Casser le mur Vers une architecture de l’accueil l’exemple de l’Ecole urbaine de Lyon
Table des matières
Intentions viscérales 4 Qu’est donc devenue la conscience européenne ? L’accueil des exilé.e.s : une question architecturale ?
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Opportunité 24 Ecole urbaine de Lyon 26 Anthropocène 28 Urbain Anthropocène 30 L’Émetteur 32 La doua 36 Émulsion 38
Architecture 44 premier geste d’hospitalité 48 Casser le mur 50 Multiplicité des usagers 52 uses fluid 54 symptômes 56
Trois pas en arrière
58
Une belle année 60 procédé 62 Point final 64
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Intentions viscĂŠrales
L’apothéose de Napoléon III, 1854 fig 1. Cabasson, L’apothéose de Napoléon
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«Quand elle était petite, Dorothée adorait son poisson rouge. Son père lui expliquait que les poissons agitaient leur queue pour se déplacer. La petite Dorothée répliquait sans hésiter : «Donc, ils se servent de leur tête pour nager dans l’autre sens.» Dans sa tête, c’était un fait tout ce qu’il y de plus réel. Ils nagent à l’envers en agitant la tête. Elle y croyait. Nos vies sont remplies de poissons nageant à l’envers. Nous faisons des conjectures illogiques. Nous avons des préjugés. Nous savons que nous avons raison et que les autres ont tort. Nous craignons le pire. Nous essayons d’atteindre une perfection impossible.» Quelle réalité créez-vous pour vous-même ? ISAAC LIDSKY
fig 2. Poisson rouge
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«Le Dalai Lama a dit, « L’amour et la compassion sont des nécessités. Ce n’est pas un luxe. Sans eux, l’humanité ne peut pas survivre. » Et j’ajoute : ce n’est pas seulement l’humanité qui ne survivra pas, mais ce sont toutes les espèces sur la planète. Je parle des grands félins, et du plancton.» Compassion and the true meaning of empathy JOAN HALIFAX
No compassion, no earth. No earth, no earth.
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Qu’est donc devenue la conscience europÊenne ?
11 fig 3. Forteresse europĂŠenne
C’est la question que se posait Sandor Marai dans Mémoires de Hongrie1, en évoquant son expérience d’écrivain dans la Hongrie du début du XXè siècle. Il ajoutait que deviendrait-il, ce pays ? Les concepts de «patrie», de «peuple», de «nation» méritaient-ils que je sacrifie pour eux ma liberté ? Et d’ailleurs, qu’est ce que la liberté ? [...] Montesquieu [,il] affirmait que la liberté constitue le sens le plus profond de l’Histoire, et que l’Histoire forme, précisément, une aspiration incessante à la liberté et une lutte continue contre le despotisme... En est-il vraiment ainsi ?. Aujourd’hui, quand des humains écopent de peines de prison pour avoir empêché d’autres humains de mourir de froid entre la France et l’Italie2, quand Jupiter nous dit qu’il ne veut d’ici à la fin de l’année […] plus personne dans les rues3, et qu’il s’exécute en gazant les couvertures et l’eau de ces personnes à la rue4, quand notre ministre de l’intérieur instaure la création de brigades mobiles envoyées pour contrôler les personnes hébergées dans les hôtels sociaux dans le but de «trier» les migrants et de n’héberger que ceux étant en situation régulière5, quand on ne peut permettre à des mineurs seuls et frigorifiés de parcourir deux kilomètres en voiture sans craindre l’arrivée de policiers6, quand les Etats fondateurs de l’Union européenne rédigent le traité de Dublin
Notes de fin
1 mais aussi Coupable d’avoir aidé des migrants, Cédric Herrou « continuera à se battre », Lemonde.fr, 8 aout 2017 2
Migrants: Macron ne veut «plus personne dans les rues» d’ici fin 2017, 20minutes.fr, 27 juillet 2017
pour s’autoriser à bafouer les engagements qu’ils ont pris à Genève au sortir de la seconde guerre mondiale, quand des gardes côtes italiens laissent couler un bateau contenant 72 humains7 - et quand la réponse des autres Etats européens aux appels à l’aide de l’Italie et de la Grèce pour sauver ces humains qui se réfugient sur leurs terres est de renvoyer chez eux tous les humains qui y ont déjà posé le pied et de fermer leurs frontières - ne doit-on pas se poser ces mêmes questions? Je me les pose. Et je ne peux accepter que des humains meurent, ou soient rejetés, ou voient leurs tentes être déchirées - en Europe - parce qu’ils ont commis l’erreur de naître de l’autre côté de la mer.
