jas et
saguenail
après la cognÊe
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Au diapason Après plusieurs livres commis en collaboration, mais où JAS somme toute illustrait les textes que j’avais écrits, ayant néanmoins atteint un rapport de connivence garantissant à chacun une entière liberté de facture, j’ai voulu comme dit l’autre «renverser la vapeur poétique» et proposé à JAS d’exécuter une série de dessins d’inspiration libre que je devais traduire verbalement, dans l’espoir de parvenir à deux à créer un imaginaire cohérent, territoire inconnu, imprévu, que je devais d’abord explorer en tant que lieu hanté par des êtres que je n’avais pas inventés. Univers menaçant, genèse ratée, apocalypse qui fait long feu: on sentait bien que ça branlait dans le manche mais après la cognée, plutôt que de le jeter, on peut le mettre en terre et voir surgir du bois qu’on croyait mort des boutures spontanément générées, croître un nouvel arbre.
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Pour être mythique, imaginaire, l’éden n’en est pas moins réel, au sens où, en deçà de son symbolisme ambigu, à la fois positif, âge d’or et de farniente, et négatif, lieu des interdits, de la surveillance et de l’expulsion, à la fois cour de récréation consacrée au jeu et enceinte scolaire vouée à l’inculcation de la discipline, il n’est rien moins qu’abstrait, avec des arbres et des animaux, donc reconstituable. Malgré tout, les données sont maigres: nous savons qu’il n’y avait que deux arbres, en tout cas que deux se détachaient de la végétation environnante, qu’elle soit rase ou touffue, du type savane ou jungle, deux arbres que la forêt ne cachait pas. Par ailleurs, nous savons qu’y habitaient, outre le serpent, divers animaux que le premier homme avait baptisés. Or il est peu raisonnable de penser que cette faune et cette flore pouvaient en quelque façon être semblables à celles croissant sur terre, car le châtiment n’a touché que trois créatures, homme, femme et serpent; aussi les autres, n’ayant pas été expulsées, n’avaient-elles aucune raison, aucun motif de solidarité, pour souffrir les tourments climatiques et géographiques du globe. Il convient plutôt d’admettre que l’homme, nostalgique, aura cherché à cultiver et élever quelques pâles imitations des habitants paradisiaques originels, obtenues par successives greffes ou croisements. Le pommier est conventionnellement accepté comme le plus proche de celui dont nos ancêtres ont indûment goûté le fruit, il est toutefois probable que le fruit paradisiaque valait pour tous les fruits, de l’amande à la mangue, pouvant pousser sur un arbre terrestre. Il est même plus probable que le fameux fruit défendu ait ressemblé au raisin, que les hommes, comme l’atteste Noé, ont très tôt cultivé, dans le jus duquel ils cherchaient la vérité, évidente allusion à la précieuse connaissance que le fruit originel recélait. Quant aux animaux, on peut concevoir qu’ils devaient posséder la majesté du lion ou la souplesse de la panthère, par exemple, sans leur instinct carnassier. Avec une touche composite, un rien de la féminité du sphinx, sans caractère monstrueux. En somme, de gros chats. Dans la jungle des villes modernes, l’homme conserve quelque complexe de Robinson, un regret d’île déserte, et continue de cultiver un jardin secret, paradis artificiel hanté de troncs squelettiques, pour ne pas gêner les voisins, et fréquenté par des hordes de matous affamés, traces caricaturales de ses rêves ou réminiscences de félicité. 5
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L’homme, créature rebelle, créature châtiée, a établi sa puissance terrestre contre le chaos de la nature, création antérieure sinon primordiale, voire divine, à son apparition. Il a empierré son domaine. La verdure n’a droit de cité que parquée. Faute d’espace pour le composte, les feuilles caduques, chues, sont assimilées aux détritus qui jonchent les villes. On les ramasse à la pelle comme d’inutiles regrets d’un jardin illusoire. Aussi l’arbre ne nous ditil plus rien. Les communications avec la nature sont coupées. Antoine Roquentin, à force de contempler un arbre, finissait par ne plus le voir, par n’avoir conscience que d’une présence obstinée et solide dont la seule existence l’affrontait, lui faisait affront, lui portait tort sans qu’il puisse l’abattre, et par éprouver, impuissant et abasourdi, la nausée. En fait, l’arbre est une vivante dérision de notre plus haute gloire, la verticalité. Il nous toise de toute sa hauteur. Ou pire, tourné vers le ciel, il nous ignore. Nous ne pouvons jamais l’aborder d’égal à égal, de créature à créature, nous ne pouvons l’observer que de profil et en contre-plongée. Il n’accepte comme interlocuteurs que les oiseaux, piètres pastiches d’anges. Sait-il seulement distinguer les chants des séraphins des piailleries des piafs? Il se targue d’être plus proche du ciel. Tout arbre a quelque chose du stylite. Il nargue nos vaines tentatives de l’anthropomorphiser, agite ses rameaux en guise de salut moqueur, car il peut, tenant tant de la quintaine que de la potence, imiter en ombre chinoise tous les rôles, du démiurge montreur de marionnettes, dont les feuilles font trois petits tours avant de choir, aux croyants quêtant, bras haut levés vers la nue, la bénédiction céleste, en passant par l’archange agitant ses ailes pour prendre son envol. Mais ses feuilles ne sont pas des plumes, il ne décolle pas. L’arbre est plutôt un appeau, tel un pigeon englué cherchant à attirer ses frères ailés dans les rets de la ramée. Il incarne la force de gravité, l’attachement à la terre. En vain dissimule-t-il sous lui, dans les replis du sol, ses racines, ses boulets. Il se sait une image, bien qu’il ne sache l’interpréter, entre l’élan pathétique de la lévitation, de l’assomption, de la montée au ciel, et la vaine tentative d’agripper l’azur, de seulement le toucher, l’effleurer, s’en tacher les doigts. L’arbre feint de porter la voûte à bout de bras mais, exilé lui aussi sur terre, doit partager avec l’homme la boue et le bagne. Tout au plus se montre-t-il patient et évite de tourner en rond. 7
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L’arbre, de jour, règle la circulation des oiseaux. Droit comme un piquet, faisant des moulinets avec ses branches, tantôt il se penche dans une direction tantôt il s’incline dans l’autre, parfois se met au garde-à-vous. Mais la nuit, se figeant tel un squelette en négatif, levant sa ramée vers le ciel, il se fait entonnoir et transvase l’encre céleste dans les entrailles de la terre. Il répand à son entour l’obscurité, chandelier qui dégage, au lieu de lumière, des ténèbres. Il en retient d’ailleurs dans son feuillage, qu’il soustrait à l’inquisition solaire, tel le tamarinier de Birago Diop, à la frondaison si dense et à l’ombre si épaisse qu’à travers «on peut apercevoir, parfois, en plein jour, les étoiles». Fiché au centre d’un cadran stellaire pour mesurer l’éternité relative, il fait office de poteau indicateur où les ombres se donnent rendez-vous. Car la nuit est peuplée. Loin des réverbères de surveillance, les silhouettes furtives de ceux que l’insomnie, l’inquiétude et le désir inassouvi chassent de leur chambre et de leur couche, parcourent le paysage telles des âmes en peine. Noctambules refusant le châtiment du travail diurne, amants maudits, brigands poursuivis, toute une faune fantomale bat la campagne, comme dans un tableau de Delvaux, ombres qui se cachent dans l’ombre. La nuit est l’espace du secret comme le jour est celui de l’hypocrisie. Paradoxalement, le jour est opaque tandis que la nuit est transparente. Cristal noir. L’arbre à la brune se déguise en épouvantail. Il baisse ses branches, les dissimule derrière son tronc et, à son rang fixe, adopte l’immobilité et la raideur d’une sentinelle, tout en se confondant avec le fond boisé. Il imite la forme indécise d’une amoureuse ou d’un voleur de grand chemin. Il guette le voyageur. Mais il ne sait pas lui-même s’il veut le dévaliser ou se jeter à son cou. Il se dresse, mirage lunaire. Il figure la menace, l’amante trahie, le bandit transi, la vengeance qui refroidit. Il barre la route. Il se tient raide comme la justice, comme un douanier serein mais attentif, un sphinx, une irrésistible énigme. Et sa silhouette attire magnétiquement, tels des papillons happés par l’éclat obscur de sa flamme, rôdeurs et insomniaques, coupables cherchant à échapper à l’arrêt de leur propre rêve. Car il reste incertain. Sa flamme ne brille peut-être que par son absence, n’est peut-être que mèche. Travestis en bosquet, ils le cernent. Il veille sous une forêt d’yeux. 9
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L’homme envie l’arbre. Pour sa hauteur, sa force, sa solidité. Il présente les qualités de l’épée sans en avoir le tranchant. Il est l’élu de la gent ailée, il a établi un dialogue privilégié avec les nues. Il est en fait le trait d’union entre ciel et terre, puisant d’ailleurs chez l’un la lumière qui lui assure l’éternelle verdeur et chez l’autre les sucs qui lui permettent sa croissance illimitée. Il n’a au fond qu’un seul défaut, c’est d’être statique. L’idéal de l’homme pourrait s’incarner en un arbre mobile. Certes sans aller jusqu’au nomadisme: l’homme est sédentaire, fils de Caïn; un exil lui a suffi. L’arbre est du bois dont on bâtit sa cabane. En même temps, l’homme craint l’arbre. Il le sait inoffensif, incapable de résister à la scie ou à la hache, mais il peut dissimuler des dangers, abriter fauves ou prédateurs, loger parmi ses lianes des serpents. Il cache toujours quelque chose. Quand ce n’est pas le soleil, c’est la forêt. Il est le premier indice d’un territoire par définition dangereux, la forêt, le lieu où l’on se perd, celui des mauvaises rencontres, infesté de chemineaux et de bûcherons, d’ogres et de sorcières, sans parler des loups. Il contient en lui, virtuellement, la forêt, qui constitue sa véritable famille, voire son refuge. Ils sont synecdoques l’un de l’autre. En outre, l’arbre, à l’évidence, méprise l’homme, se couronnant tout seul tel un empereur de ses feuilles, laissant tentateur ses fruits pourrir sur la branche, hors de portée, puis les lâchant blets. Or l’homme supporte mal la moindre rivalité. Un bon arbre est un arbre abattu. Rendu à l’horizontalité avant d’être débité. Quitte à le réduire en allumettes, à le faire flamber. À le décolorer, le décomposer en pâte à papier, qu’on dévirginisera et salira aussi sec, car l’homme n’aime pas non plus l’immaculé, qui le renvoie à la conscience héritée de sa culpabilité innée. Car l’arbre est naturellement vêtu de son écorce, n’a pas besoin de dissimuler sous les feuilles quelque partie honteuse: l’arbre ignore la nudité. Tout comme les oiseaux, les loups et tous les habitants de la forêt. Même la femme nue est invisible dans la forêt. Elle s’y rend au sabbat, après avoir troqué son homme pour un balai, caricature d’arbre sans racine. Et qui ignore la nudité ignore naturellement la pudeur, la réserve, la civilité, les règles de savoir-vivre, le corset. Le plus beau fruit peut s’avérer vénéneux. Phallique, l’arbre qui offre son abri à tous abrite aussi le mal, excite les sens et protège les ébats. S’il le pouvait, l’homme raserait toutes les forêts. 11
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Il existe plusieurs hypothèses, incompatibles sans être pour autant contradictoires, chacune étayée par des théories plus spéculatives que vraiment scientifiques. Les premières sont dites génésiques ou génériques, selon que l’on attribue l’initiative à une nature sinon aveugle du moins incompréhensible ou, anthropocentriquement, à une entreprise humaine de conquête et ordonnance de la terre. L’une considère que tout arbre est surgeon de l’arbre initial, arbre de la vie, dont il possède virtuellement la puissance et la fécondité. Toute vie animale, en conséquence, provient d’un arbre: l’homme et le singe sont cousins car tous deux sont descendus de l’arbre. Deux variantes sont en concurrence, qui placent l’éclosion de l’homme soit sur l’arbre même, grandi dans un fruit-placenta en forme de bulle, soit à terre, tel une pulpe inimaginable sortant comme d’un œuf, de l’écorce du fruit chu. Dans les deux cas le lien de l’homme à l’arbre est ombilical et l’arbre étend sur son rejeton la protection maternelle de sa ramée. L’autre conception imagine que l’homme a planté le jardin avant d’en nommer les habitants. Tout arbre, selon cette théorie, est encore descendant d’un ancêtre primordial symbolique, pommier inconcevable dont l’homme a semé les graines sur terre, pépins soigneusement recueillis du fruit consommé. Leur rapport est inversé, l’homme exerçant les fonctions de jardinier et gardien de sa progéniture végétale. Mais il existe encore les hypothèses dites de la gémellité ou du jumelage qui admettent une origine indépendante des arbres et des hommes et se fondent sur le déterminisme postulé de leur rencontre. La première veut qu’à chaque naissance corresponde une germination et qu’un cordon virtuel rattache fraternellement tout enfant à son arbre jumeau qui reflètera l’état de celui dont il est en quelque sorte le totem arboricole, fleurissant au moment de ses succès, flétrissant lors de ses échecs et se desséchant quand l’autre meurt. La seconde pose que cette osmose entre l’humain et le végétal résulte d’un choix arbitraire, fortuit, l’élection traduisant cependant quelque mystérieuse affinité: l’homme se reconnaît dans son partenaire arborescent comme en un miroir à peine déformant. Toutes deux considèrent qu’aucun homme ne saurait connaître la paix ni le repos qu’il n’ait trouvé sa plante-sœur, ni vivre heureux loin de son arbre. Ainsi ces théories aboutissent toutes à cette patiente attente de l’homme au pied de son arbre. 13
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Depuis l’expulsion de ses métayers, qui faisaient office de jardiniers et de concierges, le jardin d’éden est en friche. Les bienheureux l’évitent comme un mauvais lieu, le bruit court que les anges rebelles s’y donnent rendez-vous. De fait, dès qu’on s’en approche, la pénétrante odeur des giroflées, l’entêtant parfum du jasmin perturbent les sens. Envahi par l’ivraie, le jardin invite à l’ivresse. Boudant tant l’écœurant nectar que la sirupeuse ambroisie et les abandonnant sans regret aux bigotes et sévères divinités ou saintetés qui prennent le paradis pour leur maison de retraite, les chérubins réfractaires et les angelots adolescents se glissent nuitamment dans le parc, fermé à ces heures, pour y danser toute la nuit et y jouer des «parties de rêves» (ils prononcent à l’anglaise: «rêve party») où ils expérimentent hallucinations simples et métamorphoses. On s’ennuie au paradis. Les séraphins passent par une phase tourmentée où ils refusent leur état, pratiquent par provocation des rites qu’ils imaginent sataniques et, fascinés par la chute et le péché, essaient d’imiter les humains. Troublés par une ressemblance incomplète, les anges n’en finissent pas d’examiner leur propre corps, leur ventre lisse et surtout l’absence de poils, fente ou appendice entre leurs cuisses. Leur jeu favori est de s’inventer un sexe, de simuler des jouissances que la lecture en cachette des livres interdits relégués dans l’enfer des bibliothèques est insuffisante à concrétiser. Bons de naissance, ils se touchent avec délicatesse, incapables de se blesser, plus encore de se violer, en dépit des godemichés, bricolés avec un sceptre et une auréole passée à la ceinture, qu’ils arborent fièrement. Ils se grisent plus de mots que de caresses. Leurs extases restent abstraites. Même leurs ailes les embarrassent. Ils rêvent d’orgie et de parties carrées, prêts à vendre, à l’instar de la petite sirène, leur voix contre la poussée d’une bite ou l’ouverture d’une vulve. Au cours de ces accès de fièvre, ils érotisent tout, les voiles des nuages, la rondeur des planètes, les tourbillons des galaxies et la queue des comètes. Mais le jour nettoie ces fantaisies délébiles. Ils sont présents quand la trompette sonne l’appel et, un peu honteux, reprennent leur place dans les rangs de la légion. Le créateur bienveillant ne se fâche pas, les archanges ferment les yeux. Les punir ne servirait qu’à les braquer. L’armée angélique se chargera de les redresser. Les plus insolents donneront pour finir les meilleurs gardiens. 15
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On a perdu la conscience de l’âge d’or, quand l’ange ne se distinguait pas du porc, que le bonheur rendait meilleur, que la jouissance demandait à être partagée, qu’on n’avait désir que d’aimer. On ne croit plus aujourd’hui à la toute-puissance de l’amour, donc à l’amour qui n’est plus qu’un mot. Le mythe est relégué aux contes de fée et leurs dérivés hollywoodiens, le sentiment admis tout au plus pour évoquer la relation de la mère à son enfant, relation profondément possessive reposant sur l’inégalité des sujets. Rapport si fort que les hommes peuvent être décrits comme des animaux qui ne veulent pas grandir. La fraternité définit la rivalité. La conscience de l’ego est la seule preuve de l’existence. L’amour est désormais vu comme une maladie infantile, symptôme d’immaturité, acné. La porcherie édénique s’est dégradée: possession et pouvoir ont substitué jouissance et plaisir, confort vaut bonheur. La seule quête est celle des privilèges. Les chérubins contestataires voudraient concilier individualisme et uniformisation, identité et prêt-à-porter, brandissant des pavés de bonnes intentions mais ne manifestant que leur impuissance. Avant de réclamer leur part d’héritage. On ne se permet d’être généreux que pour distribuer des pourboires. Faute d’être heureux, on consomme, faute d’aimer, on pratique une sexualité libérée et informée. La propagation des nouvelles maladies vénériennes a porté un coup à l’échangisme et aux orgies. L’isolement et l’enfermement sont de rigueur. Or plus l’homme s’assume conforme et interchangeable, plus il se reconnaît multiple. En renonçant à son intégrité il entre dans un jeu de rôles sociaux, son aliénation est fragmentation. Il peut en changer selon chaque situation mais doit toujours porter un masque. Dans la relation conjugale aussi. Si bien que les couples peuvent s’offrir des bacchanales à deux, variant les masques plus que les positions. Chaque épouse peut se croire Messaline, chaque mari se prendre pour Dom Juan et réaliser un fantasme de séduction et de collection s’étendant à l’humanité entière. Le partenaire lui offre en apparence tous les avantages de la variété. La singularité de son corps unique est effacée par la profusion des visages, le corps en fait est réduit à son sexe, l’homme à sa queue, la femme à un trou, la face à une image. La démultiplication débouche sur l’indifférenciation et la monotonie. Croyant réinventer l’amour, le couple moderne découvre la répétitivité mécanique de la pornographie. 17
