7 minute read
« Le contrôle des indicateurs de risque peut limiter la péri-implantite, éventuellement, la perte de l’implant. »
La prévention est essentielle, à tous les stades « Le contrôle des indicateurs de risque peut limiter la péri-implantite et, éventuellement, la perte de l’implant. »
Giovanni E. Salvi | Suisse Professeur agrégé, vice-président et directeur des programmes d’études supérieures Université de Berne, école de médecine dentaire
Propos recueillis par Marjan Gilani
« Les complications biologiques autour des implants sont une réalité que nous devons affronter » déclare Giovanni Salvi, professeur associé au département de parodontologie à l’Université de Berne. Il est convaincu que les praticiens peuvent éviter la péri-implantite, si les signes sont détectés à temps.
Prof. Salvi, l’explantation est un fardeau émotionnel pour les patients. À quelle fréquence les implants se soldent-ils par un échec ?
Prof. Salvi : une perte d’implant précoce se produit dans environ 1 à 2 % des cas lorsque le processus d’ostéo-intégration est perturbé.¹ Cela peut se produire en raison d’un manque de stabilité primaire, d’une infection après la pose ou d’une mise en charge involontaire précoce. En revanche, les échecs tardifs implantaires peuvent être dus à un diagnostic posé trop tardivement et à l’absence de traitement de la péri-implantite. La péri-implantite est une maladie inflammatoire causée par des biofilms bactériens. Elle se caractérise par un saignement au sondage ou une suppuration, avec augmentation des profondeurs de sondages par rapport aux mesures précédentes et par une perte osseuse qui va au-delà des changements normaux de l’os crestal résultant du remodelage initial.²
La prévalence rapportée de la péri-implantite varie de 1 à 47 % (moyenne 22 %).³ Toutefois, la grande plage de prévalence rapportée dans la littérature reflète la grande hétérogénéité des seuils cliniques
« Lorsqu’un implant finit par provoquer une péri-implantite, personne ne peut faire de miracles pour sauver la situation. »
et radiographiques adoptés pour définir la maladie, ce qui rend difficile une estimation précise de la prévalence de la péri-implantite.
Quelle est la clé du contrôle de la péri-implantite ?
Plusieurs indicateurs de risque pouvant être à l’origine de l’apparition et de l’évolution de la péri-implantite ont été identifiés. De plus, le contrôle des indicateurs de risque peut limiter la péri-implantite et, éventuellement, éviter la perte de l’implant. Ces risques peuvent inclure un mauvais contrôle de la plaque par le patient⁴, le tabagisme⁵, des antécédents de péri-implantites⁶, des restaurations avec un accès inadéquat pour le contrôle de la plaque⁷, un excès de cément⁸, le manque d’observance des soins de maintenance⁹–¹⁰ et l’absence de traitement d’une mucosite péri-implantaire¹¹.
Malheureusement, le traitement de la péri-implantite ne permet pas de sauver tous les implants sur le long terme. Par exemple, 5 ans après le traitement chirurgical d’une péri-implantite incluant un débridement avec lambeau, antibiothérapie et soins d’entretien réguliers, on observait toujours une perte de l’implant dans 17 % des cas.¹²
Comment faites-vous lorsque l’explantation est la seule solution ?
Les implants avec absence complète de l’ostéo-intégration sont mobiles et peuvent être explantés sans devoir sou-
lever un lambeau muco-périosté. Par conséquent, d’un point de vue diagnostique, l’évaluation de la mobilité de l’implant n’a aucune valeur puisque cela ne traduit que des dommages irréparables. S’il y a une ostéo-intégration résiduelle et que l’implant n’est pas mobile, on peut utiliser des instruments spéciaux pour déposer l’implant en soulevant, ou non, un lambeau. Et si la situation le nécessite, on peut soulever un lambeau et enlever aussi peu d’os que nécessaire pour déposer l’implant.
L’utilisation de biomatériaux peut-elle aider après l’explantation ?
Tout d’abord, les patients doivent être informés des indications, de l’origine et des documents scientifiques des biomatériaux utilisés après l’explantation. Comme le montre le cas clinique (fig. 1), après une explantation, il peut être nécessaire d’utiliser des biomatériaux comme compléments à la reconstruction de la crête alvéolaire avec un bloc d’os autologue. Cela peut être réalisé à l’aide d’un os bovin déprotéinisé (Geistlich Bio-Oss® ou Geistlich Bio-Oss Collagen®) recouvert d’une membrane protectrice de collagène résorbable (Geistlich BioGide®). En cas d’augmentation du volume des tissus mous péri-implantaires, l’utilisation d’une matrice de collagène (Geistlich Fibro-Gide®) peut être envisagée.
Les implants placés après explantation sont-ils toujours prévisibles ?
