Lumiere sur le chemin n°2 La conversion du Père John Thayer

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SOMMAIRE LUMIERE SUR LE CHEMIN - NUMERO 2 -

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PRESENTATION...... 09-11

Le Révérend John Thayer: un converti au service de la grâce divine. Textes et Photographies Didier NOËL

Association française Saint Benoît Labre d’Amettes 12 bis rue de l’église 62260 Amettes (France) Tél : 03 21 02 34 15 ass.benoit.labre@neuf.fr

Association canadienne Les Amis de Saint Benoît Labre

http://www.amis-benoit-labre.net/

Auteur et webmestre : Droits d’auteur

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Une base de données biographiques de référence sur l’histoire de l’Amérique et de l’Église Catholique.

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© Tous droits réservés.

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INTRODUCTION...... 28-37

Par le Frère Samuel de la Fraternité Labrienne Le rayonnement spirituel de saint Benoît-Joseph Labre.

4 Raymond Martel, prêtre (Amos, Québec, Canada)

LES BIOGRAPHIES......12-27

LA CONVERSION DU PASTEUR JOHN THAYER...... 38-109

Un miracle de saint Benoît-Joseph Labre: Monsieur John Thayer devint le premier converti des Etats-Unis d’Amérique.


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Frères de St Benoît Labre Prieuré Stella Maris 8, Chemin du Val du Puits 27120 CHAIGNES Tél : 02 32 36 34 46 Site Internet

http://www.fraterstbenoitlabre.com/

Soeurs de St Benoît Labre Prieuré du Magnificat 1 / 3, rue Etoupée 27200 VERNON Tél : 02.32.54.31.63 Courriel

fraternite.labre@libertysurf.fr

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RETOUR A BOSTON....110-185

Retour en Amérique, au service de Mgr Caroll.

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LES MISSIONS... LE KENTUCKY....186-209

Le combat contre l’esclavage.

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LIMERICK.....210-243

L’irlande: les dernières années du Père John Thayer.

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LE COUVENT DU MONT BENOIT À BOSTON ....244-285

Les dernières volontés du Père John Thayer. L’édification du couvent des Ursulines.

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RENCONTRE AVEC LE PÈRE DAVID THAYER....286-341

Le Père David Thayer est responsable de formation au département théologique de l’Université Catholique Américaine de Washington, district de Columbia. Il est titulaire d’un doctorat de philosophie de l’Université d’Etat de Pennsylvanie. Le Père Thayer est aussi membre de l’administration générale de la société saint-sulpicienne et éditeur du bulletin de Saint-Sulpice. Il a tenu des discours et publié à l’Ecole Française de Spiritualité.

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LE RÉVÉREND JOHN THAYER

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“A Rome en 1783, après une longue prière, monsieur John Thayer s’écrie : Oui, mon Dieu! Je me ferai catholique. Le même jour, il déclare sa résolution à ses hôtes, qui furent au comble de la joie, se rend le soir au café, où se réunissaient ses amis, la plupart protestants, pour leur faire la même déclaration, et voulant réparer le scandale de ses plaisanteries sur la sainteté de Benoît-Joseph Labre, auquel il se reconnaissait redevable en grande partie de son changement, il parle de ses miracles comme d’une vérité de fait de premier ordre”. 7


1 P R E S E N TAT I O N

Chers Amis...

JOHN THAYER: UN CONVERTI AU SERVICE DE LA GRÂCE DIVINE

“Agissez comme si tout ne dépendait que de vous, priez comme si tout ne dépendait que de Dieu.” ( Saint Ignace de Loyola)

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hers Amis de saint Benoît Labre, la vie est souvent faite d’étapes importantes où nous devons poser des choix qui détermineront irrémédiablement le cours de notre histoire. Mais comment faire le bon choix ? Certaines personnes éprouvent un besoin impérieux de cheminer à leur guise, plus livrées à elles-mêmes, libres, par soif de connaissance, de curiosité, ou tout simplement, parfois pour satisfaire le besoin de répondre inconsciemment à une sorte d’appel intérieur irrésistible. Avec ce numéro II


Le Seigneur est mon berger : Il me mène vers les eaux tranquilles, je ne manque de rien et me fait revivre ; sur des prés d’herbe fraîche, il me conduit par le juste chemin, il me fait reposer. ” Psaume 22

de « Lumière sur le chemin », nous découvrirons le courageux choix de vie de John Thayer, pasteur protestant de Boston adhérant aux principes puritains et issu d’une famille dont les origines remontent aux premiers colons du « Mayflower ». Il fut pour son temps le premier pasteur protestant converti au catholicisme et ordonné prêtre le samedi 2 juin 1787 au séminaire de Saint-Sulpice, la veille de la fête de la Sainte Trinité. La grâce fera de lui un prêtre catholique passionné,

donnant sa vie et sa fortune pour instruire, élever et consoler les plus pauvres et les plus ignorants. Il s’écarta de ce qui ressemble à une existence rangée au sein d’une famille de la Nouvelle-Angleterre afin d’y gagner une victoire qui représentait pour lui le début d’une vie nouvelle comme si la Providence n’en avait pas décidé autrement. Une histoire, où, curieusement, se greffent de nombreux mystères, qui suscitent encore certains silences et des légendes illustrant le parcours de cet homme dont le destin et l’existence furent brusquement interrompus et bouleversés par cette rencontre inattendue, cette grâce reçue de Dieu, au moment même où, en 1783, des événements extraordinaires signalent les nombreux miracles et guérisons survenus à la suite du décès du mendiant Benoît-Joseph Labre à Rome. Ce sont aussi les péripéties d’une lutte courageuse, d’une prière sincère et d’une victoire sur les passions humaines, acquises par la volonté et la foi, qui le hissèrent à un niveau élevé de pensée, de sentiment et d’action et le firent aboutir à une vie de sainteté. Après de longues conversations avec le Père Raymond Martel qui fut le précurseur de cette recherche avant moi, nous avions à coeur, depuis longtemps déjà, de faire la lumière sur cet événement. Cet ouvrage a pour seule ambition, chers Amis de saint Benoît Labre, de vous inviter à une interrogation portant sur la diversité des contextes relatifs au charisme « Labrien » d’hier et d’aujourd’hui. L’histoire de John Thayer en est un exemple lumineux. Dans les biographies anciennes, et jusqu’à celle plus moderne écrite dernièrement, consacrées au Saint Vagabond, on ne manque pas de signaler les nombreuses guérisons et les miracles survenus lors de son décès. Jusqu’à tout récemment, nous nous étonnions de ne pas y trouver une allusion à sa conversion qui est pourtant bien documentée, particulièrement par le récit détaillé relatant cet événement que le PèreThayer écrivit à Paris en 1787 au séminaire de Saint-Sulpice.

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1 P R E S E N TAT I O N

“ L’Église ne doit pas avoir peur de semer la pagaille ou de déranger : certains à Jérusalem auraient préféré que les disciples, bloqués par la peur, restent enfermés chez eux pour ne pas semer le trouble. Aujourd’hui aussi, beaucoup veulent cela des chrétiens.” (Le Pape François) Les raisons de ce silence sont multiples; sa vie véhicule encore les craintes des vieilles effigies et controverses entre protestants et catholiques, ce qui est malheureusement la cause de cette omission. Dieu ne choisit pas toujours des êtres dociles et timides pour accomplir sa volonté, et parfois, ce choix nous dépasse; on ne devient pas prêtre parce qu’on le veut, mais parce que Dieu l’a voulu. Et sa volonté avait doté le Père John Thayer d’un caractère militant et forgé par lui aux combats difficiles. Le peuple, lui, l’acceptait bien, et cela durant les 14 années où il servit en tant que prêtre catholique aux États-Unis d’Amérique. Dans le Kentucky, il s’opposa a l’esclavage, s’attirant la haine des propriétaires terriens. Il est vrai que les convictions audacieuses et impétueuses du Père Thayer froissèrent bien des esprits dans les rangs des pasteurs protestants puritains qui le traitaient de « John Renégat ». Période conflictuelle découlant d’une situation appelée et qualifiée plus tard de “paranoïa puritaine”: à cette époque dans le Kentucky même les pasteurs possèdent des esclaves, et notamment certains prêtres catholiques. Les propos du Père John Thayer ne pouvaient que semer le trouble... Prêtre à la fois réformateur, politique et idéaliste, il se dressera en plein XVIIIe siècle contre l’aile radicale des colons du Sud en pleine période esclavagiste, s’exposant à eux ouvertement et sans retenue, dans un discours s’incarnant dans les réalités quotidiennes de l’époque, celle du “Maître et de l’Esclave”. Cela changea après la guerre d’indépendance quand les colonies se détachèrent de l’Angleterre. Mais cependant longtemps après, les puritains de ce pays firent en sorte de garder le contrôle sur le déploiement du catholicisme dans le tout nouvel état des États-Unis d’Amérique. C’est dans cette paroisse du Kentucky, qui avait la réputation d’être une paroisse à problèmes, qu’il fut l’objet de fausses accusations, comme le dira 10

plus tard dans ses mémoires Mgr Caroll: « Nombre d’entre eux m’ont confié en personne qu’ils auraient préféré changer de rue plutôt que de rencontrer ce catholique romain. La sainte horreur à l’égard des papistes était incroyable ; et les fausses déclarations scandaleuses faites par leurs pasteurs puritains à l’encontre des catholiques accrurent chaque dimanche cette horreur. » C’est à cet endroit et dans cet état de choses que le Père John a officié sous les auspices mystérieux de la divine providence et de la protection de saint Benoît-Joseph Labre. Il fut un ecclésiastique hors du commun et certainement le plus controversé, celui dont la popularité fut telle que ses disciples étaient plus connus sous le nom de “Thayerites”. Il continua ce travail pendant sa retraite à Limerick en Irlande à partir de 1811. Il y conçut le projet de bâtir un couvent à Boston, mais ne trouvant que peu de coopération et pas de volontaires, il commença à former ses propres postulants. Ils furent au commencement du célèbre couvent des Ursulines de Charlestown (Boston), érigé en 1819 après la mort du Père Thayer. Le couvent fut incendié lors d’une émeute patriotique en 1834. Cependant relater les événements de sa vie de prêtre aux ÉtatsUnis d’Amérique lié au charisme de saint Benoît-Joseph Labre fut pour moi un très grand moment et j’ai cru bon de vous faire connaître cette conversion spectaculaire. Sa vie s’inscrit dans le contexte difficile et houleux de l’histoire des États-Unis d’Amérique. Sa mission et son sacerdoce n’étaient pas destinés à son bien-être. Touché par la grâce, il se fit catholique et prêtre consacré pour les autres; sa vocation, une volonté labrienne du don total à l’amour de Dieu… Didier NOËL


L E P È R E J O H N T H AY E R PREMIER PRÊTRE LABRIEN

“John Thayer est né à Boston, au sein de la secte puritaine. À la fin de ses études, il fut fait pasteur de sa Congrégation, et il en exerça les fonctions pendant deux ans. Au bout de ce temps, il se sentit une forte inclination à voyager pour apprendre les langues les plus répandues et pour étudier les mœurs des nations les plus célèbres. Son but était, en acquérant ces connaissances, de se rendre plus utile à son pays. Mais Dieu se servit de ses vues humaines pour le conduire à une autre fin.” (Abbé Desnoyers)

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BIOGRAPHIES 12


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2 BIOGRAPHIES

RELATION DE LA CONVERSION DE M. THAYER, MINISTRE PROTESTANT, ECRITE PAR LUI-MÊME.

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e Père Thayer est entré au séminaire de Saint-Sulpice de Paris, le lundi 18 octobre 1784. Il y écrivit le récit de sa conversion et le publia à Londres, l’année où il fut ordonné prêtre le samedi 2 juin 1787, la veille de la fête de la Sainte Trinité. Son livre a obtenu un succès instantané à l’échelle internationale et a été traduit en six langues.

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“An account of the Conversion of the Reverend Mr. John Thayer” fut publié en anglais dès 1787 à Londres, puis en français, en italien, en portugais et en espagnol. Cependant la version anglaise connut plusieurs éditions; elle fut réimprimée en 1788 à Baltimore (USA). On retrouve même une édition française pour le Canada autour de 1790.


Parfois on gagne, parfois on perd. N’attendez pas que l’on vous rende quelque chose, n’attendez pas que l’on comprenne votre amour. Vous devez clore des cycles, non par fierté, par orgueil ou par incapacité, mais simplement parce que ce qui précède n’a plus sa place dans votre vie. Cessez d’être ce que vous étiez et devenez ce que vous êtes.” Paulo Coelho.

LE PÈRE JOHN THAYER: MISSIONNAIRE ET PRÊTRE.

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e Père John Thayer:quel curieux destin que le sien, la grâce divine le fit avancer dans les difficultés sans qu’il puisse en arrêter les implications tant religieuses que politiques. Aux ÉtatsUnis, il demeure encore aujourd’hui à la fois objet de vénération et de mépris... en France, on préfère ne pas en parler et passer sous silence l’origine de sa foi catholique. Il demeure pour toujours à l’image de Jésus-Christ: sujet de désordre, objet de dérision et de haine. Bien

curieuse histoire que celle de cet homme, hors du commun devenu prêtre sous l’action de la Providence. La rencontre avec saint Benoît-Joseph Labre et la découverte du catholicisme le conduisirent à sa conversion, ses missions, ses choix et ses controverses. Fidèle et docile à l’action de la grâce reçue, le Père John Thayer meurt en exil à Limerick en terre d’Irlande, lieu où il sera adulé et vénéré comme un saint... Le récit de sa conversion, voilà ce qui survivra toujours de lui à l’emprise du temps...

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2 BIOGRAPHIES

RECUEIL DE CONVERSIONS REMARQUABLES

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LES PRÊTRES DE LA COMPAGNIE DE JÉSUS À BALTIMORE

ans ce livre, Recueil de conversions remarquables nouvellement opérées dans quelques protestants, nous trouvons aussi la relation de la conversion de John Thayer ainsi qu’une lettre très importante en date du 28 septembre 1790 où le Supérieur du séminaire de Saint-Sulpice rapporte ce que le Père John Thayer a fait de plus remarquable depuis son départ de Rome pour Paris, jusqu’à son embarquement pour Boston, et depuis son arrivée en Amérique. L’auteur de cet ouvrage est le Père jésuite FrançoisCharles Nagot, Supérieur et créateur du séminaire catholique Saint Mary de Baltimore. Au total, quatre membres de la société de Saint-Sulpice de Paris, partis de Saint-Malo le 8 avril 1791, étaient arrivés à Baltimore en juillet 1791. Ils étaient accompagnés de trois Anglais aspirants au sacerdoce : MM. Floyd, John Cardwel et Francis Tulloh. Ce dernier avait servi dans l’artillerie ; il était peintre, musicien et mathématicien ; il avait voulu suivre en Amérique le Père François-Charles Nagot qui l’avait converti au catholicisme. Des

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quatre Sulpiciens, trois au moins étaient en état d’enseigner la théologie: FrançoisCharles Nagot qui était avant la Révolution Supérieur des Robertins à Paris (au Petit Séminaire de Saint-Sulpice, il fut le maître de formation de John Thayer); le Père Jean Tessier, né à la Chapelle-Blanche dans le diocèse d’Angers le 20 juin 1758, qui avait été professeur à Viviers dès 1783 ; et le Père Antoine Garnier, originaire de Villiers au diocèse de La Rochelle, où il naquit le 28 avril 1762, qui avait occupé la chaire de théologie au séminaire de Saint-Irénée. C’est le 10 juillet 1791 que la colonie des Sulpiciens débarqua sur le rivage de Baltimore. Le Père Nagot acheta aux enchères une ancienne taverne inoccupée et quatre acres de terrain hors de la ville où ils s’installèrent aussitôt. C’est là que le séminaire fut établi dès la fin de 1791. Cette taverne fut acquise sous le nom de l’évêque Mgr Carroll. La tombe de François-Charles Nagot vient d’être redécouverte à l’occasion de récentes restaurations dans la chapelle Saint Mary. Elle est située 600 N. Paca Street, à Baltimore City Maryland, USA. ( Photo de la pierre tombale de Franciscus Carolus Nagot)


Va, lui dit Dieu, va dans cette capitale de l’univers; c’est là que j’ai bâti mon Eglise ; et c’est là que tu formeras une compagnie dont je serai spécialement le chef. Ne mesure point l’entreprise par tes forces : plus tu es faible, mieux elle réussira. Toutes les puissances s’y opposeront, celles de l’enfer et celles de la terre, la sagesse des politiques, la passion des intéressés, le zèle des uns, la malice des autres; on te rejettera comme un misérable, on t’accusera comme un novateur, on te condamnera comme un ambitieux; mais je te serai fidèle : Ego tibi Romae propitius ero.. ” ( Œuvres complètes de Bourdaloue Tome treizième. Édition de 1821) .

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2 BIOGRAPHIES

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Né le 19 avril 1734 à Tours, François-Charles Nagot, a étudié au Collège des Jésuites. Il vint à Paris comme boursier à « la petite communauté » de Saint-Sulpice. Prêtre, le 31 mai 1760, et admis parmi les Sulpiciens, il enseigna à Nantes la théologie de 1760 à 1768. A Paris, il dirigea « la petite communauté », puis, à partir de 1780, il réforma avec succès le petit séminaire de Saint-Sulpice. C’est pendant cette période que John Thayer fit ses trois années d’études et accéda à la prêtrise en 1787. Le Père Charles Nagot fut nommé en 1789, directeur du grand séminaire de Saint-Sulpice, il négocia l’année suivante à Londres l’envoi de Sulpiciens aux États-Unis. Aussi fut-il chargé en 1791 de fonder à Baltimore le premier séminaire du pays ; il en fut le Supérieur jusqu’en 1810, malgré ses désirs de retraite et sa mauvaise santé ; il fonda aussi en 1806 un petit séminaire. Jusqu’à sa mort (9 avril 1816 à Emmitsburg), il exerça une grande influence sur le clergé des États-Unis, tant par ses prédications que par la diffusion des auteurs catholiques du 18e siècle.

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2 BIOGRAPHIES

Faites-moi bien comprendre, ô mon Dieu’, combien est précieuse la grâce de ma vocation au christianisme, afin que j’y réponde pleinement par reconnaissance et par amour”. (Père John Thayer)

Edité par Giovani Battista Recurti, Roma, Venezia, en 1720. 20


Jésus, marchant le long de la mer de Galilée, vit deux frères: Simon appelé Pierre, et André son frère.... et il leur dit : suivez-moi... de là s’avançant il vit deux autres frères : Jacques et Jean fils de Zébédée... et il les appela. En même temps ils quittèrent tout et le suivirent...” (Marc. 1.46,17,19, 20.) LE CHEMIN DU CONVERTI

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l me tomba entre les mains un ouvrage qui a pour titre: Manifesto di un cavaliere cristiano convertito alla religione cattolica. Ce livre qu’il serait bon de traduire en plusieurs langues et de répandre partout. Dans ce récit l’auteur rend compte historiquement de sa conversion et discute brièvement tous les points controversés entre les catholiques et les protestants. Il place au commencement une prière qui lui fut communiquée par un catholique, pour implorer les lumières de l’Esprit-Saint, une prière qui le bouleversa jusqu’au fond de l’âme. La voici, traduite de l’italien: “Dieu de bonté, tout-puissant et éternel, père des miséricordes, je vous supplie humblement d’éclairer mon esprit, de toucher mon cœur et de me donner la foi, l’espérance et la charité, pour que je puisse vivre et mourir dans la religion de Jésus-Christ! De même qu’il n’y a qu’un seul Dieu, je suis certain qu’il n’y

a qu’une seule foi, une seule religion, un seul moyen de salut, et que toutes les voies opposées à celle-ci ne peuvent conduire qu’à l’enfer. C’est donc cette foi que je recherche avec empressement, ô mon Dieu, pour l’embrasser et me sauver! Je proteste devant votre divine Majesté, et je jure par tous vos divins attributs, que je suivrai la religion que vous m’aurez fait connaître pour véritable, et que j’abandonnerai, quoi qu’il m’en coûte, celle où je reconnaîtrai des erreurs. Je ne mérite pas, il est vrai, cette grâce, ô mon Dieu! à cause de la grandeur de mes péchés, dont j’ai un profond repentir, puisqu’ils vous offensent, vous si bon, si grand, si saint, si digne d’être aimé, honoré et servi! Mais ce que je ne mérite pas, je l’obtiendrai de votre bonté suprême, et je vous conjure de me l’accorder par les mérites du sang précieux qui a été répandu pour nous, pauvres pécheurs, par votre Fils unique Jésus-Christ! — Ainsi soit-il.” JOHN THAYER (Extrait de son livre “Relation de la conversion d’un ministre protestant à la religion catholique”)

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2 BIOGRAPHIES

Voilà pourquoi on devient héritier par la foi : c’est une grâce, et la promesse demeure ferme pour tous les descendants d’Abraham, non pour ceux qui se rattachent à la Loi seulement, mais pour ceux qui se rattachent aussi à la foi d’Abraham, lui qui est notre père à tous.” Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains - Ch.4-16

Auteur: Monseigneur Peter Keenan Guilday (March 25, 1884 - July 31, 1947) Docteur ès sciences morales et historiques (Louvain) Professor of Church History, The Catholic University of America 22


En 1783, le nombre des catholiques était assez considérable pour motiver l’érection d’un évêché. Le clergé catholique des États-Unis en fit donc la demande au Pape, et le congrès qu’on avait eu soin de prévenir, approuva et appuya cette démarche. Le Pape Pie VI nomma un certain nombre de cardinaux de la congrégation de la Propagande pour examiner cette affaire, et le douze juillet 1789, il fut rendu un décret approuvé par le Pape, et portant que tous les prêtres qui exerçaient le ministère dans les États-Unis se réuniraient pour déterminer dans quelle ville serait placé le siège épiscopal ; et lequel d’entre eux paraissait le plus propre à être élevé à l’épiscopat : privilège qu’on leur accordait par faveur et pour cette fois seulement. Ils s’assemblèrent et convinrent unanimement que l’évêché devait être à Baltimore. Quant au choix de l’évêque sur vingt-six votants, vingt-quatre désignèrent le Père Caroll. Le Saint-Siège accéda aux voeux des missionnaires et érigea, le six novembre 1789, un siège épiscopal à Baltimore pour tout le territoire des États-Unis, John Caroll fut sacré évêque en Angleterre, le quinze août 1790. En mémoire de cet événement, le nouvel évêque établit la fête de l’Assomption comme fête patronale de son vaste diocèse.” HISTOIRE DE L’ÉGLISE CATHOLIQUE AMÉRICAINE John Carroll, premier évêque de l’Église Catholique des États-Unis, est né au Maryland le 25 janvier 1735. À l’âge de 13 ans, après avoir terminé ses études élémentaires à l’Académie du manoir de Bohême, on l’envoya à l’étranger chez son cousin, Charles Carroll de Carrollton, au collège jésuite anglais de Saint-Omer (Pasde-Calais, France). Il entra dans la province anglaise de la Société de Jésus en 1753 et on l’ordonna prêtre en 1769. L’année qui suivit la suppression de la Société, il retourna au Maryland. En 1776, il accompagna Benjamin Franklin, Samuel Chase et Charles Carroll de Carrollton dans leur mission infructueuse au Canada. Désigné comme préfet apostolique de l’Eglise des 13 états originels en 1784, il guida le corps catholique, ecclésiastique et laïc à travers

la difficile période de reconstruction qui suivit la guerre révolutionnaire. En 1789, ses amis prêtres l’élurent comme premier évêque de Baltimore, le plus ancien siège épiscopal de la nation. Pendant 25 ans, il fut le berger en chef du troupeau catholique des États-Unis. En 1808, l’évêché de Baltimore fut élevé au rang d’archevêché et on nomma quatre suffragants à Boston, New York, Philadelphie et Bardstown. À l’occasion de leur consécration, il assista au couronnement de ses 25 ans au sein de l’Église. Il mourut dix mois après le Père John Thayer à Baltimore, le 3 décembre 1815. Monseigneur John Carroll fut l’évêque, l’ami et le défenseur fidèle du Père John Thayer durant les 14 années où il servit en tant que prêtre catholique aux États-Unis d’Amérique. 23


2 BIOGRAPHIES

Il m’indiquait les endroits des meilleurs théologiens et controversistes, où elles étaient traitées avec étendue, et me procurait leurs ouvrages. Je les étudiais attentivement. Cette étude me donna lieu d’examiner à fond chacun des articles contestés entre les protestants et les catholiques, et de peser les raisons que ceux-ci apportent pour prouver leurs sentiments.” - Père John Thayer L’HISTOIRE DE L’ÉGLISE CATHOLIQUE AMÉRICAINE AU XVIII SIÈCLE

Theodore Maynard (1890-1956): A Historian of American Catholicism Theodore Maynard a eu une longue carrière en tant que poète, critique littéraire et historien en Angleterre, où il a grandi, et aux États-Unis, où il a vécu à partir de 1920. Bien qu’il se considérait avant tout comme un poète, sa vie durant, Maynard fut mieux connu en tant qu’ historien du catholicisme romain, en particulier du catholicisme aux États-Unis. Maynard était à l’origine de vingt-sept livres de l’histoire catholique et biographies en tout, ainsi que neuf recueils de ses propres poèmes et de nombreuses autres œuvres littéraires. Il a été largement lu par les catholiques et non-catholiques des États-Unis et de la Grande-Bretagne dans les années 1930 et 1940. Il est né en Inde, de parents qui étaient des missionnaires pour les Frères de “Plymouth Brethren”, une branche du protestantisme évangélique. Ils l’ont envoyé à l’école en Angleterre et selon le désir de ses parents, il dut les suivre dans le champ missionnaire. Cependant, Maynard a rompu avec les Frères et est devenu “Baptiste”, une autre branche protestante. Après avoir quitté l’école, il a trouvé un emploi à Londres, où il a lu l’orthodoxie de Gilbert Keith Chesterton (1908). Il a affirmé que ce livre avait été décisif en lui révélant le catholicisme: “ Je 24

glissais à l’âge de dix-neuf de la théologie calviniste dans laquelle j’avais été élevé dans un scepticisme humanitaire vague. Quand je lus le livre sur l’orthodoxie de Chesterton, j’eus une révélation qui, par la grâce de Dieu, trois ans plus tard, me porta à me convertir à la foi catholique.” Il y découvra que la foi pouvait être oeuvre de raison et de révélation. Ces principes furent à la base de sa conversion en apprenant à penser le catholicisme comme une religion de la raison et de la tolérance. Selon lui, une force pour la démocratie et l’égalité, en particulier dans sa désapprobation de la concentration de la richesse, le catholicisme comme force unificatrice de la culture européenne. Habité par les lectures des livres de Chesterton, Maynard dans son livre, “Histoire du Catholicisme en Amérique” où il cita le Père John Thayer à de nombreuses reprises, corrigera l’idée fausse très répandue que les racines de la civilisation américaine ... se trouvent dans le puritanisme et que l’américanisme est essentiellement protestant et que seul le protestantisme est vraiment américain. Maynard a également démontré que loin d’être une institution étrangère en Amérique, l’Eglise catholique est, en fait, le défenseur naturel des institutions américaines. Bien que l’Église et le gouvernement des États-Unis soient séparés et distincts, ils partagent un idéal commun, celui de l’égalité humaine.


Ni la raison, ni la foi ne mourront jamais, car les hommes mourraient s’ils étaient privés de l’une d’elles. Le mystique le plus sauvage utilise sa raison à certains moments, ne serait-ce que pour raisonner contre la raison. Le sceptique le plus incisif a des dogmes de son cru, bien qu’il soit un sceptique très mordant, il a souvent oublié ce qu’ils étaient. La foi et la raison sont en ce sens co-éternels.” Gilbert Keith Chesterton

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3 INTRODUCTION

LE RAYONNEMENT SPIRITUEL DE SAINT BENOÎT-JOSEPH LABRE

INTRODUCTION

PAR LE FRERE SAMUEL MINISTRE DE LA FRATERNITE DES FRERES ET SOEURS DE SAINT BENOÎT LABRE

Dieu, c’est la beauté, Dieu, beauté même, a parlé. Dans le buisson de flamme à son peuple assemblé, Aux lèvres de Moïse, aux lèvres des prophètes,.” Poésies d’Humilis, Germain nouveau. 28

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idier Noël m’a demandé récemment de préfacer son ouvrage consacré à la vie et à l’œuvre de John Thayer. J’en ai été heureux tout d’abord, car Didier est un ami de près de quinze ans, et aussi un frère, et comment refuser la demande d’un frère, d’un ami ? Cet ouvrage représente des jours et des jours de recherches patientes et obstinées, qui témoignent d’une véritable passion. Accepter de répondre à une requête et découvrir peu à peu l’ampleur de la tâche sont deux réalités quelque peu différentes ! En effet, parler de John Thayer, c’est évoquer St Benoît-Joseph Labre, et le rayonnement spirituel de cette figure de sainteté


Le prêtre luit, vêtu de blanc, comme les marbres, Dédoublement sans fin du Christ mystérieux, Berger, comme Abraham qui campe sous les arbres; Toute la vérité vieille au fond de ses yeux.” Poésies d’Humilis, Germain nouveau. très paradoxale. Comment quelqu’un qui a passé une grande partie de son existence à « errer » sur les chemins d’Europe, en vivant comme un pouilleux, en acceptant d’être un miséreux, a-t-il pu être canonisé par l’Eglise et avoir une telle postérité spirituelle? Et pourtant, à la mort de Benoît-Joseph à Rome le 16 avril 1783, le jour du Mercredi Saint, les enfants de la Ville Eternelle se répandent dans les rues en criant : « E morto il Santo, e morto il Santo », en le canonisant 98 ans avant l’Eglise (‘Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux toutpetits’’ , Mt 11, 25). Cette « canonisation populaire » des enfants a été accompagnée de centaines de miracles, à telle enseigne, qu’en 1787, le premier volume des actes de la Canonisation fait mention du nombre

de 168, comme l’indique le Chanoine Gaquère dans la biographie du Saint (1954). Et c’est à plusieurs de ces « miracles » que va s’intéresser John Thayer, un pasteur protestant de Boston, venu à Rome pour mieux s’instruire des éléments de la doctrine catholique. Des entretiens qu’il a effectués lui-même auprès des personnes guéries et qu’il relate dans le récit de sa conversion (1786), le conduisent à abjurer sa foi protestante, en se convertissant au catholicisme, et à être ordonné prêtre le 2 juin 1787, à Paris, après des études de théologie au Séminaire St Sulpice. C’est John Thayer qui va propager le premier la dévotion à St Benoît-Joseph en Angleterre, aux Etats-Unis d’Amérique, et enfin en Irlande, comme le démontre si bien Didier Noël. 29


3 INTRODUCTION

Le rayonnement spirituel de BenoîtJoseph Labre se laisse découvrir peu à peu, à l’image de celui qui souhaitait passer inaperçu de ses contemporains. Nous pouvons citer parmi ceux et celles que sa figure a inspirés, Madame Louise de France (1737-1787), la plus jeune des filles de Louis XV et religieuse au Carmel de Saint Denis sous le nom de Mère Thérèse de St Augustin, qui avait une grande vénération pour Benoît-Joseph et qui écrivait à l’abbé Bertin dans une lettre en 1783 : « Benoît Labre avait beaucoup d’esprit. C’est en avoir un bien grand que de trouver le moyen de se sanctifier ». Parmi les artistes, écrivains, poètes, musiciens ou peintres, citons : Honoré de Balzac (17991850), qui cite saint Labre sept fois dans son roman « Les chouans », par exemple : « Grâce à saint Labre à qui j’ai promis un beau cierge, le gars a été sauvé… », Paul Verlaine (1844-1896), dont la conversion est due pour une grande part à St BenoîtJoseph, lui dédiera un poème pour le jour de sa canonisation, le 8 décembre 1881, qui se termine par ces vers : « Et pour ainsi montrer au monde qu’il a tort -Et que les pieds crus d’or et d’argent sont d’argile, - Comme l’Eglise est bonne et que Jésus est fort ! » , Germain Nouveau (1851-1920) écrira un cycle de poèmes, La doctrine de l’amour, qui est une de ses œuvres majeures, sous le pseudonyme de Humilis, et son poème Humilité est un vibrant hommage à la figure de BenoîtJoseph, et il commence ainsi : « C’est Dieu qui conduisait à Rome, - Mettant un bourdon dans sa main, - Ce saint qui ne fut qu’un pauvre homme, - Hirondelle de grand chemin, - Qui laissa tout, son coin de terre, - Sa cellule solitaire, - Et la soupe du monastère, - Et son banc qui chauffe au soleil, - Sourd à son siècle, à ses oracles - Accueilli des seuls tabernacles, - Mais vêtu du don des miracles - Et coiffé du nimbe vermeil… » ; le compositeur belge Guillaume Lekeu (1870-1894) dédiera lui aussi une de ses œuvres au grand saint. Dans une lettre à Gaston Vallin en 1889, il lui écrira : « Pour mon adagio pour quatuor à cordes, inspiré par la Parole du Christ 30

dans le Jardin de Gethsémani : ‘mon âme est triste à la mort’, le choix de la mesure à cinq temps, qui entretient une pulsation instable contribuant au caractère étrange de cette composition, révèle la vénération que j’éprouve pour la figure tourmentée et cependant rayonnante, du Bienheureux Benoît Labre, auquel je l’ai dédiée. Arrachement entre le besoin d’aimer avec les dons et la nature que Dieu nous a donnés, la certitude d’avoir à accomplir une œuvre nécessaire, et l’angoisse de la mort, peutêtre plus désirable que la vie » ; le peintre Maurice Denis (1870-1943), fondateur de l’Ecole des Nabis, écrit en 1933 dans «Charmes et leçons de l’Italie » : « J’entends dire que ce pauvre (Benoît Labre) avait posé chez des peintres et que ceux-ci au moment du procès de béatification offrirent au Saint Père les dessins qu’ils avaient fait de lui… Je voudrais qu’il fût désigné comme patron des modèles d’artistes, car ils n’en ont point, et qu’on pût voir ces desseins. Plût au ciel qu’ils fussent aussi émouvants que la belle figure peinte par Cavalucci, ce visage pacifié, aux joues creuses, au teint livide, à qui je dois de mieux comprendre et mieux aimer la sainteté de Benoît Labre.» Si l’on s’intéresse au rayonnement spirituel de Benoit-Joseph Labre, dans les communautés, au sens très large du terme, on peut citer successivement, sans prétendre à être exhaustif : les « fratelli dell’a strada » fondés par Jean-Antoine Antoniani (1768-1850) à Rome en 1842, ce dernier avait connu Benoît-Joseph à l’hospice St Martin des Monts et avait bénéficié d’une guérison miraculeuse en mai 1783. Il écrit dans une lettre du 23 avril 1845 à ses frères de communauté : « Ainsi, bien-aimés frères, de même que Notre Seigneur nous commande de n’être qu’ “un, comme Lui-même n’est qu’Un avec Son Père” (Jn, XVII,21), œuvrons à réunir les peuples et les personnes. » Cheminons dans la joie et la gratitude avec les méprisés que condamnent ceux qui se croient justes, mais à qui le Seigneur Jésus donne Sa préférence ; tous ceux qui, comme nous, ne sont peut-être que des larrons, mais que le Fils de l’Homme élève à Son Côté. »


Photographie Frère Samuel.

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3 INTRODUCTION

Enivre-toi du long plaisir de voyager ; Que ta faim soit paisible et que ta soif soit pure, Bois à tout cœur ouvert, mange à toute âme mûre !.” Poésies d’Humilis, Germain nouveau.

En 1858, un rameau de cette première fondation se développera pendant quelques années en France, à partir de l’acte de foi posé par un ancien soldat, frère Louis de Jésus (Jean-Louis Porcher), de St Germain-en-Laye: « La pauvreté évangélique dont le bienheureux Benoît Joseph fut le témoin, est davantage celle du renoncement aux certitudes égoïstes et aux jugements téméraires, que celle de la vermine qu’il conserva comme silice. » (Frère Louis de Jésus). Ces “frères de la Rue” étaient appelés vulgairement “frères surinards”, à cause du couteau qu’ils portaient à la ceinture. La fondation italienne s’éteignit en 1860 et cette seconde fondation française ne survécut que quelques années. En juin 1882, le Frère Exupérien (18291905), assistant du Supérieur Général des Frères des Ecoles chrétiennes, assisté de l’abbé Henri Chaumont, aumônier de la Maison mère des Frères, crée une Association pour des jeunes gens des patronages parisiens, qu’il place sous 32

la protection du dernier des saints français canonisés : Saint Benoît-Joseph Labre, et cette Association prend le nom d’Association (ou Société) de SaintBenoît-Joseph Labre. Le but poursuivi par le Fr. Exupérien est de conduire ces jeunes gens à une authenticité de vie chrétienne, à travers, entre autres, 16 résolutions, appelées : « Résolutions de Saint-Denis », servant de ‘Règle de vie’. Il faut signaler l’existence de différentes sections, qui répondent à des nécessités différentes : section des MARIÉS, des SOLDATS, des SEMINARISTES, puis société des AMIS DE SAINT LABRE, union des PRETRES des SAINT LABRE. Parmi les ‘Saint- Labre’, dix-sept d’entre eux fondent le 13 septembre 1887 le SECI « Syndicat des Employés du Commerce et de l’Industrie », premier syndicat chrétien, et le 1er novembre1919, sept autres ‘Saint -Labre’ sont à l’origine de la CFTC, Confédération Française des Travailleurs Chrétiens, dont Gaston Tessier son premier secrétaire général et


Jules Zirnheld son premier président. Toujours parmi ces ‘Saint Labre’, deux prêtres nous ont connus, l’abbé Georges Guérin (1891-1972), fondateur de la branche française de la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne), le 1er octobre 1927 et Mgr Fernand Maillet (18961963), qui a dirigé la Manécanterie des Petits Chanteurs à la Croix de bois de 1924 à 1963 ; n’oublions pas non plus l’abbé Charles Fichaux (1869-1944), Directeur de St Labre de 1910 à 1944, et Mgr Robert Frossart (1909-1988), Evêque auxiliaire de Paris et acteur important dans la Mission Ouvrière. A partir de 1952, l’Association change de nom et prend celui d’ « Equipes de Vie Spirituelle Saint Labre ». La nuit de Noël 1981, fr. Benoît-Joseph WEYTENS (1945-2009) reçoit «l’appel» de fonder en Eglise un Institut dont la mission est d’accueillir et de proposer une espérance à des personnes, ne trouvant pas de place dans « la salle d’hôtes » à la suite de St Benoît-Joseph Labre. A

travers une de nos sœurs et un de nos frères, un lien se crée au début des années 1990, entre notre jeune communauté et les « Amis de St Labre », et un des prêtres de St Labre, le P. Claude Bataille ; les Amis de St Labre et leur aumônier font l’honneur de reconnaître les « frères et sœurs de St Benoît Labre » comme leurs successeurs. C’est ainsi qu’ensemble nous fêterons en 1998 le 250ème anniversaire de la naissance de St Benoît-Joseph à Amettes. Début des années 2000, des liens d’amitié se tissent avec le P. Raymond Martel, prêtre canadien, et créateur du site Internet : « Les Amis de Saint Benoît Labre ». Des liens sont établis également dans le même temps avec les « Schwestern und Brüder vom heiligen Benedikt Labre », communauté fondée à Munich par Walter Lorenz en 1985, qui accueille dans une communion de vie des personnes de la rue, ayant des problèmes psychologiques, et dont une des activités consiste à remettre en état des objets destinés à la décharge, et à les 33


revendre, à la façon des compagnons d’Emmaüs. Au fil des neuvaines à Amettes fin août, se tisse aussi une relation d’amitié discrète, ponctuelle et très profonde avec Didier Noël, et avec les recteurs successifs d’Amettes, le P. Jules Colson, le P. Pierre Homery, le P. Michel Delannoy, le P. Fabien Langlet, sans oublier le P. Pierre-Marie Leroy, actuel curé de St Pol sur Ternoise. La relation commencée en 1998 avec Mgr Jean-Paul Jaeger, Evêque d’Arras, va s’approfondir les 6, 7 et 8 décembre 2006, lors du 1er colloque international des communautés labriennes, qu’il préside à l’abbaye du Bec Hellouin pour le 125ème anniversaire de la canonisation de Benoît-Joseph Labre. Cette rencontre internationale réunit le Père Abbé du Bec : Dom Paul-Emmanuel Clenet, le chancelier du diocèse d’Evreux : le P. JeanPierre Decraene, le recteur d’Amettes : le P. 34

Michel Delannoy, le directeur des prêtres de St Labre : le P. Claude Bataille, un membre du comité directeur de la CFTC: Dominique Langlet, un hospitalier de Lourdes : Paolo Roda (St Benoît-Joseph est un des patrons de l’Hospitalité de Lourdes), deux représentants d’une communauté religieuse de Calabre (Italie), la « piccola famiglia dell’Esodo », six représentants de la «Guild of St Benedict Joseph Labre » des USA, et les frères et sœurs de St Benoît Labre de France. Nous allons découvrir ensemble nos points communs à travers la figure de St Benoît-Joseph et les différents aspects de son charisme, nos frères et sœurs d’Italie vivant préférentiellement la dimension contemplative, ceux des USA l’apostolat auprès des personnes souffrant de maladies psychiques. Le premier fruit de ce colloque sera la création d’une Charte de Charité (carta caritatis), écrite à


3 INTRODUCTION

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PRIEURÉ STELLA MARIS FRÈRES DE SAINT BENOÎT LABRE 27120 CHAIGNES

A la suite des familles labriennes qui les ont précédés depuis un siècle et demi, les frères de St Benoît Labre et les soeurs de St Benoît Labre, en France comme dans de nombreux pays du monde, continuent à suivre le Christ Jésus aux côtés des marginaux et parmi les exclus. L’institut, fondé en 1842 et relevé, en France, dans la nuit de Noël 1981 est appelé à l’exemple de St Benoît Joseph Labre, disciple du “Fils de l’Homme qui ne sait où reposer sa tête” (Luc 9,58), à vivre dans l’adoration et la louange. Les frères et les soeurs accompagnent les joies et les déroutes de ceux et de celles qui leur sont donnés de servir. Saint Benoît-Joseph Labre (Amettes 1748 - Rome 1783)

la main sur parchemin d’agneau et signée en présence de Mgr Jaeger le 16 avril 2007, sur la tombe de St Benoît-Joseph en l’église Ste Marie des Monts à Rome. Cette charte, dont l’original est à l’Evêché d’Arras, regroupe l’expression de la compréhension commune du charisme labrien que nous avons pu appréhender lors du colloque, autour de la « prière des trois cœurs ». La « Fraternité Apostolique St BenoîtJoseph Labre », fondée au diocèse d’Amos au

Québec en 2011 par le P. Michel Rodrigue est une œuvre d’évangélisation composée de trois branches : la première est sacerdotale et diaconale, la deuxième est pour les couples mariés et la troisième est pour des laïcs désirant consacrer leur vie en offrande au Père pour l’avancement du Royaume. Des liens se sont tissés entre Amos et la France, via Didier Noël, qui leur a fait parvenir en septembre 2014 une copie du masque mortuaire de Saint 35


Benoît-Joseph. Au terme de ce bref survol de quelques 230 années de rayonnement spirituel de notre grand saint, j’ai conscience d’avoir seulement effleuré le sujet. Je rêve qu’un jour, quelqu’un pourra consacrer un livre complet sur l’histoire mondiale de la postérité spirituelle de ce « pauvre qui

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trouva la joie » (Agnès de la Gorce). fr. Samuel, ministre fl À Chaignes, le 28 octobre 2014, en la fête des Apôtres Simon et Jude.


Frère, ô doux mendiant qui chantes en plein vent, Aime-toi, comme l’air du ciel aime le vent. Frère, poussant les bœufs dans les mottes de terre, Aime-toi, comme aux champs la glèbe aime la terre. Frère, qui fais le vin du sang des raisins d’or, Aime-toi, comme un cep aime ses grappes d’or. Frère, qui fais le pain, croûte dorée et mie. Aime-toi, comme au four la croûte aime la mie. Frère, qui fais l’habit, joyeux tisseur de drap, Aime-toi, comme en lui la laine aime le drap. Frère, dont le bateau fend l’azur vert des vagues, Aime-toi, comme en mer les flots aiment les vagues. Frère, joueur de luth, gai marieur de sons, Aime-toi, comme on sent la corde aimer les sons. Mais en Dieu, Frère, sache aimer comme toi-même Ton frère, et, quel qu’il soit, qu’il soit comme toi-même.” (Poésies d’Humilis, Germain nouveau.) 37


ANNO 1781-1782-1783

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Par ce voyage je ne me doutais pas des desseins secrets de la Providence qui me préparait par là des avantages infiniment plus précieux. - Joanne Thayer 39


HISTOIRE DE LA CONVERSION DE JOHN THAYER UN MIRACLE DE SAINT BENOÎT-JOSEPH LABRE

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e nom du Père John Thayer apparaît dans la plupart des livres sur l’Église Catholique Américaine, comme le premier pasteur protestant américain converti à la religion catholique. Leur lecture ne nous apprend que peu de détails sur sa vie et, souvent, avec des nuances à la fois négatives et positives. Dans son ouvrage, “L’Histoire du Catholicisme américain”, Théodore Maynard, grand historien américain, décrivit le Père Thayer comme un homme habile, d’une moralité impeccable, mais au caractère austère et rigide comme les pasteurs puritains de son temps. Dans son livre, “La vie et l’époque de John Carroll”, l’écrivain Peter Guilday nous révèle que le Père Thayer était doué de génie, érudit autant qu’homme d’esprit, mais paraphrasant Théodore Maynard, il n’avait rien de l’esprit d’intransigeance puritaine qu’on lui attribuait.

V

oici dans sa plénitude et son authenticité, l’histoire d’une vie errante et mouvementée. A Rome, en 1783, le destin le liera à celui d’un autre personnage le mêlant ainsi de manière « providentielle » à la mort du saint pèlerin, le pieux Benoît-Joseph Labre. Cette rencontre sera pour lui sans équivoque le reflet de la grâce accordée par Dieu au renouveau de sa vie. Converti par ce miracle de la foi, il deviendra prêtre et dans son ministère sacerdotal, le Père John Thayer sera un précurseur des innombrables bénédictions qui profitèrent au catholicisme américain dans l’Amérique postrévolutionnaire dont il célébrera les premières messes dans beaucoup de villes de la NouvelleAngleterre, à Boston, ainsi qu’à Salem, etc. Ses publications d’habiles et charitables excuses dans la presse de Boston furent les premières de la sorte dans l’Histoire de l’Amérique. En livrant d’importantes batailles, il ouvrira des portes à la réussite de ministères catholiques au Massachusetts, à New York, en Virginie et au Kentucky. Un récit dans le décor vrai et historique de l’époque, celle des États-Unis d’Amérique, de l’Église catholique et de ce qui sera la grande Mission du Père Thayer : amener des prêtres et des religieuses en Amérique afin de promouvoir la foi catholique parmi ses compatriotes.

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Après une brève affectation en tant qu’aumônier militaire, le pasteur John Thayer hérita d’une forte somme d’argent familial. Fin 1781, il s’embarque pour un long tour d’Europe, où il espérait étudier les langues et les sciences politiques”.

J

ohn Thayer est né à Boston (Capitale du Massachussetts et de la Nouvelle-Angleterre). Ses parents, Cornelius Thayer et Sarah Plaisted, se marièrent en 1751 et eurent huit garçons.

L’aîné des fils de Cornelius et de Sarah Thayer, se prénommant aussi Cornelius, est né le vendredi 24 novembre 1752, et décéda en 1769. Le second des fils, Ebenezer (I), né le 25 mars 1754 décédera à l’âge de deux ans en 1756. Le troisième, Ebenezer (II) est né le vendredi 27 Février 1756. Soldat Révolutionnaire, il mourut en mer en octobre 1781. Le quatrième enfant, John, né le 15 mai 1758, décédera en Irlande le 17 février 1815. Le cinquième enfant, Nathaniel, fit ses études en tant que médecin, à New Haven, dans le Connecticut, et épousa Ann FOWLER, de Durham, Connecticut le 6 Novembre 1791. Ils se sont installés à Westfield, Massachusetts. Médecin, il pratiquera la médecine jusqu’à sa mort, le 26 juin 1824. William (I), le sixième enfant, naquit le lundi 9 novembre 1762 et mourut quelques jours plus tard. Le septième enfant, Samuel, est né le lundi 3 septembre 1764. Soldat Révolutionnaire, il épousera Rachel CARY (née en 1769 et décédée en 1789). Le dernier des enfants, William (II), naîtra le mercredi 30 décembre 1767, il épousera en 1779 Surviah (Sophia) TORREY (née en 1728 et décédée en 1795). (Leur mère, Sarah Plaisted Thayer, mourut à Boston en Juin 1775 et leur père, Cornelius Thayer, mourut à Boston le 29 Juillet 1790)

Je vous donnerai un cœur neuf et je mettrai en vous un esprit neuf ; j’enlèverai de votre corps le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai en vous mon propre Esprit, je vous ferai marcher selon mes lois”. Ézéchiel 36, 26-27

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ohn Thayer a été élevé dans la religion calviniste puritaine, la seule dominante et presque la seule connue à cette époque, dans la Nouvelle-Angleterre.

Il avait d’abord refusé de faire des études; mais à l’âge de seize ans, par réflexion et par désir intérieur d’apprendre, il le demanda de lui-même à ses parents. Avec le secours d’un bon maître, il entreprend des études au terme desquelles il devient pasteur presbytérien. Pendant deux ans, il en exerce les fonctions à Boston, capitale du Massachusetts. S’appliquant à l’EcritureSainte et à la prédication, il fit des progrès assez rapides. Cependant, il sentait une inclination secrète à voyager ; “je nourrissais ce désir , et je formai la résolution de passer en Europe pour apprendre les langues européennes le plus en usage , et me mettre au fait de la constitution des Etats, des mœurs, des usages, des lois et du gouvernement des nations principales, afin d’acquérir par ces

connaissances politiques, plus de considération dans ma patrie, et de lui être plus utile. Telles étaient mes vues humaines.”

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n 1781, il e nt re p re n d donc un voyage d’étude en Europe et arrive en France à la fin de cette année-là. Il se met immédiatement à l’étude des meilleurs ouvrages littéraires de France. Il s’y adonne avec une telle ardeur qu’il néglige de manger et de dormir suffisamment. Au cours de la maladie grave qui s’ensuit, il s’assure qu’aucun prêtre catholique ne soit conduit à son chevet, tellement il tient à sa religion. Une fois rétabli, il se rend en Angleterre où il passera trois mois. Ce sera le début d’une série d’événements qui le prépareront à 42

une remise en question de sa doctrine . Au cours de son séjour à Londres, le pasteur John Thayer est invité à prêcher dans une chapelle d’Oxford Street. Pour la première fois, il est confronté à une divergence doctrinale au sein de l’Église à laquelle il appartient. “Je fus presque interrompu par les rumeurs de l’auditoire, écrit-il, tant la doctrine des puritains de mon pays avait peu de rapports avec celles des puritains anglais. (2) C’est que mes compatriotes protestants trouvent dans le même Evangile bien des doctrines différentes. Une pareille singularité me donna beaucoup à réfléchir.”(3)

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u printemps 1782, le pasteur John Thayer revint en France et se rendit en bateau de Marseille à Rome. Toujours préoccupé par les mêmes soucis d’études, mais bien prévenu, comme on l’imagine aisément, contre la religion du pays et contre la nation, que l’on lui avait représentée sous les traits les plus odieux, il avait cependant déjà conçu, dans son séjour en France, une idée moins défavorable de la religion catholique, et son commerce avec les Italiens le fit revenir aussi de ses préjugés contre eux. Dans le trajet de Marseille à Rome, il fut obligé, faute de vent, de s’arrêter plusieurs jours dans un petit port que l’on nomme “Port Ercole.” A Port Ercole, le pasteur John Thayer rencontre le marquis d’El moro, vieillard respectable, et major de la place, qui se montre d’une grande bonté à son égard : “ Sans que j’eusse aucune recommandation auprès de lui, il m’accueillit et me traita vraiment avec une bonté paternelle. Sa maison, sa table, sa bibliothèque, tout fut à mon service. J’ai eu le bonheur de rencontrer partout des Italiens du même caractère, principalement dans la famille honnête et vertueuse qui m’ouvrit, à Rome, son seuil hospitalier.”


Tant de bienveillance et de cordialité sympathique à l’égard d’un Américain, d’un protestant, connu pour tel, le touchait profondément et le frappait de surprise. Les catholiques, se disait le pasteur Thayer,: “ne sont donc pas insociables, et l’étranger ne leur inspire ni intolérance ni mépris ?” (4).Il condamnait ainsi lui-même, de jour en jour, les injustes préjugés qu’on lui avait suggérés et enseignés depuis l’enfance contre cette église catholique. Mais Dieu disposait les choses de loin pour le conduire insensiblement à un terme heureux. Dès qu’il fut arrivé à Rome, il n’eut rien de plus pressé que d’aller voir ces fameux chefs-d’œuvre et ces monuments antiques qui attirent les étrangers, entre autres, la Rotonde ou le Panthéon, temple autrefois consacré au culte de toutes les fausses divinités du paganisme, et aujourd’hui dédié à l’honneur de la Sainte Vierge et des Saints.

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la vue de ce superbe édifice, il eut une grande idée et se dit à luimême: “Voilà un endroit propice à fournir la matière d’un beau discours”. Si la religion catholique était “ vraie ” ; voici en substance l’idée qui lui vint alors à l’esprit : ce temple, autrefois consacré au culte des faux dieux, était devenu un temple du vrai Dieu ; la croix de JésusChrist élevée sur les débris de toutes les idoles réunies, comme pour lui faire un plus beau trophée, et de là, montrée à toute la terre. Cette ville, autrefois maîtresse de tout l’univers et la capitale du monde païen, devenue la capitale du monde chrétien ; voilà des monuments parlants et toujours subsistants du triomphe de Jésus-Christ sur le fort armé, et de l’établissement de son empire sur les ruines de l’empire du paganisme. Il était convenable qu’il fit du centre de l’idolâtrie, le centre de la vraie religion ; de la première ville du monde, la capitale de son royaume ; enfin, de cette école fameuse de tous les arts, de cette ville célèbre qui fixe tous les regards et attire les

curieux et les étrangers de toutes les parties de l’univers, l’école de la vérité et le centre commun d’union entre tous les fidèles qui croient en Jésus-Christ. Alors il ne manquerait rien à la gloire extérieure de sa religion et à la visibilité de son Eglise, qu’il a sans doute voulu mettre sous les yeux de tous les peuples ; alors elle serait véritablement cette ville bâtie sur la montagne, exposée à la vue de toutes les nations, de manière à ne pouvoir être cachée. Cette idée lui plaisait beaucoup ; et comme il aimait l’éloquence de la chaire, il désirait qu’elle fût vraie pour pouvoir traiter d’un si beau sujet. Ce premier trait de lumière aurait dû le conduire plus loin, mais ce n’était encore à ses yeux qu’une belle chimère, et il la laissa là pour s’occuper de ce qui l’avait amené à Rome.

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l apprit l’italien beaucoup plus vite et plus aisément que le français, et il fut bientôt en état de lire les meilleurs auteurs en cette langue. Il étudiait en même temps, selon ses projets, la constitution et l’état actuel de Rome. Cependant, l’idée de la religion catholique lui revenait de temps en temps à l’esprit : quoiqu’elle ne figurait pas dans le plan d’études qu’il s’était fixé, il désirait toutefois s’en instruire à fond pendant qu’il était dans cette ville. Une intention comme une autre, comme il aurait voulu connaître la religion musulmane, s’il s’était trouvé à Constantinople ; du reste, comme il devait l’apprendre plus tard, il était bien éloigné de soupçonner ou du moins de penser à en embrasser une autre; seulement il voulait apprendre la culture de l’église catholique de la bouche même de ses fidèles, afin de ne leur imputer que ce qu’ils disaient euxmêmes. Il s’adressa pour cela à plusieurs ecclésiastiques, et, selon sa coutume de faire parler chacun sur sa profession, il axa sa discussion sur la religion ; mais ces vertueux hommes d’église avaient 43


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Dès que je fus arrivé à Rome, je n’eus rien de plus pressé que d’aller voir ces fameux chefs-d’œuvre et ces monuments antiques qui attirent les étrangers, entre autres la Rotonde ou le Panthéon, temple autrefois consacré au culte de toutes les fausses divinités du paganisme, et aujourd’hui dédié à l’honneur de la Sainte Vierge et des Saints.” - John Thayer.-

Le Panthéon de Rome à l’époque du Père John Thayer 44


plus de piété que de lumières. Voyant en lui un protestant décidé, ils le condamnèrent sans l’éclairer, et il les quitta également très mécontents, eux de son attachement à la communauté calviniste, et lui de leur zèle prosélyte. Il voulait simplement connaître leurs opinions et non se détourner des siennes. Le pasteur Thayer ne sentait pas le besoin d’être éclairé, mais il désirait ardemment satisfaire sa curiosité et sa soif d’apprendre. C’était sans compter sur l’admirable Providence qui avait jusque-là conduit ses pas, avec cette volonté dans le coeur d’un irrésistible désir de voyager. Elle l’avait amené au centre des lumières, sans qu’il en soit vraiment conscient, avec ce désir de s’instruire. Elle le dirigeait

lentement vers la connaissance de la vérité. près avoir souvent cherché l’occasion de s’entretenir avec un homme instruit, capable et désireux de le mettre au fait de la culture catholique, il rencontra deux ecclésiastiques dans un endroit où il avait coutume d’aller : “Je liai conversation avec eux, et je leur déclarai ce que j’étais et ce que je désirais. Je pensais alors, au sujet des jésuites, ce qu’en pensent tous les protestants ; cependant j’ajoutai que je serais bien aise de faire connaissance avec quelqu’un d’entre eux. Je n’ignore pas, disais-je, qu’ils sont adroits et politiques, mais ils passent pour être très éclairés.” Je saurai bien profiter de leurs lumières et me tenir en garde contre leurs subtilités. C’était justement à deux jésuites que je parlais. Ma franchise ne leur déplut pas ; ils m’avouèrent qu’ils étaient eux-mêmes de la Société. Nous n’entreprendrons pas, me dirent-ils, de vous donner par nousmêmes les instructions que vous désirez; nous vous adresserons à un homme fort habile qui est bien capable de vous satisfaire. Ils m’introduisirent, en effet, chez un de leurs confrères fort connu dans Rome, et très considéré pour sa science et pour sa vertu. Monsieur, lui dis-je en l’abordant, il se peut que j’aie quelques fausses idées sur votre religion, ne la connaissant que sur les rapports que m’en ont faits les membres de ma communauté. Si cela est, mon dessein est de me détromper, car je ne voudrais pas avoir, de préjugés contre personne. N’espérez pourtant pas me convertir: à coup sûr vous n’y réussirez pas.” e début un peu brusque n’empêcha pas qu’il le reçût avec une douceur et une affabilité qui ne pouvaient être l’effet que d’une charité véritable : il consentit à la demande qu’il lui fit d’avoir avec lui des entretiens sur la religion. D’abord, il lui exposa par ordre tous les articles de la doctrine catholique : cette discussion dura plusieurs jours. John l’écoutai attentivement sans jamais l’interrompre; mais, de retour chez lui,

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il ne manquait pas de mettre par écrit ses difficultés et ses raisonnements qui lui semblaient contredire chacun de ces dogmes et de ces articles. Quoiqu’il eût à l’esprit bien des difficultés, il ne cessait de remarquer cet accord merveilleux qui se trouvait dans l’ensemble de la religion catholique, et d’y entrevoir une sagesse qui lui paraissait divine. Quand il eut achevé après plusieurs semaines cette discussion, le pasteur Thayer proposa, à son tour, de faire part à l’ecclésiastique de ses difficultés et de ses doutes : ils passèrent plus de trois mois ensemble à discuter de tous les articles théologiques de la foi catholique. “Je me vis plus d’une fois sans réponse, parce que j’apportais de la droiture dans cette discussion, et que je voulais sincèrement m’instruire et ne pas chicaner. Il me restait néanmoins encore bien des nuages et des embarras que j’étais fort empressé d’éclaircir; et comme cet homme respectable ne pouvait me donner par intervalle, que quelques heures, pour remplir le vide qui se trouvait entre nos conférences, j’eus recours à un autre jésuite qui n’avait pas moins de zèle ni moins de lumières ou d’attention sur moi. Celui-ci s’y prit, avec moi, d’une manière qui m’étonna d’abord : “Nous n’entrerons pas en matière aujourd’hui, me dit-il, allez, récitez l’Oraison dominicale trois fois, et revenez tel jour. Je ne pus m’empêcher de sourire à ce début. Eh quoi ! Lui dis-je, je ne suis pas encore de votre Eglise, et déjà vous m’imposez une pénitence ; je le quittai après ce propos.”

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ependant, en revenant chez lui, il se fit cette réflexion, “la prière, loin de m’égarer, ne pourrait que m’être utile, et qu’une religion qui enseigne qu’il faut commencer par la prière l’examen que l’on en fait, était apparemment bien sûre d’elle-même. J’exécutai donc ce qu’il m’avait prescrit, et j’allai le trouver au jour qu’il m’avait indiqué, je savais déjà quelle était la Doctrine Catholique ; il ne s’agissait, avec lui, que d’éclaircir les différents points sur

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lesquels il me restait encore des nuages ; à mesure que je lui parlais de mes difficultés sur chacun de ces points, il m’indiquait les endroits des meilleurs Théologiens et Controversistes, où elles étaient traitées avec étendue, et me procurait leurs ouvrages”. Il les étudia attentivement et leur étude lui donna lieu d’examiner à fond chacun des articles contestés entre les protestants et les catholiques, et de peser les raisons que ceux-ci apportent pour prouver leurs sentiments.

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l reçut également l’enseignement d’un religieux augustin, à qui il s’adressait dans le même temps : ce brave homme s’attacha à lui faire discerner ce qu’est la foi parmi les catholiques avec les simples valeurs que l’Eglise permet de traiter dans les écoles. Sans les adopter ni les rejeter, cette distinction éclaira le pasteur Thayer et contribua beaucoup à clarifier ses idées car dit-il: “les Protestants ont coutume de confondre ces deux objets, et par là ils embrouillent tout.” “Il y a une parfaite unité dans le dogme, la diversité n’est que dans les opinions : en mêlant ces deux choses, ils prennent l’occasion d’attribuer à la foi ce qui ne convient qu’aux opinions libres et indifférentes. Le soin que j’eus de consulter ainsi plusieurs Docteurs, me fut doublement utile, je profitais de leurs lumières particulières, et je fus à portée de remarquer qu’ils étaient parfaitement d’accord sur la foi, qui, en effet, doit être une, comme la vérité est une; cette uniformité de sentiments, qui, dans tous les siècles, a régné entre les Catholiques, me faisait une vive impression, parce que je ne l’avais jamais vue parmi nous….” “J’avais eu des liaisons avec les Chefs de nos Communautés ; je m’étais souvent entretenu avec eux ; je connaissais bien leurs sentiments ; il n’y en avait pas deux qui fussent d’accord sur les articles les plus essentiels : bien plus, il n’y en avait aucun qui n’eût varié dans sa Doctrine...”