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L’expulsion s’est déroulée dans la précipitation. L’archange a fait du zèle: comme s’il ne lui suffisait pas d’accomplir les sales besognes, d’être non seulement gardien et délateur mais aussi videur, encore fallait-il qu’il la fasse salement. L’homme s’est retrouvé nu en terre inconnue. Il s’est mis à marcher, s’enfonçant dans une lande aride qui n’en finissait pas, jusqu’à ce qu’épuisé il tombe à terre. Et s’endorme tel un nouveau-né. Il s’est réveillé grelottant et transi de froid au milieu de la nuit, a repris sa marche sans direction ni repère, juste pour se réchauffer. Quand l’aube a blanchi, le banni a levé les yeux au ciel et maudit son créateur. Or celui-ci, d’une part avait l’oreille fine, d’autre part ne pouvait se méprendre quant à l’origine de ces imprécations qui montaient jusqu’aux nues: il n’existait encore qu’un homme, une seule créature capable de les proférer, et leur claire sonorité n’était brouillée par aucune autre voix. L’horloger céleste, en dépit de la précision mathématique de ses tracés et orbites, est plus capricieux que logique. Et en outre se montre susceptible. S’il est une chose qu’il déteste, c’est d’être pris en faute, ne serait-ce que pour l’oubli véniel de vêtir sa créature, de la préserver du rhume qui n’était pas inclus dans le châtiment. Du fond des cieux, il a donc tonné. Les légions séraphiques se sont mises au garde-à-vous et l’archange est accouru prendre les ordres. Le créateur se veut large, le geste auguste, et ne se contente pas de demi-mesures. Il a fait choir, comme une pluie de météores, un largage de médicaments par la croix rouge ou une plaie sur les sujets de pharaon, quelques douzaines de valises en carton, pleines de tout le nécessaire du parfait robinson amateur. Sous cette grêle, l’homme n’a guère eu le temps de se garer, se protégeant la tête de ses bras, tandis que pleuvaient les mallettes sur son dos et ses épaules. Passé l’orage, quand il a regardé autour de lui, le désert était jonché de bagages répandus. Il lui fallait prélever quelques affaires mais il ne pourrait jamais les emporter toutes. Le mieux était de les empiler et d’en faire un grand bûcher. Il tremblait de froid et ne parvenait à penser qu’à un bon feu de joie, répugnant maintenant qu’il connaissait sa nudité à la couvrir. Il a essayé de déchirer un couvercle, mais il manquait de forces, n’ayant rien mangé après avoir croqué la pomme édénique, et le carton renforcé s’avérait résistant. Le voyant s’échiner, le créateur, pris de compassion, au premier juron lui a envoyé quelques hachettes. 19
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Rares sont les élus. Mais tout aussi rares sont les damnés. La plupart des pécheurs sont des misérables, plus malheureux que méchants. Ni saints ni démons, ni justes ni malins, ils sont des contradictions ambulantes, des êtres tirés du limon, des créatures d’argile. Faits de l’humus paradoxal, matière toujours recommencée, enterrement et régénération, boue salissante et engrais germinal, ils sont appelés «humains». Leur vie est courte, tout juste le temps de pécher et de se reproduire, il est déjà l’heure pour eux de prendre place dans la longue file des morts qui se pressent à l’entrée du ciel. Mais immanquablement, on leur refuse les ailes et on leur barre l’entrée. Le règlement exige qu’ils se purgent sur les lieux mêmes où ils ont commis leurs péchés, d’où le cycle infini des réincarnations sur une petite planète située entre l’inaccessible paradis céleste et l’infernal feu central, entre la nuit et le jour: le purgatoire. Seuls les anges choient, les pécheurs, eux, ne tombent pas du ciel, ils sont descendus par couples – car il faut être deux pour pécher – entortillés comme des appâts au bout d’une ligne que le pêcheur divin lance du haut de ses nuages dans le fleuve d’azur. Ils font office de vers car c’est en les tentant avec des créatures grouillantes qu’on capture les démons ailés qui infestent l’air. La ligne est tressée de cheveux d’anges. Les corps frétillants ainsi pendus dans le vide se débattent, essayant de relâcher leurs liens, de les desserrer et de dénouer les fils. Dès qu’ils se voient au dessus de la mer, à une distance raisonnable de la surface liquide, ils plongent sans hésiter, comptant sur la fluidité de l’eau pour amortir leur chute. Beaucoup se noient, mais quelques uns se font passer pour des naufragés auprès des marins qui les rescapent, certains finissent sur des îles désertes, d’autres doués de voix de castrat et d’oreille musicale chantent leurs malheurs en se dissimulant derrière les récifs, il est même arrivé qu’une pécheresse réapparaisse flottant sur une conque comme surgie des eaux. On les voit rarement tomber, et leur chute ne signifie pas qu’ils ont cherché à atteindre le soleil. Lorsqu’ils calculent mal leur point d’arrivée, trompés par le brouillard ou quelque bande d’oiseaux de mauvais augure qui leur aura bouché la vue, ils se fracassent au sol et la police s’affaire en vain à déchiffrer l’énigme de ces mystérieux cadavres écrasés à terre. On préfère s’en tenir à la version du suicide mais les plus sagaces parlent à mots couverts de défénestration. 21
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Lorsque le premier homme et la première femme, bannis d’éden, ont été descendus du ciel, la terre était un désert. La création n’avait encore qu’imprimé à la planète-toupie une rotation, afin de séparer la lumière des ténèbres, et imposé à sa croûte creusements et soulèvements, séismes et dérives, pour départager le limon des eaux. Le malheureux couple avait emporté du jardin céleste quelques graines avec l’espoir qu’elles s’adapteraient à leur nouveau terreau, mais savait qu’il leur faudrait attendre quelques siècles, voire millénaires, avant que la poussière verdisse, que les étamines poudroient, que la flore devienne féconde et que les haricots donnent des fûts capables de se hisser jusqu’aux nuages. Par ailleurs, que le serpent, de métamorphose en métamorphose, s’enfle jusqu’à devenir saurien puis rapetisse en mammifère. L’homme maugréait, regrettant d’avance toute sa sueur gâchée, tandis que la femme s’armait de courage et de fertilité, prévoyant que tous les bras seraient utiles. L’homme scrutait vainement le vide, déplorant de n’apercevoir aucune empreinte de dinosaure car il se sentait capable de dompter même un dragon. La femme évaluait la résistance du fil auquel ils étaient pendus, car elle imaginait bien que le climat terrestre ne devait certes pas être aussi amène que l’éternel été édénique et anticipait travaux d’aiguille et tissage, rêvant de pagnes en peau de panthère et d’étoles d’hermine domestique lovée autour de son cou. Aussi quelle ne fut pas leur surprise quand, au moment de toucher terre, alors qu’ils tendaient déjà leurs jambes pour tâter le sol, une meute de loups a surgi des quatre coins de l’horizon et en hurlant s’est précipitée pour les accueillir gueule ouverte. Le couple a commencé de se hisser à la mèche d’ange qui les retenait, afin de se mettre hors de portée des crocs aigus de ces réceptionnistes inattendus et peu aimables, tout en formulant mille hypothèses quant à l’origine de ces fauves anachroniques qui avaient échappé à l’attention de leur créateur omniscient. Le maudit barbu divin baissait encore un peu dans leur considération: il ne contrôlait même pas toutes les formes de vie que son prolifique génie engendrait. Or ils se trompaient: ces loups qui les cernaient n’étaient que l’incarnation de leurs propres désirs et craintes, de leur avidité veule; les fauves avaient d’instinct reconnu leurs maîtres et, tout en grondant furieusement, étaient déjà prêts à leur lécher serviles la main, à se coucher à leurs pieds. C’étaient des chiens. 23
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Le démon de l’analogie pousse l’homme à identifier dans le dessin fugace des nuages des figures qui, bien interprétées, l’éclaireraient sur sa destinée, déjà inscrite dans les nues au delà du visible. Il ne fait que se projeter dans ces formes mouvantes: le guerrier y voit des armées fantomatiques, le berger des troupeaux, le captif des chevaux venus le délivrer et l’amoureuse des cygnes prêts à l’emporter sur leurs ailes. Pour percevoir ces esquisses fantasmagoriques, il faut d’abord parvenir à s’abstraire de l’ensemble, se focaliser sur un détail, recadrer l’image, isoler une fugitive configuration de la masse cotonneuse qui tend à absorber ces motifs éphémères, à les recycler pour en construire de nouveaux. De toute manière, l’homme est trop petit, voire mesquin, pour percevoir le jour dans son entier. Le jour est un immense chien, aux dimensions de l’espace. La roue du soleil est son œil jaune et les nuages ne sont que la condensation de son haleine. Il bave la pluie, grogne le tonnerre, laisse parfois pendre sa langue au couchant mais maintient obstinément ses mâchoires serrées, ses babines relevées pour ne pas montrer ses crocs. Car les dents du jour croquent et déchirent des galaxies entières qui, observées une nuit, ont disparu le lendemain. Ceux qui confondent les éclairs avec les canines du jour n’ont en fait vu qu’un lambeau d’étoile, un éclat qu’il aura recraché. Les planètes, il les avale sans même les mâcher. Le ciel est sa balle avec laquelle il joue. Qui a vu les dents du jour sait qu’il suffirait d’une pression, pas même une morsure, pour faire éclater la fine peau du ballon. Si la terre continue sa course, c’est qu’il la dédaigne, miette dont il ne ferait qu’une bouchée. Il est en quête d’os plus consistants. Il arrive que le ciel se couvre, que la lumière s’obscurcisse, qu’il fasse presque nuit en plein jour. Les causes peuvent être diverses: s’il s’agit du déluge, quand l’air lui-même se liquéfie, c’est qu’il soulage sa vessie et lève la patte pour marquer son territoire cosmique, si l’air s’épaissit en poix, c’est qu’il lâche une crotte, si le soleil ne reparaît pas, c’est que le mâtin du jour nouveau à naître s’est enfui, talonné par les molosses de la nuit. Car, on l’aura compris, le chien diurne est lâche, mollasson, avachi, dégénéré par trop de croisements consanguins, gavé de trop de pâtée céleste, ne pensant plus qu’à sa sieste et sa digestion. En vérité, assoupi, il feint de veiller. Si le soleil brille encore, c’est qu’il a appris à dormir l’œil ouvert. 25
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Quand l’obscurité monte à l’orient, c’est le chien des ténèbres qui vient relever son collègue diurne. Car la nuit est un chien, dont on peut retracer les formes en suivant le dessin des constellations. C’est un roquet au poil noir, bâtard sans race mais qui a conservé quelques traits du loup originel. Toujours aux aguets, il cligne de son œil lunaire qu’il braque sur la planète comme un projecteur balayant le pénitencier. Quand l’œil est rouge, injecté de sang, c’est l’alarme, l’apocalypse n’est pas loin, l’armée des anges a traversé l’espace, les trompettes de son avant-garde sonnent comme un canard interrompant brutalement la musique des sphères. Quand l’œil est blanc, comme gonflé de lait, c’est la larme et sur terre la saison des pluies commence, d’abord les plaies, sauterelles, taons et crapauds, et après eux le déluge. Il assiste régulièrement à la fin du monde puis s’ébroue, les gouttelettes qu’il éclabousse et les étincelles lâchées par son poil électrique sont les nébuleuses et les étoiles que nous apercevons. Et si le ciel nocturne est noir, parfaitement opaque, c’est que le chien de la nuit s’est couché sur le monde, obstruant l’observation, bouchant les télescopes, nous tournant le dos, couvrant d’une chape de ténèbres nos projets, effaçant nos destins d’une indélébile tache d’encre, éteignant tout espoir durant quelques heures, rejetant les amants à l’obscurité des draps et les coupables à la noirceur de leurs desseins. Indifférent à nos angoisses, prenant la terre pour un gravillon si même il l’aperçoit, il ronge pendant ce temps l’os de la voie lactée ou s’amuse folâtre à faire pivoter sur sa truffe des galaxies lointaines ou encore jongle avec les planètes. Il faut bien passer le temps. Son tour de garde est, incompréhensiblement, toujours plus long que celui de son collègue diurne. En fait, il est chien d’arrêt, ce qu’il aime c’est chasser. Personne ne saurait lui échapper, son flair est infaillible. Il suivra toute piste. On crierait au miracle si ses traques n’étaient semées de sang, ponctuées de crimes. Il est, malgré son opacité ou à travers elle, la révélation. Aussi, nombreux sont ceux qui choisissent de se laisser guider par lui, préférant le fil entortillé d’une conscience coupable au pointillé rectiligne d’une routine frivole, quitte à se crever les yeux pour ne pas perdre sa trace de suie après l’incendie. Ils se bandent les yeux à l’aube, pour n’avoir pas à constater sa fuite, pour ne pas regretter surtout leur vain aveuglement. 27
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Les morts qui se voient refuser l’entrée au paradis sont rejetés là d’où ils viennent: au purgatoire, sur terre. Pas pour y renaître, seulement pour y pourrir. Tout au plus peuvent-ils se réincarner parcellairement, une couleur d’yeux chez untel, la forme du menton chez tel autre, décomposés par la mort avant même que les vers se mettent à l’ouvrage. La mort fait maigrir. La plupart n’avaient plus en se présentant au guichet que la peau et les os – et encore, car les mesures d’hygiène préconisent d’emplir le cercueil de chaux vive, si bien que les morts n’en ressortent que sous forme de squelettes blanchis et ne se reconnaîtraient pas s’ils se voyaient dans le miroir. Ils retombent donc en pluie d’os, squelettes désarticulés, momies ou corps n’en finissant pas de se putréfier, sur la tête de leurs descendants et chaque famille reçoit sa part de cadavres. Tout homme naît à son insu au milieu d’un charnier. Les morts sont ses vrais parents et parasites, qui l’entourent, l’envahissent: il hérite du nez de cet aïeul dont sa mère a inconsciemment dévoré le visage, ou de cette déficience provoquée par la syphilis soignée à coups de saignées, legs de son arrière-grand-père qui lui-même l’avait reçue d’un ancêtre prélat à la cour des Borgias. Les trépassés ont laissé des crimes inconnus, secrets soigneusement enterrés, dont leurs descendants devront porter la culpabilité comme une mélancolie dont ils ignorent l’origine, ainsi que des projets que leurs petits enfants auront à cœur de réaliser sans savoir que cette obsession exaltée leur a été sanguinement transmise. Les vivants ne sont pourtant pas dupes. Ils ont l’intuition d’une succession, la présomption d’appartenir à une chaîne, un lignage qui les condamne et pose la limite de leur individualité originale. Au contraire, s’ils peuvent concevoir une relation avec un étranger, même sous la forme de la rivalité ou du conflit, c’est qu’ils savent obscurément que celui-ci est leur frère bâtard, porteur des mêmes gènes et tares que lui aura légués un ancêtre commun. Les morts sont un poids et un encombrement. Ils sont le passé toujours présent, toujours menaçant, ils durent, s’éternisent. Aussi les vifs ont-ils établi un culte des morts pour mieux les écraser sous le rite, les oublier. Sans s’en débarrasser pour autant, car c’est leur squelette qui, intériorisé, soutient leurs propres entrailles et entrave leurs gestes. Il arrive néanmoins qu’un homme tombe amoureux d’une morte et baise en soi, incestueusement, ses ossements chéris. 29
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Ce n’est, paraît-il, qu’à partir d’une certaine proportion que les étrangers sont perçus comme une menace. Or les vivants ont beau forniquer, ils ne se reproduisent jamais aussi vite que les morts. Si bien que périodiquement les défunts sont victimes d’exhumation, crémation, dispersion des cendres et expulsions massives, puisque dans leur cas pogroms et massacres seraient vains. On réquisitionne leurs cimetières, on viole leurs tombes, on envahit leurs ghettos sépulcraux et on les chasse de la cité. On les met à l’écart comme les lépreux d’antan; toutefois, comme leurs osselets qui s’entrechoquent s’entendent de loin, on les dispense du port de la crécelle. Faute de muscles et de tendons, les squelettes marchent avec difficulté, s’écroulent au moindre obstacle et doivent concentrer tous leurs efforts à se maintenir intégraux. Les morts les plus frais portent les autres, les plus abîmés servent de béquilles, ceux qui commencent à se démanteler s’entassent dans une charrette. Maugréant sur l’ingratitude de leurs descendants, ils ont entrepris un long exode vers une terre promise et secrète, sur le modèle du mythique cimetière des éléphants, où leurs os pourront enfin reposer en paix, sans qu’on leur dispute la maigre fosse qu’ils occupent. Leur cortège a tout d’une armée en déroute. Les charognards les suivent dans l’espérance de récolter quelques osselets semés. Les malheureux n’ont que leurs tibias pour se défendre des loups! La mauvaise conscience renforçant la répugnance, les vivants s’enfuient à mesure que leur lugubre troupe avance. Les trépassés en profitent pour charger les troncs abattus par les bûcherons et déclouer les chauve-souris des portes des granges afin de récupérer les pointes: ils en auront besoin pour reconstruire leurs cercueils. Guerres et épidémies aidant, leurs rangs vont grossissant tandis que la terre se dépeuple. Souvent, ceux-là mêmes qui les ont condamnés à l’exil sont contraints de les rejoindre. Ils pourraient se prévaloir de leur nombre croissant pour réclamer une portion d’espace fatal. Mais ils sont fatigués, n’aspirent qu’au repos. Ils aimeraient ne pas effrayer les vivants, qu’ils appellent parents. Ils ne leur envient pas les caveaux empilés ou montés sur roues où leur précieuse mobilité est enfermée. Discrets, ils s’effaceraient volontiers. Les morts ont déjà l’expérience de la vie, qui n’est que scatologie et vanité. Ils ont embrassé la terre, l’ont prise pour ultime compagne, avec l’espoir qu’après leur passage l’herbe repoussera. 31
