédiées au pinot noir. Baptisées « Hommage » (à William Deutz) : Côte Glacière et Meurtet, représentant à peine 2 ha chacune. « La première est située derrière nos caves, plein Sud », précise Michel Davesne, « les vignes ont 40-45 ans, les rendements sont faibles, c’est plus chaud, plus vineux, plus concentré que
Meurtet, située à 250 m de Côte Glacière. Exposées Sud-Est, les vignes de Meurtet ont environ 35 ans, le vin est plus fin, plus ciselé, plus élégant. » Du travail d’orfèvre sur des parcelles « qui sont toujours sorties en tête, au point de décider d’en faire des cuvées propres depuis le millésime 2010 », ajoute Fabrice Rosset. Et le 2012 est une réussite totale dans les deux cas : opulence, pureté, noblesse. « Un formidable exercice de style », conclut l’inoxydable Président..
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BARONS DE ROTHSCHILD
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PHILIPPE SEREYS DE ROTHSCHILD, LE METTEUR EN SCÈNE DES CHAMPAGNES DE LA FAMILLE
l faudrait à tout un chacun plus d’une vie pour avoir un CV à moitié rempli comme celui que Philippe Sereys de Rothschild affiche à 55 ans. Le fils de Jacques Sereys, sociétaire honoraire de la Comédie-Française et de Philippine de Rothschild, actrice connue sous le nom de Philippine Pascal et propriétaire jusqu’à son décès du château Mouton Rothschild, a enchaîné les vies professionnelles à un rythme effréné. Il débute sa carrière dans la banque Lazard aux Etats-Unis, puis part à la Compagnie générale des eaux (actuellement Vivendi) pour monter des projets de retraitement des déchets en Grande-Bretagne et à Taïwan. En 1998, le voilà chez SLP Software, société spécialisée en logiciels de relations clients. Vient alors la période du Private Equity, d’abord chez Natexis puis dans deux fonds de capital d’investissement. Enfin, en 2011, il s’intéresse au monde de l’éducation en fondant Alma Learning, un groupe qui possède notamment les cours Hattemer, Legendre… Et on en oublie. Lui qui s’était longtemps tenu éloigné des affaires viticoles de sa mère jusqu’à ce qu’il se retrouve propulsé au décès de cette dernière à la tête de Mouton Rothschild, un des 1ers grands crus classés du Médoc, avait pourtant accepté dix ans plus tôt un autre challenge nettement plus pétillant, celui
de diriger les champagnes Barons de Rothschild, une marque qui a fédéré toutes les branches de la famille. « Peut-être à cause de mon activisme professionnel forcené, tout le monde s’est mis d’accord pour me demander de m’occuper du développement de cette nouvelle marque. Et comme je suis un garçon poli, j’ai accepté… », plaisante-t-il. Avait-il pris la mesure de la tâche qui l’attendait, alors que les deux autres branches de la famille se disputaient l’usage de leur patronyme pour leurs activités bancaires ? « J’avais posé plusieurs conditions à mon acceptation. En premier lieu que se tiennent au moins deux à trois conseils par an pour garantir une bonne gouvernance de cette nouvelle société, que notre champagne soit servi dans toutes les structures familiales, et enfin que les problèmes liés aux activités bancaires, qui ont d’ailleurs été réglés juste avant l’été, ne soient jamais évoqués ou ne déteignent pas sur notre
ciis quam doluptatem. Expera erem doluptas explant et, quis sum sed mi, offic to molum, am illabore omnis eture, com-
Les chats ont neuf vies, Philippe Sereys de Rothschild beaucoup plus… Dont celle de président des champagnes Barons de Rothschild. Portrait d’un homme infatigable qui nous fait ici l’éloge de la patience. PAR PHILIPPE RICHARD
maison de champagne. Je suis d’ailleurs ravi de pouvoir affirmer que nos trois branches familiales s’entendent à merveille ». Philippe Sereys de Rothschild, un catalyseur de bonnes ondes ? Il peut se targuer, en tout cas, d’être l’architecte incontestable de la réussite de cette jeune maison de champagne, qui possède un hôtel particulier boulevard Lundy à Reims, et ses installations techniques à Vertus, dans la côte des blancs, le royaume du chardonnay. « Ce cépage constitue l’ossature de nos champagnes. Il n’est pas toujours facile à dompter, il nécessite un élevage particulièrement long. Pour notre brut sans année, nous le laissons plus de cinq ans en cave ». Philippe Sereys de Rothschild serait-il devenu le chantre de la patience ? Il n’en est pas moins fier du chemin parcouru. « Notre première cuvée n’était pas à la hauteur de nos ambitions. Entrer dans une nouvelle région et avoir de bons approvisionnements de raisins prend du temps. Nous sortons cette année la 8e édition de notre cuvée de base, et on peut affirmer que la qualité n’a fait que progresser au fur et à mesure que