Je ne suis pas ministre de l’intérieur : je ne peux pas contrôler les actes des policiers ; je ne suis pas chef d’Etat : je ne peux pas arrêter de signer des traités illégaux ; je n’habite pas près d’une frontière : je ne peux pas aider ces humains à la traverser, je ne sais pas naviguer : je ne peux pas secourir les noyés de la méditerranée. Mais je suis architecte : je peux aider mes concitoyens conscients à accueillir au mieux les réfugiés qui nous arrivent.
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L’accueil des exilé.e.s : une question architecturale ?
oui ! S’il est évident pour tous que l’accueil des exilé.e.s est une question politique, en cela qu’elle dépend de positions politiques : libre échange supposé exister dans l’Europe, définition des frontières européennes, beaucoup de lois qui influent sur l’accueil possible, dépendance financière des associations vis à vis de l’État, repose des questions de souveraineté, Si la dimension économique de cette question semble aller de soi, car accueillir demande de dépenser de l’argent pour acheter nourriture, locaux, ou payer de la main d’œuvre, Si la nature idéologique de cette question est également indéniable, car la réponse dépend de la définition par chaque pays et chaque individu des termes réfugié.e, demandeur.se d’asile, étranger.ère et d’autres, S’il semble naturel de considérer cette question philosophiquement, en se demandant quand considère-t-on qu’un.e exilé.e est un.e réfugié.e? Fuir la mort qu’apporte la famine ou celle qu’apporte la guerre, est-ce équivalent ? Est ce que toutes ces morts sont bénéfiques car la planète ne peut pas tous nous accueillir ? Et si la présence d’exilé.e.s pose enfin directement des questions citoyennes, urbaines en mettant en exergue l’impossible assimilation de l’altérité dans nos villes actuelles, Elle semble à priori ne pas être une question d’architecte.
Peu à peu, les migrants, seuls ou en groupes, arrivent au pôle com’. Timidement, ils piochent dans les affaires mises à leurs dispositions. Puis, font la queue pour aller prendre leur douche. Il est 13h passé. En haut, des voix résonnent, ça semble être animé.
fig 5. Bricolage à l’université 15
Pourtant, la notion même d’accueil se rapporte à celle de mise en sécurité, donc à l’action d’abriter et à l’abri lui même. Or que signifie concevoir un abri, ce Lieu où l’on peut se mettre à couvert, se protéger du mauvais temps ou d’un danger8, tout en incluant leurs dimensions politique, symbolique, philosophique ? Faire de l’architecture. Mais toute proposition de conception d’abris pour ces nouveaux arrivants ou ces passants se heurte à des contradictions de ce type: construisons des logements pour les français pauvres avant de s’occuper des étrangers. Avant même que leur qualité architecturale ne puisse être sujette à débat. Il semble que n’importe quel abri convienne à ceux qui ne sont pas chez eux. On se demande SI nous devons accueillir, ou COMBIEN nous pouvons accueillir alors que la véritable question serait COMMENT nous devons accueillir. Existe-t-il des architectures accueillantes et d’autres excluantes ? Le caractère accueillant d’une architecture dépend-il de la spatialité de celle ci ou du nom qui lui est donné ? La localisation d’un lieu d’hébergement est-elle indifférente, pourvu que ce lieu existe ? Quelle que soit leur forme, un «camp», ou un «centre de réfugiés» peuvent-ils être accueillants ? NON. L’acte de bâtir ne suffit pas, et même un bâtiment construit pour accueillir peut être excluant. Dans les villes touristico-capitalistes que sont les métropoles
françaises d’aujourd’hui, la forme, le nom, l’image, le logo, la marque sont pleinement signifiants. Une architecture qui se veut accueillante doit adopter les codes, le langage de ces villes-produit, et le droit à la dignité doit être considéré au même plan que le besoin physiologique d’une température suffisante. Un cercueil, si grand et chaud qu’il puisse être n’est pas un abri convenable. De même pour une bulle. Pas plus qu’un centre d’accueil situé à l’extérieur du périphérique ne peut être qualifié de lieu «d’accueil», puisqu’il matérialise directement la mise à l’écart et le regroupement des exilés hors des lieux habités par les citoyens «locaux».