Vivre dans la droiture en présence et en communion avec Dieu, c’est vivre en état d’action de grâce permanente. C’est de Lui que nous recevons tout ce que nous avons - notre vie et notre existence même, toutes bonnes choses, l’espérance de la rédemption, et la joie de la communion. L’offrande de l’action de grâce, c’est la reconnaissance dans notre coeur que nous-mêmes ne sommes pas les auteurs du moindre de ces bienfaits, mais en sommes les bénéficiaires - ceux qui reçoivent les dons de Dieu.” Père Alexander Schmemann

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ROMA

Il est mort le Saint! il est mort le Saint! ... Des miracles à Rome pour démontrer le pouvoir de la foi sur la vie et la mort, pour l’édification de ceux qui en sont les témoins et de ceux à qui l’Évangile de Jésus-Christ est annoncé.”

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Eglise de la Madonna Dei Monti


4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R

LA MORT DU SAINT

“Le 16 avril, Mercredi Saint, Benoît-Joseph, revint à grand peine vers l’église Sainte-Marie-des-Monts qu’il affectionnait tant. Il y entendit la messe, suivant avec émotion le récit de la Passion selon saint Luc. Les assistants dirent qu’il donnait l’impression de ressentir si vivement les poignantes douleurs du Christ qu’ils avaient craint de le voir expirer avant la fin du Saint Sacrifice”.

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ntre-temps à Rome, la population se préparait à fêter la Pâque. Nous étions le Mercredi Saint du 16 avril de l’année 1783, ce jour-là, un mendiant du quartier des Monts, plus connu sous le nom de Benoît-Joseph Labre, assiste à l’office avec beaucoup de ferveur mais l’instant d’après il est comme suffoqué, la respiration lui manque en sortant de l’édifice, il s’écroule sur les marches au milieu des passants. Un groupe de fidèles se forme autour de lui; chacun s’offre à le soulager, à le recevoir dans sa maison; quelqu’un propose de le conduire à l’hôpital. Benoît-Joseph écoutait en silence. Parmi eux, un boucher qui le connaissait, un certain Francesco Zaccarelli, qui revenait de faire ses Pâques à l’église paroissiale San Salvatore ai Monti, s’arrête, reconnaît son pauvre ami à la face cadavérique, et hasarde une demande. Touché de le voir ainsi, à demi inconscient et pratiquement à la dernière extrémité, il s’approche de lui et lui dit: «Benoît-Joseph mon ami, vous êtes mal, il faut vous soigner, voulez-vous venir chez moi ?» Il ouvrit les yeux et, reconnaissant son ami, lui répondit: «Dans votre maison, je veux bien». Le charitable Zaccarelli se hâta de soulever Benoît-Joseph, pour le remettre sur pied ; mais c’est en vain, le saint ne peut plus faire un pas. Alors, Francesco Zaccarelli appelle l’un de ses fils, le plus jeune, Paolo, celui-ci, aidé d’un autre compagnon, le prirent dans leurs bras, et le ramenèrent dans

sa demeure toute voisine de la Via del Grifone, située dans le quartier des gardes corses, près de Notre-Dame-des-Monts. Mais en y arrivant, un autre obstacle se présente, l’escalier est trop étroit pour permettre le passage à trois hommes de front; Paolo prend alors sur ses épaules le pauvre malade et le dépose sur un siège, dans la première chambre occupée alors par sa mère Anne Zaccarelli, alitée depuis un mois. “Mon pauvre Benoît, s’écrie-t-elle, comme vous êtes malade!” Placé ensuite dans la seconde pièce, on voulut naturellement le faire mettre au lit. Après une certaine résistance, il y consentit, mais à condition qu’il ne soit pas déshabillé. Il fallut respecter ce désir. Le bon Zaccarelli dut s’occuper de procurer à son hôte agonisant les soins spirituels et corporels dont il avait besoin. En l’absence du confesseur Marconi que Benoît-Joseph avait refusé de faire venir, pour ne pas le déranger de son ministère, le Père Piccilli fut appelé. Ce religieux, admirateur de Benoît-Joseph dont la visite, il y a quelques années, lui avait été si précieuse, lui dit en entrant dans la demeure de Zaccarelli: “Mon cher BenoîtJoseph, voulez-vous quelque chose?” “Rien, rien”, répondit le malade, sans ouvrir les yeux. “Y a-t-il longtemps que vous n’avez communié ?” “Peu, peu...” Ce fut sa dernière parole. Cet homme va mourir, ajouta le religieux; il n’a plus besoin que de l’Extrême-Onction et de 51


4 L A C O N V E R S I O N D U PA S T E U R J O H N T H AY E R

Aquarelle d’Achille Pinelli: la Chiesa San Salvatore ai Monti, via della Madonna ai Monti.” (Musée de Rome) l’assistance due aux mourants. Déjà Francesco Zaccarelli était allé prévenir le curé de l’église Salvatore ai Monti située dans la via della Madonna ai Monti. L’abbé Rovira Bonnet occupe ce poste depuis vingt-sept ans après avoir été chapelain à Saint-Louis-des-Français. Français lui-même, tout heureux d’exercer son ministère en faveur d’un pauvre qu’il connaît à peine, mais dont il est le compatriote, il fit venir les Pères déchaussés de la Pénitence et leur confia la mission d’assister le malade jusqu’à son dernier soupir. (En 1783 à Rome, c’était la coutume d’agir ainsi selon le désir de l’Église.)

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ependant, auprès du malade qui a perdu connaissance arrivent successivement le médecin et le pharmacien. Chacun affirmant que tout remède devenait inutile, le pouls était irrégulier, à peine sensible, la bouche fermée et les dents serrées, les yeux clos et immobiles ; la sueur transpirait au visage, tandis que les parties inférieures se refroidissaient peu à peu. le vicaire de San Salvatore ai Monti, l’abbé Pierre Giordani, ne put que lui administrer l’Extrême-Onction. Il lui présenta le crucifix à baiser, et chaque fois, il virent Benoît-Joseph entr’ouvrir ses paupières comme pour regarder avec ferveur Jésus crucifié. Il était deux heures de l’aprèsmidi.Il se trouvait bientôt plus mal. Au bout de quelques heures, sa respiration devint très difficile. Francesco Zaccarelli et les prêtres l’assistèrent jusqu’à son dernier instant.

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Le Saint agonisait en silence et il mourut à 8 heures du soir au moment où le prêtre accompagnant prononçait ces mots : “ Sainte Marie, mère de Dieu, priez pour nous ! ”Après les derniers instants du saint pèlerin, la nouvelle se répandit dans la rue et les bambins cessèrent alors leur vacarme habituel du soir, pour porter la nouvelle qui s’est vite répandue dans les quartiers, dans presque toute la ville : « E morto il santo !... » « Le Saint est mort !... ».

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l avait 35 ans… à peine avait-il rendu son âme à Dieu, que la population du quartier des Monts propagea la nouvelle; elle s’infiltra dans toutes les petites rues, à travers les ruelles du quartier « des Monts », arriva dans les buvettes, grimpa sur tous les balcons, déborda d’une place à l’autre, jusqu’aux confins de la périphérie de Rome. Puis, de la périphérie au centre, en un rien de temps, ce fut un fourmillement de nobles, de pauvres, d’artisans, de prêtres, de soldats et de commerçants qui affluèrent vers le quartier de Notre-Dame-desMonts pour rejoindre la foule accourue de partout, à travers la ville. Dans la rue Dei Serpenti, on circula le jour et la nuit qui suivit, on n’entendait plus que ce cri dans Rome. Une foule immense s’assembla devant la demeure du boucher où le Saint venait de mourir et en força l’entrée. A l’heure même de la mort, pendant les ténèbres de la nuit, la nouvelle ne cessait de se


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54 Rome, le Colisée à l’époque de Benoît-Joseph Labre


COLOSSEUM En 1776, Benoît-Joseph avait élu domicile à Rome dans le quartier des Monts, passant ses nuits en prière dans les ruines de l’amphithéâtre de Flavien.”

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Benoît-Joseph Labre décéda dans la maison du boucher Francesco Zaccarelli au soir du 16 avril 1783 vers 20 heures. La paillasse, sur laquelle il rendit le dernier soupir, se trouve de nos jours à Amettes, son village natal.

répandre dans Rome “le Saint est mort! le Saint est mort!” et ce jusqu’au lendemain chez Zaccarelli, et, pour contenir la foule, il fallut placer des sentinelles aux portes de la maison.

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e mendiant Benoît-Joseph Labre était, depuis longtemps, un personnage familier et apprécié des Romains, de ceux surtout qui habitaient ce vieux

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quartier alors le plus populeux et le plus pauvre de la ville. Pas un homme, pas une femme, pas un enfant qui ne le connut aux Monts, pour l’avoir vu presque tous les jours, encore jeune cependant, courbé sous la souffrance et par les privations, maigre comme un ermite et vêtu de haillons, se traîner dans les venelles, se hâter vers cette église qui conserverait sa dépouille.


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Le 16 avril 1783, le boucher Francesco Zaccarelli, aidé de son fils Paolo et d’un ami transportèrent Benoît-Joseph Labre par la “Via Del Grifone” où se trouvait à l’époque la porte d’entrée principale de la maison des Zaccarelli, juste de l’autre côté de la Via Dei Serpenti, située derrière l’église de la Madonna Dei Monti.

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apidement, il avait voué sa vie à la pénitence et aux pèlerinages, sur les routes interminables de France, de Belgique, de Suisse, d’Espagne et d’Allemagne. Il s’y adonnait avec une ferveur défiant l’entendement, et jusqu’à l’épuisement de ses forces, se traînant les pieds. Il s’était orienté vers l’Italie, avait parcouru les pays par bien des chemins de Traverse et avait fini par atteindre

L’immeuble où le boucher Zaccarelli avait son logement. Ce lieu, où décéda le saint Pèlerin, fut acquis le 22 décembre 1883 par Mgr Virilli, le postulateur de la cause du Saint. Elle fut ensuite transformée en un petit sanctuaire avec son entrée au N°2 de la “Via Dei Serpenti”. (Cappella di San Benedetto Giuseppe Labre). De nos jours, les Soeurs de Marie immaculée en ont la garde. 57


Rome où, depuis lors, il avait passé ses journées à prier dans l’une ou l’autre des nombreuses églises, dans celle de SainteMarie-des-Monts qu’il affectionnait de façon particulière. Il avait passé ses nuits en prière, sous les murs du Quirinal ou un arc quelconque du Colisée. Depuis l’année 1776, Benoît avait élu domicile dans le quartier des Monts, passant ses nuits dans les ruines de l’amphithéâtre de Flavien et ses journées à prier devant le Saint-Sacrement. C’est cette conduite qui ferait de lui le “Saint des quarante heures”. Mais à partir de 1779, à cause d’une santé déficiente, il est le pensionnaire de la pieuse fondation pour les pauvres “l’Hospice Evangélique Saint-Martin-aux-Monts”, oeuvre du Révérend Père Don Paolo Mancini; ce centre pour indigents sera témoin des derniers jours terrestres de BenoîtJoseph. ils déposeront plus tard en ces termes :

Benoît-Joseph demanda pour la première fois depuis qu’il résidait à l’hospice la permission d’aller se reposer. Sa demande lui fut accordée avec compassion mais lui, impitoyable pour lui-même, se contenta de s’asseoir sur le lit, la tête appuyée sur le mur jusqu’à ce que les lampes soient éteintes. Le lendemain, Mercredi saint, 16 avril, lorsque le réveil fut annoncé, BenoîtJoseph quitta la maison hospitalière de Saint-Martin-des-Monts. Ses jambes fléchissantes, il ne peut descendre l’escalier qu’avec l’aide d’un compagnon auquel il demanda la charité d’un verre d’eau.”

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ans l’intervalle, Francesco Zaccarelli et les nombreux prêtres et religieux s’affairaient à préparer le grand pèlerinage qu’occasionnerait l’inhumation du pieux pèlerin, Benoît-Joseph Labre. L’un d’eux demanda à ce que l’on procède à “Au soir du 15 avril, en arrivant à l’hospice la toilette funéraire du Saint comme la exténué, et d’une extrême faiblesse, piété l’exigeait en pareille circonstance. 58


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En 1783, la paroisse San Salvatore ai Monti est sous la responsabilité de l’Abbé Rovira Bonnet qui occupe ce poste avec son vicaire l’abbé Pierre Giordani depuis vingt-sept ans, après avoir été chapelain à Saint-Louis-des-Français. Cette paroisse était celle qui avait la préférence du boucher Francesco Zaccarelli. De nos jours, une statue du Saint Pèlerin orne l’intérieur de l’église; elle commémore la grande amitié de la famille Zaccarelli envers Saint Benoît-Joseph Labre.”

Si vous adorez le Christ et marchez derrière Lui, votre Église diocésaine et vos paroisses grandiront dans la foi et dans la charité, dans la joie d’évangéliser. Vous serez une Église dans laquelle les pères, les mères, les prêtres, les religieux, les catéchistes, les enfants, les personnes âgées, les jeunes marchent les uns à côté des autres, se soutiennent, s’aident, s’aiment comme des frères, spécialement dans les moments de difficulté.” Le Pape François 59


Pendant plus de quarante ans, Anne-Marie eut la vision d’un globe lumineux, comme un petit soleil entouré d’épines. En le regardant, elle pouvait y lire à la fois des événements futurs et l’état d’esprit des gens qui venaient la visiter. Ce don de prophétie et de prescience lui amenait beaucoup de monde qui venait lui demander conseil et, toute sa vie, elle les reçut avec joie et patience.” 60


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Anne-Marie Taigi (Anna Maria Gesualda Antonia Giannetti épouse Taigi), 1769-1837. En 1783 à Rome, Anne-Marie accompagna sa mère Mary Giannetti lors de la toilette mortuaire de Benoît-Joseph Labre.

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n suggéra le nom de Mary Giannetti, une pauvre mais brave domestique, habituée à ce genre d’actes de charité. Elle habitait à quelques pas de là, dans la Via delle Vergini. Il s’agissait de la faire demander. Ils y allèrent et elle vint, accompagnée d’une jeune fille admirable, sa fille Anne-Marie, âgée de quatorze ans. Anne-Marie se tenait à l’écart, pour permettre à sa mère d’accomplir sa tâche. La maman enleva pieusement les haillons de ce corps consumé par les maladies et les mortifications, le lava avec l’aide de l’abbé Marchesi, lui mit des vêtements propres et le revêtit de la bure de la compagnie de Notre-Damedes-Neiges, avec lequel il fut ensuite enseveli. Pendant cette opération, les professeurs de théologie, Marconi et du Pino rédigeaient sur parchemin une notice latine du Bienheureux ; son genre de vie, ses héroïques vertus et sa mort précieuse devant Dieu, avec mention de ses noms, de sa patrie et de son diocèse. Cette notice, enveloppée dans un tube de plomb, fut placée avec le corps dans un cercueil de bois. le bon Zaccarelli avait pris soin quelques instants avant de prendre un moulage des contours du visage de Benoît-Joseph. Cette précieuse relique révèle la beauté et la finesse des lignes de son visage où plusieurs de nos contemporains et poètes virent resplendir les rayons de sa Sainteté. Des cris s’élevèrent du dehors, de la part de quelques hommes suspendus aux grilles et aux barreaux de fer des fenêtres de l’église; c’était une réclamation bruyante de voir encore le Saint, avant qu’il fût définitivement enfermé dans sa bière. On voulut bien accéder à cette demande, en dégageant la tête du linceul, et aussitôt retentirent de nouveaux cris de joie, des vivats en l’honneur du défunt: “Felice

l’uomo ! felice l’uomo !” Enfin la dévotion des assistants étant satisfaite, le cercueil fut entouré de bandelettes croisées et l’on y apposa le sceau du cardinal vicaire, Marc-Antoine Colonna ; puis il fut transporté vers la fosse préparée la veille à la demande de la piété populaire des paroissiens du quartier des Monts qui voulaient garder la dépouille du Saint et demandèrent à ce qu’il fût inhumé dans l’église de la Madonne des Monts, que le pauvre avait le plus aimée, sous la dalle où il avait coutume de rester en prière chaque matin, depuis l’heure de l’Ave Maria jusqu’au milieu du jour. Son corps fut porté en triomphe par le peuple de Rome, mêlé aux princes et aux bourgeois qui accompagnaient le cortège en pleurant. Pendant le trajet à travers l’église qui ne désemplissait pas, un homme perclus de rhumatismes toucha le cercueil et fut subitement guéri. La foule inlassable se mit à crier : “Miracolo ! miracolo !” Ce fut au bruit de ces nouvelles acclamations triomphales que le corps, arrivé à destination, fut enfin descendu dans le caveau. orsqu’il eut été déposé dans ce tombeau, il fallut fermer l’église à la multitude des pèlerins qui en assiégeaient les portes, et, pendant quelques jours, on vit une foule innombrable, pleine d’amour et de vénération, prosternée dans la rue, sur la place voisine et devant la porte de l’église Sainte-Marie-des-Monts. L’abbé Fontaine, lazariste qui avait été professeur de théologie au séminaire de Boulognesur-Mer, et qui se trouvait, pour les affaires de sa congrégation, à Rome, fut témoin des funérailles du serviteur de Dieu. Il écrivit à Monseigneur de Partz-de-Pressy, évêque du diocèse de Boulogne-sur-Mer, dès le 23 avril 1783, pour lui faire part de la mort précieuse

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d’un de ses diocésains. Le 4 juin suivant, il lui écrivit de nouveau : “Votre diocésain, Monseigneur, continue toujours ici de faire beaucoup de bruit... On parle d’une multitude innombrable de miracles opérés sur son tombeau et par l’application de ses images... L’empressement et l’unanimité avec laquelle on concourt à honorer cet homme qui, la veille de sa mort, était regardé comme un pauvre mendiant, présente certainement quelque chose d’extraordinaire”...

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r, ce pauvre, qui remuait la ville de Rome et le monde, cet étranger, ce mendiant, marquait encore de sa bienveillante intercession cette population qui lui rendait honneur. Partout l’on entendait parler de miracles accomplis sur son tombeau. Le lundi de Pâques et les jours suivant, la piété des fidèles ne fit que croître avec une effervescence toute nouvelle. De toutes parts, de nombreux infirmes se rendaient au tombeau, où étaient transportés les uns pieusement agenouillés et versant des larmes, les autres s’étendant sur le tombeau attendant la grâce. L’église retentissait des gémissements et des supplications de ces pauvres malades qui étaient tout à coup guéris; des scènes indescriptibles avaient lieu et tout Rome en parlait. Voilà ce qui se répétait tous les jours, et dont toute la ville était témoin. Personne ici n’avait jamais rien vu de pareil. On en voyait, qui, sans penser à man­ger du matin au soir, ne quittaient pas leur place de peur de la perdre, dès que la porte de l’église s’ouvrait, pour être témoin des mi­racles qui s’opéraient à chaque instant... Parmi ce défilé ininterrompu de pèlerins, les gardes corses avaient parfois à frayer le passage à des femmes de la plus haute distinction, accourant, pour donner au tombeau du Saint, les symboles de leur vénération. L’une d’elles eut la pensée de quitter ses chaussures avant d’entrer dans l’église ; elle s’avanca pieds-nus, et

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resta longtemps agenouillée en prière en retournant au dehors, à la grande édification de l’assemblée. Le bon exemple est contagieux ; une autre dame, la princesse Pallavicini, s’empressa de l’imiter; tandis qu’une troisième voulut faire à genoux tout le trajet de la porte de l’église au tombeau miraculeux. Ainsi, à peine Benoît-Joseph Labre avait-il rendu le dernier soupir, que le monde qu’il fuyait et qui l’évitait, comme on évite un lépreux, court à lui; son nom passe admiré, acclamé sur toutes les lèvres; la beauté de son âme attire, ses haillons ont des attraits, on s’en dispute les lambeaux; on le contemple, on le prie, on l’invoque; on veut le connaître, on en parle avec éloges; les miracles, les guérisons se multiplient, évidentes, irrécusables; le peuple, le clergé, l’aristocratie, la Cour romaine, tous publient ses louanges.

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uelques mois plus tard, en décembre, un prélat Mgr Guidobagni, archevêque de Myre et chanoine de Saint-Pierre, fit couvrir à ses frais le caveau de BenoîtJoseph d’une pierre sépulcrale de marbre, et portant l’inscription suivante : Ici repose le serviteur de Dieu, Benoît-Joseph LABRE du diocèse de Boulogne, en France, décédé le XVI des calendes de Mai, à Rome, le quatrième jour de la semaine Sainte, l’an 1783, âgé de 35 ans, enseveli le jour de Pâques, au soir.”

N’ayons pas peur des engagements définitifs, des engagements qui impliquent et concernent toute la vie.” Le Pape François


Église et hospice Saint-Martin-des-Monts�

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Entre-temps à Rome, le Révérend John Thayer trouvait que l’effervescence autour de la mort de Benoît-Joseph Labre, et des miracles que l’on disait obtenus par son intercession, commençaient à faire beaucoup de bruit dans les rues de la capitale italienne, et à devenir le sujet de presque toutes les conversations. Malgré les enseignements qu’il avait reçus des Pères jésuites et les explications qu’ils lui avaient procuré, il n’était nullement disposé à croire tout ce que l’on en racontait. De tous ses préjugés contre les catholiques, le plus enraciné était une incrédulité formelle à l’égard des faits miraculeux qu’ils disaient être arrivés chez eux. Ayant été élevé dans cette persuasion comme tous les protestants qui, bien loin d’admettre le don des miracles, le dédaignent, et prennent le parti de nier qu’ils fussent véritables, il ne se contenta pas de nier absolument ceux que l’on publiait alors; il en fit même un sujet de raillerie ; il se permit même, dans les cafés, des plaisanteries très indécentes sur le serviteur de Dieu, dont la pauvreté et la malpropreté apparentes le révoltaient; et sur ce point, il alla beaucoup plus loin que ses amis, protestants comme lui. Cependant à Rome et partout le nombre et le poids des témoignages croissant chaque jour, il crut bon de devoir examiner la chose personnellement, imbu qu’il était de lui-même et certain d’en découvrir la supercherie ; il rencontra celui dont le nom était dans toutes les bouches comme étant le confesseur du défunt, (Le Père Marconi) duquel il apprit une partie de sa vie. Le pasteur John Thayer manifeste alors au prêtre le désir de s’assurer par son témoignage, de la véracité des faits pour les prétendus miracles attribués à son pénitent. “J’ai entendu, dit-il , beaucoup de choses sur cet homme : mais je crains que, comme toujours, l’invention n’en soit due, pour la plus grande part, à la crédulité des gens, Je ne suis pas catholique; néanmoins je vous croirai, si vous me dites sincèrement la vérité que vous pouvez connaître, ayant été son directeur? Serait-il vrai surtout que ce chrétien menait volontairement cette 64

vie abjecte et misérable, et qu’il se plaisait cordialement dans les souffrances et les opprobres?” Le Père Marconi lui ayant non seulement affirmé, mais encore prouvé par le récit de certains actes, que cet amour de la pauvreté était réel, le pasteur Thayer répliqua en homme du monde qui a peine à concevoir la possibilité d’un tel sentiment. “Mais d’où pouvait provenir cette disposition , si vraiment elle existait dans le cœur, et n’était pas simplement apparente?” “D’un sincère mépris de lui-même,” répondit Marconi, et il le démontra au pasteur Thayer par des indices non équivoques. “Cela suffit, conclut John Thayer ; je vois la déduction qu’il faut tirer de cela. Cette vertu n’est point naturelle à l’homme; elle ne pouvait donc venir à Benoît-Joseph Labre que d’une grâce d’en haut.” e Révérend Père Joseph Marconi prit argument de ces aveux en faveur du catholicisme, et pressa son visiteur de reconnaître que la véritable Eglise était celle, où Dieu manifestait ainsi son action toute puissante par les miracles. « Mais nous avons aussi les nôtres, objecta le pasteur Thayer. » « Soit, mais sont-ils examinés par une Congrégation comme la nôtre?» Alors Thayer se mit à rire; ce qui était une confession tacite, que les miracles prônés dans sa secte n’étaient rien moins que réels. John Thayer reprit ensuite son sérieux, et lui qui, au commencement de ses visites, avait dit que par rapport aux croyances religieuses, il était tranquille dans sa foi protestante, avoua dès lors ses interrogations et ses doutes, et demanda au Père Marconi de bien vouloir le recommander à Dieu et au Pèlerin Benoît-Joseph Labre; ce que ne manqua pas de faire le bon ecclésiastique par lui-même et par d’autres. Mais avant de laisser sortir le pasteur John Thayer, il le conjura de réfléchir sur l’obligation qui résulterait de ses investigations, et sur les choix qui en découleraient....

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’est vrai, répliqua Thayer ; aussi, viens-je vous prier de me fournir les moyens de vérifier les faits.” Alors l’ecclésiastique lui indiqua le nom et la demeure de la veuve Angèle Zanchi, miraculeusement guérie d’une paralysie. Aussitôt le pasteur Thayer se rend auprès d’elle, entend son récit, visite séparément le médecin et plusieurs témoins, et enfin revient dire au Père Marconi qu’il est convaincu de la vérité de ce miracle, mais qu’il souhaiterait en vérifier encore un autre. Pour le satisfaire, l’abbé lui donne au lieu d’une, deux adresses, celle d’Octavie Vergari et celle de Clémentine Cicconetti; toutes deux guéries, comme la première, au tombeau du Bienheureux. L’infatigable pasteur recommence la même enquête auprès de ces deux miraculées et de leurs assistants, et vient annoncer derechef au prêtre, qu’à ses yeux, ce sont deux vrais miracles, mais que peut-être le second ne serait pas admis par la Congrégation des Rites, si elle procédait avec la rigueur qu’on lui suppose. Après avoir vu trois des personnes que l’on disait avoir été guéries miraculeusement, il avait recueilli méticuleusement les témoignages de ceux qui les connaissaient, et d’après toutes ces informations faites avec le plus grand soin, il restait pleinement convaincu de la réalité de chacun de ces miracles et qu’ils étaient véridiques. Enfin, le Père Joseph Marconi proposa au pasteur Thayer l’examen d’une quatrième guérison, à savoir celle de la Sœur Marie Brenna du Crucifix, religieuse du monastère de Sainte Apolline, à Rome. Âgée de quarante-sept ans, la religieuse était atteinte d’une complication de maux horribles qui duraient depuis 1765. John Thayer accepta de rencontrer cette religieuse. Depuis dix-huit mois, la malade se trouvait dans une fatigue qui augmentait chaque jour ; sa faiblesse était telle qu’elle ne pouvait supporter aucune nourriture. Elle invoqua le vénérable Benoît-Joseph Labre ; elle prit avec foi une liqueur où l’on avait trempé une de ses reliques, et

elle se trouva guérie dans l’instant : le jour même, elle descendit au chœur avec les autres religieuses ; elle mangea sans être incommodée, et fit avec facilité les ouvrages les plus pénibles de la maison. C’est ce que la supérieure et la sœur Marie du Crucifix elles-mêmes, ainsi que six religieuses de la même communauté lui attestèrent unanimement. Le pasteur John Thayer rendit visite de nombreuses fois à la religieuse qui avait été guérie; il lui parla et la trouva pleine de santé et de force. Mais il ne s’en tint pas là dans son investigation ; il rendit visite au médecin qui avait pris soin de la soeur pendant tout le temps de son infirmité ; le docteur lui confirma tout ce que la communauté avait dit à son sujet : et il ajouta qu’il était prêt à jurer sur l’Evangile, que la maladie était naturellement incurable. Puis il reçut le témoignage d’une certaine Maria Poeti, qui lui révéla qu’en visitant sa tante, religieuse du même couvent, le jour de la saint Jacques en 1782, elle avait vu de ses yeux la sœur Marie du Crucifix dans cet état désespéré de maladie incurable. Mais elle affirma au pasteur Thayer que neuf jours après la mort de Benoît-Joseph Labre et au retentissement de ses miracles, Marie Brenna du Crucifix fut guérie.

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e Révérend John Thayer continua de rendre régulièrement visite à Soeur Marie Brenna du Crucifix au couvent Sainte Apolline pendant tout le reste de son séjour à Rome, le temps de s’assurer que la guérison miraculeuse était constante et définitive.

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ersuadé, comme il l’était, que les guérisons avaient quelque chose de surnaturel, John Thayer ne pouvait taire la voix de sa conscience de plus en plus certain qu’il n’était plus à sa place dans la confession protestante ; ces réflexions le mettaient dans d’étranges perplexités : il serait difficile d’exprimer la situation angoissante dans laquelle il se trouvait alors. 65


STATUE DU SACRÉ COEUR DE JÉSUS SUR LES QUAIS DE PORTO ERCOLE

La vérité lui apparut de tous côtés, mais retenu par les préjugés dont il était imprégné depuis l’enfance, John sentait la force des arguments par lesquels sa doctrine protestante était combattue; mais il n’avait pas encore le courage d’y céder. Il voyait clairement que l’Eglise catholique était établie sur des preuves nombreuses et irréfutables, que les réponses de ses défenseurs aux objections du protestantisme étaient solides et satisfaisantes; mais il 66

fallait abjurer des erreurs dans lesquelles il avait été élevé et qu’il avait prêchées aux autres, en tant que pasteur protestant. Il lui fallait renoncer à son état et à sa fortune. Tendrement attaché à sa famille, il lui fallait encourir leur indignation. Des intérêts qui lui étaient chers le retenaient. En un mot, l’esprit de John était convaincu; mais son cœur n’était pas changé.


“Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent des doutes. Jésus s’approcha d’eux et leur adressa ces paroles : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit ; et apprenez-leur à garder tous les commandements que je vous ai donnés. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde.” 67


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Il se souvint de l’aveu que lui avait fait un jour l’un des plus célèbres prédicateurs puritains de Boston : « Quand je prêchai dans un tel endroit, me dit-il, je passai pour hétérodoxe ; je l’étais effectivement alors, j’avais des sentiments très erronés; mais j’ai changé depuis ce temps-là, et si je prêchais aujourd’hui, ma Doctrine serait jugée pure et exacte ; au reste, ajoutait-il, cela m’est commun avec tous nos Prédicateurs; je n’en connais aucun qui n’ait varié comme moi dans ses sentiments sur la Doctrine. et aveu ne lui avait pas fait grande impression à l’époque de sa conversation avec le prédicateur, mais il avoua plus tard que cet entretien lui revint à l’esprit, et fit naître en lui, bien des réflexions nouvelles sur ce que l’on dit ordinairement, au sujet de bons ou de mauvais principes reçus dans la jeunesse qui produisent tôt ou tard leur effet. Cette instabilité des chefs puritains, dans leur Doctrine, lui faisait de la peine. Il voyait qu’elle était la suite inévitable du principe fondamental des protestants, selon lequel chacun est seul juge de sa foi ; d’après ce principe, il n’y a aucune règle fixe de croyance ; de là, l’éternelle contradiction des pasteurs entre eux ; de là, la fréquente variation de chacun d’eux dans la Doctrine. Il avait bien essayé de les concilier entre eux, mais John n’avait pas trouvé d’autre moyen que de prétendre qu’il suffisait de croire en Jésus-Christ et d’avoir intention d’honorer la Divinité: mais avec ce système, il aurait réuni toutes les communautés, même les plus opposées; voilà pourquoi il se mettait de jour en jour, plus au large et ne voulait plus fixer de bornes à sa liberté de penser, à son libre arbitre. Le pasteur Thayer avait des amis chez les Quakers et chez les Anabaptistes, les Arméniens et bien d’autres confessions ; il aura peu à peu adopté la tolérance comme conduite de vie dans sa plus grande universalité. Les protestants ont beau dire qu’ils admettent l’Ecriture pour règle de leur foi, du moment qu’ils ne reconnaissent aucune autorité vivante pour en fixer le sens. Dès

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qu’ils en abandonnent l’interprétation à chaque particulier, il n’y a plus moyen de les convaincre d’erreur, et s’il plaît au Socinien, par exemple, de dire qu’il ne trouve, dans l’Ecriture, rien qui démontre la Divinité de Jésus-Christ, personne n’a droit d’exiger de lui qu’il croie ce dogme, ni de le condamner, parce qu’il le rejette. Ce principe mène encore plus loin ; il conduit un homme qui raisonne juste à l’indifférence de toutes les religions, et il renverse les fondements du christianisme, en établissant la raison de chaque particulier, arbitre suprême de sa croyance. Cette réflexion, et mille autres qui lui venaient à l’esprit, n’eurent pas alors tout l’effet qu’elles devaient produire, mais elles le disposèrent à ouvrir, les yeux à la vérité.

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éjà ses recherches, et ses interrogations l’avaient conduit beaucoup plus loin qu’il ne l’avait pensé; au départ, il voulait prendre une connaissance exacte de la doctrine catholique, et insensiblement, John en était venu au point de n’y trouver rien de raisonnable : il n’avait, en commençant cet examen, aucun doute sur sa foi calviniste et celle de sa communauté. Mais maintenant, il en apercevait les endroits litigieux et avait des doutes; il fallait bien cependant qu’il prenne la décision de quitter le protestantisme. Les préjugés, dans lesquels il avait été élevé, avaient encore trop d’emprise sur son esprit, et son cœur n’était pas encore disposé au sacrifice que ce changement exigeait de lui. Il décida parce qu’il le crut nécessaire de prendre la résolution d’emporter avec lui, en Amérique, les meilleurs ouvrages de controverses, composées par des catholiques, et de les lire à son retour dans sa patrie. Déterminé qu’il était alors à changer de religion, après avoir bien réfléchi, John Thayer avait pris la décision de ne pas faire son abjuration à Rome, de peur, se disait-il à lui-même, de faire une démarche précipitée. Mais la grâce de la Providence, toujours attentive sur lui, ne lui permit pas d’user


de tous ces délais qui auraient pu lui être funestes : la grâce divine ménagea divers événements qui hâtèrent le moment de sa conversion. Il lui tomba entre les mains un ouvrage du Père Ségnery sur l’Ange gardien : cette pieuse croyance, que chacun de nous a un ange tutélaire pour témoin de toutes ses actions, n’était pas nouvelle pour John : on le lui avait inspiré dès l’enfance, mais elle n’avait jusqu’alors influé en rien sur sa vie ou sa conduite, ou du moins très peu. La lecture de cet ouvrage réveilla les premières impressions de piété que ses parents lui avait données autrefois. Et en réfléchissant sur sa vie passée, il se reprochait d’avoir si souvent manqué au respect qu’il devait à son ange gardien, et il prit désormais la résolution de veiller sur ses actes pour éviter tout ce qui pourrait lui déplaire. Cette attention à s’éloigner du péché contribua sans doute à hâter sa conversion à la foi catholique ; c’était un obstacle de moins que la grâce de Dieu voulait lui accorder... e fut dans ces circonstances où il était indécis et irrésolu, qu’on lui mit entre les mains un petit livre intitulé : “Manifesto d’un cavaliere cristiano convertito alla religione cattolica”. Ce livre qu’il serait bon de traduire en plusieurs langues et de répandre partout où il y a des incroyants. Voici comment le pasteur John Thayer témoigne de façon historique de sa conversion. Après avoir énuméré brièvement tous les points controversés entre les catholiques et les protestants, il place au commencement de son récit une prière qui lui fut communiquée par un catholique, afin d’implorer les lumières de l’Esprit Saint: “Dieu de bonté, tout-puissant et éternel, Père des miséricordes, sauveur du genre humain, je vous supplie humblement, par votre souveraine bonté, d’éclairer mon esprit et de toucher mon Cœur, afin que par le moyen de la vraie foi, de l’espérance et de la charité, je vive et je meure dans la vraie religion de Jésus-Christ ; je suis certain que, comme il n’y a qu’un seul Dieu, il ne peut

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y avoir qu’une seule foi, une seule religion, une seule voie de salut, et que toutes les voies opposées à celle-ci ne peuvent conduire qu’à l’égarement. C’est cette foi, ô mon Dieu ! Que je recherche avec empressement, pour l’embrasser et me sauver. Je proteste donc devant votre divine majesté, et je jure par tous vos divins attributs, que je suivrai la religion que vous m’avez fait connaître pour vraie, et que j’abandonnerai, quoi qu’il doive m’en coûter, celle où je reconnaîtrai des erreurs et de la fausseté. Je ne mérite pas, il est vrai, cette faveur, à cause de la grandeur de mes péchés, dont j’ai une profonde douleur, puisqu’ils offensent un Dieu si bon, si grand, si saint, si digne d’être aimé ; mais ce que je ne mérite pas, j’espère l’obtenir de votre infinie miséricorde, et je vous conjure de me l’accorder par les mérites du sang précieux qui a été répandu pour nous, pauvres pécheurs, par votre fils unique Jésus-Christ. Amen.” “J’avais, en recevant ce livre, un pressentiment qu’il allait à sa lecture me porter le dernier coup : aussi ce ne fut qu’avec une extrême difficulté que je pus me déterminer à le lire: mon âme était, pour ainsi dire, déchirée par deux mouvements contraires.” “Quels combats, quels assauts n’eussèje pas alors à soutenir ! Je parcourais surtout des yeux cette prière, sans pouvoir me résoudre à la dire. Je désirais être éclairé, et je craignais de l’être trop. Mon intérêt temporel et mille autres motifs se présentaient en foule à mon esprit, et balançaient les salutaires impressions de la grâce. Enfin l’intérêt du salut éternel l’emporta ; je me jetai à genoux, je m’excitai à réciter cette prière avec le plus de sincérité qu’il me fut possible; et la violente agitation de mon âme, ainsi que les combats qui venaient de s’y livrer, produisirent une abondance de larmes. Je me mis donc à lire ce livre, qui est une exposition abrégée des principales preuves qui établissent la vérité de la religion catholique. L’ensemble de ces différentes preuves, que je n’avais vues jusqu’alors que séparément ; tant de traits de lumière réunis 69


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dans un foyer, me frappèrent vivement : d’ailleurs, je n’opposais plus à la grâce les mêmes résistances; Dieu parlait à mon cœur en même temps qu’il éclairait mon esprit, et me donnait la force de surmonter les obstacles qui m’avaient arrêté jusque-là.

“Je n’avais pas achevé la lecture du livre, que je m’écriai : Mon Dieu, je vous promets de me faire catholique”. Le même jour, j’annonçai ma résolution à la famille chez laquelle je demeurais ; elle en eut beaucoup de joie, parce qu’elle avait une piété sincère. J’allai le soir au café, où je fis part de mon changement à tous mes amis, la plupart protestants ; et pour réparer, autant que je le pouvais, le scandale que j’avais donné, je défendis la sainteté du vénérable Benoît-Joseph Labre, et je déclarai que j’avais plus de preuves de la vérité de ses miracles que je n’en exigerais pour quelque fait que ce fût. De plus, pour ne pas rougir de Jésus-Christ, j’invitai un grand nombre d’amis à être témoins de mon abjuration: plusieurs plaignirent ma faiblesse, quelques-uns s’en moquèrent; mais Dieu, qui m’a appelé à la foi, m’a soutenu, et j’ai cette ferme conviction qu’il me soutiendra jusqu’à la mort. Je dois avouer ici qu’avant mon abjuration j’eus encore quelque temps à combattre mon imagination sur le culte de la Sainte Vierge et des Saints : j’étais cependant éclairé sur cet article. Je ne doutais pas qu’il fût utile d’employer auprès du Fils l’intercession de sa sainte Mère, et que, loin de lui faire injure en aimant et honorant celle qu’il a aimée lui-même si tendrement, c’était l’honorer davantage: cependant mes anciennes convictions me revenaient toujours à l’esprit et me troublaient malgré moi. Le reproche d’idolâtrie que j’avais entendu faire aux catholiques, à ce sujet, m’effrayait encore, quoique je la croie très mal fondée. Je ressemblais à ces personnes qui, ayant eu dans leur enfance l’imagination fortement 70

frappée des contes ridicules de revenants, ne peuvent, même dans l’âge mûr, se défendre d’un frémissement involontaire lorsque ces idées reviennent à leur esprit, en dépit de la raison qui en rougit: il fallut me faire violence ; et quand je commençai à invoquer la Sainte Vierge, je ne le fis qu’en tremblant. Je m’adressai d’abord à Jésus-Christ, lui déclarant que je n’avais d’autre dessein que de l’honorer, et que je désirais le faire plus parfaitement, par l’entremise de sa sainte Mère, le priant de ne pas m’imputer des intentions idolâtriques que je désavouais de toute mon âme. Ensuite m’adressant à la Sainte Vierge elle-même : « Mère tendre, lui dis-je, s’il est permis d’implorer votre secours, aidez-moi dans l’état misérable où je suis. C’est par vous que le Sauveur est venu à nous, c’est par vous que je désire aller à lui. Les Ecritures m’apprennent que c’est par votre moyen que s’est opéré le premier miracle de la foi évangélique, dans l’ordre de la grâce (la sanctification de saint Jean-Baptiste, et le premier dans l’ordre de la nature, le changement de l’eau en vin) : en voici un autre à faire. Ne me refusez pas votre bienveillance ; je ne le mérite pas, il y a trop longtemps que je vous méconnais ; mais je commence, quoique en tremblant, à m’adresser à vous : intercédez pour moi auprès de votre divin Fils. » Puis revenant à Dieu : « Seigneur, ajoutaije, je vous demande vos lumières : vous avez promis d’exaucer ceux qui vous invoquent; c’est de tout mon cœur que je le fais ; je cherche la vérité, à quelque prix que ce soit; vous en êtes témoin, ô mon Dieu ! Je ne saurais me tromper en m’adressant à votre sainte Mère ; vous seriez vous même la cause de mon erreur. » La confiance et la tranquillité furent le fruit de cette prière: depuis ce temps j’ai toujours recouru à la Sainte Vierge, et je suis sûr d’avoir obtenu et reçu des grâces par son intercession ; la reconnaissance m’oblige de faire cet aveu : je cherche à entrer dans toutes les intentions qui tendent à l’honorer ; je me suis engagé, et je travaille à étendre son culte en tout ce qui peut dépendre de moi. Il se présente ici


une réflexion bien naturelle : Dieu peut-il permettre qu'un homme se trompe dans le choix d'une religion, quand, après une vigilance exacte sur sa conduite, après des prières ferventes, après des recherches longues et laborieuses, il s'est déterminé à l'embrasser aux dépens de tout ce qu'il a de plus cher au monde, famille, état, fortune, réputation. Si cette religion était fausse, ne pourrait-il pas dire à Dieu avec un célèbre théologien : Seigneur, c'est vous qui m'avez trompé ? Cette réflexion acquerra un nouveau degré de force, si j'ajoute le prodigieux changement qui s'est fait en moi depuis ma conversion : j'hésite à le publier; mais il me semble que je dois le faire pour glorifier la divine miséricorde, et pour rendre hommage à la religion catholique que j'ai maintenant le bonheur de professer. Que mon état est différent de celui où j’étais auparavant ! Mes pensées, mes goûts, mes desseins, tout est changé ; je ne me reconnais plus moi-même. Dès que j'eus pris mon parti, je renonçai aux études profanes qui m'avaient occupé jusque-là; je laissai mes livres à demi lus ; je me défis de ceux qui étaient à moi : depuis ce temps, les passions n'ont eu que peu d'emprise sur moi ; mes projets d'ambition et d'établissement dans le monde m'ont quitté entièrement; je n'y prétends plus rien : je n'ai plus de plaisir que dans les choses de Dieu ; je sens au fond de mon cœur une paix que je n'avais jamais connue. Ce n'est plus, comme auparavant, la trompeuse sécurité d'une conscience assoupie qui présume de la miséricorde de Dieu, et qui ne voit pas le danger auquel elle est exposée ; c'est la douce confiance d'un fils qui se retrouve dans les bras de son père, et qui a lieu d'espérer que rien ne pourra l'en arracher, malgré les périls qui l'environnent. Oui, cette religion est faite pour le cœur ; aussi solides, aussi fortes que soient les preuves qui m'ont convaincu qu'elle est la véritable religion de Jésus-Christ, le contentement, la joie pure qui l'accompagnent sont pour moi une autre espèce de preuve qui n'est pas moins persuasive. Les vérités que j'ai eues le plus

de peine à croire, sont celles qui me donnent aujourd'hui le plus de consolation. Le mystère de l’Eucharistie, qui m'avait paru si incroyable, est devenu pour moi une source intarissable de délices spirituels. La confession, que j'avais regardée comme un joug insurmontable, me semble infiniment douce par la tranquillité qu'elle produit dans mon âme. Ah ! Si les incroyants et les incrédules pouvaient sentir les douceurs que l'on goûte au pied des autels, ils cesseraient bientôt de l'être ! Que ne puis-je me faire entendre à tous ! Je leur crierais : Goûtez et voyez par votre propre expérience, combien le Seigneur est doux, combien il est bon pour ceux qui le servent dans la sainte société qu'il a formée lui-même et qu'il vivifie par son esprit. Voilà le désir dominant, l'unique désir de mon cœur, celui d'étendre, autant que je le pourrai, l'empire de la véritable foi qui fait maintenant mon bonheur. Je n'ambitionne rien de plus : c'est pour cela que je désire retourner dans mon pays, espérant d'y être, malgré mon indignité, l'instrument de la conversion de mes compatriotes ; et telle est la conviction où je suis de la vérité de l'Eglise romaine, et ma reconnaissance de la grâce signalée que Dieu m'a faite de m'appeler à la vraie foi, que je la scellerais de mon sang si Dieu m'accordait cette grâce ; je ne doute pas qu'il ne m'en donnât la force. Vous tous qui lirez cet écrit, je vous en conjure de prier avec ferveur le Père des lumières et le Dieu des miséricordes, d'accomplir ses volontés sur l’humble serviteur que je suis, et de m’ouvrir un accès facile à la foi dans mon pays, de la faire germer et fructifier dans un pays où elle n'a jamais été professée. Peutêtre (je m'arrête avec plaisir à cette pensée consolante), peut-être celui qui établit les empires et les détruit à son gré, qui fait tout pour ses Élus et pour l'intérêt de son Église, n'a-t-il permis et conduit à une fin glorieuse l'étonnante Révolution en Amérique dont nous venons d'être les témoins, que pour accomplir quelque grand dessein et une Révolution bien plus heureuse encore dans l'ordre de sa grâce.” Ainsi soit-il. 71


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Dix jours à peine après avoir fêté son vingt-cinquième anniversaire, la grâce de Jésus-Christ toucha John Thayer. Convaincu dès lors que Dieu l’attendait à Rome sous les traits du mendiant Benoît-Joseph Labre, il se convertit à la religion catholique”.

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e vendredi 23 mai 1783, John Thayer se convertit à la religion catholique. Aussitôt l’extraordinaire nouvelle fut annoncée dans tous les journaux avec le titre qui suit: “La conversion d’un pasteur protestant, opérée à Rome à l’occasion des miracles du vénérable Benoît-Joseph Labre”. John fit alors une adjuration solennelle à Rome le dimance 25 mai 1783. “J’y ai été conduit par une Providence spéciale que je ne puis méconnaître. Comme l’aveugle de l’Evangile miraculeusement éclairé, je me fais un plaisir et un devoir de montrer les miséricordes du Dieu de bonté, à qui je dois la lumière et la vie de la grâce.” Accueilli dans l’Eglise catholique romaine, il rencontra le Pape Pie VI ainsi que beaucoup de prêtres et de cardinaux qui le reçurent à bras ouverts et avec enthousiasme. C’est avec leurs encouragements qu’il retourna à Paris. En janvier 1784, il contacta, grâce à la lettre de recommandation du Pape Pie VI, le nonce apostolique et d’autres membres de l’Eglise de Paris ainsi que l’ambassadeur américain Benjamin Franklin. John Thayer offrit ses services à Franklin qui était à l’époque en train de négocier le traité de paix qui mettrait fin à la Révolution Américaine. Franklin refusa gentiment à John Thayer de l’employer en expliquant qu’il pourrait dire ses propres prières et faire l’économie pour son pays de dépenses générées par l’emploi d’un chapelain. La nouvelle de sa conversion s’étendit dans toute l’Europe. John Thayer s’était lié d’amitié avec de nombreux personnages importants du monde ecclésiastique français.

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ependant, “le diable se pare d’une auréole quand il se présente aux hommes”: en effet, moins d’un an après sa conversion au sein même de l’église, il apparaît évident que John Thayer n’y avait pas que des amis; sa popularité et son ascension commencèrent à agacer quelques membres du clergé catholique anglais qui calomnièrent sa loyauté. L’un d’eux, le Père Charles Plowden, un prêtre

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jésuite, vivant à Weald Castle dans le Sud de l’Angleterre, écrivit à John Carroll, quelques nouvelles au sujet de son ami américain : “Je suis informé que Monsieur Thayer, Bostonien converti mentionné dans mes derniers écrits, jouit de la recommandation de l’archevêque français de Paris, en particulier le Père Mat, qui portait le nom d’abbé Lebon à Bologne. On prétend que Monsieur Thayer n’éprouve pas d’inclination pour l’état ecclésiastique et a abandonné le projet d’amener des missionnaires à Boston”. Ce premier revers n’était que le début d’un processus, d’un combat obscur dont John Thayer n’était pas encore conscient, mais il devrait susciter dans les années à venir bien des passions, des jalousies mais aussi puissantes qu’elles furent, ces passions humaines ne le détournèrent jamais de sa volonté et de sa foi jusqu’à la mort. John Thayer savait de par sa formation que témoigner de l’Évangile est un but premier, mais les actions et les manières d’agir sont extrêmement variées parce que les personnes qui agissent le sont aussi. L’action et le service pour Dieu sont malheureusement parfois sources de mésentente, voire de rupture, car parfois “Le Diable porte Pierre”.

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e Père Charles Plowden (mort en 1820) ne transmet pas d’informations de première main; de cette façon, la précision de ces détails peut être faussée, probablement parce qu’il est convaincu que John Thayer est de mèche avec les Français mal-aimés et qu’en conséquence, on ne peut lui faire confiance. (D’autres lettres regorgent de preuves de ces préjugés). Le fait de mentionner le “ projet de John Thayer d’amener des missionnaires à Boston” constitue une acceptation importante car c’est la première trace de cette mention, à savoir, de ce qui resterait la grande ambition de la vie de John Thayer : amener des prêtres et des religieuses en Amérique afin de promouvoir la foi catholique parmi ses compatriotes.


Dieu, qui m’a appelé à la foi, m’a soutenu, et j’ai cette ferme conviction qu’il me soutiendra jusqu’à la mort. Père John Thayer 75


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arcus Grodi, un célèbre converti du XXe siècle, développe une hypothèse intéressante dans son livre: “La sagesse du recul”. Il écrit entre autres qu’il se peut que John Thayer, après avoir rencontré Benjamin Franklin et le nonce papal en janvier 1784, ressentit du découragement et de l’impatience. Cela ne faisait que quelques mois qu’il commençait à comprendre les missions catholiques alors qu’il n’avait, jusqu’alors, eu à faire qu’à des missionnaires indépendants, ordonnés, envoyés sur-le-champ et soutenus par l’autorité de congrégations locales.

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’est peut-être le découragement qui l’a donc amené à considérer comme nul et non avenu le projet d’accession à la prêtrise pour lui permettre de rentrer en Amérique comme missionnaire. Plowden y fait allusion dans un but partisan évident, mais nous pouvons en voir un aperçu encore plus significatif dans une importante lettre que John Thayer écrivit lui-même. Il adressa cette lettre à James Talbot, vicaire apostolique de Londres, peu après avoir rencontré Benjamin Franklin et le nonce apostolique. C’est la première lettre existante de la main de John Thayer, rédigée trois ans avant la publication du récit de sa conversion, et donc le premier exemplaire recensé de la description de sa conversion et de ses rêves de retour en Amérique. Avant la Révolution Américaine, tous les catholiques, se trouvant dans les colonies britanniques, relevaient de l’autorité du vicaire apostolique de Londres. Suite à l’indépendance de l’Amérique, les catholiques se sentirent comme des orphelins, sans autre possibilité que de demander à Rome de leur envoyer un dirigeant. Le même problème se posa aux membres américains de l’église anglicane d’Angleterre. Toutefois, ils résolurent leur dilemme en créant sur le sol américain, leur propre église, alors

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indépendante, nommée église épiscopale d’Amérique, sous l’égide de l’archevêque de Canterbury. Evidemment, de fidèles catholiques américains ne purent ni ne voulurent l’accepter. Ceci devint un sujet de vive controverse en leur sein et impliqua jusqu’à Benjamin Franklin et le Congrès américain. Pour John Thayer, fraîchement converti, c’était un sujet qu’il aurait pu probablement oublier. Avant de devenir catholique, il faisait partie de la Nouvelle-Angleterre, n’ayant jamais rencontré de catholique ni accordé d’intérêt au statut de catholique américain. De ce fait, le sujet ne lui avait jamais traversé l’esprit. A présent qu’il en faisait partie, il n’était pas concerné par de tels débats. En conséquence, on peut le comprendre, lorsqu’il songea à son avenir en présumant, comme il était d’usage à Rome, que la mission américaine était encore dirigée par le vicaire apostolique Talbot.

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e tous les documents archivés sur la vie de John Thayer, je crois que cette lettre au vicaire apostolique de Londres est la plus conséquente et la plus révélatrice : La plupart des faits, que ce nouveau converti y relate, font référence à son avenir de la même façon que les luttes de centaines d’ecclésiastiques convertis de nos jours. Quand il confesse dans sa lettre au vicaire apostolique qu’ “il embrassa cette foi de tout cœur et quoi qu’il lui coûterait en ce bas-monde”, il exprime ce que tout ecclésiastique converti a toujours eu à subir lors d’une conversion du pastorat protestant à l’église catholique, à savoir l’appel à l’abandon et le rejet par la famille, les amis et les collègues. John Thayer ne suivit pas de modèle préexistant et bien que la hiérarchie cléricale connût des prêtres anglicans convertis, elle n’avait jamais eu à faire face à la conversion d’un pasteur puritain américain.


Cependant, compte tenu de toutes les présomptions et préjugés de l’époque, on peut comprendre que Thayer supposait que sa conversion entraînerait l’extinction de ses projets et de ses rêves. Quand il affirme qu’il a offert “ses services au Souverain Pontife afin d’être envoyé en mission dans son pays”, nous avons une description claire et précise de ce que Dieu l’appelait à faire à ses yeux: accomplir des missions pour sensibiliser ses compatriotes non-catholiques, par le biais de l’Evangile. Il en fait état en assurant au vicaire apostolique: “Puisque mon impossibilité de servir mes compatriotes, de la façon la plus efficace à mes yeux, n’amenuise pas mon désir de leur être utile…” Depuis qu’il était au courant de la présence de catholiques indigents au sein de la communauté américaine, tout spécialement en NouvelleAngleterre, son but principal était de “devenir missionnaire parmi les siens”, leur apportant pour la première fois la vérité de la foi catholique. Il croyait que: “l’ignorance … avait été la cause principale de leur longue séparation de l’Eglise, et non le manque de foi ou d’engagement car ils étaient candides et très sincères”. En conséquence de cela, il est anxieux mais n’a pas peur de débuter sa mission, car “il s’attend à de grandes choses de leur part car ils ont tous les prédispositions à recevoir la grâce divine.” Il n’était pas question alors de témoigner librement de sa bonne volonté à un évêque américain, de servir selon ses capacités, car il n’y en avait pas encore. Le Père John Carroll n’aurait pas été nommé une seconde fois

par Rome en tant que préfet apostolique et, franchement, mentionner le nom de Carroll dans les cercles de Thayer ne faisait pas sens. n conséquence, il semble que Thayer n’avait aucune raison de retarder son retour pour étudier ou être ordonné prêtre. Il pensait “rentrer chez lui au printemps” pour être avant tout un “missionnaire parmi les siens”. Être envoyé où le besoin s’en ferait sentir dans des établissements catholiques, éparpillés ça et là, dans le Sud et dans l’Ouest, c’est ce qui arriva et prouva qu’il pourrait sortir de son domaine de compétences et de sa nature profonde.

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l n’y a pas de signes non plus qui prouvent qu’il demandait ou attendait un soutien matériel. Il attendait seulement un don de livres de théologie ou de piété qu’il pourrait utiliser et distribuer lors de ses travaux missionnaires (ouvrages que le Révérend Talbot a probablement envoyés pour l’usage de Thayer). Ce sont là tous les points-clés dont il faut se souvenir chaque fois que quelqu’un critique ce qui survint plus tard au Père Thayer dès son arrivée en Amérique, en 1790, en tant que prêtre catholique ordonné. Ce qui importait vraiment à ce stade, c’est ce à quoi il croyait être appelé par Dieu alors que ce que l’évêque Carroll, fraîchement nommé, attendait de lui et lui ordonnait de faire en tant que prêtre paroissial, serait tout le contraire, tout particulièrement dans l’Amérique rurale ou désertique.

Merci Seigneur pour ce que tu permets sur cette terre, le pardon pour le mal, Toi qui répands le bien et qui réponds par le bien au mal ! Essayons de Te suivre sur ce chemin, et aucun mal ne sera fait au moindre des tiens, de tes amis… 77


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Copie de la lettre envoyée par John Thayer au Révérend Talbot:

Très cher Révérend, L’auteur de cette lettre est originaire de Boston. Après avoir été prêcheur dans notre secte hérétique pendant plus de deux ans, je suis venu en Europe pour assouvir une grande soif de connaissances. Après avoir passé beaucoup de temps à Paris et à Londres, je suis allé à Rome. Poussé par la curiosité de savoir tout ce qui se passait dans cette ville, j’ai cherché des personnes capables de me brosser un portrait complet de la foi catholique ; ce qui me plut tellement que, touché par la grâce du Toutpuissant, j’ai embrassé cette foi de tout cœur et quoi qu’il m’en coûterait en ce basmonde. Embrasé par le désir ardent de partager ce bonheur avec d’autres, j’ai offert mes services au Souverain Pontife afin d’être envoyé en mission dans mon pays. Le Pape m’envoya chez son nonce à Paris qui pensait que mon cas causerait trop de troubles alors que la plupart de mes amis, en France et à Rome, pensaient que ce cas de figure ferait jurisprudence et ouvrirait la voie à cette mission. Quoiqu’il en soit, ce n’est pas à moi de juger. Je me soumets donc au Pape comme au Christ. Puisque mon impossibilité de servir mes compatriotes, de la façon la plus efficace à mes yeux, n’amenuise pas mon désir de leur être utile, je pense rentrer chez moi au printemps et être missionnaire parmi les miens. Cette lettre, que je vous adresse en toute liberté chrétienne, a pour objet de vous prier ainsi que vos fidèles connaissances de me procurer des controverses valables et d’autres livres qui dépeindraient fidèlement notre doctrine, la vie des Saints, les meilleures traductions catholiques de la Bible, avec tout autre livre exempt de préjugés et qui fasse avancer cette grande tâche. Je suis certain que, vous aussi, vous désirez ardemment éclairer cette région de l’Amérique (Nouvelle-Angleterre), qui fut, depuis sa création, l’un des ennemis les plus fervents de la foi catholique. Je mets cela toutefois sur le compte de l’ignorance car ils étaient candides et très sincères. Je m’attends à de grandes choses de leur part car ils ont toutes les prédispositions à recevoir la grâce divine. J’ai une grande confiance en Dieu bien qu’ils m’attendent peut-être avec des croix. Mais la crucifixion précède toujours le couronnement. J’embarquerai au début du printemps car je suis resté en Europe plus que de raison. Au regard du court délai imparti, vous aurez la bonté de me répondre à cette lettre, à la première occasion, par les mêmes voies d’où vous l’avez reçue. Je me recommande humblement à vos prières et à celle de votre communion. Pensez à moi, en particulier, dans le souvenir du saint sacrifice. Quoi que votre zèle vous pousse à faire pour la bonne cause, je dois vous prier de prendre en charge à vos frais les livres et le fret, étant dans l’impossibilité de subvenir à la moindre dépense. Si vous êtes disposé à satisfaire ma demande, daignez avoir la bonté d’en choisir les moyens puisque je n’ai pas d’adresse où les recevoir et que j’ignore encore quand j’embarquerai. Je suis votre humble serviteur avec tout le respect dû à votre sainte personne, John Thayer Paris, le 18 janvier 1784. 78


Si les prêtres ne sont pas forcément des artistes, Dieu les utilise, par leur esprit, par leurs mains, à mettre en évidence, sa parole. Le prêtre, le véritable prêtre, celui qui a été appelé, celui qui a reconnu et accepté la Croix, dans la peur et dans le doute, de ne pas être à la hauteur ; celui-là sait intuitivement, qu’il va affiner ses sens et sa Foi, et qu’ainsi, il sera une sorte de fil conducteur, un agent de liaison entre Dieu et les hommes. Et plus il souffrira dans son âme et dans son corps, et plus il se rapprochera du Christ, de Dieu, et par delà, des hommes”. Extrait d’un article de Jean de Baulhoo, sociétaire des Ecrivains Catholiques.

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a phase de découragement de John Thayer fut de courte durée; nous en avons une preuve irréfutable dans la correspondance du Père jésuite François-Charles Nagot, Supérieur et créateur du séminaire catholique St. Mary de Baltimore. Il rapporte en effet dans ses lettres ce que John Thayer fit après son départ de Rome, voici ce qu’il nous en dit: “Vous me demandez un détail de la vie qu’a menée en France M. Thayer depuis son retour de Rome en 1783. Il m’est aisé de vous satisfaire, vous et beaucoup d’autres personnes qui m’ont témoigné le même désir. Je vais le prendre au moment où finit sa relation : ce sera l’histoire suivie de ce cher néophyte jusqu’au temps présent, en attendant qu’il plaise à Dieu de nous faire connaître de plus en plus ses desseins sur lui, et d’ajouter aux merveilles de sa grâce, que vous connaissez déjà, les nouveaux traits de prédilection qu’il lui réserve dans ses trésors ; car s’il est permis d’augurer

pour l’avenir, d’après ce que le doigt de Dieu a pris plaisir à opérer sur lui depuis cinq ans, nous avons tout lieu de présumer qu’il veut faire par lui de grandes choses.”

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près sa conversion, une voix intérieure lui avait dit, comme à celui que notre Seigneur venait de tirer de la puissance du démon, selon ce qui est rapporté dans l’évangile de saint Marc 5, 19. Et il conserva toujours ce sentiment dans son cœur; cette voix intérieure dirigea, à chaque instant, toutes ses démarches à partir du jour où il quitta l’Italie pour retourner en France, où il avait déjà passé quelques mois en tant que pasteur. A Paris, il chercha une maison où il put étudier la religion catholique en homme qui veut, non seulement en faire profession, mais aussi l’enseigner aux autres.

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RETOUR EN FRANCE LE COLLÈGE DE NAVARRE DE PARIS

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l entra d’abord au collège de Navarre à Paris. Son extérieur était celui de la simplicité, pour ne pas dire de la pauvreté depuis qu’il avait reçu la grâce sur le tombeau du grand serviteur de Dieu, Benoît-Joseph Labre. Cette vertu , qu’il estimait et qu’il chérissait autant qu’il la dédaignait auparavant, était au centre de sa vie. Il avait déjà tant fait parler de lui, qu’il fut difficile de cacher qui il était lors de son entrée, et tout le monde eut les regards tournés vers lui. Comme la piété est en honneur dans cette maison, l’une des meilleures écoles de Paris, on fut bientôt édifié de la foi et de la modestie avec laquelle on le vit assister à tous les exercices. La surprise augmenta et alla jusqu’à l’admiration, lorsqu’après l’avoir vu très sobre au réfectoire, on s’aperçut qu’il approchait tous les jours de la Sainte table, et qu’il avait autant faim du pain de vie qu’il montrait d’indifférence pour la nourriture du corps. Sa douceur, son affabilité, les petits traits d’histoire et l’humeur enjouée dont il savait assaisonner les entretiens dans les récréations communes, gagnèrent bientôt tous les cœurs et il se fit plusieurs amis. Il obtint permission de se retirer avec eux dans un jardin voisin du collège, pour y passer l’après-dîner et s’y entretenir de Dieu : pendant les heures du soir, il les rassemblait dans sa chambre, une des plus petites et des moins commodes de la maison. C’était l’image de la cellule du prophète Élisée: un lit, une table, une chaise et une malle y laissaient à peine assez d’espace pour réunir cinq ou six jeunes gens: la petite troupe s’installait comme comme elle le pouvait ; il était convenu avec John Thayer que chacun s’y trouverait tour à tour afin de se présenter.