nous fidélisions nos apporteurs, qui s’identifient à notre projet ». Comme Philippe Sereys de Rothschild aime à le rappeler, sa famille sait faire du vin, et très bien au demeurant, les deux autres branches produisant le Château Lafite Rothschild et le Château Clarke en Listrac, mais pas du champagne. « Hors de question donc d’imposer nos vues, nous avons choisi de faire confiance à notre équipe champenoise, formidablement cornaquée par Frédéric Mairesse ». Aujourd’hui, la maison est proche de son objectif des 450 000 bouteilles produites par an, et la gamme s’est enrichie d’un vintage (le 2008 vient à peine de sortir…), d’un blanc de blancs, d’un rosé et d’un extra brut. Pourtant, une chose semble manquer aux yeux de cet entrepreneur impénitent : un vignoble ! La maison ne possède qu’un demi-hectare. Et aimerait bien pouvoir lui adjoindre 4 à 5 hectares, si possible de grand chardonnay. « Nous sommes avant tout des hommes du foncier. La terre est notre vraie richesse ». Reste à trouver les bonnes vignes pour que se prolonge encore plus avant cette aventure palpitante.
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MUMM
Le champagne sort de la bouteille, sous forme d’écume mousseuse.
L’apesanteur n’a pas été abordée comme une contrainte mais comme une opportunité créative.
L’innovation ne s’arrête jamais chez Mumm. Grâce à la minutieuse mise au point d’une bouteille révolutionnaire, les lois de la gravitation ont été défiées puis conquises. Il est désormais possible aux voyageurs de l’espace de boire du champagne plus près des étoiles.
DES BULLES EN APESANTEUR PAR LÉON MAZZELLA
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e fut une première mondiale. Le « vol parabolique », en apesanteur au-dessus du vignoble champenois, organisé par la Maison Mumm à la mi-septembre dernier (avec à son bord notamment le sprinter olympique Usain Bolt, ambassadeur de la marque), aura reculé les limites de l’innovation et de l’expérience de la dégustation. C’est avec le spationaute Jean-François Clervoy, de l’Agence Spatiale Européenne (ASE), un groupe de chercheurs tel Gérard Liger-Belair, universitaire rémois spécialisé dans les secrets physico-chimiques de la bulle de champagne, d’ingénieurs et d’œnologues, que la Maison rémoise a réfléchi à cette aventure. Ainsi furent percés les mystères de la dynamique des fluides et de la capillarité qui permettent d’élucider le comportement terrestre du champagne. Il aura fallu par ailleurs trois années de travail en colla-
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boration étroite avec l’agence Spade, spécialisée dans la conception d’objets spatiaux, pour que Mumm puisse lancer Grand Cordon Stellar. Spade est une start-up fondée par Octave de Gaulle qui a fait du design des objets spatiaux et de leur nécessaire ergonomie une spécialité. Pour la réalisation d’un objet aussi singulier qu’une bouteille de champagne « adaptée », il s’agissait de parvenir à faire jaillir le champagne de sa bouteille. Cela semble évident. Or, c’est un vrai défi et une sacrée opportunité créative. La bouteille, à double cavité, utilise le gaz carbonique du vin comme une force capable d’expulser le champagne dans un anneau spécifique qui surmonte le bouchon, où il se concentre. Conçue en verre transparent épais et ceinte de son emblématique cordon rouge, elle est le fruit du travail sur plusieurs prototypes expérimentés lors de trois vols paraboliques
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entre avril 2017 et février 2018. Chaque matériau a été sévèrement pensé et sélectionné. Une première série de 30 exemplaires a vu le jour. Octave de Gaulle, persuadé que les vols spatiaux se multiplieront rapidement, est soucieux d’allier esthétique et ergonomie. « Et de remettre la dégustation au centre du propos », dit-il, « puisque dans l’espace on boit avec une paille. Et aussi recréer de la convivialité, le champagne étant un vecteur de joie et de partage. La simple expérience de trinquer ensemble sur Terre est un vrai tour de force dans l’espace : on ne peut s’asseoir, poser son verre, ouvrir une fenêtre, humer l’air ». Cet amas de bulles - une écume mousseuse généreuse aux qualités organoleptiques surprenantes elles aussi - une fois expulsé, flotte dans l’air, et il est alors « piégé », comme le dit le professeur Liger-Belair, soit recueilli par un verre totalement inédit, en forme de long tee de golf. La sensation extraordinaire produite par cette écume, est le résultat de sa transformation en liquide aussitôt qu’elle entre en bouche et tapisse celle-ci par capillarité. Avec l’apesanteur, le vin recouvre instantanément l’ensemble du palais et exhausse les sensations gustatives. L’effervescence s’efface au profit de la rondeur et de la générosité et laisse alors le champagne s’exprimer pleinement. Émilie Langleron, oenologue au sein de la