Alors Où accueillir ? Face au besoin évident de trouver des lieux d’accueil, d’abris où les exilés puissent être - plus ou moins temporairement - en sécurité, plusieurs possibilités d’action s’offrent : réquisitionner des logements vacants, réquisitionner des locaux (bureaux, gymnases, universités, etc) vacants ou «semi-vacants» (utilisés le jour mais pas la nuit) - qu’il faudrait adapter à l’hébergement d’humains - construire des abris «communs» ou construire des abris «individuels» plus confortables que des tentes ? La question des ESPACES À CRÉER ou exploiter est centrale, elle est politique mais aussi architecturale.
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Les universités, une réponse ? Cette année, de nombreux étudiants se sont mobilisés pour réquisitionner des locaux de leurs universités et y accueillir des exilés. Le point de vue selon lequel les universités seraient des lieux de prédilection pour cet usage est plus largement défendu par des intellectuels, qui rappellent que
L’université ne serait pas l’université si elle ignorait l’histoire, si elle ignorait la plus grave crise de l’asile et de l’accueil depuis la guerre.9 Cependant, les universités sont des lieux souvent mal adaptés à l’hébergement. Il y a d’abord un manque de mobilier, un besoin d’aménagements légers ou même de locaux supplémentaires (tableaux blancs, bacs de tri de vêtements, laverie). L’expérience démontre que ces lieux sont tout de même les plus prompts à permettre un hébergement spontané et quasi immédiat. Elles offrent en effet souvent de grands espaces (gymnases, salles de classe, ou même halls) souvent flexibles et qui ne sont pas utilisés en continu. Face à la nécessité - qui ne semble pas diminuer - d’accueillir fréquemment des individus, il semblerait que les universités soient amenées à remplir ce rôle encore quelques temps. Une réflexion d’architectes visant à rendre ces moments d’accueil moins problématiques - tant pour les usagers habituels des universités que pour les personnes accueillies - semble alors essentielle ; pour améliorer la flexibilité des usages de certaines pièces, ajouter des espaces
permettant d’accueillir les usages nécessaires à un hébergement correct - des laveries, douches et cuisines par exemple - qui pourraient en outre servir également en temps d’usage «normal» des universités.
Accueillir ou héberger ? Accueillir - bien - une personne (ou un évènement par ailleurs) ce n’est pas seulement accepter son arrivée et faire avec, c’est recevoir favorablement. Cela passe notamment par l’espace ; un espace qui permet la présence d’une personne est bien différent d’un espace qui lui permet de se sentir reçue. Quelque soit la durée pendant laquelle une personne sera accueillie dans un espace, on peut dire que celuici doit lui permettre de l’habiter plutôt que le l’occuper, de se sentir bienvenue, de se sentir bien. Ce lieu doit être hospitalier, au sens de l’hospitalité Accueil, hébergement des pèlerins, des voyageurs, des indigents10. Au vu de la qualité - déplorable - de l’accueil - s’il existe - réservé actuellement en France à la majorité des ex-ilé.e.s, qui sont ex-clu.e.s de la société par la langue et la culture qu’on ne partage souvent pas avec eux.elles et leur situation dans la ville : à l’ex-térieur quand ils.elles ne sont pas accueilli.e.s, ou comme dit précédemment avec d’autres ex-clu.e.s dans des hébergements différents des nôtres ; et aux vues des situations psychologiques de ces personnes, il est essentiel de tâcher de leur accorder, plus que l’accueil, l’hospitalité qui leur est dueen vertu des traités européens obligeant tout pays à protéger chaque être humain qui pose le pied sur son sol.