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Au fond des entrailles ou au fond du crâne – car la tête n’est qu’une panse durcie, le cerveau un intestin aux circonvolutions agglomérées, méninges et tripes formant un système d’égouts parallèles alimentés par les mêmes orifices, buccaux et oculaires (la langue fixe un rapport de taille entre les yeux et le ventre qu’elle met en paradigme) –, il est une cave, ou un grenier, où l’esprit dépose les ossements indigestes de ses crimes mentaux, de ses désirs meurtriers, des êtres chers sacrifiés et des adversaires symboliquement assassinés depuis la tendre enfance. Les squelettes paternels, car le père est tué à répétition, dominent, mais ce sépulcre intérieur abrite aussi les os du meilleur ami abattu le jour où il s’est montré plus chanceux, de la maîtresse d’école lapidée pour venger une punition injuste, du chauffard anonyme coursé, coincé dans un cul de sac et impitoyablement mitraillé, du rival amoureux liquidé d’un cocktail empoisonné où l’écœurante douceur de la liqueur cachait la saveur d’amande amère, et tant d’autres oubliés dès qu’éliminés. Si les yeux étaient des pistolets, la terre serait depuis longtemps un désert. D’ailleurs le tas grossit quotidiennement car en cet univers de compétition où tous se bousculent et se marchent sur les pieds, les occasions de carnage virtuel pour solde de tout compte définitivement réglé ne manquent pas. Il ne se passe pas une journée sans que la moutarde monte au nez et, si la bouche ravale ses invectives et le bras retient son geste, l’esprit n’en porte pas moins des coups fatals. Les ossements mentaux occuperaient bientôt le corps entier, obstruant tous les organes, si le cloaque digestif et ressentimental ne sécrétait aussi des rats pour nettoyer ses combles. Ces rongeurs spirituels naissent des remords et se nourrissent des vœux inaccomplis. Les héros peuvent engendrer et enfermer dans leur cage thoracique quelque vautour prométhéen mais les esprits vulgaires ne sont capables de produire que de gros rats. Très gros même, de la taille d’un bœuf mental. Et affamés. Ils se repaissent des cadavres semés par des velléités de revanche sur le système qui nous oppresse et d’abord ceux de nos semblables qui s’en sortent mieux que nous. Ils rongent les squelettes de nos lâchetés, blanchissent notre âme. Il faut les alimenter sans trêve. La psyché est un abattoir. Le visage n’en laisse toutefois rien paraître, bardé d’un hypocrite sourire. Et les journaux brodent sur la solitude et l’agressivité du monde moderne. 33
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Le paysage est un animal composite. Le souvenir fossilisé de ses habitants forme ses collines, où l’on distingue sans difficulté l’échine d’un dinosaure disparu, ses rochers où l’on reconnaît les monstrueuses écailles de sauriens antédiluviens, et toute cette fourrure végétale qui ne parvient pas à oublier son existence sousmarine flottante d’avant l’abaissement du niveau des eaux et le soulèvement, insurrectionnel et chaotique, du relief. L’érosion du paysage a comblé les failles qui séparaient à gros traits visibles une forme animale d’une autre, qui opposaient le béhémoth mythique au bison rupestre, pour créer d’un simple effet de flou, par effacement de frontière, monstres et amphisbènes, énigmatiques sphinx au corps de lionne et au sourire de Joconde. Les êtres légendaires, hydres et dragons, dont les anciens cartographes peuplaient leurs mappemondes doivent être lus, non comme des représentations imaginaires, encore moins comme des motifs décoratifs, mais littéralement comme des figures figées du paysage – ils travaillaient souvent à de larges échelles, si bien que là où ils ont dessiné quelque fabuleuse chimère, le voyageur ou le marin n’en verront que la crête. Il en est une entre toutes qui, bien que l’essence matricielle, maternelle même, de la terre soit communément admise, positivement reconnue – ne serait-ce qu’au travers du genre des noms désignant les parties du paysage: butte, montagne, colline, caverne, grotte, ravine… – se laisse rarement appréhender par l’observateur, pudique telle une déesse surprise au bain, c’est au sein du paysage la forme féminine. Car avant tout le paysage est femme. Elle préfère les déserts pour exposer, loin des regards voyeurs, ses rondeurs en dunes, les eaux pour surgir dans sa nudité comme s’enfantant elle-même. Elle couvre de végétation, feuilles de vigne ou denses frondaisons, les courbes rebondies de sa croupe, cache ses fraîches et cascadantes anfractuosités sous le couvert des forêts, se fond dans les baies et golfes de sa côte originelle. Mais qui se laisse séduire par «l’hallucination simple» et ne balaie pas d’un revers de manche les mirages, l’aura aperçue au bout de sa route, dansant, nuage ou tourbillon de poussière, au-dessus des tertres et mamelons qui ne sont que ses tournoyantes crinolines. Elle lui tend les bras, arrondit sa bouche solaire en baiser, écarte ses cuisses en vallée. Mais le temps de se frotter les yeux, elle a disparu, le paysage a changé. Car après tout le paysage est femme. 35
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Le plus trompeur dans le paysage, c’est son aspect pérenne. Les reliefs les plus torturés paraissent se dresser de toute éternité et leur âge vénérable lime leurs arêtes. Fors les villes, l’intervention humaine a tenu à se montrer discrète sinon invisible. La ruse la plus traîtresse de la terre consiste à s’afficher accueillante. À faire oublier le servage qui a tracé ses sillons et planté ses buissons, les hécatombes qui les ont abreuvés de leur sang, les champs d’honneur qui les ont engraissés de leurs cadavres, et les plans quinquennaux, les déboisages, les barrages, le tracé des frontières, les déplacements de populations, l’exode rural, les migrations pendulaires et la désertification. Le paysage a été retouché, stabilisé. La terre exhibe sur sa face visible l’échec du dessein du «domaine d’Arnheim». La nature reste un modèle mythique, un alibi: le panorama s’efforce, sans s’esthétiser ostensiblement, de ressembler à un tableau, de paraître «plus vrai que nature». Et la nature se prête au jeu, se laisse piétiner, empierrer, expulser et réinventer plus conforme aux normes sociales, fécondité retenue, destruction dissuadée, dommages collatéraux dérisoires. Nature paisible, rassurante, «sage comme une image». Le paysage se tient quiet, anesthésié, repu ou moribond. Mais il aura suffi du battement d’ailes d’un papillon pour le réveiller. La nature encore endormie s’étire et d’un séisme avale une ville, d’un cyclone abat une forêt, d’un hoquet soulève une montagne, d’un souffle éteint une vallée. La gravité du paysage était illusoire, il ne tenait pas plus solidement qu’une toile peinte, un décor. Ses fortifications rocheuses, son immobilité pétrifiée, sa minéralité étaient minées. Ses plates-bandes, son ordonnance de parc, sa mollesse ondoyante et verdoyante étaient menacées. Les termites n’ont jamais fait relâche. Le désert n’a cessé d’avancer souterrainement. Le mildiou toujours épiait. À mesure que le naturel était chassé, l’équilibre renversé, oiseaux et reptiles changeaient de régime. Les chèvres se sont mises à manger des déchets et des sacs de plastique, les loups sont devenus végétariens et les lapins carnassiers. Les rats ont réussi à engraisser. Les hommes se sont résignés à bouffer de la merde. Si bien que quand la nature, balayant d’un revers de main le paysage, a fait crouler d’un petit coup de pouce les cités, quand la catastrophe s’est déclenchée et qu’on a compris qu’il ne resterait pas pierre sur pierre, qu’il faudrait tout reconstruire, certains se sont sentis soulagés. 37
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Le but atteint du voyage signifie sa fin, arriver est échouer. Chaque voyage, comme un dé relancé, réactualise la possibilité, jusqu’alors toujours contrariée, de s’égarer. Sur une voie tracée dès la naissance, la moindre forêt a représenté une tentation dont tous savaient que les dangers, dans la bouche des parents, avaient été exagérés voire totalement fantasmés. Mais ce n’était pas le péril ou le défi qui se révélait si attirant, simplement la certitude qu’un détour, un pas de côté, une rencontre de hasard pouvaient changer irréversiblement le destin. L’homme est rarement satisfait de son état. L’hypothèse d’une autre vie est irrésistible. Adulte, il ne peut réprimer une attraction pour les lieux dits de perdition. Voyager c’est donc chercher à s’éloigner de soi. Aussi le voyageur, oublieux de son expulsion, des valises bouclées à la hâte, des horaires, des itinéraires, se retrouve-t-il sur une route sans commencement ni fin dont il sait seulement qu’elle ne mène pas où son désir l’appelle. Il ne saurait mieux caractériser la contrée qu’il cherche car c’est justement son côté «inconnu» qui la définit. En l’absence de fléchage, toute direction est bonne à condition de s’écarter de ce ruban ombilical, trace phosphorescente laissée par quelque limace patriarcale sinon divine, où il se trouve englué tel une mouche. Il ne parvient pas à faire son deuil du ciel, à s’habituer à l’idée qu’il a dû remballer ses ailes et que, de tous les points cardinaux, le zénith lui est fermé. Ses valises sont probablement pleines de plumes mais elles pèsent leur poids de plomb. Elles sont sur terre son rocher qu’il lui faut pousser, sa mémoire devenue boulet. Il agite vainement les bras en tous sens, au cas où passerait une soucoupe qui voudrait l’enlever, un tapis volant, un oiseau roc, un vol d’oies sauvages, un vautour généreux ou affamé. Mais le ciel est vide. Même la voie lactée s’est éteinte. Il est un petit poucet dans le noir. Il n’y a pas l’ombre d’un arbre pour y grimper et tâcher de repérer la lueur tremblotante d’une chandelle à la fenêtre d’une cabane enfouie au plus profond de la forêt. Il n’y a ni forêt ni masure. Pas même d’ogre. Pas de monstre à affronter dans ce labyrinthe sans murs dont le centre est partout et la circonférence nulle part. Attelé à son passé, ployant sous la chimère de ses secrets, incapable de résoudre sa propre énigme, condamné, à l’instar du juif errant, à ne jamais pouvoir s’arrêter, rester sur place, il ne lui reste qu’à avancer. Hue! le fouette l’air vif. 39
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L’homme a oublié qu’il est un vaisseau. Sa socialisation lui fait prendre pour un phénomène naturel de grégarisme son enrôlement dans l’armada. Il ne voit que ses semblables, oubliant l’océan qui les entoure, les vagues qui les séparent, les marées qui les poussent les uns vers les autres avant de les faire refluer chacun vers son ponton solitaire aux yeux horribles. Il ne voit plus sa maison comme une île, les bras aimés comme un havre, la vie comme une traversée. Il ne se fie plus aux étoiles pour le guider. Et il a oublié son fret, sa raison d’être. L’homme est un navire, ou un avion, voire un camion, au pire une charrette, qui transporte dans ses flancs des images du monde, matière première de l’imaginaire qui pourra transformer le monde. Sur des passerelles et escalators invisibles, sensations et idées pénètrent dans la carlingue de sa tête, par les yeux, la bouche et les oreilles, avant de s’entasser dans les soutes de son crâne. Elles ressortiront lors d’une escale par la bouche ou l’occiput. Car les idées ont besoin de voyager pour former leur genèse. L’homme se contente de naviguer. La vie moderne, dite active, réduit curieusement son champ d’exploration, soit en le cantonnant dans des circuits routiniers, fermés, soit en ordonnant tous les lointains selon un modèle unique d’exotisme où chaque port en vaut un autre. Tous les aéroports se ressemblent, et les centres commerciaux sont conçus comme des aéroports d’où l’on ne décolle pas. Cette vaine navigation, pas même de plaisance, où l’homme à l’instar de la planète ne fait que tourner en rond, fait partie des grandes manœuvres permanentes dans une société où tout travail participe à l’effort de guerre et où le combat fratricide a été rebaptisé compétition. Il importe de ne pas relâcher la tension ni la vigilance, courir, bouger, s’agiter. Toujours à la roue, à la noria, au manège. Du coup, les idées sont secouées mais font essentiellement du sur-place, écureuils imprévoyants faisant tourner à vide le moulin de l’esprit. Voyages, explorations, découvertes restent virtuels, bientôt numérisés, contrôlés, censurés dans un espace binaire, mathématique, indifférent. Les têtes sont en cale sèche, au radoub, sur étais, flottant à peine, prenant l’eau et hors d’état de prendre la mer. Les idées s’y engouffrent et en ressortent comme dans une gare de carton-pâte bâtie pour un décor de film, attraction racoleuse de fête foraine, en trompe-l’œil et en trois dimensions, d’où ne saurait jamais partir aucun train. 41
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La vie est un fleuve tourmenté, dessinant tant de méandres que les cartographes s’y perdent et ont renoncé à tracer un cours si instable et capricieux. Son débit est irrégulier et imprévisible: parfois un déluge se prolongeant pendant des semaines d’affilée ne suffit pas à grossir le filet d’eau qui serpente au fond de son lit, mais il arrive qu’une simple averse le fasse déborder. Aussi, sans compter avec les cascades et les zones de rapides, le parcours accidenté de la vie est-il jugé indéniablement dangereux. Les naufrages ne se comptent plus et le fleuve charrie les corps des noyés qu’il dépose comme des alluvions au creux de ses anses. Nombreux sont ceux qui, dès qu’ils parviennent à s’agripper à quelque rocher en surplomb ou aux rameaux d’un arbuste poussé sur la berge, se hissent hors de l’eau et ne quitteront plus la rive, regardant désormais couler le fleuve de la vie sans s’y baigner. Pourtant, la plupart se laissent flotter. Certains voudraient, à l’instar du saumon, remonter à la source où ils ont abandonné leur enfance. Les humains, sans être amphibies, sont bien adaptés au milieu aqueux, n’ayant jamais totalement perdu leur atavisme piscifère ni coupé leurs racines ichtyoïdes, conservant imprimée dans leurs gènes la mémoire d’une évolution ayant démarré dans les fonds sous-marins que le liquide amniotique, pendant la période de gestation, et la saumure formolée, pour la conserve post mortem en laboratoire, s’efforcent de recréer. Brisset avait relevé la frappante similitude formelle du fœtus avec le têtard. L’homme, chimiquement, est essentiellement constitué d’eau. Il est presque remarquable qu’il ne soit pas soluble. L’air même qu’il respire n’est au fond que de la flotte vaporisée. Contestant une hypothétique origine angélique aujourd’hui largement mise en cause, diverses théories attribuent à l’humanité des ancêtres tritons et sirènes, généalogie attestée par bien des mythes. Certaines sectes se consacrant au déchiffrage et à l’interprétation des textes mystiques assimilent le fleuve de la vie avec celui de la mort et proclament que la vraie vie commence après la noyade car il est avéré que les noyés souvent parcourent des distances bien supérieures à celle que peut couvrir même un bon nageur. Seule une telle thèse peut consoler les parents de tous les innocents disparus au premier plongeon, qui ont coulé sans jamais remonter à la surface. De toute façon, tous sont tôt ou tard emportés jusqu’au grand magma océanique où ils se dissolvent pour être recyclés. 43
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L’homme n’est qu’un gamin. On a beau le punir, il n’apprend jamais la leçon. Quand il a trouvé un truc, il n’en démord pas. Tout bébé, il aime déjà les jeux de construction. Pour mieux les renverser. Le créateur a jeté bas la tour de Babel, a fulminé Sodome et Gomorrhe, a rasé Carthage, a lancé ses huns sur Rome pour la démolir, a laissé crouler Cluny, bombarder Dresde, percuter les tours jumelles, l’homme n’en continue pas moins de construire obstinément. Dans l’immémorial conflit opposant le nomade au sédentaire, Caïn a été châtié mais ses enfants restent persuadés qu’il a vaincu. Et, passés d’une société rurale à une civilisation urbaine, se sont recyclés dans le bâtiment. On veut nous faire croire que la maison est l’archétype humain le plus universel: il paraît que les enfants africains qui vivent soit dans des cases, soit dans des baraques de tôle, soit dans des constructions de béton, dessinent spontanément des maisonnettes rectangulaires à toit rouge, comme s’ils portaient le modèle du pavillon de banlieue occidental dans leurs gènes! Les maladies peuvent se répandre et décimer les habitants, les populations vieillir et diminuer, on ne cesse de bâtir pour autant. Pourtant, les seuls monuments humains qui résistent au temps sont des tombeaux. La matrice de la cité humaine est le cimetière. Car l’homme détruit encore plus vite qu’il ne construit. La propre idée d’apocalypse n’est que projection dans l’avenir d’images trop connues du passé. Le créateur n’a même pas, en fait, à intervenir, l’homme, seule espèce animale dont les membres s’attaquent systématiquement à leurs semblables, se charge de tout. Juge et partie, il exécute avant même que le verdict soit prononcé. Il se veut maître du destin. Étant parvenu facilement à imaginer la fin du monde, il n’a plus qu’à l’accomplir. Après lui le déluge. Dieux ou forces cosmiques n’ont pas à se salir les mains en les mettant à la pâte. Tout au plus les mouvements telluriques peuvent-ils donner un coup de pouce, le Vésuve ensevelir Pompéi ou la montagne pelée balayer Saint Pierre. L’homme a la mémoire courte. Il a incendié la bibliothèque d’Alexandrie pour mieux oublier le passé. Il n’hésiterait pas à y mettre à nouveau le feu, rien que pour toucher l’assurance. Spécialiste des ruines, son œuvre véritable se compose de cendres, dispersée en nuages. Il se prétend architecte mais préfère faire table rase. L’apocalypse n’est jamais totale, il y a toujours des survivants, c’est pourquoi il faut toujours la recommencer. 45