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Le Pape Pie VI (Souverain Pontife de 1775 à 1799)

VATICAN - PAPE PIE VI - MÉDAILLE ANNUELLE DE 1783

Dès que les étudiants étaient entrés, avant d’entamer la conversation, John nous faisait mettre à genoux pour dire un Pater et un Ave. C’était toujours au profit de la piété qu’on s’entretenait, comme il arrive dans toute société dont Dieu est l’âme et le centre. Chacun parlait de son histoire; elle circulait lentement pour mettre en lumière les traits d’édification propres à chacun.

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a gaîté ne fut jamais bannie de ce cercle, formé par la véritable amitié, celle des âmes pures et innocentes. Il n’était pas permis d’y être constamment sérieux, encore moins triste et rêveur. John Thayer avait toujours auprès de lui un crucifix qu’il aimait à contempler de son regard.

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ne sorte de fièvre transparaissait sur ses joues, l’émotion, l’autorité de sa voix, l’amour de Dieu, faisait resplendir en lui une lueur surnaturelle, tout cela semblait miraculeusement réagir, dans son ton, dans toute sa personne, annonçant un profond recueillement de l’esprit et du cœur, révélant ainsi à tous ceux qui l’approchaient que l’image de ce crucifix, qui dévorait son regard, était gravée dans son âme. Cette croix, il l’avait rapportée de Rome, elle lui était d’autant plus chère et plus précieuse, qu’il l’avait reçue de Sa Sainteté le Pape Pie VI ; sa modestie lui a fait taire, dans ses échanges avec les étudiants, que le Pape l’avait honoré

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de plusieurs audiences et, qu’en plus de la bénédiction qu’il lui avait accordée, le saint Père lui avait fait présent de la nouvelle médaille annuelle sur laquelle était gravé son portrait. Le Père Nagot avait appris par ailleurs, par différentes lettres de Rome, que plusieurs cardinaux lui avaient fait l’accueil le plus distingué. En revenant à sa conduite au Collège de Navarre, il y avait là-bas une confrérie de la sainte Vierge; elle fut interrompue faute de fidèles. John Thayer ne tarda pas à la faire revivre, au grand contentement de tous ceux qui la fréquentèrent. Lors des assemblées, il faisait une courte exhortation, tantôt sur un sujet, tantôt sur un autre.


Le Collège de Navarre était l'établissement le plus célèbre de l'Université de Paris, il a été fondé en 1304 par Jeanne de Navarre, le femme du Roi de France Philippe IV le Bel. Le Collège de Tournai a été rattaché au Collège de Navarre en 1636 et celui de Boncourt en 1638. A la fin du XVIème siècle, le Collège de Navarre a eu trois élèves célèbres: Henri III, Henri IV et Henri de Guise, au XVIIème; Richelieu et Bossuet et au XVIIIème; Condorcet et André Chénier. Le Collège de Navarre a été supprimé lors de la Révolution Française”.

Aquarelle représentant le Collège de Navarre, Paris. Artiste: John Claude NATTES Quoiqu’il s’exprimât en français avec beaucoup de difficulté, on l’écoutait toujours avec grand plaisir, tant sa simplicité pouvait toucher les cœurs les plus tièdes. Le désir de gagner des âmes à Dieu était sa grande passion. Son caractère naturellement liant, bien qu’il semblât assez peu ouvert au premier abord, gagna bientôt plusieurs étudiants du Collège. On le respectait autant qu’on l’aimait. Son regard “touchait le coeur” de sa simplicité, de son respect, de son authenticité et de son amour. John voulait les attirer vers Dieu, en leur offrant ses services, sollicitant particulièrement ceux

qui avaient indisposé leur professeur, et qui avaient mérité quelque punition. rdinairement, il obtenait leur grâce; plus d’une fois, les coupables en abusèrent. C’était surtout en pareille circonstance qu’il brillait par sa patience et sa charité. Il savait alors tirer le bien du mal et changer les ingrats en amis devenus sensibles et reconnaissants. Ceux qui avaient commencé par tromper son bon cœur et se jouer de lui, finissaient par rougir de leur supercherie. amais on ne l’a vu donner les plus petits signes d’impatience. Tous, en un mot, les maîtres comme les étudiants

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À Paris, en septembre 1784, Monsieur John Thayer fit une rencontre qui détermina la suite de son destin, en la personne de Mgr Ponte d’Albaret, évêque de Sarlat. lui portaient une estime jusqu’à la vénération et le regardaient comme un modèle de toutes les vertus évangéliques.

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u bout de quelques mois de patience, Monseigneur de Juigné, archevêque de Paris, lui accorda une bourse d’études, comme il était d’usage pour les nouveaux convertis. Il ne pouvait pas trouver plus de lumières et d’excellents conseils que dans le supérieur infiniment respectable qui est à la tête de l’église de France. John Thayer ressentait l’appel ecclésiastique et désirait se disposer aux saints ordres. Monseigneur de Juigné lui fit observer, et il fut le premier à l’admettre, qu’il ne pouvait bien s’y préparer qu’en entrant au séminaire, pour y suivre pendant quelques années les enseignements, et y apprendre avec la science ecclésiastique, le langage de la piété sacerdotale et de la théologie.

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a divine providence, qui tenait lieu à John Thayer, de père, de mère et de frère, seconda ses besoins tout à propos. Elle lui avait déjà fait trouver tout cela au Collège de Navarre et à la communauté des Nouveaux Convertis. Combien de séminaires se seraient disputé l’avantage de devenir sa maison paternelle ! Monseigneur Joseph AnneLuc Ponte d’Abaret, évêque de Sarlat, se trouvait alors à Paris. Ce prélat, qui l’avait rencontré, le 14 septembre 1784, au Calvaire pendant l’exaltation de la sainte Croix, fut d’avis qu’il ne fallait pas tarder à entrer au séminaire. Il en discuta avec Monseigneur de Juigné, l’archevêque de Paris et Monseigneur le Nonce apostolique, qui, connaissant John Thayer, furent tous du même sentiment.

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e séminaire de Saint-Sulpice lui fut désigné en guise de nouvelle demeure. Une fois les intentions de Mgr. l’archevêque signifiées, il fut placé sous l’autorité du Père Charles Nagot qui s’estima trop heureux de posséder pour quelques années un sujet si précieux à l’Église.

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t c’est ainsi que John Thayer entra au petit séminaire de SaintSulpice de la communauté des Robertins de l’impasse Féron, près de l’église Saint-Sulpice, le 18 octobre 1784. Le Père Charles Nagot était heureux à l’idée de revoir M.Thayer dans sa maison mais craignait beaucoup que la vie de séminariste ne puisse convenir à son tempérament accoutumé depuis tant d’années à avoir beaucoup de liberté. Cela en effet fut un peu difficile pour John Thayer pendant quelque temps de s’assujettir à la règle de la maison mais il s’y conforma et donna ainsi un nouveau mérite à sa vie de retraite. Il se l’imposa lui-même, comme une pénitence qui lui servait à expier ses égarements et comme une préparation nécessaire aux saints ordres. Si, pour des raisons particulières, il était obligé d’y déroger quelquefois, ce n’était jamais sans permission. Durant tout le temps qu’il a été au séminaire, personne n’a paru plus fidèle à en observer toutes les pratiques, ni plus obéissant aux volontés de ses supérieurs; personne aussi ne s’y est montré plus charitable envers ses frères. Se regardant comme le dernier de tous, en reprenant l’expression de saint Paul: “comme un avorton dans la communauté”, il aimait à servir les autres. Se levant tous les jours à quatre heures et demie, il a


Monseigneur Joseph Anne-Luc PONTE D'ALBARET, Évêque de Sarlat de 1778-1790”

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toujours voulu s’acquitter de la charge de “réveilleur”, c’est-à-dire de porter de la lumière au moment du lever dans les chambres ; fonction qui fut d’autant plus pénible pour lui, que jamais il ne consentit à y mettre en hiver le plus petit adoucissement, ayant catégoriquement refusé une chambre avec cheminée, lors de son entrée au séminaire.

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urant la rigueur exceptionnelle de l’hiver épouvantable 17831784, comme pour témoigner de sa reconnaissance envers saint BenoîtJoseph Labre, John étudiait sans feu. Il n’est guère possible de porter plus loin la vertu de la pauvreté : elle n’a jamais été jusqu’à la malpropreté ; mais tout au plus a-til consenti à ne pas manquer du plus rigoureux nécessaire. Tous les vendredis de l’année ont été pour lui jours de jeûne ; une soupe avec du pain et de l’eau, constituait tout son repas, et il a toujours servi ces jours-là au réfectoire pendant le dîner et le souper. Il n’a jamais interrompu la pratique de la communion quotidienne qu’il avait rapportée de Rome. Des centaines de fois, on eut lieu d’admirer combien il était touché de la grâce que Dieu lui avait faite en le rappelant à la foi de ses pères. Je bénis le Seigneur, et le bénirai toute ma vie, de ce qu’il a daigné choisir notre séminaire pour préparer au service de son Église cette lampe vraiment ardente et luisante. Avant de porter au loin la lumière, il a brillé ici par ses œuvres. C’est une sorte de mission domestique et cachée, qui a produit beaucoup de fruits que Dieu seul connaît ; car je ne puis vous dire tout.

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e temps des vacances, il l’a employé à faire trois sortes de voyages ou pèlerinages. À la fin de la première année, il alla passer cinq ou six semaines à la Trappe, y vivant comme les religieux. Il voulait faire le voyage comme BenoîtJoseph Labre, en mendiant. Il demanda par souci d’obéissance la permission au Père Charles Nagot ; mais il ne crut pas devoir le lui permettre. Lui faisant remarquer que cette conduite qui, dans d’autres temps, aurait pu être fort louable, ne le serait pas aujourd’hui, et aurait même plus d’un danger. Il se rendit aux raisons du Père Nagot, et n’insista plus sur ce point ; mais sans mendier, il n’en observa pas moins la pauvreté évangélique,et conserva de cette vertu tout ce qu’il pouvait en retenir, hormis l’état de mendicité.

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ans toutes ses courses, il marchait toujours seul pour méditer et prier en voyageant. Jamais il n’a manqué en route de communier. Plusieurs fois en traversant un quelconque village, on lui a refusé la communion, le prenant pour un aventurier. Mais John se contentait alors de prolonger son oraison et sa marche, jusqu’à ce qu’il eût trouvé un village où l’on voulut bien lui accorder le pain sacré qui faisait son principal délassement ; car il a fait tous ses voyages à pied. Passant en Normandie, il se présenta dans un couvent de la campagne normande, occupé par de saintes religieuses ; il espérait une réception un peu différente de celle qu’on lui fit. Il leur demanda s’il pouvait y entendre la Messe et communier.


Paris, Église Saint-Sulpice, vers 1700.

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a crainte des religieuses devant cet étranger les détermina à le refuser avec toute l’honnêteté qu’inspire la vertu, mais aussi avec toute la fermeté qu’exige la prudence. Il supplia plusieurs fois avec sa douceur et sa patience ordinaires.

mois après, les religieuses qui l’avaient refusé, ayant appris qui était celui à qui elles avaient fait cet accueil, en furent très affligées ; et, après s’être informées de sa demeure au petit séminaire de Saint-Sulpice de Paris, rue Férou, elles décidèrent de lui écrire une lettre d’excuse et de regret pour avoir failli à la n ne crut pas devoir se rendre plus élémentaire loi sur la charité. à ses désirs. Ce fut une petite épreuve qui n’altéra nullement la tranquillité de son âme. Il fut obligé de e 1er mai 1787, John écrivit du faire plusieurs lieues pour trouver enfin petit séminaire de Saint-Sulpice à ce qu’il souhaitait. Il était fort tard quand son frère Nathaniel, à Boston, une il eut le bonheur d’arriver à une paroisse longue lettre polémique, pour répondre où il y avait encore une messe à dire. Il aux observations et objections que celuil’entendit et y communia. Cinq ou six ci lui avait adressées contre sa conversion.

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Le mystère de l’Eucharistie, qui m'avait paru si incroyable, est devenu pour moi une source intarissable de délices spirituels. La confession, que j'avais regardée comme un joug insurmontable, me semble infiniment douce par la tranquillité qu'elle produit dans mon âme. John Thayer. 87


ArchevĂŞque de Paris, Duc de Saint-Cloud et Pair de France.

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Le Père jésuite, François-Charles Nagot, qui était en 1784 le Supérieur du petit séminaire Saint-Sulpice de Paris, nous rapporte dans ses lettres que, sur la recommandation auprès du Nonce apostolique de Monseigneur Leclerc de Juigné, Archevêque de Paris et de Monseigneur Ponte d’Albaret, évêque de Sarlat, une bourse et son droit d’entrée au petit séminaire Saint-Sulpice furent accordés, le 18 octobre 1784,à Monsieur John Thayer, après discussion et en toute unanimité. Monseigneur Antoine-Éléonor-Léon Leclerc de Juigné de Neuchelles est né à Paris, le 2 novembre 1728. Il descendait d’une ancienne famille du Maine. Frère du Marquis de Juigné, il était à peine âgé de six ans, lorsqu’il perdit son père, colonel du régiment d’Orléans, tué en 1734, à la bataille de Guastalla. Nommé agent général du clergé en 1760, il géra les intérêts des affaires ecclésiastiques pendant cinq ans. Il refusa le 16 novembre 1763 l’évêché de Comminges mais fut nommé, le 28 décembre 1763, à l’évêché comté-pairie de Châlons. On ne lui permit pas de second refus. Mais le 22 décembre 1781, de la propre autorité du bon Roi Louis XVI, il fut désigné comme Archevêque de Paris.

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n 1786 pendant les vacances de sa seconde année d’études au petit séminaire de Saint-Sulpice, John Thayer fit, entre autres, le pèlerinage d’Amettes, patrie du vénérable Labre, en réponse à la lettre adressée par un soldat américain, qui, n’ayant d’abord aucune religion, avait été converti et instruit à Cambrai, et où il le priait, en qualité de compatriote, de lui servir de parrain. Il honora bien volontiers cette demande et parcourut la route à pied jusqu’à Cambrai, pour imiter son bienfaiteur, Benoît-Joseph Labre.

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ors de sa première visite à Amettes, il rencontra les parents Labre et les oncles, à savoir le doyen de Walincourt, l’Abbé François-Henri Vincent et l’Abbé Bonaventure-Joseph Vincent, alors curé d’Oeuf. Cette entrevue avec la famille Labre a laissé peu de traces écrites.

Je défendis la sainteté du vénérable Benoît-Joseph Labre et je déclarai que j'avais plus de preuves de la vérité de ses miracles que je n'en exigerais pour quelque fait que ce fût. De plus, pour ne pas rougir de Jésus-Christ, j'invitai un grand nombre d'amis à être témoins de mon abjuration : plusieurs plaignirent ma faiblesse, quelques-uns s'en moquèrent ; mais Dieu, qui m'a appelé à la foi, m'a soutenu, et j'ai cette ferme conviction qu'il me soutiendra jusqu'à la mort.

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Amettes la maison natale de saint BenoĂŽt-Joseph Labre


Ce que le texte du récit de sa conversion ne dit pas, c’est qu’après être devenu catholique, John Thayer fit le pèlerinage d’Amettes. On le sait d’après une note très courte que François Crépin a retrouvée dans les dernières pages d’un registre intitulé « Seigneurie, terre, château et baillage de Lières ». Elle fut rédigée par un certain Louis Tilloy, le greffier de l’époque (1786). Pour mémoire, Lières est un village d’Artois tout proche d’Amettes (environ 4 km). Voici cette note du registre de la paroisse dont l’orthographe a été respectée mot pour mot: « Le 14 septembre 1786, Jean Tayer qui étoit un prédican de Boston en Amérique, est venu à Lières. Il avoit fait abjuration de ses erreurs à Rome peu de jours après la mort de Benoît-Joseph Labre. Il étudie à Paris pour se faire ordonner prêtre catholique : il est âgé d’environ 25 ans. » Mais pourquoi le trouve-t-on à Lières à cette date ? François Crépin en a découvert la raison en feuilletant les registres de catholicité de cette paroisse. L’année précédente, lors d’un baptême célébré le 22 mars 1785, le parrain de l’enfant n’est autre que Louis Vincent Labre, natif d’Amettes et demeurant dans cette paroisse depuis 5 mois. Or Louis-Vincent est le douzième enfant de la famille Labre dont Benoît-Joseph est l’aîné ; il commence ses études au séminaire de Laon à Paris en 1785, alors que John Thayer est déjà à celui de Saint-Sulpice, à Paris également. Il est donc pratiquement certain que l’ancien pasteur fut l’hôte de Louis-Vincent Labre à Lières et ils se rendirent ensemble à la maison natale d’Amettes. (Nous sommes en 1786 : Jean-Baptiste Labre, le Père de Benoît-Joseph ne mourra qu’en 1791 et son épouse Anne-Barbe Grandsir en 1804) Voilà qui corrobore l’information selon laquelle il aurait rencontré les parents de Benoît-Joseph, authentifiant les notes des cahiers de l’oratoire Saint-Joseph… la joie et la fierté des parents de Benoît-Joseph lors de cette rencontre dut être grande. ( Cette anecdote se retrouve dans l’ouvrage suivant de François Crépin, Lières en Artois : « Entre Lillers et Amettes » Broché - 1er janvier 1981 - 217 pages). 93


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’est en vertu des lettres dimissoriales (Ecrit officiel par lequel un évêque autorise un autre évêque à conférer les ordres sacrés à l’un de ses diocésains) venues de Rome, qui donnaient pouvoir à Mgr de Juigné, Archevêque de Paris, de l’ordonner prêtre, sous le titre: “Mission de l’Amérique septentrionale, ou des nouveaux États-Unis”, que la cérémonie d’ordination put avoir lieu.

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près avoir effectué sa troisième année d’études de théologie au petit séminaire de Saint-Sulpice sous la direction de son Supérieur, le Père François Charles Nagot, John Thayer fut finalement ordonné prêtre catholique, le samedi 2 juin 1787, des mains de Monseigneur l’Archevêque de Paris, Antoine-Éléonor-Léon Leclerc de Juigné, la veille de la fête de la Sainte Trinité. Le lendemain, il chanta solennellement la grand’ messe dans la paroisse de l’église Saint-Sulpice. Ce fut un spectacle singulièrement attendrissant pour les fidèles qui y assistèrent, et qu’une pieuse curiosité avait attirés en grand nombre.

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eu de temps après son ordination le Père John Thayer fit, depuis Paris, un deuxième voyage à Amettes et quatre voyages à Londres. Lors de son voyage à Amettes, le Père John Thayer s’arrêta à Boulogne-sur-Mer pour y célébrer la messe en compagnie de Monseigneur de Partz de Pressy, dans l’église des Ursulines. Il s’y appliqua même à instruire beaucoup de demoiselles anglaises protestantes, pensionnaires dans les couvents des religieuses annonciades et ursulines. Ses conseils y furent couronnés d’heureux succès, par les fortes impressions qu’il fit sur plusieurs d’entre elles. Il réussit même à convaincre deux religieuses anglaises à partir en Amérique, en sacrifiant ainsi tout ce qui pouvait les attacher au sol natal, pour aider à la conversion des peuples du Nouveau-Monde.

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Souvenez-vous de l’excellence de votre dignité de prêtre, souvenezvous toujours de votre consécration. Prenez garde de dégrader cet auguste caractère, respectez vos mains sanctifiées par l’onction divine, soyez, par la pureté de vos moeurs, les modèles des Peuples que vous accompagnez, et tracezleur par vos exemples, la route qui mène au royaume céleste”. Monseigneur Antoine-EléonorLéon Leclerc de Juigné, Archevêque de Paris (Lettre Pastorale de 1782).


Monseigneur de Partz de Pressy organisa une nouvelle rencontre avec la famille Labre qui reçut le Père John Thayer en hote de marque. Cette fois-ci, il logea dans la maison quelques jours et dormit dans la chambre de BenoîtJoseph. Monseigneur de Partz de Pressy parle du Père John dans ses ouvrages; il l’appelle “un homme d’une grande piété, jointe à un grand désintéressement,un homme très instruit et fort éclairé.”

Amettes, la maison natale du Saint Vagabond”.

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l demeura lors de son dernier voyage à Londres toute une année, logeant d’abord dans un des meilleurs quartiers, mais du fait de son amour pour les pauvres, de par la grâce reçue du pèlerin Benoît-Joseph Labre, il choisit de loger, non loin de Borough-road dans l’arrondissement de Saint Georges Fields, quartier de Londres, qui était habité par ceux-là mêmes qui avaient le plus besoin

Amettes, de nos jours.

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de secours temporels et spirituels. Dans ce faubourg se retiraient les mendiants et les enfants des familles les plus pauvres de la ville. on premier soin fut d’y rassembler les enfants qu’il trouva dans un manque total d’instruction. Les catholiques y étaient en assez grand nombre et le Père John Thayer devint en quelque sorte le curé du lieu.

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Tous les dimanches et fêtes, il se rendait dans un endroit qui, par sa situation, sa simplicité et son obscurité rappelait assez le souvenir des lieux souterrains des catacombes où se réunissaient les chrétiens des tous débuts de l’Eglise. C’était une ancienne manufacture de fabrication d’épingles métalliques désaffectée, que les catholiques de l’endroit avaient réparée, à frais communs pour en faire leur église; et ce fut le lieu principal où le Père John Thayer exerça son premier ministère apostolique. L’assemblée dominicale était composée ordinairement de deux cent cinquante fidèles. Le Père John y célébrait la Sainte Messe et les vêpres, prêchait et instruisait deux fois le jour et quelquefois plus. Trois jours de la semaine étaient destinés à la confession. Il lui est arrivé souvent d’être encore au confessionnal jusque très tard dans la nuit. La douceur et l’amabilité dont il accompagnait son sacerdoce, sa patience infatigable, son ardent amour pour Dieu et sa tendre charité pour tous lui gagnèrent rapidement l’estime des paroissiens. La plupart étaient de pauvres Irlandais catholiques. Le charisme du Père John se communiquait tellement à ses fidèles, que, chaque jour, arrivaient de nouvelles personnes. “Allez, allez voir le Père John Thayer”, disaient les pécheurs ou les incroyants qu’il avait convertis. A tous ceux qui espéraient un retour vers Dieu, certains disaient: “Vous ne l’aurez pas vu et entendu une fois, que vous l’aimerez comme votre père et le respecterez comme un ange venu du ciel”.

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e changement que le Père John Thayer opéra dans la croyance et les mœurs d’un grand nombre, par ses exhortations, soit publiques, soit privées, tenait vraiment du prodige. Il eut la consolation de ramener trentesix personnes non croyantes dans le sein de l’Eglise catholique. Et bien d’autres conversions encore... Un vrai apôtre est toujours un modèle de pénitence. Le Père Thayer était trop convaincu de cette vérité qu’il avait reçue

à Rome sur le tombeau de celui qui faisait vibrer son cœur et son âme de cet amour qui était sa règle de conduite.

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on logement était l’image de la pauvreté. Jamais il ne fit de feu durant tout l’hiver, et cette année-là, l’hiver fut très rude. Sa nourriture ressemblait à tout le reste. Du pain et de l’eau avec un peu de légumes, tel était son repas ordinaire. Lorsqu’on lui témoignait de la surprise sur la vie dure qu’il menait, ou qu’on lui faisait à cet égard quelques représentations, sa réponse était : “Que voulez-vous, nous ne sommes pas meilleurs que notre maître”.

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e Père John s’était fait un principe de vie, celui de n’accepter aucune invitation à dîner ou à souper en ville. Il n’y dérogea pas une seule fois. Une des raisons qu’il alléguait, lorsque de riches personnes l’invitaient, était la crainte de perdre du temps, qu’il était désireux de consacrer à la gloire de Dieu et au service du prochain. Jamais personne n’a été plus avare de ses moments. Il partageait sa journée entre la méditation, la prière, l’étude et les travaux du ministère. Il se levait régulièrement à quatre heures et demie; après son lever, il faisait son oraison, récitait le saint office et étudiait jusqu’à huit heures, temps où il avait coutume de célébrer la sainte messe. Deux morceaux de pain et un verre d’eau faisaient son déjeuner, après lequel il allait ou exhorter les pécheurs, ou visiter les malades, ou faire quelque autre œuvre de bien. La frugalité de ses repas était extrême; il les prenait pendant la lecture sainte qu’il écoutait en silence. A peine sorti de table, il reprenait ses œuvres de charité, ou donnait parfois quelque instant pour converser avec quelques amis vertueux, parlant toujours d’un langage inspiré de l’esprit de Dieu. Le Père John savait toutefois assaisonner de temps en temps ses entretiens de traits d’humour, ou de bons mots que lui suggérait la gaîté de son caractère; c’était ce même caractère qu’on avait remarqué en lui à Paris. 97


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ne grande partie de ses soirées, pour ne pas dire de ses nuits était employée à distribuer les aumônes qu’il avait recueillies dans les maisons des riches; elles étaient toujours accompagnées de quelques paroles de consolation. Ordinairement il disait aux pauvres, qu’il soulageait, qu’il était un indigne instrument de la bonté divine: c’était par là qu’il donnait ouverture aux sages et pieuses prières et exhortations qu’il leur adressait. De temps en temps, il allait souvent visiter les prisonniers et leur administrait les sacrements.

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l n’avait rien de plus à cœur que de donner une existence stable aux deux écoles qu’il avait formées l’année précédente. Durant son dernier séjour à Londres, il augmenta beaucoup le nombre des élèves. Il lui fallait des secours; mais la divine Providence lui faisait trouver des ressources nécessaires dans la charité des dons donnés par de riches personnes, auprès de qui il allait plaider la cause des pauvres enfants qu’il voyait abandonnés; et, pour rendre son œuvre durable, voici une solution que lui suggéra son charisme. Quelques jours avant son départ, il invita un certain nombre de catholiques à se rendre dans une maison de campagne qui n’était pas éloignée de la ville, pour y dîner tous ensemble. On n’eut pas de peine à trouver des convives. La petite société fut composée de tout milieu social, tout à fait au gré du Père John Thayer. Le repas se fit avec la frugalité convenable à des chrétiens que la charité réunit à la même table. Comme l’innocent festin n’était qu’une préparation à une œuvre sainte, dès qu’il fut fini, M. Thayer fit, à la compagnie, une exhortation familière sur l’importance et la nécessité de l’instruction des pauvres. Elle fut suivie d’un autre discours prononcé par un enfant de l’une des écoles du Père John. Il proposa ensuite le plan d’un établissement durable et permanent et leur demanda pour cela de mettre en place une souscription afin d’en récolter les fonds nécessaires à sa

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réalisation. L’espérance du Père John ne fut pas trompée et la semence de la parole, qu’il venait de répandre dans l’assemblée, lui rapporta non seulement de quoi faire subsister ses deux écoles, composées chacune de cinquante élèves, mais encore de quoi les perfectionner et les étendre. Un jour, alors que le Père John était en chemin pour ses œuvres de charité, il fit la rencontre d’un jeune homme. Or ce jeune homme s’était dit qu’il allait insulter la première personne qu’il rencontrerait en son chemin. Eh bien, la Providence voulut que ce soit sur le Père John Thayer que tomba l’aventure. L’Anglais, soupçonnant qu’il était prêtre, lui adressa la parole avec véhémence, et joignant le geste à la parole se mit à frapper le Père en lui criant “Fais pénitence de tes péchés et renonce à ta magie”.

L

e Père Thayer le regarda avec bonté, puis lui demanda avec douceur, les raisons qui l’avaient poussé à agir ainsi. Le jeune homme, prenant un ton plus calme, lui demanda de le suivre dans sa maison. Celui-ci l’accompagna. Arrivé chez lui, l’aventurier se disait disciple d’un prophète : son maître ne se trouvait pas alors dans son domicile. Aucune importance, le Père Thayer lui dit qu’il aimerait avoir une entrevue avec ce prophète et le quitta par ses mots : “Priezle de venir me voir”. Quelques instants plus tard, le prophète parut, le Père Thayer ne lui révéla pas qu’il était prêtre catholique. Ils discutèrent de religion. Un des premiers propos du prophète fut qu’il se disait touché par la grâce comme saint Paul. Il ajouta que, lui seul, avait sur la terre le pouvoir de pardonner les péchés, que le Saint-Esprit agissait en lui d’une manière toute particulière, en lui inspirant de saints gémissements qu’il ne faisait pas éprouver à d’autres. Il en exprima plusieurs et conclut en demandant au Père Thayer s’il pouvait faire et dire les mêmes choses que lui. « Je vous avouerai, lui répondit le Père Thayer, que jamais je n’ai entendu de pareils gémissements, mais je voudrais


Londres, le faubourg populaire de Borough-High-street, Southwark�.

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savoir quel est votre Credo et connaître les dogmes dont vous faites profession. » Pour toute réponse, le prophète s’excusa, ne pouvant lui répondre car prétextant que sa révélation n’était pas encore achevée. Ils se quittèrent donc en se promettant de se revoir. Le Père John Thayer ne tarda pas à le revoir. Après avoir conversé avec lui quelque temps, lui laissant toujours ignorer sa religion, le Père décida de révéler qui il était et déclara enfin qu’il était prêtre catholique; et qu’il ne voyait pas de divine vérité dans ses propos de prétendu prophète. Il tenta même de le ramener à d’autres visions cherchant à le persuader de la vérité de la foi en Dieu, le faux prophète demeura dans l’aveuglement sourd aux exhortations que lui adressait le Père Thayer. Le jeune Anglais, disciple du soi-disant prophète, était présent. Il confessa son erreur, et dès lors, le Père John fut maître du jeune homme et il entreprit de l’instruire à fond de la foi catholique. Le cœur étant rendu, il lui fallait achever en lui l’œuvre de la grâce, et le rendre capable d’abjurer. Quand le Père Thayer eut bien instruit son néophyte, celui-ci retourna chez son premier maître, et après lui avoir exposé les différents points de la foi catholique, il lui demanda ce qu’il en pensait. Chose bien remarquable, le prophète, loin de contester et de le contredire, le confirme dans les sentiments dont il venait d’entendre l’exposé, jusqu’à lui fournir de solides arguments en faveur des dogmes de l’Eglise romaine. Il insista en particulier sur le pouvoir que le Seigneur avait laissé à son église, celui de remettre les péchés, soutenant qu’après lui, c’était à elle qu’il fallait s’adresser pour l’obtenir car il se disait lui-même au-dessus de tout, et se regardait comme revêtu de la puissance principale.

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our cette fois, ce nouveau Balaam prophétisa si bien, que son ancien disciple ne voulut plus l’être, et s’attacha désormais uniquement aux paroles de l’évangile que lui avait révélé le Père John Thayer. Ce jeune Anglais

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fit sa profession de foi catholique entre les mains du Père Thayer, le 24 octobre 1788. Ce fut une des dernières conversions dont le Père John a été l’instrument avant de quitter Londres. Tout prêtre catholique qu’était John Thayer, plusieurs pasteurs protestants le voyaient souvent; ils s’entretenaient toujours avec lui sur des motifs de foi, dans un esprit de modération et de paix, parce qu’il savait les gagner par sa douceur, et s’en faire des amis. Parmi ceux dont on lui parla, il y avait un dénommé Wincheiter, pasteur protestant, né comme lui en Amérique, et l’on disait de lui qu’il était un homme avec beaucoup d’esprit. Il avait été élevé et instruit par un pasteur américain, dont la doctrine disait : « Dieu, quelque temps après la fin du monde, sauvera les âmes de l’enfer ». Wincheiter renchérissait sur son maître et prétendait que les démons eux-mêmes verraient aussi la fin de leurs tourments.

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omme le Père Thayer connaissait en Amérique plusieurs parents de ce pasteur protestant, il rendit visite au pasteur Wincheiter en qualité de compatriote, sans lui révéler qu’il était prêtre catholique. Après les usages et compliments ordinaires, il lui demanda qu’il aimerait bien entendre son raisonnement sur ce qu’il enseignait au sujet de ce qu’il disait des âmes condamnées au supplice de l’enfer. Un des plus forts arguments du pasteur fut de l’entretenir sur l’autorité du grand Origène (c’était son expression), qu’il avait soutenue dans le second siècle. « Cette doctrine, observa-t-il, a été longtemps obscurcie, et, depuis l’époque fatale de la nuit papistique, elle est demeurée comme ensevelie dans les plus épaisses ténèbres; mais la nouvelle réforme a commencé enfin à la remettre sous la lumière, et peu à peu vous la verrez, dit-il, reprendre son premier éclat.» le Père John Thayer, le laissant toujours ignorer qu’il était catholique, après l’avoir laissé parler, sans témoigner ni mécontentement ni


surprise, parla à son tour, et discuta avec beaucoup de tranquillité. Le ministre l’écouta avec intérêt et dans le plus grand calme. Loin de marquer du mépris pour les raisonnements qu’il venait d’entendre, il parut estimer celui qui venait de conférer avec lui. L’entretien se termina donc par une promesse de se revoir. Les visites furent fréquentes, et Wincheiter témoignait toujours beaucoup d’amitié au Père, dont il ne paraissait pas soupçonner la religion. Chaque fois, c’était de nouvelles déclamations contre les papistes. Le préjugé alla jusqu’à lui faire dire que jamais il n’aurait le courage, et ne pourrait pas même dormir dans une maison habitée par des catholiques. « Pour moi, lui répartit le Père Thayer, toujours avec la même douceur, je ne vous dissimulerai pas que je n’en ai pas une opinion tout à fait si désavantageuse. J’en ai fréquenté beaucoup, j’ai lu beaucoup de leurs auteurs, je m’attendais à trouver chez eux mille absurdités; leur doctrine, au contraire, m’a paru fort raisonnable. » Le pasteur allégua tout ce qui put lui venir à l’esprit de plus favorable à la sienne, prit avec chaleur la défense de la réforme, et n’épargna pas les injures contre l’Eglise romaine. Après lui avoir donné tout le temps de s’expliquer, le Père Thayer ne voulut pas garder plus longtemps le silence sur lui, et lui dit en souriant : « Eh bien ! C’est à un prêtre catholique que vous parlez, mon cher Pasteur ». Cette parole le frappa et le déconcerta et il n’osa plus ouvrir la bouche. Il repensa à ce torrent d’injures qui était sorti de sa bouche contre les papes et les papistes, et à la douceur inaltérable qu’avait montrée son adversaire toutes les fois qu’ils avaient conféré ensemble. Cette réflexion l’ébranla davantage que tous les autres arguments et, il ne fut plus jamais le même homme à partir de ce jour. Le Père Thayer le laissa mais lui procura beaucoup d’excellents livres où il pourrait étudier et reconnaître par ses propres yeux la foi dont les catholiques font profession. Entre ces différents ouvrages, celui qui l’a touché le plus, c’est la lecture de la Vie des saints.

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orsque le Père Thayer lui fit son adieu, il lui avoua que depuis qu’il avait commencé ses lectures, il croyait davantage aux miracles qui y sont rapportés, ajoutant qu’il ne pouvait se défendre d’un grand sentiment de respect pour la religion catholique, et il en donna une preuve éclatante. Peu de jours avant le départ pour les EtatsUnis du Père Thayer, Wincheiter voulut assister à une confirmation. Il s’y rendit avec lui, accompagné de sa femme; et, après la cérémonie, il se jeta aux pieds de l’évêque catholique en lui demandant sa bénédiction. Enfin, le Père John Thayer, ayant reçu d’Amérique des nouvelles telles qu’il les attendait depuis longtemps, fit ses adieux à son cher troupeau de Londres. Le lieu ordinaire de l’assemblée, qui était toujours bien rempli lors de ses prêches, ne put contenir que la moitié de ceux qui vinrent l’entendre à son dernier discours. Il avait autant d’auditeurs au dehors qu’au dedans. Il eut à peine ouvert la bouche pour leur annoncer la nécessité où il était de prendre congé d’eux, et leur témoigner la douleur que lui causait cette séparation, que tous fondirent en larmes. Le Père leur rappela en peu de mots les leçons les plus importantes qu’il leur avait données pendant sa mission, et insista particulièrement sur les desseins de la miséricorde divine dans l’œuvre de sa propre conversion: “Qui sait, leur dit-il en substance, si ce n’est pas pour votre salut que la bonté divine a daigné m’éclairer, et que la main du Seigneur m’a conduit au milieu de vous ? Peut-être la Providence ne m’a-t-elle retiré de l’erreur que pour m’ordonner de venir porter ici le flambeau de la foi à plusieurs. Travailler à vaincre l’endurcissement de quelquesuns et ranimer la piété toute languissante des autres. Peut-être les instructions que je vous ai faites sont-elles le dernier rayon de grâce que le ciel vous a réservé; et qu’il sera terrible le compte que Jésus-Christ vous en demandera au dernier jour ! Car nous paraîtrons, vous et moi, au tribunal 101


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de ce grand juge : moi, pour répondre de l’usage que j’ai l’ait de la grâce du saint ministère, en vous enseignant, en vous exhortant en son nom; et vous, pour répondre sur les fruits que vous en aurez retirés”. l termina sa prédication en leur recommandant, avec beaucoup d’insistance, de ne pas oublier d’invoquer les saints, de prier pour leurs frères et sœurs défunts, une tendre piété pour les saints anges et une fervente dévotion à la mère de Dieu. Ce dernier discours produisit beaucoup de fruits. On marquait le plus grand empressement à le voir encore une fois, lui demander sa bénédiction et se confesser à lui. Plusieurs auraient voulu le retenir encore et venaient lui demander quelques jours

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de délai pour se mettre entre ses mains et exécuter enfin le projet de conversion qu’ils formaient bien sincèrement. C’était un spectacle qui retraçait celui des fidèles de Milet et d’Ephèse, se jetant au cou de saint Paul, et l’embrassant les larmes aux yeux, lorsqu’il les quitta pour se rendre à Jérusalem. Mais Dieu appelait son prêtre dans une autre terre; et, quoiqu’il lui en coûtât infiniment pour s’arracher à ses amis et à tous ceux de son cher troupeau qu’il chérissait comme une mère chérit ses enfants, il leur dit le dernier adieu. Jamais séparation ne fut plus pénible de part et d’autre, il ne s’en consola que dans la confiance où il était en digne ouvrier au service du Seigneur qui les abandonnait et leur donnerait tous ses soins.

Ensuite m'adressant à la Sainte Vierge elle-même : « Mère tendre, lui dis-je, s'il est permis d'implorer votre secours, aidez-moi dans l'état misérable où je suis. C'est par vous que le Sauveur est venu à nous, c'est par vous que je désire aller à lui. Les Ecritures m'apprennent que c'est par votre moyen que s'est opéré le premier miracle de la foi évangélique, dans l'ordre de la grâce. Ne me refusez pas votre bienveillance ; je ne le mérite pas, il y a trop longtemps que je vous méconnais ; mais je commence, en tremblant, à m'adresser à vous : intercédez pour moi auprès de votre divin Fils.” John Thayer

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Photos de la vierge à l’entrée du Séminaire de Saint-Sulpice (Issy-les-Moulineaux)

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Le Père John Thayer arrive à Paris le 18 juin 1789, en pleine tourmente révolutionnaire; dans la capitale, depuis la veille, 17 juin, les députés du Tiers état se proclament Assemblée nationale constituante soutenue par le Jacobin Mirabeau, surnommé l’orateur du peuple. Ils s’octroient le vote de l’impôt, bravant ainsi l’autorité du Roi Louis XVI. Le 20 juin 1789, ce sera le Serment du Jeu de Paume, symbole du combat pour la souveraineté populaire et, partout dans la capitale, le peuple vocifère qu’un complot des nobles pour affamer le peuple est en marche, le tout repris en coeur par le club jacobin. Dans les rues, la rumeur circule que le Roi veut faire avorter les Etats Généraux. La tension monte chaque semaine un peu plus car le Roi masse sans cesse des troupes et dans la capitale et alentour (30 000 hommes de troupes); à partir du 22 juin 1789, il est décidé à intervenir. Il veut commencer par écraser militairement la mobilisation du Tiers état à Paris et sa région vers le 13 juillet. De nombreux régiments sont appelés des frontières et diverses garnisons pour réaliser ce coup de force... Dans ce récit de la vie du Père John Thayer, j’ai essayé de reconstituer ce qu’il aurait pu entendre dire sur ces événements dans la capitale pendant son séjour, sans en altérer bien entendu le contenu historique. Contrairement aux usages de l’époque, il va rendre visite à son ancien supérieur sans se faire annoncer. Le Père Thayer va directement au séminaire SaintSulpice et annonce au Père François-Charles Nagot que Mgr Carroll lui a ordonné de rentrer en Amérique. Dans sa correspondance, le Père Nagot reste très évasif au sujet de la visite de Thayer et en livre peu de détails. Nous ne saurons probablement jamais les raisons profondes qui l’ont conduit à Paris en cette période trouble et dangereuse... le doute subsiste. Avait-il mission avant son départ auprès des Sulpiciens ??...”

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a confiance du Père John Thayer en la Divine Providence était inébranlable. Avec empressement, il se prépara pour cette nouvelle mission. Il quitta Londres et prit le bateau pour la France. Une fois en France, contrairement à son habitude de flâner d’un endroit de dévotion à un autre, le Père Thayer décida cette foisci de ne pas s’arrêter en route. Rien ne le retarda et ce fut le 18 juin 1789 qu’il arriva à Paris. Là-bas, il constate les prémices de la Révolution en marche vers son destin funeste. Chemin faisant, John Thayer découvre une ville où l’effervescence bat son plein. Il lui suffit de tendre l’oreille le long des venelles ombreuses et des passages étroits pour entendre le peuple parisien parler partout des déclarations du Tiers état et de son projet d’assemblée nationale constituante. - “Une décision suscitée par la bourgeoisie du club des Jacobins qui ne rêve que d’une chose : accéder au pouvoir ! ” disent les uns. - “Oui et elle est soutenue par Mirabeau, l’orateur du peuple” vocifèrent les autres. Les nouvelles déambulent dans les petites rues jusque sur les places où grouille une population à l’écoute de ces petits comptoirs à palabres de la vie quotidienne. Les rumeurs investissent ainsi tous les lieux publics où certains orateurs, plus concernés que d’autres, haranguent les personnes qui s’élèvent contre leurs discours.

sombrer dans l’anarchie …” Un peu abasourdi, le Père Thayer pressa le pas et s’éloigna loin des bruits de la foule. Il arrive bientôt en vue de la rue Férou et de celle du Pot-de-Fer à la porte du séminaire de Saint-Sulpice. Son ancien supérieur, le Père Charles Nagot, l’accueille fort surpris de le voir ainsi à Paris avant même qu’il eût pu lui donner avis de son retour… Heureux d’être à nouveau en sa présence, John annonce au Père Nagot la bonne nouvelle reçue d’Amérique : - “Je vais aider et servir mes compatriotes qui ne connaissent pas l’église catholique. Mon souhait prédominant, le seul désir qui me tienne à cœur est d’accroître, autant que faire se peut, la prédominance de la foi véritable qui me réjouit et me réconforte à présent. Je n’ai pas d’autre ambition en dehors de cela ; C’est dans ce but que je rentre dans mon pays, avec l’espoir, malgré mon indignité, d’être l’instrument de la conversion de mes compatriotes ; ma conviction de la vérité de l’Eglise catholique de Rome et ma gratitude envers cet appel de la grâce vers la foi véritable sont telles que je les scellerais volontiers avec mon sang, si Dieu m’accordait cette faveur, et je ne doute pas qu’il me permette de le faire.”

- “ Voilà bien un signe du ciel, mon cher enfant, tu repars en Amérique au moment où l’église de France est menacée dans sa liberté, et dans son existence même. Les événements ici montrent combien l’heure est grave. Le roi Louis XVI a tenu une séance royale et résiste à l’épreuve de force du Tiers - “Mirabeau ! Mirabeau veut vous donner état, je pressens une menace grandissante et une constitution afin d’éviter à la France de de sombres jours pour la France,

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et ils me semble qu’ils sont déjà aux portes de la capitale.” Le Père Emery et lui-même devaient suivre de très près et avec lucidité tous les événements qui se produisaient à Paris à cette époque. Dans les rues circulait une rumeur annoncant une révolte dans le Brabant et faisant état de troupes envoyées par l’empereur Joseph II; apparemment les soldats occupaient Bruxelles. La misère est partout considérable et n’épargne personne. Le peuple a faim et des émeutes éclatent un peu partout. L’hiver 1788-1789 fut particulièrement froid, la France grelotte; nombreux sont ceux que l’on retrouve morts de faim et de froid un peu partout, parfois même à deux pas de leur maison, quand ils en ont une... Le Père John décida de rester au séminaire 10 8

et d’y attendre le moment de son embarquement.” Sans attendre, dès le lendemain, John Thayer écoutant les conseils du Père Nagot, prit la décision de régler rapidement les formalités pour embarquer à Nantes. C’est dans cette ville que l’on équipait plusieurs bâtiments, en partance pour Boston ou pour quelque autre ville des Etats-Unis. C’est donc au séminaire qu’il attendit le moment du départ. L’Abbé John Thayer se mit en route le 8 juillet 1789, faisant un adieu attristé au Père Charles Nagot, quittant Paris, où s’étaient massées à la demande du roi, d’importantes troupes du régiment suisse. John prit le chemin d’Orléans et de Tours, afin de visiter le tombeau de saint Martin


Il y a une pensée qui arrête la pensée, et c’est à celle là qu’il faut faire obstacle. C’est le mal suprême contre lequel toute autorité religieuse a lutté. Ce mal n’apparaît qu’à la fin d’époques décadentes comme la nôtre... Gilbert Keith Chesterton (Photo: vue du port de Nantes.)

et de recommander sa mission à ce Thaumaturge des Gaules. Les personnes pieuses de ces deux villes qui avaient entendu parler de lui et de sa conversion se sont empressées de le rencontrer et de s’entretenir avec lui. Plusieurs ont même contribué généreusement aux frais de sa mission, en lui fournissant des ornements, des vases sacrés et des livres. Il arriva à Nantes peu après … Il y trouva le même zèle, et personne n’en a plus témoigné que l’évêque de cette ville, Monseigneur Charles Eutrope de la Laurencie. En effet, partout où passait le Père Thayer, des attroupements se formaient autour de lui pour l’écouter. Sa renommée était si grande que les gens venaient le consulter afin de voir les chan-

gements que la grâce divine avait opérés en lui. Chacun de ceux qui le rencontrèrent purent constater avec quelle confiance et abandon à la Providence, il se préparait au départ pour l’Amérique, un pays qui, disait-on, n’était peuplé que de protestants hostiles à l’Eglise catholique. Le Père John Thayer était joyeux, plus joyeux encore qu’un héritier voulant prendre possession d’un riche héritage. Il leur répondait d’un air heureux que sa tâche était d’annoncer l’évangile de Jésus-Christ, et pour cela: - “J’ai besoin de vos prières”... Lorsqu’enfin l’heure de l’embarquement arriva, il quitta chacun avec l’espoir secret de les revoir tous un jour... En guise de clôture, le Père Charles Nagot ajoute dans sa lettre cette parole de l’apôtre Paul aux Galates: « Celui qui nous persécutait naguère annonce aujourd’hui la foi qu’il cherchait alors à détruire. » 109


ANNO DOMINI

1789

RETOUR EN AMÉRIQUE

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Mais Dieu appelait son prêtre dans une autre terre, et quoiqu’il lui en coûtât infiniment pour s’arracher à son cher troupeau, il leur dit le dernier adieu... - John Thayer 111


“Il faut se souvenir que d’aucuns critiquèrent ce qui survint au Père John Thayer à son arrivée en Amérique le 4 Janvier 1790 en tant que prêtre catholique ordonné. Ce qui entrait vraiment en vigueur à ce stade, c’est ce à quoi il croyait être appelé par Dieu alors que ce que Mgr l’évêque John Carroll, fraîchement nommé, attendrait de lui et lui ordonnerait de faire serait tout le contraire .” Marcus Grodi

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BOSTON 4 Janvier 1790

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était protestant. Le capitaine n’est certes pas décidé, comme le second, à embrasser la religion catholique; mais il pense très sérieusement au parti qu’il doit prendre. Quant aux matelots, ils m’ont écouté mais c’est tout ce que j’ai pu obtenir d’eux: ils sont trop livrés à leur sens pour oser goûter aux maximes de l’évangile. n arrivant à Baltimore (ville du nord-est des États-Unis située dans l’État du Maryland), je vais partir avec le Père John Caroll qui vient d’être élu évêque des nouveaux États. De là, nous nous rendrons à Philadelphie, et enfin, je me rendrai à Boston. Je vous informerai de ce qui pourra le plus vous intéresser une fois arrivé.

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elques mois après son départ vers Boston, le Père Charles Nagot reçut enfin les nouvelles tant attendues du Père John Thayer: elles étaient datées du 12 février 1790, jour où il fait part de sa traversée: - “ Me voici, cher Père, enfin arrivé à Baltimore, et ceci après onze semaines de navigation. Traversée qui fût fort pénible. Nous avons eu des vents affreux et essuyé les plus terribles tempêtes. Au vingtième jour, nous étions encore dans la baie de Biscaye. Mis à part les trois premiers jours, je n’ai presque pas éprouvé le mal de mer et ceci malgré les mouvements violents du vaisseau”.

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ieu m’a fait la grâce de pouvoir dire la messe chaque jour: ce qui m’a consolé de la longueur et de la difficulté du voyage . Le capitaine et le lieutenant de bord furent très serviables avec moi; je n’ai pas entendu une seule parole licencieuse de leur bouche et j’ai pu m’entretenir très souvent avec eux de religion bien que chacun d’eux

Boston, lorsque la Constitution du Massachusetts a pris effet en 1780, il est devenu légal pour les catholiques de pratiquer publiquement leur culte. Avant cette date, la ville était violemment anticatholique. La première congrégation catholique romaine a été assemblée en 1784, parmi les quelques Français et Irlandais alors en petit nombre et résidant dans la ville; l’abbé Claude Florent Bouchard de la Poterie, né en France, prêtre, docteur en théologie et missionnaire apostolique arriva à Boston l’été 1788 comme aumônier de la marine française. En l’an 1788, en remontant la rue des écoles (School Street) au n° 18 vers Tremont, il y avait une petite église des Huguenots français de Boston. C’était l’église des Sieurs Faneuil, Baudoin, Boutineau, Sigourney et Johonnot ; leurs lignées ne sont pas tout à fait éteintes même si l’orthographe des noms a changé pour certains. L’église avait été construite en briques, aux alentours de 1704 ; elle était très petite et la ville s’était opposée pendant longtemps à sa construction. Avant cela, les Français avaient occupé l’un des bâtiments scolaires. Et la reine Anne avait offert une grande bible infolio à cette église qui devint plus tard la propriété du Rev. Mather Byles et


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Andrew Faneuil y céda dans ses dernières volontés trois assiettes pour la communion et le baptême ainsi que son entrepôt dans la King Street. e Rev. Pierre Daillé en fut le premier pasteur, il décéda en 1715 et un certain Rev. Le Mercier lui succéda. Un incident singulier conduisit à la découverte de la pierre tombale de Daillé. Lors de travaux d’excavation dans l’immeuble Emmons sur la Pleasant Street, des ouvriers découvrirent la pierre qui recélait l’inscription suivante …

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Here Iyes ye body of ye Reverend Mr. Peter Daille minister of ye French church in Boston died the 21 of May 1715 In the 67 year Of his sage. Après la dissolution de la société, l’église française tomba aux mains de la 11ème « Congregational Society » qui surgit lors de la grande effervescence provoquée par l’arrivée de Whitefield. Mr. Croswell en fut le pasteur; il mourut en 1785 et le bâtiment fut acheté et transmis aux catholiques romains par l’Abbé Claude de la Poterie qui en obtint la concession. Elle fut ouverte le jour de la Toussaint, et l’Abbé de la Poterie y célébra le 22 novembre 1788 la première messe catholique célébrée à Boston. Le rapport de la célébration de la première messe à cette date peut être lu dans le “Boston Chronicle Independent” du 6 novembre 1788.

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a chapelle fut placée sous le patronage de la Sainte-Croix du fait que l’Abbé de la Poterie qui la desservait y avait installé une relique qu’il avait ramenée de France, celle de la Sainte Croix.

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ais au bout de quelque temps de ministère, la paroisse fut fortement endettée à la suite du comportement étrange du Père Claude de la Poterie. Alors, afin d’aider à l’établissement de cette communauté, des souscriptions ont été reçues en provenance du Canada, et l’archevêque de Paris, en réponse à un appel de la petite colonie française à Boston, il envoya des vêtements liturgiques et du mobilier pour l’autel. Il a également averti Mgr Carroll que l’Abbé de la Poterie était un prêtre indigne de sa charge. Sa conduite à Boston le prouva par la suite, et le préfet apostolique, voyant qu’il avait été installé comme pasteur de la communauté, a envoyé le révérend William O’Brien, OP, de New York à Boston pour suspendre de la Poterie. S’ensuivit un violent pamphlet, imprimé à Philadelphie (1789), intitulé: “ To the new Laurent Ricci in America, the Rev. fr. John Carroll, Superior of the Jesuits in the United States, also to the Friar-Monk-Inquisitor, William O’Brien.” L’Abbé de la Poterie s’y représente comme victime de leurs ruses. Entre-temps, il fut l’objet d’une enquête auprès de l’autorité religieuse du fait de ses propos inacceptables. yant grandement endetté l’église de Boston, il ne pouvait espérer l’indulgence de sa hiérarchie, surtout après s’être aliéné le Père John Carroll, supérieur de la mission des ÉtatsUnis d’Amérique qui résidait à Baltimore avec son pamphlet que l’Abbé de la Poterie avait édité et vendu deux schillings l’édition, où il éclaboussait aussi le consul de France à Boston. Sa situation s’aggrava lorsqu’on apprit par le biais de Mgr de Juigné, archevêque de Paris, et d’autres sources venant alourdir les chefs d’accusation, que son ministère n’était pas digne de par sa conduite inappropriée, et apparemment immorale… On apprit également qu’il avait déserté la marine française et qu’il utilisait un titre de noblesse (de la Poterie) qu’il n’avait pas le droit de porter. Il fut reconnu comme personnage « déviant »

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qui avait le talent de se rendre ridicule. À la suite de cette information, ainsi que ce qu’il apprit par la suite sur la conduite de l’Abbé de la Poterie à Boston, Mgr John Carroll le suspendit de ses fonctions dans une lettre datant du 20 mai 1789. L’Abbé Claude de la Poterie, après avoir essayé sans succès de créer la division et la zizanie dans la petite communauté catholique, quitta Boston le 8 juillet 1789 et partit, via New-York, en direction de la ville de Québec pour y reprendre son ministère sacerdotal mais les instances religieuses du Canada le refusèrent.

Rousselet s’il acceptait la charge de la paroisse de la rue des écoles (School Street). L’Abbé Rousselet qui résidait avant cette date à Philadelphie répondit positivement à sa demande et arriva à Boston pour y prendre ses fonctions début septembre 1789.

L

e Père de la Poterie rentra à Boston, vers cette période de décembre 1789 et, en dépit de ses suspensions en France et aux Etats-Unis, il insista pour participer activement aux services de la veille de Noël, instaurant ainsi une confrontation des prêtres catholiques Boston, afin de rétablir une avec l’autorité de l’église et du Père John présence catholique, le Père Carroll Carroll, ce qui suscita l’étonnement de la demanda de nouveau au Père Louis communauté catholique de la ville.

A

Dieu m’a fait la grâce de pouvoir dire la messe chaque jour: ce qui m’a consolé de la longueur et de la difficulté du voyage. Le capitaine et le lieutenant de bord furent très serviables avec moi; je n’ai pas entendu une seule parole licencieuse de leur bouche et j’ai pu m’entretenir très souvent avec eux de religion bien que chacun d’eux était protestant”. John Thayer

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U

ne seconde lettre du Père John Thayer, datée de Boston, le 17 juillet 1790, est parvenue au Père Charles Nagot fin septembre 1790. En voici la transcription: “Je suis arrivé, m’écrit-il, à Boston, le 4 janvier 1790. J’y ai été reçu partout de la manière la plus flatteuse. Ma famille m’a témoigné la plus grande joie à mon retour. Et le gouverneur de la ville, monsieur John Hancock, dont j’ai été autrefois l’aumônier, m’a promis de faire tout ce qui dépendrait de lui pour seconder mes vues et favoriser l’œuvre qui m’avait appelé à Boston. Je n’ai reçu que des honnêtetés de tous les ministres de la ville: plusieurs m’ont visité, et ils l’ont fait avec un ton de cordialité auquel je ne devais pas m’attendre. Les officiers de la douane ont porté la politesse à mon égard jusqu’à ne vouloir rien prendre pour les caisses, quoique grandes et en assez grand nombre, que j’ai fait venir de France et d’Angleterre; parce qu’ils ont considéré tout ce qu’elles renfermaient comme des choses nécessaires destinées à des usages sacrés.” “ Dès le premier dimanche après mon arrivée, j’ai prêché la parole de Dieu. On est venu en foule pour m’entendre.” ’arrivée du Père John Thayer comme prêtre de l’église catholique romaine dans la ville de Boston, sa présence et son indéniable zèle ont fait augmenter immédiatement la taille et le niveau d’activité de la communauté catholique de Boston. De plus en plus d’Irlandais fréquentèrent l’église et firent baptiser leurs enfants et quelques protestants furent captivés à cause de l’histoire du Père Thayer en NouvelleAngleterre. Dans ses sermons, il révéla son grand talent de polémiste persuasif, mais sans un certain tact. Il imprima des tracts, des articles dans les journaux consacrés à la défense de l’Église catholique et à ses enseignements. Il fit tellement sensation parmi le peuple, que même au-delà des limites de Boston, nous en retrouvons la trace comme on peut le voir dans la note suivante du Rev. William Bentley,

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pasteur protestant de Salem : Salem : note du 7 janvier 1790. Samedi dernier, Monsieur John Thayer fraîchement converti, arriva à Boston. Son apparence suscita beaucoup de curiosité. L’église de Salem a été fondée par des nations variées. La France, le Portugal, l’Italie, la Corse, l’Irlande, l’Angleterre et l’Espagne y étaient présents, ainsi que le Canada et surtout des exilés acadiens (Nova Scotia). Lorsqu’en 1755, environ 2000 Acadiens catholiques de lignée française furent bannis de Nouvelle-Écosse, ils se dispersèrent dans différents endroits le long de l’Atlantique. Ils reçurent peu d’encouragement de la part des colons anglais en raison de la haine de la religion catholique et de leur antipathie pour ces exilés, sans abri, sans amis, et misérables ; mais au cours des dix ans qui suivirent, 150 d’entre eux s’installèrent dans et autour de Salem. Le magnanime gouverneur du Massachusetts permit également à plusieurs de ces familles de se rassembler et ce, à plusieurs reprises, pour dire des prières selon leur culte catholique, mais ils n’étaient autorisés en aucun cas à y tenir des services religieux publics fréquentés par un prêtre catholique. En 1895, James s. Sullivan, dans un livre « The Catholic Church of New England Archidiocese of Boston » nous révèle : « Il n’y a aucun doute que si les Acadiens avaient abandonné leur foi catholique pour devenir protestants, ils auraient reçu la bonne volonté de toute l’assistance du peuple de Salem », mais préférant rester fidèle à leurs convictions, ils restèrent des citoyens « indésirables ». Ce sentiment à leur égard a finalement abouti à ce que la population protestante de Salem attendît d’eux ; environ la moitié des Acadiens partirent pour le Canada en 1766. Cependant, quelques-uns sont restés


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Mais le pauvre, assoiffé d’amour, celui qui espère, viendra vers toi les mains jointes, le malade et le boiteux viendront vers toi. Le prêcheur, les parents dont les enfants sont perdus et apeurés ; mon ami qui boit pour oublier ses soucis ; les gens qui souffrent de l’injustice ; ils devraient venir vers toi. Ils vendent le monde pour de la littérature et s’enrichissent grâce aux besoins d’autrui.” Albert Helman

avec l’espoir de pouvoir, un jour, être considérés comme les autres. L’histoire nous démontrera plus tard qu’ils furent les premiers fondateurs de la catholicité à Salem, grâce à leur persévérance. Les 25 années suivantes ont apporté une grande prospérité à Salem. Son port commercial a permis un échange culturel important au sein d’une communauté renfermée sur elle-même. L’activité commerciale fit grandir un esprit plus tolérant pour les catholiques. Et finalement en 1790, un quaker du nom de William Northey donna aux catholiques de Salem la permission de tenir leur culte en public et d’y faire venir un prêtre, un privilège qui leur avait été jusqu’ici refusé. À Salem à cette époque, la population était d’environ huit mille âmes et l’esprit de bienveillance envers les catholiques avait grandi surtout parmi la branche libérale de l’Église protestante présidée à Salem par un pasteur éminent, le Rev. William Bentley, doté d’une grande largeur d’esprit tant intellectuelle qu’humaine. Il était intéressé par tout ce qui pouvait profiter au développement culturel et intellectuel des gens de sa ville.

doute aussi une réponse à ses aspirations libérales. Et les catholiques de Salem sont redevables à ces deux personnages charismatiques. Voici la transcription de la lettre du Père John Thayer, adressée au Rev. William Bentley : Monsieur le Révérend, C’est avec plaisir que je saisis l’occasion de me rappeler à votre souvenir du fait de ma longue absence pendant laquelle vous m’avez peut-être oublié. Je vous informe que j’ai l’intention de bientôt visiter Salem, d’y dire la messe et d’y prêcher. J’aimerais savoir le nombre de catholiques sur place et si je pouvais trouver un logement décent, calme et bon marché dans une famille protestante de votre connaissance. Est-il possible de trouver un endroit convenable, adapté à l’exercice de mes fonctions de prêtrise ecclésiastiques. Je prends la liberté de m’adresser à vous à cet effet puisque je connais votre point de vue au sujet des catholiques ainsi que la liberté de votre façon de pensée. Recevez, l’expression de mes sentiments respectueux.