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Après avoir tout fait - accords de Dublin, renforcement des frontières extérieures mais aussi intérieures à l’Europe, refus de secourir des bateaux qui ne seraient pas du bon côté d’une frontière maritime - pour que ces personnes posent les pieds partout sauf sur notre territoire, une fois qu’ils y sont parvenus c’est la moindre des choses que d’être fair-play et de leur accorder leur dû... En l’occurrence leur permettre de se (re)construire une vie à peu près décente, une estime personnelle, des cercles sociaux. Pour appuyer l’utilité de l’architecture (c’est à dire d’une conception intelligente d’espaces), ce n’est pas vers un.e architecte que je me tourne mais vers un chef cuisinier. En 2015, alors qu’il s’étonne de tout le gaspillage alimentaire causé par l’exposition universelle de Milan - dont le thème était précisément Nourrir la planète, présentant sous tous les angles l’état de la surconsommation, du gaspillage et de la mauvaise répartition des ressources alimentaires sur la planète - Massimo Bottura décide d’ouvrir un restaurant et d’y cuisiner les restes gaspillés sur le site de l’exposition pour les servir à des personnes exclues, qui n’ont pas le luxe gaspiller leur nourriture. Et il a immédiatement conscience que son utilité ici ne réside pas seulement dans le fait de nourrir des individus en optimisant des
restes, mais bien dans le fait de contribuer à amoindrir l’exclusion de ces personnes ; de les (ré)accueillir dans la société. Pour cela, accompagné d’autres chefs étoilés, il tient à porter le plus grand soin au goût et à l’aspect de sa cuisine ; mais aussi - et dirais je surtout - au lieu dans lequel elle est servie. David Rampello11 le décrit ainsi : Quand on offre du pain, ce qui compte ce n’est pas seulement ce que l’on offre, mais aussi comment on l’offre. Nous voulons que dans ce lieu les gens se sentent accueillies et bienvenues. Pour cela nous avons voulu que la cantine soit un lieu beau, et même plus beau que ce que nous pouvions imaginer. Dans nos cœurs, toute l’équipe - décorateurs, artistes, designers, architectes et ingénieurs - a travaillé pour faire de cet espace le deuxième plus beau réfectoire de Milan après celui de Santa Maria delle Grazie peint par Leonardo de Vinci.12 L’important pour ce restaurant ce n’est pas d’optimiser les flux pour pouvoir vérifier au mieux l’identité de ses usagers, ni de le rentabiliser en permettant l’accueil du plus grand nombre de convives en un service mais tout simplement de rendre agréable le repas qui y sera dégusté, de permettre aux personnes accueillies de manger, non pas comme des exilé.e.s ponctuellement toléré.e.s mais comme des êtres humains, des citoyen.e.s - pour certain.e.s peut être pas encore européen.e.s, mais des citoyen.e.s quand même.
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Ce Refettorio n’est pas une soupe populaire, ni même un Restau du cœur, mais un restaurant multi-étoilé. Quels que soient ses clients. Massimo Bottura explique ainsi l’importance du soin à apporter à la salle des Refettori : La beauté ne fera pas la révolution mais la révolution aura un jour besoin de la beauté… Il ne s’agit pas de charité mais d’un projet culturel pour combattre le gaspillage [...] Nourrir la planète, ce n’est pas produire plus mais combattre le gaspillage et ses 1,3 milliard de tonnes de nourriture perdues chaque année. Comment le combattre? Avec la beauté … de l’imagination des chefs. Avec la beauté, on reconstruira la dignité.
La question de l’accueil des exilé.e.s appelle donc à des réponses et réflexions politiques, sociales, économiques, idéologiques, philosophiques mais aussi bel et bien architecturales. Elle demande de réinterroger la signification de l’accueil, et ainsi repenser les actions menées dans ce domaine, pas seulement quantitativement mais aussi qualitativement, en n’oubliant pas que les lieux d’hébergement ne sont pas les seuls lieux à penser comme des lieux d’accueil, mais aussi les lieux dédiés au repas, à l’hygiène, à la culture, aux relations sociales... Il est nécessaire de penser les villes elles mêmes pour les faire dévier de leur trajectoire toujours plus excluante.
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OpportunitĂŠ
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Ecole urbaine de Lyon
L’École Urbaine de Lyon a été fondée en 2017, elle est le résultat d’un partenariat entre 19 établissements supérieurs du site Lyon-SaintÉtienne, de domaines variés (ingénierie générale et agricole, sciences sociales, architecture, autres) autour du domaine transversal qu’est l’urbain anthropocène.
