Berlin East Side

Page 1

Dossier

Berlin East Side

n Le Tausend

54 Cuisine CrĂŠative

Reportage : Guillaume Delattre


n Le Radisson Blu.

À

travers les vitres de l'Airport Express, défilent à vive allure les petites maisons qui longent la voie ferrée, le train traverse les bourgades mornes de la banlieue de Berlin jusqu'à Alexanderplatz.

Sur le quai du métro aérien, des affiches annoncent les prochaines expositions des musées avoisinants, la station surplombe les jardins de l'esplanade où, sous le soleil, des groupes d'étudiants finissent la journée, une Berliner à la main. Assis sur le socle de la statue de Mark et Engels, au pied de l'immense tour de télévision surnommée ici « la grande asperge », symbole de la technologie estallemande, un bassiste joue les premiers accords du« Ceremony » de Joy Division. Bienvenue à Berlin Est.

Cuisine 55

Créative


Dossier

Il ne faut que quelques minutes pour traverser la

“poor but sexy.” Bien loin de la chronique Berlin

place et rejoindre à pied le Radisson Blu situé sur

chantée par Lou Reed en 1973, les anciens

les rives de la rivière Spree. Une base idéale pour

immeubles d'inspirations soviétiques ont été réno-

explorer le quartier de Mitte, autrefois délabré,

vés. Au début des années 90, les clubs mythiques

que les artistes underground et autres précurseurs

de la musique électronique se sont installés, d'a-

de la contre-culture se sont appropriés après la

bord illégalement, comme le Cookies, le Berghain

chute du mur en 1989, avant de laisser la place

et le Tresor Club monté dans une ancienne cen-

aux étudiants. Berlin est doté de la plus grande

trale électrique, puis des bars sauvages se sont

concentration de bars d'Allemagne, il n'y a pas

ouverts, restaurants et cafés chics ont suivi le mou-

d'industrie ici, un habitant sur 4 a le statut d'artiste

vement avec la transformation du quartier.

professionnel, les universités fleurissent, bref on a

Mitte est aujourd'hui le secteur en vogue de la

du temps pour sortir dans cette ville qualifiée de

ville, le “pulsing heart” de Berlin.

56 Cuisine Créative


LE RADISSON BLU, UNE BASE STRATÉGIQUE. Dans le hall du Radisson blu 5 *, au centre, la lumière bleue du plus grand aquarium cylindrique du monde attire les curieux qui, par le truchement d' une plateforme, peuvent pénétrer dans l'Aquadom et monter jusqu'au sommet pour admirer les quelques 2500 poissons tropicaux plongés dans 1 million de litres d'eau de mer. Ultra-sécurisé, il faut introduire son pass pour utiliser les ascenseurs extérieurs transparents qui mènent aux chambres qui donnent, au choix, sur l'aquarium pour un réveil en douceur, ou sur la cathédrale de Berlin et la rivière Spree pour les business class. Les plus chanceux descendront dans la suite Nicolaï décorée dans un esprit « milieu des années 80 » avec

des canapés oranges et des tons beiges à la David Lynch; sur les étagères, on trouve des livres d'art moderne des années 20 sur l'école du Bauhaus ou les mouvements d'inspiration expressionniste avec le comité du cavalier bleu des peintres russes Kandinsky et Jawlensky. Après une visite de l'immense dôme qui surplombe l'hôtel avec une vue panoramique sur le quartier historique, nous rejoignons le lobby pour un dîner sur la terrasse du restaurant “Heat”, face à l'île des musées. Là, le rédacteur en chef du magazine berlinois “Mixology”, Helmut Adam, nous rejoint pour nous faire découvrir, en une nuit, les meilleurs endroits de Berlin Est.

Cuisine 57

Créative


Dossier

n Le Newton Bar.

“LONGE STRABEN, LANGE NACHTE”, LA NUIT VA ÊTRE LONGUE...

n Photo d’Helmut Newton.