Un jour, il reçut la lettre suivante d’un ami, le Père John Thayer, qu’il avait bien connu à Votre très humble ami et serviteur Boston dans le passé lorsqu’il était un tout John Thayer, prêtre. jeune pasteur protestant. Cette lettre suscita en lui une merveilleuse opportunité, et sans Boston, le 15 avril 1790

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Rev. William Bentley (June 22, 1759, Boston, Massachusetts – December 29, 1819, Salem, Massachusetts) was an American Unitarian minister, scholar, columnist, and diarist. He was a polymath who possessed the second best library in the United States (after that of Thomas Jefferson), and was an indefatigable reader and collector of information at the local national and international level. 12 2


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La réponse du Rev. William Bentley ne se fit pas attendre. Voici la transcription de sa lettre en réponse de la demande du Père John Thayer : Cher Révérend, J’ai reçu votre lettre du 15 de ce mois. Je désire ardemment que chaque homme aime sa religion, non par tolérance, mais selon le droit inaliénable de sa nature. J’ai communiqué votre lettre à deux personnes de choix et je vous garantis toute la protection que la police interne peut vous donner. En ce qui concerne le logement, si vous me le demandez, je vous donnerai toutes les informations qui sont en mon pouvoir et nous consulterons ensuite l’emplacement d’une paroisse. Comme il y a plusieurs sociétés religieuses de dénominations différentes dans la ville et les catholiques n’ayant pas d’endroit approprié, je ne peux mentionner qu’une petite part, à ma connaissance qui fait partie de la paroisse selon les rites et cérémonies de l’église anglaise. - Mr. Franck, corse - Emmanuel Chisnell, portugais - Mr. Peter Barrasi, italien - Mr. Battoun, français - Madame Roux et ses fils, français - Mr. D. et J. Longevin, canadiens - Mr. Devine, déménagé à Beverly, irlandais Vous pourriez, en parlant avec eux, vous renseigner sur leur nombre total sur place et aux alentours. Votre dévoué serviteur William Bentley. Deux semaines plus tard, le mercredi 5 mai 1790, le Père John Thayer arriva à Salem. Il y fut gentiment accueilli par son ami de longue date, le révérend William Bentley. Ils allèrent chercher ensemble les catholiques, une population par ailleurs

alors très pauvre à Salem et qui n’avait pas d’endroit convenable pour recevoir le Père Thayer et s’en occuper. Le bon révérend Bentley l’invita cordialement à partager ses appartements dans une pension de Crowninshield, une maison tout en bois, dans l’Essex Street, exactement située à l’opposé du début de l’Union Street. Le matin suivant, jeudi 6 mai 1790, le petit groupe de catholiques rassemblés afin d’assister pour la première fois à la messe, présidé par un prêtre connu à l’époque pour sa conversion spectaculaire, équivalente à celle de Saint-Pierre et Saint Paul grâce à la providence divine, se rassemblèrent (environ une vingtaine de personnes) différentes en langues, nationalités, caractères, goûts, habitudes, habillement et ambitions, mais elles étaient toutes unies par le cœur et l’esprit et comprenant bien le sens du « Saint Sacrifice », prêtes à écouter les paroles de l’apôtre de Rome (John Thayer). Le Révérend William Bentley, luimême, était présent, avec quelques amis. Ils représentaient la communauté protestante lors de cette première messe catholique célébrée à Salem par le Père John Thayer. L’endroit choisi pour cette rencontre demeure incertain puisque le seul journal local de Salem ne daigne même pas mentionner cet événement historique, et le manuscrit, où furent consignés les détails, n’en parle pas. Cependant, il y a une tradition à Salem qui dit se souvenir du vieux bâtiment en briques au coin d’Essex et d’Union Street qui avait été le lieu de la première messe du Père Thayer dans cette même ville. Il ressort dans l’étude de la correspondance de Bentley et de Thayer que les catholiques de Salem ne s’étaient jamais rassemblés avant cette date (6 mai 1790). Il existe un témoignage décrivant que, quand l’heure de faire cette célébration arriva, le Père John Thayer demanda dans l’assistance un volontaire pour l’aider à servir la messe et bien que beaucoup eussent été heureux d’accepter, un seul eut ce privilège, ce fut un « étranger irlandais », ce qui renforça la profession de 123


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foi de ce dernier. Faute de témoignage, je ne peux qu’imaginer le caractère merveilleux de ce premier office. Les paroissiens furent sans doute impressionnés par le visage rayonnant de ce premier prêtre catholique et ancien pasteur calviniste, issu de ceux-là mêmes qui leur avaient interdit l’exercice de leur religion. Ce soir-là, le Père John Thayer, après avoir passé la chasuble et l’étole, prononça pour la première fois devant eux 12 4

à Salem, les paroles de la liturgie catholique. Ce qu’ont pu ressentir alors les esprits et les cœurs est certainement aussi puissant que la promesse qu’ils leur apportaient au nom du Christ, leur confiant par le biais de son sermon qu’il était ici en tant que porteur de la grâce et pour cela, il se devait d’obéir à la Providence Divine. Il leur décrivit très certainement les détails de sa conversion à Rome, et comme pour l’apôtre Paul, Dieu


Le Peabody-Essex Museum est un musée, situé dans la ville de Salem, dans l'État du Massachusetts. Le musée contient de très nombreuses collections et notamment des livres, et manuscrits rares, une collection comportant plus d’un demi million d’images. Le Peabody-Essex Museum possède également vingt-quatre structures historiques et jardins, dont la maison “ Crowninshield” du Rev. William Bentley. Page suivante: photos de l’intérieur de la maison. Photographie 1 Le salon Photographie 2 Le bureau du Rev. William Bentley

voulait se servir de lui pour l’employer à son œuvre, leur expliquant qu’Il avait choisi celui qui, comme lui, est le plus engagé dans l’épreuve. Je suis venu pour vous au nom du Seigneur Jésus Christ, j’ai prié pour vous tous, j’ai prié pour toi et pour toi aussi aurait-il pu dire en scrutant du regard l’émouvante clarté inondant les visages de ces hommes et de ces femmes un peu abasourdis par la bonté et la grâce

de ce prêtre tourné vers eux et qui se disait prêt à les bénir selon les pensées de Dieu. Le Père John Thayer ne désirait qu’une seule chose, ne poursuivant qu’un seul but, l’espoir de convertir chacune des personnes présentes au message d’espoir de l’évangile. Le jour suivant, après la célébration de la messe, le Rev. Bentley invita le Père Thayer à rendre visite au révérend Oliver, un ami ecclésiastique à Beverly. Ce Rev. Oliver est 125


1 un esprit bigot, ignorant, et ses propos en présence de John Thayer n’étaient pas faits pour le réjouir. faisait remarquer le Rev. Bentley dans ses écrits. Avant son départ, le Père Thayer souhaitait agir pendant son absence sur les habitants de Salem, sous la garde de son ami, le Rev. Bentley, et par l’intermédiaire de la « première bibliothèque catholique » qui honorerait et augmenterait la réputation littéraire et éducatrice de la ville de Salem. Voici la liste des ouvrages laissés par le Père John Thayer à la bibliothèque de Salem : -49 copies de la conversion de John Thayer. -47 copies des fondements de la doctrine catholique. -35 copies des représentants papistes. - 37 copies de l’histoire du protestantisme. -11 copies des chrétiens catholiques. -15 copies des principes véritables des catholiques. -50 copies des Ordinaires de la messe. -37 copies de la Cité de Dieu -11 copies des Fondements de l’ancienne 12 6

religion. -49 copies Douay catechisms. (Le catéchisme de Douai.) -49 copies des prières de John Thayer. -2 copies Gother’s Prayers. (prières de Gother, 3 volumes, chaque bande) -4 copies The Poor Man’s Posey of Prayers. (la prière de l’homme pauvre 1769) -5 copies Manuel of Prayers. (manuel de prières) -5 copies du jardin de l’âme -1 copie des Variations de Bossuet (2 volumes, 27 grains de chapelet) Un ornement complet en couleur, une manipule, une chasuble, une étole, un voile, une ceinture, une bourse contenant un drap mortuaire, un corporal, un amict purificatoire, un lavabo, une aube ainsi qu’une étole séparée. (D’après le livre : « The Diary of William Bentley, D. D., Pastor of the East Church, Salem, Massachusetts » Nous ne savons pas tout le bien que fit cette sélection de livres. Quelques-uns étaient des œuvres standards pour l’époque riche en controverses, d’autres décrivaient la paroisse catholique dans son entier, les


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les rites et les cérémonies mineures. D’autres étaient dédiées à la dévotion. D’autres expliquaient le processus de la conversion. D’autres décrivaient entièrement la doctrine et les pratiques catholiques. Ces volumes ont fait leur œuvre en silence et perdurent encore certainement dans la cité. Ces anciens volumes missionnaires évoquent toujours le pieux souvenir de cette mémorable visite. Le Père John Thayer quitta Salem l’aprèsmidi du vendredi 14 mai 1790 à 14 heures et rentra à Boston. Après quoi l’église fut fondée, les premières graines furent semées sur un sol difficile par le Père John Thayer et bien que les détails nous manquent, nous pouvons contempler, à travers le temps et les circonstances, les premiers efforts avec fierté. En fait, il n’y avait pas qu’une seule église catholique en Nouvelle-Angleterre

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: il y avait environ cent catholiques à Boston. Salem fut le premier endroit en dehors de Boston à être visité par le premier prêtre catholique américain de Boston, le Père John Thayer. La visite suivante du Père Thayer n’en fut pas moins remarquable. Elle eut lieu le mardi 29 juin 1790 ; il arriva à Salem encore plus déterminé à diffuser la foi catholique. C’était la fête du martyre de saint Pierre et saint Paul à Rome. Très inspiré par la vie de ces premiers apôtres, il avait lu devant l’assistance, la voix remplie d’une grande émotion, cette parole du Christ, évoquée dans l’évangile selon Saint Mathieu : « Jésus était venu dans la région de Césarée-de-Philippe, et il demandait à ses disciples : Le Fils de l’homme, qui estil, d’après ce que disent les hommes ? Ils répondirent : « Pour les uns, il est Jean Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres

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Early scene along the Salem waterfront, Salem, Massachusetts

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encore, Jérémie ou l’un des prophètes. » Jésus leur dit : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » Prenant la parole, SimonPierre déclara : « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant ! » Prenant la parole à son tour, Jésus lui déclara : « Heureux es-tu, Simon, fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux. Et moi, je te le déclare : tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. » Alors, il ordonna aux disciples de ne dire à personne qu’il était le Messie. À partir de ce moment, Jésus le Christ commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait partir pour Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des chefs des prêtres et des scribes, être tué, et le troisième jour ressusciter. » (Matthieu, chapitre 16, versets 13 à 23). Restant un instant sur cette parole « et sur cette pierre je bâtirai mon église. » Et il mêla ces paroles de l’évangile à celles de l’antienne, « Le saint apôtre Paul, prêcheur de vérité et docteur des nations, intercède pour nous devant le trône de Dieu. » Ces paroles résonnaient encore dans ses oreilles et remplissaient son âme avec 129


le zèle, la ferveur et le courage des deux apôtres. Le Père Thayer alla chez le Rev. William Bentley et lui notifia son souhait de s’adresser au public. Le Rev. Bentley, accédant à sa demande, l’accompagna chez le président William Northey, qui lui délivra la permission d’utiliser la salle du tribunal pour son discours. Le soir suivant, ce jour-là a renforcé l’inspiration du Père. Il donne son office en entier, le 30 juin dans le but de révéler aux catholiques présents, évoquant le tout dans les mots mêmes de l'apôtre, la vocation, les travaux, les jugements et la foi sans bornes du grand saint Paul. La nouvelle se répandit très vite dans la ville de Salem et la salle fut bondée de presque tous les gentilshommes accourus en masse vers cet endroit. Il y eut même des personnes de Marblehead et de Beverly, le révérend Oliver inclus, pour assister à cet office. Le Père Thayer apparut, s’agenouilla et lança une courte prière et commença ensuite un sermon dans lequel il mettait le point de divergence entre l’Église catholique et l’Église réformée, et naturellement, il choisit le thème de discussion qui posait problème « La confession », « La lecture des Écritures saintes et d’autres sujets divers. » Son élocution, le ton convaincant et la façon d’exprimer sa vérité lui attira des ennemis silencieux, des opposants dans Salem et ses environs. (Ce fut là

que ses ennuis commencèrent). Il était cependant heureux d’avoir pu exposer son enseignement et à l’instar de saint Paul, il voulait disperser les graines et les laissaient germer chaque jour que Dieu fait. Les journaux de la ville, indifférents au sujet du Père Thayer, ne firent pas mention de cet événement. Son ami le Rev. William Bentley fut obligé de s’élever contre tous les préjugés présents dans les esprits bornés de certains protestants en raison de l’aide et de la protection qu’il offrait au Père John Thayer. (Certains protestants voyaient en John Thayer un ennemi redoutable et dangereux pour leur doctrine) Un mois plus tard, le Père Thayer revint à Salem le samedi 25 juillet 1790 et y resta 3 jours. Il prêcha la messe du samedi et du dimanche, vraisemblablement dans la maison d’une famille catholique de la cité, ne voulant plus prendre logement chez son ami Bentley afin de ne pas lui attirer de nouveaux ennuis. Il lui rendit visite discrètement le lundi 27 juillet 1790 avant son départ et lui fit part de son projet d’ouvrir une église catholique à Salem. Mais autant que nous sachions, il ne put trouver les fonds nécessaires à sa construction. Il n’existe pas de trace officielle d’une visite du Père Thayer après cette date, mais il est fort probable qu’il revint plusieurs fois à Salem.

Eglise protestante de Salem où officia le Rev. William Bentley.

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Ce bâtiment est probablement le lieu de la première messe catholique de Salem, célébrée par le Père John Thayer.

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Pope Night à Boston (vers 1775). Sur le chariot, une effigie du pape et du diable. Les jeunes étudiants défilent pour les brûler dans un feu de joie à la nuit tombée. Cette fête commémore, tous les 5 novembre, l’échec d’un complot catholique datant de 1605 au village de Wye dans le Kent (Gunpowder Treason), visant à assassiner le roi protestant, James I”. Exportée par les premiers colons, elle devint le prétexte d’une fête anti-papiste très célèbre en Nouvelle-Angleterre”.

U

n récit intéressant de La première messe à Boston est donné par un des amis, du Père John Thayer M. Samuel Breck, qui avait fait la connaissance de John Thayer à Paris, et, dans l’accomplissement d’une promesse qu’il lui avait faite, l’a aidé à équiper dans la rue des écoles la chapelle de la Sainte Croix de Boston qui avait été laissée en l’état par le Père de la Poterie. “Nous avons équipé une salle de réunion dans cette maison de la School street, qui a été construite en 1716, par des français huguenots, convertie en une chapelle papiste par le Père de la Poterie et baptisée par lui chapelle de la Sainte Croix.”

“N

fête anti-papiste avait été exportée par les premiers colons en Nouvelle-Angleterre, elle avait lieu tous les 5 novembre en mémoire de l’échec d’un complot catholique datant de 1605 au village de Wye dans le Kent (Gunpowder Treason) visant à assassiner le roi protestant James I”. J’ai assisté à la messe et participé à la quête de l’assemblée. (Cette lettre de M. Breck a été publiée dans “les recherches historiques catholiques américains” de janvier 1889.) Dans la suite de son récit au Père Nagot, John Thayer relate: “ Les Bostoniens sont fort curieux de savoir quelle est notre croyance. La tolérance entière accordée ici à toutes les confessions, m’a donné toute liberté de la faire connaître; mais je n’ai pu satisfaire longtemps la curiosité et l’empressement du peuple de Boston. Il n’y avait pas quinze jours que je demeurais dans cette ville, et il plut à Dieu de m’envoyer une maladie qui me retint au lit pendant plus d’un mois. C’était un rhumatisme dont les douleurs étaient fort aiguës. Le mal me parut si grave un jour, que je crus devoir demander le saint Viatique à un prêtre français avec qui je travaille ici à l’œuvre du Seigneur et de son Eglise. Je ne tardai pas à me rétablir; et dès que j’en eus la force , j’usai de la permission qui m’avoit été accordée de dire la Messe dans ma chambre.”

ous avons pour cela reçu l’argent nécessaire d’une souscription que nous avions organisée, argent avec lequel nous aménageâmes la salle de la sacristie en érigeant une chaire et un autel qui fut meublé, ainsi que des sièges et de quelques bancs achetés”. “Et voila comment cet ancien petit temple, qui avait servi d’étable aux Britanniques en 1775, était une fois de plus consacrée aux besoins de la religion”. “Cette première messe publique à Boston a été célébrée au milieu d’un grand concours de personnes de tous horizons”. “Et ce dans une ville où il y a seulement treize ans, le Pape et le Diable étaient selon la coutume annuelle, promenés dans les rues lors de la “ PopeNight.” Durant cette journée, les jeunes, étudiants et apprentis défilaient dans un ès que ma santé me l’a permis, spectacle ridicule et méprisant, avec des le 10 juin 1790, j’ai pris effigies du pape et du diable pour les brûler officiellement mes fonctions à dans un feu de joie à la nuit tombée. Cette Boston, prêchant, confessant et visitant

“D

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le peu de brebis qui composent mon troupeau naissant. C’est toujours avec le même empressement que des protestants viennent m’entendre prêcher ; mais le grand nombre s’en tient là. L’indifférence et la philosophie qui règnent ici, autant que partout ailleurs, sont un obstacle au fruit de la prédication qu’il est bien difficile de détruire; obstacle toutefois qui ne me décourage pas. J’ai eu la joie de recevoir quelques abjurations et nos chers néophytes me remplissent de consolation par la sainteté de leur vie. Environ une centaine de catholiques français, irlandais et américains, voilà de quoi est formée jusqu’à présent notre Eglise; j’en vois à peu près une douzaine entendre la Messe tous les jours. J’instruis quelques protestants que j’espère rendre à notre mère commune. Si Dieu daigne multiplier ici le nombre de ses enfants, j’aurai le soin de vous en informer. Je recommande instamment notre mission à vos prières. Il faut des ouvriers pour la culture du vaste champ qui se trouve abandonné depuis si longtemps dans les Etats-Unis. Exhortez, cher Père Nagot, vos séminaristes à venir y exercer leur zèle, et inspirez-leur la généreuse ambition de conquérir à Notre-Seigneur les âmes qui vivent éloignées de son royaume.” Malheureusement la rivalité entre l’Abbé de la Poterie et le Père Rousselet se répercuta au Père Rousselet et au Père Thayer, le Français se rangeant du côté du premier et l’Irlandais avec le dernier. Après en avoir entendu parler par courrier, le Père Carroll convoqua le Père Rousselet le 1er juin 1790, seul pasteur à avoir été invité à Boston du fait de son ancienne résidence et de son âge, à la demande de sa congrégation. Le Père Thayer fut invité à s’installer dans un autre endroit de son choix. Ce qu’il refusa de faire et resta à Boston.

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n conséquence, comme le Père Thayer célébrait la messe et tenait d’autres services religieux dans l’église (School Street), le Père Rousselet

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exerça son ministère à partir du rectorat. Dans quelques cas, du moins, les partisans d’une faction n’utiliseraient pas les services spirituels des prêtres de l’autre faction. Alors que ce conflit était à son paroxysme, le Père Carroll reçut en Europe l’ordination épiscopale en tant que premier évêque de Baltimore, (élu par le clergé local en 1789 et confirmé peu après par le pape Pie VI. Ordonné évêque le 15 août 1790, il est chargé du diocèse de Baltimore, premier diocèse créé en Amérique du Nord). Ce qui incluait toute la NouvelleAngleterre. A son retour, il décida de se rendre à Boston en personne pour résoudre la complexe situation ecclésiale si mouvementée. Avant son départ pour la Nouvelle-Angleterre, il reçut le 9 mars 1791 des lettres en provenance de France et une copie d’une lettre de l’évêque de Coutances qui contenait des informations très préjudiciables à la personne du Père Rousselet. Le jour suivant, il écrivit au Père Rousselet en l’informant qu’à la réception de cette lettre tous les pouvoirs et facultés, qui lui avaient été attribués, étaient révoqués. Le jour même, il informa aussi le Père Thayer qu’il remplacerait le Père Rousselet comme pasteur.

T

outes les informations relatives aux catholiques dans cette période bostonienne est difficile à obtenir, en raison de la négligence des premiers colons et des prêtres à rédiger par écrit les récits ordonnés des événements, des souffrances, des privations et des travaux de ces pionniers de la foi catholique dans cette localité. Sans doute en est-il de même dans presque toutes les villes de la NouvelleAngleterre de l’époque. Néanmoins dans divers journaux et notamment le « The Sacred Heart Review » les numéros de 1791 et 1792 contiennent plusieurs lettres du Père Thayer, qui devaient être lues par tous les catholiques des nouveaux ÉtatsUnis d’Amérique. Ces documents peuvent être consultés à l’Institut d’Essex. Dans la Gazette de Salem, du mardi 21 juin 1791,


est parue une lettre datée du 20 juin en provenance de Boston qui dit: “ Ce jeudi, l’évêque Carroll a quitté Boston lors de sa visite ici, il a suspendu le Père Rousselet de ses fonctions ministérielles et a confirmé le Père John Thayer en tant que pasteur de l’Eglise catholique dans cette ville.” Un des premiers actes du Père Thayer, après avoir pris son pastorat, fut de lancer un défi à toute personne de le rencontrer dans une discussion (controverse) religieuse. Le Rev. George Lesslie, pasteur de l’église à Washington, New Hampshire, a accepté de relever ce défi et sa lettre apparaît dans la Gazette du 19 Juillet 1791. Il a été convenu de poursuivre la discussion dans les colonnes de la Gazette Essex. Le Père Thayer a ouvert la discussion en donnant un résumé de la doctrine catholique, à laquelle son adversaire a répondu en suggérant que la discussion devait se diriger vers un point de doctrine unique,

allant de l’un à l’autre, jusqu’à ce que l’une ou l’autre des parties se retire. Il a en outre suggéré qu’elle porte d’abord sur le dogme de l’infaillibilité, car il lui semblait que si cela pouvait être prouvé, le débat serait inutile. Le Père Thayer a accepté la suggestion, et la Gazette du 26 juillet 1791 contient sa première lettre, suivie par celles des 2, 9, 16 et 23 août. D’autres lettres du Père Thayer apparaissent le 30 août, les 13, 20 et 27 septembre. La dernière lettre du Père Thayer apparaît le 11 octobre 1791. Il continua en donnant, chaque semaine à Boston, des conférences sur la véracité de la foi catholique ; et ses discours, aussi sérieux qu’éloquents, attiraient de grandes foules de concitoyens protestants. Il publia de nouveau le récit de sa conversion dans un beau style bien détaillé où il décrivait les raisons précises et irréversibles qui l’avaient guidé vers cette étape importante de sa vie.

Suffolk Street Chapel, Boston 137


I

l s’engagea par la suite à transmettre ses propres convictions à ses compatriotes par le biais de la chaire et de la presse. Du fait de son zèle et de son manque de tact, il se mit à dos quelques pasteurs protestants ; il était toujours prêt à témoigner de “l’espoir qui l’animait.” Et il constatait encore avec mortification que les Américains, toujours si prompts à se fourvoyer dans des nouveautés de toutes espèces, ne changeaient pas rapidement d’opinions religieuses, tout particulièrement en matière de vieilles et pénibles habitudes. Il trouvait que conviction et conversion

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étaient deux choses bien distinctes ; et quoiqu’il pût s’enorgueillir d’avoir changé l’une, il n’était pas sûr d’avoir atteint l’autre.

S

es publications et notamment son livre “Controversy between the Rev. John Thayer, Catholic missionary, of Boston, and the Rev. George Lesslie, pastor of a church in Washington, New-Hampshire”. publié en 1792 relatant ses vivaces discussions avec le Pasteur George Lesslie, ses habiles et charitables excuses dans la presse de Boston furent les premières de la sorte dans l’Histoire de l’Amérique.


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Vrai ou faux, ce qu’on dit des hommes tient souvent autant de place dans leur vie et souvent dans leur destinée que ce qu’ils font. ( Les Misérables,Victor Hugo)

M

gr Carroll arriva à Boston aux alentours du 25 mai 1791 et y demeura environ trois semaines. Contre toute attente, il fut bien reçu par la population mais ne put pas colmater la brèche existant entre le Père Thayer et le Père Rousselet ainsi que leurs supporters respectifs. En fait, la situation se détériora au point d’aboutir à un schisme chez les opposants du volontaire et autoritaire Père Thayer. En résumé, à l’automne 1792, la communauté catholique de Boston s’est organisée autour d’un prêtre pendant quatre ans. Les deux premiers pasteurs, de

la Poterie et Rousselet, étaient des prêtres qui avaient été jadis suspendus en France et subiraient éventuellement une nouvelle suspension aux Etats-Unis par l’évêque Carroll.

L

e Père Thayer, troisième pasteur, engagea un combat contre le Père Rousselet pour le pastorat de Boston, une compétition qui divisait les paroissiens français et irlandais. L’une des conséquences désastreuses des escarmouches ecclésiastiques fut que seulement une centaine de catholiques de 139


5 RETOUR À BOSTON

Boston fréquentèrent la paroisse de cette église. L’arrivée à Boston du quatrième pasteur, le révérend Francis Anthony Matignon, le 20 août 1792, remédia à cette triste situation. Le Père Francis Matignon resterait à Boston jusqu’à sa mort, 26 ans plus tard. Le Père Matignon est considéré aujourd’hui comme le véritable fondateur de l’église catholique de NouvelleAngleterre. Le Père Matignon est né à Paris le 10 novembre 1753. Il a obtenu un diplôme en théologie à la Sorbonne et fut ordonné prêtre le 19 septembre 1778. Après son ordination, il retourna à l’université et obtint son doctorat en théologie en 1785. Ce prêtre érudit fut bientôt assigné à l’enseignement au très célèbre Collège de Navarre à Paris. Parmi ses pénitents se trouvait Jean-Louis Cheverus qui était, à cette époque, étudiant au collège Louis le Grand. Refusant de prendre part au soutien de la constitution civile du clergé demandé à tous les ecclésiastiques par le gouvernement révolutionnaire de France, le Père Matignon fuit d’abord en Angleterre et après une brève visite secrète à son retour en France, il partit pour les EtatsUnis, arriva à Baltimore le 24 juin 1792, avec trois autres prêtres français, tous Sulpiciens. L’évêque Carroll lui assigna un pasteur de Boston à son arrivée le 20 août 1792. Le Père François Ciquart, Sulpicien, l’un de ses compagnons à bord du bateau, accepta de travailler parmi les Américains originaires du Maine.

L

a fondation de l’église de NouvelleAngleterre reposait maintenant sur de saines bases. Une fois à Boston, le Père Matignon assuma tout de suite la charge de la paroisse. Le Père John Thayer qu’il remplaça, pressentant que “ Nul n’était prophète en son pays “, quitta Boston et, après avoir visité le Canada, il offrit de nouveau ses services à l’évêque Carroll pour quelque mission dans l’Union dont il pourrait être digne. Il l’envoya dans le Sud comme missionnaire au Norfolk et à Portsmouth en Virginie. Il n’y trouva cependant pas satisfaction.

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À Boston, le Père Louis Rousselet après avoir été destitué par l’évêque Carroll dans sa lettre du 10 mars 1791, alla dans le Maine pour administrer les natifs américains. Il fit ceci en dépit du fait que l’évêque Carroll lui avait ôté ses pouvoirs et facultés ecclésiales. Le Père Rousselet est aussi connu pour avoir exercé le ministère parmi les Français de Boston. Il rentra de ce voyage dans le Maine début décembre de cette année-là et revint ensuite administrer les natifs américains en été 1792. Début septembre de l’année suivante, il était de retour à Boston où il rencontra le nouveau pasteur, le Père Matignon, qui était arrivé dans cette ville le 20 août. L’abbé Rousselet fut tout de suite engagé par les Français aux convictions royalistes et ce, contre les idéaux de la Révolution Française, comme éditeur du deuxième journal français de Boston qui a commencé à publier le 10 décembre 1792. Au lieu d’une confrontation à laquelle on s’attendait entre l’ancien et le nouveau pasteur, le Père Matignon, grâce à sa gentillesse et à son tact, fut capable d’amener le Père Rousselet à régulariser son statut avec l’évêque Carroll. Ce fut accompli à la mi-janvier 1793 dans des conditions définies par l’évêque de Baltimore. Peu de temps après, le 19 janvier 1793, le Père Rousselet annonça officiellement qu’il arrêtait la publication de son journal et quittait Boston pour répondre à une offre de prêtrise sur l’île de la Guadeloupe. C’est là-bas livré à la Terreur instaurée par le sanguinaire commissaire de la Convention Française, un certain Victor Hugues, qu’il fut guillotiné lors de la chute de 1794 pendant le massacre de partisans royalistes. Une histoire de la Guadeloupe fait état d’un régime impitoyable et radical, où règne la guillotine. Cette histoire relate qu’il est mort bravement, donnant du courage et administrant ses copains prisonniers. près ses événements une mission en Virginie en octobre 1793 fut confié au Père John Thayer par Mgr John Carroll. Le Père Thayer déménagea à Alexandrie, (Virginie). Il

A


servit John Fitzgerald, riche propriétaire d’esclaves et ancien aide de camp de George Washington. Il eut vite l’impression d’être «une sorte d’intrus» et ses critiques à l’égard du traitement des esclaves par Fitzgerald le brouillèrent définitivement avec lui. Un bienfaiteur, vraisemblablement un certain Roger (le plus grand propriétaire d’esclaves de Virginie) avait déjà fait don d’un terrain pour construire une église, mais Fitzgerald refusa d’ériger quoi que ce soit qui profite au Père Thayer. Dans les mois qui suivirent, la construction de l’église continua à être un sujet de dispute, mais l’esclavage constitua le point de rupture principal. Mg Carroll répondit aux plaintes répétées du Père Thayer en disant qu’il était « désolé d’entendre dire que les maîtres manquaient de respect aux esclaves » et suggéra que c’était un signe pour qu’il dévoue sa vie aux esclaves. Il y avait eu un précédent ministère à cet effet, ajouta Mg Carroll, car Roger avait autrefois eu recours aux services d’un prêtre pour administrer ses esclaves. Le Père Thayer choisit une autre voix. Après avoir passé moins de six mois en Virginie, il demanda à quitter cet état, à cause des maltraitances catholiques à l’égard des esclaves. Mgr Carroll répondit qu’au regard du grand besoin de prêtres dans ce secteur, il ne pourrait garantir son départ. Il n’interdit pas au Père Thayer de déménager, mais il ajouta que « les difficultés relatives aux nègres » ne suffisaient pas à justifier son départ. Mgr Carroll pressa le Père Thayer de travailler dans le cadre de la doctrine catholique pour corriger les abus commis sur les

esclaves. Il expliquait par là que même les plus grands efforts ne font pas changer les gens de la même façon que le zèle le plus ardent ne peut venir à bout de toute l’impiété du monde, ainsi que le Père Thayer a pu le constater lors de son séjour à Boston. Mgr Carroll partageait la répugnance du Père Thayer au sujet de la maltraitance des esclaves, mais le pria de rester sur place pour le bien des noirs et de cesser de faire de la propagande antiesclavagiste. Le Père Thayer refusa et eut ensuite le courage de défier Mgr Carroll parce qu’il ignorait ses requêtes. Mgr Carroll avait pourtant l’impression d’avoir des concessions à son égard et les reproches de celui-ci commencèrent à l’exaspérer. En août 1794, Mgr Carroll accorda au Père Thayer le droit de trouver par luimême une congrégation qui l’accepterait.

Les enfants qui naîtront des mariages entre esclaves seront esclaves et appartiendront aux maîtres des femmes esclaves et non à ceux de leurs maris, si le mari et la femme ont des maîtres différents.” Art. 12. du Code Noir pour les esclaves nègres de l’Amérique. 141


Défendons très expressément aux curés de procéder aux mariages des esclaves, s’ils ne font apparoir du consentement de leurs maîtres. Défendons aussi aux maîtres d’user d’aucunes contraintes sur leurs esclaves pour les marier contre leur gré. Art. 11. du Code Noir pour les esclaves nègres de l’Amérique.” 14 2


5 RETOUR À BOSTON

Déclarons les esclaves être des meubles ! (Art. 44. du Code Noir pour les esclaves nègres de l’Amérique. ), Tel est le principe que le Code Noir entend définir et justifier tout au long de ses 60 articles, en prenant à témoin Le Roi de France, l’Eglise catholique et Dieu lui-même. Ce principe est celui de toutes les sociétés esclavagistes, mais la France est la première puissance des temps modernes à l’avoir codifié. Le statut social, juridique et économique de l’esclave est celui d’un objet, d’un bien, et en tant que tel, une entité sans volonté ni identité propre. La législation de l’esclavage considère les esclaves comme “articles de propriété”, qui entrent dans l’ordre des biens, sans volonté ni personnalité juridique, ayant comme seuls et uniques représentants leurs propres maîtres. ” 143


5 RETOUR À BOSTON

“ Le Père Pierre Denaut est nommé curé de la paroisse de Saint-Antoine de Longueuil en 1789; en 1797, il est nommé évêque de Québec, mais il décide de rester curé de Longueuil et d’y résider jusqu’à sa mort, en 1806. Première église Saint-Antoine à Longueuil,(aujourd’hui détruite) où fut reçu le Père John Thayer lors de son séjour au Canada en 1797”.

L

e 3 octobre 1796 arriva à Boston le Père Jean-Louis-Lefebvre de Cheverus, sa vie exemplaire, sa piété, son intelligence et sa courtoisie infaillible envers les gens étaient remarquables. Il fut même capable d’augmenter les revenus de la paroisse, de payer les dettes de 1789, de faire des réparations et des extensions à l’église à l’intérieur et à l’extérieur et d’acheter de nouveaux meubles. Ce qui est de loin le plus important est le fait qu’il attira d’anciens catholiques pratiquants et amoindrit les préjugés anticatholiques d’un certain nombre de Bostoniens. Pour symboliser sa présence permanente

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parmi la population, il devint citoyen américain en été 1796. Parmi les missions du Père John Thayer à cette époque, nous en retrouvons une à Longueuil au Canada en novembre 1796, puis une autre à Monréal en mai 1797.

E

n 1796, après son départ de Boston, le Père Thayer fut envoyé à Longueuil pour y récolter des fonds nécessaires au projet de construction d’une église dans la ville d’Albany, nous n’avons que peu d’informations sur son séjour dans cette ville canadienne du Québec, située sur la rive du fleuve Saint Laurent.


C

ependant aux archives de Québec une série de notes très intéressantes contenues dans la correspondance de Mgr Pierre Denaut, (10e évêque de Québec de 1797 à 1806.) Ces notes nous donnent quelques précisions ce sur qu’a pu être sa mission à cette période. D’après ses notes qui furent par ailleurs l’objet d’une édition que l’on peut consulter dans le rapport de l’archiviste de la province de Québec, les archives nous révèlent que le Père John Thayer est arrivé à Longueuil, le 19 novembre 1796 et qu’il y a logé onze jours au presbytère de la paroisse de Saint-Antoine de Longueuil. Son séjour ne fut pas très chaleureux à son arrivée ; à cette époque, un vent de révolte souffle sur le Canada. Des événements avaient conduit les autorités à l’arrestation d’un certain Berthelot et de ses compagnons ayant agi contre les autorités. (Voir Histoire populaire du Québec: De 1791 à 1841 - Page 52 de Jacques Lacoursière Tome 2) Le 11 octobre, « un très grand rassemblement eut lieu sur le Champ de Mars à Montréal ; mais il n’y eut de violences envers personne et, à la demande des magistrats, la foule se dispersa ». Le 24 octobre, le constable Marston (un agent de la paix au Canada) se présente chez un nommé Latour, l’un des meneurs. Il trouva Latour enfermé dans sa maison avec plusieurs de ses amis, bien armés de mousquets, qu’ils dirigèrent vers lui aussitôt qu’ils le virent s’approcher. Le calme ne revient que le 30 octobre avec l’envoi de deux régiments de soldats réguliers à Montréal. En voici le texte de l’archiviste relatant l’événement : « Mgr Pierre Denaut à M. Joseph-Octave Plessis, curé de Québec (Longueuil, 18 octobre 1796). A propos de l’établissement d’une caisse ecclésiastique.” Les nouvelles de Québec, d’une invasion des Français dans cette province, ont porté la crainte dans le cœur de plusieurs et la joie dans le plus grand nombre. Tous les habitants les désirent. Nous touchons, on dirait, au moment d’une révolution pareille

à celle de la France; des attroupements considérables d’habitants de presque tous les endroits se sont faits tous les jours depuis dimanche, ils refusent absolument de se soumettre à la loi portée par le « bill des chemins. » Hier, ils se sont opposés à la prise d’un nommé Berthelot déjà sous la loi; ils ont saisi rudement le shérif Gray, bourrassé son neveu Ermintinger, et mis en fuite le bailli. Tous ont refusé de le cautionner; on dit qu’ils doivent encore s’attrouper demain en plus grand nombre; sans doute ils seront plusieurs milliers. Les magistrats sont très embarrassés. Videbitur infra. La révolution, dit l’histoire, a commencé par un attroupement de femmes affamées, que ne doit-on pas craindre d’hommes entêtés.” (Cartable: Evêques de Québec, 11-114; Copies de lettres, v. V, f. 481.) » (Page 133, de l’ouvrage pour l’année 1796, datée du 19 novembre 1796). Rapport de l’archiviste de la province de Québec 1931-1932. Consultable :http://collections.banq.qc.ca/ ark:/52327/2276288 L’agitation avait aussi gagné les paroisses environnantes. Le 15 octobre, à SainteRose, un certain Charles-François Ferrière tient des discours séditieux et diffamatoires contre l’honorable Chambre d’assemblée, ce qui lui vaut une année de prison ; le 13 octobre, M. Amable Content organise à Saint-Roch de l’Assomption une assemblée pour protester contre l’acte des chemins (Acte pour faire réparer et changer les chemins et ponts dans cette Province) ; il s’en tire avec trois mois d’emprisonnement et une amende de vingt livres. A SaintAntoine de Longueuil, trois habitants s’opposent à l’approvisionnement du marché de Montréal. A Lachine, Nicolas Despelteau tente d’inciter la population à « commettre des actes d’émeute ». Monseigneur Pierre Denaut, curé de Longueuil, dans une lettre du mardi 18 octobre 1796 à Joseph-Octave Plessis, curé de Québec, cherche à établir les causes d’une telle agitation. Un pamphlet distribué chez les habitants se 145


termine par cette phrase « On n’entendra bientôt que le cri de vive la république! Depuis le Canada jusqu’à Paris ». Ce qui fit réagir les autorités britanniques et donna lieu à deux proclamations: la première ordonne la chasse aux personnes qui tiennent des discours séditieux ou qui tendent à inciter un mécontentement dans la colonie envers la couronne britannique et ses représentants. La seconde proclamation enjoint à toutes personnes étrangères et sujets de France, qui sont arrivées dans cette province depuis mai 1794, de partir dans un délai de 20 jours à la date de cette présente proclamation. Les autorités civiles font appel aux bons services de l’évêque de Québec pour inciter la population à demeurer fidèle à la couronne britannique. Au début de son séjour, le Père John Thayer était soupçonné d’être français donc un possible agitateur, ce qui avait beaucoup ennuyé Mgr Pierre Denaut qui relate l’incident dans une lettre datée du 12 janvier 1797, envoyée à Mgr Joseph Octave Plessis: Voici en résumé le texte de l’archiviste : « Mgr Pierre Denaut à M. J.-O. Plessis, curé de Québec (Longueuil, 12 janvier 1797). L’affaire de M. Thayer l’a ennuyé. Heureusement que du côté de Québec tout est tranquille. Il n’en est pas ainsi à Montréal. Les prêtres du séminaire l’ont renvoyé de chez eux, sous prétexte que l’on murmurait en ville contre la présence d’un prêtre français. Le solliciteur général s’est enquis de la chose et après avoir appris que M. Thayer était américain, il s’est retiré sans en dire plus long. M. Thayer est maintenant chez M. Conefroy d’où il reviendra à Longueuil. (Cartable: Evêques de Québec, 11-117; Copies de lettres, v. V, f. 47) » Après avoir appris avec certitude que le Père John Thayer était américain, les soupçons cessèrent et il put mener à bien la mission pour laquelle il avait été envoyé comme missionnaire chargé de 14 6

récolter des fonds par Mgr John Carroll. Voici en substance ce qu’en dit l’archiviste : « Mgr Pierre Denaut à Mgr J.-F. Hubert, à Québec (Longueuil, 19 novembre1796). Le révérend M. Thayer, célèbre converti, s’est rendu à Montréal, avec l’intention d’y passer quelque temps, dans le but de se reposer de ses pénibles travaux dans les missions. Il lui a demandé d’écrire à Son Excellence, le général Prescott, afin de lui faire connaître sa présence dans la province. Mgr Hubert apprendra de M. Desjardins “ plus qu’il n’en faut pour vous intéresser en sa faveur.” Il a distribué à ses voisins la dernière circulaire de Mgr Hubert. (Cartable: Evêques de Québec, 11-115; Copies de lettres, v. V, f. 473.) Mgr Pierre Denaut à Mgr J.-F. Hubert, à Québec (Longueuil, 1er décembre1796). « M. Thayer a passé onze jours au presbytère de Longueuil. Il a parlé du gouvernement des États-Unis, comme nous parlons du gouvernement d’Angleterre; il est convaincu même, d’après le caractère de nos colons, qu’ils sont plus heureux sous le gouvernement sous lequel nous vivons qu’ils ne seraient sous le sien ». Je n’ai connu en lui qu’un homme pieux, fervent, attaché à son état et pénétré de ses devoirs, de ses obligations. Il n’est pas muni de lettres de recommandation, mais l’évêque de Baltimore l’a revêtu de très amples pouvoirs. Il travaille à recueillir des fonds pour la construction d’une église à Albany, et c’est dans le but d’intéresser les habitants de la province à cette œuvre qu’il est venu en Canada. Il a été tout surpris, en lisant la lettre de M. Desjardins, des objections que l’on faisait à son séjour dans la province. (Cartable: Evêques de Québec, 11-116; Copies de lettres, v. V, f. 473.) » (Page 134, de l’ouvrage pour l’année 1796, datée du 19 novembre 1796). Rapport de l’archiviste de la province de Québec 1931-1932, Consultable :http://collections.banq.qc.ca/ ark:/52327/2276288


5 RETOUR À BOSTON

En 1798 le recteur missionnaire de la paroisse St. Mary était le Père John Thayer; il ne resta que peu de temps à St. Mary avant d’être envoyé ailleurs par Mgr John Carroll. Il contribua cependant à lever des fonds pour l’édification de la paroisse de 1796 à 1797.

P

endant la construction de l’église St. Mary qui était à l’origine très modeste, le bâtiment en briques formait un carré de 15 mètres de côté environ. Le portail donnait sur Pine Street. Il n’y avait pas de clocher ; seulement une croix sur le toit indiquait que c’était une église. Le sanctuaire intérieur représentait un carré de 3 mètres avec des galeries le long des murs est et ouest. Dans la galerie ouest se trouvait un petit orgue offert par Madame Margaret Cassidy. Il était connu pour avoir été le premier orgue installé dans une église d’Albany. Au-dessus du portail principal, il y avait une plaque de

marbre représentant un crâne et des os sur laquelle était inscrit : « I.H.S. Thomas Barry, Louis La Couteulx, fondateurs. E.C. Quinn, maître d’œuvre. A.D. 1798. Le gouvernement de l’état de New York désigna officiellement Albany comme capital d’état. A cet effet, St. Mary (qui serait achevée en 1807) fut ouverte au public. C’était la deuxième église catholique construite dans l’état de New York et elle fit office d’église paroissiale intra muros de New York. C’était la première église dédiée à la vierge Marie dans l’état de New York après la Révolution. Construite sur la Pine Street, entre Barrack et Lodge Streets. Il y avait peu de catholiques à Albany et la plupart n’étaient pas riches. En conséquence, les conseils devaient chercher d’autres sources de dons auprès des protestants sur place et des catholiques dans d’autres localités.

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Gravure représentant la première église St. Mary à Albany construite sur la Pine Street, entre Barrack et Lodge Streets 1798-1807.

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Archives de la ville de Montréal (Congrégation de Notre-Dame (Montréal) / James Duncan - 1853) La Congrégation de Notre-Dame est une communauté religieuse ca­tho­li­que de femmes de foi apostolique, fondée au 17e siècle par sainte Mar­gue­ri­te Bourgeoys, pionnière de la Nouvelle-France.

E

n 1797, le Père Thayer fit un nouveau séjour au Canada, afin de rendre visite aux religieuse du couvent de la Congrégation de Notre-Dame de Montréal: Voici grâce aux écrits de Sœur SainteHenriette(de son nom civil, MarieDarie-Aurélie Lemire-Marsolais. 18391917) le récit détaillé du séjour du Père

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Thayer rapporté dans: « Histoire de la Congrégation de Notre-Dame de Montréal troisième partie XIX siècle Volume VI, 1790-1822. Page 53 ». (Le fonds d’archives de la Congrégation de Notre-Dame est un fonds privé conservé à la Maison mère de la Congrégation à Montréal.) consultable ici: http://www.cnd-m.org/100/fr/archives.php


V

oici en intégralité le récit de par toute la Communauté, pour solliciter Sœur Sainte–Marie-Médiatrice : perpétuellement la conversion des Etats américains, et pour s’unir d’esprit et de « Visite du Révérend John Thayer au cœur aux prières et aux travaux des couvent de la congrégation de Notre- missions ; dans cette vue, elles offriront Dame de Montréal. En 1797, notre au Seigneur toutes leurs souffrances et communauté se trouva en rapport avec un leurs pratiques de dévotion. célèbre converti, ex-ministre calviniste, devenu fervent prêtre catholique, que 3° — Ces deux Sœurs en même temps nous ferons un peu connaître ici, avant de chargées d’avertir la supérieure la veille dire ce qui le porta à visiter notre maison. du jour fixé pour la communion du mois, Le révérend John Thayer, originaire afin qu’elle rappelle l’intention ci-dessus d’une des premières familles de Nouvelle- exprimée à toute la communauté. Angleterre, possédait une instruction peu ordinaire, et avait été choisi en tant 4° — Cet engagement sera perpétuel que ministre des Congrégationalistes, dans les communautés qui l’agréeront; (branche des Puritains). Dans le but et chaque députée, après son décès, d’augmenter sa science, il visita divers sera remplacée, en sorte qu’il se trouve pays de l’Europe et se rendit jusqu’à toujours deux Sœurs qui remplissent le Rome . . . Là, touché par la grâce, il se dessein de l’Association. fit catholique. Pressé de nouveau par un mouvement de l’Esprit-Saint, il résolut 5° — Pour inciter plus efficacement de passer à Saint-Sulpice pour y faire à entrer dans cette bonne œuvre, les des études théologiques et fut ordonné personnes qui voudront être membres prêtre. En 1790, il rejoignit Mgr Carroll de l’Association se rappelleront que, pour travailler aux missions catholiques par leur union, offrandes de prières de son pays natal, et c’est dans le but de et de bonnes œuvres, elles participent procurer le bien de ces missions qu’il aux prières, bonnes œuvres et travaux visita notre communauté, comme nous des missionnaires, et de toutes celles pouvons le voir par cet extrait de nos que feront les personnes qu’elles auront registres : « Monsieur Thayer, de ministre converties. protestant qu’il était, avait eu le bonheur de se convertir et de recevoir les saints Nous, Sœurs de la Congrégation de Ordres, par la grâce de notre Saint Père Notre-Dame, sommes entrées dans cette le Pape Pie VI, dans le but de travailler Association, le 1er mai 1797; et nous aux missions d’Amérique. Pour attirer les destinons la communion générale du bénédictions du ciel sur cette entreprise, il premier dimanche du mois à cette fin. » invite les âmes pieuses à entrer dans une association de prières déjà adoptée par plusieurs communautés, en la manière À la demande du Père John Thayer, qui suit: la communauté consent à prendre, gratuitement, au pensionnat, pendant deux 1° — Chaque Communauté s’engagera, ans, deux jeunes filles, pour leur apprendre sans toutefois que cet engagement impose à lire, écrire, compter, travailler; en un mot, obligation de conscience, à faire la sainte leur faire connaître notre Institut. Veuille la communion à un certain jour déterminé divine Providence les appeler à coopérer à dans chaque mois, pour demander à l’instruction de la jeunesse dans leur pays ! Dieu le succès de la mission d’Amérique. L’Église et la communauté donnent vingtquatre livres au Père John Thayer pour 2° — Deux religieuses seront nommées contribuer aux Etats-Unis à la bâtisse par la supérieure, comme responsables d’une église dans Albany. » 151


5 RETOUR À BOSTON

À

plusieurs reprises, jusqu’en 1799, le Père John Thayer vint à Boston rendre visite au Père Matignon qu’il assista de nombreuses fois. Pendant ses quatre premières années à Boston (17921796), le Père Matignon ne fit que deux voyages missionnaires. Le premier eut lieu au début de l’automne 1793 pendant le séjour du Père Thayer à Boston qui assista le Père Cheverus pendant son absence. En octobre, le Père Matignon fit un voyage missionnaire à Newburyport et monta en bateau vers le Nord à Portsmouth, New Hampshire, pour rencontrer et administrer les catholiques de cette région. Il renouvela ses visites en février 1794. Lors de ces occasions, les catholiques étaient des Français. Les visites du Père Matignon à Portsmouth en 1793 et 1794 étaient les premières visites missionnaires parmi des individus de souche européenne au New Hampshire.

E

n 1798, nous le retrouvons à Boston lors d’un sermon marquant, l’un des plus beaux textes de John Thayer, prêché dans l’église catholique de cette même ville, le 9 mai 1798, désigné par le Président John Adams comme un jour d’humiliation et de prière. Cette célébration a été proclamée au milieu de la fureur circulant dans le pays, suscitée par la rebuffade humiliante des émissaires américains à Paris; trois membres de la mission de paix américaine dépêchée à Paris le mercredi 18 octobre 1797 avaient reçu de la République française l’une des propositions les plus scandaleuses jamais faites à des diplomates. Les trois Américains Elbridge Gerry, John Marshall, et Charles C. Pinckney, avaient

dû patienter quinze jours avant d’être reçus par le ministre des Affaires étrangères sous la coupe désormais d’un gouvernement radical du Directoire qui avait réclamé un emprunt de dix millions de dollars comme préalable à toute discussion de fond sur les problèmes qui amenèrent les États-Unis et la France au bord de la guerre. Pis encore, ils ont exigé la somme de 250 000 dollars comme “pot-de-vin” pour Charles-Maurice de Talleyrand. Ce diplomate était connu pour sa vénalité. La réponse des émissaires américains, le fameux “X, Y, Z” fut rapide et incisif: “Des millions pour la défense, Monsieur, mais pas un sou de tribut, non, pas un sou!”.

L

orsque le Père John Thayer prit la parole le 9 mai, énumérant les atrocités françaises pendant la Terreur, le discours était révélateur du climat de l’opinion de l’époque. Pendant cette période, l’aménagement de la marine fut accéléré; le Directoire mit fin aux relations diplomatiques entre la France et les Etats-Unis. Des hostilités entre navires isolés français et américains eurent lieu en mer, lors de la “quasi-guerre”.

E

n 1798, le Congrès des Etats-Unis déclara comme nulles et non avenues l’alliance et les diverses ententes avec la France. La guerre navale s’ensuivit, et il était question d’une guerre à grande échelle contre la France. L’influence des Jacobins suscitait de plus en plus de crainte, et George Washington lui-même insista sur le fait que les Républicains fussent exclus de l’armée, du fait de leur éventuel manque de loyauté.

Offrons nos ferventes prières au ciel, en ce jour, que sa vie inestimable puisse être préservée, et que sa santé dure, que Dieu lui donne la sagesse de discerner quelles seront les meilleures mesures à adopter pour le bien du pays. ” Père John Thayer 9 mai 1798 15 2


Cathédrale Holy Cross où le Père John Thayer a prêché le 9 mai 1798.

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5 RETOUR À BOSTON

La promulgation de la répression des étrangers, texte de loi, selon lequel l’opposition politique est devenue un crime, eut lieu dans le courant des mois de juin et juillet; ce climat était donc dans les semaines précédant le sermon du Père John Thayer, un indicateur de l’ambiance fébrile de l’époque à Boston. Ce texte merveilleux de 31 pages a été miraculeusement préservé et consigné dans un livre écrit par John Thayer et édité par Samuel Hall à Boston en 1798 sous le titre suivant: “A Discourse, Delivered, at the Roman Catholic Church in Boston, on the 9th of May, 1798: A Day Recommended by the President, for Humiliation and Prayer Throughout the United States. By the Reverend John Thayer, Catholic Missioner. Printed at the Pressing Solicitation of Those who Heard it”

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n voici le texte intégral:

Discours prononcé à l’église catholique romaine de Boston le 9 mai 1798, par le Révérend John Thayer, missionnaire catholique. Pendant la journée d’humiliation et de prière dans toute l’Amérique décrétée par le Président des Etats-Unis d’Amérique. Priez sans relâche - rendez grâce en toutes circonstances. Thessaloniciens, v. 17,18 Dans cette parole ci-dessus, l’apôtre inspiré nous inculque les deux missions importantes de la prière et de l’action de grâce que le Président des États-Unis nous exhorte à accomplir en ce jour. Nous avons besoin de prier pour nos péchés, en tant que nation et en tant qu’individus, et de faire grandement amende honorable devant Dieu pour cette raison : et nous avons besoin de prier pour les Grâces continuelles, à la fois spirituelles et temporelles, que nous avons reçues jusqu’à présent. À la proclamation de notre

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magistrat suprême, notre évêque révérend de droit a eu le plaisir d’ajouter cette forte recommandation, dans laquelle, en plus des objets d’humiliation et de prière communs à tous nos concitoyens, il nous presse d’implorer le Seigneur d’arrêter les horribles persécutions qui sont en train de ravager sa propre Église et de revigorer et renforcer son influence. Mais, bien que le devoir d’humiliation et de prière nous incombe en tout temps, et d’autant plus spécifiquement en ce temps présent, voyant encore le changement surprenant qui vient de s’instaurer dans les esprits, je considère le devoir d’action de grâce beaucoup plus urgent – je ferai par conséquent mention de quelques raisons qui devraient nous inciter à la gratitude et à l’action de grâce envers le grand donateur de tout bien et comme je poursuis, je ferai, de temps en temps, de telles réflexions qui sont propres à faire pencher notre cœur vers la prière et l’humiliation. Pendant tout le cours de mon ministère parmi vous, mes frères, je n’avais encore jamais abordé de détails concernant des sujets politiques, et je ne le ferais pas maintenant si ce n’était pour vous apprendre à dûment apprécier le gouvernement sous lequel vous vivez et vous indiquer vos devoirs envers lui.

L

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a première bénédiction qui exige de vifs remerciements à Dieu, c’est que nous vivons sous le gouvernement le plus libre et le plus facile du monde. La constitution des États- Unis contient une grande force d’énergie où chaque personne raisonnable trouve toute la liberté qu’elle souhaite. C’est équilibré, nos autorités exécutives, législatives et juridiques étant indépendantes les unes des autres et contrôlées mutuellement. Elles émanent toutes de la majorité des gens qui ont toujours le pouvoir de mettre un terme à tout abus réel qui pourrait survenir, en


en remplaçant leurs représentants du moment et en nommant d’autres qui auraient leur confiance – aussi longtemps que la plus grande partie du peuple ne voie pas la nécessité d’un changement d’hommes et de mesures, nous pouvons demeurer certains que les abus ne sont pas de nature alarmante, bien qu’ils soient amplifiés par les scribouillards politiques et les détracteurs. Sous un tel gouvernement comme le nôtre, toute insurrection contre les autorités en place ou toute opposition constitue la révolte d’une partie contre la volonté générale, grâce à laquelle ces autorités existent et il est fortement criminel, Dieu soit loué, que cette heureuse constitution, dans laquelle les personnes de toutes confessions jouissent d’une entière sécurité pour leur vie, leurs biens et leurs libertés spirituels ou politiques, soit encore intacte et opérationnelle et que toutes les tentatives de renversement ou d’affaiblissement, en concentrant tous ses pouvoirs dans une seule chambre de représentants, n’ont servi qu’à mettre en lumière ses principes et à la renforcer.

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ne autre raison de remercier Dieu, c’est que l’administration de cette très excellente constitution, depuis le tout début de son établissement, a été confiée à des hommes éminents pour leur sagesse, leur fermeté et leur service à la patrie. Je n’ai qu’à mentionner Washington, ce gardien de génie, ce sauveur du pays, cet ornement de la race humaine, pour déclencher dans tous les cœurs de chaleureux sentiments d’estime, de gratitude et d’amour. Qu’il puisse profiter longuement des charmes de la retraite dans lesquels il a choisi de passer le soir de sa vie. Que les bénédictions de ce pays et de l’univers soient encore de nombreuses années sa récompense et, qu’enfin, il entre dans le royaume du bonheur éternel, enrichi par les vertus chrétiennes ainsi que

morales. Lorsque ce guerrier reconnu et cet homme d’état admiré s’est retiré de la tête de l’Etat et a cherché le repos dû à son âge et sa santé, nous avons eu grandement raison de remercier Dieu de n’avoir pas permis que les intrigues d’une insidieuse nation étrangère réussissent à placer l’homme de leur choix sur le siège présidentiel, mais nous a insufflé le courage suffisant pour mettre à notre tête un homme d’état et un patriote, dont l’habileté et l’intégrité, prouvées dans les moments les plus difficiles, lui octroient absolument notre confiance et notre affection. Tel est l’illustre John Adams, l’actuel Président de ces états. Ce grand homme n’a pas rien d’autre en vue que le bonheur et la prospérité de ses concitoyens auxquels son destin et celui de sa famille sont évidemment liés de manière inséparable. Il ne souhaite aucun pouvoir qui ne serait garanti par la constitution et aucun soutien qui serait incompatible avec un esprit de liberté magnanime. Depuis la publication de ses instructions à nos messagers de paix, nous avons appris, mieux que jamais, à apprécier sa valeur. Maintenant nous sommes certains de son caractère modéré et conciliant de même que de sa fermeté décisive. Avec un tel chef, nous n’avons rien à craindre. Jamais il ne sacrifiera l’honneur de la patrie, jamais il ne renoncera à cette part d’indépendance qui a longtemps été l’objet de ses peines et labeurs et pour l’obtention desquelles de si nombreux compatriotes courageux ont versé leur sang et perdu leur vie. Offrons nos ferventes prières au ciel, en ce jour, que sa vie inestimable puisse être préservée, et que sa santé dure, que Dieu lui donne la sagesse de discerner quelles seront les meilleures mesures à adopter pour le bien du pays, et la force morale pour les exécuter en dépit de tout obstacle et opposition ; et que tous ceux qui l’assistent et le conseillent soient des hommes habiles et intègres ; afin que le public n’ait pas à pâtir 155


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de l’incompétence et de la malhonnêteté. Résolvons-nous à lui offrir un soutien cordial et généreux et déclarer ouvertement cette résolution en mettant nos noms à l’appel chaleureux des Hommes en faveur de la signature de tous les citoyens. Disons-lui que nous ressentons, comme il se doit, la valeur de cette liberté que nous apprécions et que nous engageons notre fortune et notre honneur pour la défendre avec loyauté et fidélité, sous les bannières d’un gouvernement que nous avons choisi. Exprimons notre indignation devant les insultes à répétition contre ce gouvernement qui a cherché la paix par tous les moyens compatibles avec la dignité et l’honneur d’une nation indépendante. Déclarons, avec la fermeté et l’amour-propre des hommes libres, notre bonne volonté à unir tous nos efforts possibles pour éviter d’être les victimes de conditions dégradantes qu’une nation étrangère cherche à nous imposer, comme préliminaires à toute négociation de paix et que nous considérons la guerre et toutes ses calamités inhérentes, comme le moindre de ces deux maux. Montrons que nous aimons le gouvernement qui nous protège et que nous n’en sommes séparés ni en intérêt ni en affection. Enfin, exprimons notre chaleureuse approbation sans équivoque du système avisé et modéré qui a été mené jusqu’ici envers les nations étrangères ainsi que notre confiance croissante en celui qui nous préside avec tant de sagesse et de prudence.

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otre troisième raison de remercier sincèrement le ciel, c’est que, pendant qu’un esprit de désorganisation et de désordre a produit des effets si désastreux dans d’autres pays, l’Amérique, en dépit de l’effervescence produite dans nos rangs par les efforts extraordinaires des intrigants étrangers et nationaux, demeure dans un bon état de tranquillité. Dieu a élevé la France en raison des châtiments d’un monde impie.