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Les geôles mentales comprennent de nombreux cachots et autant de cages où enfermer les culpabilités trop lourdes, les désirs trop indécents, les envies inavouables, toute la lie de notre psychisme. Certains prisonniers y sont morts, d’inanition, et se sont transformés en fantômes. Les cellules ne communiquent pas entre elles mais nombre de souterrains y ont été creusés, si bien que le pénitencier mental, plus troué qu’un fromage, fonctionne comme un inextricable enchevêtrement de labyrinthes emboîtés. Selon le principe des oubliettes, il n’y a pas de gardiens. Une fois plongé dans le puits psychique, l’acte contrevenant ou le désir censuré est abandonné. En revanche, les monstres hantent la place. Ainsi que les parasites, incarnations du refoulé. Au bout du boyau, le rat butte contre les barreaux de la cage du furet. Les deux rongeurs ont vainement tenté de se mordre et de se griffer: les barreaux sont trop serrés pour y passer le museau, les cages trop instables pour ne pas avoir à s’agripper des pieds et des mains. Ils essaient alors d’autres tactiques. Le furet: «Moi au moins, je lui sers d’étole intérieure, j’embellis son âme et lui tiens chaud, tandis que tu transportes accrochée à tes poils toute la fange de ses pensées mauvaises. Son esprit me choie. Toi, tu lui répugnes!» Le rat ricane: «Tu te prends pour un vison mais tu n’es qu’un putois qui lui empestes l’âme! Moi, je fais l’éboueur, ça n’est pas reluisant mais au moins c’est utile. Tout ton raffinement ne t’a pas empêché de te retrouver au fond du trou, dans le même cloaque que moi!» Le furet réplique: «J’incarne ses fantasmes les plus secrets, je suis le sésame qui lui ouvre les cavernes du bois-mesdames. Alors que tu n’évoques au mieux que ce supplice chinois du rat enfilé dans l’anus. Je suis sexuel quand tu n’es qu’excrémentiel. Tu es le symbole matérialisé du mal et de l’horreur.» Le rat rétorque: «Tu es l’image même de ce dont il faut se méfier. Ton pelage velouté est indice de richesse, ta fourrure s’associe aux perles dans un cliché d’érotisme pervers, mais en fait de perles tu n’as à offrir que tes dents pointues et au coin de ce luxe luxurieux coule un filet de sang. Ne cherche pas à te faire moins avide et impitoyable que tu n’es!» Le furet pour toute réponse essaie de l’éborgner, de lui arracher les yeux, le rat s’efforce de lui saisir la queue. Le combat peut durer longtemps car il n’y a ni juge ni récompense, ni arbitre ni prix, ni chat ni petit lapin dans les taules de l’esprit. 47
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Les formes se cherchent. La vie est essentiellement une combinatoire. Les organismes diffèrent dans leur arrangement, pas dans leur composition. Le génome d’une simple plante et celui d’un mammifère dit supérieur ne se distinguent pas en nature, ils sont, sinon semblables, égaux. Aussi, une cellule peut virtuellement engendrer n’importe quelle créature, depuis le lichen ou la puce jusqu’au chêne ou l’éléphant. Mais, ayant composé, en s’entortillant sur soi trois, sept ou dix fois, comme on tourne sa langue dans sa bouche, le programme d’une défense, d’une carapace ou d’une feuille dentelée, la production est lancée et ne reviendra plus en arrière. Et encore! Il peut y avoir des blocages, des arrêts, des hésitations dans la mécanique de la reproduction. La médecine collectionne les curiosités anatomiques, fœtus humain à tête de mouton, homme-éléphant, sœurs siamoises et autres phénomènes de foire. Les mythes, mais également les récits de voyageurs, font état de monstres de tout ordre, où diverses espèces s’accouplent dans un même corps, de la sirène au minotaure. Tous tiennent du sphinx et de l’énigme. Car à chaque scission de la cellule initiale s’opère une mutation, la possibilité d’un changement de plan, l’établissement de nouveaux croquis, et les dés sont relancés. Ce qui s’est amorcé tête peut se poursuivre cul, ce qui bourgeonnait végétal peut s’autonomiser, articuler en pattes ses racines et pour finir éclore animal. Dans ce processus de genèse chaque fois recommencée qu’est la formation d’un être, le remarquable serait plutôt que le reptile au fond de l’homme laisse son minuscule cerveau être étouffé par le cortex et ses écailles s’attendrir en peau. L’étonnant, c’est ce paradoxe de la physique quantique qui, alors qu’il établit qu’il ne saurait exister de stabilité que statistique, que toute unité est accidentelle, rencontre en pratique si peu de ratés, de créations défectueuses ou monstrueuses! Que seuls ongles, poils et cheveux poussent! Que nous ne changions pas de tête ou de sexe à tout instant! Nous portons en nous toute la création, au front une couronne de laurier, un poisson rouge dans la bouche, un vautour dans le foie. Tout homme devrait envisager, avant de s’endormir, l’hypothèse de s’éveiller le lendemain changé en cafard ou en vermine. Car au fond qu’est-ce qu’un homme? Tout au plus, si l’on en croit le philosophe, se distinguet-il par la conscience scatologique d’être habité par un squelette. 49
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C’est parce qu’elle est toujours en contradiction avec elle-même que la conscience peut atteindre la poésie, à force d’hermétisme, de métaphores, de cryptage et de lapsus, afin de s’aveugler, se tromper avec la vérité, être sa propre dupe et finir par formuler l’intraduisible qui dépasse son entendement. En comparaison, l’inconscient est simple, brute un peu rude, voire violente, ignorant vernis, politesse ou diplomatie, fonçant droit, cravachant le langage, sa monture herbicide. La conscience a toutes les infinies complications de l’administration d’un empire policé, alors que l’inconscient barbare la cerne, l’attaque, l’envahit comme en passant, dans l’élan de sa course nomade, ne s’emparant des bijoux ciselés que pour en fondre l’or, incendiant les palais, mutilant les statues, lacérant tapisseries et brocarts, bref saccageant le beau langage et n’en retenant que quelques colifichets précieux ou brillants, sans distinguer les gemmes de la verroterie ni l’orfèvrerie de la pacotille. L’inconscient est littéral, ne créant d’image que par association, presque par hasard, par défaut. Les figures qui l’habitent doivent simultanément dissimuler leur avidité et la satisfaire, la cacher afin de mieux l’exaucer. Tels des cambrioleurs, les êtres de l’inconscient portent des masques pour ne pas être reconnus mais se dénoncent justement par le loup qu’ils arborent, comme une star derrière ses lunettes noires. Le loup sur le visage révèle plus qu’il ne protège. En outre, l’inconscient traduit le caractère anormal, sauvage, chimérique, assez rare et scandaleux pour que d’aucuns même n’y croient pas, des sentiments qu’il sécrète par l’attribut de la licorne dont il orne le front de ses créatures, en une longue pointe osseuse, une agressive épée crânienne. Si bien que lorsque les désirs inconscients pénètrent, par effraction ou distraction, la conscience, ils paraissent, ainsi affublés de masques fabuleux, sortir de quelque bal costumé ou d’un carnaval vénitien. Mais cette première impression, troublante comme l’apparition, dans un roman de chevalerie médiéval, d’une vierge au milieu de la forêt, mystérieuse mais inoffensive, ne dure pas. Car les loups collent à la peau, les minois s’allongent en museaux, se prolongent de cornes pointues et la ronde festive se transforme en meute furieuse. L’image initiale, un peu anachronique, comme tirée d’une enluminure de parchemin, se déchire sous leurs pointes, leurs cornes, griffes et crocs, et la férocité de l’instinct se rue en hurlant contre les barreaux de l’esprit. 51
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La voyageuse s’est attardée. Bien qu’elle voyage léger, sa valise est pénible à porter. Elle sent ses jambes lourdes et ses pieds endoloris. Elle n’arrivera pas à l’auberge avant la nuit. L’étoile du berger est déjà levée, elle ne sait si phare pour la guider ou projecteur pour la surveiller. Lorsqu’elle a été expulsée, elle a été condamnée à enfanter dans la douleur, pas à errer sur la terre hostile. Elle a cru échapper au châtiment en se séparant de son mâle mais commence à penser qu’il représentait un moindre mal. L’œil stellaire au centre du ciel l’incommode par sa fixité. Elle préfère encore le danger des ombres à l’inquisition de cette lumière et se réfugie sous le couvert de la forêt. Le sentier sous les frondaisons paraît une coulée de lait par contraste avec l’obscurité régnante. Elle comprend que le bois est un lieu mental où sont convoqués peurs et fantasmes matérialisés sous forme de bêtes fauves, de nains et elfes, ogresses et sorcières, présences pas nécessairement malveillantes mais toujours inquiétantes. Or les plus effrayantes ne sont que des perversions du désir entendu littéralement: Qui saurait apprécier notre chair mieux qu’un ogre? Qui pourrait nous bercer et protéger mieux qu’un géant? Qui mieux qu’un lutin pourrait se glisser dans les recoins cachés de notre corps? À quel confident plus sûr et plus discret qu’un petit animal confier nos secrets? Le serpent, rampant et visqueux, est à l’évidence une menace purement symbolique. La crainte que nous inspire la forêt n’est au fond que crainte de nous-mêmes, car l’inconnu que nous recelons est certainement plus profond et périlleux que les dangers naturels ou les monstres mythiques qui peuplent les bois. Harassée, la voyageuse s’engage dans le fourré, ouvre sa valise, étend sur le sol un foulard pour s’y coucher, s’apprête à passer la nuit à la belle, bien que maintenant invisible, étoile tout en guettant le surgissement de visiteurs à la fois craints et attendus. Le bois est habité et, entre coassements et croassements, stridences d’insectes et trilles d’oiseaux, un véritable concert éclate dès qu’elle s’allonge, aubade de bienvenue apparemment en son honneur comme si jusqu’à son arrivée la forêt avait retenu sa respiration. Des bruits furtifs s’y mêlent et la voyageuse, dans cet état un peu comateux qui précède le sommeil, distingue dans le crépuscule les silhouettes haletantes des loups accourus en horde à son appel inconscient. Elle s’endort confiante, enfantant sans douleur l’agneau en elle. 53
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Si tu croises le loup, mieux vaut faire le mort que te mettre à courir. Le voyageur a retenu les conseils reçus depuis son enfance mais tous ces avis n’empêchent qu’en rencontrant au détour de la forêt le loup, il entre en panique. Pourtant le voyageur possède un avantage décisif sur son agresseur: il sait ou devine que le loup n’est qu’un fantasme tandis que le loup n’en sait rien. En revanche, l’homme est ignorant de sa propre nature et a toutes raisons de douter de ses sens autant que de sa conscience. Et son intuition clairvoyante pourrait ne pas peser lourd face à l’instinct aveugle du fauve. Paralysé, incapable de bouger, plus encore de s’enfuir mais répugnant à anticiper sur sa propre mort, même la sachant feinte, le voyageur acculé, délaissant le camouflage caméléonesque, a recours à la métamorphose. D’errant égaré, mi-touriste mi-pèlerin, il se change en jeune fille frivole et, se forçant à ignorer la présence du loup, se met à cueillir des fleurs. Le loup n’en revient pas. Ses parents n’ont donc pas averti cette inconsciente? Comment concevoir qu’ils ne l’aient pas mise en garde contre les mauvaises rencontres? Par dessus tout, celle du loup? La voilà qui chantonne, une véritable provocation! Le loup est habitué à ce qu’on cherche à lui échapper. Aucune proie ne s’est jamais offerte ainsi. En robe courte et chapeau de paille, elle doit se croire dans un jardin public plutôt qu’au coin du bois. Le loup se racle la gorge, tousse sèchement pour attirer son attention. Souriante, comme pour lui faire partager sa joie, elle lui tend sa gerbe fraîche cueillie comme si elle le croyait sensible au parfum des fleurs, le prenant pour un bourdon ou un papillon. Le loup se sent désarmé. Il a besoin du reflet de sa propre férocité dans les yeux écarquillés de terreur de ses victimes pour, en la humant, se gorger de sa propre cruauté avant de se repaître de leur chair. L’insouciance trop légère de cette fille lui ôte ses moyens et le transforme à son tour, sans qu’il perçoive le changement d’état, en chien. Inoffensif toutou. Comme elle lui met le bouquet sous la truffe, il aboie allergiquement. Elle jette son chapeau de paille pour qu’il aille le ramasser sans le déchirer. Elle lui caresse le museau sans lui permettre de même la mordiller. Puis le prenant par les pattes antérieures, le fait valser et bientôt toute la terre se met à tourner. Dès qu’elle le lâche, il boule au sol, pris de vertige. Quand le paysage a fini de danser, il est seul et doute désormais de sa condition, canine ou lupine. 55
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Au delà des cousinages biologiques, il existe deux espèces distinctes de loups: les loups extérieurs et les fauves intérieurs. Les premiers sont carnivores, voraces, violents mais domesticables, dangereux seulement quand la faim les aveugle et leur fait perdre toute retenue. L’homme sait s’en défendre et les a pratiquement exterminés. Les loups internes sont autrement féroces et plus difficiles à combattre. Les loups fabuleux des récits de bonnes femmes, qui défient à la course des fillettes imprudentes, se déguisent en mère-grand, montrent patte blanche, sont moqués par le goupil et se vengent sur l’agneau, appartiennent évidemment à la seconde catégorie. Mais ce sont des loups clowns, plus ridicules qu’effrayants, presque toujours perdants, incarnations de nos instincts les plus bas de domination brute, bête et méchante. La morale sociale, paterne et hypocrite, les réprouve, les noircit ou les encorne, en fait des têtes de turcs ou des boucs émissaires. Cependant, derrière ces loups de cirque guette la horde des véritables prédateurs, totems des instincts refoulés, des vices cachés, des vengeances couvées, des désirs cuisants, des insatisfactions, des ressentiments, des haines, des offenses et des humiliations. La conscience a beau vouloir les tenir à l’écart, ils profitent du moindre lapsus, du plus insignifiant acte manqué pour pointer le museau. Les barrières psychologiques, les obstacles éthiques qu’on leur oppose ne font qu’exciter leur rage et leur désespoir. Dans l’impossibilité de s’extérioriser, d’aller planter leurs crocs dans de la vraie viande de mouton ou de la chair fraîche d’enfant, ils parcourent les entrailles, déchirent les viscères, s’abreuvent de sang impur et rongent le foie plus avidement qu’un vautour. Ils en veulent furieusement à l’esprit qui leur interdit ses domaines et les empêche de monter à la tête. Ils conspirent contre le cerveau, préparent l’insurrection des tripes. Outre leurs crocs et griffes, ils s’arment de sabres, machettes et couteaux qu’ils affûtent contre les barreaux des basses côtes. Ils dévorent toute la littérature traitant de la piraterie et se prennent pour des corsaires. Toutefois, ils sont plus velléitaires que vraiment braves et hurlent plus qu’ils ne mordent. Mais ils galopent dans les veines, grondent dans l’estomac, assaillent la gorge sans répit, et l’esprit toujours sur le qui-vive, cherchant à dissimuler leur harcèlement impitoyable, finit par se trahir par une rougeur ambiguë, un retroussis des lèvres et un ricanement trop rauque. 57
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Toute mère est une louve. Qui n’hésiterait pas à déchirer quiconque s’en prendrait à ses petits. Ses fils sont une part d’elle-même, qui ont crû en son sein, qui ont cru en elle: «Elle m’aime!» Entrailles extériorisées, estomacs à pattes et à crocs, qu’elle a couvés, nourris, qui l’ont tétée, mordue, baisée. La louve n’attaque pas par faim, sa férocité n’est que souci du ventre vide de ses petits, sa voracité amour maternel. Toute femme a été amante avant d’être mère. Et toute amante est une mère anticipée. Toute amante est une louve, qui sent remuer dans son giron le désir des petits à venir, qui caresse sur le corps de son amant les formes de son enfant futur. Elle lacèrerait quiconque voudrait la séparer de ce fantôme de fils incarné en père, et qui la serre comme un orphelin agrippe l’air. Sa faim est réclamation du ventre qui aspire à ballonner. Son appétit est gros de l’avenir. Tout homme a été petit. Il le redevient quand il se blottit contre son amante, qu’il s’en enveloppe, qu’il ne la baise que faute de pouvoir encore la téter et rassasier le ver qui le ronge. Toute mère est rivale de l’amante de son fils, qu’elle a caressé et rassasié la première. Toute amante est rivale de la mère de son amant car elle est la preuve vivante que le rejeton a grandi et que sa génitrice ne lui suffit plus, l’incarnation de l’ingratitude de l’âge. Toute amante est rivale de toute autre amante de son homme, qui lui retirerait son statut d’être unique, substitut de l’irremplaçable mère. Elle s’épouvante à l’idée de ne plus lui suffire, qu’il puisse en aimer plus d’une. Les louves ne se dévorent pas entre elles. Leur conflit ne saurait se résoudre en un combat singulier. Dans la forêt symbolique du désir, dont elles ont la garde, dont elles assurent l’entretien et l’incendie, elles se jettent un défi de bûcheronnes: elles se battront en filles des bois, sportivement, indirectement, sans coups de griffes ni morsures, en une compétition d’abattage. Leur arme sera la tronçonneuse. Le duel s’engage. Elles débitent les arbres sans pitié ni quartiers. Taillent les branches, coupent les fûts, scient tous les troncs qui se trouvent en travers de leur rage. Les chênes centenaires s’abattent comme des quilles, les fayards se réduisent en allumettes, les hêtres se résignent à ne plus être. Dans l’aveuglement de leur amour furieux, elles vont fauchant la forêt. La trouée initiale s’agrandit, tourbillon aspirant la mer de feuillages, et la clairière s’étend vite en désert. Et tout ce carnage parce que leur louveteau a trop d’agneau en lui! 59