Partenaires Futur épicentre
fig 6. Etablissements partenaires de l’École Urbaine de Lyon 27
Anthropocène Anthropocène est un terme initialement géologique qui ne fait toujours pas consensus dans les cercles scientifiques. Il dénomme la période durant laquelle l’activité humaine est devenue la contrainte majeure sur la biosphère. Elle débuterait donc à partir de la révolution industrielle, à la fin du XVIIIè siècle ; et succéderait à l’étage holocène, qui dure depuis 10 000 ans - même si certains suggèrent que la période anthropocène dure depuis l'apparition de l'agriculture, il y a 9 000 ans13. Plus largement, ce concept correspond à la prise de conscience et l’étude de tous les impacts des activités humaines - entre autres surpêche, l’industrialisation, l’agriculture intensive, l’urbanisation, l’extraction de ressources fossiles, les pollutions - sur la planète. Il est notamment très lié à la pensée écologique.
fig 7. Approche subjective de l’anthropocène
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Urbain Anthropocène
Le champ d’étude de l’urbain anthropocène concerne toutes les conséquences de l’anthropocène sur les aires urbaines ; mais également l’impact que peuvent avoir les métropoles sur l’évolution globale du monde et de quelle manière elles peuvent ou non devenir un atout pour l’amélioration de la situation.
fig 8. Anthropocène x Émetteur
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L’Émetteur
fig 9. L'Émetteur
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L’Émetteur a été construit en 1914, alors que l’imminence du conflit avec l’Allemagne avait engendré le besoin d’un deuxième grand site émetteur plus loin du front que la Tour Eiffel : à Lyon, plus précisément sur le site militaire de la Doua (40 ha). Face à l’impératif d’agir rapidement, un poste émetteur en partance pour Saïgon a été réquisitionné sur le port de Marseille. Pour le monter, tous ceux qui ne sont pas en guerre sont réquisitionnés : clochards, ajournés, réformés. Il a permis d’échanger pendant 2 ans avec la Russie, la Roumanie et la Serbie (les alliés). D’abord fait de bois, l’Émetteur est construit tel qu’actuel, à l’exception des toits, initialement plats car le bâtiment était destiné à être construit en Indochine, donc correspond au style colonial. En 1919, ce poste peut diffuser dans le monde entier et devient le premier poste français. A partir de 1942 les ondes très basses fréquences peuvent pénétrer sous la mer. Fin Aout 1944, les Allemands quittent Lyon, «A coup de masse, ils cassent tout, les pylônes tombent ensuite». L’Émetteur n’est plus qu’une coquille vide. Après avoir hébergé différentes radios civiles de Lyon, il a été réinvesti par l’université Lyon 2 et l’INSA, à partir de 1957. Son usage a alors bien évolué : il a abrité une bibliothèque de l’université, un laboratoire de l’INSA, des locaux d’associations étudiantes et la médecine préventive universitaire de Lyon. Aujourd’hui le site militaire de la Doua est devenu le campus de la Doua. Bien que l’Émetteur en soit le bâtiment le plus ancien, il semble déconnecté de la logique du campus, caché au fond d’une zone aux usages hétérogènes et spatialement anarchique14.
fig 10. L'Émetteur 2
35 fig 11. L'Émetteur détruit
La doua
Campus de la Doua
L'Émetteur
ech.1:40000
fig 12. Plan de situation
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Émulsion
Les problématiques des exils semblent raisonner de manière intéressante quand elles sont étudiées parallèlement à l’anthropocène. Elles sont en effet l’un des effets de celui-ci : combien de départs sont forcés par des guerres provoquées par la convoitise de ressources fossiles, combien d’autres résultent de l’impossibilité d’exploiter des terres devenues arides, combien encore sont simplement contraints par la disparition de sols habitables ?