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Je ne parle pas de la France gouvernée par les descendants de saint Louis, c’était alors le gardien de la religion et de la bonne morale et le refuge des malheureux. Heureux pays où je reçus la partie la plus valable de mon éducation et où je passai mes plus heureuses années parmi des amis estimés et de chers associés ! Hélas ! ce temps est révolu. Ils ont tous été soit cruellement massacrés, bannis ou réduits à vivre chez eux dans la misère. Si je t’oublie, oh ma si charmante demeure, alors que ma main droite s’oublie elle-même, que ma langue s’attache à mon palais. Mais maintenant, comme tout a changé ! Mon cœur se serre à l’intérieur, mon esprit meurt à petit feu quand je me rappelle le destin de quelques-uns de mes très chers hôtes. Mais bientôt, le souvenir douloureux est englouti dans la considération de la complexe détresse de cet empire naguère favorisé. La France sous la Révolution est bien plus un fléau de Dieu que ne le fut Attila ou tout autre conquérant barbare gravé dans l’Histoire. On peut dire littéralement que ses tyrans dont le père est Satan, circulent et cherchent qui ils vont dévorer. Si nous jetons un coup œil sur la carte du monde, nous trouverons, dans presque chaque partie, de terribles traces de leurs projets destructeurs. Les souffrances, qu’ils ont répandues à travers le globe, sont audelà de tout calcul potentiel, ce sont des souffrances si universelles qu’elles sont capables de susciter l’horreur chez tous ceux qui ont des sentiments humains ou méritent le nom d’êtres humains, des souffrances qui ne seront jamais effacées de la mémoire de l’humanité et que des ères entières de paix et de sérénité arriveront à peine à réparer. Combien de calamités sans précédent n’ont-ils pas infligées à leur malheureux pays ! Combien d’atroces cruautés et atrocités n’y ont-ils pas commises ! Leurs propres auteurs avouent, que par différents moyens de destruction, guillotine, exécutions, noyades, et autres choses du même genre, plus de 30 000


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personnes furent tuées à Lyon et la ville rasée et, à Nantes, selon les plus basses estimations, 27 000 personnes (certains parlent de 40 000) furent assassinées, surtout par noyade, si bien que l’eau de la Loire fut polluée, interdite à la consommation et qu’à Paris, 150 000, et en Vendée, 300 000 furent anéantis. Ils reconnaissent même que, depuis le commencement de leur abominable révolution, ils ont sacrifié deux millions des leurs, dont 250 000 femmes et 30 000 enfants sans compter, dans cet immense carnage, les soldats qui périrent dans les camps ou au combat, ou les enfants qui moururent dans le ventre de leur mère. Regardez ce pays et examinez son état d’aujourd’hui. Que ce soit par le pillage, des prêts forcés, des contributions, et d’autres moyens iniques, leurs nobles seigneurs ont réussi à y concentrer une grande partie de leurs richesses européennes ; et encore avec leur politique restreinte, la ruine de toutes les manufactures, du commerce, et de toute source de richesse et de revenus régulière et l’entière subversion de la confiance publique, ils ont réduit les malheureux habitants à un état proche de la misère et de la famine. Aucun esclavage ne peut atteindre ce niveau. Leur condition est la plus dégradante qu’il soit capable de concevoir. Tout ce qu’ils possèdent, et même leurs proches, sont constamment en état de réquisition, ils doivent être abandonnés à l’appel de leurs maîtres rapaces, sous peine de mort s’ils refusent. Là-bas, personne n’ose écrire, imprimer, dire, ou même indiquer, par le plus petit signe, toute désapprobation des mesures qui risquent d’être dictées par les factions alors au pouvoir. Toute presse qui affiche le moindre mot de désaccord avec les mandats des arrogants directeurs sera saisie et les éditeurs condamnés à mort, emprisonnés ou bannis. Les gens n’ont pas de lois stables ou fixes par lesquelles, pour réguler leur conduite, un édit est rarement rendu public avant d’être annulé par son contraire ; si bien que ce qui est considéré comme légal et même patriotique

aujourd’hui, peut être tenu pour un crime le lendemain et être puni de mort ou de confiscation. Sous cette accumulation de calamités, les pauvres esclaves pourraient trouver leur joug moins humiliant, leur fardeau moins insupportable, s’ils pouvaient profiter, en cachette, des consolations de la religion, dont ils ont faim et soif, mais non ; leurs tyrans ont pratiquement tari leur source de réconfort. Et c’est ici, mes amis, que d’horribles scènes surgissent dans notre mémoire ! De nombreuses années avant l’éclatement de la révolution, les prétendus philosophes, tribus de déistes, d’athées et de matérialistes, ont, par le biais de leurs clubs secrets, de publications obscènes et impies et bien d’autres moyens variés, suggérés par un esprit démoniaque, essayé et réussi en partie à corrompre les différentes classes de la société française. Mais leur système d’impiété n’a jamais pu agir sur la majorité des citoyens qui trouvèrent et trouveront toujours leur bonheur dans la foi en une religion. Ils avaient longuement comploté l’éradication totale de toute religion, ce qui constituait en premier lieu l’objet de leurs infâmes projets, en raison de son expansion grandissante et son attachement majeur à l’ordre et au bon gouvernement. Cette religion était la religion catholique romaine. Son renversement avait été aussi décidé à partir du moment où ils avaient écrasé les anciennes autorités du royaume, ils employèrent tout artifice et firent le plus d’efforts possibles pour atteindre leur but. Ils commencèrent leurs attaques impies contre l’Eglise en humiliant ses pasteurs aux yeux du peuple, en les dépouillant de leurs vêtements sacerdotaux qui, des années durant, les avaient rendus respectables aux yeux des fidèles. Ils les privèrent ensuite de leur gagne-pain et d’autres biens et en firent les ennemis des véritables intérêts du pays, parce qu’ils ne prêtaient pas serment, ce qui n’équivalait à rien de moins qu’un renoncement à l’autorité du souverain pontife et des évêques, en un mot, de la religion catholique qui leur avait transmise 159


Proclamation de John Adams

John Adams a continué la pratique, commencée en 1775 et adoptée dans le cadre du nouveau gouvernement fédéral de Washington, de proclamer un jour de jeûne et d’action de grâces. Dans cette proclamation, publiée à un moment où la nation semblait être sur le bord d’une guerre avec la France, Adams a exhorté les citoyens à “reconnaître devant Dieu les péchés et les transgressions multiples avec lesquelles nous sommes justement coupables en tant qu’individus et en tant que nation; le priant en même temps, de sa grâce infinie, à travers le Rédempteur du monde, de remettre librement tous nos péchés et de nous incliner, par son Saint-Esprit, en nous repentant sincèrement et en nous réformant ce qui peut nous permettre d’espérer sa faveur inestimable et bénédiction céleste “. 16 0


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depuis plusieurs siècles d’affilée. Devant leur refus noble et presque unanime à apostasier leur foi, commença la plus horrible période de persécutions (et peutêtre la pire de toutes), qui n’aient jamais été infligées à des pasteurs de l’autel, et elle continue, avec une fureur sans répit, à l’heure où je vous parle. Selon les tout derniers rapports authentiques, les prêtres sont encore pourchassés et l’on offre de fortes récompenses pour leur capture. Des milliers de saints hommes, généreux confesseurs de Jésus Christ, ont été mis à mort, par noyade, exécution, guillotine ou ont péri dans la misère et à la suite de mauvais traitements. Des milliers et des dizaines de milliers d’entre eux ont été bannis de leurs foyers, privés de tout moyen de subsistance, par le biais des sanglants édits de ces monstres français ou sont partis en exil volontaire et sont en train d’errer dans des contrées étrangères où ils subissent soit les horreurs de l’indigence soit prolongent leur existence en acceptant la charité des étrangers. Je n’ai pas besoin de vous informer, mes frères, que les deux excellents prêtres qui gouvernent ce troupeau, avec tant d’intérêt, et qui sont, à juste titre, si chers à vos yeux, ne sont ici que par suite des terribles ennuis dans leur propre pays. Mais la cruauté des persécuteurs ne s’arrêtait pas aux différents ordres du clergé ; elle s’étendait même aux pauvres religieuses, innocentes et sans défense, à qui l’on interdit presque totalement tout contact extérieur et tout temps consacré aux calmes exercices de dévotion, elles étaient devenues presque plus timides que les plus faibles d’entre elles qui vivaient dans le monde. Des hordes de brutes armées furent envoyées dans leurs refuges sacrés et utilisèrent toutes sortes de violence pour leur faire prêter le serment sacrilège de renoncer à leur foi. Nombre d’entre ces vierges inoffensives expirèrent sous le fouet meurtrier pour garder intacte la fidélité à leurs vœux. Très peu d’entre elles étaient tellement terrifiées ou 16 2

même séduites qu’elles respectaient les ordres de leurs tyrans. Enfin, quand tous les moyens de perversion avaient échoué, un édit barbare les dépouillait d’un seul coup de tous leurs biens; leurs couvents sont proclamés biens de la nation ; et, en une seule journée, toutes ces victimes impuissantes, au nombre de 30 000, sont condamnées à souffrir, réduites à la pauvreté et à la misère. Nombre d’entre elles avaient vieilli dans les cloîtres, nombre d’entre elles étaient malades et infirmes, toutes avaient renoncé, selon les décrets de lois anciennes, à tout ce qu’elles possédaient en ce monde, et se retrouvèrent bien sûr dans une détresse extrême. Aucune considération de cet ordre n’était en mesure de toucher les cœurs durs de leurs ennemis qui, pour aggraver leur situation misérable et désespérée, interdirent à quiconque d’en héberger plus de deux à la fois, sous peine de sanctions sévères. Toute l’éloquence du monde ne suffirait complètement à décrire, dans leurs véritables déroulements, le moindre de ces actes horribles qui eurent lieu en France pendant ces quelques années écoulées. Les nombreux faits de sauvage barbarie relatés dans l’histoire du monde, rassemblé et mis tous bout à bout, semblent de douces bénédictions en comparaison des cruautés raffinées commises par les factions sanguinaires de ce pays, des cruautés perpétrées non pas par quelques individus illicites, au milieu du chaos révolutionnaire, mais sur ordre des hommes au pouvoir, sous leurs yeux. Si je commençais à entrer dans quelques détails, comme les mentionnent les écrivains de leur camp, les cheveux se dresseraient sur votre tête, tous les membres et articulations de votre corps se mettraient à trembler, les époux aimants ne supporteraient pas le choc ; les tendres mamans s’évanouiraient en entendant le récit, et votre pudeur, mes innocents auditeurs, serait si grandement heurtée. J’élude par conséquent ces scènes abominables. À tous ces actes inhumains,


ils ajoutèrent les plus horribles impiétés et profanations. Ils dévalisèrent les églises de leurs objets sacrés, de leurs habits et autres choses dédiées à l’adoration de Dieu et les convertirent à des usages publics. Ils ont transformé ces vénérables lieux de culte en maisons de jeux, magasins, corderies, étables et des choses dans le même genre, et d’autres servirent aux hommes impies et aux prostituées à qui ils firent des honneurs extravagants. Ils ne respectaient rien de ce qui était lié à la religion. Ils ont commandé toutes les bibles, les livres de prières, les images sacrées et tout ce qui allait être produit et les ont consumés en une grande masse commune. À cet égard, aucune religion n’a été plus favorisée qu’une autre, car les temples des opposants et même les synagogues juives furent aussi vidés et leur contenu livré aux flammes. Ils n’épargnèrent aucune des institutions sacrées du christianisme et, afin de les effacer complètement de la mémoire de l’humanité, ils ont interdit de passer le premier jour de la semaine dans l’exercice d’adoration religieuse (pratique contemporaine dans le déroulement de la religion chrétienne) et ont introduit, à la place, la décade, jour entièrement consacré à des amusements profanes. Mais les effets funestes de la Révolution française ne se limitèrent pas à ce pays – Elle a aussi déclenché des ravages dans ses colonies dans l’ouest de l’Inde. Elle a apporté la ruine et la dévastation dans ces îles naguère prospères, sous prétexte de répandre chez eux les bienfaits de la liberté: les blancs ont été lynchés par les esclaves, les villes les plus riches ont été livrées au pillage et incendiées, et l’on déclara une guerre d’extermination qui sévit encore avec fureur. Si nous examinons le monde européen et considérons les pays que les Français ont soit conquis soit poussé à fraterniser avec eux (d’après leurs dires), nous verrons que, partout, malgré leurs promesses presque solennelles de préserver la liberté de conscience, ils ont constamment pillé

les églises, volé les vies et les biens de tous ceux qui ne participaient pas à leurs atrocités, privé le peuple de sa liberté de culte, les ont fait dévaliser par leurs armées, ont prélevé sur eux les plus lourdes contributions, les ont forcés à abandonner leurs bastions, et à garder les conquérants parmi eux afin de les assujettir encore plus. La Hollande était une ruche d’abeilles, ses enfants volaient sur les ailes du vent vers chaque coin du globe ; et rentraient chargés des douceurs de chaque climat. La Belgique était un grand pré de verdure, les bœufs travaillaient dur, les champs portaient l’épaisse couche de récoltes abondantes. Les malheureux Hollandais peinent encore, mais pas pour eux-mêmes, ils récoltent encore du miel, mais pas pour euxmêmes. La France se sert dans la ruche aussi souvent que le travail la remplit. Les Belges malavisés ne mangeront plus longtemps les fruits de leur propre terre, la France, la France avide de tout (qui ne cesse de crier: « Donnez, donnez. ») trouve l’occasion ou crée l’occasion de participer largement aux richesses, autant le dire d’eux plutôt que de leurs bœufs, ils labourent leurs champs, mais pas pour leur propre intérêt. Il faudrait beaucoup plus qu’un discours ne le permet pour suivre leurs bandes de criminels dans tous les endroits où, tels des anges destructeurs, elles ont semé la terreur et la désolation. Partout où ils ont rencontré la moindre résistance, surtout si un seul Français était tué pendant le conflit, des groupes de juges respectables payaient de leur vie la prétendue rébellion ; des villes entières furent menacées d’extermination pour pareille offense et elles furent sauvées d’une ruine imminente en échange de fortes sommes d’argent. Comme des torrents déchaînés, dans la rapidité du courant, ils ont écrasé tout sur leur passage et, sans faire de distinction entre les amis et les ennemis, ils ont rayé de la liste des nations indépendantes, Genève, Gênes, Venise et le territoire du Vatican. Le Pape fut, des années durant, grâce à la générosité des princes chrétiens, un véritable souverain temporel. Son autorité lui avait été garantie par les 163


Les souffrances, qu’ils ont répandues ( Les Jacobins révolutionnaires français) à travers le globe, sont au-delà de tout calcul potentiel, ce sont des souffrances si universelles qu’elles sont capables de susciter l’horreur chez tous ceux qui ont des sentiments humains ou méritent le nom d’êtres humains, des souffrances qui ne seront jamais effacées de la mémoire de l’humanité.” Père John Thayer

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mêmes traités solennels qui avaient lié jusqu’à présent les royaumes aux états. En dépit de ces traités, l’Assemblée fut à peine formée qu’elle s’empara de force d’une précieuse part de ses biens sous prétexte que pour sanctionner tout vol, cela représenterait un ajout conséquent à l’empire français. Depuis leurs premières agressions, ils n’ont pas cessé un seul instant de détruire la souveraineté temporelle du pontife romain et, si possible, de mettre fin à sa suprématie spirituelle au sein de l’Église. Et, bien que notre Saint-Père se fût montré très longtemps des plus pacifiques, en vrai disciple de l’humble et doux Jésus, bien qu’il fût bien disposé aux yeux de toute l’Europe, comme Bonaparte est obligé de le reconnaître, bien que sa piété sincère, sa fermeté et sa modération au cœur des plus grandes difficultés, son esprit de sacrifice et de concession, tant que ses fonctions et sa conscience n’étaient pas compromises, lui ont attiré l’amour et la vénération de tous les hommes de bien, l’admiration et l’estime de ses ennemis, et ont créé une vive sollicitude au sein des plus sages opposants de notre foi, pour préserver sa personne et sa temporalité, en dépit de tout cela, la terrible républiqueogresse, à la fin, a trouvé une occasion de lui voler tous ses états et pour assurer la coopération de ses propres sujets, au travail inique, elle a bercé leurs oreilles au son des sirènes de la liberté qui prendrait bientôt fin sous la forme d’un sordide esclavage. Permettez-moi ici de porter votre attention, pendant quelques instants, sur le Père commun à tous les fidèles. Peutêtre qu’il est, pendant que je parle, en proie aux plus ignobles traitements, insulté et vilipendé, comme le fut le Rédempteur du monde, qu’il représente sur terre, peut-être qu’il est détenu dans un horrible cachot, enchaîné comme le fut saint Pierre, dont il est le plus digne successeur ou peut-être qu’il a été victime de la fureur des ennemis de Dieu et des Hommes, et est ainsi devenu un glorieux martyr de la sainte foi catholique. On oblige les enfants à prier 16 6

pour leurs parents, l’église est liée à la prière comme l’étaient les premiers chrétiens à saint Pierre, qui, grâce à leurs prières, fut libéré de prison par l’intervention d’un ange. Notre révérend évêque a ordonné à chaque prêtre de prier pour le souverain pontife, d’une façon particulière, pendant six mois consécutifs. C’est un devoir que nous assumons avec joie. Nous espérons, que chacun d’entre vous, qui éprouve l’amour le plus infime pour la religion, unira ses prières à toutes celles qui sont en train de surgir de toutes les parties de l’église catholique, dans ce même objectif majeur. Mais, pendant que nous vous pressons instamment de prier, nous vous exhortons, en même temps, à ne pas vous décourager devant le sombre horizon des affaires de l’Église. Bien que quelques fanatiques, sous les masques jacobins de la calomnie et de l’abus, se soient réjouis, ces derniers temps, des malheurs du Pape, comme si l’arrivée de l’Antéchrist était imminente, nous les catholiques, détestons de telles fanfaronnades, sachant, avec la certitude de la foi divine, que toutes leurs sottes prémonitions se révéleront vaines et que l’Eglise restera debout et triomphera, en dépit de tous les maux de la terre. Dieu a déclaré que les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle ; et sa parole sera accomplie. Elle a surmonté les plus dures épreuves, toutes les puissances mondiales étaient liguées contre elle depuis le tout début et trois siècles durant, la plus grande partie de ses bergers ont versé leur sang pour la défendre. Sa préservation passée est un gage de protection future. Toutes ses souffrances furent prédites par son Divin créateur, qui a pris soin de la construire sur un roc si solide qu’elle résista à tous les flots et tempêtes de la persécution et de l’impiété qui pouvaient déferler sur elle. Le Pape Pie VI est le successeur de saint Pierre, le prince des apôtres, il est le vicaire de Jésus-Christ sur la terre, et la tête visible de son Église et, par conséquent, quel que soit son destin, aujourd’hui, soyons sûrs que Dieu existe, et qu’il aura aussi un


successeur, encore jusqu’à la fin des temps. De grandes révolutions peuvent avoir lieu sur tout le globe : des royaumes peuvent devenir des républiques et des républiques des royaumes, la civilisation succéder à la barbarie et la barbarie à la civilisation. Au milieu de toutes ces vicissitudes, c’est encore la barque de saint Pierre, avec ses successeurs à la barre, qui réussira à naviguer sur le courant du temps ; et jamais pilote n’aura été plus vénérable que quand il aura guidé le vaisseau à travers les hurlements de la tempête et les flots déchaînés. Nous devons être vraiment mortifiés que l’iniquité parvienne à de telles extrémités contre la sainte Église de Dieu, nous devons, tout un chacun, tenir nos péchés en partie responsables de cette terrible calamité, nous devons, en conséquence, nous résoudre à réformer notre vie, tout particulièrement en ce moment, où la charité de beaucoup de catholiques a disparu, quand les ennemis de l’Église sont ses enfants préférés qu’elle a élevés avec le soin et l’affection les plus tendres et nourris avec les paroles de Dieu et les sacrements. Mais, je le répète, ne soyons pas consternés au point de croire que tout est perdu. La promesse de Dieu fera effet dans la plénitude et la perfection. Il est encore le Seigneur fort et tout-puissant, son bras n’est pas raccourci, il continuera à protéger son Église, acquise avec son sang précieux. Ses ennemis seront tous vaincus et confondus et elle sera purifiée, comme l’or dans le feu, de toutes les scories dans le creuset des tribulations, et sera encore plus lumineuse et glorieuse que jamais. Puissent ces images nous consoler. Toutes les souffrances, que les Français ont occasionnées ou qui sont encore occasionnées, ne sont qu’un début. Il apparaît clairement que leur but est de dominer le monde et, sans une intervention miraculeuse de la divine providence, nous avons raison de craindre qu’ils puissent y parvenir, du moins sur le continent européen. L’Espagne, le Portugal et la Suisse sont sur le point de tomber dans les bras fraternels de ces pasteurs de la

vengeance divine. Que sera le destin de l’Angleterre, contre laquelle leur haine et leur méchanceté semblent principalement dirigées, ou plutôt, pour laquelle une période va bientôt commencer où ils auront un appétit vorace pour ses richesses. Pendant ce temps, nous devons souhaiter ardemment la sauvegarde de ce royaume magnanime, seul rempart de fortune en Europe contre la percée de la barbarie et prier avec ferveur pour elle. Considérons maintenant ce qu’ont été la bassesse et l’injustice de cette grande nation (comme ils se nomment eux-mêmes à tort) envers l’Amérique. Au tout début de leur révolution, nous reconnûmes leur existence en tant que république et reçûmes officiellement leur ambassadeur, acte pour lequel nous risquâmes la disgrâce des principales puissances européennes alors liguées contre eux ainsi que la guerre avec les plus grands d’entre eux. Nous leur envoyâmes notre pain quand leurs ports étaient bloqués et qu’ils mouraient de faim. Nous en arrivâmes même, bien avant qu’elle ne fût due, à leur remettre en mains propres la dette que nous avions contractée auprès de leur bon roi qu’ils avaient assassiné de la manière la plus inhumaine. Ils séduisirent nos marchands et leur firent livrer les riches produits de leur terre, et, pour ajouter à l’éternelle infamie de cette républiqueescroc, ils sont restés impayés jusqu’à aujourd’hui ou ont été obligés de recevoir des billets dépréciés. Nos vaisseaux subirent l’embargo dans leurs ports, au plus grand dam de leurs propriétaires, nos marchands furent dévalisés de plusieurs millions, pendant des années ; les clauses de notre traité solennel, conclu avec eux, ont été constamment violées et nous fûmes injurieusement traités sous le frivole prétexte d’impérieuse nécessité, on retrouve dans l’expression du bandit de grand chemin le sens de cette phrase : « La bourse ou la vie ». Les despotes de France ont interféré sans arrêt dans les affaires de notre gouvernement, qu’ils se sont efforcés 167


grâce à leurs espions, leurs pots-de-vin et leurs intrigues infâmes et malignes, de séparer du reste de la population. Ils ont traité nos magistrats en chef avec les plus grands mépris et indignité : ils ont persuadé les gens de détester et calomnier leurs dirigeants, de pousser les autorités constituées par eux-mêmes à agir en leur nom et à établir un système de désordre et une démocratie sauvage et sans principes au lieu de notre liberté actuelle et raisonnable. Tous ces torts aggravés, toute cette accumulation d’abus et de blessures imméritées, nous nous sommes abstenus d’en vouloir, espérant encore le retour de cette générosité et de cette justice naturelles du cœur humain. Nous avons essayé chaque moyen de conciliation qui fût compatible avec la dignité et l’honneur d’un peuple souverain et indépendant. Notre gouvernement leur a d’abord envoyé un gentilhomme de très grande respectabilité, avec les pleins pouvoirs pour régler toutes les divergences existantes, mais ils l’ont repoussé et traité avec des marques de mépris. Mais comme notre Président croyait comme il se doit aux grandes vertus de la paix, il persévéra dans son comportement conciliant et il joignit deux autres citoyens des plus distingués au gentilhomme qu’ils avaient refusé auparavant, se flattant gentiment que cette marque de condescendance et de déférence produirait son effet. Mais dès leur arrivée, ils furent traités avec la plus suprême indignité. Ils attendent encore patiemment : ils supplient, ils supportent chaque humiliation dans l’espoir d’un rapprochement ou même d’un entretien avec les arrogants usurpateurs du pouvoir despotique. Et quelle est la réponse que leurs agents ajoutent à toutes ces humiliations ? La voici, mes amis : “D’abord, vous devez nous remettre trentetrois millions de dollars, comme cadeau et dette, c’est plus d’argent que cent wagons, chargés chacun d’une tonne et cette somme énorme admise en notre sublime présence, au terme de quoi, nous ferons la paix avec 16 8

vous et à chaque fois, si nous l’acceptons, vous devez nous donner autant de millions de dollars que nous aurons le plaisir de vous demander et notre demande ne sera pas réglementée par la justice de vos revendications que nous reconnaissons et dont nous nous moquons, mais par notre pouvoir d’exigence et votre capacité de paiement – et si vous refusez ces conditions, si vous ne nous le donnez pas, aussi longtemps que vous pouvez le faire, nous ravagerons vos côtes, nous vous traiterons de la même façon que nous l’avons fait avec la Hollande, Genève, Gênes et les autres républiques et nous détruirons même votre nation et vous partagerons avec qui bon nous semble, comme nous l’avons fait avec Venise, la plus ancienne république du monde, que nous avions déclarée peu auparavant libre et indépendante”. Voici, en substance, la réponse donnée à nos émissaires par les arrogants sultans de France – et y-a-t-il un seul homme libre en Amérique, natif ou étranger, dont le sang ne bout pas devant tant d’insolence, et qui n’y répondrait pas, dans la langue de nos émissaires, en disant : “nous lutterons en hommes plutôt que de nous soumettre ?” Bien que beaucoup furent trompés, dans le passé, par manque de véritables informations et par l’idée que la France se battait pour la liberté, personne maintenant, depuis que leur comportement inique et tyrannique envers notre pays s’est avéré, à moins d’être un méchant patenté, ou épris de confusion, de sang et de rapine, ne peut leur trouver la moindre excuse. Le charme du mot liberté, par lequel ils ont fasciné si longtemps les ignorants et les inconscients, est à présent dissous. Les honnêtes hommes peuvent maintenant exprimer ouvertement et librement leurs sentiments sans aucune crainte de ces rudes factions impudentes qui ont si longtemps réduit au silence des peuples pacifiques et dans une certaine mesure, intimidé notre gouvernement. En passant en revue ce qui a été dit, nous y voyons un grand motif d’humiliation devant Dieu


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en raison de cette extrême perversion du cœur humain. Dans le comportement des usurpateurs et du peuple français, nous découvrons ce dont les Hommes sont capables, quand ils renoncent à leur Dieu et à leur religion et se livrent à leurs passions. Nous devrions être humbles, devant la présence divine, à l’idée que nous sommes, au moins, la raison injuste de ces terribles jugements qui circulent dans le monde et nous n’avons pas à nous enorgueillir d’être moins coupables que d’autres parce que nous sommes moins sévèrement châtiés. Notre situation, jusqu’à présent, a été vraiment enviable. Bien que nous nous lamentions des crimes qui nous ont fait mériter la colère de Dieu et désapprouvions son courroux, nous devrions le remercier sincèrement pour toutes ses grâces. Tandis qu’une grande partie du monde chrétien civilisé n’a entendu, pendant des années durant, que le fracas des armes et le trouble de la guerre, nous avons bénéficié des heureux effets de la paix et de la tranquillité. Tandis que le jacobinisme, qui signifie anarchie, désordre, pillage et assassinats, a propagé son influence maléfique dans les plus honnêtes parties de l’univers, il n’a fait évidemment qu’une faible avancée en Amérique, en dépit des efforts infatigables produits pour la propager. On le voit bien à la détermination unanime qui a éclaté, d’un bout à l’autre de l’Union, pour soutenir notre heureux gouvernement et pour tout sacrifier plutôt que de se résigner à l’humiliation nationale, une unanimité, selon moi, plus grande que celle qui régnait lors de notre guerre révolutionnaire. Lors de cette guerre, nombre de nos citoyens les plus vertueux et respectables étaient du côté de la Grande-Bretagne, réellement motivés par leur loyauté et leur conscience, mais aucun Américain ne peut plaider la loyauté, la religion, la conscience, ou tout autre motif honorable, car ils s’opposent à la majorité de leurs compatriotes, en se positionnant contre la nation la plus injuste, autoritaire, injurieuse et impie de notre planète. Il n’y a que des raisons viles

et séditieuses qui peuvent justifier une telle tristesse. J’espère, mes frères, que chacun parmi vous ressent le même enthousiasme patriotique que celui qui anime le cœur des citoyens natifs de ce pays. Hormis les raisons de s’indigner qu’éprouvent la plupart d’entre eux contre ces vils mécréants français qui souhaitent en imposer au monde entier, vous, en tant que catholiques, avez une raison encore plus forte, qui consiste dans le fait qu’ils ont profané et détruit vos églises, opprimé en toute barbarie, banni et assassiné vos évêques, prêtres, moines et religieuses et ont poussé l’audace jusqu’à porter leurs mains sacrilèges et profanes sur l’Oint du Seigneur, le chef visible de l’Église, le Père commun à tous les fidèles. Puissions-nous alors ne plus jamais entendre de la bouche d’un catholique irlandais qu’il se réjouisse de chaque victoire et approuve chaque action des Français parce qu’ils sont les ennemis de ses oppresseurs anglais. Admettant la réalité de l’oppression dont vous vous plaignez et dont vous avez souffert simplement en raison de votre attachement à la religion catholique qui a fait la gloire de votre nation de la saint Patrick jusqu’à nos jours, qu’est-ce que cela a en commun avec la défense de la constitution, du gouvernement et des lois de l’Amérique unie ? Ce pays vous a accueilli en son sein avec la plus grande affection, elle vous fait partager les mêmes privilèges et immunités que ceux qui y sont nés, elle protège votre vie, vos biens et votre religion. La plupart d’entre vous y sont probablement installés pour toujours, beaucoup d’entre vous ont des épouses et des enfants à qui ils sont tendrement attachés et dont le bien-être, autant que le vôtre, est intimement lié à celui du pays. Vous avez donc intérêt à ce que l’Amérique reste libre et indépendante afin que les bienfaits de la liberté et du bon gouvernement puissent être transmis à la postérité. Ce serait le comble de la bassesse et de l’ingratitude que de ne pas mettre du cœur à l’ouvrage pour défendre le pays où 169


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vous gagnez votre pain et profitez de tous les heureux avantages qui découlent de votre vie sociale. L’Angleterre que vous jugez comme votre ennemi et votre oppresseur, c’est vrai, est en train de s’accrocher à la nation qui nous pille et nous insulte. Nous ne sommes pas, pour cette raison, appelés à défendre la cause de l’Angleterre. Je sais que, pour rallier les ignorants et les inconscients aux côtés de la France, les partisans ont dit qu’elle défend la cause de tous les opprimés, à travers le monde, contre leurs tyrans et la cause républicaine contre la monarchie, mais ce langage est trop vieux pour avoir cours, à cette époque, même avec les plus incultes, en particulier depuis qu’elle a englouti toutes les républiques de l’Ancien Monde. La France est le grand oppresseur de l’univers et, par conséquent, le combat commun à la race humaine revient donc à s’opposer à ses tyrans, à ses pilleurs et assassins, c’est le combat de chaque gouvernement normal et de toute société civilisée contre le désordre, l’anarchie et la terreur, c’est le combat de toute religion et vertu contre le déisme, l’athéisme et toute espèce d’immoralité : c’est votre combat, c’est mon combat, c’est le combat de tout honnête Homme ; c’est un combat qui intéresse profondément notre vie, nos biens, notre liberté, notre conscience, tout ce qui nous est cher dans le temps et l’éternité. Portez alors la bannière de ce pays et opposez-vous, par tous les moyens possibles, à toutes les attaques directes ou insidieuses de votre ennemi. Apposez volontiers votre nom à l’appel de cette ville pour le président de l’Union à qui l’on offre vie et fortune pour la défense du pays. Ne soyons pas neutres, mes frères : “Celui qui n’est pas avec moi, est contre moi”, soyons respectueux du pays qui nous nourrit comme nous sommes respectueux du Seigneur lui-même. Évitez tous ces hommes qui cherchent à attiser votre colère contre l’Angleterre pour vous rallier aux côtés de la France. Ne lisez pas ces séditieux journaux menteurs dans 17 0

lesquels nos propres dirigeants, que vous avez choisis, ainsi que leurs mesures, sont sans cesse vilipendés, calomniés et dénaturés et dans lesquels tout ce qui est fait par les Français, quoiqu’absurde, inconsistant et infâme, est toujours loué et cité comme modèle de perfection, des journaux qui, fidèles et libres à leur devise, sont toujours remplis de mensonge et d’avis asservis.

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i vous voulez éviter les horreurs que le jacobinisme a produites en France, et où que ses maximes pestilentielles aient gagné du terrain, vous devez vous efforcer de les détruire dans l’œuf, vous devez réprimer toute insubordination, désobéissance et même irrespect envers vos dirigeants civils de même qu’envers vos supérieurs ecclésiastiques. Vous avez beaucoup entendu parler des droits de l’Homme, il est grand temps maintenant de vous occuper des devoirs de l’Homme. Rappelez-vous que personne ne peut avoir le droit de faire le mal et que l’obéissance et le respect dus aux dirigeants établis légalement font partie des devoirs les plus stricts. La conduite inverse est une très grande erreur et un péché. Un esprit de désobéissance et de révolte est étrangement répandu parmi les enfants et les esclaves. C’est pour l’heure une plainte très répandue ; et c’est une abondante source de jacobinisme dans l’état. Faites attention, par conséquent, à la discipline familiale, maintenez vos subordonnés dans une exacte soumission et ils s’habitueront à cette obéissance et cette soumission qui en feront de bons citoyens et qui contrecarrera efficacement toutes les tentatives des fauteurs de trouble d’introduire l’anarchie et la confusion dans ce pays aujourd’hui paisible et heureux. AMEN BOSTON LE 9 MAI 1798 REVEREND JOHN THAYER.


Vous avez beaucoup entendu parler des droits de l’Homme, il est grand temps maintenant de vous occuper des devoirs de l’Homme. Rappelez-vous que personne ne peut avoir le droit de faire le mal et que l’obéissance et le respect dûs aux dirigeants établis légalement font partie des devoirs les plus stricts.” Père John Thayer 171


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u temps de l’Abbé Matignon et de l’Abbé de Cheverus, la congrégation catholique grandit en nombre et en respectabilité grâce non seulement à l’arrivée à Boston de populations étrangères et notamment des Irlandais, mais aussi par les citoyens qui en étaient originaires. Au milieu de ses actes de charité, l’Abbé de Cheverus savait repousser les attaques des protestants contre la foi catholique, faisant en quelque sorte concurrence à l’Abbé John Thayer qu’il connaissait bien pour l’avoir côtoyé de nombreuse fois à Boston; comme lui il avait parfois recours aux journaux locaux

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pour confondre l'erreur ou dissiper les préventions de ses attaques. Bien avant la mort de l’Abbé Matignon et de l’Abbé de Cheverus, et moins d’un an après avoir délivré son plus célèbre sermon à Boston le 9 mai 1798, l’Abbé John Thayer, fervent missionnaire, fut envoyé dans une contrée lointaine du Kentucky par Mgr John Carroll, qui s’intéressait tout particulièrement aux missions dans ce territoire particulièrement réputé comme difficile et réfractaire au catholicisme. Il en fut cependant le premier Américain à y exercer le saint ministère romain.


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Il se roidissait contre l’action angélique et contre les douces paroles du vieillard. “Vous m’avez promis de devenir honnête homme. Je vous achète votre âme. Je la retire à l’esprit de perversité et je la donne au bon Dieu.” Cela lui revenait sans cesse. Il opposait à cette indulgence céleste l’orgueil, qui est en nous comme la forteresse du mal. Il sentait indistinctement que le pardon de ce prêtre était le plus grand assaut et la plus formidable attaque dont il eût encore été ébranlé; que son endurcissement serait définitif s’il résistait à cette clémence; que, s’il cédait, il faudrait renoncer à cette haine dont les actions des autres hommes avaient rempli son âme pendant tant d’années, et qui lui plaisait; que cette fois il fallait vaincre ou être vaincu, et que la lutte, une lutte colossale et définitive, était engagée entre sa méchanceté à lui et la bonté de cet homme”. ( Les Misérables, Victor Hugo ) 173


Les premières Êglises

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catholiques de Boston.

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Première cathédrale de la Sainte Croix à Boston de 1803 à 1875

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partir de 1797, La chapelle Sainte Croix de la School Street devenant trop petite pour les besoins du culte, le Père Francis Matignon et le Père Jean-Louis-Lefebvre de Cheverus, organisèrent d’un commun accord une souscription et firent appel à la générosité des paroissiens catholiques de la ville afin d’y lever les fonds nécessaires à l’érection d’une nouvelle église. Ils demandèrent même de l’aide aux protestants de la ville de Boston. Les fonds ainsi récoltés la communauté religieuse acheta un terrain et fit exécuter par l’architecte Monsieur Charles Bulfinch les plans de construction de l’édifice. Mais les travaux avancèrent lentement par manque de fonds, l’achèvement fut toutefois rendu possible en grande partie par l’aide fraternelle et financière des protestants de la ville. Il est même intéressant de noter que l’un des premiers souscripteurs ayant répondu à leur appel fut le Président des États-Unis, Monsieur John Adams. Avec leur aide, la nouvelle église fut achevée trois ans plus tard en 1802 à Franklin Street. Avant son départ, l’Abbé de la Poterie avait fait don de sa relique à l’église de Boston; elle y

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fut transférée et le bâtiment inauguré le 29 septembre 1803 par Mgr John Carroll sous le vocable de Holy Cross. En 1808, le pape Pie VII fait de Boston un diocèse, ce qui entraîne de fait la transformation de la nouvelle église Holy Cross en cathédrale. L’Abbé Jean-Louis-Lefebvre de Cheverus en devient le premier évêque titulaire. La première cathédrale catholique de Boston était née, agrandie en 1825 pour répondre à l’arrivée de nombreux catholiques irlandais. Cependant dès 1860, l’évêque d’alors, Mgr John Bernard Fitzpatrick envisage l’édification d’un nouveau bâtiment. Le projet est interrompu quelques mois plus tard suite au déclenchement de la guerre de Sécession. Lorsque le conflit s’achève son successeur à la tête du diocèse est Mgr John Joseph Williams qui reprend en priorité le projet de construction; les travaux du nouveau sanctuaire sont confiés à l’architecte Patrick Keely et commencent le 26 avril 1866. Les travaux achevés en 1875, la première cathédrale de la Franklin Street est détruite dans la même année et sera remplacée par de simples bureaux.


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La photographie qui illustre ce document est la véritable relique de Boston “Vera Crux”. Avant son départ définitif de Boston, l’Abbé Claude de la Poterie l’offrit à Mgr Lefebvre de Cheverus qui eut à cœur qu’elle ornât désormais sa cathédrale de Boston.

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DĂŠtail de la Croix reliquaire de Boston

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Deuxième cathédrale de la Sainte Croix à Boston de 1875 à nos jours

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a deuxième et actuelle cathédrale de la Sainte Croix fut inaugurée et officiellement consacrée à Washington Street, le 8 décembre 1875, toujours sous le vocable de Holy Cross. Cette même année, Boston devient siège de l’archidiocèse; la précieuse relique de la Sainte Croix offerte par l’Abbé Claude de la Poterie y a été conservée avec dévotion et l’on peut encore aujourd’hui l’honorer de nos prières dans cette belle cathédrale de Boston. Cette relique retrace l’histoire de l’installation des premiers colons

catholiques des États-Unis; elle témoigne de l’engagement catholique de ces hommes et femmes de la Nouvelle-Angleterre de cette époque de colonisation, rappelant aux hommes d’aujourd’hui la tâche difficile de ses premiers prêtres bostoniens, l’Abbé Claude de la Poterie, l’Abbé Louis Rousselet, l’Abbé John Thayer, l’Abbé François-Antoine Matignon, Mgr JeanLouis-Lefebvre de Cheverus et de tant d’autres après eux qui portèrent avec foi l’annonce de l’évangile du Christ ressuscité.

Arriving in Boston, October 3rd, 1796, he wrote Bishop Carroll: “Send me where you think I am most needed, without making yourself anxious about the means of my support. I am willing to work with my hands, if need be”. ( Mgr Jean-Louis-Lefebvre de Cheverus, First Bishop of Boston ).

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a Providence avait conduit l’Abbé Jean-Louis-Lefebvre de Cheverus au printemps de 1792 sur cette terre de Boston à cause de la Révolution française, obligé de quitter la Mayenne (France) ainsi que tous les ecclésiastiques insermentés du département. Il fut forcé de se rendre à Laval, où il dut être placé sous surveillance avec ordre de se présenter chaque jour aux autorités. Le décret du 26 août 1792 le condamna à la déportation avec les autres prêtres insermentés. On donna à ceux de Laval des passeports pour se rendre en pays étrangers ; Cheverus en prit un pour la Grande-Bretagne et passa par Paris, où il arriva au moment des massacres de septembre. Il se cacha pendant ces journées, et partit bientôt pour la GrandeBretagne, sans connaître la langue anglaise, et n’ayant pour toutes ressources que 500 francs d’alors. Le gouvernement britannique accordait alors des secours aux prêtres français réfugiés; l’Abbé de Cheverus ne voulut pas en profiter et il réussit à pourvoir lui-même à ses besoins, en se plaçant comme professeur de français et de mathématiques chez un ministre protestant qui tenait une pension. Au bout d’un an, il sut assez l’anglais pour se charger du service d’une chapelle catholique. En même temps, on lui proposa de se mettre à la tête d’un collège à Cayenne. Mais en 1795, l’abbé François-Antoine Matignon l’appela en Amérique (Nouvelle-Angleterre), à son arrivée à Boston, le 3 octobre 1796, l’Abbé de Cheverus trouva une communauté divisée et qui n’était pas favorable au catholicisme, mais aidé du Père FrançoisAntoine Matignon, il s’appliqua avec zèle aux travaux évangéliques. Mgr John Carroll, évêque de Baltimore, informé de tant de vertus et de talents, lui proposa la cure de Sainte-Marie à Philadelphie ; mais il ne voulut pas quitter l’Abbé Matignon, qui l’avait appelé de Grande-Bretagne. Le nombre des fidèles s’accrut bientôt à Boston: les protestants eux-mêmes désiraient

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entendre les prédications et assister aux cérémonies si touchantes de l’Église romaine. Parmi les conquêtes qu’il fit alors au catholicisme, il faut citer Elizabeth Ann Seton, fondatrice, par la suite de la première communauté de femmes des États-Unis. L’Abbé de Cheverus fut sacré à Baltimore le 1er novembre 1810, et l’Abbé Matignon, son maître et son guide, s’honora d’être son aide et son second. Évêque comme missionnaire, il continuait les plus pénibles fonctions de son ministère, confessant, catéchisant, visitant les pauvres et les malades, ne craignant pas d’aller, en toutes saisons, à toutes les heures du jour et de la nuit, porter à plusieurs milles de distance ses aumônes.

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la mort de l’Abbé François-Antoine Matignon, le 19 septembre 1818, il fut mandé par l’église de France à revenir au pays et le 15 janvier 1825, il fut nommé à l’évêché de Montauban, puis ensuite nommé archevêque de Bordeaux et reçu le pallium des mains de Mgr de la Myre, et repartit le lendemain pour sa ville épiscopale. Mgr le Cardinal de Cheverus arriva à Bordeaux le 14 décembre 1826, il y créa une caisse de retraite ecclésiastique, établit les conférences diocésaines, publia un nouveau rituel, fonda ou encouragea par ses aumônes l’œuvre de la Miséricorde, des orphelins de Lorette et des petits Savoyards de la Sainte Famille. Dans les divers voyages qu’il était obligé de faire à Paris, comme Pair de France, il eut l’occasion de prêcher souvent à l’École Polytechnique. Le jour de la Pentecôte de 1836, il promulgua dans sa métropole de nouveaux statuts synodaux depuis longtemps attendus. Ce fut le dernier acte administratif du cardinal de Cheverus; il tomba malade en 1836 et quitta ce monde le 19 juillet de cette même année, jour où l’Église célèbre la fête de saint Vincent de Paul, dont il avait, sous tant de rapports, reproduit les vertus.


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Une minorité, la classe dominante d’aujourd’hui, a les écoles et la presse, et aussi habituellement l’Eglise, sous sa domination. Cela lui permet d’organiser et d’influencer les émotions des masses, et d’en faire son instrument. Albert Einstein

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6 LES MISSIONS LE KENTUCKY

L

e 23 mai 1793, à Baltimore, Monseigneur John Carroll avait ordonné Stephen Théodore Badin, premier prêtre catholique sur le sol américain. Né le 17 juillet 1768 à Orléans, Stephen Badin était séminariste et avait émigré aux États-Unis pendant la Révolution Française. L’Eglise américaine avait tant besoin de missionnaires que Mgr John Carroll voulut l’envoyer dans l’état du Kentucky où s’étaient rassemblées plusieurs familles catholiques, émigrées du Maryland. Au début, l’Abbé Badin avait opposé quelque résistance à cette proposition, disant que sa jeunesse, son inexpérience et son manque de connaissance de la langue anglaise pouvaient faire obstacle à son ministère. Organiser et diriger des chrétiens catholiques qui n’avaient pas eu de contact avec un prêtre romain depuis plusieurs années était un lourd fardeau, ainsi supplia-t-il Mgr Carroll de ne pas l’envoyer dans cette difficile mission.

M

ais après avoir écouté les supplications du jeune missionnaire avec douceur, Mgr John Carroll proposa au Père Badin de ne prendre une décision définitive qu’après une réflexion de neuf jours. Le jeune prêtre accepta la proposition et la neuvaine fut commencée le soir même. Dans les jours qui suivirent, le prêtre et l’évêque unis spirituellement par une très puissante prière, attendaient avec ferveur une réponse de la Divine Providence. Quand enfin le neuvième jour arriva, l’Abbé Badin se rendit auprès de Mgr John Carroll et la conversation suivante s’établit entre eux :

La paroisse St. Francis autrefois paroisse St. Pius fut l’église du Père John Thayer pendant les quatre années de son ministère au Kentucky.

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6 LES MISSIONS: LE KENTUCKY

- Mgr John Carroll : « Eh bien, Père Badin, j’ai prié et je persiste dans ma pensée. » - L’Abbé Badin : « Souriant, j’ai prié aussi, Monseigneur et je garde mon sentiment. A quoi donc ont servi nos prières de neuf jours ? » Carroll sourit à son tour, et après un moment de silence, il reprit avec ce ton de dignité affectueuse et douceur qui lui était familier : - « Je ne veux pas vous l’ordonner, mais je pense que c’est la volonté de Dieu que vous partiez. » - L’Abbé Badin : « Je veux partir alors, répondit joyeusement, le Père Stephen Badin. » Âgé de 25 ans à peine, l’Abbé Badin se prépara au long et difficile voyage. Mgr Carroll lui donna pour compagnon un certain Abbé Barrière qui avait le titre de vicaire général. L’heure du départ arriva enfin et nos deux jeunes missionnaires 19 0

se mirent en route ; nous étions le 6 septembre 1793. C’est à pied, le bâton à la main, le bagage à l’épaule, qu’ils voyagèrent comme de simples pèlerins. Traversant l’état de Pennsylvanie, de Baltimore à Pittsburg, leurs pas, comme revêtus d’une force audacieuse, ouvraient la route vers cet état jugé difficile et rebelle. À Pittsburg, ils prirent place à bord d’un bateau qui transportait une troupe d’émigrants vers le Kentucky et descendirent jusqu’à la colonie française de Gallipolis (Gallipolis est une ville située dans l’État de l’Ohio, aux États-Unis). En arrivant à Gallipolis, la population, après avoir été bien longtemps privée de tous secours spirituels, recevait ces prêtres compatriotes avec la joie d’un véritable jour de fête. Les Abbés Barrière et Badin eurent, ce jour-là, le bonheur d’administrer à une quarantaine d’enfants le sacrement du baptême. Le lendemain poursuivant leur chemin, ils suivirent le


Montrant ainsi du doigt les catholiques ainsi que les protestants qui s’appuient sur des arguments semblables pour justifier l’existence de l’esclavage par un arrangement divin”. 191


Le Père John Thayer fut le premier prêtre américain à avoir exercé en tant que tel sur le territoire du Kentucky. A son arrivée, le Père Thayer fut affecté dans le comté de Scott, dans la communauté de White Sulphur entre Lexington et Frankfort : paroisse « St Pius Church of White Sulphur St Francis de Sales”.

Abbé Stephen badin cours de la rivière Ohio et atteignirent l’état du Kentucky et le territoire de la mission à Maysville (La ville de Maysville est le siège du comté de Mason, dans l’État du Kentucky, aux États-Unis). De là, ils gagnèrent à pied Lexington puis allèrent s’établir à Bardstown. (Bardstown est le siège du comté de Nelson, dans l’État du Kentucky, aux États-Unis) Dans son ministère, l’Abbé Barrière prit soin des familles catholiques dispersées dans le voisinage mais au bout de quatre mois d’exercice, découragé par les difficultés, les obstacles et le peu d’intérêt qu’il rencontrait dans l’exercice de son saint ministère, il décida d’abandonner la contrée et se retira un temps à la Nouvelle-Orléans puis rentra en France. (Depuis lors, son nom ne 19 2

fut plus prononcé parmi ceux des Pères fondateurs de l’Église américaine. Il est mort à Bordeaux en 1814). L’Abbé Badin devint alors le seul prêtre de cet immense territoire et y fixa sa résidence. Ayant pour chapelle une simple et misérable cabane, où une bille de bois taillée servait d’autel pour l’office, petit édifice aux fenêtres sans vitres, donnant à ce lieu à la merci des intempéries, l’allure d’une infinie pauvreté évangélique. L’Abbé Badin y resta presque seul chargé des fonctions ecclésiastiques ; Mgr Carroll lui avait envoyé de 1797 à 1799 l’Abbé Anthony Salmon, mais ce prêtre trop fragile et de faible constitution décéda presqu’aussitôt à son arrivée (L’abbé Salmon est mort des


6 LES MISSIONS: LE KENTUCKY

Reconstitution de la cabane chapelle du Père Stephen Badin (Kentucky) suites des blessures subies lors d’une chute providentielle d’une demande que lui de cheval le 9 novembre 1799). avait faite le Père John Thayer et Mgr Carroll lui proposa de rejoindre la mission du Kentucky. On comprend alors toute la peine de Mgr John Carroll à pourvoir en prêtres L’évêque de Baltimore informa le Père toutes les congrégations catholiques Stephen Badin de son intention ; il disséminées sur l’immense territoire connaissait comme beaucoup à cette américain. La faiblesse de ses moyens époque la réputation du Père John et l’éloignement extrême avaient rendu Thayer et l’Abbé Badin avait été séduit par l’entreprise vaine, et la poignée de prêtres la piété « pénitentielle » du Père Thayer qui subsistait devait faire preuve d’une qu’il pratiquait lui-même, au grand dam grande autonomie et accepter de ne pas des catholiques du Kentucky qui étaient pouvoir exercer pleinement le contrôle plutôt inconstants et libertins. Le Père social qui était à la base du catholicisme. John Thayer douta de prime abord Le Père Stephen Badin n’arrêtait pas de d’avoir, à bientôt quarante ans, l’énergie lui réclamer des « prêtres de qualité » suffisante pour assumer une mission sur pour l’aider au Kentucky. C’est alors que la zone frontalière. Toutefois, sans autre l’évêque de Baltimore eut l’opportunité alternative, il finit par accepter d’y aller. 193


6 LES MISSIONS LE KENTUCKY

Après avoir appris cette nouvelle, l’Abbé Stephen Badin, qui avait dix ans de moins, suggéra au Père Thayer de lui succéder. Le Père Thayer donna une suite positive à l’offre et c’est ainsi qu’il parut dans le Kentucky en 1799.

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uand Dieu voulut faire entrer dans le giron de son Église les peuples de l’Union américaine, il envoya, pour les diriger et les conduire, des prêtres français émigrés, mais cette fois-ci, il leur envoya un prêtre américain, le premier à avoir exercé en tant que tel sur le territoire du Kentucky. A son arrivée, le Père Thayer fut affecté dans le comté de Scott, dans la communauté de White Sulphur entre Lexington et Frankfort : paroisse « St Pius Church of White Sulphur St Francis de Sales ». Les catholiques y étaient installés depuis 1786 et y avaient érigé une petite église en bois dès 1794. À plusieurs reprises, ils avaient prié Mgr John Carroll et l’Abbé Stephen Badin de leur envoyer un prêtre à résidence pour leur paroisse. (L’Abbé Badin en fut le prêtre résident jusqu’en 1795 et l’abbé John Thayer de 1799 à 1804). C’est pendant le début des années 1800, que commença la construction de l’église actuelle. Son intérieur reflète encore l’atmosphère des temps anciens, les prie-Dieu s’étendent encore sur le devant de l’autel et les portes pour les bancs restent comme les symboles marquants des traditions d’antan de l’église catholique des Etats-Unis. Les paroissiens du Kentucky ne se doutaient pas alors que le Père John Thayer ne serait pas tout à fait le prêtre complaisant et docile qu’ils attendaient et les événements qui allaient survenir seraient décisifs pour la suite des événements. Dans un article de C. Walker Gollar édité sous le titre « Catholic Slaves and Slaveholders in Kentucky » nous donne un début de piste sur les préoccupations et les scrupules du Père John Thayer

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et Gollar place « l’esclavage » en avant du problème pour lequel l’Abbé Thayer n’était pas d’accord avec le point de vue catholique et protestant de son époque, et il l’avait déjà démontré quelques années auparavant dans ses différentes publications qui parurent dans la rubrique « Monitor » du Boston Argus de juillet à octobre 1792. Dans l’un de ses articles, le Père Thayer y comparait la vie à une scène où deux personnes joueraient le rôle d’un roi et d’un mendiant. “On n’applaudit pas plus celui qui fait le rôle du roi que celui qui joue le mendiant “, écrivait Thayer, “ mais celui qui, peu importe qui il est, joue le rôle qui lui est alloué avec la plus grande justesse.” Il montrait ainsi du doigt l’ensemble des catholiques et des protestants qui s’appuyaient sur des arguments semblables pour justifier l’existence de l’esclavage par un « arrangement soi-disant divin. » Les catholiques avaient déjà placé la subordination des esclaves dans l’ordre mondial de leur hiérarchie. Le Pape Grégoire XVI dans son encyclique de 1840, « In supremo Apostolatus », dénonça les horreurs du commerce international de l’esclavage, mais notifia que les apôtres « apprenaient aux esclaves à obéir à leurs maîtres temporels, comme ils le faisaient envers le Christ lui-même, et à faire avec joie la volonté de Dieu. » Trois années plus tard, l’évêque Francis Patrick Kenrick de Philadelphie cita cette déclaration papale en disant, d’après les espérances catholiques dominantes, que les maîtres étaient bons avec leurs esclaves et que les esclaves acceptaient leur sort. Le Père John Thayer, quoi qu’il en soit, n’était pas d’accord quand Mgr Carroll l’avait envoyé en 1793 dans le Sud comme missionnaire au Norfolk et à Portsmouth en Virginie : l’esclavage fut le point de rupture principal de cette mission. Le Père Thayer disait que le véritable développement d’une personne, peu importe son statut, provenait des passions.


Il reconnaissait que nombre d’auteurs suggéraient d’ôter les passions, mais il croyait que ces « émotions fortes de l’âme » faisaient partie du plan divin et devaient être, par conséquent, asservies à toutes fins utiles. Dieu créa les passions, insistait John Thayer, et donna ensuite les Écritures pour nous guider. « Quels que soient notre rang et notre condition sur terre, que nous apparaissions vils et bas aux yeux des Hommes », expliquait-il, « Dieu s’adresse réellement et directement à nous comme s’il n’y avait que nous sur terre ». Il affirmait que tous, peu importe le rang, devaient imiter Jésus, en se référant aux temps où le Christ montrait ses émotions : quand il était frappé de pitié et de compassion ; quand il était joyeux, avait de la peine et pleurait ; se mettait en colère et était indigné. À travers l’exemple de Jésus, concluait Thayer, Dieu guidait tout un chacun, « car, à ses yeux, il n’y avait ni respect ni distinction de la personne, mais ce que chacun faisait en écoutant sa voix .» uand il retourna à Boston pour demander de nouveau à Mgr Carroll à être affecté n’importe où sur la Côte Est de préférence chez des prêtres étrangers, le Père John Thayer ne s’attendait pas à la réponse catégorique de Mgr Carroll qui fut la suivante : « Il n’y a pas de place à l’Est! » et lui proposa de songer à la frontière entre les états. Soucieux de garder de bons rapports avec son évêque, le Père Thayer avant de quitter Boston, révéla qu’en dépit de ses échecs en Virginie, il croyait encore aux arrangements divins ainsi qu’à l’importance de l’ordre dans la société. Il avait été influencé par le Président John Adams, tout particulièrement en ce qui concernait la défense d’un bon ordre social. Voilà pourquoi il avait fait écho à ses points de vue dans son discours du 9 mai 1798. C’est là que le Père Thayer loua le gouvernement américain, libre et simple, et condamna les despotes

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révolutionnaires Jacobins qui ruinèrent la France. Et toujours d’après C. Walker Gollar qui affirme : ce fut d’autant plus évident quand il dévoila un autre de ses grands projets : en juin 1799, l’Abbé Stephen Badin expliqua à Mgr Carroll que le Père Thayer avait l’intention de s’approprier le terrain de l’église ainsi que le presbytère et de prendre deux nègres affranchis à son service pendant trois ans, puis (projet gigantesque!) il poserait les fondations d’un couvent d’ursulines et libérerait les esclaves, ce qui était digne d’un grand homme. Le Père Thayer avait déjà stipulé dans ses dernières volontés que les biens conséquents, qu’il avait hérités de sa famille quelques décennies auparavant, seraient employés à la fondation d’un nouveau couvent américain et qu’il en avait déjà parlé à Mgr John Carroll. Mais la provocation du Père Thayer au sujet de l’émancipation progressive était nouvelle. Des discussions avec plusieurs déistes du Kentucky, dont Simon Hickey de Lexington, avaient influencé la progression intellectuelle du Père John Thayer. De retour en Nouvelle-Angleterre, l’Abbé Thayer, ainsi que beaucoup d’autres ministres catholiques, s’en était pris régulièrement au déisme, mais maintenant il faisait preuve de discernement dans son combat. Au commencement de la République, le déisme ressemblait essentiellement à une campagne contre l’orthodoxie chrétienne. L’Abbé Thayer réfutait en argumentant que ce n’était pas entièrement incompatible avec la religion révélée. En fait, Thayer affirmait qu’une approche analytique du déisme prouvait en fin de compte l’existence d’un Dieu bienveillant et immanent de la même façon que ses enquêtes rationnelles avaient auparavant avéré les miracles attribués à Benoît-Joseph Labre. Au lieu d’abandonner le déisme, Thayer suggéra qu’on pouvait le concilier avec la théologie chrétienne. Pourtant au Kentucky, le Père Thayer découvrit que 195


le déisme dépassait le domaine de la simple spéculation. On considérait, tout particulièrement dans la région frontalière le déisme comme une force révolutionnaire qui représentait une menace contre l’ordre social établi. Les déistes du Kentucky, en particulier, défendaient souvent le suffrage universel et l’égalité des droits de la femme, en plus de l’abolition de l’esclavage. Au moins en termes d’opposition à ce dernier, le déisme frontalier confirmait le dégoût que ressentait le Père Thayer envers ce qui avait fait sans doute ressurgir en lui les souvenirs des cruels maîtres de Virginie. Au Kentucky, le Père Thayer rejoint les rangs de plusieurs déistes, défenseurs de l’émancipation des Noirs. Au Kentucky, de nombreux esclavagistes catholiques rejetaient toute forme d’émancipation. L’esclavage avait fait grandement partie du catholicisme frontalier aussi bien que de la région frontalière du Kentucky. La plupart des premières familles catholiques qui migrèrent après 1785, du Maryland vers le Kentucky, amenèrent des esclaves avec elles ou en acquirent à leur arrivée. Que leurs maîtres fussent catholiques ou pas, les esclaves fournissaient tout le travail physique nécessaire pour cultiver la région frontalière. L’ouverture de nouvelles terres, associée à la nécessité pour les Blancs et les Noirs de coopérer dans cette région désertique, était l’occasion d‘entretenir les liens entre maîtres, pionniers et esclaves. Les règles fondamentales de l’esclavage humain restaient pourtant en vigueur. Environ la moitié des ménages catholiques, qui vivaient au cœur des communautés catholiques du Kentucky de Washington et des comtés de Nelson, possédaient des esclaves, à raison de 4 à 5 esclaves par maître. Ce qui représentait beaucoup plus que leurs voisins non catholiques. Dans le comté de Scott, presque 70 % des chefs de familles catholiques détenaient des esclaves, six par maître en moyenne. 19 6

Les catholiques de la région frontalière utilisaient des esclaves pour obliger les prêtres à s’établir dans ce secteur. Il est probable que tous les prêtres de la région frontalière possédaient des esclaves. L’Abbé Stephen Badin en avait 10 à son service. Le Père Thayer avait racheté pour 600 $ à Robert Holton, paroissien de Lexington, Jere et Henny, un couple d’esclaves, et voulut les affranchir. Depuis lors, on considéra partout dans le Kentucky que le Père John Thayer était un homme dur et intransigeant, car il disait qu’il libérerait les esclaves et dénigrait de ce fait ce précieux cadeau qu’était l’esclavage. Mais le Père Thayer n’avait que faire de l’opinion publique. Selon ce qu’en raconta par la suite l’Abbé Stephen Badin à Mgr John Carroll, le Père Thayer continua à titiller les grands propriétaires terriens et leur autorité de maître envers les esclaves : «Le Père John était, aveuglément et publiquement dévoué à leur cause, en disant toujours et encore qu’ils étaient tout aussi vertueux que les hommes blancs de sa congrégation.» En effet, John Thayer proclamait alors, d’après les remarques de l’Abbé Badin, que les esclaves étaient « les meilleures personnes de sa congrégation ». Comme nous l’avons écrit plus haut, John Thayer avait, étant jeune, le goût de défier les institutions en place ainsi qu’un grand désir de nouveauté. Bien qu’ayant grandi dans une famille puritaine calviniste de Boston, il n’avait cependant rien perdu de ses convictions, au Kentucky. 16 ans après cette rencontre particulière à Rome au tombeau du Saint Pèlerin d’Amettes et sa conversion au catholicisme, le Père John espérait toujours convertir toute la Nouvelle-Angleterre et croyait fermement à l’idée d’abolir l’esclavage dont il ne soutiendrait, en conséquence, aucune mesure condescendante contre les prises de position sudistes de ses paroissiens et amis ecclésiastiques du Kentucky.(Prêtres, évêques et religieux.)


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“Le Rev. Ezra Stiles ( Calviniste), président de l’université de Yale de 1778 à 1795” .

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DÉPART DU KENTUCKY

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endant les années passées au Kentucky (en 1793, 1799 et 1803), le Père John Thayer défendit les idéaux les plus nobles tout en s’engageant aussi en actes. Du vivant de Thayer (1758-1815), il y eut quelques catholiques du Nouveau Monde qui défièrent l’institution de l’esclavage, ainsi que Charles Carroll, sénateur du Maryland. « Charles Carroll de Carrollton et cousin de l’évêque John Carroll », le seul catholique signataire de la Déclaration d’Indépendance des États-Unis, faisant figure d’exception, par son statut de plus riche esclavagiste de l’Amérique coloniale, et qui appela en 1774 à mettre fin au commerce international des esclaves. 23 ans plus tard, il proposa, sans succès, au sénat de l’état du Maryland, un projet de loi pour une abolition graduelle. Charles Carroll adopta par la suite une politique de manumission (affranchissement) sur

ses propres terres, situées dans le comté de Frederick, en libérant 30 esclaves à la fois. Comme Carroll, les Jésuites du Maryland adoptèrent en 1814 une politique d’émancipation différée, qui fut, malheureusement, rarement mise en pratique. a plupart du temps, les Jésuites considéraient l’esclavage, de la même façon que leurs contemporains catholiques, comme un mal à dompter mais nécessaire. Le premier étudiant qui intégra l’université jésuite de Georgetown, était un catholique du nom de William Gaston, qui demeura jésuite et catholique pendant sa longue carrière politique en Caroline du Nord. Il ne défendit pas seulement l’abolition graduelle mais qualifia l’esclavage d’obstacle à la société et à l’économie. Quoiqu’il en soit, William Gaston avait vingt-trois ans de moins que Thayer.

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En 1852 est publié “La case de l’oncle Tom” : C’est un roman qui montre l’inhumanité de l’esclavage ainsi que le désespoir de beaucoup d’esclaves. L’histoire se déroule dans l’état sudiste du Kentucky”.

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n 1799, dans la paroisse du Père Thayer, la majorité des familles de Bardstown et de Lexington étaient de religion catholique; elles avaient toutes en commun l’attachement à l’esclavage. Et dans cet environnement, l’Eglise, qui n’a pas à l’époque « vocation anti-esclavagiste», se positionne en étant complaisante avec cette pratique ; les prêtres achètent des esclaves, comme le font également les ministres protestants; ce qui la placera plus tard au cœur des débats qui animeront les Etats-Unis à la fin de la Guerre de Sécession. Dans ce contexte conflictuel, le sacerdoce du Père John Thayer était difficile : heureusement qu’il était doté d’un caractère fort pour résister aux attaques incessantes, aux calomnies et aux rumeurs mensongères. Il traversa la période de 1790 à 1803 dans ce climat houleux et délétère. es ecclésiastiques calvinistes américains le traitaient de « Renégat. » Un personnage de l’époque, le Rev. Ezra Stiles, président de l’université de Yale de 1778 à 1795, fit ce commentaire acerbe sur lui :

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« Il commença sa vie dans l’impudence, l’ingratitude, le mensonge et l’hypocrisie, il prêcha de façon irrégulière chez les congrégationalistes, alla en France et en Italie, devint adepte de l’Église romaine et rentra convertir l’Amérique vers cette église d’arrogance insolente et pleine de talents insidieux.» Compte tenu de son caractère impétueux, ce qui devait arriver arriva : le Père John Thayer tomba presque volontairement dans le piège qui lui fut tendu à l’époque et cela malgré les nombreuses mises en garde de son entourage de l’Abbé Badin et de Mgr Carroll. Lexington est une ville qui, au moment des faits, était dominée par de riches familles coloniales favorables à l’esclavage

dont plusieurs y sont toujours présentes de nos jours et les idées abolitionnistes de John Thayer devaient le conduire inévitablement à la rupture avec la communauté paroissiale. L’informateur de Mgr John Carroll écrivait ceci sur l’Abbé Thayer: « Sa passion pour l’indépendance à l’égal d’aucun autre apôtre dans l’Eglise de Dieu peut lui causer et à d’autres aussi de grandes difficultés ». Cette prédiction se confirma, bien que le terme « grandes difficultés » fût un euphémisme. Dans les premières années de l’Eglise catholique des Etats-Unis, quelques prêtres furent bien plus incisifs que John Thayer. Quoiqu’il en soit, il fut l’un des seuls prêtres catholiques qui s’opposa ouvertement à l’époque au système inhumain que représentait l’esclavage. 199


Saint Francis Cemetery White Sulp

La tombe d’ Eleanor et de Jeremiah Tarlton Jeremiah Tarlton a également acquis le site de la première église catholique dans la région, qui avait été construite en 1794 en tant que deuxième église catholique de Kentucky. Cette paroisse St. Pius (Francis) est devenue avec celle de St. John, l’église mère du présent diocèse de Covington. Jeremiah Tarlton était très impliqué dans la vie politique locale; c’est lui qui, dans cette paroisse du Kentucky, donna au Père John Thayer les moments les plus difficles de son sacerdoce. le Père Thayer, en lutte contre l’esclavage, trouva en Jeremiah Tarlton, son principal adversaire, au sein de la communauté de White Sulpur.