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Qu’est-ce qu’un loup? À quoi le reconnaître? Si tu lui demandes de montrer patte blanche, il te roulera dans la farine. Il lui suffira d’arborer veste de tweed et pantalon à carreaux, qu’il aura pu dérober à quelque épouvantail, pour que tu ne voies plus que les habits, lui serres la pince et ignores le museau. Et les crocs. Nous n’appréhendons que ce que nous désirons voir; autrement dit, nous ne voyons rien. Pourtant, bien qu’extrêmement limités, entre l’infra et l’ultra dans les spectres sonores et lumineux, réglés par le seul principe infantile du plaisir entre le doux et l’amer pour le goût et l’odorat, plus tâtonnant que tactile pour la reconnaissance digitale, nos sens s’avèrent malgré tout fiables. Ce n’est pas la perception qui est déficiente mais le déchiffrage du visible. C’est le cerveau, sa faculté raisonnante et son activité interprétative, qui est sujet à caution. Ni l’essence ni le sens ne sont captés par les sens, ils résultent d’une construction et d’une projection par l’esprit. Mais notre idéalisme hait l’abstraction: dans l’assemblage de formes et de couleurs d’un tableau il reconstitue des figures et leur attribue une signification sur la base de signes conventionnels ou symboliques, dont le sémantisme ambigu change au cours du temps et qui reflètent avant tout une idéologie dominante. L’habit ne fait pas le moine mais caractérise éventuellement le bourgeois. Si bien qu’un loup n’a qu’à se vêtir en prince pour qu’on lui offre du gigot, un escroc se faire banquier pour avoir pignon sur rue. Car à quoi sont bons les moutons sinon à être tondus? Pour les rassurer, on a commis à leur garde des chiens sélectionnés chez qui on a réveillé le fauve ancestral dégénéré à force de croisements. À ces molosses bien dressés on a appris à identifier tout suspect sur sa mine, ses vêtements, son bronzage et ses poils. Seule la terreur qu’inspirent ces gardiens peut justifier la soumission du troupeau qui accepte d’adopter comme «foyers» des constructions présentant tous les caractères de la prison, comme «cité» le labyrinthe où il est parqué et comme «nature» les maigres bosquets qui ont remplacé les forêts abattues. Car la nomination suffit à aveugler. Chiens policiers, chiens méchants, constituent une menace plus qu’une protection, si ce n’est contre les matous. Peut-être conviendrait-il de s’en remettre aux sens, qui savent quand le gris étouffe le vert, que le béton ou le bâton sont durs, que les gaz d’échappement ne sont pas des parfums, et sont trop obtus pour confondre peur et sécurité. 61
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On n’est jamais satisfait de son image. Ni même de sa silhouette. Tous les miroirs sont, par nature, déformants. L’apparence que nous renvoie la glace se caractérise toujours par l’écart: si les traits exhibent leur singularité, la différence avec le modèle socialisé, idéal fantasmatique et publicitaire, nous nous estimons défectueux, ratés, d’avance marginalisés, voués au cloître où se réfugient les moches, condamnés à n’être jamais aimés; mais si au contraire, à force de retouches et de maquillage, nous avons obtenu le look standard conforme à la couverture des magazines, nous nous sentons littéralement aliénés, étrangers à nous-mêmes, avec l’impression d’avoir enseveli notre identité sous le fard, de nous être trahis, effacés, annihilés. Chaque matin, le choix des habits doit surmonter d’insolubles contradictions: il convient de se faire remarquer sans aller jusqu’à la provocation, séduire en restant discret, ne pas avoir l’air d’obéir à la mode éphémère par définition en renonçant à sa personnalité propre mais ne pas paraître pour autant ringard en affichant un style désuet. Tout vêtement est déguisement, tout aspect est déjà représentation. Sur le théâtre du monde, nous craignons de rester dans le noir, simples spectateurs confondus dans la masse du public, sans autre participation que l’applaudissement obligé, voire figurants ou doublures éventuelles relégués aux coulisses; mais nous avons aussi le trac de nous retrouver sous les feux de la rampe, vulnérables aux impitoyables regards invisibles. Chaque projecteur, selon l’angle, envoie une ombre différente en laquelle nous hésitons à nous reconnaître, et chacune sollicite notre adhésion sans réserve, et toutes nous harcèlent comme des harpies. Nous observons nos doubles avec répugnance, comme des parents trop éloignés pour légitimement réclamer leur part d’héritage physionomique. Ces monstres qui portent notre nom nous assaillent de leur laideur. Nous constatons les dégâts: épaules voûtées, dos bossué, fesses gonflées, ventre ballonné. La seule permission accordée au cours de ce service obligatoire de l’image est, pour la femme, la grossesse, déformation tolérée au nom de l’avenir, preuve du succès de sa séduction, promotion à de plus hautes responsabilités. La femme enceinte est exemptée des contraintes de la silhouette et de la ceinture. Sa visible, voyante, fécondité est signe d’élection: touchée par la grâce, elle est, sinon sanctifiée, comblée. Sa rotondité ubuesque fait passer à la trappe les canons de la beauté. 63
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Tous ont participé à la fraude, les poètes les premiers, avec leur lyrisme sentimental entre le bucolique et la fleur bleue. Il y a eu consensus tacite pour propager cette idée rassurante que l’amour pourra échoir à chacun comme la récompense anticipée d’une vie utile et bien remplie, que l’amour est normal, adjuvant psychique de la fonction naturelle de reproduction, compatible avec la carrière sociale et professionnelle, hygiénique et thérapeutique. Tous en chœur, à l’unisson, du médecin à la grand-mère en passant par le journaliste, ont entretenu la fable de l’amour heureux, promis et fécond. Si bien que, génération après génération, filles et garçons ont grandi en réfrénant leur impatience de rencontrer le prince ou la princesse de leurs rêves, calmant leur désir avec des jeux érotiques, des partenaires éphémères voire vénaux, finissant par chercher des satisfactions de substitution dans les sucreries, les achats compulsifs, la consommation sans discrimination, et se résignant à troquer leur chimère pour un emploi stable, un doux conjoint de fortune, un contrat matrimonial, une routine sans heurts ni heur. Et quelques médicaments. Ils ne sont pas vraiment malheureux, ils se font une raison, ils apprécient le confort, ils craignent la folie même si par prudence ils ont déjà choisi l’enfermement volontaire. Ils conservent au fond du cœur la nostalgie d’une attraction passionnelle qui ignore toutes les règles et surmonte tous les obstacles. Mais ils ont compris que l’amour est une maladie, heureusement rare, quasi exotique, dont on ne guérit pas. Le poison se loge dans les entrailles. L’amour brûle le ventre, comme si on avait avalé du phosphore. La chair s’enfièvre. Les baisers fous ne sont que tentatives désespérées d’étancher la soif qui assèche la gorge des amants. Ils se bâillonnent mutuellement pour ne pas cracher des flammes. Ils se consument des yeux. Point n’est besoin de décréter la quarantaine, les amants maudits d’instinct se rassemblent, alimentent de leur corps ardent le bûcher de la passion hérétique et s’immolent pour le sentiment qui les fulmine en dedans. Leur chair s’embrase et ils contemplent bientôt sans regret leurs membres, leur ventre et leur poitrine carbonisés se dissoudre en fumée, découvrant le squelette dénudé de leur foi purifiée par le feu. Nouveaux cathares, ils défient les dieux et les hommes, sèment – puisque ils s’aiment – la foudre pour récolter la tempête. La flamme noire de l’amour couvre leurs ossements comme un vautour intime et bienveillant. 65
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Contrairement aux théories biologiques et génétiques communément admises, l’instinct primordial est Thanatos, pulsion de mort. Le seul désir profond est celui de se dissoudre, de se décomposer, de se pulvériser, de connaître enfin la paix de l’inconsistance, d’éteindre le feu qui coule dans les veines et les cimente, de n’avoir plus à bander tous ses muscles pour se maintenir intact, intègre, solide, de n’avoir pas à se durcir pour forcer la faiblesse de la chair et sa tendresse spontanée. Aussi le premier désir des amants n’est certes pas de se reproduire mais de se fondre, de fusionner, de deux corps n’en faire qu’un, d’abolir l’identité qui est séparation, de passer de la solitude sexuée à la confusion des membres et des peaux, à l’ivresse orgiaque de l’androgyne. Or ils se retrouvent seuls au réveil, au sortir de leurs ébats, à côté d’un partenaire endormi tel un gisant, avec la fatale certitude que la résurrection sera l’accomplissement de la malédiction qui les condamne à toujours recommencer. Éros, principe de vie et de plaisir, n’intervient qu’après, comme un pis-aller, suite à l’échec de l’expérience de dissolution, quand les amants doivent affronter leur irrémédiable différence, leur symétrie éventuellement complémentaire néanmoins dissonante, forger contre l’instinct qui les a joints un illusoire sentiment amoureux, fragile, jaloux, pouvant à tout instant verser dans son contraire. L’expérience, traumatique, de l’amour est celle de cette défaite initiale, corps champs de bataille couverts de cadavres de membres entre ruisseaux de sueur et tripes fumantes. Le programme reproducteur n’est que la gestion de la déroute, le report de l’effacement, l’atermoiement, le sursis, la transmission des responsabilités à la génération suivante. On procrée comme un pari, en comptant que les descendants pourront réussir où on a soimême échoué, espérant que l’histoire ne se répète pas, priant pour qu’un péché originel ne détermine pas une condition. Les amants condamnés à la singularité ne peuvent plus se regarder en face. Ils se tendent les bras mais se tournent le dos. Ils continueront désormais de se chercher mais seulement pour se heurter. Ils s’enlaceront mais ne retiendront que le vide. Ils s’étreindront désespérément tout en sachant qu’ils finiront par se lâcher. Ils se supporteront avec la mauvaise conscience de survivre à leur amour. Ils feront beaucoup d’enfants, par distraction, par manque de précautions, par peur ou simple ennui. Ils vivront longtemps. Et ils ne seront pas heureux. 67
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On ne peut vraiment aimer quelqu’un, l’aimer totalement, qu’après sa mort. Tant qu’il est vivant, l’amour ne saurait nous aveugler suffisamment pour que nous ne finissions par noter ses défauts, manies, préjugés, imperfections minuscules mais rampantes qui se feront ver pour empoisonner le fruit mal défendu du désir, visqueux embryons d’inavalables couleuvres. Son corps même, si appétissant soit-il, s’avère encombrant; si sa stabilité rassure, elle n’évite pas la monotonie. L’amour suppose l’idéalisation du partenaire et s’épanouit dans une dimension fantasmatique. L’autre n’est qu’une incarnation d’un rêve supérieur, enveloppe humaine, trop humaine, qu’il faut sacrifier avant que les contradictions passionnelles nous crucifient. L’amour ne peut s’accomplir qu’une fois débarrassé de la faiblesse de la chair comme de l’esprit, des avidités et déficiences du sexe et de l’imagination, du caractère périssable, putrescible des organes, tripes et cerveau, des nécessités corporelles, bref de l’existence scatologique. On ne peut aimer profondément qu’un squelette. C’est la mort, pas l’amour, qui nous réconcilie, nous unit. Ce n’est que lorsque les os s’offrent dans leur virginal blanchissement, délivrés des fausses apparences, peau ou fard, cheveux ou perruque, cils ou postiches, quand le corps se montre définitivement nu, dépouillé de sa viande qui est habillage, nettoyé de ses veines et poils qui sont travestissement, que la séduction opère en toute sincérité, que la passion atteint le plan mystique et l’amour son développement durable, au-delà de la mondanité et de la temporalité humaine. Car la vie, non seulement sociale mais la vie en soi, n’est pas favorable à l’amour. Trop agitée, pressée entre les constantes sollicitations, les censures de l’inconscient, les tentations de la publicité, la distraction et le harcèlement, la vie, contrairement à l’amour qui cherche à arrêter le temps, se grise de vitesse, accélérant sans cesse. Son domaine est l’éphémère, qui justifie la reproduction et le renouvellement. Tandis que l’amour a inventé l’éternité, et peut-être même les divinités, le paradis et l’angélisme. Le vivant ne fait que passer. Ses sentiments aussi. Sa condition, a expliqué le philosophe, est le divorce. Il faut d’abord mourir pour pouvoir aimer. Faire son deuil des illusions, enterrer sa coquetterie. Dépasser le grouillement vital, se dégager de toute vanité, s’installer dans la durée et la dure pureté osseuse, crâneuse, des amants qui, enfin égaux, semblables, n’ont plus à cacher ni charmer. 69
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On croit que le verbe du commencement s’est perdu. On sait qu’il a éclaté en big bang, qu’il a croulé babélien, s’est spontanément enflammé buisson et que l’écho igné de ses épineuses voyelles est apparu, déjà indéchiffrable, à la pentecôte. Après quoi sa trace disparaît, volatilisée, anéantie, comme remontée au ciel. Gnostiques et cabalistes, depuis, s’efforcent vainement d’en reconstituer le son et le sens, par traduction, calcul ou métaphore, à partir de textes livresques. Or le verbe originel pulvérisé nous enveloppe toujours, immémorial, vague réminiscence, mélodie obsédante. Il est partout, il est la forme même de la matière dont le visible est le tracé calligraphique. L’auxiliaire démiurgique s’est disséminé, ses composants se sont divisés en l’alphabet infini des êtres et des choses, et multipliés en reflets mouvants répétant inlassablement de confuses paroles que personne n’essaie vraiment de comprendre. D’un côté, si sa puissance créatrice reste évidente dans l’éternel recommencement de ses arrangements graphiques, qu’ils soient formés de nuages, d’élevage de poussière ou d’automobiles embouteillées, il faut reconnaître que les incantations et formules magiques dont il recélait le secret sont désormais aléatoires et leurs effets incontrôlés: autant le vol d’un papillon peut provoquer par ricochet un tremblement de terre, autant les innombrables victimes d’un séisme ou d’une bombe n’arrachent plus même une larme, voire un froncement de sourcil. Par ailleurs, les paroles divines ne sont ni monnayables ni convertibles et les habitants d’une société libérale n’ont que faire de conseils qui ne payent pas. Le vent s’essouffle à les colporter, la mer sèche à les griffonner sur du sable, les plantes fanent dans l’effort de les dessiner tout en pleins de feuilles et en déliés de tiges, les animaux s’obstinent à les tracer par bonds et vols dans l’air, à les écrire en piste, pas ou pattes de mouches au sol. Tout corps est hiéroglyphique. Nous-mêmes, à notre insu, copions en chacun de nos gestes, dans toutes nos postures, dans les boucles du patinage et les figures de la danse, ces caractères que nous ne savons plus épeler mais qui néanmoins nous interpellent. Maintenant que leur sens a disparu, occulté, enfoui sous les interprétations sordides ou délirantes, car les sentences d’Éros sont impénétrables, demeure une énigmatique beauté: la courbe d’un bras, l’arrondi d’une fesse, la cambrure d’un dos, la ligne d’une hanche, l’arc d’un cou, l’accent d’un sourcil ou d’un sourire. 71
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Il n’y a pas d’«auteurs». Un écrivain ne sait pas ce qu’il écrit. Il se croit seul face à une feuille vierge mais c’est pur orgueil et vaine illusion. La page est déjà grosse de tous les textes qu’il a un jour lus et qui se pressent en palimpseste sous la fausse blancheur immaculée. Même son stylo garde l’obscure mémoire des mots qu’il a tracés. Il n’est pas simple instrument, il n’est pas neutre, il a ses préférences, coquetteries, tics de langage, tournures habituelles, déterminismes calligraphiques. En outre, les conditions conditionnent: l’heure, la lumière lui soufflent, sinon des idées, des tonalités. C’est plutôt lui, l’écrivain, qui est à son insu au service de forces qu’il ne contrôle pas et qui guident sa main. Il y a l’inconscient, spécialiste de l’anagramme et de la contrepèterie, qui manipule la matière sonore des mots, en pervertit le sens et la logique, substitue l’association à l’induction et glisse dans le discours des lapsus en catimini. Il y a le daïmon, à qui il doit aussi bien ses intuitions les plus fulgurantes que ses erreurs les plus extravagantes, qui critique toutes les formules qui se présentent à son esprit, les traite de tropes, veut faire passer ses plus nobles pensées à la trappe et ses plus fermes certitudes au crible du doute systématique. Il y a encore le regard phantasmatique du père sévère et jaloux qui le paralyse, l’empêche de persévérer, juge toutes ses propositions indigentes et son propre fils indigne. Et puis il y a tous les spectres qui lisent par dessus son épaule, fantômes respectables d’écrivains qu’il admire mais qui se le disputent, chacun voulant en faire son disciple, lui suggérant corrections, retouches, ratures, biffures, chacun cherchant à lui imposer un style, une parenté. Tous écrivent en même temps, à travers sa plume, comme si à l’instar des divinités indiennes il était doté de dix bras, et tous s’insinuent subrepticement dans le texte. Tout écrit est chaos, à la fois fête foraine, trottoir et auberge espagnole. Les mots clignotent, se font d’une phrase à l’autre des clins d’yeux, jouent, camouflent des calembours, s’appellent, se répondent, s’aiguisent, s’émoussent, s’ambiguïsent, s’équivoquent, s’étymologisent, s’encombrent de significations secondes, déplacent le sens entre les lignes, surchargent sémantiquement l’expression la plus innocente et font la nique à l’«auteur». Il n’y a ni «bonne» conception ni clair énoncé. Tout texte est un pacte, un compromis qui porte les traces des tractations, une reddition, un état des pertes, un champ de bataille, une ruine. 73
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depois da lâmina tradução de Regina Guimarães