Sélection Seuil Hospitalité Nations Franchir Pays Accueil Ouverture Informations Divisions Etres FRONTIÈRES GM1 Etats Connexion Alliés Union Alterité Traverser COMMUNICATION AUTRE EUROPE DÉPART
Vagues
Méditerrannée
EXIL
Intégration
OiseauxMigration
Assimilation Arrivée
BATEAUX
CheminVOYAGE Destination
EXTERIEUR
ONDES RADIO Observer
TRANSMISSION
EMISSION SONAR EMETTEUR
Sélection ENSEIGNEMENT
JournalORIENTATION
Transformation OUBLI Evolution
MÉMOIRE
MÉMORIAL
PAROLES Livre d’or
LA DOUA
Etoiles PHARE
«jeunes»
CAMPUS
INSA
Lumière
QUARTIER Fête des lumières
Etudiants
Tourisme
Lyon 1
Urbain Ville
LYON
fig 13. Carte mentale
VILLEURBANNE Commerce Culture France
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Les liens entre exils anthropocène urbain sont d’autant plus intéressant à Lyon, symptomatique du capitalocène ; dont une grande partie des aménagements urbains et décisions territoriales sont tournées vers l’attraction de capitaux, de touristes, de cerveaux - en témoigne la récente rénovation de l’Hôtel Dieu - et consistent donc à cacher ce qui pourrait nuire à l’image de marque - littéralement - de cette métropole. L’attraction d’êtres humains venus du Sud n’entre donc pas dans les objectifs, mais se fait naturellement, d’autant plus du fait de la proximité de Lyon avec les alpes et la méditerranée.
2996 ĂŞtres humains sont morts sur la route de l'Europe entre le 01-01 et le 13-11 2017
fig 14. Lyon en Europe 41
A l’échelle de l’urbain, les exils sont même l’une des manifestations visibles de l’anthropocène auxquelles j’ai le plus été confrontée ces derniers mois ; tant en traversant chaque jour pendant un an le parvis de la gare centrale de Milan qu’en passant derrière les archives départementales de Lyon pour me rendre à l’ENSAL.
D’où la proposition que je fais aux membres de l’École Urbaine de Lyon à travers ce PFE : considérer l’urbain anthropocène sous l’angle des exils, et concrétiser cela en concevant des locaux de l’école pour les rendre accueillants.
fig 15. Gare Centrale de Milan
43 fig 16. Esplanade du DauphinĂŠ, Lyon
Architecture
? 45
Début décembre, le ministre de l’intérieur Gérard Collomb s’est distingué en parvenant à se mettre à dos les associations de lutte contre l’exclusion qu’il avait invité à collaborer avec les services de l’État. La conception toute particulière de la lutte contre la pauvreté qui est celle de l’ancien maire de Lyon n’était pas dans la culture de ces associations historiques. Les Lyonnais, en revanche, ont fini par s’y habituer, eux qui ont eu la chance de vivre dans une ville dans laquelle ces principes et ces méthodes sont en application depuis le début des années 2000. Ceci est l’introduction d’une vidéo publiée en décembre 2017 par Mediapart. Elle explique qu’il existe, quant à la question de l’inclusion de l’altérité, un fossé entre les décisions des autorités et la volonté des associations, à Lyon notamment. Ce Projet de Fin d’Études porte sur la réhabilitation d’un bâtiment du campus de La Doua - l’Émetteur - pour en faire les locaux de l’École Urbaine de Lyon, en proposant à celle-ci d’investir la question de l’hospitalité de la ville, tant en la mettant au cœur de ses recherches qu’en l’intégrant à son appropriation de l’émetteur.
fig 17. Les grands voisins
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premier geste d’hospitalité
Le seul acte de s’asseoir autour d’une table et de partager un repas ensemble est un premier pas vers la reconstruction de sa dignité et pour recréer une vie sociale en communauté. Massimo Bottura
En français, on parle de l’industrie hôtelière pour désigner la restauration. Mais, historiquement, les endroits où on servait à manger étaient aussi ceux où les voyageurs pouvaient se reposer. Aujourd’hui cette idée d’accueil est souvent occultée par ceux qui ne sont que cuisiniers. Patrick Bouchain
fig 18. fig 19. Refettorio of London
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Casser le mur
La modification majeure de l’Émetteur est l’ouverture sur 4 mètres de deux murs, permettant de traverser le bâtiment. Ce geste permet de créer une entrée couverte, clairement identifiable. Mais il porte aussi symboliquement l’objectif majeure de mon projet : créer une école accueillante, qui participe à l’ouverture des murs que sont les frontières européennes, et dans laquelle la séparation sociale entre intellectuels lyonnais et exilés présents à Lyon disparaît.
fig 20. Casser le mur
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Multiplicité des usagers
De la volonté d’accueillir des exilés et du caractère transversal de l’École Urbaine de Lyon résulte une grande diversité des individus voués à occuper l’Émetteur.