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phur (Scott County) Kentucky, USA

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La tombe (Point rouge sur la photo) d’Eleanor et de Jeremiah Tarlton dans le cimetière St. Francis qui se situe de l’autre côté de la route, face à l’église Saint François de Sales. Jeremiah Tarlton - né le 11 février 1755, dans le comté de St. Mary (Maryland). Il était marié à Eleanor Medley, née le 27 février 1762, également dans le comté de St. Mary (Maryland). Jeremiah est décédé le 6 juillet 1826 et fut enterré au cimetière de St. Francis, White Sulphur, Scott County, Kentucky. Eleanor est décédée en 1845, la date exacte demeure inconnue. Ils s’étaient mariés le 20 janvier 1782, union qui leur donna 11 enfants, les Tarlton furent parmi les premiers colons catholiques du comté de Scott à White Sulpur. Ils possédaient un immense domaine qui s’appelait à l’époque “Woodford” ainsi que de nombreux esclaves. La famille Tarlton était la plus riche du comté, et fondatrice de la congrégation de Saint François de Sales à White Sulphur, (huit miles à l’ouest de Georgetown).

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uelques anecdotes de cette période existent encore et perdurent, relatant que l’Abbé Stephen Badin et d’autres prêtres de la région frontalière, dont Charles Nerinckx et l’Abbé Anthony Salmon, avant sa chute de cheval mortelle, étaient, dit-on, dévoués à leurs esclaves et leur apprenaient à lire. Mais aucun prêtre, à l’exception de John Thayer, n’avait osé affirmer jusquelà, que les esclaves pourraient dépasser leurs maîtres d’une manière ou d’une autre, et à Lexington, il était le seul à approuver ouvertement toute forme d’émancipation. Entre-temps, la plupart des catholiques blancs enseignaient que, bien que les esclaves dussent avoir la même chance d’assister aux sacrements et gagner une place au paradis, ils ne pouvaient et ne pourraient partager le même pouvoir terrestre que les hommes libres. Les catholiques blancs croyaient généralement que, dans ce monde, le système esclavagiste patriarcal était ce qui convenait le mieux à la nature, soi-disant servile, des personnes de descendance africaine. La plupart des catholiques du Kentucky croyaient que Dieu avait décidé que des maîtres dirigeraient d’humbles esclaves. Le discours de Thayer, prononcé à Boston en 1798, dans lequel il était d’accord avec leur parfaite soumission, reflétait les points de vue catholiques prédominants. Mais l’hypothèse supplémentaire du Père Thayer, qui vit le jour au Kentucky, relative au fait que les esclaves pourraient être égaux en vertu et même supérieurs à leurs maîtres, était non seulement un affront envers la majorité des paroissiens mais sapait aussi l’ordre temporel enseigné par les catholiques du Kentucky. Par l’évocation d’une éventuelle supériorité des esclaves, Thayer menaçait de démanteler les arguments des catholiques adeptes de l’esclavage. Les sujets fâcheux sur l’esclavage du Père John Thayer lui occasionnèrent d’autres problèmes; en effet, John Thayer admirait

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le Président Adams et témoignait ouvertement, dans ses sermons, de son admiration sans faille pour sa personne. En critiquant les convictions politiques de manière imprudente des républicains démocrates dans une région acquise, depuis si longtemps, à Jefferson et à son parti, il apprit bien vite que le Président Adams était méprisé dans la région frontalière. Juste avant que Thayer ne déménage dans le Kentucky, le corps législatif de l’état avait voté les résolutions qui soutenaient la cause républicaine de Thomas Jefferson et James Madison et dénonçaient le programme fédéraliste d’Adams. En conséquence, la plupart des habitants du Kentucky n’appréciaient pas les points de vue fédéralistes du Père John Thayer. es problèmes de Thayer avec les paroissiens gagnèrent en intensité; lorsque les catholiques du comté de Scott refusèrent de doter son projet de couvent et même d’assigner un bénéfice à ses terres, il s’opposa ouvertement à sa communauté. «Toutes ses exigences ont lassé ses paroissiens », écrivait l’Abbé Stephen Badin à Mgr Carroll au début de l’année 1801. « On raconte que quelques dirigeants s’opposèrent à ses projets et tinrent des propos insultants envers lui. » Mais le Père John Thayer tomba aussi vite que sa révolte était grande dans le piège qui commençait à se refermer sur lui. es paroissiens commencèrent à se liguer contre lui pour le déstabiliser et surtout pour le faire partir de White Sulphur. Dans une seconde lettre adressée à Mgr Carroll, l’Abbé Badin décrivit les rumeurs colportées par les paroissiens et les dires d’un certain Jeremiah Tarlton, selon lesquelles il aurait commis des actes de brutalité envers des esclaves et que des bruits couraient aussi qu’il avait brisé le secret de la confession en divulguant des propos entendus au confessionnal. La rumeur disait aussi que l’Abbé Thayer avait dénudé les épaules de l’esclave Henny

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pour la fouetter, rumeurs qui renforcèrent les foudres de ses principaux détracteurs. Le Père Badin déclara aussi dans sa lettre: « Le Père Thayer affaiblit l’autorité des maîtres sur les esclaves dans ses discours contre l’esclavagisme. » Le Père Badin affirmait aussi que le travail des esclaves œuvrant sur les terres de la paroisse, profitait aux espoirs du Père Thayer de création d’un couvent au Kentucky et cela reposait sur le capital produit par les esclaves de cette paroisse. l’Abbé Badin proclama toutefois que John Thayer « dévoué aveuglément et publiquement à leur cause » et que les rumeurs provenaient de son manque quasi légendaire de diplomatie et de tact. Les accusations toutes plus fantaisistes les unes que les autres ne laissèrent aucun répit au Père John Thayer: il était évident qu’il ne pouvait sortir vainqueur de ce conflit et, au lieu de calmer les tensions, il les accentua en réponse aux rumeurs propagées à son encontre: « Il traita d’hypocrites les propriétaires d’esclaves de cet endroit. » En février 1801, deux ans seulement après son arrivée au Kentucky, l’Abbé Badin eut la « pénible tâche » de transmettre à Mgr John Carroll que les habitants du comté de Scott exprimaient de commun accord « le regret de la venue de Thayer au Kentucky. » « L’Abbé Badin exprima lui-même qu’il regrettait son arrogance à l’égard de ceux qui osaient s’opposer à sa conduite radicale ou ses points de vue ». il ajouta aussi que « les rumeurs accusaient le Père Thayer de divers harcèlements, de propositions malhonnêtes et de menaces envers des paroissiennes et que tous souhaitaient son départ. » algré les rumeurs, l’Abbé John Thayer continua à soutenir les esclaves et à protester lorsque des paroissiens achetaient des terres grâce à la vente de jeunes esclaves innocents. Ses démêlés les plus incisifs étaient

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tournés vers le plus grand esclavagiste de sa congrégation, Jeremiah Tarlton, mais le Père Thayer ajoutait que « presque toute sa paroisse » avait fait de même. Vendre des esclaves, pour assumer des obligations financières, était monnaie courante dans le Kentucky à cette époque. Mgr John Carroll déclara au Père John Thayer que : « Certainement la charité et peut-être la justice exigeaient de ne pas les vendre », ce à quoi Thayer ajouta: « Toute la difficulté réside dans le fait, Monseigneur, que les maîtres sont soit juridiquement obligés de ne pas les vendre, soit forcés de les libérer, si cela est possible ». Thayer expliquait que c’était à cela « qu’il cherchait une réponse explicite ». Apparemment, il ne reçut jamais ni le conseil ni le soutien qu’il attendait de la part de Mgr John Carroll. Les problèmes de John Thayer avec les protestants et les catholiques du lieu ainsi qu’avec la famille Tarlton s’aggravèrent en même temps que ses difficultés avec ses paroissiens. Son mandat dans cet état en herbe fut de courte durée. À peine avait-il exprimé ses points de vue fédéralistes, contre l’esclavage à contre-courant de ses paroissiens et voisins et alors qu’il venait de tester la patience de Mgr Carroll et défier ainsi pour la seconde fois l’autorité de son évêque, ce qui devait arriver arriva: avant même que l’évêque de Baltimore ne prenne une décision à son égard, un scandale éclata à White Sulphur, dont les les rumeurs mirent fin à sa carrière de prêtre dans l’état du Kentucky.

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e furent d’abord de sombres accusations que l’évêque Carroll décrit comme des paroles inconvenantes lors de la confession ou après la confession. La victime la plus conséquente fut une certaine Mary Jameston, une ancienne nonne du Maryland, qui avait quitté la vie religieuse.

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elon l’Abbé Badin, cette femme a juré devant un juge de paix que le Père Thayer avait fait «plusieurs tentatives infâmes à la tribune (pendant la confession).» L’Abbé Badin transmit à Mgr John Carroll la déclaration écrite sous serment du juge de paix Twyman qui écrivit que «Madame Jameston avait attesté lors de son interrogatoire que, pendant la confession, le Père Thayer lui avait demandé avec insistance qu’elle enlève ses vêtements. » Cependant des mois plus tard, bien après le départ du Père Thayer, l’Abbé Stephen Badin raconta dans un long récit que la piété de longue date de Mary Jameston était bien connue, mais que la paroissienne souffrait d’angoisses continues bien connues et de désordres divers, (psychiques). Et dans cette même lettre à Carroll, quelques pages plus loin, l’Abbé Badin mentionna ses propres efforts lors de son arrivée dans le comté, afin d’éviter ce type de soupçon envers les prêtres côtoyant des paroissiennes du comté de Scott. Il gardait lui-même «les portes du confessionnal grandes ouvertes lors des confessions», mais il avait également conseillé au Père Fournier de ne pas engager de jeune bonne à son service. Ce qui n’empêcha pas cependant le Père Badin d’être attaqué à ce sujet par les protestants du comté de Scott, et le Père Fournier par un membre de l’une de ses propres congrégations. Placé sous contrôle et surveillance par le juge de paix, le Père John Thayer fut arrêté lors de l’étude des plaintes puis relâché. Sa vie était éminemment irréprochable, mais il lui imputa le trouble à l’ordre public et l’intempérance de sa parole. Le Père Stephen Badin délivra six directives aux paroissiens du comté de Scott : la première stipulait que le Père Thayer demeurait prêtre jusqu’à ce que l’évêque en décide autrement ; la seconde, que le Père Thayer pouvait continuer à donner les sacrements ; la troisième, que le Père Thayer pourrait, comme tout autre

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catholique, faire pénitence et recevoir l’absolution avec dignité ; la quatrième, que les paroissiens pourraient se confesser auprès du Père Stephen Badin ou si nécessaire se souvenir qu’« ils pourraient recevoir l’absolution de quelque autre prêtre que ce soit » ; la cinquième, que les paroissiens du comté de Scott étaient conviés à assister aux sermons du Père John Thayer, « tant qu’il ne prêcherait pas contre la foi et la moralité »; et la sixième, afin d’éviter toutes plaintes ultérieures, de créer des espaces ouverts pour la confession, des boxes ou de laisser toujours ouvertes les portes des confessionnaux.La dernière requête faite à la paroisse et aux membres de la communauté du comté de Scott fut que les personnes qui divulgueraient des détails salaces sans fondement devaient s’arrêter et demander pardon pour leurs péchés, car la culpabilité du Père John Thayer n’était pas prouvée, et que seul persiste l’accusation de trouble à l’ordre public pour ses propos et ses prises de position politiques liés à l’esclavage. Au sein de la région, des troubles rongeaient le cœur de la congrégation. Le Père Badin s’inquiétait au sujet de l’opinion des protestants, que le Père John Thayer avait aussi provoqués sur l’esclavage pendant ses fonctions à la paroisse. En plus, le Père Badin savait que le scandale parviendrait à Washington et dans le comté de Nelson et que l’affaire « rendait la position des prêtres de cet état encore plus désagréable.» De telles accusations renforçaient les courants anticatholiques contre les curés, selon les dires des uns et des autres, que « les prêtres utilisaient le confessionnal pour séduire de jeunes femmes ». Apparemment pour leurs propres intérêts ou ceux de leurs sœurs du comté de Scott, les femmes catholiques de Pottinger’s Creek et Bardstown firent une collecte et parvinrent à une somme substantielle pour payer les dépenses de voyage d’un nouveau prêtre, avec l’intention de se débarrasser du Père John Thayer.


L’évêque John Carroll, afin de lever tout les soupçons, demanda au Père Stephen Badin de mettre fin à ce scandale. Il chargea Badin et le Père Fournier d’enquêter sur les accusations, de faire subir un contre-interrogatoire à John Thayer et à d’autres témoins, de noter les témoignages et de « rendre ensuite leur jugement. » Les prêtres devraient déterminer si l’abbé John Thayer avait « dans le confessionnal, ou juste avant ou après la confession » d’une personne non nommée, « sollicité de tels actes en paroles, faits ou écrits ou autres moyens quelconques … » ou si Thayer « avait eu des écrits, des gestes ou des paroles déplacées. » « Le Père John Thayer déclara sous serment qu’il n’avait pas failli, qu’il n’avait pas rompu ses voeux et, qu’en aucune façon, il n’avait entaché l’honneur de la prêtrise, ni la sainteté du confessionnal, ni ses relations de confesseur à pénitent.» Le jugement du Père Badin et du Père Fournier fut sans équivoque. Ils affirmaient qu’il n’existait aucune preuve réelle et que l’accusation reposait uniquement sur des propos verbaux douteux d’une personne pour laquelle ils devaient manifester une extrême réserve à l’égard de la véracité et de la teneur des faits reprochés. En vertu de quoi ils décidèrent qu’il convenait de lever toutes les accusations et déclarèrent que, devant les éléments qu’ils ont rassemblés, ils n’excluaient pas l’innocence du Père John Thayer. n 1803, Mgr John Carroll, afin de calmer les esprits, l’envoya quelque temps à la Nouvelle-Orléans. En juillet 1804, Mgr Carroll lui écrivit et le réabilita en levant les accusations portées contre lui. John était irréprochable, mais il lui suggéra de quitter discrètement les États-Unis, étant donné les nombreuses polémiques religieuses et politiques qu’il avait attisées durant son ministère. Cependant, il ne cacha pas au Père John Thayer qu’il avait fini par l’exaspérer

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par l’intempérance de sa parole et son manque d’obéissance. «Vous ne pouvez pas vous accommoder au travail paroissial ni à l’institution de l’esclavage de ce pays, et vos méthodes excentriques ont fait le reste dans ce qui vous arrive aujourd’hui.» Le Père John Thayer suivit à la lettre cette fois-ci la suggestion de Mgr Carroll. Il se retira sur la côte Est et embarqua en novembre 1803 pour l’Angleterre. John passa quelque temps à Londres, à la Trappe (en France) et à Dublin. Et en février 1811, il déménagea à Limerick, en Irlande, où il mena une vie ascétique admirable.... rai ou faux, ce qu’on a dit du Père John Thayer tient souvent autant de place dans sa vie et surtout dans son ministère que ce qu’il fit au service des hommes. Qu’y avait-il de vrai du reste dans les récits qu’on faisait sur lui ? Beaucoup des accusations étaient mensongères, diffamatoires et improbables. Personne à White Sulphur ne savait vraiment ce qui animait son cœur et sa foi. John avait été l’instigateur de sa propre condamnation et fut jugé coupable de trouble à l’ordre public et d’intempérance de parole dans ses exortations dominicales contre l’esclavage. Dans une ville, dans une région parfois, il y a bien souvent beaucoup de bouches qui parlent et fort peu de têtes qui pensent. Il devait le subir, sous forme d’injures disgracieuses telles que « John Turncoat » et « Renégat présomptueux » pour ce qu’il était avant tout, mais surtout à cause de ses idées et son entêtement à croire qu’il détenait, en tant que prêtre, la vérité absolue. À cause de cela, les accusations, auxquelles on mêlait alors son nom, mirent fin à la vie du « premier prêtre Yankee au Kentucky ». Les calomnies, qui n’étaient, après tout, que du bruit, des mots, des paroles, et même moins que des paroles, des ragots sans fondement, le conduisirent inexorablement à l’exil. outes ces rumeurs se propagèrent de porte en porte, de salon en salon. Elles étaient le résultat des conversations de la part de paroissiens

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et de villageois mécontents du Père John Thayer. La fin justifie les moyens: ils étaient maintenant heureux de s’en être débarrassé. Cette sordide affaire occupa la paroisse et les esprits malins du Kentucky quelque temps encore après le départ du Père Thayer et elle sombra lentement dans l’oubli. Le Père Thayer a été le premier Américain à avoir exercé le ministère presbytéral au Kentucky. Au cours des quatre années de son ministère, passées à White Sulphur, deux seulement ont été consacrées à des missions actives, et les deux autres, à un travail de controverse politique; mais ni le ridicule, ni les critiques ni les rumeurs colportées par ses adversaires esclavagistes ne le firent chanceler et renoncer à ses idées. e fatal événement laissa une fois de plus l’Abbé Stephen Badin, seul en charge des catholiques du Kentucky. Et comme dit le dicton « un malheur n’arrive jamais seul »: en 1803, le vaillant Père Michael Fournier qui avait la charge de la paroisse Sainte-Anne devait trouver la mort accidentellement, écrasé par la chute d’un arbre qu’il coupait. La mort du Père Fournier perça le cœur du

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Père Badin. La solitude de sa vie commença à peser fortement et le cri de son âme en détresse a été portée à la connaissance de Mgr John Carroll; ce qui ajouta un peu plus à la misère de cet évêque apostolique. La Divine Providence intervint et amena le Père Charles Nerinckx, en 1805, au Père Stephen Badin et à la mission américaine dans le Kentucky. Les restes du Père Fournier ont été enterrés au cimetière Holy Cross, à côté de ceux du Père Salmon. Un petit monument marque le dernier lieu de repos de ces pionniers zélés des premiers temps de l’église catholique des Etats-Unis. Sur leurs tombes à Holy Cross cemetery, Marion County, Kentucky, on peut lire l’épitaphe suivante: Hic jacet Antonius Salmon, virtute verendus, Presbyter e Gallis; prætulit exilium Schismaticis opibus; frates, matrem arvaque linquens: Det Pietas fletus, Religioque preces. He died on Nov. 10, 1799 The Rev. Michael Fournier was born in 1755, he came to Kentucky on February 26, 1799. He died on February 12, 1803.

Le Père John Thayer fut tellement harcelé, maltraité, qu’il fut obligé de quitter l’état du Kentucky. On allait jusqu’à lancer des pierres à travers les portes et les fenêtres de la chapelle, où il offrait le saint sacrifice de la messe. N’étant pas reconnu coupable des faits colportés contre lui, il n’était pas obligé de quitter le Kentucky. Mais il céda à la suggestion de son évêque Mgr Carroll et quitta finalement le comté de White Sulpur en toute discrétion. Alors prêtre en exil, il allait son chemin, “embrasé” qu’il était par le désir ardent de partager l’expérience de sa conversion lors de la mort à Rome du pèlerin français, BenoîtJoseph Labre. En exil loin de l’Amérique, son charisme éveillait toujours en lui une espérance infinie.” 20 8


6 LES MISSIONS: LE KENTUCKY

Jésus referma le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui. Alors il se mit à leur dire : Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. Tous lui rendaient témoignage et s’étonnaient des paroles de grâce qui sortaient de sa bouche. Ils se disaient : « N’est-ce pas là le fils de Joseph ? » Mais il leur dit : « Sûrement vous allez me citer le dicton : “Médecin, guéris-toi toi-même”, et me dire : “Nous avons appris tout ce qui s’est passé à Capharnaüm ; fais donc de même ici dans ton lieu d’origine !” » Puis il ajouta : « Amen, je vous le dis : aucun prophète ne trouve un accueil favorable dans son pays. En vérité, je vous le dis : Au temps du prophète Élie, lorsque pendant trois ans et demi le ciel retint la pluie, et qu’une grande famine se produisit sur toute la terre, il y avait beaucoup de veuves en Israël ; pourtant Élie ne fut envoyé vers aucune d’entre elles, mais bien dans la ville de Sarepta, au pays de Sidon, chez une veuve étrangère. Au temps du prophète Élisée, il y avait beaucoup de lépreux en Israël ; et aucun d’eux n’a été purifié, mais bien Naaman le Syrien. » À ces mots, dans la synagogue, tous devinrent furieux. Ils se levèrent, poussèrent Jésus hors de la ville, et le menèrent jusqu’à un escarpement de la colline où leur ville est construite, pour le précipiter en bas. Mais lui, passant au milieu d’eux, allait son chemin. Evangile selon Saint Luc, chapitre 4, verset 20-30. 209


L’ IRLANDE

Le Comte d 21 0


L’abolition de l’esclavage, après la guerre de sécession: le 13e amendement de la Constitution américaine du 1er janvier 1863 abolit définitivement l’esclavage sur l’ensemble du territoire américain. Les amendements consécutifs, le 14e et 15e, ne parviendront toutefois pas à empêcher l’instauration d’un système ségrégationniste dans le Sud du pays”.

de Limerick 1811 211


Le Comte de Limerick Les dernieres aventures du

L

e Père John Thayer, avec le consentement de Mgr John Carroll, avait quitté le Kentucky, en direction de l’Europe dans sa longue errance et partout où il se présenta, il fut reçu comme un « apôtre ». Avant de quitter l’Amérique, il avait annoncé son intention de ne pas renoncer pas à son projet d’entreprendre la création d’une communauté de religieuses Ursulines aux États-Unis. Pour cela, il passa les années 1803-1811 à prêcher de longs sermons à Londres, ensuite à Dublin, en Irlande, ne ménageant pas ses efforts pour récolter les fonds importants nécessaires à l’édification de cette institution religieuse en Amérique. Sa santé mise à mal par des années d’ascèse et par des voyages incessants, il décida en 1811 de fixer définitivement sa résidence à Limerick, ville irlandaise où il passa le reste de sa vie. Là-bas, il n’était en charge d’aucune paroisse et l’on suppose, d’après les témoignages, qu’il se plaça sous l’autorité de Mgr John Youg, évêque de Limerick. Dès lors, il consacra le reste de sa vie à prêcher, comme dans le temps, des sermons « controversés ». John enseigna le catéchisme aux enfants, confessa et visita les malades. Il y eut même parmi les nombreux enfants dont il eut la charge de l’enseignement religieux des vocations sacerdotales et quelques-uns devinrent par la suite des prêtres très précieux pour l’église d’Irlande. Le Père Thayer enseignait principalement à Saint John et à Saint Michael, et ses sermons si particuliers firent dans cette dernière beaucoup de bien après des années de troubles et de persécutions anticatholiques. De très nombreuses personnes lassées avaient abandonné leur foi ou ne la pratiquaient plus.

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La communauté catholique irlandaise avait besoin d’un prêtre comme le Père John Thayer, confessant chaque jour à l’église Saint Michael de sept à onze heures ; il y confessait presque tous les jours, et quand les églises étaient fermées, il continuait à entendre les confessions chez les particuliers et surtout dans son propre logement. On dit encore de lui que, lorsqu’il arriva à Limerick, non seulement la foi faiblissait, mais les paroissiens étaient


7

LIMERICK

Pere John Thayer. rares, sauf à Pâques ; et lui, par ses sermons et ses conseils spirituels, réunit un grand nombre d’entre eux qui revinrent assister à l’office et se confesser mensuellement et d’autres plus fréquemment. Le don si particulier du Père John Thayer d’enseigner fut considéré comme une grâce, un charisme offert par Dieu le Père à travers l’action de l’Esprit Saint à la communauté de Limerick. Ses paroissiens les plus fidèles

fondèrent une confrérie de chrétiens si remarquables par leur piété et leur vie exemplaire qu’ils furent appelés “Thayerites”, comme le Père Bridgett, rédemptoriste irlandais de Limerick, écrivit plus tard sur eux : « Ils étaient appelés ainsi Thayerites par ceux qui n’aimaient pas une piété supérieure à la leur.» Cette confrérie forte d’environ trois cents membres ne manqua jamais à ses méditations quotidiennes et se mit au service

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des pauvres ; le Père Thayer était considéré parmi eux comme un bienfaiteur et un compagnon. Ils l’admiraient tous, connaissaient son histoire et ils savaient qu’il avait appris l’enseignement qu’il leur dispensait du Bienheureux Benoît-Joseph Labre, « The Ragged Saint ». Et chacun à Limerick aimait à dire de lui : « La présence du Père Thayer est un don qui nous est offert, non pas parce qu’il est prêtre ou meilleur que nous mais parce qu’à travers lui, Dieu exprime avec amour la gratuité de la grâce. Voilà pourquoi le Père Thayer, avec la même gratuité et le même amour, partage la grâce divine de son charisme reçu par l’intercession du pèlerin Benoît-Joseph Labre pour le service de la communauté toute entière et pour le bien de chacun de nous. »

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e voeu le plus cher du Père John Thayer était de permettre l’établissement d’un ordre enseignant de religieuses Ursulines en amérique. Pour cela le Père avait voyagé à travers l’Europe de 1803 à 1811 rassemblant l’argent nécessaire à la création du couvent. Nul ne sut ou apprit où et comment il vécut pendant ses huit années d’errance; aujourd’hui encore cela demeure un mystère. Comme nous l’avons dit plus haut, à partir de 1811, le Père John réapparaît en Irlande; il est accueilli charitablement par beaucoup de familles catholiques dont un certain James Ryan, personnage qui deviendra par la suite son meilleur ami. Il rencontra très certainement par affinité d’opinion l’avocat Daniel O’Connell, voisin de M. Ryan (il habitait au 6, Patrick Street). O’Connell voulait créer à Limerick un mouvement favorable à l’émancipation des catholiques en Irlande. A cet effet, il devait entraîner tout les Irlandais catholiques vers un mouvement d’égalité religieuse

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en enrôlant dans son association des ouvriers, des commerçants et des prêtres. La personnalité du Père John Thayer lui donna probablement l’opportunité qu’il attendait. Les Irlandais voulaient que les Britanniques leur rendent leurs droits civils. Lors de ses nombreuses visites à la famille Ryan, le Père John Thayer parlait fréquemment de ce désir incessant de fonder une institution de religieuses Ursulines. Il tenait ce projet, disait-il, du fait que, ayant jadis visité Boulogne-surMer en France, patrie du Saint Mendiant Benoît-Joseph Labre, l’évêque du lieu (Mgr de Partz de Pressy), avait rendu visite en sa compagnie au couvent des Ursulines et des religieuses Annonciades de cette cité. Le Père Thayer parlait à la famille de ce projet comme étant le but principal de son attachement à la grâce qu’il avait recue, une mission donnée par la Providence dont il ne pouvait se détourner. Émues par la description de sa mission spirituelle qui l’animait, les deux filles de M. Ryan, Mary et Catherine qui avaient été éduquées dans un couvent, d’Ursulines à Thurles (Irlande), proposèrent chacune au Père Thayer de rejoindre cette communauté dès que son projet de couvent aurait vu le jour. La famille Ryan était remarquable. Chacun de ses membres avait reçu une vocation religieuse. En effet, les quatre filles de James Ryan devinrent par la suite des Ursulines. La cadette toutefois avant d’être appelée en religion, avait été mariée et eut trois filles et un fils. Tous devinrent religieux, le fils Jésuite et les trois filles Ursulines. Le projet du Père Thayer trouvait peu d’écho en NouvelleAngleterre, parmi les catholiques et les ecclésiastiques. Nombreuses étaient les personnes qui trouvaient son idée ridicule. Certains riaient et même les plus respectueux pensaient qu’il ne pourrait jamais réussir. Pourtant ces personnes ne savaient pas que, par ses efforts personnels et les dons récoltés en Europe, le Père


Thayer avait accumulé une somme (Dublin, 1938, p. 276-282) au sujet de John équivalant à huit ou dix mille dollars or Thayer. Voici aussi sa nécrologie parue dans de l’époque pour son projet de fondation. la Gazette de Limerick, en février 1815. Pour répondre à votre demande, le Père John Thayer a vécu à Limerick comme un invité de M. James Ryan au 34 de la Patrick Street. Il a Limerick, dès son arrivée, exercé son ministère dans l’église St Michael’s le soir du 3 février 1811, (Saint Michel) à proximité de cette rue. Il fut il fit un sermon contre les enterré dans le cimetière de l’église St John méthodistes, prêché dans (Eglise d’Irlande de confession anglicane) l’église Saint John. « Il est en face de la cathédrale catholique romaine. vrai, dit-il, (après quelques réprimandes) Il a été enterré dans la même tombe que le que les méthodistes ne maudissent ni ne Dr Michael McMahon, un ancien évêque jurent, ils ne disent pas de mensonges, catholique de Killaloe. Voir Ignace Murphy, ils ne sont pas ivrognes, ils observent « Le diocèse de Killaloe au XVIIIe siècle » strictement le sabbat, et par-dessus tout, (Dublin, 1991) p. 263; l’auteur affirme qu’il ils sont remarquables pour leur grande n’a pas réussi à retrouver la tombe, malgré charité à l’égard de leurs semblables [ . . . ] une recherche approfondie. En conséquence de son défi en public, il Si vous avez d’autres questions, s’il vous plaît, fut interpellé par le Rev. Gideon Ouseley, n’hésitez pas à me contacter. un protestant méthodiste. La discussion était ouverte. Ses sermons controversés Le gach dea ghui. (« Avec tous mes vœux ») concernant l’infaillibilité pontificale et la discussion de la sola scriptura sont David Bracken toujours à l’épreuve du temps. De nos Archiviste diocésain de Limerick jours, les théologiens débattent encore sur le sujet.

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Malgré ces détails importants, nous ne savons que très peu de choses des quatre dernières années de sa vie, passées au service des paroissiens irlandais (18111815). Désireux d’en savoir davantage sur sa vie quotidienne à Limerick, j’ai concentré ma recherche vers son service des archives: Monsieur David Bracken, archiviste, m’avait écrit cette lettre donnant suite à celle que j’avais envoyée à Mgr Brendan Leahy, évêque de Limerick. Je vous livre ici la traduction de sa réponse :

Parmi les documents transmis par l’archiviste de Limerick, Monsieur David Bracken, une indication m’a permis de trouver une information importante éditée dans une revue Jésuite de 1882: “The Irish Monthly, Volume 10, Page 74.” Un article très intéressant du révérend Thomas Edward Bridgett de la Congregatio Sanctissimi Redemptoris intitulé: « of the Rev. John Thayer, A Link between Cher Monsieur Noël, Ireland and a Saint just Canonized.” Mr. Monseigneur Brendan Leahy m’a transmis Thayer was converted to the Catholic faith votre lettre concernant le Père John Thayer. in Rome on the occasion of the death of St. J’espère que les quelques documents que je Benedict Joseph Labre. » vous joins vous seront d’une certaine utilité. Voici un article de John Begley, sur Le diocèse Voici un extrait de cet article au sujet de de Limerick de 1691 à l’heure actuelle sa vie quotidienne à Limerick :

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LIMERICK

Né le 20 janvier 1829, dans une maison mitoyenne à l’usine de soie de son père à Derby, le Père Bridgett se convertit au catholicisme et sera baptisé, le 12 juin 1850, il est alors âgé de 21 ans et décide de se joindre à la Congrégation du Très Saint Rédempteur et devient Rédemptoriste. Ordonné prêtre le 4 août 1856, il passera plus de 40 ans en Angleterre et en Irlande. A Limerick, il fondera “the men’s Confraternity”, la confrérie des hommes en 1868 forte de près de 5 000 hommes. Il décède à Limerick le 17 février 1899.” 21 6


Le Reverend John Thayer Un lien entre l'Irlande et Saint Benoit-Joseph Labre

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e 8 décembre, lors de la fête de l’Immaculée Conception de la Vierge Marie, le souverain pontife canonisa et inscrivit dans le catalogue des saints de l’Eglise, Benoît-Joseph Labre, qui mourut à Rome en l’an 1783. Je n’ai pas l’intention de parler ce soir de ce grand serviteur de Dieu mais je vais vous parler d’un lien qui le relie à la belle ville de Limerick et par là-même, avec vous. Vous connaissez tous Frère James Patrick Welsh (Walsh) qui a été, de nombreuses années, supérieur des Frères des écoles chrétiennes dans Sexton Street à Limerick. Beaucoup d’entre vous lui doivent directement ou indirectement leur éducation chrétienne. Eh bien, M. Walsh m’a dit, l’autre jour, qu’il avait été baptisé par le Révérend John Thayer et le Révérend John Thayer s’est converti à la foi catholique à Rome, à l’occasion de la mort de Benoît-Joseph Labre et en raison des miracles qui y eurent lieu. En outre, le Révérend John Thayer a officié plusieurs années à Limerick et y est enterré. Je vais vous parler ensuite du Révérend John Thayer et vous verrez, en fonction de ce cela, l’influence exercée par la sainteté de Benoît-Joseph Labre jusqu’aux rives du Shannon et l’ampleur qu’elle prend désormais d’un pôle à l’autre. Je ne peux pas vous narrer la vie du Père John Thayer car je ne sais s’il en existe déjà des écrits. Cependant, je possède un petit livret dans lequel M. Thayer relate sa conversion ; et j’ai rassemblé quelques faits concernant ses dernières années à Limerick, qui, je crois, n’ont jamais été écrits et imprimés. [ . . . ]

Il fut amené à écrire l’histoire de sa conversion, ce qu’il fit en français et en anglais et le livret fut traduit en beaucoup de langues. Il fut édité en anglais en plusieurs éditions, à la fois en Angleterre et en Irlande. La copie de ce que je vous ai lu a été publiée en 1809 à Dublin et appartient au Révérend Dr. Downes of Kilmallock, dont la sœur a fait sa première confession auprès du Père Thayer à Limerick. Dans le livret écrit avant ou après son ordination, le Père John Thayer dit : « C’est le seul désir de mon cœur que d’étendre, autant que je puisse, la domination de la foi véritable qui fait maintenant ma joie et ma consolation. Je n’ai plus d’autre ambition ; à cet effet, je désire retourner dans mon pays, dans l’espoir, malgré mon indignité, d’être l’instrument de la conversion de mes compatriotes ; et telle est ma conviction de l’authenticité de l’Eglise catholique romaine et ma gratitude pour l’insigne Grâce d’être appelé vers la véritable foi que je scellerai volontiers avec mon sang si Dieu le voulait et je ne doute pas qu’il me permette de le faire. » Quand le Père Thayer écrivit ceci, il n‘y avait dans tous les Etats-Unis qu’environ 25000 catholiques et 24 prêtres et ils n’avaient pas d’évêque mais étaient dirigés par un préfet apostolique. Il est probable que M. Thayer attendait la nomination d’un évêque, ce qui arriva en 1790, car c’est cette année-là qu’il revint en Amérique. Entre-temps, il avait travaillé dans les quartiers les plus pauvres de Londres, dans une vieille usine faisant office de chapelle et il y avait converti plusieurs protestants. [ . . . ] 217


Dieu est un Dieu vivant, pas une théorie, ou une cause première abstraite, ou la loi et l’ordre, mais un Dieu qui a fait connaître sa volonté. Sa volonté était la loi de la vie, et l’homme doit mortifier sa volonté de faire la volonté de Dieu ”. Père Thomas Edward Bridgett.

e

n Amérique, il participa au premier synode national de Baltimore en 1791; il travailla dur, construisit des églises et des écoles en plusieurs endroits et s’engagea dans des débats très réussis avec les ministres protestants de Boston dont il avait fait longtemps partie. Je ne sais ni pourquoi ni quand il quitta l’Amérique, ni quand ou comment il revint en Irlande. Il était certainement à Dublin début 1809 et on m’a dit qu’il revint à Limerick en 1811. Cela faisait 25 ans qu’il était prêtre et il n’avait certainement rien perdu de sa ferveur première. Environ 15 ans auparavant, un prêtre très âgé, le révérend, Patrick Benson of Feenagh m’avait confié qu’il se rappelait avoir appris le catéchisme auprès du Père Thayer

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et combien j’étais pressé d’entendre les confessions du pauvre homme. Je regrette de ne pas m’être plus renseigné à l’époque où les personnes âgées encore vivantes auraient pu me confier bien des détails. Mes principaux informateurs sont le Révérend Dr. Downes et M. Hartley of Tralee, dont le père était l’ami intime du Père John Thayer. Il aurait été amené à Limerick par le très révérend Dr. Young qui était évêque à Limerick à l’époque et l’ami du célèbre Père Pat Hogan, prêtre de l’église Saint-Michael’s. (John Thayer avait très certainement rencontré Mgr John Young à Dublin en 1809). Le Père Thayer n’était pas chargé d’une paroisse, en tant que prêtre ou curé, mais il disait la messe, recevait en confession à l’église Saint Michael’s ou Saint John’s


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institution vouée à honorer la Vierge Marie et travailler autant qu’il fût en mon pouvoir à l’extension de la dévotion à la chère Mère de Dieu ». « Le mystère de la sainte Eucharistie, qui me paraissait si incroyable, est devenu une source inépuisable de joie spirituelle. La confession, que j’avais considérée comme un joug insupportable, me semblait infiniment douce, du fait de l’apaisement qu’elle produisait sur mon âme.» Son style de vie à Limerick, dans ses dernières années, témoignait de la véracité de ses déclarations. Il avait l’habitude de dire la messe à Saint-Michael’s chaque jour à 11 heures, après avoir entendu les confessions depuis 7 heures du matin. Ensuite, il prenait son seul repas qui était à la fois le petit-déjeuner et le dîner. Il « Je me suis efforcé de rejoindre toute jeûnait constamment et ne mangeait ni et prêchait souvent. Ses sermons étaient principalement controversés et en ce temps-là, on avait besoin de tels sermons car bon nombre de gens renonçaient à leur foi, étant harassés par la persécution et l’obscurité ; car il ne faut pas oublier que cela se passait bien avant l’Emancipation catholique. Même aux premiers jours de sa conversion, il éprouva une grande joie dans les infimes détails qui avaient représenté ses difficultés majeures. Il avait pensé qu’honorer et invoquer la Vierge Marie était de l’idolâtrie; et quand bien même son esprit acceptait que ce fût une grave erreur, son imagination était hantée par ce qu’il nomme les fantômes de ses anciens préjugés. Mais cela se dissipa et il écrivit :

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viande ni œufs. Lors du petit-déjeuner, l’un de ses étudiants du Park College avait l’habitude de lui faire la lecture, avec la permission de l’évêque, pour ne pas perdre de temps. Il ne s’asseyait jamais près d’un feu et n’en aurait pas autorisé dans cette pièce. La nuit, il avait l’habitude de manger un petit bout de pain sec et prendre un verre de vin ; il entendait les confessions presque toute la journée et quand les églises étaient fermées, il continuait à le faire dans son propre logement en particulier, qui, cela vous intéressera, se situait au-dessus de la boutique de M. Rourke, le gantier, rue Patrick, (Patrick Street) et plus tard chez Messieurs Ryan frères, marchands de vêtements, à l’enseigne de l’Aigle d’or, (de nos jours Arthur Quay Shopping Centre) dans cette même rue (Patrick Street), en face de la rue Ellen (Ellen Street). Il éprouvait un très grand amour pour les pauvres : cela lui venait de saint BenoîtJoseph. Il avait une très grande fortune dans sa jeunesse mais il l’a entièrement dépensée dans des bonnes œuvres et des aumônes avant sa mort, à tel point que Dr. Downes me raconta qu’il vendit sa montre avant de mourir pour venir en aide aux pauvres. M. Hartney dit qu’il ne laissa rien pour acheter sa tombe : et le père de M. Hartney, par respect et charité, fit placer son corps dans le caveau de son oncle, Dr. M. Mahon, évêque de Killaloe. Ce caveau se trouve dans le cimetière protestant de Saint-John-Square. Il logea en dernier lieu, comme je l’ai dit, chez les Ryan et il souffrait de goutte ; mais cela ne stoppait pas son ardeur au travail ; il continuait à entendre les confessions assis dans son lit et le fit encore, le jour même de sa mort, qui devrait se situer officiellement le 17 février 1815. Vous voyez ainsi quelle est l’influence

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des saints. Un journal protestant a dit l’autre jour que la vie menée par saint Benoît-Joseph Labre n’avait été d’aucune utilité pour les autres êtres vivants. Avec l’histoire du Père John Thayer, vous pouvez voir au moins une preuve de son utilité : il a transformé un touriste vaniteux en prêtre catholique passionné qui donna sa vie et sa fortune pour instruire, élever et consoler les plus pauvres et les plus ignorants, que les philosophes et les hommes de science auraient laissé périr dans la pauvreté et l’ignorance. Demandons à saint Benoît-Joseph Labre son intercession pour trouver beaucoup plus de prêtres passionnés comme John Thayer et protéger tout particulièrement Limerick qui est déjà son débiteur.

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i je peux faire une autre réflexion d’ordre pratique, ce serait l’importance de la prière. Si le Père John Thayer n’avait pas prié comme il l’a fait lors de la crise antérieure à sa conversion, il l’aurait probablement reportée à plus tard ; et s’il l’avait fait, il serait probablement mort en tant que protestant, avec, en plus, la culpabilité d’avoir refusé de voir une lumière particulière. Vous avez déjà, chers frères, cette foi véritable; mais il faut aussi prier pour suivre cette lumière. Il y a des moments de tentation, où si vous ne priez pas ou ne priez pas sérieusement, vous tomberez dans de graves péchés ; et ces péchés-là peuvent vous conduire à la ruine éternelle. Par la prière, le Père Thayer a gagné une bataille qui représentait pour lui le début d’une nouvelle vie ; c’est ainsi qu’une lutte courageuse, une prière sincère et une


victoire sur les passions humaines, acquise sainteté et de salut éternel. par la Grâce de Dieu, peuvent vous hisser à un niveau élevé de pensée, de sentiment Révérend Père Thomas Edward Bridgett, et d’action et aboutir ainsi à une vie de C.SS.R. (1829-1899)

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Saint John.

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Saint Michael.

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e Père John Thayer a exercé son ministère dans les églises St. John’s et St Michael’s (Saint Michel), cette dernière étant à proximité de la Patrick Street. ( LIMERICK ) 223


Les derniers instants du Premier Disciple Labrien

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es forces du Père John Thayer commençaient à décliner et il se demandait s’il pourrait mener à bien sa “Mission”. Il s’était adressé au couvent de Cork ( ville d’Irlande du comté de Cork) et avait demandé aux Ursulines si elles acceptaient d’entreprendre le projet de nouvelle fondation de leur ordre à Boston. (Le couvent des Ursulines de Cork fut créé en 1771 par Honora Nagle.) Mais les religieuses avaient décliné l’offre du Père. Le bon Père se déplaçait lentement, ses jambes gonflées par la goutte, lui causaient de très grandes souffrances. Malgré cela, il persévérait et confiait chaque jour dans sa prière son voeu le plus cher à son coeur. Après la messe, ses fréquents malaises redoublèrent d’intensité. Les deux sœurs, Marie et Catherine Ryan, profondément touchées par le charisme du Père Thayer dont la santé défaillait, administrèrent ses affaires pour alléger son fardeau. Tous étaient édifiés par les comptes bien tenus des dons qu’il avait récoltés et des documents qu’il laissait de son ancienne vie, sa conversion, ses voyages en France et ses travaux en Amérique. Ils lui demandèrent donc s’il voulait bien leur confier ce projet d’édification de communauté à Boston. Heureux de cette proposition, le Père Thayer écrivit à Mgr de Cheverus, premier évêque de Boston, pour lui transmettre les lettres de motivation particulières des deux sœurs si pieuses. Richard Walsh, révérend de Limerick, écrivit également et joignit sa lettre en assurant l’évêque qu’elles furent choisies de façon providentielle pour commencer le projet de fondation à Boston. La réponse de Mgr de Cheverus ne se fit pas attendre: le Père Matignon, son ami et assistant zélé, et lui-même

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acceptèrent avec joie les propositions des deux soeurs Ryan, Marie et Catherine et leur demandèrent de venir à Boston, promettant que des arrangements seraient pris pour qu’elles puissent faire leur noviciat au couvent des Ursulines, situé dans la colonie française de TroisRivières au Canada. Chacune reçut la bonne nouvelle avec joie et enthousiasme. Le Père Thayer était encore plus heureux que les filles Ryan. Il voulut s’occuper lui-même de faire les préparatifs pour leur voyage en Amérique. Mais il était à cette époque très faible: la maladie insidieuse, qui minait sa santé, retarda son noble objectif. Le jour même, il devait s’aliter à la suite d’un malaise plus important que les autres. Bien que supportant d’atroces souffrances, il désirait continuer à entendre les confessions de ses chers pénitents et c’est depuis son lit qu’il administra une dernière fois le sacrement du pardon. La vie du Père John Thayer fut ascétique et pénitentielle; par ailleurs, bien qu’il ne l’était point, elle était très jésuite, et surtout fidèle au charisme du Saint Mendiant Benoît-Joseph Labre. Paroissiens, amis, membres religieux et confrères entouraient le Père John Thayer, fidèlement soigné par les futures Ursulines, Marie et Catherine Ryan. C’est devant toutes les personnes présentes qu’il prononça, dans son petit logement au-dessus du « Golden Eagle’s », ses dernières volontés. Donnant mission à Marie et Catherine de remettre à Mgr de Cheverus les fonds amassés depuis tant d’années pour accomplir l’oeuvre auquel il avait donné sa vie. Peu après, il remit avec confiance son âme à Dieu; nous étions le vendredi 17 février 1815, le Père John Thayer venait de mourir dans sa 57e année et l’accomplissement de son ministère de prêtre, avec la dignité et la simplicité


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qu’avait voulu « la Grâce » de sa conversion à Rome. Il resta fidèle jusqu’au bout à son cher compagnon saint Benoît-Joseph Labre dont il fut le premier disciple, le premier d’une longue lignée Labrienne, qui, au fil de l’histoire, viendrait à sa suite accomplir la volonté de Dieu sur terre, celle d’être des « orants pour les errants”. (Frère Noël-Marie Rath, o.s.m.) et des frères pour tous les hommes. Dans la paroisse de Limerick, l’abbé vécut entouré de ses souvenirs, une table, une chaise, quelques livres religieux dont une Bible et une biographie de la vie de saint Benoît-Joseph Labre, écrite en français par l’avocat Jean-Baptiste Alegiani datant de 1784. Dans la pièce principale, il n’y avait aucun confort apparent, pas de poêle pour se réchauffer, pas d’objet attirant le regard, rien d’autre dans l’ensemble du décor sauf un crucifix devant lequel le Père priait chaque jour et au pied duquel il entendait les confessions particulières de certains de ses paroissiens. L’autre but généreux du Père John était d’aider à la conversion de ses compatriotes américains adin d’amener à Boston de savants ecclésiastiques des ordres religieux, dont les maisons avaient été dévastées par le règne des Jacobins et de la Terreur en France sans compter les horribles catastrophes qu’elle avait causées à travers l’Europe au nom de la Révolution. Le Père avait déjà envoyé en ce sens une lettre au Père Matignon depuis Londres, le 3 juin 1805, dont nous citons le passage suivant: « The funds of the Scotch Benedictines of St. James, Ratisbon, have been lately seized by the elector. In this house there are four monks, viz., F. M. Graham (aged 38), an universal genius; F. B. Sharp (30), F. B. Dessen (27) and F. Mclver (26), all learned and pious. There are also three or four other Scotch monks at St. James, Wirceburg. All

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these, together with many other German religious suppressed, might by activity and exertion be obtained. You know that I am not easily discouraged, and that no efforts of mine will ever be wanting while life remains, and all without fee or reward. Exert yourself, my dear friend, and get the good Cheverus to do the same. There is a most glorious prospect before us; lands for establishment might surely be obtained cheap, or for nothing, from General Knox, from the holders of Waldo’s and other patents in Maine, in New York from Cooper, etc., in Connecticut and Vermont from scattered Catholics. Mr. Salmon, Mr. Cheverus’ friend, at Brompton, near Chatham, might be obtained for the mission by a line from him. Ces derniers plans du Père Thayer pour la fondation d’un établissement missionnaire en Amérique ne furent jamais mis à exécution; mais sa dernière volonté de couvent des Ursulines a été réalisée, après son décès. Le 14 mai 1817, Marie et Catherine Ryan, ces bonnes filles et adeptes de son charisme Labrien, embarquèrent de Limerick à bord du navire “la Victoire” et parvinrent à Boston en toute sécurité. Après l’accueil à bras ouverts et la bénédiction paternelle de Mgr de Cheverus et du Père Matignon, ce dernier emmena les pieuses novices au couvent des Ursulines de TroisRivières au Canada. En 1818, lorsque leur noviciat avait expiré, il alla à Trois -Rivières et amena les deux sœurs, dont les noms religieux étaient sœurs MaryJoseph et Marie-Madeleine, et les installa dans l’humble couvent confortable, que Monseigneur de Cheverus avait préparé pour elles près de sa cathédrale de Boston. Cette petite communauté naissante d’Ursulines fut officiellement établie par Mgr Benoît-Joseph Fenwick (Benedict-Joseph Fenwick) au Mont Benoît à Charlestown, baptisé ainsi en l’honneur de l’évêque Fenwick. American Catholic Quarterly Review, de Richard H. Clarke. 225


Patrick Street; Limerick

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C’est dans cette rue que le Père John Thayer a vécu ses dernières années.”

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’était autrefois dans cette habitation, transformée de nos jours en commerce du nom d’Arthur Quay, que demeurait le Père John Thayer à Limerick au N° 34 Patrick Street.

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ette maison était celle de Monsieur James Ryan qui y tenait commerce comme marchand de tissus sous l’enseigne “ Golden Eagle’s ” et qui hébergea le Père John Thayer, une bonne partie de sa vie à Limerick, où il décéda le 17 février 1815 à l’âge de 57 ans.

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HIC JACET CORPUS JOHN THAYER cimetiere Saint John

Tableau représentant Mgr Michael Peter Mc Mahon, évêque catholique de Killaloe. 23 0


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e Père John Thayer fut enterré dans le cimetière de l’église St John’s (Eglise d’Irlande de confession anglicane) face à la cathédrale catholique romaine du même nom. Son corps fut placé dans la même tombe que Mgr Michael Mc Mahon, un ancien évêque catholique de Killaloe.

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e temps a depuis lors effacé les noms des pierres tombales. En effet, de nombreuses tombes du cimetière Saint John sont anonymes. Il est donc impossible de localiser avec précision celle où repose le Père John Thayer. Cependant dans un livre écrit par Maurice Lenihan, publié à Dublin en 1866 sous le titre: “Limerick; its History and antiquities, Ecclesiastical, civil, and military”, nous retrouvons à la page 627 un fac similé de l’inscription figurant sur la tombe de l’évêque Michael Peter Mc Mahon, dans laquelle fut placée la dépouille mortelle du Père John Thayer.

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cimetiere Saint John

“ Qui sait, si ce n’est pas pour votre salut que la bonté divine a daigné m’éclairer, et que la main du Seigneur m’a conduit au milieu de vous ? Peutêtre la Providence ne m’a-t-elle retiré de l’erreur que pour m’ordonner de venir porter ici le flambeau de la foi à plusieurs. Travailler à vaincre l’endurcissement de quelques-uns et ranimer la piété toute languissante des autres. Peut-être les instructions que je vous ai faites sont-elles le dernier rayon de grâce que le ciel vous a réservé; et qu’il sera terrible le compte que Jésus-Christ vous en demandera au dernier jour ! Car nous paraîtrons, vous et moi, au tribunal de ce grand juge : moi, pour répondre de l’usage que j’ai fait de la grâce du saint ministère, en vous enseignant, en vous exhortant en son nom; et vous, pour répondre sur les fruits que vous en aurez retirés ”. Père John Thayer 23 2


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“ Vous tous qui lirez cet écrit, je vous en conjure de prier avec ferveur le Père des lumières et le Dieu des miséricordes d'avoir accompli ses volontés sur l’humble serviteur que je fus. D’après les paroles mêmes du Père John Thayer. 235


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Coupures de journaux de l’époque (extraits) Source: diocèse de Limerick. Monsieur David Bracken, archiviste du diocèse.

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Coupures de journaux de l’époque (extraits) Source: diocèse de Limerick. Monsieur David Bracken, archiviste du diocèse.

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Le Trefle est un Symbole religieux et national en irlande L a légende raconte que le trèfle aurait été utilisé par saint Patrick lors de sa mission d’évangélisation de l’Irlande.

Alors que celui-ci tentait de convertir le roi Aengus à la cause chrétienne dans le centre religieux de Caiseal, saint Patrick eut l’idée de se servir d’un trèfle à 3 feuilles pour illustrer la Sainte Trinité. D’après lui, chaque feuille représente une entité : le Père, le Fils, et le Saint Esprit. Le trèfle dans son ensemble représente Dieu, ce qui permet d’expliquer que Dieu est présent en 3 personnes (Triur i n-Aon en gaélique : « trois personnes en une »). Cette illustration se répandit dans toute l’Irlande, et l’on associa très rapidement le trèfle à saint Patrick, puis à l’Irlande entière.

M ais ce symbolisme du trèfle ne s’arrête pas là et il peut également être perçu par les Labriens comme étant l’image des trois coeurs en un seul, selon la prière de saint Benoît-Joseph Labre.

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La Priere des Trois Coeurs M on Dieu, accordez-moi, pour Vous aimer, trois cœurs en un seul.

L e premier, pour Vous, pur et ardent comme une flamme,

me tenant continuellement en Votre Présence et me faisant désirer parler de Vous, agir pour Vous, et, surtout, accueillir avec patience les épreuves qu’il me sera donné de devoir surmonter au cours de ma vie.

Le second, tendre et fraternel envers le prochain,

me portant à étancher sa soif spirituelle en lui confiant Votre Parole, en étant Votre témoin comme en priant pour lui. Que ce cœur soit bon pour ceux qui s’éloignent de Vous, et plus particulièrement encore s’ils me rejettent; qu’il s’élève vers Vous, Vous implorant de les éclairer afin qu’ils parviennent à se libérer des filets du chasseur. qu’il soit, enfin, plein de compassion pour celles et ceux qui ont quitté ce monde dans l’espérance de Vous voir face à face …

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L e troisième, de bronze, rigoureux pour moi-même,

me rendant vainqueur des pièges de la chair, me gardera de tout amour-propre, me délivrera de l’entêtement, me poussera à l’abstinence et m’incitera à me défier du péché. Car je sais que plus je maîtriserai les séductions de la nature, plus grand sera le bonheur dont Vous me comblerez dans l’éternité.

D’après les paroles mêmes de St Benoît-Joseph -1771243


Le Testament du Pere John Thayer

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Aquarelle représentant le Monastère des Ursulines du Mont Benoît à Charlestown. 245


LE MONASTÈRE DES SOEURS URSULINES DE TROIS-RIVIERES

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LE COUVENT DE MONT BENOÎT

C’est le 1er août 1639 que les premières Augustines et les premières Ursulines posaient le pied en Nouvelle-France, à Québec. Jean-Baptiste de la Croix de la Chevrières de Saint-Vallier, second évêque de Québec, fonda le monastère des Ursulines de TroisRivières le 10 octobre 1697. À la fin du XVIIe siècle, la ville de Trois-Rivières ne possédait ni communauté enseignante, ni communauté hospitalière. À la demande des citoyens de Trois-Rivières, l’évêque de Québec pourvut la plus ancienne ville de la colonie après Québec d’un couvent où les religieuses rempliraient la double fonction d’éducatrices et d’hospitalières.

à l’île du Prince-Édouard jusqu’en 1803. Après un séjour en Angleterre, il revient au Canada et débarque à Québec en 1807. Il est immédiatement investi par l’Evêque de Québec, Joseph-Octave Plessis, de la charge d’aumônier du monastère des Ursulines de Trois-Rivières. De 1808 à 1822, il entretient une correspondance volumineuse avec les Ursulines de Québec, et particulièrement avec Sœur SainteAnne [Coutant] dont il assure la direction spirituelle. Ses lettres, empreintes d’une grande rigueur religieuse, sont à l’image La présentation des Ursulines de Trois- de l’ascète qu’il était devenu pendant les Rivières ne serait pas complète sans parler quinze dernières années de sa vie à Troisd’un de leurs plus célèbres aumôniers Rivières. l’Abbé de Calonne. Prêtre français exilé, il émigre au Canada en 1799 et s’installe Source: archives des Ursulines de Québec

http://www.musee-ursulines.qc.ca/ 247


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LE COUVENT DE MONT BENOÎT

LE RECIT DES SOEURS URSULINES

LE NOVICIAT

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’accueil, que reçurent Mary et Catherine Ryan au monastère des Ursulines de Trois-Rivières, fut à la mesure de leur dévoué et regretté protecteur, le Père John Thayer, qui avait rédigé son testament en faveur des deux filles de James Ryan et pour lequel elles avaient la plus grande admiration. Anciennes élèves des Ursulines de Thurles (Irlande), Mary et Catherine avaient vu, dans le geste généreux du Père Thayer, l’expression de la volonté divine. Elles offraient avec joie leur désir de vie religieuse consacrée dans le but d’honorer les desseins testamentaires du Père John Thayer. C’est la Mère Paquet de Saint-Olivier qui leur ouvrit les portes du couvent, en disant :

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«Votre séjour ici attirera sur notre communauté les bénédictions du Bon Dieu» et, sans plus tarder, elle les confia à la maîtresse des novices, qui était alors la Mère Campeau de Saint-Etienne. Avec cette conviction sincère que les fondatrices d’une maison religieuse doivent être des saintes, les nouvelles postulantes débutèrent leur vie religieuse et un guide aussi profondément ascétique que notre vénéré Père de Calonne n’eut besoin que de modérer leur zèle et ralentir leur ardeur. Leur âme était inondée de consolation à la seule pensée que le Seigneur, dans sa miséricorde, avait jeté les yeux sur elles, pour leur faire goûter les délices de la solitude et les bienfaits de la vie religieuse. La mortification se révélait à elles


avec mille attraits. Pour devenir apôtres, elles voulaient être martyres. La tâche douce et facile de leurs guides spirituels consistait donc à calmer ces pieux transports et à initier ces jeunes Sœurs aux divers emplois d’une maison religieuse. Ayant reçu une très belle éducation, possédant bien la connaissance de la langue française et celle de la langue anglaise, elles ne furent cependant pas employées dans nos classes. Le Père de Calonne s’y opposa fortement. « Qu’on les laisse, disait-il, à cette vie d’oraison, d’union à Dieu, dans laquelle une âme doit être bien entrée pour profiter aux autres. » Leur temps se partageait entre les exercices spirituels, le travail manuel et la copie des règlements et constitutions de l’ordre. u mois d’octobre 1818, elles reçurent l’habit religieux des mains du vicaire général, le Révérend François Noiseux, et prirent en religion les noms de «Sœur Marie de Saint-Joseph et de Sœur Marie de Sainte-Madeleine.» C’est à cette vie d’oraison, de pauvreté et d’humilité que les jeunes sœurs Ryan vont s’appliquer pendant les deux années que durera leur noviciat. Ces années bénies comptèrent toujours parmi leurs plus merveilleux souvenirs de vie religieuse, parce qu’elles furent le berceau et la base de la promesse faite au Père John Thayer. Le 19 septembre 1818 mourut le Père Matignon; à l’exemple du Père John Thayer, il fit son testament en faveur de la fondation du couvent des Ursulines de Boston et pria Monseigneur Cheverus de devenir à son tour le protecteur sur la terre des sœurs Ryan. À peine le Père Matignon avait-il fermé les yeux, que la plus jeune des sœurs Ryan, Margaret, accompagnée d’une cousine, jeune veuve, mademoiselle Catherine O’Connell (veuve Molineaux) arriva de Limerick pour se dévouer au service de Dieu et du futur monastère de Boston. Lors de cette réunion fraternelle de décembre 1818, leur petite sœur Margaret et sa cousine Catherine Molineaux prirent le voile des postulantes ursulines. L’année 1818 vit arriver d’autres jeunes

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Irlandaises et Américaines pour le grand projet de Boston. A l’instar de ses sœurs, Margaret Ryan fit son noviciat à TroisRivières au Canada. Sans nul doute, du haut du ciel, l’intercession du Père John Thayer ne cessait de se répandre dans le cœur de ces jeunes demoiselles généreuses qui, à son exemple de jadis, franchissaient les mers pour venir instruire la jeunesse chrétienne de l’Amérique.

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e 4 octobre 1819, on récompensa les vertus des premières arrivées (Sœur Marie de Saint-Joseph et de Sœur Marie de Sainte-Madeleine) en les admettant à la profession solennelle. Heureuses qu’elles étaient de consacrer tout leur être et de s’attacher à suivre le Christ Jésus en prononçant tour à tour leurs trois vœux de chasteté, de pauvreté et d’obéissance ! Elles prononcèrent ensuite le quatrième vœu qui est l’instruction des petites filles. Ainsi enchaînées au Christ, comme l’apôtre Paul, les filles de James Ryan bénissaient Dieu de tout leur cœur. A partir de ce jour, les chroniques du monastère ne nous ont conservé que très peu de choses sur la vie passée au noviciat des trois sœurs Ryan et de leur cousine.

Je ne voyais rien de plus grand que d’annoncer la Parole de Dieu. “ (Paroles de la Vénérable Mère Marie de l’Incarnation, fondatrice des Ursulines de la Nouvelle-France).

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C’est dans ce monastère de Trois-Rivières que les jeunes sœurs Ryan Mary et Catherine vont faire leurs deux années de noviciat.