Maison Mumm, avoue que l’on sort un peu « chamboulé par une telle expérience. Nous avons l’impression de goûter deux champagnes différents, sur Terre et en apesanteur. Lorsque l’émulsion tapisse les parois de la bouche, la sensation est intense, le fruité des pinots noirs est sublimé, mais on est un peu perdu : pas de verre à remuer là-haut. Ça explose en bouche, puis c’est très rond et très frais. Enfin, aller à la pêche à la boule d’émulsion avec sa coupe est très ludique ». La Maison rémoise, à l’écoute des nouvelles tendances, même les plus extravagantes, a compris très vite qu’il s’agissait de réinventer l’art de la dégustation du champagne, en prévision d’un tourisme spatial appelé à se développer dès 2019. « Avec du champagne, les voyageurs de l’espace emporteront une part sensible de la Terre », dit Octave de Gaulle. En effet, les fameux vols paraboliques qui simulent l’apesanteur, et toutes les missions spatiales à venir, vols commerciaux spatiaux y compris, pourraient devenir les lieux dédiés pour une expérience gustative totalement insolite. Et pour ceux qui, comme la plupart d’entre nous, continuent de déguster sur le plancher des vaches, la cuvée Mumm Grand Cordon, et son cinglant ruban rouge incrusté dans l’épaisseur du flacon (une création du designer Ross Lovegrove), continue d’exprimer bellement ses puissants et raffinés pinots noirs maison.
DILIGENT
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Alexandre et Benoît Moutard, perpétuent la tradition familiale.
Nonagénaire, cette marque de champagne n’est pas la plus connue en dépit de sa longévité. Et pourtant, ses cuvées très qualitatives ont tout des grands. Plongée au cœur de la Côte des Bar pour une découverte de l’une de ses pépites les mieux cachées.
UNE PÉPITE À DÉCOUVRIR PAR JEAN-MICHEL BROUARD PHOTO LAURENT RODRIGUEZ
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’est une nouvelle génération de Moutard qui accompagne désormais la destinée de cette marque créée au milieu des années 1920 par François Diligent, l’arrière-grand-père d’Alexandre Moutard. Agé aujourd’hui de 27 ans, ce dernier a en effet rejoint son père il y a 5 ans dans la maison de champagne familiale de Buxeuil dans l’Aube, à quelques encablures au nord du célèbre cru des Riceys. Le mariage de la grand-mère d’Alexandre avec Lucien Moutard a conduit à la création des champagnes Moutard dont la famille est toujours propriétaire. Mais depuis lors, la volonté de François Diligent a été respectée. Celle de perpétuer, en parallèle, la marque qui portait son nom. C’est chose faite et dans le plus grand respect de la tradition. Cette gamme de champagnes qui constitue aujourd’hui le haut de gamme de la maison, continue d’être produite quasiment de la même manière qu’à l’origine. A la manœuvre, Alexandre bien sûr, mais aussi son père, son frère Benoît qui chapeaute toute la vinification ainsi que ses cousins Edouard en charge du vignoble et Victor. Thomas, le dernier cousin, assure pour sa part toute la partie commerciale en Angleterre. Historiquement, les raisins provenaient d’une seule parcelle d’1,5 hectare, « les saunières ». Un vignoble jouxtant la Seine qui s’est agrandi, principalement dans les années 1980 et 1990 par les replantations initiées par le père d’Alexandre. Ce sont désormais 4 hectares qui permettent de produire bon an mal an environ 30 000 bouteilles. Et là aussi, l’histoire continue de s’écrire comme au commencement de l’aventure. Les cépages plantés sont toujours les mêmes. Pinot blanc, pinot noir, meunier et chardonnay sur des sols du kimméridgien si typiques de la région. En découlent 5 cuvées différentes. Un assemblage original de pinot blanc, pinot noir et meunier, que l’on retrouve également en version rosé dans la cuvée « Epiphanie ». Cette dernière intègre 10% à 15% de vin rouge issu des coteaux champenois nés des pinots noirs de cette même parcelle des saunières. La gamme