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Em sintonia Após vários livros em parceria – mas nos quais o JAS apenas ilustrava os textos que eu escrevera –, tendo ambos atingido uma relação de conivência que garante a cada um total liberdade de feitura, tive vontade de «inverter o vapor poético» como dizia o outro e propus ao JAS que executasse uma série de desenhos de livre inspiração, os quais eu haveria de traduzir para linguagem verbal, na esperança de conseguir criar a dois um imaginário coerente, território desconhecido, imprevisto. Cabia-me explorar esse território enquanto lugar assombrado por seres que eu não inventara. Universo ameaçador, fracasso de génese, apocalipse que falha o alvo: sentia-se que o cabo do machado estava a dar de si mas, depois da lâmina ter voado, em vez de o deitar fora, pode-se espetá-lo na terra e ver surgir, da madeira que julgávamos seca, rebentos espontaneamente gerados, assistir ao crescimento de uma nova árvore. Não é por ser mítico, imaginário, que o éden é menos real, no sentido em que, aquém do seu simbolismo ambíguo, simultaneamente positivo, idade do ouro e farniente, e negativo, lugar das proibições, da vigilância e da expulsão, ao mesmo tempo recreio e recinto escolar destinado à inculcação da disciplinar, ele é tudo menos abstracto, com as suas árvores e os seus animais, logo reconstituível. No entanto, magros são os dados: sabemos que só havia duas árvores, ou pelo menos que essas duas se destacavam do resto da vegetação, fosse ela rasa ou densa, savana ou selva, duas árvores que a floresta não escondia. Por outro lado, sabemos que, além da serpente, diversos animais que o homem baptizara lá habitavam. É pouco razoável pensar que esta fauna e esta flora podiam ser semelhantes às que moram à face da terra, pois o castigo apenas recaiu sobre três criaturas, homem, mulher e serpente; não tendo os outros sido expulsos, não havia razão ou motivo de solidariedade que os forçasse a sofrer os tormentos climáticos e geográficos do globo. Será mais pertinente admitir que o homem, nostálgico, tentou cultivar e criar pálidas imitações dos habitantes edénicos originais, obtidas graças a sucessivos enxertos ou cruzamentos. A macieira é convencionalmente tida como a mais próxima da espécie cujo fruto os nossos antepassados provaram indevidamente, mas é provável que o fruto paradisíaco valesse por todos os frutos, da amêndoa à manga, passíveis de nascer numa árvore terrestre. E ainda é mais provável que o famoso fruto proibido se parecesse com as uvas que os homens, como prova a embriaguês de Noé, cultivaram muito cedo e em cujo sumo procuravam a verdade, numa óbvia alusão ao precioso conhecimento que o fruto original continha. Quanto aos animais, podemos conceber que eles possuíssem a majestade do leão ou a elasticidade da pantera, mas sem o seu instinto carniceiro. Com um toque compósito, um nadinha da feminilidade da esfinge, mas sem a monstruosidade. Grandes gatos, em suma. Na selva das cidades modernas, o homem não perdeu o seu complexo 76
de Robinson, uma certa saudade da ilha deserta, e continua a cultivar um jardim secreto, paraíso artificial assombrado por troncos esqueléticos, para não incomodar os vizinhos, frequentado por hordas de bichanos esfomeados, quais vestígios caricaturais dos seus sonhos ou reminiscências da felicidade. O homem, criatura rebelde, criatura castigada, construiu o seu poderio terrestre contra o caos da natureza, criação anterior, senão mesmo primordial, ou até divina, à sua aparição. Empedrou o seu domínio. A verdura só aparcada merece a sua tolerância. À falta de espaço para compostar as folhas caducas, caídas, elas são assimiladas aos detritos que juncam as cidades e apanhadas às pázadas como vãs saudades dum jardim ilusório. Por isso, a árvore já nada nos diz. As comunicações com a natureza foram cortadas. Antoine Roquentin, depois de muito contemplar uma árvore, acabava por deixar de a ver, por ter apenas consciência de uma presença obstinada e sólida cuja simples existência lhe era afronta, o prejudicava sem que ele pudesse abatêla, e por sentir, impotente e estupefacto, náusea. Na verdade, a árvore é uma irrisão viva da nossa mais alta glória, a verticalidade. Fita-nos do alto da sua sobranceria. Ou pior ainda: virada para o céu, ignora-nos. Nunca podemos abordá-la de igual para igual, de criatura para criatura, apenas nos é dado observá-la de perfil e em contra-picado. Ela só aceita os pássaros, parcos pastiches de anjos, como interlocutores. Será que ao menos sabe distinguir os cantos dos serafins dos chilreios dos pardais? Gaba-se de estar mais perto do céu. Toda a árvore tem algo do estilita. Escarnece das nossas estéreis tentativas de a antropomorfizar, agita os ramos em jeito de saudação trocista, pois tendo algo da quintana e algo da forca, pode imitar, em sombra chinesa, todos os papéis: do demiurgo mostrador de marionetas, cujas folhas fazem três piruetas antes de sair de cena, aos crentes que, de braços erguidos para o firmamento, buscam a bênção celeste, passando pelo arcanjo que sacode as asas para levantar voo. Mas as suas folhas não são penas, logo ela não descola. A árvore é mais uma espécie de armadilha, à imagem do pombo grudado que tenta atrair os seus irmãos alados para a rede dos galhos. Ela encarna a força da gravidade, a ligação à terra. Debalde dissimula nas pregas do chão as raízes sobre as quais assenta, as suas grilhetas. Sabe-se imagem, embora não se saiba interpretar, entre o ímpeto patético da levitação, da assunção, da subida ao céu, e a vã tentativa de agarrar o firmamento, de o tocar tão-só, de o roçar, borrar de azul os dedos. A árvore finge suportar a abóbada nos seus braços mas, exilada à face da terra, tem de partilhar a lama e o degredo com o homem. Apenas se mostra mais paciente e evita andar às voltas. De dia, a árvore regula a circulação dos pássaros. Hirta como um espeto, esbracejando com seus galhos, ora se inclina numa direcção ora noutra, por vezes estaca fazendo continência. Mas durante a noite, fica rígida como o negativo dum esqueleto, e, erguendo a copa aos céus, transforma-se em 77
funil e verte a tinta celeste nas entranhas da terra. Espalha a escuridão à sua volta, qual candelabro que, em lugar de alumiar, derrama trevas. Aliás, algum breu arrancado à inquisição solar lhe fica retido nas folhas, como o tamarindeiro de Birago Diop, cuja folhagem era tão densa e cuja sombra era tão espessa que através delas «se podiam, por vezes, avistar, estrelas em pleno dia». Plantado no centro do mostrador dum relógio estelar para medir a eternidade relativa, serve de poste e sinaliza o lugar onde as sombras marcam encontro. Porque a noite é povoada. Longe dos lampiões de vigilância, as silhuetas furtivas daqueles que a insónia, a inquietação e o desejo insatisfeito escorraçam de seus quartos e camas, percorrem a paisagem como almas penadas. Noctívagos que recusam o castigo do trabalho diurno, amantes malditos, bandidos perseguidos, toda uma fauna fantasmal se perde em divagações pelos campos, como num quadro de Delvaux, sombras que se escondem na sombra. A noite é o espaço do segredo como o dia é o da hipocrisia. Paradoxalmente, o dia é opaco, enquanto que a noite é transparente. Cristal negro. A árvore no breu disfarça-se de espantalho. Baixa os ramos, dissimula-os atrás do tronco e, posta em sentido, adopta a imobilidade e a rigidez de uma sentinela, ao tempo que se confunde com o fundo arborizado. Imita a forma indecisa de uma mulher apaixonada ou de um ladrão de estrada. Espia o viajante. Mas ela mesma não sabe se deve assaltá-lo ou cair-lhe nos braços. Ergue-se qual miragem lunar. Figura a ameaça, a amante traída o bandido transido, a vingança a arrefecer. Corta o caminho. Queda-se inflexível como um juiz, como um guarda aduaneiro, sereno mas atento, como uma esfinge, um irresistível enigma. E a sua silhueta atrai magneticamente, como borboletas seduzidas pelo escuro brilho da sua chama, gente vagabunda, gente insone, culpados que procuram escapar à sentença e ao cárcere dos seus próprios sonhos. Porque se mantém indecisa. A sua chama talvez só brilhe por estar ausente, talvez só seja pavio. Travestidos de mato, os errantes cercam-na e a árvore vela sobre uma floresta de olhos. O homem cobiça a árvore. Pela sua altura, pela sua força, pela sua robustez. Ela arvora as qualidades da espada sem mostrar gume. É a eleita das criaturas aladas e estabeleceu um diálogo privilegiado com o firmamento. Na verdade é o hífen que reúne o céu e a terra, aliás ao primeiro vai buscar a luz que assegura a sua eterna verdura, à segunda os sucos que lhe permitem o crescimento ilimitado. No fundo, só tem um defeito que é ser estática. O ideal do homem poderia ser a encarnação de uma árvore móbil, sem chegar contudo ao nomadismo, pois o homem é sedentário, filho de Caim; um exílio já lhe bastou. Uma árvore é madeira para se construir uma cabana. Ao mesmo tempo, o homem tem medo da árvore. Sabe-a inofensiva, incapaz de resistir à serra ou ao machado, mas capaz de ocultar perigos, abrigar feras ou predadores, alojar serpentes entre as lianas. Esconde sempre alguma coisa. Quando não é o sol, é a floresta. É o primeiro indício de um território 78
por definição perigoso, o bosque, o lugar onde uma pessoa se perde, onde tem maus encontros, infestada de andarilhos e lenhadores, de ogres e de bruxas, para já não falar dos lobos. Contém em si, virtualmente, a floresta que constitui a sua verdadeira família, ou mesmo o seu refúgio. São sinédoques uma da outra. Além disso, é óbvio que a árvore despreza o homem, coroandose a si própria de folhas como um imperador, deixando, tentadora, os seus frutos apodrecer nos ramos fora de alcance e depois largando-os estragados. Ora o homem suporta mal a mais pequena rivalidade. Uma boa árvore é uma árvore morta. Devolvida à horizontalidade antes de ser debitada. Nem que se tenha de reduzi-la a fósforos e pô-la a arder. Ou a descorá-la, transformála em pasta de papel, que logo será desvirginado e maculado, porque o homem também não gosta de coisas sem mácula, que o remetam para a consciência herdada da sua culpa inata. Estando a árvore naturalmente vestida com a sua casca, não precisa de esconder nenhuma parte vergonhosa sob as folhas: a árvore ignora pois a nudez. Tal como os pássaros, os lobos e todos os habitantes da floresta. Mesmo a mulher nua é invisível na floresta. Para lá se dirige no sabat, depois de ter trocado o seu homem por uma vassoura, caricatura da árvore sem raiz. E quem ignora a nudez ignora evidentemente o pudor, a reserva, a civilidade, as regras do saberviver, o corpete. O mais belo fruto pode revelar-se venenoso. Fálica, a árvore que oferece o seu abrigo a todos, também abriga o mal, excita os sentidos, protege abraços e carícias. Se o homem pudesse, arrasava todas as florestas. Existem várias hipóteses, incompatíveis sem contudo serem contraditórias, cada uma delas suportada por teorias mais especulativas do que verdadeiramente científicas. As primeiras são ditas genésicas ou genéricas, consoante se atribui a iniciativa a uma natureza senão cega, pelo menos incompreensível, ou, antropocentricamente, a um empreendimento humano de conquista e ordenamento da terra. Uma considera que toda a árvore é uma vergôntea da árvore inicial, a árvore da vida, da qual possui virtualmente a potência e a fecundidade. Por conseguinte, toda a vida animal provém de uma árvore: o homem e o macaco são primos porque ambos desceram e descenderam da árvore. Duas variantes em concorrência: ora a eclosão do homem tem lugar na própria arvore, crescido num fruto-placenta em forma de bolha, ora na terra, qual polpa inimaginável brotando, como que de um ovo, da casca do fruto caído. Nos dois casos, o elo entre o homem e a árvore é umbilical e a árvore estende ao rebento a protecção maternal da sua ramagem. A outra concepção imagina que o homem plantou o jardim antes de nomear os seus habitantes. Segundo esta teoria, toda a árvore é ainda descendente de um antepassado primordial, macieira inconcebível cujas sementes o homem espalhou na terra, pevides cuidadosamente guardadas do fruto recém consumido. A relação é pois invertida, passando o homem a exercer as funções de jardineiro e de guarda da sua progenitura vegetal. 79
Mas há ainda outras hipóteses, ditas da gemelidade ou da geminação que admitem uma origem independente das árvores e dos homens e assentam no determinismo postulado do seu encontro. A primeira afirma que a cada nascimento corresponde uma germinação e que um cordão virtual liga fraternalmente toda a criança à sua árvore gémea que reflectirá o estado da pessoa de quem é, de certa maneira, o totem arborícola, florindo aquando dos seus sucessos, murchando aquando dos seus fracassos e secando quando o outro morre. A segunda estabelece que esta osmose entre o humano e o vegetal resulta de uma escolha arbitrária, fortuita, eleição que traduz no entanto alguma misteriosa afinidade: o homem reconhece-se no seu parceiro arborescente como num espelho pouco deformante. Ambas consideram que nenhum homem poderá conhecer a paz e o repouso se não tiver encontrado a sua árvore-gémea, nem viver feliz longe da sua árvore. Assim, estas teorias entroncam todas elas na paciente espera do homem ao pé da sua árvore. Desde a expulsão dos caseiros, que faziam as vezes de jardineiros e porteiros, o jardim do Éden tornou-se uma selva ao abandono. Os bemaventurados evitam-no como um lugar mal afamado; corre o boato de que os anjos rebeldes lá marcam encontros. Com efeito, o penetrante aroma dos goivos, o persistente perfume do jasmim perturbam os sentidos de quem se aproxima. Invadido de joio, o jardim convida à embriaguês. Torcendo o nariz tanto ao enjoativo néctar como à xaroposa ambrósia e deixando-os sem o menor arrependimento às beatas e às severas divindades ou santidades que confundem o paraíso com uma casa de repouso, os querubins refractários e os anjinhos adolescentes esgueiram-se pela calada da noite até ao parque, já fechado a essas horas, para lá dançarem até ao romper da aurora e lá jogarem oníricas partidas («rêve party», mas pronunciado à inglesa) nas quais experimentam alucinações simples e metamorfoses. O paraíso é um lugar de tédio. Os serafins passam por uma fase atormentada em que recusam o seu estado, praticam por provocação ritos que imaginam satânicos e, fascinados pela queda e pelo pecado, tentam imitar os humanos. Perturbados por uma parecença incompleta, os anjos não se cansam de examinar o seu próprio corpo, a sua barriga lisa e sobretudo a ausência de pêlos, fenda ou apêndice entre as coxas. O seu jogo favorito é inventar um sexo para si mesmos, simular prazeres que a leitura às escondidas dos livros proibidos relegados para o inferno das bibliotecas não chega para concretizar. Dada a sua inata bondade, tocam-se com delicadeza, incapazes de se magoar ou, mais ainda, de se violar, a despeito dos godemichés, improvisados com um ceptro e uma auréola à volta da cintura, que exibem orgulhosamente. São mais as vozes do que as poses. Os seus êxtases ficam-se pela abstracção. Até as asas lhes são estorvo. Sonham com orgias e trocas de casais, dispostos a vender, tal como a sereiazinha, a voz em troca do crescimento de um pénis ou da abertura de uma vulva. Durante esses acessos de febre, erotizam tudo, 80
os véus das nuvens, a rotundidade dos planetas, os turbilhões das galáxias e a cauda dos cometas. Mas o dia limpa essas fantasias deléveis. Quando toca a trombeta, estão presentes na parada e, um pouco envergonhados, retomam os seus lugares nas fileiras da legião. O criador benevolente não se zanga, os arcanjos fecham os olhos. Castigá-los só serviria para os tornar mais rebeldes. O exército angélico encarregar-se-á de os fazer entrar nos eixos. Os mais insolentes acabarão por dar os melhores guardas. Perdemos a consciência da idade do ouro, quando o anjo não se distinguia do porco, a felicidade tornava os seres melhores, o prazer pedia para ser partilhado e só havia desejo de amar. Hoje não se acredita na omnipotência do amor, logo no amor, que já não passa de uma palavra. O mito é relegado para os contos de fadas e seus derivados hollywoodianos, o sentimento é admitido, no melhor dos casos, para evocar a relação entre a mãe e o filho, relação profundamente possessiva que assenta na desigualdade dos sujeitos envolvidos. Ligação tão forte que os homens podem ser descritos como animais que não querem crescer. A fraternidade define a rivalidade. A consciência do ego é a única prova da existência. Agora o amor é visto como uma doença infantil, sintoma de imaturidade, acne. A pocilga edénica degradou-se: posse e poder substituíram gozo e prazer, conforto vale por felicidade. A única busca é a dos privilégios. Os querubins contestatários gostariam de conciliar individualismo e uniformização, identidade e prontoa-vestir, brandindo estandartes cheios de boas intenções mas manifestando apenas a sua impotência. Antes de reclamarem a sua fatia de herança. Só nos permitimos o luxo de sermos generosos para distribuir gorjetas. À falta de felicidade, temos o consumo, à falta do amor, praticamos uma sexualidade libertada e informada. A propagação das novas doenças venéreas desferiu um rude golpe nos círculos das orgias e das trocas de parceiro. O isolamento e o fechamento fazem parte do recolher obrigatório. Ora, quanto mais o homem se assume como ser conforme e substituível, mais se reconhece múltiplo. Ao renunciar à sua integridade, entra num jogo teatral de desempenho de papéis sociais. A sua alienação é fragmentação. Embora possa trocá-la consoante a situação, é sempre obrigado a usar uma máscara. Na relação conjugal também. Por conseguinte, os casais podem viver bacanais a dois, variando mais as máscaras do que as posições. Cada esposa pode julgar-se Messalina, cada marido armar-se em Don Juan e realizar uma fantasia de sedução e colecção à escala da humanidade inteira. O parceiro oferece-lhe, na aparência, todas as vantagens da variedade. A singularidade do seu corpo único é apagada pela profusão das caras; na verdade, o corpo é reduzido ao sexo, o homem ao pau, a mulher ao buraco, o rosto a uma imagem. A multiplicação desagua na indiferenciação e na monotonia. Julgando reinventar o amor, o casal moderno descobre a repetitividade mecânica da pornografia. 81