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es dons particuliers des quatre sœurs s’épanouirent très rapidement dans le couvent de Trois-Rivières, monastère qui servit de vestibule à leur vie religieuse. Cependant, Monseigneur de Cheverus n’oubliait pas ses futures fondatrices. De temps à autre, il les visitait leur confiant les besoins du peuple catholique de Boston et leur rappelait qu’il avait besoin de leur entière coopération. Il finissait toujours néanmoins par s’en remettre à l’abbé Jacques-Ladislas-Joseph de Calonne, chapelain des Ursulines de Trois-Rivières (Mgr Joseph-Octave Plessis l’avait nommé directeur spirituel et aumônier des Ursulines de Trois-Rivières, ainsi que desservant de la paroisse de La Visitation, à Pointe-du-Lac de 1807 à 1822). De son côté, ce père spirituel s’était dévoué avec générosité, à former pour la vigne du Seigneur, ces jeunes Sœurs qui seraient bientôt transplantées à Boston. Les chroniques du monastère signalent néanmoins, je cite : « Que l’adversaire était venu s’efforçant de semer l’ivraie, en tourmentant la chère Sœur Sainte-Angèle par de continuels scrupules. » Sa vie, pendant un certain temps, ne fut que crainte et tremblement. Mais le père de Calonne veillait : « Venez à moi, lui disait le saint Père de Calonne, chaque fois que vous êtes tourmentée. A toutes les heures du jour, je suis à votre disposition »... « Cette charité de la part du directeur spirituel, secondée par l’obéissance de la pénitente, toucha le cœur de Dieu, et guérit entièrement cette jeune victime de ses scrupules. » u mois de juin 1820, un message arriva au monastère disant que Monseigneur de Cheverus attendrait à Montréal ses quatre jeunes Ursulines et il pria le Père de Calonne de vouloir bien les lui conduire. Les préparatifs du départ se firent aussitôt. L’abbé Desjardins, chapelain des religieuses de l’Hôtel-Dieu de Québec, fut aussi du voyage. On comprend facilement quelle consolation c’était pour ces dignes prêtres français de se revoir. Mgr de Cheverus reçut les jeunes Sœurs avec une tendresse

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toute paternelle. Monseigneur de Cheverus avait préparé pour elles à Boston à côté de sa résidence une petite maison dont le cœur rejoignait par une grille la cathédrale Holy Cross. Arrivées à Boston, elles s’installèrent dans la maison presbytérale qu’il leur cédait. Une jeune fille de dix-sept ans avait devancé, de quinze jours, les religieuses dans le monastère ; avant de prendre congé de ses filles, Mgr de Cheverus voulut donner le voile de postulante à cette humble enfant qui désirait se consacrer à Dieu, en qualité de Sœur converse. De plus, désirant donner à la population de Boston l’occasion d’assister à la cérémonie d’une profession religieuse solennelle, Monseigneur reçut les vœux des deux novices Margaret et Catherine Molineaux dans l’église de la sainte Croix, quelques jours après son arrivée dans cette ville. Jamais semblable cérémonie n’avait eu lieu à Boston, aussi, vit-on accourir protestants et catholiques qui ne suivirent pas sans émotion le cérémonial touchant que l’Eglise avait déployé pour ce sacrifice total. Désormais, la petite Sœur Margaret Ryan répond au nom d’un des Pères de l’église Saint-Augustin, « Sœur Mary Augustine » et Sœur Molineaux à celui de la vénérée fondatrice sainte Angèle Merici, (Fondatrice de la Compagnie de Sainte Ursule) « Sœur Mary Angèle. » En cette circonstance, l’éloquence du digne évêque de Cheverus fut à la hauteur de son sujet: « Que fait la jeune vierge de tout soi-même à Jésus, et que sanctionnent les vœux?» Et chacun s’en retourna, ne sachant ce qu’il fallait admirer davantage: la générosité du Christ, celle des Epouses du Christ ou la bonté paternelle de leur pasteur soucieux de procurer à son troupeau tous les bienfaits dont l’Eglise de Jésus Christ a le secret. L’amitié que l’on avait pour Mgr de Cheverus, le respect qu’on lui portait, avaient empêché le parti hostile aux catholiques d’écrire dans les journaux contre l’établissement d’un couvent à Boston. Les gazettes de l’endroit se bornaient à annoncer l’arrivée


des religieuses ; mais ces quelques lignes mêmes laissaient percer un certain dépit: «L’ adversaire du bien veillait en coulisse.» Monseigneur les remarqua, et le jour suivant, on lisait dans la gazette locale un magnifique article écrit par l’évêque luimême, démontrant à son peuple qu’il n’y a rien de moins dangereux dans un état, que douze personnes se réunissant ensemble pour faire le bien, et que si les autorités les soupçonnent un seul instant, ce serait faire outrage à une nation qui a hissé le drapeau de la liberté. Depuis ce jour, les Ursulines poursuivirent tranquillement leur œuvre. Deux autres jeunes filles étaient venues frapper à la porte du monastère, en qualité de novices. Dès lors, les classes furent organisées, et dès les premiers jours, on compta deux cent quatre-vingts élèves. Les fonds laissés par les Pères Thayer et Matignon suffisaient largement à l’entretien des religieuses, de sorte que celles-ci pouvaient admettre gratuitement les nombreux enfants des pauvres émigrés irlandais. Le nombre d’élèves augmenta peu à peu; on en compta jusqu’à trois cents, et la Mère supérieure (demoiselle Ryan, Sœur Mary de Saint-Joseph) qui s’était réservé l’office d’économe du monastère pour mieux prendre soin de ses filles, dirigeait, elle aussi, une classe d’adultes dans la cuisine. De pieuses Irlandaises, ayant faim de la parole de Dieu, se réunissaient là tous les jours au nombre de trente. Monseigneur se rendait le vendredi, vers quatre heures, au couvent, pour entendre les confessions des religieuses. Les fondatrices écrivaient que c’était un paradis sur la terre que leur cher petit monastère. L’onction de la grâce adoucissait tous leurs labeurs.

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ais voici venir l’heure de l’épreuve. Louis XVIII rappelle en France Mgr de Cheverus, qui est nommé au siège de Montauban. A cette nouvelle, la Mère supérieure, Mary de Saint-Joseph, s’affaisse sur elle-même et demeure longtemps la tête appuyée sur

une chaise, et quand ses filles la relèvent, elles s’aperçoivent qu’elle a vomi le sang en abondance. Nos chères Sœurs écrivaient régulièrement à Trois-Rivières ; nos Mères partageaient les deuils de cette communauté naissante. La Mère Ryan de Mary-Joseph décéda en décembre 1823 à l’âge de 38 ans. Sur son lit de mort, elle avait dit à ses filles : « Vous passerez par des épreuves bien sensibles, mais ayez confiance. » Mère Mary-Joseph avait vu auparavant deux de ses sœurs mourir de la même maladie ; sa sœur Catherine, Mère Mary de Sainte-Madeleine était décédée en avril (1825) à 31 ans, et sa cousine, Sœur Mary de Sainte Angèle, deux ans auparavant en 1823. Mère Mary de Saint-Joseph eut certainement avant sa mort, la satisfaction intérieure d’avoir mené à bien l’œuvre testamentaire du Père John Thayer. Heureuse, 8 ans après le décès de ce dernier, d’avoir honoré la promesse qu’elle lui avait faite avec sa sœur Catherine dans leur maison de Limerick. L’air de la ville de Boston incommodait les Sœurs Ursulines et semblait les rendre malades et la maison qu’elles occupaient devenait trop petite si bien qu’elles déménagèrent dans une autre maison à Charlestown près de Boston pendant que se poursuivait la construction du grand monastère et de son école sur le Mont Benoît. Cette petite communauté naissante d’Ursulines fut officiellement établie après le départ de Mgr de Cheverus, par le nouvel évêque de Boston, Mgr Benoît-Joseph Fenwick (Benedict-Joseph Fenwick) au Mont Benoît à Charlestown, (baptisé ainsi en l’honneur de saint Benoît-Joseph Labre et de l’évêque Fenwick).

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œur Mary Augustine, la troisième et dernière fille de James Ryan (la plus jeune) mourut dans cette petite maison, le 11 août 1827. Peu avant sa mort, on l’amena dans la partie supérieure de la maison encore inhabitée d’où elle avait pu voir la construction du monastère du Mont Benoît. 253


LIEU DE LA SÉPULTURE DE MARIE RYAN ET DE SES SOEURS URSULINES DE BOSTON. ST. AUGUSTINE’S CEMETERY CHAPEL 181 DORCHESTER STREET, SOUTH BOSTON, MASSACHUSETTS

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LA SÉPULTURE DE MARIE RYAN ET DE SES SOEURS URSULINES DE BOSTON Eglise Saint-Augustin, South Boston, et son histoire romantique (Coupure du journal “The Boston Globe”, non datée ) La chapelle Saint-Augustin est le plus Massachusetts. Les plus anciennes tombes ancien bâtiment de l’église catholique dans remontent aux premières décennies du l’archidiocèse de Boston. Son cimetière 19ème siècle, et comprennent des vétérans catholique est aussi le plus ancien en de la Révolution américaine et de la guerre Nouvelle-Angleterre. civile. Dans la chapelle sont enterrés quelques-uns des premiers membres du Après sa mort, la première Supérieure des clergé de l’église, y compris les restes des Ursulines de Boston, Marie-Joseph Ryan Ursulines du couvent incendié dans la nuit (Marie Ryan) fut inhumée à l’ombre des du 11 août 1834. grands arbres du cimetière de “St. Augustine’s Les centaines de tombes racontent l’histoire Cemetery Chapel, located at 181 Dorchester des immigrants et de leurs familles. Street”. Cette chapelle a été construite en Une rubrique nécrologique écrite par un 1818, sous la direction du premier évêque protestant de Boston dit ceci: de Boston, Mgr de Cheverus. Le cimetière “Far from the sepulcher of his fathers repose était destiné à être le lieu du repos final du the ashes of the good and great Dr. Matignon; Père Francis Anthony Matignon, son ami et but his grave is not as among strangers, for it compagnon, réfugié comme lui de la France is watered by the tears of an affectionate flock révolutionnaire. and his memory is cherished by all who value C’est le plus vieux bâtiment néo-gothique du learning, honor and genius, or love devotion.”

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“À l'ombre de grands arbres, dans une atmosphère paisible, derrière les murs de la chapelle Saint-Augustin au pied duquel gisent de vieilles tombes aux inscriptions à demi effacées. Parmi elles se trouvent les sépultures de Mère Mary-Joseph Ryan, de ses Soeurs Ursulines et du Père Francis Anthony Matignon... Ils reposent ici dans l’attente de la résurrection. Il y a, dans ce mystère de la foi, une immense beauté, une immense confiance dans cette espérance qui les unit à Dieu dans l’éternité”.

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ans une lettre datée de septembre 1827, la Sœur Marie-Jean, relate les détails de la mort de Mère Mary de Sainte-Madeleine (Catherine Ryan). Monastère des Ursulines, Mont Benoît, Charlestown. Ma Révérende et bien chère Mère, Je suis chargée par notre chère Mère supérieure de vous annoncer la profonde affliction dans laquelle nous sommes plongées par la mort de notre chère et regrettée Mère Saint-Augustin. Notre Mère vous écrirait elle-même si ses occupations le lui permettaient ; elle vous adressera cependant quelques mots. Les croix que nous envoie la divine Providence sont d’autant plus difficiles à porter qu’elles semblent priver notre monastère de celles qui en étaient le soutien. Mais les décrets de Dieu sont impénétrables et dépassent de beaucoup les faibles lumières de l’humaine raison. Ces épreuves successives sont autant de traits qui nous montrent la puissance de Dieu, et nous engagent à nous confier amoureusement, en sa Divine Providence. Je me trouve maintenant la plus ancienne religieuse du chœur de la communauté, ce qui m’engage à me dévouer sans épargne pour la maison du Seigneur, et excite en mon âme, un désir sincère de faire revivre dans notre jeune communauté les vertus de nos chères sœurs défuntes. Je vais vous donner quelques détails sur la dernière maladie de notre bien-aimée sœur. Notre communauté a quitté Boston où nous souffrions beaucoup du manque d’air. Nous sommes maintenant établies à la campagne, près de Charlestown. Notre chère Mère SaintAugustin jouissait d’une excellente santé depuis notre départ de la ville ; cependant, nous sommes portées à croire que cette brusque transition d’un milieu concentré, à l’endroit si plein d’air et de soleil que nous habitons aujourd’hui lui a été fatale. Vers le 8 mai, elle vomit le sang ; deux jours après, elle eut une nouvelle hémorragie. Le médecin fut appelé; il ordonna une saignée

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qui sembla la soulager. Nous espérions que cette chère sœur se rétablirait ; mais le ciel en avait ordonné autrement. Le jour de la fête de notre Mère sainte Angèle, elle eut une rechute qui fut mortelle. Depuis ce jour, elle déclina sensiblement, et le médecin déclara la maladie incurable. Cette chère sœur reçut alors, avec une admirable piété les derniers sacrements, et répondit avec ferveur à toutes les prières de l’Eglise. Nous avons fait deux neuvaines, en union avec le prince Hohenlohe, mais nos vœux ne furent point complètement exaucés, et la maladie se prolongea. Rendues au mois d’août, et voyant notre bonne sœur à peu près dans le même état de santé, nous commençâmes une autre neuvaine; toutes nos sœurs priaient avec une ferme confiance, espérant que le dixième jour auquel le prince Hohenlohe devait célébrer pour notre chère malade le saintsacrifice de l’autel, elle serait parfaitement guérie. Ce jour-là, la sainte messe fut dite à trois heures ; aussitôt après, le prêtre lui apporta la sainte communion. Le miracle espéré n’ayant pas eu lieu, il ne nous restait plus qu’à nous soumettre à la sainte volonté de Dieu. Dès ce moment, notre chère sœur se prépara à la mort avec toute la sérénité et la paix d’une bonne conscience. Néanmoins une autre neuvaine fut commencée ce jourlà même, en l’honneur de saint Joseph. Elle répondit aux prières d’une voix distincte; ensuite elle composa quelques poésies adressées à notre chère Mère supérieure, aux religieuses et à notre digne évêque, alors en mission chez les sauvages. La veille, le médecin l’avait trouvée tellement bien, qu’il nous a dit qu’elle pouvait encore vivre deux ou trois mois ; mais son heure était venue. Elle était mûre pour le ciel, et Notre Seigneur ne voulant pas prolonger son exil, se hâtait de l’appeler en ces régions immortelles, où il lui avait préparé une récompense égale à ses mérites. Le même jour, vers huit heures, nous nous aperçûmes que sa gorge était embarrassée, le mal alla toujours empirant jusque vers dix heures. Elle put alors avaler une cuillerée « d’arrow-root », mais ce fut tout ce qu’elle put prendre jusque vers minuit.


Lui ayant dit que c’était l’intention de notre révérende Mère supérieure qu’elle prît quelque breuvage, la sainte obéissance lui donna, il me semble, un surcroît de force, car, quoique extrêmement faible et sous les coups de la mort, elle prit le verre dans ses mains et en but le contenu. Ensuite elle m’adressa quelques paroles, puis garda un profond silence. A minuit et trois quarts, je lui fis une question qui demeura sans réponse; quelques instants après je renouvelai mes instances, même silence. Je lui pressai alors la main et je m’aperçus quelle était couverte d’une sueur froide et que le sang s’était retiré des mains et des pieds, lesquels étaient sans mouvement. Voyant les symptômes d’une fin prochaine, j’appelai notre révérende Mère supérieure qui s’aperçut immédiatement que notre chère sœur était mourante. Elle lui répéta les saints noms de Jésus, Marie, Joseph, lui disant que si elle l’entendait de lui presser la main, ce qu’elle fit aussitôt et répéta après notre Mère les saintes invocations qu’elle venait de lui faire. Quand elle ne fut plus en état de parler, elle nous fit un signe, nous faisant comprendre qu’elle les dirait de cœur. Cinq minutes plus tard, elle expirait tranquillement, le sourire sur les lèvres. Cette chère sœur était un modèle vivant de toutes les vertus religieuses, et la consolation de notre chère Mère supérieure, qui ressent sensiblement la perte que nous venons de faire. Nous formons les vœux les plus sincères pour la prospérité de votre communauté ; par conséquent, c’a été un bonheur pour nous d’apprendre par la dernière lettre adressée à notre chère sœur Saint-Augustin, que le nombre de vos religieuses augmente. Notre nouveau couvent est presque entièrement terminé, et nous y entrerons probablement le premier novembre. Nous comptons sur un bon nombre de pensionnaires. Nous n’avons qu’une novice qui est très fervente; elle est maintenant dans sa seconde année de noviciat. Nous sommes six en tout. Soyez assez bonne, ma révérende Mère, pour prier l’auteur de tout bien, qu’il nous envoie des sujets selon son cœur, pour être les instruments de sa gloire dans cette nouvelle communauté. La religion catholique fait

beaucoup de progrès dans les Etats-Unis. Les fidèles, en général, sont bien fervents : quelques-uns mènent une vie si exemplaire qu’ils nous rappellent les premiers chrétiens. Beaucoup de conversions se sont opérées dans la paroisse de Boston ; les nouveaux convertis répandent autour d’eux la bonne odeur de Jésus Christ. Le successeur de Mgr de Cheverus est Mgr Fenwick. C’est un évêque rempli de l’esprit de Dieu ; son zèle pour tout ce qui regarde le saint ministère et la prospérité de notre communauté est admirable. Il a agrandi sa cathédrale ; elle est maintenant peut-être la plus belle église de cet état. Je regrette beaucoup de n’avoir pas pu écrire en français ; mais on me dit qu’il y a dans votre communauté des religieuses qui comprennent l’anglais. J’ai omis de vous parler des profonds sentiments de reconnaissance que notre chère sœur Saint-Augustin a toujours conservés pour vous et pour toutes vos religieuses. Chaque fois qu’elle a eu occasion de parler de la communauté des Trois-Rivières, elle l’a fait avec un accent de bonheur qui nous impressionnait. Toutes mes sœurs s’unissent à moi pour vous présenter leurs plus profonds respects et offrir un cordial souvenir à votre communauté. Je demeure, Ma chère et révérende mère, Votre très humble et obéissante fille, Sœur Marie-Jean.

Je n’avais que vingt ans,... Mon esprit parlait sans cesse à Dieu. “ (Paroles de la Vénérable Mère Marie de l’Incarnation, fondatrice des Ursulines de la Nouvelle-France).

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LE RECIT DES SOEURS URSULINES

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es Soeurs occupaient la petite maison locaux. Ce qui se fit l’année suivante, date en bas de la colline du Mont Benoît, à laquelle les élèves affluèrent de tous côtés avant d’emménager dans les futurs de Nouvelle-Angleterre, des Antilles, des

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états du Sud et des provinces britanniques tant et si bien que deux ans plus tard, on ajouta deux grandes ailes supplémentaires à l’établissement puisque le nombre des nonnes était passé de quatre à dix et celui des élèves de cinquante à soixante. Leur séjour dans la ville n’était pas forcément apprécié. Malgré tout, l’école des Ursulines du Mont Benoît prospéra, la dévotion des professeurs était le secret de leur succès. Ceci attisa malheureusement les jalousies de ceux qui voyaient les revenus de l’Eglise augmenter.

LE COUVENT DE MONT BENOÎT

- Interdire l’accès aux postes d’instituteurs dans les écoles publiques afin de les réserver aux seuls protestants. - Instaurer la lecture quotidienne de la Bible protestante dans les écoles publiques.)

La grande famine en Irlande au milieu du XIXe siècle provoque une immigration massive d’Irlandais, qui vont former le noyau dur du catholicisme américain. L’Église catholique a longtemps été marginalisée dans la société américaine, voire persécutée par le courant nativiste, puis le Ku Klux Klan, l’antipapisme es rumeurs de mauvais traitements servant de ciment identitaire à la majorité dispensés par la Mère supérieure protestante. commencèrent à poindre. Et la bonne volonté des jeunes Ursulines allait Dans une Amérique dominée par la dès cet instant se heurter à ce débat de culture puritaine, les immigrants irlandais rue nauséabond qui passe de bouche en représentent près de la moitié de tous les bouche; la calomnie va lentement mais immigrés installés dans les années 1840, et insidieusement être orchestrée par une le tiers dans les années 1850. Les nativistes secte: les Nativistes ou « Know Nothing. » dénoncèrent leur comportement social, leur incidence sur l’économie et leur (À cette époque, le mouvement nativiste est religion catholique... structuré sous la forme d’une société secrète; les membres de cette dernière répondaient À Boston, capitale par excellence du invariablement « Je ne sais rien » « I Know puritanisme américain, les années 1834 Nothing » quand ils étaient interrogés sur furent des périodes de troubles et de l’existence de ce mouvement politique. violences. La secte protestante nativiste Le nativiste est fondé sur l’opposition de très antipapiste, était encadrée par des la bourgeoisie et des classes moyennes évangélisateurs populaires très sectaires, protestantes à l’immigration massive dont le plus virulent était le Rev. Lyman d’européens catholiques principalement Beecher, père de l’écrivaine américaine, originaires d’Irlande et d’Allemagne; la Harriet Beecher Stowe, auteure du fameux communauté catholique étant jugée soumise roman: « la Case de l’oncle Tom. » à son clergé et perçue, par conséquent, comme le cheval de Troie d’une politique pontificale. Durant près de quatre ans, les actes de Outre cette xénophobie nationaliste, le violence contre les catholiques de Boston mouvement représentait également une furent monnaie courante, de même que forme d’intégrisme protestant favorable les incendies d’églises. D’abominables à la prohibition de la vente d’alcool. Leur pamphlets calomniateurs étaient plateforme politique était la suivante: largement répandus dans la population - La limitation stricte de l’immigration toujours crédule pour les faits les plus visant particulièrement les immigrants dénués de vraisemblance. catholiques. C’est dans ces circonstances défavorables - Réserver l’accès aux postes à responsabilité qu’une seule étincelle suffit à allumer le du pays aux seuls américains natifs. feu: il couvait lentement et devait voir le - Instaurer un délai de 21 ans aux immigrés jour au sein même de la communauté des avant d’obtenir la citoyenneté américaine. Soeurs Ursulines de Boston.

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ne simple affaire anodine allait suffire à donner un prétexte aux causes des opposants nativistes et les Soeurs Ursulines du mont Benoît allaient en faire la triste expérience, notamment la Supérieure du couvent, Mère Mary Edmond St. George ( Mary Anne Ursula Moffat) qui serait placée au centre des rumeurs soigneusement orchestrées par les nativistes, les premières d’une longue série. Elle était la fille d’un officier de l’armée britannique au Canada. Adolescente, elle se convertit au catholicisme et entra chez les Ursulines du Québec. Lorsque la communauté de Boston perdit à cause de plusieurs décès, ses fondatrices et plusieurs autres Soeurs, (la tuberculose ayant décimé les rangs de la communauté naissante de Boston) le Révérend William Taylor, vicaire général de Boston, avait demandé de l’aide auprès de Mgr Joseph-Octave Plessis, Archevêque de Québec (1763-1825) qui l’avait détaché du monastère des Ursulines de Québec afin de remplacer après le décès de celleci la première Supérieure, Mère MarieJoseph (Ryan). Elle fut choisie en raison de ses capacités. Etant anglophone, elle pouvait guider la jeune communauté. Elle était une femme capable et digne, apparemment très respectée mais peu aimée... Supérieure rigide et hautaine, elle avait une manière impérieuse d’agir; mais ses Soeurs sont formelles, ils ne l’ont jamais entendue dire, ou vue faire toutes les choses indignes que les rumeurs colportèrent contre elle. Il est clair qu’elle n’était pas une femme docile parce qu’elle avait été formée à la retenue qui s’imposait au XIXe siècle.

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ans l’après-midi du 28 juillet 1834, Mlle Elizabeth Harrison, Soeur Mary John au sein de la communauté, s’est échappée du couvent du Mont Benoît. Cette action sera au centre des événements décisifs qui vont suivre. Il nous faut afin de bien comprendre le cheminement des événements revenir au

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Le Rev. Lyman Beecher début de l’affaire qui commença en cette fin de juillet 1834. Mademoiselle Elizabeth Harrison était native de Philadelphie. Elle avait réussi son noviciat qui avait duré deux ans. Elle avait l’habitude de donner 14 heures de leçons de musique par jour d’une durée de 45 minutes chacune. Cela la fatiguait, l’affaiblissait et son esprit en était grandement perturbé. Plusieurs personnes de sa famille avaient déjà été sujettes à des troubles psychiques et mentaux. Si les Sœurs avaient été au courant de cela, elles auraient allégé ses responsabilités. Le docteur Warren, médecin de la communauté, avait déjà constaté la santé délicate de Soeur Marie John. Elle souffrait par grand froid et grande chaleur de maux de tête et, fin juillet, alors qu’elle se sentait très mal, elle absorba par erreur quelque vomitif qui eut de drôles de conséquences sur son comportement ; elle commença à s’agiter bizarrement, exigea de nouveaux instruments, ouvrit grand les portes sous prétexte d’atténuer sa fièvre. Lorsque la Supérieure Mère Mary Edmond St. George lui dit qu’elle semblait trop malade pour donner ses cours, elle répondit par un grand éclat de rire et son agitation atteignit le délire au fil de la journée. Elle fuit du couvent et se réfugia dans la maison voisine, la résidence de M. Edward Cutter, un citoyen respectable, qui est membre


Of the “ Mysterious Lady” From the Ursuline convent of Mt. Benedict. Her nervous excitement culminating in delirium, she slipped out of the convent.” 267


LE COUVENT DES URSULINES DE BOSTON SUR LE MONT BENOÎT À CHARLESTOWN de la Chambre des représentants du Mlle Harrison (Soeur Mary John) avait Massachusetts. déclaré devant lui et M. Cutter, en présence de la famille de ce dernier, qu’elle avait alade, Soeur Mary John avait quitté le couvent avec une détermination échappé à la vigilance de ses à ne pas y revenir, et désirait que M. John Sœurs, qui n’auraient jamais Runey la conduise chez M. Cotting d’où elle envisagé un tel acte dans la mesure pouvait trouver un asile, jusqu’à ce qu’elle où elle était incapable de cacher ses pût subvenir à ses besoins. sentiments, qu’elle n’avait jamais exprimé Toujours selon les dires de M. Runey, d’insatisfaction auparavant, étant la plus Mlle Harrison a librement démontré son joviale de toutes les Sœurs de l’Ordre hostilité envers la communauté en arrivant des Ursulines. Un membre du conseil des chez M. Cotting et elle réitéra qu’elle était «Selectman», M. John Runey, (celui qui avait malheureuse au couvent, et était résolue de déjà auparavant menacé d’aller importuner ne jamais y revenir. les Sœurs. Anticatholique convaincu, Runey e lendemain, le frère de Mlle n’aimait pas la communauté) Il conduisit la Harrison rendit visite à sa sœur. Soeur Mary John vers la maison, distante L’éloignement lui avait sans doute de cinq ou six miles, d’un gentleman de été bénéfique puisqu’elle réclama la West Cambridge, M. Cotting, et il mit la visite de Mgr Fenwick pour l’aider à se Supérieure du couvent au courant de cette ressaisir. L’évêque de Boston constata son intention en lui rapportant les dires de égarement, ses yeux hagards, ses phrases Soeur Mary John, selon lui:

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incohérentes, ses larmes et ses rires déplacés. Lorsqu’il proposa à Soeur Mary John son retour au couvent, elle implora de rester où elle était. Il était clair, qu’avant cela, elle n’avait plus eu la notion des choses et avait perdu momentanément la raison puisqu’au début, elle ne cessait de répéter combien elle était heureuse d’être là.

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ans le passé, une autre jeune femme, Mlle Rebecca Theresa Reed avait quitté le Mont Benoît en calomniant cette institution par la suite dans un livre (Six months in a convent, or, the narrative of Rebecca Theresa Reed : who was under the influence of the Roman Catholics about two years, and an inmate of the Ursuline convent on Mount Benedict, Charlestown. Éditions de 1835). Ce livre est l’histoire de Rebecca Reed, cette jeune fille de Boston qui fut admise à l’école des Soeurs Ursulines en 1831. De famille modeste, elle y entra gratuitement le couvent ayant renoncé aux frais de sa scolarité. En 1832, elle a déclaré à la Mère supérieure qu’elle aimerait entrer au noviciat des Ursulines. Mais au bout de quelque temps, la communauté lui fit comprendre qu’elle n’en avait pas la vocation et elle dut quitter le couvent après six mois de postulat. Mlle Reed en garda un ressentiment enflammé contre l’institution de Boston. Quelque temps après son départ en février 1832, elle a commencé à écrire un livre intitulé six mois dans un couvent, dans lequel elle déclare que les religieuses Ursulines et la Mère supérieure ont essayé de la forcer à adopter leur religion catholique. Ce livre récupéré par les membres anticatholiques de Boston devait nourrir leur haine et l’idée de la suppression du

LE COUVENT DE MONT BENOÎT

couvent prit forme à Charlestown à partir de cette première affaire. vec Mlle Harrison, ce fut le début d’une deuxième affaire et un article dans le journal intitulé « La femme mystérieuse » acheva de mettre le feu aux poudres. Il y était question de la fuite de Mlle Harrison où l’on racontait qu’elle aurait été ramenée de force, même assassinée ou enfermée et mise au secret dans des caves souterraines ou bannie dans d’autres régions ; mais ce n’était qu’une partie de l’iceberg en matière d’opinion publique négative. On tendit une embuscade au jardinier du couvent pour lui donner un avant-goût de ce qui pourrait arriver au couvent. Quelques jours après le retour de Mlle Harrison au couvent, le Dr Thompson, un physicien de Charlestown qui, au début, ne tarissait pas d’éloges sur la Supérieure, exigea d’elle qu’elle montre « La femme mystérieuse », sinon le couvent serait détruit. Elle invita donc le conseil des « Selectmen » (The Board of Selectmen of Somerville, Massachusetts) à venir ainsi que deux voisins qui étaient à l’origine des rumeurs. Les visiteurs arrivèrent le lundi et fouillèrent tous les recoins du couvent en compagnie de Mlle Harrison (Soeur Mary John) elle-même. Ils en conclurent, trois heures plus tard, qu’il n’y avait rien de répréhensible et repartirent satisfaits en promettant de faire un article à ce sujet dans la Gazette de Boston du mardi matin (Le lendemain). La déclaration était destinée à rassurer le public que la femme était en bonne santé, qu’elle n’était pas retenue contre son gré, et que le couvent était respectable... Bien que des rumeurs d’une perturbation planifiée avaient atteint le couvent le mardi 11 août, ni les religieuses, ni les étudiants, ni mêmes les parents, ne semblaient croire que quelque chose de grave se produirait.

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Je ne suis rien dans le monde, fardeau inutile sur la terre“ (Paroles de saint Benoît-Joseph Labre) 269


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LA PREMIERE EMEUTE AU MONT BENOÎT, NUIT DU 11 AOÛT, 1834. LES INCENDIAIRES NATIVISTES DETRUISENT LE COUVENT DES SOEURS URSULINES.

Mais, au coucher du soleil, la Supérieure commença à entendre du bruit. À environ 08h00 le soir du 11 Août 1834, un groupe de citoyens protestants en colère se sont rassemblés devant la porte du couvent. Ils ont commencé à appeler à la libération de « La femme mystérieuse ». Un témoin de l’émeute a rapporté qu’une religieuse est venue à la fenêtre et a demandé à la foule de se disperser. Selon ce témoin, en voyant la religieuse, la foule a offert sa protection à la religieuse. À ce stade, la Mère Supérieure, Mary Edmond St. George, est apparue et a déclaré que les religieuses n’ont pas besoin de protection, et que toute la maisonnée était 27 0

au lit. A neuf heures du soir, elle fut alarmée par un grand vacarme du côté de Medford Road, provoqué par une foule qui criait : « A bas le couvent ! A bas le couvent ! ». Puis la foule finit par se disperser, pour revenir quelques heures plus tard. Vers 11h00, une foule de cinquante à soixante hommes ont mis le feu à des barils de goudron sur les terrains du couvent; une foule d’environ 2000 personnes était massée devand le monastère. Peu de temps après, la foule a enfoncé les portes et les fenêtres pour entrer au couvent, et a commencé à fouiller les bâtiments. La Mère Supérieure rassembla la communauté des


Soeurs pour leur dire qu’elles étaient en danger. Elle demanda à ceux qui étaient rassemblés dehors ce qu’ils voulaient et dit qu’ils perturbaient le sommeil des élèves, dont certains étaient des enfants de notables respectés dans cette ville. Ils répondirent qu’ils ne voulaient pas faire de mal aux enfants mais qu’ils désiraient voir la nonne qui avait fui. La Supérieure constata que la nonne en question s’était évanouie de terreur et qu’elle se trouvait sous la protection de quatre Sœurs. La Supérieure revint dire à la foule ce qu’il en était ; elle affirma que des « Selectmen » avaient déjà visité le couvent et en avaient été satisfaits. S’ils voulaient, ils pourraient revenir la voir le lendemain à une heure convenable. Ils lui demandèrent si elle était sous protection et elle répondit que oui. Mais la foule augmenta de toutes parts, ils l’insultèrent et ils affirmèrent avoir amené avec eux un « Selectman » pour leur ouvrir les barrières. Le «Selectman» s’avança et lui offrit sa protection mais elle la refusa puisqu’il avait été à l’origine des troubles et lui dit que s’il voulait sa confiance, il fallait d’abord qu’il disperse la foule. Il essaya de dissuader les émeutiers de mettre le feu au bâtiment en leur disant qu’on les reconnaîtrait et qu’on les retrouverait ensuite s’ils agissaient de la sorte. Après quoi, il rentra chez lui et alla dormir. Ensuite, la foule tira un coup de canon sous les saules et attendit un moment les renforts.

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ls allumèrent un feu de joie, signal pour tous les conspirateurs nativistes et les cloches retentirent, comme pour un incendie, à Charlestown et à Boston. Des foules surgirent de tous côtés. Plusieurs pompes à incendie arrivèrent ; celle de Charlestown fut placée de l’autre côté du feu de joie et l’autre en provenance de Boston, devant le couvent que la foule avait envahi et paralysait. L’arrivée de la pompe à incendie de Boston déclencha la prise d’assaut du couvent sous forme de jets de briques. Plusieurs compagnies de pompiers qui avaient été appelées sur les

lieux, ont refusé d’intervenir. Puis il y eut une pause pendant laquelle la Supérieure, les religieuses et les élèves ont commencé à quitter le couvent par l’arrière, et se sont cachés dans le jardin. Au bout de quelque temps attendant le moment propice, les religieuses en profitèrent pour guider tout le petit troupeau d’élèves vers une fuite salvatrice et atteindre finalement les maisons du voisinage. Il fallait prendre en charge 60 élèves sachant qu’il y avait une Sœur à l’agonie, une autre prise de convulsion et Mlle Harrison (Soeur Mary John) en plein délire. Ceci accompli, la Supérieure s’attarda pour voir s’il ne restait personne dans le bâtiment, sauver les objets de valeur et les 1000 dollars faisant partie des revenus de l’institution. A peine le dernier enfant avait quitté le couvent, que les vauriens y entrèrent et ils étaient à quelques mètres derrière elle. La foule surgit, dans des hurlements, pilla, vola tous les objets précieux, les bijoux des élèves, démolit les instruments de musique et détruisit tout sur son passage ainsi que les ornements de l’autel offerts par l’archevêque de Bordeaux. Ils allumèrent des feux dans plusieurs pièces et ils y jetèrent tout ce qu’ils trouvaient: meubles, rideaux, vêtements, livres, tableaux, la Bible, la croix et les documents et quittèrent les lieux qui étaient devenus la proie des flammes. Le bureau de l’évêque et la ferme avoisinante connurent le même sort, tout fut ravagé.

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e témoignage émouvant d’une des religieuses Sœur Mary de Saint Joseph O’Keffe (Mlle Hélène O’Keffe) décrit avec beaucoup de précision les événements de cette nuit du 11 août 1834: La lune dans son premier quartier donnait ce soir-là peu de lumière, par moment elle se dérobait même entièrement derrière d’épais nuages, et ce fut à la faveur d’une demiobscurité que, vers dix heures, éveillée par ma supérieure, je pus entrevoir quelques figures sinistres se cachant ça et là derrière les arbres de l’avenue. 271


—Je vois un homme, me dit notre révérende mère Mary Edmond St. George. —J’en vois cinq, —J’en vois dix, lui répondis-je. —Qu’on éveille toutes les religieuses et qu’elles s’habillent sans lumière, ajouta-t-elle. L’alarme avait été donnée par notre chère sœur Sainte-Ursule qui veillait auprès d’une jeune sœur malade (Sœur Mary St. Henry). Des cris A bas le Pape ! A bas l’évêque ! A bas le couvent ! Se faisaient entendre distinctement de la rue. En même temps les émeutiers faisaient des efforts pour enfoncer la porte de fer qui fermait l’avenue. A peine avions-nous eu le temps de revêtir nos habits religieux qu’une populace furieuse, excitée par le docteur Lyman Beecher et les ministres protestants de Boston et de Charlestown, s’étaient frayé un chemin et envahissaient les jardins. La mère supérieure jugea qu’il était prudent de faire lever les élèves. Ma sœur Saint-Augustin fut chargée de ce soin. Elle entra paisiblement dans leur dortoir, qui n’était éclairé que par une lumière placée dans le corridor. Et sans leur en dire le motif, elle les éveilla, les fit habiller en silence et les conduisit dans une aile reculée qui donnait sur la cour, où elle espérait que les cris des émeutiers ne parviendraient pas jusqu’à elles. Qui dira les angoisses de cette bonne sœur de onze heures à minuit, heure de pénible attente, où elle avait sous sa garde l’espoir de tant de familles ? Aucune de ses quatre-vingts élèves ne s’esquiva de cet endroit. Pendant ce temps, les braves puritains faisaient leur œuvre, en lançant des pierres dans les fenêtres, et quoique l’émeute ne progressât que lentement, il était évident, vu qu’on n’opposait aucune résistance, que les projets iniques de cette cruelle populace allaient triompher et que dans quelques heures, notre cher Mont Benoît serait devenu la proie des flammes. La supérieure ne songea plus qu’à mettre les élèves et les religieuses en sûreté ; elle leur fit dire de se rendre dans un grand pavillon, qui se trouvait 27 2

dans l’angle le plus reculé du jardin. Mon premier soin avait été de sauver le SaintSacrement. Ma sœur Saint-Augustin était sacristine, mais comme elle se trouvait auprès des élèves, j’allais lui demander la clef du tabernacle. Ma sœur Sainte-Ursule vint à mon secours et à nous deux, nous emportâmes le tabernacle entier, car il n’était pas encore fixé solidement sur l’autel. Pendant que nous travaillions à sauver notre plus précieux trésor, les vitres en éclats jonchaient le tapis du sanctuaire et nous eûmes à peine le temps de sortir de la chapelle, qu’une troupe de va-nu-pieds envahissait le saint lieu. Nous déposâmes le tabernacle dans une touffe d’asperges qui pouvait avoir trois pieds de haut, espérant le dérober aux recherches des fanatiques, ne croyant pas qu’ils eussent le mauvais génie de chercher des trésors en ce lieu ; notre intention était de prier un prêtre d’enlever les saintes espèces lorsque la populace se serait retirée. Nous rejoignîmes aussitôt nos sœurs, je m’aperçus que ma sœur Saint-Augustin n’était pas avec nous. Accompagnée d’une autre religieuse je courus à sa recherche, je la trouvai au second étage gisant sur le parquet, sans connaissance. Nous avions deux escaliers à descendre : notre seul parti était de la traîner. Nous fîmes pour le mieux ; rendues dans la cour, de grandes élèves vinrent à notre rencontre et nous la portâmes jusqu’au pavillon où se trouvaient religieuses et élèves ; elle reprit bientôt ses sens. Mais cette retraite même n’était plus pour nous un lieu de sûreté. Une demi-heure s’était à peine écoulée depuis que nous étions blotties dans le berceau, que des personnes frappaient à la barrière de la clôture qui séparait le jardin du verger où nous étions. Aucune de nous ne répondit, nous retenions même notre respiration craignant d’être découvertes par les émeutiers. Mais bientôt des voix amies se font entendre. M. Cutter, notre plus proche voisin, et quelques personnes bien intentionnées, voyant l’inutilité de leurs efforts pour s’opposer à la fureur de la populace qui voulait à tout prix brûler


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le couvent, s’étaient esquivés de la foule et venaient nous offrir leurs secours pour nous conduire en lieu sûr. Pendant que ces braves gens s’efforçaient de faire une brèche à la clôture de bois qui bois était haute et bien faite, quelques messieurs étaient montés dessus et prenaient nos élèves une à une et les remettaient de l’autre côté. En même temps, on avait réussi à abattre quelques planches et les religieuses purent ainsi rejoindre leurs élèves. Notre lieu de refuge fut la maison de M. Adams à Winter-Hill, il hésita quelque peu à nous recevoir craignant d’attirer sur sa propriété la fureur de la multitude qui vociférait contre la religion et les couvents. Mais ces gens n’en voulaient pas à nos vies car lorsque j’allai au secours de ma sœur Saint-Augustin, j’entendis dire aux incendiaires qui se parlaient entre eux : —Etes-vous bien certains qu’il n’y a plus personne ? Seulement on avait tramé un complot contre la vie de l’évêque. Afin de mieux s’assurer du succès, on eut recours au stratagème suivant : —Une voiture lui fut envoyée, le cocher était porteur d’un message au nom de la supérieure, informant Sa Grandeur de ce qui se passait au Mont-Benoît et le priant de se rendre sur les lieux, afin d’empêcher la destruction du couvent. Mais ce saint évêque inspiré de Dieu, ou soupçonnant leurs noirs projets, déclina l’invitation en disant : —Que peut faire un seul homme ? A deux reprises différentes, ils s’efforçèrent durant la nuit suivante de mettre le feu à la cathédrale, ce fut grâce à la vigilance d’une garde de volontaires irlandais si ce temple fut préservé des flammes. Nos hôtes consentirent enfin à nous recevoir et nous fûmes très bien traitées. Madame Adams nous ouvrit la porte de son salon, où se trouvaient un sofa et quelques chaises, nos chères petites filles s’assirent sur le tapis où elles ne tardèrent pas à s’endormir, leur tête reposait sur les genoux des plus grandes élèves qui avaient des sièges. Il y avait à peu près une heure

LE COUVENT DE MONT BENOÎT

que nous étions sous le toit de M. Adams, quand nous vîmes ce monsieur à la porte du salon. —Mesdames, si quelques-unes d’entre vous désirent jeter un dernier regard sur votre couvent, suivez-moi. La supérieure et toutes nos sœurs, à l’exception de la malade et de sœur SaintAugustin, montèrent à l’étage supérieur. Le monastère était déjà enveloppé d’un tourbillon de flammes ; dix minutes plus tard, nous étions de nouveau réunies au salon, où nous nous agenouillâmes pour réciter le psaume « Laudate Dominum omnes gentes, » puis il se fit un morne silence ; les cœurs étaient tristes mais les âmes soumises et résignées. Les élèves nous quittaient peu à peu, à mesure que les parents étaient informés de ce qui avait eu lieu. Sept ou huit au plus se trouvaient avec nous lorsque l’évêque députa des prêtres et plusieurs voitures pour nous conduire sous le toit hospitalier des bonnes sœurs de la Charité. Lorsque Monseigneur nous vit, il nous offrit une maison de Boston qu’il avait achetée. Notre pauvre supérieure lui répondit : —Monseigneur, où irez-vous ainsi que vos prêtres ? « Nous nous pensionnerons chez Murphy. » (M. Murphy était un gentilhomme très respectable qui demeurait en face du palais épiscopal). Nous répondîmes toutes d’une seule voix : —« Il vaut mieux, Monseigneur, que nous cherchions un asile plutôt que de vous déranger ainsi que vos prêtres. » Durant deux mois, ce digne évêque et les chères sœurs de la Charité firent tout ce qui était en leur pouvoir pour adoucir notre triste position. Mais je reviens sur quelques faits plus désolants encore que tout ce que je vous ai dit. On profana la chapelle mortuaire et les tombeaux où nos sœurs défuntes dormaient de leur dernier sommeil ; on jeta les restes des religieuses au vent, et on poussa l’aveugle fureur jusqu’à tirer les dents de quelques-uns des cadavres. Puis ce qui affligea davantage nos cœurs, ce qui est plus pénible encore à dire, les incendiaires avaient découvert le 273


tabernacle caché, ( dans la touffe d’asperges du jardin). Les saintes espèces furent profanées. —Nos âmes encore tout émues au souvenir de cette scène désastreuse sont pleines de reconnaissance envers les généreux bienfaiteurs et bienfaitrices dont la charité est venue à notre secours. —C’était à qui, au lendemain de cette scène lugubre, parmi les dames de Boston et de Charlestown, sans distinction de nationalité ni de croyance, nous offriraient vêtements, meubles, etc. Les MM. Chickering et I. Mackey vinrent nous offrir des instruments de musique, à un crédit illimité. —Nos mères de Québec nous firent parvenir des valises remplies de divers effets, nous offrant en même temps un asile sous leur toit protecteur; celles de la Nouvelle-Orléans en firent autant, ajoutant à cette invitation une somme de $300.00. —Les Sulpiciens de Montréal nous

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adressaient un service d’autel complet. Ces marques de générosité nous faisaient sentir les bienfaits de notre sainte religion. —Notre chère malade, la petite novice Mary Saint Henry mourut à Roxbury, dans un endroit appelé Brinley Place où nous nous étions retirées après notre séjour de deux mois chez les bonnes sœurs de la Charité. Elle fut assistée sur son lit de mort par le Dr Thompson, habile médecin protestant qui nous fut toujours très dévoué. —Quelques moments avant sa mort, la jeune mourante demanda à être portée près de la fenêtre, pour voir une dernière fois « les ruines de Mont-Benoît. » —Oh ! mes bien chères sœurs, ajouta l’intéressante narratrice, je n’ai pu sans émotion retracer ces pénibles scènes, mon cœur est plein et je ne me sens plus de force que pour ajouter : « Mon Dieu, pardonneznous nos offenses comme nous pardonnons à ces infortunés fanatiques. »


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—La peine la plus sensible de la jeune missionnaire était que la majorité des élèves du Mont-Benoît appartenait à la classe aisée et aristocratique protestante de Boston et des alentours. —Où étaient les enfants délaissés que son zèle lui avait fait entrevoir sur les rives d’outremer? Elle s’en plaignait à sa supérieure qui la consolait, en lui rapportant les paroles de leur digne évêque : « Vous êtes des apôtres silencieuses, vous faites le bien en secret ; les jeunes filles que vous instruisez rediront dans leurs familles que les préjugés que l’on a contre les catholiques sont faux, et nombreuses seront les conversions. » Pour mieux la consoler, elle ajoutait : « Nous ouvrirons des classes gratuites et vous en serez uniquement chargée. »

LE COUVENT DE MONT BENOÎT

la Soeur Saint-Joseph O’Keffe se retira au monastère des Ursulines de Trois-Rivières au Québec où elle sut mériter la confiance des parents et des élèves ; elle conserva toujours un bon souvenir des jours passés dans ce monastère.

Lors des émeutes de 1834, personne à Boston et à Charlestown ne prêta main forte pour empêcher cela. Pas même les pompiers dont on pouvait mettre en doute leurs intentions puisqu’on avait vu un de leur engin rentrer à Boston, décoré des fleurs de l’autel du couvent. Les magistrats ne firent pas de réprobations, ni ne demandèrent l’aide des villes voisines, on n’eut pas recours aux services de la Marine et on n’arrêta personne pendant les sept jours que dura Après l’incendie du couvent de Boston, l’émeute.

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Aucun protestant qui assista au spectacle n’eut le courage de s’interposer alors que s’ils avaient uni leurs forces, un seul jet de la pompe à incendie aurait suffi à disperser la foule. Pendant ce temps, les nonnes s’enfuirent, aidant la Sœur Mary St. Henry à l’agonie à franchir les barrières du jardin, pour trouver refuge et furent invitées peu après à loger chez le général Dearborn à Roxbury, dans un endroit appelé Brinley Place, où la Sœur Mary St. Henry mourut peu après, à l’âge de 20 ans. Elle avait survécu encore onze jours après l’incendie du couvent et elle eut des funérailles en grandes pompes. À 11h00 le lendemain matin, Theodore Lyman, le maire de Boston, invita le public à une réunion à Faneuil Hall pour discuter de mesures relatives à l’émeute à Charlestown. La réunion eut lieu à 01h00 de l’après-midi et conduisit à l’adoption d’une résolution qui, entre autres choses, nomma un comité pour enquêter sur les émeutes et les événements. La résolution exprimait l’indignation de la communauté sur les actes et fournissait une récompense à toute personne qui livrerait des informations sur les dirigeants de futurs événements similaires, ainsi que la volonté de diriger le comité d’enquête pour discuter de la possibilité d’indemniser le diocèse de Boston pour la perte des biens, qui n’étaient pas couverts par l’assurance. Le Selectman de Charlestown a également appelé à une réunion publique le 12 Août, afin d’adopter des résolutions similaires condamnant la violence. La résolution a également mis en place un «Comité de vigilance», avec pouvoir d’enquêter sur l’incident et d’offrir une récompense pour toute information menant à l’arrestation des auteurs. Le même jour, Mgr Fenwick a convoqué une réunion des citoyens catholiques de la région de Boston. Il demanda aux paroissiens catholiques à renoncer à la vengeance: « Elle est incompatible avec la religion de Jésus-Christ » leur dit-il. Il a également remercié les autorités publiques pour leur position contre la violence, et a exprimé avec confiance qu’ils empêcheraient de nouvelles flambées de se produire. . . . 27 6


“ Gravure d’époque: témoignage des exactions des Nativistes dans la petite chapelle mortuaire au fond du jardin du couvent. Ils exhumèrent les restes des religieuses défuntes de leurs tombeaux. . . les dents des mortes furent extraites, les cercueils ouverts brûlés. Un acte indigne de la civilisation américaine.” 277


LA SECONDE EMEUTE NATIVISTE DU 12 AOÛT, 1834.

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n accord avec les résolutions, le maire de Boston Theodore Lyman a ordonné aux troupes et à la police de stationner non seulement autour de Faneuil Hall, mais à l’arsenal de la ville, la cathédrale de la Sainte-Croix, l’église catholique de Charlestown, et la maison d’Edward Cutter. Mais aucune troupe ne fut mise en place autour des vestiges du couvent du Mont Benoît. À environ 10h00 le soir du mercredi 12 août, une foule de Nativistes s’est rassemblée à l’extérieur de l’arsenal. Estimant qu’il était surveillé, ils se sont déplacés en premier à la cathédrale, puis à l’hôtel de ville, et enfin au couvent lui-même. Au couvent, ils ont détruit les jardins et les vergers, mis des feux de joie, et tiré vers le bas les clôtures. La foule a quitté les lieux en se dispersant quelques heures plus tard. Les problèmes ne cessèrent toujours pas. Des désapprobations se firent entendre de toutes parts de l’état et un comité se constitua, composé de notables de Boston, tels que Robert C. Winthrop, William Appleton, Horace Mann, Theophilus Parsons et Thomas Motley, pour enquêter sur l’affaire et assigner les mécréants en justice. Ils interrogèrent plus de 140 personnes et procédèrent à 13 arrestations.

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ls rendirent visite à la jeune femme Mlle Rebecca Theresa Reed ( dont le nom de religieuse avait été sœur Marie Agnès Thérèse) qui avait propagé des rumeurs dans son livre et elle nia tout en bloc sauf les affirmations au sujet de mauvais traitements infligés à la nonne malade (soeur Mary Madeleine) et à Mlle Alden. Mais les propos, et les dires de

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Mlle Reed furent discrédités par les soeurs Ursulines qui avaient assisté aux débuts de Mlle Caroline Frances Alden. Celle-ci avait pris le voile des postulantes au couvent du Mont Benoît et l’avait quitté deux ans plus tard. Nous, la communauté, lui avions déclaré qu’elle n’était pas faite pour cette vie d’ascèse; Mlle Alden en fit part à la Supérieure qui lui conseilla de partir si elle n’y trouvait pas son bonheur. « Elle me confia ( la Supérieure), dit Miss Alden, que j’étais libre de partir et qu’on me donnerait ce dont j’avais besoin pour le départ, qui eut lieu deux ans plus tard, malgré un grand attachement envers la Mère Supérieure. »

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t il était évident que les autres Sœurs de la communauté étaient libres de faire de même si elles le souhaitaient. Les accusations de mauvais traitements fondirent comme neige au soleil. Même l’élève, atteint de scarlatine, avait été renvoyé aussitôt pour éviter de contaminer les autres. Peter Murphy, le maçon du couvent certifia qu’il n’existait pas de caves secrètes. Même si le comité ne partageait pas les convictions romaines catholiques, il publia quand même un rapport d’enquête. Et au final, un homme du nom de John R. Buzzell fut conduit au tribunal en tant que chef d’émeute. Il eut toutefois un drôle de procès. L’un des jurés fut surpris en train de dormir ; et bien qu’il avait battu le jardinier du couvent, encouragé activement les émeutiers, mis le feu à des barils, il fut finalement reconnu innocent malgré sept voix contre cinq en sa défaveur lors de la première délibération. Un seul jeune homme fut puni et condamné à perpétuité; sa mère en mourut et il fut gracié plus tard. Tout cela prit fin. On proposa aux nonnes


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de se reloger à Newport, dans la région où Roger Williams prônait la tolérance religieuse mais elles refusèrent cette offre parce que cette attaque avait montré où on avait besoin d’elles et croyant que le Massachusetts rendrait un jour justice puisque l’état était responsable des dégâts. La responsabilité ne fut jamais reconnue. On demanda sans cesse des dommages et intérêts ; Théodore Parker devint célèbre à ce sujet. Le dédommagement n’eut jamais lieu car aucune législation ne fut instaurée pour rembourser les pertes du couvent et le refus de remboursement par l’Etat ne fit qu’accentuer, au fil des ans, l’outrage subi. On peut en lire un commentaire explicite dans la copie de cet article de la Gazette de Boston : 26 novembre 1834 « Avons reçu à ce jour de l’évêque Fenwick, la somme de 79, 20 $, contribution estimée par les assesseurs sur les terres et les bâtiments de l’ancien couvent de Mont Benoît, pour l’année 1834, exigée par le percepteur, Solomon Hovey Junior, en fonction des instructions données par les assesseurs bien que les locaux furent détruits lors d’une émeute en août dernier. » $ 79,20. »

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indemnise le diocèse de Boston pour la perte de la propriété du couvent. Suite à cette recommandation, l’évêque Fenwick a demandé à la législature en janvier 1835 une indemnisation pour reconstruire le couvent et l’école, en faisant valoir que l’Etat avait manqué à son devoir de protection de la propriété privée. Le comité qui a entendu l’argument du diocèse résolut que le législateur autorise le gouverneur à indemniser les fiduciaires du couvent. La résolution a été rejetée par une écrasante majorité sur le plancher de la Chambre. Des propositions similaires de restitution ont été portées devant l’Assemblée en 1841, 1842, 1843 et 1844. Chaque fois, la motion visant à indemniser le diocèse a échoué. En 1846, l’Assemblée a voté pour fournir au diocèse la somme de $ 10,000. Le diocèse a rejeté l’offre, l’estimation de la perte réelle était d’environ $ 100,000. La demande a été présentée à nouveau à l’Assemblée en 1853 et 1854, et de nouveau à chaque fois rejetée. Les Ursulines ont tenté de poursuivre leurs travaux à Roxbury, Massachusetts. Mais elles furent harcelées. Par conséquent, les religieuses ont décidé de retourner au Québec, et d’autres ont rejoint les Ursulines de la Nouvelle-Orléans.

« Solomon Hovey Junior, percepteur. »

En 1838, une tentative a été faite pour restaurer la communauté des Ursulines de Le comité d’enquête formé par le maire Boston, mais il n’y eut pas d’adhésion à leurs Lyman avait recommandé que la ville de rangs. Deux ans plus tard, leur ministère Charlestown ou le comté de Middlesex à Boston fut dissous définitivement.

On pourrait ajouter que Mère Mary Edmond St. George se considérait clairement de la classe privilégiée de la société, ce qui causa une certaine inquiétude dans l’esprit de Sœur Marie Joseph O’Keeffe, qui était venue avec l’espoir d’éduquer les immigrants irlandais pauvres. “ 279


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endant environ deux ans, (Mère) Sœur Mary Edmond St. George fut Supérieure de la Communauté des Ursulines de Mont Benoît à Charlestown, (Massachusetts). Un portrait officiel de la collection des Ursulines de Québec, qui la représentait, a mystérieusement disparu, comme beaucoup de pièces importantes retraçant son histoire personnelle. Beaucoup d’écrits parlent d’elle en termes peu flatteurs et très critiques, beaucoup la

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méprisaient. Mais certains plus élogieux, en font une femme hors du commun pour l’époque. Après l’incendie du couvent, elle se réfugia sur ordre de Mgr Fenwick dans son monastère d’origine au Québec. Ses parents loyalistes britanniques protestants s’installèrent près de Montréal après la Révolution américaine. Mary Anne Ursula Moffatt (son nom civil) est née en 1793 et a étudié dans les écoles catholiques. En 1810, à l’âge de 16 ans, elle se convertit au


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La Supérieure du couvent de Boston, Mère Mary Edmond St. George, a écrit un livre pour la défense du couvent, mais surtout pour faire réponse au livre de Rebecca Theresa Reed. l’ouvrage de la Supérieure fut rapidement vendu en de nombreux exemplaires sous le titre “ An Answer To Six Months in a convent exposing its falsehoods ands manifold absurdities” A la suite de la publication de ce livre, le sentiment anti-catholique augmenta encore, et des menaces de mort furent proférées contre elle. Dans une tentative évidente de calmer les tensions à Boston, Mgr Fenwick a rapidement transféré pour un temps Mère Mary Edmond St. George dans son couvent d’origine au Québec.”

catholicisme et rejoignit les Ursulines de 1836, à cinq heures du soir, elle a quitté le Québec. monastère de Québec pour entreprendre un voyage vers la Nouvelle-Orléans. Elle ors d’un soir de printemps de 1836, avait demandé et reçu l’autorisation d’y Sœur Mary Edmond St. George être transférée au couvent des Ursulines. franchissait les grilles en fer forgé du couvent des Ursulines dans le Vieux- Mais elle n’y est jamais arrivée, sa Québec et disparut mystérieusement, elle disparition est pour l’histoire un mystère ne devait jamais réapparaître. Le 18 mai qui n’a jamais été élucidé.

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es religieuses de Boston continuèrent leur travail à Trois-Rivières, au Québec; pour certaines, quelques-unes partirent pour la Nouvelle-Orléans et elles contribuèrent à l’éducation de nombre de générations de femmes... peut-être qu’après tout, le rêve du Père John Thayer s’est accompli de cette façon et servit à quelque chose de plus important. Pour comprendre les raisons de l’émeute, il faut connaître la situation en 1834 en Nouvelle-Angleterre qui conduisit à cette fameuse nuit du 11 août. Il y avait de nombreux exemples d’anticatholicisme dans l’opinion publique américaine, dans les écrits et les prêches de l’époque. On craignait que la présence d’un couvent qui éduque 60 jeunes filles protestantes mette en danger le protestantisme de toute la NouvelleAngleterre et même du pays tout en entier. Le couvent devait ses origines à l’inspiration et à la base financière fournies par le Père John Thayer converti au catholicisme, et issu d’une famille calviniste puritaine qui ont été parmi les colons fondateurs de la NouvelleAngleterre. En 1812, le projet d’union des presbytériens et des congrégationalistes échoua. Les derniers perdirent l’allégeance de beaucoup de membres mieux éduqués et plus riches, le ressentiment contre les riches et les puritains qui laissaient « faire » le catholicisme au Massachusetts s’accentua. Et l’âme profonde de la Nouvelle-Angleterre fut divisée: d’un côté, l’élite protestante de la finance qui confia l’éducation de leurs enfants aux Ursulines, et de l’autre, les travaillistes qui contrôlaient la politique de la ville. Les habitants de Charleston étaient largement composés d’ouvriers et avaient souffert de la dépression économique de 1833; c’est parmi ces ouvriers « Scots-Presbytériens » employés dans la briqueterie qui dominait l’économie de cette ville que furent employées les personnes qui bâtirent le monastère des Ursulines de Mont Benoît et certains parmi eux furent les futurs incendiaires de 1834, et détruisirent les jardins et les bâtiments du couvent qui dominait par sa richesse la classe ouvrière environnante… Mère Mary Edmond St George et Mgr BenoîtJoseph Fenwick avaient un plan ingénieux: 28 2

par l’éducation de jeunes filles issues des plus riches familles protestantes de la ville, les religieuses ursulines distinguées pourraient donner une image positive du catholicisme tout en contribuant à la dépense du diocèse. L’institution est donc devenue un pensionnat pour l’élite protestante qui pouvait se permettre des frais de scolarité de 160 $ par année. Ce changement d’orientation ne sembla pas convenir à l’une des religieuses Sœur Mary de Saint-Joseph O’Keffe qui, après la destruction du couvent de Charleston s’est retirée au monastère des Ursulines de Trois-


Rivières, elle le confia plus tard dans son récit des événements et de l’incendie du couvent qu’elle s’inquiétait de cette transformation. Il est vrai qu’il fallait au couvent une source de revenus pour assurer la pérennité de l’école des Ursulines. n coup d’œil sur la liste des livres utilisés au Mont Benoît était impressionnant. C’était un programme ambitieux d’éducation, offert par les Ursulines et qui démontra tous les signes d’une grande compétence. Il est clair que leurs élèves étaient destinées à un avenir de dirigeant et non pour accomplir des corvées à la fin de leurs

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études. L’éducation de ces jeunes filles était objet de suspicion et de haine, de la part des classes ouvrières et des congrégationalistes qui composait le mouvement travailliste de la ville et l’anticatholicisme était utilisé par leurs membres comme une arme de rassemblement, un lobby contre l’élite de la finance de la ville. Voilà un réseau bien complexe de tensions à la fois ethniques, religieuses, économiques et xénophobes qui ont contribué à la destruction du couvent de Mont-Benoît. Mais les dossiers de première instance et les comptes de presse montrent que c’est la Mère supérieure des Ursulines (soupçonnée de torturer 283


moralement ses frêles religieuses avec des pénitences sévères). La Supérieure en bravant par des réponses hautaines et maladroites les ressentiments des hommes protestants de la classe ouvrière de cette fameuse nuit du 11 août 1834 a incité par ses propos à attiser la violence, et d’après les nombreux témoignages de cette fameuse nuit, elle cria à la foule les paroles suivantes: « Si vous ne quittez pas la propriété, Mgr l’évêque veillera à ce qu’une armée de 20 000 Irlandais détruisent vos maisons ! » Un véritable suicide étant donné la situation, la prudence et la diplomatie auraient très certainement évité cet acte de destruction. Au lieu de cela, la foule déjà galvanisée la veille par les sermons anticatholiques du Révérend Lyman Beecher (pasteur presbytérien) dont l’église était surnommée « Brimstone Corner», (le coin du souffre) devait conduire à l’émeute et à cette fameuse nuit d’août 1834. n fin de compte le grand rêve du Père John Thayer venait de partir en fumée, mais pas l’église catholique des ÉtatsUnis, aujourd’hui 50 millions d’Américains ont leurs racines issues de l’immigration irlandaise et 70 millions de catholiques, soit 24% de la population vivent actuellement sur le sol américain…. En cela, le Père John Thayer et la grande majorité des prêtres Jésuites qui furent les pionniers de cette épopée de colonisation n’ont pas failli à leurs missions. En ce qui concerne l’enseignement, l’Église catholique gère directement ou indirectement 5 600 écoles élémentaires , 1200 écoles secondaires et 244 établissements d’enseignement supérieur, soit 3,5 millions d’élèves et d’étudiants, et plus de 200 000 enseignants. Sans ces prêtres pionniers, l’église catholique des USA ne serait pas ce qu’elle est aujourdhui. En 1961, John Fitzgerald Kennedy sera le 35e président et premier d’origine irlandaise catholique des Etats-Unis. Cela démontre aussi l’importance de l’immigration qui loin d’être une menace peut aussi être source de réussite. ne très nombreuse littérature témoigne de la religiosité américaine de cette ère bostonienne. Ces livres

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évoquent pour la plupart l’une des périodes difficiles de Nouvelle-Angleterre avec les débuts du Nativisme « Le Know Nothing», organisation xénophobe, visait à réguler le problème de l’immigration afin de préserver selon eux les valeurs des institutions américaines et de sa religion protestante. L’immigration de nombreux colons irlandais fut le ferment des débordements violents de cette nébuleuse extrémiste, et la destruction du couvent des Ursulines en donne l’exemple.