se complète d’un blanc de noirs, la cuvée « Noir de Seine », véritable ode au pinot noir. Et sa version blanc de blancs avec un 100% pinot blanc. Tous ces vins continuent d’être produits selon les préceptes de l’arrière-grand-père, à savoir qu’ils subissent une vinification sous bois dans de grands foudres de 40 hl. La fermentation malolactique est volontairement bloquée pour maintenir un surcroît de fraîcheur dans les vins. S’ensuivent alors un élevage, toujours en foudre, de près de 8 mois puis une mise en bouteille qui permettra un vieillissement sur lattes de 6 à 7 ans. Et ce qui surprend le plus, c’est que l’ensemble de ces 4 cuvées s’affiche en brut nature. Point de dosage, non pour suivre un effet de mode, mais bien parce que c’est la philosophie développée par le père d’Alexandre dès les années 1990. Un précurseur qui avait compris avant beaucoup que certains marchés, comme la Belgique, étaient déjà réceptifs à ce type de champagnes sans concession… D’abord partielle, c’est bien la totalité de la gamme qui sera convertie au zéro dosage il y a quinze ans. Enfant terrible, seul le champagne millésimé ne suit pas un parcours identique à ses comparses. Pour lui, point de bois mais de la cuve et une fermentation malolactique et un dosage sur mesure. Un vin produit d’ailleurs sans interruption depuis 1964 et dont la famille garde précieusement une palette chaque année. En dépit de la qualité de la production, les champagnes François Diligent sont plutôt rares en France, plus de 80% d’entre eux étant exportés, notamment vers les Etats-Unis dont l’intérêt pour les grands champagnes de vignerons n’a jamais été aussi vif. Dans l’Hexagone, c’est dans les belles épiceries et sur les tables gastronomiques que vous le dégusterez. Une quête d’excellence dont François Diligent serait, à n’en pas douter, très fier.
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LE BRUN DE NEUVILLE
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n cette fin du mois de novembre, alors que les premiers flocons de neige tombent sur la champagne, quinze vignerons que le froid ne rebute pas se retrouvent devant les locaux de Le Brun de Neuville. Ils ont tous répondu présent avec enthousiasme pour assister à la première des deux sessions de taille organisée par la coopérative et animée par Michel Duclos, le grand spécialiste qui travaille notamment avec Petrus et quelques grands crus classés du Médoc. « On sait d’expérience qu’une bonne taille permet d’améliorer très sensiblement le rendement de la vigne. Nos adhérents sont très motivés pour s’améliorer sur ces techniques, explique Damien Champy, le président de Le Brun de Neuville. Le terroir est primordial pour élaborer un grand vin, mais l’impact de l’homme est tout aussi fondamental ». Cette petite coopérative, créée en 1963 et comportant 200 adhérents pour 150 hectares, cultive ainsi sa différence. Située à Béthon, dans le Sézannais, elle a mis le cap sur la qualité. D’abord en limitant la commercialisation de ses champagnes à un tiers de sa production, les deux tiers restants étant vendus en vins clairs à des négociants, et pas des moindres : Bollinger, Piper et Charles Heidsieck, Boizel, Lanson, Veuve Clicquot… viennent ainsi enrichir leurs champagnes de ces raisins aux caractères si différents. Damien Champy se réjouit ainsi de contribuer à maintenir les grands équilibres champenois. Mais aussi en mettant l’accent sur le chardonnay, qui compose 90 % de sa production, et qui, en raison de leur situation plus sudiste que la côte des blancs, produisent des jus plus chaleureux, plus solaires. Au fil du temps, Le Brun de Neuville a développé 3 gammes de champagne. La première, dite « traditionnelle », est composée de vins faciles d’accès, idéaux pour l’apéritif. A l’autre bout du spectre se trouve la gamme « Lady de N », qui se caractérise par ses vieillissements très longs. Mais c’est au milieu que se situe la gamme la plus étonnante, dénommée « Authentique ». « Le champagne a vieilli sous liège pendant de longues années. Cet élevage particulier favorise la micro-oxygénation du vin et développe la puissance et la finesse de ses arômes », poursuit Damien Champy. Et comme pour prolonger cette expérience jusque chez le consommateur,
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La coopérative de Béthon met en valeur depuis 55 ans les crus du Sézannais. Elle poursuit sa politique de montée en gamme et veut se doter d’outils pour proposer à terme des cuvées parcellaires.