fig 21. Flags
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uses fluid Adaptabilité d’usages
Chaque élément du programme peut donc changer de fonction au cours de la vie de l’Émetteur, des années ou de la journée. Le restaurant universitaire fait aussi office de restaurant social, de lieu de réception et d’espace d’expérimentation pour des étudiants en gastronomie ; le théâtre accueille tant des cours magistraux que des représentations culturelles et des échanges citoyens ; ses loges permettrons, dans le temps court de l’urgence, d’héberger des mineurs sans toit ; des locaux d’associations à vocation sociale se transformeront par la suite en salles de classe ; le jardin vivrier sera un outil de sensibilisation à la transformation des métropoles mais aussi une occasion d’insertion pour des exilés.
fig 22. DiversitĂŠ de genres
55
symptômes Ce projet porte également des propositions permettant de rendre visibles les recherches et enseignements menés par l’Ecole Urbaine de Lyon. Par exemple, le jardin vivrier alimentant partiellement le restaurant place la question de la nourriture au centre des problématiques de l’anthropocène et fait du restaurant non pas seulement un lieu de charité mais une occasion pour remettre en question le rapport que nous entretenons avec l’alimentation. Il fait écho aux thématiques portées par l’ISARA et l’INRA (membres fondateurs de l’EUL) et par Agreenium (partenaire de l’EUL) ; il peut en outre constituer un lien avec le projet FRUGAL15. Il est à aborder comme une occasion d’ouvrir les activités de l’EUL aux habitants de Lyon, étudiants, actifs, retraités ou exclus en tout genre : le mur qui sépare le monde savant de la société tombe lui aussi.
fig 23. Émetteurs
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Trois pas en arrière
fig 24. Voie Lactée
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Une belle année Cette semaine, deux pays européens on refusé l’acostage d’un bâteau ayant sauvé 629 personnes qui tentaient de rejoindre l’Europe ; et l’un des pays les plus riches du monde - la France - également doté de côtes sur la Méditerranée, les a fustigés sans toutefois proposer d’accueillir les individus en question. Cette année, bien peu de semaines se sont écoulées sans être ponctuées par des manifestations de la réticence des pays européens à laisser des exilés franchir leurs frontières. Bien souvent, des intellectuels se lèvent aux côté des associations pour dénoncer l’immoralité de ces comportements étatiques, et des universités ont ouvert leurs portes aux migrants, étudiants, enseignants ou pas, arrivés en France que l’Etat n’héberge pas. Tout cela nous montre la nécessité de profiter de chaque occasion pour accueillir plus et mieux et confirme l’interêt de chercher des moyens pour appuyer le lien existant entre univeristés et accueil.
fig 25. Aquarius
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Procédé Le Projet de Fin d’Etudes introduit ici est ainsi la manifestation de ma recherche de la possible conception d’une architecture accueillante. Celui ci n’est qu’un exemple particulier - celui d’une école supérieure les villes elles même doivent évoluer pour devenir moins exluantes, plus accueillantes. Chaque typologie architecturale a le potentiel pour J’ai fait le choix de tenter la superposition de trois thématiques enseignement, urbain anthropocène et hospitalité - pour en faire une maille-programme fluctuante. En pratique j’ai listé les usages attendus pour une école urbaine et ceux utiles à des exilés pour identifier les points de rencontre et la manière dont ils peuvent se combiner pour créer un programme unique. Cela m’a permis de dégager un grand nombre d’éléments et d’avancer vers une démonstration de la possible convergence de ces deux thématiques. Cette méthode m’a cependant menée à composer un projet patchwork qui peut manquer de cohérence globale.
fig 26. Superposition (tentative de)
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Point final Ce travail constitue enfin la continuation de réflexions antérieures, notamment celle menée durant la rédaction de mon mémoire Architecture, enseignement et engagement. C’est en effet l’illustration d’une manière de s’engager en tant qu’architecte, Il est peut être encore plus l’aboutissement d’une réflexion menée en troisième année de licence à travers mon rapport d’études Quel logement pour ceux qui n’en ont pas ? Je m’étais alors intéressée aux différentes solutions proposées par des architectes pour abrite, héberger et loger les personnes qui vivent dans la rue et avais abouti sur un constat : un grand nombre de projets type capsule de survie sont pensés, et beaucoup d’entre eux aboutissent même à un prototype mais ceux-ci ne semblent d’une part pas satisfaisant pour ce qui est de permettre à leurs destinataires de se (ré)insérer dans la ville dont ils sont exclus, et - ou donc - d’autre part très rarement réalisés à grande échelle, car peu intéressants pour d’éventuels investisseurs. Ce PFE illustre une autre voie pour répondre à la question du mal logement et de l’intégration dans nos villes.