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Pour nous-mêmes de nos jours, la lecture attentive de certaines de ces publications soulève en faveur de l’immigration de nombreuses interrogations et réflexions

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sur la concordance des temps... et je vous laisse ici seuls juges, chers amis de saint Benoît Labre, de répondre à cette question;

« L’humanité finira-t-elle un jour par apprendre de ses erreurs ? »

FIN 285


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“Oh Benoît-Joseph, je viens encore vers toi avec une nouvelle prière. Regarde ces villes et ces pays, tous construits sur le manque d’amour ; les routes sont pavées et personne ne salira ses pieds pour autrui. Nous sommes tous seuls. Guide-nous, nous les voyageurs, sur un chemin qui monte vers un immense espace d’amour éternel. Que ton exemple nous accompagne, détache-nous de la terre et remplis-nous d’amour.” Albert Helman


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RENCONTRE AVEC LE PERE DAVID THAYER P.S.S. SEMINAIRE SAINT-SULPICE ISSY-LES-MOULINEAUX (PARIS) Le 4 juillet 2014

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hers Amis de saint Benoît Labre, afin de conclure ce merveilleux récit où nous avons pu suivre les nombreuses aventures du Père John Thayer, en Europe comme aux États-Unis. S’il est anachronique de comparer sa vie avec celle de saint Benoît Labre, vous avez sans doute remarqué qu’elle est bien différente de l’image que nous avions du personnage du Père John Thayer, qui était jusqu’à présent certainement plus connu par ses échecs que par ses réussites, et rares sont les biographes du Saint Vagabond qui parlèrent de lui avec éloge. Comme me le faisait remarquer mon bon ami, le Père Raymond Martel, cela va bien plus loin que la simple histoire de sa conversion au catholicisme. Ce récit est né d’une idée commune: nous avions souhaité, le Père Martel et moimême, inscrire son histoire parmi les personnages centraux du Charisme lié au Saint Pèlerin; en effet il fut le premier «appelé». Comme vous avez pu le lire, John se trouvait à Rome pendant les événements entourant la mort de Benoît-Joseph et les anecdotes spectaculaires de sa conversion en font le premier « Labrien » au sens propre du terme, le premier d’une longue lignée de disciples liés au Christ par la voie du Saint Pauvre de Jésus Christ ; lignée que nous a si bien développée, mon cher ami le Frère Samuel, dans son introduction.

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u rythme des pages de ce numéro 2 de “Lumière sur le Chemin”, nous avons été comme guidés, tels des voyageurs, sur un chemin rocailleux qui monte et redescend dans d’interminables rebondissements et de vérités douloureuses du récit de sa vie de prêtre. La Providence a voulu que ce récit coïncide avec un important événement que je souhaitais ici souligner. Le Père John Thayer est décédé le 17 février 1815 à l’âge de 57 ans, et nous fêterons dans quelques semaines en février 2015 le deuxième centenaire de sa mort à Limerick en Irlande et à cette occasion j’invite chacun d’entre vous à prier à la mémoire de ce premier prêtre Labrien. Au hasard de mes recherches et au fil de la conversation avec le Frère Samuel, il

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me fit part d’une opportunité intéressante, celle de pouvoir rencontrer à Paris l’un des descendants en ligne directe du Père John Thayer. En effet, lors d’une assemblée générale de la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice, qui s’est déroulée à Issy-les-Moulineaux du 7 au 11 juillet 2014, j’ai eu l’immense honneur de faire la connaissance du Père David Thayer P.S.S., membre du conseil général des prêtres de Saint-Sulpice. Le Père David Thayer de l’archidiocèse de Hartford (Connecticut) est docteur en philosophie, il est aussi membre de la faculté de formation au Theological College à Washington, où il enseigne la philosophie et le latin à l’université catholique d’Amérique (Catholic University of America). Il a servi pendant les 27 dernières années au sein du comité de la publication du bulletin de Saint-Sulpice, une revue annuelle pour la formation sacerdotale et de l’école française de spiritualité, pour laquelle il a officié en tant que rédacteur en chef. Le Père David Thayer est l’auteur de nombreux articles et notamment des publications sur le fondateur de Saint-Sulpice, Jean-Jacques Olier.

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ors de notre entrevue à SaintSulpice le 4 juillet, jour de la fête de l’Indépendance des Etats-Unis, nous avons pu évoquer avec beaucoup d’intérêt certains passages de la vie de son illustre ancêtre le Père John Thayer. Chers Amis de saint Benoît Labre, avant de mettre le mot « Fin » à ce numéro de « Lumière sur le Chemin », il m’a paru bon de vous rappeler que les Labriens du monde entier sont au cœur même de la vie chrétienne et que la postérité que Dieu a donnée à Benoît-Joseph Labre, le 16 avril 1783, ainsi que la grâce reçue jadis par John Thayer, existent toujours. Elles sont au cœur de nos vies; par sa famille les pauvres, son histoire, ses fondations, il est de tous les pays et de notre temps. L’Esprit Saint les tient toujours prêts à répondre aux exigences nouvelles d’une société en pleine mutation. Leurs vocations appellent à vivre dans le charisme de saint BenoîtJoseph Labre en alliance avec Dieu et son


prochain. Il s’incarne en de simples actes qui créent dans les communautés labriennes des Frères et Sœurs du monde entier, des liens d’amitié, d’entraide, de confidence, et d’enseignement partagés dans les joies et dans les peines du quotidien. Une évocation pour vous rappeler que c’est par la foi que nous découvrons Dieu qui s’exprime à l’humanité dans la bonté du cœur des autres… À chacun, chers Amis de saint Benoît

Labre, à l’occasion de cette nouvelle année 2015, je souhaite une bonne et sainte année 2015 dans le partage, la foi, la charité, la fraternité et la solidarité…

Didier NOËL Le 4 janvier 2015

Saint benoît-Joseph Labre par CAVALLUCCI Musée des Beaux-Arts. BOSTON 291


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Ma rencontre à Issy-les-Moulineaux au séminaire Saint-Sulpice avec le Père David Thayer, le 4 juillet 2014. 29 2


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Ma rencontre à Issy-les-Moulineaux au séminaire Saint-Sulpice avec le Père David Thayer, le 4 juillet 2014.

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SÉMINAIRE SAINT-SULPICE ISSY-LES-MOULINEAUX

Ma rencontre à Issy-les-Moulineaux au séminaire Saint-Sulpice avec le Père David Thayer, le 4 juillet 2014.

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LES DOCUMENTS HISTORIQUES 29 6


“Catholic University of America”

Sources des Archives

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ARCHIVES DE L'UNIVERSITÉ CATHOLIQUE D’AMÉRIQUE, WASHINGTON, DC 20064 http://www.cua.edu/

Coupure d’un journal de Boston non datée: La controverse catholique par Alethia

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Avant les événements de 1834, un journal religieux avait rédigé un article relatant la situation de l’église catholique de Boston; en voici un extrait, sa lecture intéressante nous démontre avec détails la vie quotidienne des acteurs ecclésiastiques moins d’un an avant l’incendie du couvent. Lorsque Mgr Benoît-Joseph Fenwick arriva à Boston, en décembre 1825, pour prendre possession de son siège, il ne trouva que trois prêtres, un à Boston, un dans l’État du Maine et un dans le New Hampshire. Il y avait neuf églises. Ces églises de Boston, de Salem, et des alentours, Whitefield, Newcastle, Claremont, New-Bedford, ainsi que deux petites églises dans les réserves indiennes. De ces églises, quatre étaient en briques et cinq en bois. Mgr l’évêque réunit quelques jeunes gens, forma une école, reçut quelques prêtres étrangers. Parcourut son diocèse, bâtit une église à Charlestown, près de Boston, et acheta à Hartford une église qui avait appartenu aux anglicans. Il plaça deux prêtres dans cette ville, et chargea l’un d’eux de rédiger une feuille hebdomadaire pour faire connaître et défendre la religion. Le prélat bâtit des églises à Dover, à Portland, à Eastport, à Pawtucket, à Lowell, à Sandwick. Il en acheta une à Newport, dans le Rhode Island, et s’occupa d’en bâtir à Saco, à Providence, à Taunton, à Waltheim. En tout, il y avait en 1831, dans le diocèse, dix-neuf églises et quinze prêtres, dont huit ordonnés par le prélat, deux qui l’avaient été précédemment, et cinq venus d’Irlande. Sur ces quinze prêtres, onze étaient Irlandais, les quatre autres Américains. Ils étaient tous prêtres séculiers, à l’exception d’un dominicain. Mgr Fenwick en avait quatre avec lui à Boston, le Père O’Flaherty, son grand-vicaire, homme habile et savant, qui le secondait dans la rédaction d’un journal catholique local. A Boston, il n’y avait qu’une église (Holy Cross) : c’était trop peu pour la population catholique; mais la dépense qu’exigerait une nouvelle église était trop élevée pour le revenu du diocèse. Un emplacement convenable coûterait 14 000 dollars, et la construction beaucoup plus. Le dimanche matin, il fallait célébrer trois offices afin que chacun puisse assister à la messe dominicale, et chaque fois l’assistance est aussi nombreuse. Dans l’urgence, Mgr l’évêque fit pratiquer sous l’église une chapelle souterraine afin d’y célébrer la messe pour les enfants, et y faire des cours d’instructions religieuses pour eux. En semaine, cette chapelle était convertie en école pour les enfants qui voulaient apprendre le latin. Ce fut le commencement du collège qui fut confié aux soins de quatre jeunes théologiens du diocèse. Un local fut acheté à Boston par Mgr Fenwick pour édifier un séminaire. Quant à l’instruction des jeunes filles, il y avait deux établissements pour elles, le couvent des Ursulines de Mont Benoît, à deux milles et demi de Boston, avec vingt-quatre acres de terre. Les religieuses sont au nombre de dix, et élèvent environ soixante jeunes personnes, presque toutes protestantes et de classe élevée. Et les Sœurs de la Charité pour la classe ouvrière pauvre. (Bâtis tous deux des fonds transmis par le Père John Thayer) Cette dernière école, récemment établie, est gratuite, et réunit de 250 à 300 petites filles souvent issues de l’immigration des familles irlandaises. [....]

Extrait du journal ecclésiastique « l’Ami de la religion » samedi 12 octobre 1833. 299


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Prospectus sur le couvent et l’Êcole de Charleston: page 1 30 0


Prospectus sur le couvent et l’Êcole de Charleston: page 2 301


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Prospectus sur le couvent et l’Êcole de Charleston: page 3 30 2


L’ éducation des catholiques, coupures de journaux non datées. 303


Un cahier de 28 pages manuscrites, Les Ursulines de Boston, et conservés dans les archives des Ursulines de Trois-Rivières, Québec, Canada. Ce cahier a été rédigé par un témoin oculaire de l'incendie. Il est intitulé «Rapport des Ursulines sur l'incendie du couvent, le 11 août 1834.

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Page 3 du cahier: nous pouvons y lire les noms de Father Calonne, Miss Ryan de Limerick, Father Matignon et l’AbbÊ J. Thayer.

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Page 4 du cahier: nous pouvons y lire les noms de BenoĂŽt Labre et des Ursulines de Boulogne-sur-Mer.

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Coupures de journaux de l’époque (extraits) 309


Coupures de journaux de l’époque (extraits) 31 0


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Coupures de journaux de l’époque (extraits) 31 2


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Stèle commémorant l’emplacement du couvent de Charlestown

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NOTES

John Thayer Catholic Encyclopedia. New York: Robert Appleton Company. 1913. An Account of the Conversion of the Reverend John Thayer Ursuline Convent, Charlestown, Massachusetts Collection http://www.cua.edu/ Archives de l’Université catholique d’Amérique, Washington, DC 20064 The Ursuline Convent, Charlestown, Massachusetts Collection is a collection of papers documenting the history of the Québécois Ursuline nuns in the Boston area and the burning of the Ursuline convent on Mount Benedict during riots in 1834. The collection spans the period 1833 - 1903 and includes correspondence and contemporary newspaper clippings about the burning of the convent and its attached boarding school, as well as an eyewitness account, a photograph of an engraving of the convent in 1832, and a sketch showing the ruins after the fire. The collection also provides an illustration of resentment towards, and prejudice against, Roman Catholics in 19th century New England. Ursuline Convent “The Burning of the Charlestown Convent” On the night of August 11, 1834, a mob burned down the Urusline convent and boarding school that occupied land in what is now East Somerville, including the site of the East Branch of the Somerville Public Library. The pretext for the attack was a rumor that a Protestant girl was being held in the convent against her will and had been forced to convert to Catholicism, but the underlying causes included working-class resentment of the convent’s wealth and anti-Catholic (and anti-Irish) prejudice. http://www.somervillepubliclibrary.org/ Sources des ouvrages: Caldecott, Thomas Ford. Hannah Corcoran: an authentic narrative of her conversion from Romanism, her abduction from Charlestown, etc. Boston: Guild and Lincoln, 1853. A supposedly true account of a young novice’s liberation from the Charlestown convent. Frothingham, Charles W. The Convent’s Doom: A Tale of Charlestown in 1834. Also, The Haunted Convent. Boston: Graves and Weston, 1854. LOCAL HISTORY S271.9 This antebellum best-seller consists of a fictionalized account of the Charlestown Riot and another narrative featuring stock characters and themes illustrating antiCatholic sentiment in New England. 31 4


This antebellum best-seller consists of a fictionalized account of the Charlestown Riot and another narrative featuring stock characters and themes illustrating anti-Catholic sentiment in New England. Hazel, Harry. The Nun of St. Ursula: or the Burning of the Convent. A Romance of Mount Benedict. Boston: F. Gleason, 1845. LOCAL HISTORY S271.9 HA (photocopy; plastic-comb-bound). Another fictionalized account of the Charlestown Convent with themes and characters similar to those of Frothingham’s works. Mahoney, Dorah. Six Months in a House of Correction. Boston: B. B. Mussey, 1835. LOCAL HISTORY S271.9 MA. Comb-tooth bound photocopy of a vicious 1835 parody of both Catholics and Protestants. Photocopies of Materials on the Ursuline Convent. LOCAL HISTORY S271.9 PH Includes copies of many works mentioned elsewhere here, and others not listed, such as the “Argument of James T. Austin before the Supreme Judicial Court in Middlesex, on the case of John R. Buzzell, one of the 12 individuals charged with being concerned in the destroying of the Ursuline Convent,” and George Ticknor Curtis’ The Rights of Conscience and of Property; or the True Issue of the Convent Question.Ursuline Convent, Charlestown, Massachusetts Collection http://www.cua.edu/ Reed, Rebecca. Six Months in a Convent and Supplement. New York: Arno Press, 1977.LOCAL HISTORY S271.9 RE A reprint of the lurid antebellum best-seller, as well as the “Letter to Irish Catholics,” (exhorting them to become Christians) and the Supplement, which includes a highly subjective account of the convent riot, a conspiracy theory view of Catholic education, and a “refutation” of the Ursuline Mother Superior’s Answer toSix Months in a Convent. White, Lucy Thaxter. The Mount Benedict Ursuline Community and the Burning of the House. A Letter from a Pupil. Saturday Evening Transcript. Feb 4, 1835? A purported eye-witness account of the riot by one of its Protestant pupils. Whitney, Louisa (Goddard). The Burning of the Convent: A Narrative of the Destruction by a Mob of the Ursuline Convent on Mount Benedict, Charlestown, As Remembered by One of the Pupils. Boston: James R. Osgood and Company, 1877. LOCAL HISTORY S271.9 A purported eye-witness account of the riot by one of its pupils. Bisson, Wilfrid Joseph. Some Conditions For Collective Violence: The Charlestown Convent Riot of 1834. Ann Arbor, MI: UMI, 1989. LOCAL HISTORY S271.9 BI An examination of the convent riot as the culmination of a series conflicts among households and families in the Charlestown area. Evans, George Hill. Burning of the Mount Benedict Ursuline Community House. Somerville, MA: Somerville Public Library, 1934. LOCAL HISTORY S93 EV Mary Edmond St. George. Answer to “Six Months in a Convent,” Exposing its Falsehoods and Manifold Absurdities. By the Lady Superior. With some Preliminary Remarks. Boston: Printed and Published by J. H. Eastburn, 1835. A rebuttal to Six Months in a Convent by the Lady Superior of the Charlestown Convent.

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A Review of the Lady Superior’s Reply to “Six Months in a Convent,” Being a Vindication of Miss Reed. Boston: William Pierce and Webster & Southard, and Light & Horton, 1835. A defense of Six Months in a Convent and its author. Report of the Committee, Relating to the Destruction of the Ursuline Convent, August 11, 1834. Boston, J. H. Eastburn, 1834. The report of the committee appointed by the mayor of Boston in August 1834 to investigate the destruction of the convent and to identify and prosecute the perpetrators. 2 copies. Documents Relating to the Ursuline Convent in Charlestown. Boston: Samuel N. Dickinson, 1842. A reprint of the report made by the committee appointed by the mayor of Boston. The second document is a report to the Massachusetts House of Representatives on the convent riot during the winter session of 1842. 3 copies. Pay, Richard S. An Argument before the Committee of the House of Representatives, upon the petition of Benedict Fenwick and Others, with a Portion of the Documentary Testimony. Boston: J. H. Eastburn, 1835. An appeal for material compensation for the convent’s destruction. Includes reprinted documents (including letters from parents of former pupils) in support of the convent. “The Rise and Fall of the Ursuline Convent.” Charlestown Advertiser. Boston: Saturday, June 10, 1876. A brief history of the Charlestown convent cut from a local newspaper and pasted into the blank pages of a book. Hale, Charles. A Review of the Proceedings of the Nunnery Committee of the Massachusetts Legislature; and Especially Their Conduct and that of Their Associates on Occasion of the Visit to the Catholic School in Roxbury, March 26, 1855. With an Appendix Containing Several Documents Relating to the Subject. Boston, Charles Hale at the Office of the Boston Daily Advertiser, 1855 Allegations of improper conduct by the House Committee appointed to examine Catholic schools. Stetson, Caleb. A Discourse on the Duty of Sustaining the Laws, Occasioned by the Burning of the Ursuline Convent. Delivered at the First Church in Medford, Sunday, August 24, 1834. Boston: Hilliard, Gray and Company, 1834. A sermon delivered shortly after the destruction of the convent riot. Histoire de la Congrégation de Notre-Dame de Montréal ; Sainte-Henriette, soeur; Lambert, Thérèse. https://openlibrary.org/ University of Ottawa

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Duplicate of Answer to “Six Months in a Convent.” Life of Mother St. Augustine O’Keefe, Superioress of Ursuline Convent, New Orleans. By an Ursuline Nun. 1888. S271.9 •A biographical sketch of one of the nuns in the Charlestown Convent. Note: born France O’Keefe. Sometimes referred to as Sister Mary Austin. De Costa, Benjamin Franklin. In Memoriam: Sister Saint Claire, Order of St. Ursula. Charlestown: Advertiser Press. 1876. 2 copies. •A biographical sketch of one of the nuns in the Charlestown Convent. Munroe, James Phinney. “The Destruction of the Convent at Charlestown, Massachusetts, 1834.” New England Magazine. Feb. 1901. pp. 637-649. •A brief description of life at the convent and an account of the riot. Includes a partial list of pupils. Material about the Ursuline Convent, Mt. Benedict, Charlestown, Mass. Trans. from Les Ursulines des Trois Rivieres. v.2 219-231. https://openlibrary.org/ University of Ottawa Les Ursulines des Trois-Rivières depuis leur établissement jusqu’à nos jours. Published 1888 by Ayotte in Trois-Rivières [Québec] https://openlibrary.org/ University of Ottawa Anonymous typescript translation that includes an account of the 1827 death of Mary Saint-Augustin, and a purported eyewitness account by one of the Ursuline nuns of the destruction of the convent. O’Malley T. F. New England’s First Convent School. 1901. A privately printed history of the Charlestown Convent. The Charlestown Convent; Its Destruction by a Mob, etc.. Boston: Patrick Donahoe, 1870. An account of the riot and subsequent trial. Includes brief sketches of individuals with some connection to the convent or the riot. Kissling, Thomas E. “Burned a Hundred Years Ago.” Somerville Journal. August 17, 1934 A centennial account of the riot. Duplicate of The Burning of the Mount Benedict Ursuline Community House. Comb tooth-bound photocopy of Life of Mother Saint Augustine O’Keefe and In Memoriam: Sister Saint Claire. The Nun of St. Ursula. 1845 printing bound in glue-in archival binder. Six Hours in a Convent. 1855 printing placed in library binding.B

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http : / / b o ok s . go o g l e. f r / b o ok s ? i d = H k g QA A A A IA AJ & p g = PA 1 & re d i r _ esc=y#v=onepage&q&f=false Fire & Roses: The Burning of the Charlestown Convent, 1834; Par Nancy Lusignan Schultz https://books.google.fr/books?id=TlGW-kfYCpQC&printsec=frontcover&dq=bur ning+convent+charlestown&hl=fr&sa=X&ei=lJumVMHADorV7QbByICIDw&ve d=0CCAQ6AEwAA#v=onepage&q=burning%20convent%20charlestown&f=false The Charlestown Convent; Its Destruction by a Mob, on the Night of August 11 , 1834 Ursuline Convent at Charlestown (BOSTON, Massachusetts) Patrick Donahoe, 1870 https://books.google.fr/books?id=UjpfAAAAcAAJ&dq=burning+convent+charlest own&hl=fr&source=gbs_navlinks_s Documents Relating to the Ursuline Convent in Charlestown S. N. Dickinson, 1842 https://books.google.fr/books?id=fQgXAAAAYAAJ&dq=Ursuline+Convent+at+C harlestown&hl=fr&source=gbs_navlinks_s An Account of the Conflagration of the Ursuline Convent; At the Request of Several Gentlemen, the Author was Induced to Publish the Following Statement of Facts, in Relation to the Ursuline Convent, which was Destroyed by Fire, on the Night of August 11th, 1834 (publisher not identified, 1834) https://books.google.fr/books?id=P98c79_FpCoC&dq=Ursuline+Convent+at+Cha rlestown&hl=fr&source=gbs_navlinks_s Material about the Ursuline Convent, Mount Benedict, Charlestown, Mass; Description of the events surrounding the destruction of the Ursuline Convent in Charlestown. Includes a description of the burning of the convent, the death of Mother St. Augustine, and the neighbors who helped by donating food and clothing. (publisher not identified, 1827) https://books.google.fr/books?id=YsdlNQEACAAJ&dq=Ursuline+Convent+at+Ch arlestown&hl=fr&sa=X&ei=p56mVJn1Huje7Ab3kYHoDg&ved=0CEUQ6AEwBQ Disasters, Accidents, and Crises in American History; Ballard C. Campbell Infobase Publishing, 2008 https://books.google.fr/books?id=VitlO1mWxzAC&dq=Ursuline+Convent+at+Ch arlestown&hl=fr&source=gbs_navlinks_s Fear Itself: Enemies Real & Imagined in American Culture There Are No Ranks among Us; The Ursuline Convent Riot and the Attack on Sister Mary Ursula Moffat. John Regan Nancy Lusignan Schultz Purdue University Press, 1999 https://books.google.fr/books?id=dkYyuNvfqY8C&dq=Ursuline+Convent+at+Cha rlestown&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

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Burning Down the House: The Ursuline Convent Riot, Charlestown, Massachusetts, 1834 Nancy Lusignan Schultz Éditeur Salem State College, 1993 https://books.google.fr/books?id=R-X5GwAACAAJ&dq=Ursuline+Convent+at+C harlestown&hl=fr&sa=X&ei=p56mVJn1Huje7Ab3kYHoDg&ved=0CFoQ6AEwCA The Diary of William Bentley: Biographical sketch, by J. G. Waters. Address on Dr. Bentley, by Marguerite Dalrymple. Bibliography by Alice G. Waters. Account of the East meeting-house, by J. G. Waters. Diary of Dr. William Bentley, 17841792 William Bentley, Joseph Gilbert Waters, Marguerite Dalrymple, Alice G. Waters, Essex Institute The Essex Institute, 1905 https://books.google.fr/books?id=8LlZmfxz5DgC&pg=PR43&dq=Rev.+William+B entley&hl=fr&sa=X&ei=taWmVIbQJIOu7gbEhIDYBw&ved=0CGQQ6AEwCQ Collections of the Massachusetts Historical Society; The Society, 1835 https://books.google.fr/books?id=cI1IAAAAYAAJ&dq=Rev.+William+Bentley&hl =fr&source=gbs_navlinks_s Letter, Boston, to the Rev. William Bentley; Jeremy Belknap, William Bentley 1798 https://books.google.fr/books?id=CFIjcgAACAAJ&dq=Rev.+William+Bentley&hl =fr&sa=X&ei=taWmVIbQJIOu7gbEhIDYBw&ved=0CEMQ6AEwBA 1793-1802 Volume 2 de The Diary of William Bentley, Joseph Gilbert Waters William Bentley, Joseph Gilbert Waters, Marguerite Dalrymple, Alice G. Waters Essex institute, 1907 https://books.google.fr/books?id=R70-3R_M2SwC&q=Rev.+William+Bentley&dq =Rev.+William+Bentley&hl=fr&sa=X&ei=taWmVIbQJIOu7gbEhIDYBw&ved=0C CIQ6AEwAA A Paradise of Reason : William Bentley and Enlightenment Christianity in the Early Republic; William Bentley and Enlightenment Christianity in the Early Republic William Bentley, pastor in Salem, Massachusetts from 1783 to his death in 1819, was unlike anyone else in America’s founding generation, for he had come to unique conclusions about how best to maintain a traditional understanding of Christianity in a world ever changing by the forces of the Enlightenment. Like some of his contemporaries, Bentley preached a liberal Christianity, with its benevolent God and salvation through moral living, but he-and in New England he alone-also preached a rational Christianity, one that offered new and radical claims about the power of God and the attributes of Jesus. Drawing on over a thousand of Bentley’s sermons, J. Rixey Ruffin traces the evolution of Bentley’s theology. Neither liberal nor deist, Bentley was instead what Ruffin calls a “Christian naturalist,” a believer in the biblical God and in the essential Christian narrative but also in God’s unwillingness to interfere in nature after the Resurrection. In adopting such a position, Bentley had pushed his faith as far as he could toward rationalism while still, he thought, calling it Christianity. 319


But this book is as much a social and political history of Salem in the early republic as it is an intellectual biography; it not only delineates Bentley’s ideas, but perhaps more important, it unravels their social and political consequences. Using Bentley’s remarkable diary and a vast archive of newspaper accounts, tax records, and electoral returns, Ruffin brings to life the sailors, widows, captains and merchants who lived with Bentley in the eastern parish of Salem. A Paradise of Reason is a study of the intellectual and tangible effects of rational religion in mercantile Salem, of theology and philosophy but also of ideology: of the social politics of race and class and gender, the ecclesiastical politics of establishment and dissent, the ideological politics of republicanism and classical liberalism, and the party politics of Federalism and Democratic-Republicanism. In bringing to light the fascinating life and thought of one of early New England’s most interesting historical figures, Ruffin offers a fresh perspective on the formative negotiations between Christianity and the Enlightenment in the years of America’s founding. Stevens Point J. Rixey Ruffin Assistant Professor of History University of Wisconsin Oxford University Press, 23 oct. 2007 https://books.google.fr/books?id=HFp8nQHYgkcC&dq=Rev.+William+Bentley&h l=fr&source=gbs_navlinks_s Autobiography, Correspondence, Etc., of Lyman Beecher, D. D. Ed. by Charles Beecher; Lyman Beecher Harper & brothers, 1864 https://books.google.fr/books?id=saoDAAAAYAAJ&dq=Rev.+Lyman+beecher&hl =fr&source=gbs_navlinks_s The Life and Services of Rev. Lyman Beecher, as President and Professor of Theology in Lane Seminary Diarca Howe Allen Johnson, Stephens & Company, 1863 https://books.google.fr/books?id=RFFAAAAAYAAJ&dq=Rev.+Lyman+beecher&h l=fr&source=gbs_navlinks_s Conversations de mr. Thayer et mlle. Pitt John Thayer, Pitt. Van Linthout et Vanden Zande, 1822 https://books.google.fr/books?id=1WY-AAAAcAAJ&dq=Thayer&hl=fr&source=g bs_navlinks_s An Account of the Conversion of the Reverend John Thayer: Formerly a Protestant Minister of Boston John Thayer 1832 https://books.google.fr/books?id=ERUCAAAAYAAJ&dq=John+Thayer&hl=fr&so urce=gbs_navlinks_s Relation de la conversion de Monsieur Jean Thayer: autrefois ministre protestant à Boston, en l’Amérique Septentrionale, & converti à la religion catholique, à Rome, le 25 de mai 1783 John Thayer Chez F.J. Desoer, Imprimeur-Libraire, à la Croix d’or, sur le Pont-d’Isle, 1789 https://books.google.fr/books?id=x1tkHAAACAAJ&dq=John+Thayer&hl=fr&sa= X&ei=K6ymVOiJHOeE7gb_wYDYDg&ved=0CGgQ6AEwCQ

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Memorial of the Thayer Name: From the Massachusetts Colony of Weymouth and Braintree, Embracing Geneological and Biographical Sketches of Richard & Thomas Thayer, and Their Descendants from 1636 to 1874 Bezaleel Thayer R.J. Oliphant, 1874 https://books.google.fr/books?id=kTJWAAAAMAAJ&q=John+Thayer&dq=John+ Thayer&hl=fr&sa=X&ei=0aymVPuqOOOC7gbt9IDYDg&ved=0CGUQ6AEwCT ge Sister Servants: Catholic Women Religious in Antebellum Kentucky. This dissertation analyzes the activities of three orders of Catholic women religious in Kentucky---the Sisters of Loretto, the Sisters of Charity of Nazareth, and the Dominican Sisters of St. Magdalen’s (later St. Catharine’s)---from 1812 to 1860, focusing on the significant contributions they made to the institutional development of Roman Catholicism and the shaping of Protestant-Catholic relations. It examines the women who founded these orders, the work they did, and how they interacted with the broader Catholic Church. Unlike most religious communities at this time, these three orders were fundamentally American: their founding members were born and raised in the United States, primarily in Kentucky. As local women, already well known in their communities, they encountered greater acceptance of and appreciation for their efforts than their foreign-born counterparts elsewhere in the United States. Margaret A. Hogan ProQuest, 2008 https://books.google.fr/books?id=Tk1aYaEwm_0C&dq=John+Thayer&hl=fr&sour ce=gbs_navlinks_s The Catholic Controversy: Maintained in the Periodical Publications of Boston, New Salem, and Other Towns of the United States of America, Against the Calumnious Objections and False Imputations of George Lesslie, J. Gardner, and Other Writers ... To which are Added a Full Refutation of the Charges Addressed Against Catholicity by Mr. Belknap, with an Answer to Dr. Lathrop’s Lecturs on the Errors of Popery. John Thayer, George Lesslie R. Coyne, 1809 https://books.google.fr/books?id=yCMQAAAAIAAJ&dq=John+Thayer&hl=fr&so urce=gbs_navlinks_s Niles’ Weekly Register Volume 6 Hezekiah Niles, William Ogden Niles H. Niles, 1814 https://books.google.fr/books?id=fvEaAAAAYAAJ&dq=John+Thayer&hl=fr&sour ce=gbs_navlinks_s American Catholics : A History of the Roman Catholic Community in the United States: A History of the Roman Catholic Community in the United States James J. Hennesey Canisius College Oxford University Press, 10 déc. 1981 https://books.google.fr/books?id=tAjuDMetOYcC&dq=John+Thayer&hl=fr&sourc e=gbs_navlinks_s 321


Frontiers of Faith: Bringing Catholicism to the West in the Early Republic. American religious histories have often focused on the poisoned relations between Catholics and Protestants during the colonial period or on the virulent antiCatholicism and nativism of the mid- to late nineteenth century. Between these periods, however, lies an important era of close, peaceable, and significant interaction between these discordant factions. Frontiers of Faith: Bringing Catholicism to the West in the Early Republic examines how Catholics in the early nineteenth-century Ohio Valley expanded their church and strengthened their connections to Rome alongside the rapid development of the Protestant Second Great Awakening. In competition with clergy of evangelical Protestant denominations, priests and bishops aggressively established congregations, constructed church buildings, ministered to the faithful, and sought converts. Catholic clergy also displayed the distinctive features of Catholicism that would inspire Catholics and, hopefully, impress others. The clerics’ optimism grew from the opportunities presented by the western frontier and the presence of non-Catholic neighbors. The fruit of these efforts was a European church translated to the American West. In spite of the relative harmony with Protestants and pressures to Americanize, Catholics relied on standard techniques of establishing the authority, institutions, and activities of their faith. By the time Protestant denominations began to resent the Catholic presence in the 1830s, they also had reason to resent Catholic successes -- and the many manifestations of that success -- in conveying the faith to others. Using extensive correspondence, reports, diaries, court documents, apologetical works, and other records of the Catholic clergy, John R. Dichtl shows how Catholic leadership successfully pursued strategies of growth in frontier regions while continually weighing major decisions against what it perceived to be Protestant opinion. Frontiers of Faith helps restore Catholicism to the story of religious development in the early republic and emphasizes the importance of clerical and lay efforts to make sacred the landscape of the New West. John R. Dichtl University Press of Kentucky, 2 mai 2008. https://books.google.fr/books?id=Ca4VglSOwaYC&dq=John+Thayer&hl=fr&sour ce=gbs_navlinks_s Dialogue on the Frontier Catholic and Protestant Relations, 1793-1883. Dialogue on the Frontier is a remarkable departure from previous scholarship, which emphasised the negative aspects of the relationship between Protestants and Catholics in the early American Republic. Author Margaret C. DePalma argues that CatholicProtestant relations took on a different tone and character in the late eighteenth and early nineteenth centuries. She focuses on the western frontier territory and explores the positive interaction od the two religions and the internal dynamics of Catholicism. When Father Stephen T. Badin arrived in the Kentucky frontier i 1793, intent on expanding Catholicism among the pioneers, he brought only his faith and courage, a capacity to work long hard hours, and an understanding of the need for meaningful interaction with his Protestant neighbours. He established the groundwork for the late arrivals of Edward D. Fenwick, the first bishop of Cincinnati, and Archbishop John B Purcell. Margaret C. DePalma Kent State University Press, 2004 https://books.google.fr/books?id=4jPfbCh_qYUC&dq=John+Thayer&hl=fr&sourc e=gbs_navlinks_s 32 2


Couvent des Ursulines, Charlestown, Documents de MA Un inventaire du couvent des Ursulines, Charlestown, MA communications à l’université catholique américaine History Research Center et Archives. Coordonnées: Adresse postale: L’Université catholique d’Amérique, Washington, DC 20064 Téléphone: 202-319-5065 Courrier électronique: archives@mail.lib.cua.edu URL: http://libraries.cua.edu/ ________________________________________ Dépôt: Archives American Center catholique recherche sur l’histoire et à l’Université Créateur: Arthur T. Connelly Titre: Le couvent des Ursulines, Charlestown, Documents de MA Dates 1833 - 1903 La collection couvre 1832 ans - 1903 et comprend de la correspondance, une copie manuscrite d’un témoin oculaire de la combustion du couvent, une histoire de découpures, articles imprimés, y compris des journaux, des brochures et des coupures de journaux, et une photo et le croquis du couvent. Il documents du ministère des Ursulines de Québec à Boston durant les années 1800 et démontre le fort sentiment anti-catholique qui existait en Nouvelle-Angleterre. http://www.aladin0.wrlc.org/ ________________________________________ Note historique The Ursuline convent on Mount Benedict in Charlestown, Massachusetts, was the realization of a dream of the Rev. John Thayer (1758 - 1815), a Protestant who converted to Catholicism and served as a priest in Boston from 1788 until 1792. The final years of his life were spent in Ireland, where he procured funds for establishing a convent in Boston. The funds that Thayer collected were remitted to the care of the Rev. Dr. Francis Anthony Matignon (1753 - 1818), who encouraged his parishioners in Boston to contribute to the project. The convent, however, did not become a reality until 1817, when the Rev. John Lefebvre de Cheverus (1768 - 1836), Bishop of Boston, got behind the effort. The Ursulines soon outgrew their original quarters and removed to a new edifice on Mount Benedict in July 1828. The original members of the religious community were recruited by Thayer during his fundraising campaign in Limerick, Ireland. There he inspired two of the original founders, Mary and Catherine Ryan, to make their novitiate under the Ursulines of Three Rivers, Canada, which was a branch of the Ursulines of Quebec. Soon the convent consisted of ten sisters, the majority of them coming to Boston from Quebec including the Superior, Mother Mary Edmond St. George. The Ursuline community’s principal mission was to administer a boarding school for girls aged six to fourteen. The number of students rose to 55, a few of whom were French-Canadian, while the greater number were children of New England Protestants. The education was comprehensive, covering religion, classics, music, and social graces. Public opinion soon was to rise against the Ursulines and their school. The revival of evangelical Protestantism in the early 1800s, plus disdain for working-class Irish immigrants, gave rise to militant anti-Catholicism and reemphasis on traditional 323


nativism. The convent was an obvious target, and rumors spread that the Ursulines were mistreating their students. When the townspeople gathered at the gates of the building on August 11, 1834, they proceeded to burn down the convent without interference from authorities. After the fire the Ursulines attempted to continue their work in Roxbury, Massachusetts. Once again they were harrassed. As a result, some of the religious decided to return to Quebec, and others joined the Ursulines of New Orleans. In 1838, an attempt was made to restore the Ursuline community in Boston, but there were no accessions to their ranks. Two years later, their Bostonian ministry was disbanded. Restrictions En raison de la fragilité des documents originaux, l’accès à certains documents peut être restreint. The collection spans the years 1832 - 1903 and includes correspondence, a handwritten copy of an eyewitness report of the convent’s burning, a scrapbook history, printed items including journals, pamphlets, and newspaper clippings, and a photo and sketch of the convent. It documents the ministry of the Ursulines of Quebec in Boston during the early 1800s and demonstrates the strong anti-Catholic sentiment that existed in New England. The scattered correspondence (1834 - 1836) consists of communications to and from the Superior of the convent, Mary Edmond St. George. Topics of concern are the recruitment of children to attend the convent school, attendance at court proceedings after the fire, plans for the Ursulines to return to Quebec, and the safety of children attending the school after the attack by the mob. The eyewitness report of the burning of the convent, recorded in a notebook, is an excerpt from a larger work on the Ursulines of Boston and comes from the Ursuline archives in Three Rivers, Quebec, Canada. A scrapbook of newspaper clippings (1834 - 1894) documents the burning of the convent by mob action on August 11, 1834, and the continuing anti-Catholic sentiment in Boston. Included is a detailed history of the Ursuline community, before and after the burning, written by Dr. B.F. De Costa, an Episcopalian minister and nephew of one of the Ursulines, Sister Mary St. Claire De Costa, the first novice received into the convent. Assorted publications and clippings, dated immediately before and running to 50 years after the fire, describe the founding of the convent, its destruction, the legal proceedings afterwards, and subsequent acts of violence against Roman Catholics in Boston. Found here is a novella, The Nun of St. Ursula, by Harry Hazel. Giving a fictional account of the burning of the convent, its view of religious life is distorted, and it could be considered an anti-Catholic tract. Two loose pictures round out the collection. One is a photograph of an engraving of the convent as it looked in 1832. The other is a sketch of the ruins after the fire and is attributed to Dr. B.F. De Costa. Note: See Oversize Collection for a cartoon lampooning the convent investigating committee.

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April 1834-December 17, 1834 1. Letter to Ursuline Convent from Milton Hill - 2 letters from Mrs. Russell which speak of her difficulties and lack of influence on her children, April 1834. http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2452 http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2453 2. Letter to Sister Superior from Mrs. Russell - regret at not being able to influence children to return willingly to school, June 1834. http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2454 http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2455 3. Letter to Mrs. Russell from Rich S. Fay - a letter asking the sentiments of the parents and guardians of the children who were placed at the Ursuline school, September 1, 1834 http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2456 Lusignan Schultz Nancy. “Fire and Roses: L’incendie du couvent Charlestown, 1834.” NY: The Free Press, 2000. Musée Somerville. “Lever le voile: Se souvenir de l’incendie du couvent des Ursulines. Boston, MA, 1997. ________________ 4. Letter to Hon. J.T. Austin from The Superior - letter of gratitude for hospitality shown on the occasion of a court appearance in Concord, Mass., September 12, 1834 http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2457 5. Letter to Hon. J.T. Austin from The Superior - she asks for an exemption from appearing in court in Cambridge, Mass., November 15, 1834. http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2458 6. Letter to Hon. J.T. Austin from The Superior - she suggests the manner of her interrogation and notes some valuable losses to the looters of the Convent, November 30, 1834. http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2459 325


Lusignan Schultz Nancy. “Fire and Roses: L’incendie du couvent Charlestown, 1834.” NY: The Free Press, 2000. Musée Somerville. “Lever le voile: Se souvenir de l’incendie du couvent des Ursulines. Boston, MA, 1997. ________________ 4. Letter to Hon. J.T. Austin from The Superior - letter of gratitude for hospitality shown on the occasion of a court appearance in Concord, Mass., September 12, 1834 http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2457 5. Letter to Hon. J.T. Austin from The Superior - she asks for an exemption from appearing in court in Cambridge, Mass., November 15, 1834. http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2458 6. Letter to Hon. J.T. Austin from The Superior - she suggests the manner of her interrogation and notes some valuable losses to the looters of the Convent, November 30, 1834. http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2459 7. Letter to Hon. J.T. Austin from The Superior - apology for a misunderstanding, December 4, 1834. http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2460 8. Letter to Hon. J.T. Austin from The Superior - this letter was accompanied by an engraving of the ruins of the convent which she asks him to accept. She once again asks to be exempt for a court appearance. December 17, 1834. http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2461 1 2 March 12, 1835-June 11, 1835 1. Letter to Sister Superior from Mrs. Russell - a letter giving the reasons for her daughter Rosalind not returning to school hinging upon the mother’s fear that the “organized mob of fanatics” would once again attack. March 12, 1835. http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2462

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2. Letter to Hon. James T. Austin from The Superior - this letter speaks of the advice of the Bishop that the Sisters should leave the area for a year or eighteen months and the advice of others that it would be better to stay. She asks for the advice of Austin. March 21, 1835. http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2463 3. Letter to Hon. James T. Austin from The Superior - The Bishop of Quebec urged the Sisters to return to Canada and they would depart in two weeks time. April 15, 1835 http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2464 4. Letter to The Right Reverend Bishop Fenwick from Lydia Smith Russell - This letter entreats the Bishop not to allow the Ursuline Community to depart from Boston. The letter is a long presentation of the value of the type of education offered by the Ursulines. The refutation of charges brought by Protestants against the Sisters. May 10, 1835 http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2465 5. Letter to Mrs. Jonathan Russell from The Superior - Expresses regret that an invitation cannot be accepted and telling of her return to Quebec where she had lived for fourteen years and that she will never return to the United States. May 17, 1835 http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2466 6. Letter to The Superior of the Ursuline Convent from Mrs. Jonathan Russell - This letter praises the Sisters on many accounts, her sorrow at the departure of the Sisters and her regret at not confiding her daughter to their care. June 11, 1835 http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2467 January 22, 1836 1. Letter to Mrs. J. Russell from The Superior - Ursuline Convent, Quebec - An account of the order of exercises in the school. The letter speaks of a visit to the school by members of Parliament and a description of the program of entertainment for the event as published in the newspapers. January 22, 1836 http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2521

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1. Fragment - Account of Miss Reed and the circumstances surrounding her acceptance as novice of the Ursuline Community, n.d. http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2469 2. The Coadjuteur (in French), n.d. http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2470 3. Letter to Mrs. Lydia Smith Russell from Lucinda Smith Otis (?) - Request to attend a funeral and at the same time sign a petition to the legislature, n.d. http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2471 4. Letter to Sr. Superior from Mrs. Russell - Providence Spring, n.d. http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2472 5. Letter to Hon. James T. Austin from the Superior - An account of articles returned and articles missing, n.d. http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2473 6. Fragment - list of articles belonging to Miss Russell destroyed at the burning, n.d. http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2474 The Ursulines of Boston, and kept in the Ursuline archives of Three Rivers, Quebec, Canada, is an eyewitness account of the fire. It is titled, “Ursuline Report of the Burning of the Convent, August 11, 1834.” 5 “Ursuline Report of the Burning of the Convent August 11, 1834” n.d. (CAHIER 28 PAGES) http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2476 Journals, pamphlets, and a short novel present discussion on the efforts to start the convent, its burning, and the acquittal of the rioters, along with anti-Catholic sentiment continuing in Boston throughout the 1800s. 6 “Attkinsons’ Casket”, March 1833 http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2477 32 8


7 “The Gleaner”, August 16, 1834. http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2478 8 “The Boston Observer”, January 15, 1835 http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2479 9 “The Nun of St. Ursula”, 1845 http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2480 10 “An Account of the Conflagration of the Ursurline Convent” by a Friend of Religious Toleration, 1834 http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2481 11 “Six Hours in a Convent: or The Stolen Nuns. A Tale of Charlestown in 1834” by Charles W. Frothingham, 1855 http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2482 12 “An Argument before the Committee of the House of Representatives, upon the Petition of Benedict Fenwick and others, with a Portion of the Documentary Testimony” by Richard Sullivan Fay, 1835 http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2483 13 “An Answer to Six Months in a Convent Exposing its Falsehoods and Manifold Absurdities” by the Lady Superior, Mary Anne Ursula Moffatt, 1835 http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2484 14 “The Rights of Conscience and Property; or the True Issue of the Convent Question” by George Ticknor Curtis, 1842 http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2485 15 “Documents Relating to the Ursurline Convent in Charlestown”, 1842 http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2486 329


16 Pamphlet: “The Convent’s Doom: a Tale of Charlestown in 1834” by Charles W. Frothingham, 1854 http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2487 17 Pamphlet: “The Charlestown Convent; Its Destruction by a Mob, on the Night of August 11, 1834...........also, The Trial of the Rioters.........”, 1870 http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2488 18 Pamphlet: “The Burning of the Ursurline Convent: a Paper Read before The Worcester Society of Antiquity, March 5th, 1889” by Ephraim Tucker, 1890 http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2489 19 Broadside - “To The Public of Newburyport”, November 25, 1875 http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2490 20 Newspaper clippings, ca. 1837-1903 1. Education of Roman Catholics, undated http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2492 2. Another missing girl, undated http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2493 3. The Sunday rioters, undated http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2494 4. Burial place of Mary Ryan : St. Augustine’s Church, South Boston, and its romantic history (The Boston Globe), undated http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2496 5. Boston mirror, C.W. Moore, editor, undated http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2497 33 0


6. A sketch of James Napper Tandy, Efqr., Captain of the Liberty Artillery, Vc., Vc., undated http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2498 7. T.F. Meagher and Bishop Hughes ; also, Fun after fighting, undated http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2499 8. Education of Roman Catholics, undated http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2500 9. Who was St. Patrick? : the facts about Ireland’s patron saint ; also, Nantucket icebound (Boston Evening Transcript), undated http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2501 10. Execution of the Spanish pirates (Boston Morning Post), Thursday, June 11, 1835 http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2502 11. Irish labor : the economic background of Sinn Fein : the Irish labor movement by W.P. Ryan (published by B.W. Huebsch), undated http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2503 12. Dedicated to God : impressive services in St. Johnsbury’s new Catholic church (St. Johnsbury, Vt.), January 6, no year http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2504 13. The Padre’s secret (a poem) by Lucius Harwood Foote; also, Suspected of stealing draughtsman’s tools; also, The Ninth starts for Philippines, undated http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2506 14. The Spanish pirates (Boston Evening Transcript?), undated http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2507 331


15. The Manila of today : influence of climate on habits and business ; also, The botanical calendar ; also, Narcissus (a poem) by Henry R. Kellogg, undated http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2508 16. The Sunday rioters, undated http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2509 17. Broad Street rioters, undated http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2510 18. The Sunday riot, undated http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2511 19. Hannah Corcoran, undated http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2512 20. Communication, undated http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2513 21. Education of Roman Catholics, undated http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2514 22. Education of Roman Catholics, undated http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2495 23. The rioters, undated http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2516 24. The Catholic controversy by Alethia (for the Boston Recorder), undated http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2515 33 2


A photo of an engraving shows the Ursuline convent as it looked in 1832. The ruins after the fire are drawn in a sketch attributed to Dr. B.F. De Costa, 1872. Photograph and Sketch, 1872, n.d. 1. Photograph, n.d. http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2517 2. Sketch, 1872 http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2518 The scrapbook is composed of newspaper clippings giving accounts of the history of the Ursuline community in Boston, the causes leading to the riot of 1834, the outcome of subsequent legal proceedings, and derogatory sentiment against the Superior, Mary Edmond St. George. Included is “The Story of Mount Benedict and What Followed” by Dr. B.F. De Costa and a note by the donor, Arthur T. Connolly, recounting where the sisters ended their lives. Scrapbook (Acid Free Copies), 1834-1894 Some difficult to read due to glue damage. 3 Scrapbook (Original), 1834-1894 http://dspace.wrlc.org/view/ImgViewer?img=1&url=http://dspace.wrlc.org/doc/ manifest/2041/2519 Glue has been very detrimental to contents. ( Document important de 56 pages) Les livres, revues consultés: Father John Thayer: Catholic Antislavery Voice in the Kentucky Wilderness Author: Gollar, C. Walker Language: English Is Part Of: The Register of the Kentucky Historical Society, 2003, Vol.101(3), pp.275296 Identifier: ISSN: 00230243 ; E-ISSN: 21610355 Title: American Catholic apologetical dissonance in the early republic? Father John Thayer and Bishop John Carroll Author: Jodziewicz, Thomas W. Summary: Father John Thayer and his religious superior, Bishop John Carroll, both had the American commitment to religious freedom and to the liberal values of the new republic. However, they totally expressed these beliefs differently. Bishop Carroll took a prudent approach, which was appropriate to the circumstances of the 333


Church and its evangelical mission to the American nation while Father Thayer used a more radical method, which caused public disorder. This became the reason for the exile of the latter. Subject: Priests -- Beliefs, Opinions And Attitudes ; Bishops -- Beliefs, Opinions And Attitudes ; Clergy Is Part Of: The Catholic Historical Review, July, 1998, Vol.84(3), p.455(22) [Peer Reviewed Journal] Identifier: ISSN: 0008-8080 Relaçaõ da conversaõ do R. Senhor Joaõ Thayer : ... Escrita por elle mesmo. ... Account of the conversion of the Reverend Mr. John Thayer. Portuguese and English Author: Thayer, John, 1758-1815. Subject: Catholic converts -- Early works to 1800. Published: Lisboa : na Offic. Patr. de Francisco Luiz Ameno, 1788. Language: Portuguese Parallel Portuguese and English texts. The English titlepage is on the verso of the half-title. Place: Hierarchical: Portugal -- Lisbon.; Other title: Eighteenth century collections online.; HOLLIS Number: 012399037 Date: 1788 A discourse, delivered at the Roman Catholic Church, in Boston, on the 9th of May, 1798: : a day recommended by the president, for humiliation and prayer. Throughout the United States. Attribution: By the Reverend John Thayer, Minister of the Catholic Church. Author: Thayer, John, 1758-1815. Subject: France -- Foreign relations -- United States.; Politics and government -- 1789-1815. Fast day sermons 1798 May 9.; Published: Baltimore: : Printed by A. Hanna, near the centre-market, Harrison Street., 1798 Language: English title: Rev. Mr. Thayer’s discourse on the federal fast. May 9th, 1798. Parsons, W. Catholic Americana, 197 1798 Controversy between the Rev. John Thayer, Catholic Missionary of Boston, and the Rev. George Lesslie, Pastor of a church in Washington, New Hampshire. de John Thayer; George Lesslie Anglais 1795 Philadelphia : Printed by Richard Folwell, 1795.

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An account of the conversion of the Rev. Mr. John Thayer, lately a Protestant minister at Boston in North America : Who embraced the Roman Catholic religion at Rome, on the 25th May, 1783; Written by himself. To which are annexed several extracts from a letter written to his brother in answer to some-objections. Also, a latter from a young lady lately received by him into the church, written after making her first communion. Auteur : John Thayer Éditeur :Dublin : Printed by J. Boyce, 6, Inn’s-Quay, 1797. Relations intéressantes de la conversion de M. Thayer, de M. Alegre, de M. de Martineau Author: Lasausse, Jean Baptiste, 1740-1826. Thayer, [John], -- 1758-1815. Published: Paris, chez Pichard, etc., 1796. Language: French HOLLIS Number: 003436351 Creation Date: 1796 An account of the conversion of the Reverend Mr. John Thayer lately a Protestant minister, at Boston in North-America, who embraced the Roman Catholic religion at Rome, on the 25th of May, 1783 Author: Thayer, John Subject: Catholic converts -- United States -- Biography Published: Baltimore : Reprinted (from the London edition) and sold by William Goddard Edition: 5th ed Language: English Creation Date: 1788 The Rev. John Thayer. A Link between Ireland and a Saint Just Canonised Author: Bridgett, T. E. Language: English Is Part Of: The Irish Monthly, 1882, Vol.10(104), pp.74-82 Identifier: ISSN: 20092113 Sketches of the the three earliest Roman Catholic priests in Boston, Attribution: by Percival Merritt. Author: Merritt, Percival, 1860-1932. Bouchard de la Poterie, Claude Florent.; Rousselet, Louis de, -- -1794?; Thayer, John, -- 1758-1815.; Catholic Church -- Massachusetts -- Boston. Published: Cambridge [Mass.] J. Wilson and son, 1923. Language: English Notes: “Reprinted from the Publications of the Colonial society of Massachusetts. vol. XXV.” Bibliographical foot-notes. HOLLIS Number: 003780785 Creation Date: 1923 335


The French Protestant Church in Boston A Memoir of the French Protestants . Par le Rev. Abiel Holmes, d.d. Pastor of the first church in Cambridge. édition Cambridge printed by hilliard and Metcalf. 1826 The Rev. John Thayer. A Link between Ireland and a Saint Just Canonised Author: Bridgett, T. E. Language: English Is Part Of: The Irish Monthly, 1882, Vol.10(104), pp.74-82 Identifier: ISSN: 20092113 Father John Thayer of New England and Ireland Author: Purcell, Richard J. Language: English Is Part Of: Studies: An Irish Quarterly Review, 1942, Vol.31(122), pp.171-184 [Peer Reviewed Journal] Identifier: ISSN: 00393495 Entre Lillers et Amettes Auteur François Crépin Lières en Artois : Entre Lillers et Amettes Broché – 1er janvier 1981; 217 pages . St. Mary’s Church Albany Historic St. Mary’s Church on Capitol Hill 10 Lodge Street Albany, NY 12207. http://www.hist-stmarys.org/ Les Servantes de Dieu en Canada. Essai sur l’histoire des communautés religieuses de femmes de la province. Édition revue, corrigée, augmentée et spécialement préparée pour le Canada. Henri de Courcy 1855 https://books.google.fr/books?id=wzhfAAAAcAAJ&dq=le+couvent+des+ursulines +de+Boston&hl=fr&source=gbs_navlinks_s History of the Boston Massacre, March 5, 1770: Consisting of the Narrative of the Town, the Trial of the Soldiers: and a Historical Introduction, Containing Unpublished Documents of John Adams, and Explanatory Notes. Frederic Kidder, John Adams J. Munsell, 1870 https://books.google.fr/books?id=r3MBAAAAMAAJ&dq=Boston&hl=fr&source= gbs_navlinks_s Recueil de conversions remarquables nouvellement opérées dans quelques protestants François-Charles Nagot Rusand, 1829 https://books.google.fr/books?id=FLNaIdYD65kC&dq=francois+charles+Nagot&h l=fr&source=gbs_navlinks_s

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Recueil de conversions remarquables nouvellement opérées dans quelques protestants François-Charles Nagot Prevôt & Crapart, 1789 https://books.google.fr/books?id=yISFh8b9n5QC&dq=francois+charles+Nagot&hl =fr&source=gbs_navlinks_s Vie de M. Olier, curé de Saint-Sulpice à Paris, fondateur... du séminaire du même nom François-Charles Nagot de J.-A. Lebel, 1818 https://books.google.fr/books?id=s-1-0rVTZOoC&dq=francois+charles+Nagot&hl =fr&source=gbs_navlinks_s Les Prêtres français émigrés aux Etats-Unis Celestin Moreau CH. Douniol, 1856 https://books.google.fr/books?id=AE8naTBrsScC&dq=francois+charles+Nagot&hl =fr&source=gbs_navlinks_s Vie de Madame E.A. Seton fondatrice et première supérieure des Soeurs ou Filles de la Charité aux Etats-Unis d’Amérique White Lecoffre, 1857 https://books.google.fr/books?id=sD5hJ-hw9yEC&dq=francois+charles+Nagot&hl =fr&source=gbs_navlinks_s Elizabeth Seton et les commencements de l’Église catholique aux États-Unis Hélène de Barberey, Elizabeth Ann B. Seton Librairie Poussielgue Freres, 1869 https://books.google.fr/books?id=PaMHAAAAQAAJ&dq=francois+charles+Nagot &hl=fr&source=gbs_navlinks_s Bibliographical notes on An account of the conversion of the Rev. John Thayer Edward Percival Merritt J. Wilson and son, 1923 https://books.google.fr/books?id=Nhc2AQAAIAAJ&q=francois+charles+Nagot+et +Thayer&dq=francois+charles+Nagot+et+Thayer&hl=fr&sa=X&ei=YPOmVO6IO 6HT7Qa664CoDg&ved=0CDUQ6AEwAw Publications of the Colonial Society of Massachusetts, Volume 25 The Society, 1924 https://books.google.fr/books?id=2bsMAAAAYAAJ&q=francois+charles+Nagot+ et+Thayer&dq=francois+charles+Nagot+et+Thayer&hl=fr&sa=X&ei=YPOmVO6I O6HT7Qa664CoDg&ved=0CDsQ6AEwBA

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Some Anglo-American Converts to Catholicism Prior to 1829 Sister Laurita Gibson Catholic University of America, 1943 https://books.google.fr/books?id=WGZCAAAAIAAJ&q=francois+charles+Nagot+ et+Thayer&dq=francois+charles+Nagot+et+Thayer&hl=fr&sa=X&ei=YPOmVO6I O6HT7Qa664CoDg&ved=0CEEQ6AEwBQ ABBE CALONNE, JACQUES-LADISLAS-JOSEPH DE, prêtre catholique, né le 9 avril 1743 à Douai, France, fils de Louis-Joseph-Dominique de Calonne et d’AnneHenriette de Franqueville ; décédé le 16 octobre 1822 à Trois-Rivières, Bas-Canada. Vie du card. de Cheverus par J. Huen-Dubourg André Jean M. Hamon, Jean Louis A.M. Lefebvre de Cheverus (card, abp. of Bordeaux.) 1837 https://books.google.fr/books?id=Y1MEAAAAQAAJ&dq=Jean+Lefebvre+de+Che verus&hl=fr&source=gbs_navlinks_s Histoire sociale des idées au Québec: 1760-1896 Yvan Lamonde. Les Editions Fides, 2000 https://books.google.fr/books?id=ZzGlziJz6nkC&dq=ABBE+CALONNE&hl=fr&s ource=gbs_navlinks_s Benoît-Joseph Labre saint patron des pèlerins et des itinérants Cahier N° 7 de l’Oratoire Saint-Joseph Recherche et spiritualité Pope-Night Tous les 5 Novembre, les habitants de Wye fête la ‘Guy Fawkes Night’ en mémoire de l’arrestation de Guy Fawkes et l’échec d’un complot catholique en 1605 (‘Gunpowder Treason’) visant à assassiner le roi protestant James I ; les étudiants allument un feu de joie (‘bonfire’) sur la colline. Cette fête anti-papiste s’est exportée en Nouvelle Angleterre, où elle devient la ‘Pope-Night’, la nuit du pape, jusqu’à la révolution américaine (et supplantée depuis par Halloween). Durant la Pope-Night, les jeunes, étudiants, apprentis défilent avec des effigies du pape et du diable pour les brûler dans un feu de joie à la nuit tombée. Kinbote fête t-il à New Wye l’échec du complot régicide contre Charles le BienAimé autour d’un feu pâle ? Gradus est-il un nouveau Guy Fawkes ? Il est aussi intéressant de souligner que d’après le site internet de la ville, Wye signifie ‘temple païen’ (‘heathen temple’). New Wye est donc un nouveau temple païen. Comme l’a remarqué, par exemple, Mary Mc Carthy dans son essai cité plus haut, les références à la mythologie grecque abondent dans Pale Fire (Hermès-Mercure, entre autres) et Kinbote appelle souvent Arcadie la région de New Wye. Dans Feu-Pâle, Lochanhead est l’arrêt du bus où descend Hazel Shade avant de se noyer dans le lac Omega. Il existe aussi un Lochanhead en Ecosse, à quatre miles de Dumfries où a vécu et où est mort Robert Burns , poète paysan (1759-1796, l’auteur du célèbre et long poème ‘Tam-O’Shanter’). Curieusement Robert Burns et le poème Tam-O’Shanter sont très connus et étudiés en littérature en Russie. http://proekt-poema.com/feu_pale_new_wye.php 33 8


Mémoire historique sur la vie de Bénoit J. Labre: depuis sa naissance jusqu'à l'âge de 23 ans & environ 6 mois, mort à Rome en odeur de sainteté le 16 avril 1783 rédigé sur les enseignements puisés dans le sein de sa famille, & sur les recherches les plus exactes faites dans tous les lieux qu’il a habités en France. Published 1784 by Samuel Berthoud in Cambrai . les jacobins et la révolution La société des amis de la Constitution, plus connue sous le nom de club des Jacobins, est le plus célèbre des clubs de la Révolution française. « C’est ici que s’est préparée la Révolution, dit Georges Couthon en 1793, c’est ici qu’elle s’est faite, c’est ici que se sont préparés tous les grands événements » Période actuelle Les dirigeants du Club, majoritairement francs-maçons (règle constante mais non écrite) se transmettent “en silence” les “patentes” du Club. Ceux-ci tenteront par la suite de lui reconstituer une visibilité publique, ainsi sous le Directoire, avec le club du Panthéon en 1795 et le club du Manège en 1799. En fait, depuis, le club n’a jamais cessé d’exister même s’il est passé par des phases de sommeil public. Il reste un lieu de transmission. Le réveil suivant le plus marquant fut celui initié par le mouvement jeune turc des années 1930. Ce regroupement s’effectue autour de Mendès-France, Cot, Kaiser, Jouvenel, Mistler ou Zay décident de reprendre le club faute de pouvoir tirer le parti radical de son immobilisme. À l’époque, le président en est Lucien Le Foyer. Pendant la guerre les patentes appartiennent à Jacques Mitterrand. Le départ de la plupart des Jacobins pour le parti socialiste où ils rejoindront François Mitterrand a privé le club d’une partie de sa substance. Il a cependant régulièrement continué à se réunir et à travailler sous la présidence de Guy Penne, sénateur des Français de l’étranger et conseiller de François Mitterrand. Il est aujourd’hui présidé par Frédéric Naud, avocat et secrétaire national aux études du parti radical de gauche. Le club des Jacobins a pour vice-présidents, Maurice Braud (secrétaire général du PS), Jacques Soppelsa (vice-président du PRG) et MarieFrançoise Bechtel (vice-présidente du MRC). Guy Penne en est président d’honneur. Olivier Stirn (ancien ministre) et Bruno Moschetto (banquier), sont conseillers du président. http://fr.wikipedia.org/wiki/Club_des_Jacobins __________________________________________________________________

Histoire d’un Dynamisme apostolique. La compagnie des prêtres de Saint-Sulpice. Par Le Père Philippe Molac P.S.S Edition du Cerf - ISBN 978-2-204-08713-1

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Mes remerciements pour l’aide précieuse du Père Raymond Martel, Diocèse d’Amos, Québec (Canada) du Frère Samuel, Fraternité des Frères et des Soeurs de Saint Benoît Labre (France) du Père David Thayer P.S.S. (Etats-Unis). de l’évêque de Limerick, Bishop Brendan Leahy (Irlande) de l’archiviste du diocèse de Limerick, Mr. David Bracken (Irlande) et de Mathilde. Les Amis de saint Benoît Labre © 2000 Tous droits réservés

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