Une réévaluation de la situation clinique et radiographique est indiquée après l’explantation. En fonction de la demande principale du patient et des risques résiduels, plusieurs options pour la nouvelle réhabilitation prothétique doivent être considérées. Cela peut être des reconstructions amovibles, fixées sur la dent ou implanto-portées. Malgré le taux de sur« La grande plage de prévalence de périimplantite rapportée dans la littérature reflète la grande hétérogénéité des seuils cliniques et radiographiques adoptés pour définir la maladie. »
vie plus faible des implants placés dans des sites d’explantation antérieure¹³, un nouveau plan de traitement, y compris l’utilisation de nouveaux implants, peut être envisagé.
Comment préparez-vous les patients aux complications implantaires, notamment la perte de l’implant ?
Parfois, les patients ne sont pas suffisamment informés des complications techniques et biologiques à long terme liées à l’implant. Les signes de complications précoces, comme l’inflammation et une perte osseuse initiale, ne s’accompagnent pas de symptômes évidents pour le patient, tels que la douleur et la mobilité de l’implant. Par conséquent, le diagnostic précoce par des professionnels dentaires¹⁴ et le traitement des complications initiales⁹ ¹¹ sont fortement recommandés pour éviter des dommages plus importants, voire la perte de l’implant.
Quand avez-vous dû extraire un implant pour la dernière fois ?
Une explantation ne doit pas être le premier choix lorsque les complications apparaissent. Mais, tout récemment, j’ai dû effectuer une explantation qui était inévitable après qu’un implant de grand diamètre a été placé dans la zone esthétique immédiatement après l’extraction d’une dent, sans respecter un positionnement prothétique correct, et restauré avec une couronne unitaire qui n’était pas accessible pour le contrôle de la plaque.
Références 1 Esposito M, et coll. Eur J Oral Sci. 1998; 106(1):527-51. (revue systématique) 2
Berglundh T, et coll. J Periodontol. 2018; 89 Suppl 1:S313-S318. (compte rendu de consensus)
3 Derks J, Tomasi C.: J Clin Periodontol. 2015; 42 Suppl 16:S158-71. (étude clinique)
4 Ferreira SD, et coll. J Clin Periodontol. 2006; 33(12):929-35. (étude clinique)
5
6 7 8 Heitz-Mayfield LJ, Huynh-Ba G.: Int J Oral Maxillofac Implants. 2009; 24 Suppl:39-68; 33(12):929-35. (étude clinique)
Sgolastra F, et al: Clin Oral Implants Res. 2015; 26(4):e8-e16. (méta-analyse)
Serino G, Ström C.: Clin Oral Implants Res. 2009; 20(2):169-74. (étude clinique)
Wilson TG Jr.: J Periodontol. 2009; 80(9):1388-92. (étude clinique) 9 Roccuzzo M, et coll. Clin Oral Implants Res. 2014; 25(10):1105-12. (étude clinique) 10 Monje A, et coll. J Periodontol. 2017; 88(10):1030-1041. (étude clinique) 11 Costa FO, et coll. J Clin Periodontol. 2012;39(2):173-81. (étude clinique) 12 Heitz-Mayfield LJA, et coll. Clin Oral Implants Res. 2018; 29(1):1-6. (étude clinique) 13 Machtei EE, et coll. Clin Oral Implants Res. 2008; 19(3):259-64. (étude clinique) 14 Salvi GE, Zitzmann NU.: Int J Oral Maxillofac Implants. 2014; 29 Suppl:292-307. (revue systématique)
A
G B
D
F
H Fig. 1 : Échec de la prévention : un patient âgé de 33 ans a perdu la 12 et la 13 (schéma FDI) suite à un traumatisme pendant une activité sportive. Un implant a été posé en vestibulaire juste après augmentation du site. Le site a présenté une infection précoce, et la cicatrisation des tissus mous n’a pas pu se dérouler comme espéré. Une fois le diagnostic de péri-implantite posé, le patient a été transféré à la clinique universitaire de Berne pour y être traité.
| A Situation clinique initiale d’une couronne implanto-portée en 13 avec extension mésiale en cantilever. | B Radiographie périapicale montrant une perte osseuse étendue autour de l’implant dans la zone de la 13. | C Situation peropératoire de l’implant au niveau osseux 13 avant explantation. | D Élévation du plancher sinusien et bloc osseux prélevé en zone rétromolaire pour l’augmentation du site de la 13 (avec l’aimable autorisation du prof. V. Chappuis, Université de Berne, Suisse). | E Bloc osseux recouvert avec Geistlich Bio-Gide® (avec l’aimable autorisation du prof. V. Chappuis, Université de Berne, Suisse). | F Nouvelle couronne vissée sur implant en 13 avec extension mésiale en cantilever. | G Radiographie périapicale du nouvel implant tissue level dans la zone de la 13. | H Ligne du sourire du patient après nouvelle reconstruction implantoportée.