58 Cuisine Créative

En début de soirée, le Riva bar (cf Cuisine Créative n°35) ne déçoit pas, le patron Jean-Pierre Ebert, un passionné, nous prépare au shaker un “Markee” : soft bourbon, cranberry, chambord, jus de citon et sirop de glucose. M. Adam a le droit à une version déclinée : Gin strauberry special. Il s'agissait de commencer en beauté dans cet endroit élégant de Berlin. Après un détour par les petites rues du centre Est, nous entrons dans le bar du photographe Helmut Newton à Charlottenstrabe, situé du côté chic du centre, près de l'hôtel Regent qui possède l'un des rares restaurants étoilés de la ville : le Fischers Fritz tenu par le chef Christian Lohse. Le design du Newton Bar est raffiné, le mobilier cossu avec, au fond de la salle, des photos grands formats sur résine synthétique éclairées du célèbre photographe allemand. En fond sonore la voix rauque de Léonard Cohen qui entame sa dernière tournée en Europe. Le bar déborde sur la rue, et l'on peut s'allumer une cigarette tout en discutant avec la


Un décor au design art déco avec un portrait gigantesque immortalisant Klaus & Erika, les enfants terribles de Thomas Mann, l’écrivain de Mort à Venise.

bonne société dans une ambiance chaleureuse et feutrée. Signalons au passage qu'à Berlin, on flirte allègrement avec les lois anti-tabac. Nous partons vers les bars plus animés de Mitte avec le Reingold qui fête ce soir l'anniversaire du maître des lieux, David Wiedemann, qui nous accueille les bras ouverts à l'entrée de son club pour une soirée très privée. Le décor au design art déco est superbe avec un portrait gigantesque immortalisant Klaus & Erika, les enfants terribles de Thomas Mann, frère et sœur inséparables. La fête bat son plein, la clientèle est ouverte et légère, malgré le souci de perfection du patron, très minutieux au niveau des cocktails, le Daïquiri est trop citronné, trop sucré, le verre utilisé n'est pas adapté, à ce moment là, d'un commun accord, nous optons pour l'effervescence d'une coupe de champagne. Direction le Tausend, derrière une porte anonyme, au numéro 11, on entre sûrement dans le meilleur bar de Berlin, ultra-design, un bar chromé tout en longueur, un Tanqueray tonic à la main, le chef de bar, Mario Grünenfelder, nous fait passer derrière le comptoir pour observer la clientèle huppée. Les bartenders travaillent à la perfection avec des produits frais, coupés sur le moment; n Le Reingold.

Cuisine 59

Créative


Dossier

la collection de premium est impressionnante avec des vodkas rares, gins de grandes qualités, scotchs & irishs, single malt, liqueurs, des centaines de bouteilles sont alignées. On trouve au Tousend les plus jolies filles de la ville, beaucoup de russes, ce soir là le DJ espagnol à nœud papillon passe une version live de Psycho Killer de Talking Heads, encore un retour vers les 80's définitivement en vogue partout en Europe, et tellement adaptées à l'atmosphère de Berlin. Après un petit bond dans un bar chic de Berlin Ouest où l'ambiance est plus guindée et le décor plus soigné (les taxis sont abordables à Berlin), nous terminons définitivement la soirée à l'Est, en nous baladant dans la multitude de salles immaculées du Bangaluu, club immense, passant d'un étage à l'autre dans une enfilade de pièces cachées. Verena Geyer, la RP du club, nous ouvre la dernière porte qui débouche sur une terrasse magnifique avec vue sur les toits de Berlin. Enfin, pour approfondir le sujet jusqu'au bout, on ne pouvait pas retourner au Radisson Blu sans vérifier la réputation sulfureuse du Berghain. Dans un taxi géorgien, nous partons vers le quartier chaud de la gare d'Ostbahnhof, pas très loin de ce qu'il reste du mur de Berlin. n Le Tausend

60 Cuisine Créative


n Le Bangaluu.

Autour du bloc, le vide, l'horizon nu, pas de police, pas de queue devant l'entrée, trois videurs effrayants avec des chiens nous fouillent et nous confisquent l'appareil photo, à l'intérieur de l'immeuble délabré : ambiance surréaliste, indescriptible. Connor, un journaliste irlandais qui écrit sur la nuit underground de Berlin nous affranchit un peu : “Tout ici est minimal même les gens”, il nous lâche au passage ce leitmotiv berlinois : “Babe, i m just a bit minimal”. Au rez-de-chaussée s'étend sur toute la longueur une grande fresque des “Rituels de la disparition” de l'artiste polonais Piotr Nathan, en montant jusqu'au panorama bar, nous croisons le monde underground de Berlin, la musique est massive, lourde. Entre deux niveaux, on se laisse prendre par les percussions et les basses. Des performances artistiques hallucinantes sont organisées dans les salles du premier étage, une expérience unique pour ce club mythique mondialement connu. Signalons au passage qu'il est très difficile de rentrer dans cette Babylone berlinoise et la sélection se fait selon des critères qui échappent à toute logique parisienne. Définitivement, après Paris dans les années 80, Londres dans les années 90, Berlin mérite vraiment son titre de ville la plus énergisante d'Europe. n

n La terrasse du Bangaluu.

Cuisine 61

Créative


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.