LE TERROIR PAR PHILIPPE RICHARD
CHIC
PHOTO LAURENT RODRIGUEZ
le vin est commercialisé avec une agrafe. « J’ai été long à convaincre, mais Justine Boxler, en charge du marketing et de la commercialisation France/Export, m’a convaincu du bien-fondé de l’agrafe. Elle avait, bien entendu, parfaitement raison. Les ventes ont progressé très fortement, ce détail nous permettant de nous différencier des autres ». Cette cuvée est, en effet, dans l’air du temps et répond ainsi à la demande d’amateur cherchant des cuvées de gastronomie. « Avec la gamme Authentique, on fait un tabac à New York dans une chaîne de bistrot haut de gamme de même qu’en Australie », se réjouit même Damien Champy. La coopérative veut continuer dans sa bonne dynamique. Elle envisage de se doter d’un nouvel outil de pressurage pour aller plus loin dans l’élaboration de ses vins. « En se promenant dans les vignes, on se rend compte que certains coteaux sont entièrement cultivés par nos adhérents. Mais nous n’avons pas aujourd’hui les capacités d’isoler ces parcelles pour les vinifier à part. Nous souhaiterions désormais pouvoir séparer nos apports suivant leurs communes de provenance, suivant les pratiques culturales, notamment pour identifier les parcelles menées en bio », s’enthousiasme Damien Champy. Avec l’idée de pouvoir proposer à terme des cuvées parcellaires. Mais pour pouvoir les goûter, il va falloir s’armer de patience. Ce nouveau centre de pressurage ne devrait être opérationnel qu’après les vendanges 2020, et les premières cuvées ne seront pas proposées avant 10 ans…
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La coopérative envisage de se doter d’un nouvel outil de pressurage pour aller plus loin dans l’élaboration de ses vins.
M U ST B E M O Ë T & C H A N D O N *
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*MOËT IMPÉRIAL, À L’ÉVIDENCE MOËT & CHANDON
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DRAPPIER
ÉDITION LIMITÉE
UNE VALEUR SÛRE
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PAR JEAN-MICHEL BROUARD
La maison Drappier, fondée en 1808, est l’un des phares de la Champagne. La recherche de qualité y est permanente et permet de porter haut le pinot noir.
ue de chemin parcouru depuis l’installation de Louis, au début du XIXème siècle, à Urville, au cœur de l’Aube. Au fil du temps, le patrimoine de vignes s’est étoffé pour atteindre désormais 60 hectares en propriété auxquels s’ajoutent des contrats d’approvisionnement sur 55 autres hectares. Michel Drappier, 7e génération à la tête de l’entreprise familiale, continue de magnifier ce terroir si particulier. Les sols du Jurassique kimmeridgien sont ici une terre d’élection pour le pinot noir qui représente plus de 70% de l’encépagement. Désormais épaulé par ses enfants, Hugo et Antoine en cave et dans les vignes ainsi que Charline pour la partie marketing et commerciale, il perpétue chaque jour la même philosophie. Lors de la vinification, seule la première presse, la plus qualitative, est retenue pour l’élaboration des cuvées. La liqueur de dosage est quant à elle très identitaire. Produite selon un système de solera remontant à 1947 et vieillie 15 ans sous bois, elle est ajoutée avec parcimonie pour souligner le style maison emprunt de droiture et de fraîcheur. Point de filtration non plus pour rester au plus près de la vérité des vins. Parmi eux, la cuvée Carte d’Or, créée en 1952, recon-
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naissable à son emblématique étiquette jaune et ses notes de coing si caractéristiques. La tradition continue donc tout en s’inscrivant dans l’avenir. Drappier est en effet la seule maison de Champagne qui réduit et compense 100% de ses émissions carbone. Elle a également adopté une bouteille unique, plus écologique, en verre majoritairement recyclé.
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