A expulsão desenrolou-se na precipitação. O arcanjo mostrou-se zeloso: como se não lhe bastasse tratar das tarefas sujas, de ser não apenas guarda e delator mas também encarregado do despejo, ainda por cima não conseguiu fazer a coisa com limpeza. O homem deu consigo nu em terra ignota. Começou a caminhar, embrenhando-se numa charneca árida que parecia nunca mais acabar, até que, exausto, se estatelou no chão. E adormeceu como um bebé de colo. Acordou a tremer, transido de frio, a meio da noite, retomou a caminhada sem rumo nem referência, apenas para aquecer. Ao romper da aurora, o banido ergueu os olhos para os céus e maldisse o seu criador. Ora, este último, por um lado, tem o ouvido aguçado, por outro, não podia enganar-se quanto à origem daquelas imprecações que se elevavam até às alturas: ainda só existia um homem, uma única criatura capaz de as proferir, e a sua clara sonoridade não era perturbada por nenhuma outra voz. O relojoeiro celeste, não obstante a precisão matemática dos seus traçados e órbitas, é mais caprichoso do que lógico. E, além disso, mostra-se susceptível. Se há coisa que detesta, é ser apanhado em falta, quanto mais não seja o venial esquecimento de vestir a sua criatura, de a preservar do resfriado que não estava incluído no castigo. Dos confins do céu, trovejou. As legiões seráficas puseram-se em sentido e o arcanjo acorreu para receber ordens. O criador quer-se capaz de largueza, de gestos augustos, e não se contenta com meias medidas. Fez cair, qual chuva de meteoros, qual largada de medicamentos pela cruz vermelha, qual praga em cima dos súbditos do faraó, algumas dúzias de malas de cartão, cheias de toda a panóplia necessária ao perfeito robinson amador. Debaixo de tal borrasca, o homem mal teve tempo de se abrigar, protegendo a cabeça com os braços, enquanto lhe choviam maletas nos ombros e nas costas. Acabada a tempestade, quando olhou à sua volta, o deserto estava juncado de bagagens espalhadas por toda a parte. Precisava de ir buscar umas tralhas, mas nunca poderia transportá-las todas. O melhor era empilhá-las e acender uma grande fogueira. Tremia de frio e só conseguia pensar num bom fogo e, agora que conhecia a sua nudez, não lhe apetecia tapá-la. Tentou rasgar uma tampa, mas estava com falta de forças pois não trincara nada desde a maçã edénica, e o cartão reforçado revelava-se resistente. Ao vê-lo esfalfarse, o criador apiedou-se e, à primeira injúria, enviou-lhe machadinhas. Raros são os eleitos. Mas os danados são igualmente raros. A maior parte dos pecadores são miseráveis, mais infelizes do que maus. Nem santos nem demónios, nem justos nem malvados, eles são contradições ambulantes, seres sacados ao lodo, criaturas de barro. Feitos de húmus paradoxal, matéria sempre recomeçada, enterro e regeneração, lama que suja e adubo que faz germinar, são ditos «humanos». A sua vida é curta, dura tão-só o tempo necessário para que pequem e se reproduzam, após o que é hora de tomarem lugar na longa fila dos mortos que se acotovelam à entrada do 82
céu. Porém, infalivelmente, as asas são-lhes recusadas e a entrada negada. O regulamento exige que se purguem nos locais onde cometeram os seus pecados, donde o ciclo infinito das reincarnações num pequeno planeta situado entre o inacessível paraíso celeste e o infernal fogo central, entre a noite e o dia: o purgatório. Só os anjos caem, os pecadores não tombam do céu, são trazidos para baixo aos pares – porque são precisos dois para pecar – enrodilhados como iscos na extremidade de uma linha que o pescador divinal lança do alto das suas nuvens no rio cerúleo. Fazem as vezes de vermes pois é tentando-os com criaturas a mexericar que se capturam os demónios alados que infestam o ar. A linha é tecida com cabelos de anjo. Os corpos buliçosos assim suspensos no vazio debatem-se, tentam desfazer os nós e libertar-se dos atilhos. Mal se vêem a pairar acima do mar, a uma distância razoável da superfície líquida, mergulham sem hesitar, confiando que a fluidez da água bastará para amortecer a queda. Muitos afogam-se, mas alguns fazem-se passar por náufragos junto dos marinheiros que os socorrem, outros vão parar a ilhas desertas, outros ainda dotados de vozes de castrati e de ouvido musical cantam as suas desgraças dissimulando-se atrás de recifes; até aconteceu uma pecadora reaparecer a flutuar pousada numa concha como que surgida das águas. Raramente são vistos a cair e a sua queda não significa que eles tenham tentado atingir o sol. Quando calculam mal o seu ponto de chegada, enganados pelo nevoeiro ou por um bando de pássaros de mau agoiro que porventura lhes tapou a vista, esmagamse no chão e a polícia debalde se esforça por decifrar o enigma desses misteriosos cadáveres espapaçados no chão. Prefere-se manter a versão do suicídio, mas os mais sagazes falam por meias palavras de defenestração. Quando o primeiro homem e a primeira mulher, banidos do éden, foram trazidos do céu para a terra, esta última era um deserto. A criação ainda só imprimira ao planeta-pião uma única rotação, a fim de separar a luz das trevas, e apenas impusera à sua crosta depressões e elevações, sismos e derivas, para separar o lodo das águas. O infeliz casal levara do jardim celeste algumas sementes na esperança de que elas se adaptariam ao seu novo torrão, mas sabia que ia ser preciso esperar alguns séculos, ou mesmo milénios, antes que a poeira começasse a verdejar, os estames a poeirar, a flora a tornar-se fecunda e os feijoeiros desatassem a dar caules capazes de se içarem até às nuvens. Por outro lado, que a serpente, de metamorfose em metamorfose, inchasse até se tornar um sáurio e depois diminuísse para o formato mamífero. O homem resmungava, deplorando de antemão todo o suor esbanjado, enquanto a mulher se enchia de coragem e de fertilidade, prevendo que todos os braços iriam ser úteis. O homem sondava em vão o vazio, lamentando não discernir nenhuma pegada de dinossauro, pois até mesmo um dragão se sentia capaz de domar. A mulher avaliava a resistência do fio ao qual estavam suspensos, pois não lhe custava imaginar que o clima 83
terrestre não devia decerto ser tão ameno como o eterno estio edénico e antecipava os trabalhos de agulha e tecelagem, sonhando com tangas de pantera e estolas de arminho doméstico enrolado à volta do pescoço. Por isso, qual não foi a sua surpresa quando, no instante de tocar a terra, estavam eles já a esticar as pernas para roçar o chão, uma alcateia de lobos surgiu, oriunda dos quatro cantos do horizonte e, uivando, precipitou-se para os acolher de goelas abertas. O casal começou por se içar, trepando a madeixa de anjo a que ambos estavam ainda seguros, para se manter fora do alcance das dentuças aguçadas daqueles inesperados e pouco amáveis recepcionistas, ao tempo que iam formulando mil hipóteses sobre a origem daquelas feras anacrónicas que tinham escapado à atenção do seu criador omnisciente. O maldito divino barbudo estava a baixar ainda mais um pouco na sua consideração: nem sequer controlava todas as formas de vida que o seu prolífico génio engendrava. Ora estavam redondamente enganados: aqueles lobos que os cercavam eram apenas a encarnação dos seus próprios desejos e receios, da sua cobarde avidez; as feras tinham, por instinto, reconhecido os seus amos e, embora rabujando furiosamente, já estavam prestes a lamber-lhes, servis, as mãos, a deitar-se a seus pés. Eram cães. O demónio da analogia leva o homem a identificar no desenho fugaz das nuvens figuras que, bem interpretadas, o esclareceriam acerca do seu destino, já inscrito no firmamento, em esferas para além do visível. O homem mais não faz do que projectar-se nessas formas em movimento: o guerreiro vê exércitos fantasmais, o pastor rebanhos, o cativo cavalos que vieram libertá-lo e a amante cisnes prestes a transportá-la nas suas asas. Para discernir esses esquissos fantasmagóricos, é preciso conseguir abstrairse do conjunto, focalizar-se num pormenor, reenquadrar a imagem, isolar uma fugitiva configuração da massa de algodão que tende a absorver os motivos efémeros, a reciclá-los para construir outros diferentes. Seja como for, o homem é demasiado pequenino, mesquinho até, para percepcionar o dia no seu todo. O dia é um imenso cão do tamanho do espaço. A roda do sol é o seu olho amarelo e as nuvens tão-só a condensação do seu bafo. Ele baba a chuva, ladra o trovão, deixa por vezes a língua de fora na hora do poente, mas mantém obstinadamente os maxilares cerrados e as beiças levantadas para não mostrar os cachais. Pois os dentes do dia mordem e despedaçam galáxias inteiras que, depois de entrevistas uma noite, logo desaparecem. Aqueles que confundem os relâmpagos com os caninos do dia na verdade apenas viram um farrapo de estrela, um estilhaço que ele cuspiu. Os planetas, ele engole-os sem sequer os mastigar. O céu é a bola com que brinca. Quem viu os dentes do sol sabe que bastaria uma pressão, sem que ele chegasse propriamente a enfiar o dente, para fazer rebentar a pele fina da bola. Se a terra continua a girar, é porque ele a desdenha, migalha que nem lhe encheria a cova de um dente. Procura ossos mais 84
consistentes. Acontece por vezes o céu cobrir-se, a luz toldar-se e tornarse quase noite em pleno dia. As causas do fenómeno podem ser diversas: tratando-se do dilúvio, quando o céu se liquefaz, é porque ele alivia a bexiga e levanta a pata para marcar o seu território cósmico; se o ar se faz espesso como alcatrão, é porque ele larga um cagalhão; se o sol não volta a aparecer, é porque o mastim matinal do dia nascente fugiu, com os molossos da noite no seu encalço. Porque, como já se terá percebido, o cão diurno é cobardolas e molengão, frouxo e degenerado por excesso de cruzamentos consanguíneos, empanturrado de demasiada papa celeste, obcecado com a sesta e a digestão. Na verdade, quando dormita, finge estar de sentinela. Se o sol ainda brilha, é por ele ter aprendido a dormir de olho aberto. Quando a escuridão se derrama a oriente, é o cão das trevas que vem render o seu colega diurno. Porque a noite é um cão do qual se podem reconstituir as formas seguindo o desenho das constelações. É um pequeno rafeiro de pelo preto, um bastardo que conservou alguns traços do lobo original. Sempre à espreita, pisca o olho lunar que aponta para o planeta como um projector varrendo a penitenciária. Quando o olho fica vermelho, injectado de sangue, é o alerta prestes a tocar, o apocalipse não tarda, o exército dos anjos atravessou o espaço, as trombetas da sua vanguarda soam como uma falsa nota cuja desafinação interrompe brutalmente a música das esferas. Quando o olho está branco, como que inchado de leite, é uma lágrima pronta a saltar e, à face da terra, começa a estação das chuvas, primeiro as pragas, gafanhotos, varejas e sapos, e depois deles o dilúvio. Ele assiste regularmente ao fim do mundo e a seguir sacode-se, as gotículas com que salpica e as faíscas lançadas pelo seu pêlo eléctrico são as nebulosas e as estrelas que avistamos. E se o céu nocturno é negro, perfeitamente opaco, é porque o cão da noite se deitou sobre o mundo, obstruindo a observação, tapando os telescópios, virando-nos as costas, pousando uma placa de trevas sobre os nossos projectos, apagando os nossos destinos com uma indelével mancha de tinta, extinguindo toda a esperança por algumas horas, atirando os amantes para a obscuridade dos lençóis e os culpados para o negrume dos seus desígnios. Indiferente às nossas angústias, confundindo a terra com um grão de cascalho, se é que dela se apercebe, vai rilhando durante esse tempo o osso da via láctea, fazendo girar alegremente galáxias longínquas na ponta do nariz, ou executando truques de malabarismo com os planetas. É preciso ocupar o tempo. O seu turno de vigia é, incompreensivelmente, sempre mais longo do que o do colega diurno. Ora, na verdade, ele é um cão apontador e aquilo de que gosta é caçar. Ninguém lhe pode escapar, o seu faro é infalível. Segue toda e qualquer pista. Se os seus rastreios não deixassem um lastro de sangue e de crimes, até poderiam passar por milagrosos. Ele é, a despeito da sua opacidade ou através dela, a revelação. Assim, numerosos são os que escolhem ser por ele guiados, preferindo o fio retorcido de uma consciência 85
culpada ao tracejado rectilíneo de uma rotina frívola, ainda que tenham de vazar os olhos para não perder o seu rasto de fuligem depois do incêndio. Ao romper da aurora vendam os olhos, a fim de não serem obrigados constatar a sua fuga e, sobretudo, de não terem que se arrepender da sua vã cegueira. Os mortos que se vêem proibidos de entrar no paraíso são enjeitados e retornam ao lugar donde vêm: o purgatório. Não para lá renascerem, mas para lá apodrecerem. No máximo podem reencarnar, parcelarmente – uma cor de olhos em fulano, a forma do queixo em sicrano – decompostos pela morte antes de começar o trabalho dos vermes. A morte faz emagrecer. A maioria, ao chegar ao guichet, já só tinha pele e osso – ou nem isso, pois as medidas de higiene preconizam que se verta cal viva no caixão, pelo que os mortos são esqueletos branqueados ao sair do esquife, e nem se reconheceriam se se vissem ao espelho. Portanto desfazem-se e caem em chuva de ossos, esqueletos desarticulados, múmias ou corpos em interminável putrefacção, sobre a cabeça dos seus descendentes e cada família recebe a sua quota-parte de cadáveres. Todo o homem nasce em chão de chacina sem o saber. Os mortos são os seus verdadeiros parentes e parasitas, ao envolvê-lo, ao invadi-lo: herda o nariz do antepassado cujo rosto foi inconscientemente devorado pela sua mãe, ou a deficiência provocada pela sífilis tratada através de sangrias, doação de seu bisavô que ele mesmo a recebera de um prelado na corte dos Borgias. Os defuntos deixaram crimes desconhecidos, segredos cuidadosamente enterrados, de que os seus descendentes deverão carregar a culpabilidade como uma melancolia cuja origem ignoram, bem como projectos cuja realização os seus netos tomarão a peito sem saberem que essa obsessão exaltada lhes foi transmitida por via sanguínea. Ora os vivos não andam tão a leste apesar de tudo. Têm a intuição de uma sucessão, a presunção de pertencer a uma cadeia, a uma linhagem que os condena e impõe os limites da sua individualidade original. Se conseguem conceber uma relação com um estranho, ainda que sob a forma da rivalidade ou do conflito, é porque sabem obscuramente que ele é seu irmão bastardo, portador dos mesmos genes e taras que um antepassado comum lhes terá legado. Os mortos são um peso e um estorvo. São o passado sempre presente, sempre ameaçador. Eles duram, perpetuam-se. Por isso, os vivos instauraram um culto dos mortos para os esmagar sob o peso do rito, para os esquecer. Sem contudo se livrarem deles, pois é o seu esqueleto que, interiorizado, suporta as entranhas e entrava os gestos dos ingratos. Acontece por vezes, todavia, que um homem se apaixone por uma morta e que beije, dentro de si, incestuosamente, os seus queridos ossos. Ao que parece, só a partir de uma certa proporção é que os estrangeiros são vistos como uma ameaça. Ora, por muito que os vivos forniquem, nunca se reproduzem tão depressa como os mortos. Por isso, os defuntos 86
são periodicamente vítimas de exumação, cremação, dispersão das cinzas e expulsões em massa, já que no caso deles os pogroms e os massacres seriam inúteis. Requisitam-se os cemitérios, violam-se túmulos, invadem-se guetos sepulcrais, escorraçam-se os mortos da cidade. São postos de lado e a milhas como os leprosos de outrora; no entanto, como os seus ossinhos a tilintar se ouvem ao longe, são dispensados do porte da matraca. Desprovidos de músculos e de tendões, os esqueletos caminham com dificuldade, estatelamse ao menor obstáculo e são obrigados a concentrar todos os seus esforços para se manterem intactos. Os mortos mais frescos carregam com os outros, os mais mutilados servem de bengala, os que começam a desmantelar-se amontoam-se numa carroça. Resmungando contra a ingratidão dos seus descendentes, os defuntos empreenderam uma longa jornada de êxodo rumo a uma terra prometida e secreta, à imagem do mítico cemitério dos elefantes, onde os seus ossos poderão, finalmente, repousar em paz, sem que lhes seja cobiçada a magra vala que ocupam. O cortejo tem tudo ar de um exército em debandada. Os necrófagos acompanham-nos na esperança de apanhar uns ossitos esparsos. Os infelizes só têm as próprias tíbias para se defenderem dos lobos! Como a má consciência reforça a repugnância, os vivos fogem à medida que a lúgubre tropa avança. Os trespassados aproveitam para carregar os troncos abatidos pelos lenhadores e por despregar os morcegos das portas dos celeiros para recuperarem os pregos: vão precisar deles para fabricar novos caixões. Com as guerras e as epidemias, as suas fileiras vão engrossando e a terra lá se vai despovoando. Muitas vezes são os que os condenaram ao exílio que são obrigados a juntar-se às hostes. Poderiam fazer valer o facto de serem cada vez mais numerosos para reclamar uma porção de espaço fatal. Mas estão cansados, só aspiram ao repouso. Gostariam de não assustar os vivos a quem dão o nome de parentes. Não lhes invejam os jazigos empilhados ou montados sobre rodas onde a sua preciosa mobilidade se encontra enclausurada. Discretos, de bom grado se apagariam. Os mortos já têm a experiência da vida, que não passa de vaidade e escatologia. Beijaram a terra e tomaram-na como derradeira companheira, na esperança de que, após a sua passagem, a erva voltará a crescer. No fundo das entranhas ou no fundo da cabeça – pois a cabeça não passa de uma pança endurecida, o cérebro de um intestino com circunvoluções aglomeradas, sendo que as meninges e as tripas formam um sistema de esgotos paralelos, alimentados pelos mesmos orifícios, bucais e oculares (a língua fixa uma relação de tamanho entre os olhos e a barriga, colocandoos em paradigma) –, há uma cave ou um sótão, onde o espírito armazena as ossadas indigestas dos seus crimes mentais, dos seus desejos mortíferos, dos entes queridos sacrificados e dos adversários simbolicamente assassinados desde a mais tenra infância. Os esqueletos paternos, posto que o pai é repetidamente matado, dominam, mas o sepulcro interior também abriga os 87