... 65
Table des figures Couverture : Candide, Voltaire sdgng,h
fig 1. L’apothéose de Napoléon 5 Cabasson, 1853
fig 2. Poisson rouge
7
Image libre de droits
fig 3. Forteresse européenne
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fig 5. Bricolage à l’université
15
Collage de l'auteure
Amanda Jacques, 2018 / Libération, 2018
fig 6. Etablissements partenaires de l’École Urbaine de Lyon Carte de l'auteure
fig 7. Approche subjective de l’anthropocène Dessin de l'auteure
fig 8. Anthropocène x Émetteur 31 Collage de l'auteure
fig 9. L'Émetteur 33
Archives en ligne du Rize
fig 11. L'Émetteur détruit
35
Archives en ligne du Rize
fig 10. L'Émetteur 2
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Archives en ligne du Rize
fig 12. Plan de situation 37
Plan de l'auteure
29
27
fig 13. Carte mentale 39 Document de l'auteure
fig 14. Lyon en Europe 41 Dessin de l'auteure
fig 16. Esplanade du Dauphiné, Lyon Justin Boche
43
fig 15. Gare Centrale de Milan 43 Simone M. Varisco, 2017
fig 17. Les grands voisins
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fig 19. Refettorio of London
49
htjyk
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fig 18. 49
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fig 20. Casser le mur dtjk
fig 21. Flags dtgjk
51
53
fig 22. Diversité de genres dtjkkl
55
fig 23. Émetteurs 57 dhtjdyk
fig 24. Voie Lactée sfhjyj
59
fig 25. Aquarius 61 sfjt
fig 26. Superposition (tentative de)
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Notes Intentions viscérales Qu'est devenue la conscience européenne 1 Mémoires de Hongrie (Föld, Föld !), Sandor Marai, Le livre de poche 1972 2 Une Française risque de la prison pour avoir aidé des migrants, Parismatch.com, 16 décembre 2017 mais aussi Coupable d’avoir aidé des migrants, Cédric Herrou continuera à se battre, Lemonde.fr, 8 aout 2017 3 Migrants: Macron ne veut plus personne dans les rues d’ici fin 2017, 20minutes.fr, 27 juillet 2017 4 Gazés du matin au soir, Les autorités empoisonnent l’eau des migrants à Calais avec du gaz lacrymogène, Revolutionpermanente.org, 12 juillet 2017 5 Le monde associatif refuse de cautionner un tri des migrants dans l’hébergement d’urgence, Le Monde.fr, 8 décembre 2017 6 Qui est Francesca Peirotti, jugée à Nice pour avoir aidé des migrants à entrer en France, Huffingtonpost.fr, 4 avril 2017 7Non-assistance à un bateau de migrants : l’armée est-elle coupable? Liberation.fr, 26 juin 2014
L'acueil des exilés, une question architecturale ? 8 Dictionnaire de l’Académie 9 Universités : abriter les exilés, pas Parcoursup, Libération, mars 2018 10 Définition du CNRTL 11 Commissaire du pavillon zéro et programmateur des événements de l’exposition universelle 2016 12 Refettorio Ambrosiano caritasambrosiana.it, 2016
Opportunité Anthropocène 13 Allons nous vraiment entrer dans l'anthropocene, sciences-critiques.fr, 25 mars 2016 L'émetteur 14 Lyon la Doua, un site radio d'exception, élèves de l'INSA de Lyon, juin 1998 15 Projet du programme de recherche PDR4, porté entre autre par l'INRA, centrée sur l’analyse des enjeux systémiques liésà l’approvisionnement alimentaire de métropoles 69
ÉTUD. CATELLA Florine UNIT UE 101 A - PROJ 10 - Casser le mur, vers une architecture accueillante
BLOC
DE PFE
J.L. Bouchard
MASTER ARCHI
S10 ALT 17-18 FI
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