ossos do melhor amigo abatido no dia em que se mostrou mais bafejado pela sorte, da mestra de escola lapidada para vingar um castigo injusto, do mau condutor anónimo perseguido, encurralado num beco sem saída e impiedosamente crivado de balas, do rival amoroso liquidado com um cocktail cuja licorosa e enjoativa doçura escondia o sabor a amêndoa amarga do veneno e tantos outros esquecidos logo após eliminação. Se os olhos fossem pistolas, a terra seria de há muito um deserto. Aliás, o contingente aumenta regularmente, pois neste universo de competição em que todos se pisam e empurram, as ocasiões de chacina virtual para ajuste de contas, definitivo e a bom preço, não faltam. Não se passa um dia sem que a mostarda suba ao nariz e, se a boca engole em seco as invectivas e o braço suspende o gesto, o espírito nem por isso deixa de desferir golpes fatais. As ossadas mentais não tardariam a ocupar o corpo todo, obstruindo todos os órgãos, se a cloaca digestiva e ressentimental não segregasse também ratos para limpar forro e mansarda. Esses roedores espirituais nascem dos remorsos e alimentamse de anseios não concretizados. Os heróis podem engendrar e encerrar na sua caixa torácica um prometeico abutre, mas os espíritos vulgares só são capazes de produzir grandes ratazanas. Mesmo muito grandes, do tamanho de um boi mental. E esfomeadas. Deleitam-se com os cadáveres semeados pelas veleidades de vingança contra um sistema que nos oprime, a começar pelos nossos semelhantes que se safam mais airosamente do que nós. Roem os esqueletos das nossas cobardias, branqueiam a nossa alma. É preciso alimentá-los sem tréguas. A psique é um matadouro. No entanto, o rosto nada deixa transparecer, afivelando um sorriso hipócrita. E os jornais tecem considerações sobre a solidão e a agressividade do mundo moderno. A paisagem é um animal compósito. A recordação fossilizada dos seus habitantes forma as colinas, nas quais facilmente discernimos o lombo de um dinossauro desaparecido, os rochedos nos quais reconhecemos as monstruosas escamas dos sáurios antediluvianos, e todo esse velo vegetal que não consegue obliterar a sua existência submarina e flutuante de um tempo anterior ao abaixamento do nível das águas e da sublevação, insurrecta e caótica, do relevo. A erosão da paisagem colmatou as falhas que separavam a traço grosso e visível uma forma animal da outra, opondo o béhémoth mítico ao bisonte rupestre, para criar, graças a um simples efeito de desfocagem e ao esbatimento dos contornos, monstros e anfisbénios, enigmáticas esfinges com corpos de leoa e sorriso de Gioconda. Os seres lendários, hidras e dragões, com os quais os antigos cartógrafos povoavam os seus mapas, devem ser lidos, não como representações imaginárias, menos ainda como motivos decorativos, mas literalmente como figuras petrificadas da paisagem – era frequente eles trabalharem em grande escala, portanto onde eles desenharam alguma fabulosa quimera, o viajante ou o marinheiro só avistarão a respectiva crista. No entanto há uma delas que, não obstante 88
a essência matricial, ou mesmo maternal, da terra ser largamente admitida e positivamente reconhecida – quanto mais não seja através do género dos substantivos que designam as partes da paisagem: serra, montanha, colina, gruta, ravina... –, raramente se deixa apreender pelo observador, pudica qual deusa surpreendida durante o banho: é, no seio da paisagem, a forma feminina. Porque, antes de tudo, a paisagem é mulher. Ora ela prefere os desertos para expor, longe dos olhares voyeurs, as curvas em dunas, e as águas para aparecer nua como se, na nudez, desse à luz a sua própria pessoa. Cobre de vegetação, folhas de vinha ou densas ramagens, as formas arredondadas das suas nádegas, esconde as suas frescas e torrentosas anfractuosidades sob o manto das florestas, confunde-se com as baías e golfos esculpidos em seu barro original. Mas quem se deixa seduzir pela «alucinação simples», e não varre as miragens com as costas da mão, já a terá certamente vislumbrado ao fundo da estrada, dançante, nuvem ou turbilhão de poeira, pairando sobre outeiros e cabeços que são apenas as suas saias de balão. Ela estende-lhe os braços, arredonda a boca solar até ao beijo, afasta as coxas abrindose em vale. Mas mal o observador esfrega os olhos, já ela desapareceu e a paisagem mudou. Porque, no fim de contas, a paisagem é mulher. O que mais engana na paisagem é o seu aspecto perene. Os relevos mais torturados parecem erguer-se desde sempre e a sua idade venerável lima as arestas. Afora as cidades, a intervenção humana fez questão de se mostrar discreta, quando não invisível. A manha mais traiçoeira da terra consiste em dar-se ares de ser acolhedora. Em fazer esquecer a servidão que traçou os seus sulcos e plantou os seus arbustos, as hecatombes que os regaram com sangue, as gloriosas frentes de batalha que os adubaram com cadáveres, e os planos quinquenais, as desflorestações, as barragens, o traçado das fronteiras, as deslocações de populações, o êxodo rural, as migrações pendulares e a desertificação. A paisagem foi retocada, estabilizada. A terra exibe, na sua face visível, o fracasso do desígnio do «domínio de Arnheim». A natureza continua a ser um modelo mítico, um álibi: o panorama esforçase, sem se estetizar ostensivamente, por parecer-se com uma pintura, por ser mais real que a realidade. E a natureza presta-se ao jogo, deixa-se espezinhar, empedrar, expulsar e reinventar em maior conformidade com as normas sociais, fecundidade controlada, destruição dissuadida, danos colaterais irrisórios. Natureza pacífica, apaziguadora, sensata como uma imagem bem comportada. A paisagem fica muda e queda, anestesiada, saciada ou moribunda. Mas terá bastado um bater de asas de borboleta para a despertar. A natureza, ainda adormecida, espreguiça-se e, mediante um sismo, engole uma cidade, por meio de um ciclone arrasa uma floresta, com um simples soluço levanta uma montanha e soprando ao de leve apaga um vale. A gravidade da paisagem era ilusória, pois que não era mais duradoira do que um telão, um cenário. As suas fortificações rochosas, a sua imobilidade petrificada, a 89
sua mineralidade estavam minadas. Os seus canteiros, o seu ordenamento de parque, a sua moleza ondulante e verdejante estavam ameaçados. As térmitas nunca cessaram de labutar. O deserto nunca parou de avançar subterraneamente. O míldio esteve sempre à espreita. À medida que o natural era escorraçado, o equilíbrio derrubado, pássaros e répteis mudavam de dieta. As cabras desataram a comer lixo e sacos de plástico, os lobos tornaram-se vegetarianos e os coelhos carnívoros. Os ratos conseguiram engordar. Os homens resignaram-se a comer merda. Por isso, quando a mão da natureza varreu com um gesto a paisagem e com um beliscão arrasou cidades, quando a catástrofe se desencadeou e se percebeu que não ficaria pedra sobre pedra, que ia ser preciso reconstruir tudo, alguns sentiram-se aliviados. Atingir a meta final significa que a viagem acabou. Chegar é falhar. Cada viagem, como um dado de novo lançado, reactualiza a possibilidade, até então sempre contrariada, de que o viajante se perca. Numa via traçada desde a hora do nascimento, a menor floresta representou uma tentação da qual todos sabiam que os perigos, na boca dos pais, sempre foram exagerados ou até totalmente fantasiados. Não era o perigo ou o desafio que se revelavam tão atraentes, mas simplesmente a certeza de que um desvio, um passo em falso, um encontro fortuito podiam mudar irreversivelmente o destino. O homem está raramente satisfeito com o seu estado. A hipótese de uma outra vida é-lhe irresistível. Adulto, não consegue reprimir uma atracção pelos lugares ditos de perdição. Viajar é pois tentar afastar-se de si mesmo. Esquecido da expulsão, das malas feitas à pressa, dos horários, dos itinerários, o viajante encontra-se assim numa estrada sem começo nem fim, da qual apenas sabe que não leva onde o seu desejo o chama. Não é capaz de caracterizar melhor as paragens que procura porque é precisamente a sua vertente «desconhecida» que as define. À falta de flechas, todas as direcções servem, conquanto se desviem da faixa umbilical, rasto fosforescente deixado por alguma lesma patriarcal, quiçá divina, fita à qual ele está grudado como uma mosca. Não consegue fazer o luto do céu, habituar-se à ideia de que teve de dobrar as asas e de que lhe está vedado, de todos os pontos cardeais, o zénite. As suas malas estão provavelmente cheias de penas, mas pesam como chumbo. À face da terra, elas são o rochedo que lhe cabe empurrar, a sua memória transformada em grilheta. Agita em vão os braços em todos os sentidos, para o caso de um disco ou um tapete voador, um pássaro Roca, um voo de gansos selvagens, um abutre generoso ou esfomeado passar e querer levá-lo. Mas o céu está vazio. Mesmo a via láctea se apagou. Ele é um pequeno polegar no escuro. Não há nem sombra de árvore para trepar e tentar vislumbrar o clarão trémulo de uma candeia à janela de uma cabana enterrada nos confins da floresta. Não há floresta nem casebre. Nem ogre sequer. Nem monstro para enfrentar neste labirinto sem paredes cujo centro fica em toda a parte e a circunferência em parte nenhuma. Atrelado ao seu 90
passado, vergado pelo peso da quimera dos seus segredos, incapaz de resolver o seu próprio enigma, condenando, qual judeu errante, a nunca poder parar, ficar num dado lugar, só lhe resta avançar. Avante! o ar cortante fustiga-o. O homem esqueceu-se de que é uma nau, uma nave. A sua socialização leva-o a considerar um fenómeno natural da vida gregária o seu alistamento na armada. Só vê os seus semelhantes, esquecendo o oceano que os rodeia, as vagas que os separam, as marés que os empurram uns para os outros antes de os fazer refluir, cada qual para seu pontão solitário dotado de horrendos olhos. Já não vê a sua casa como uma ilha, os braços amados como um porto, a vida como uma travessia. Já não se fia nas estrelas para o guiarem. E esqueceu a sua carga, a sua razão de ser. O homem é um navio ou um avião, ou mesmo um camião, no pior dos casos uma carroça, que transporta nos seus flancos imagens do mundo, matéria-prima do imaginário que poderá transformar o mundo. Circulando em pontes, corredores, invisíveis escadas rolantes, as sensações e as ideias penetram na carlinga da sua cabeça, através dos olhos, da boca e dos ouvidos, antes de se acumularem no porão do crânio. Voltarão a sair aquando de uma escala, por via bucal ou pelo occipital. Porque as ideias precisam de viajar para perderem os seus pais O homem contenta-se com navegar. A vida moderna, dita activa, reduz curiosamente o seu campo de exploração, seja confinando-o a circuitos rotineiros, fechados, seja ordenando todas as lonjuras consoante um modelo único de exotismo segundo o qual todos os portos se equivalem. Todos os aeroportos são parecidos, e os centros comerciais são concebidos como aeroportos donde não se descola. Esta vã navegação, que nem chega a ser um lazer, em que o homem, à imagem do planeta, mais não faz do que andar às voltas, integra-se nas grandes manobras permanentes no quadro de uma sociedade em que todo o trabalho participa no esforço de guerra e em que o combate fratricida foi rebaptizado competição. Importa não afrouxar a tensão e a vigilância, correr, mexer, agitar-se. Sempre a dar à roda, sempre a andar à nora, sempre em círculo vicioso como no picadeiro. Então, embora sacudidas, no fundo as ideias não saem do sítio, esquilos imprevidentes que fazem girar em falso a mó do espírito. Viagens, explorações, descobertas permanecem virtuais, dentro em breve serão digitalizadas, controladas, censuradas num espaço binário, matemático, indiferente. As cabeças estão fora, em doca seca, sobre esteios, quase não flutuam, metem água e não estão em estado de enfrentar o mar. As ideias entram de cabeça e saem de rabo entre as pernas como numa estação de caminho de ferro de papelão, construída para ser cenário de filme, atracção sedutora de feira, falsa cópia à escala e em três dimensões, donde nunca nenhum comboio poderia partir. A vida é um rio atormentado que desenha tantos meandros que os cartógrafos se perdem pelo meio e já renunciaram a reconstituir um curso tão instável 91
e caprichoso. O seu caudal é irregular e imprevisível: por vezes, um dilúvio que se prolonga durante semanas e semanas não basta para engrossar o fio de água que serpenteia no fundo do leito, mas por outras um simples aguaceiro chega para o fazer transbordar. Por isso, sem mesmo ter em consideração as cascatas e as zonas de rápidos, o percurso acidentado da vida é tido como inegavelmente perigoso. Os naufrágios não têm conta e o rio arrasta os corpos dos afogados que abandona, quais aluviões, na colo das suas enseadas. Muitos são os que, mal conseguem agarrar-se a algum rochedo saliente ou aos ramos de um arbusto enraizado na riba, se içam para fora de água e nunca mais abandonarão a margem, ficando daí para a frente a olhar para o rio da vida sem jamais banharem em suas águas. Todavia, a maioria deixa-se flutuar. Há aqueles que gostariam, à imagem do salmão, voltar a subir até à fonte onde deixaram a sua infância. Os humanos, embora não sejam anfíbios, são assaz adaptados ao meio aquoso, pois nunca perderam o seu atavismo piscífero, nem perderam as suas raízes ictóides, mantendo inscrita nos seus genes a memória de uma evolução que se iniciou nos fundos submarinos que o líquido amniótico, durante a gestação, e a salmoura com formol, para a conservação post-mortem em laboratório, tentam recriar. Brisset detectara a gritante semelhança formal entre o feto e o girino. O homem, quimicamente, é sobretudo composto de água. É quase surpreendente que não seja solúvel. O próprio ar que ele respira, no fundo, não passa de água vaporizada. Contestando uma hipotética origem angélica, hoje amplamente posta em causa, várias teorias atribuem à humanidade antepassados tritões e sereias, genealogia atestada por bastantes mitos. Certas seitas que se dedicam à decifração e à interpretação dos textos místicos assimilam o rio da vida ao da morte e proclamam que a verdadeira vida começa após o afogamento, pois verificou-se que os afogados amiúde percorrem distâncias bem superiores àquela que mesmo um bom nadador pode cobrir. Só uma tese deste género pode consolar os pais de todos os inocentes desaparecidos ao primeiro mergulho, que se afundaram sem nunca voltarem à superfície. Seja como for, todos são, tarde ou cedo, levados até ao grande magma oceânico onde se dissolvem para serem reciclados. O homem não passa dum puto. Por muito que o castiguem, nunca aprende a lição. Quando inventou um truque, não desiste dele nem à lei da bala. Ainda bebé, já gosta de jogos de construção. Para poder deitar abaixo. O criador derrubou a torre de Babel, fulminou Sodoma e Gomorra, arrasou Cartago, lançou os Hunos na investida contra Roma com vista à sua demolição, deixou Cluny desmoronar-se, Dresden ser bombardeada, as torres gémeas serem atingidas, mas o homem continua ainda assim a construir obstinadamente. No imemorial conflito que opõe o nómada ao sedentário, Caim foi castigado, mas os seus filhos continuam convencidos de que ele venceu. E, passados de uma sociedade rural a uma civilização urbana, reciclaram-se na construção 92
civil. Querem fazer-nos acreditar que a casa é o arquétipo humano mais universal: contam que as crianças africanas que moram ora em cubatas ou em barracas de chapa, ou em construções de betão, desenham espontaneamente casinhas rectangulares de telhado vermelho, como se transportassem o modelo da moradia de subúrbio ocidental nos seus genes! As doenças podem espalhar-se e dizimar os habitantes, as populações podem envelhecer e decrescer, não é por isso que se pára de construir. E no entanto, os únicos monumentos humanos que resistem ao tempo são os túmulos. A matriz da cidade humana é o cemitério. Pois o homem destrói ainda mais depressa do que constrói. A própria ideia de apocalipse é apenas projecção no futuro de imagens demasiado conhecidas do passado. O criador nem sequer tem, na verdade, de intervir, o homem, único animal que ataca sistematicamente os membros da mesma espécie, encarrega-se de tudo. Juiz e parte interessada, executa a sentença antes que o veredicto seja pronunciado. Quer-se dono do destino. Tendo conseguido facilmente imaginar o fim do mundo, só lhe resta realizá-lo. Depois dele, o dilúvio. Deuses ou forças cósmicas não precisam de sujar as mãos metendo-as à obra. No máximo, os movimentos telúricos podem dar uma mãozinha, o Vesúvio sepultar Pompeia ou o Monte Pelado varrer Saint Pierre. O homem tem a memória curta. Incendiou a biblioteca de Alexandria para melhor esquecer o passado. Não hesitaria a deitar-lhe fogo de novo, nem que seja para receber o prémio do seguro. Especialista das ruínas, a sua verdadeira obra é composta de cinzas e espalha-se em nuvens. Proclama-se arquitecto, mas prefere fazer tábua rasa. O apocalipse nunca é total, há sempre sobreviventes, por isso é sempre preciso recomeçá-lo. Os cárceres mentais comportam inúmeras enxovias e outras tantas jaulas para enclausurar as culpabilidades demasiado pesadas, os desejos indecentes de mais, as vontades inconfessáveis, toda a borra do nosso psiquismo. Certos prisioneiros morrem de inanição e transformam-se em fantasmas. As celas não comunicam entre si, mas muitos subterrâneos foram escavados, pelo que a penitenciária mental, mais esburacada que um queijo, funciona como um inextricável enredo de labirintos encaixados uns nos outros. Como nas masmorras onde os reclusos caem no esquecimento, não há guardas. Uma vez caído no poço psíquico, o acto transgressor ou o desejo censurado é abandonado. Em contrapartida, os monstros assombram o local. Bem como os parasitas, encarnações do que foi recalcado. No fim da tripa, a ratazana esbarra contra as grades da gaiola do furão. Os dois roedores debalde tentaram morder e arranhar: as grades são demasiado apertadas para deixar passar o focinho, as jaulas demasiado instáveis para dispensar que os pés e as mãos tenham de se segurar constantemente. Então experimentam outras tácticas. O furão: «Ao menos eu sirvo-lhe de estola interior, aqueço-o e embelezo a sua alma, enquanto tu levas colada aos pêlos toda a lama dos seus maus pensamentos. Eu sou mimado pelo seu espírito. Tu inspiras93
lhe repugnância!» O rato escarnece: «Tu achas que és um vison, mas não passas dum texugo que lhe enche a alma de fedor! Eu sou o lixeiro, não é lá muito reluzente, mas pelo menos é útil. Todo o teu requinte não impediu que viesses parar ao fundo do buraco, na mesma cloaca que eu!» O furão replica: «Eu encarno os seus fantasmas mais secretos, sou o sésamo que abre todas as cavernas do bosque encantado. Enquanto tu, no melhor dos casos, só evocas o suplício chinês do rato enfiado pelo cu acima. Eu sou sexual, quando tu és excremencial. És o símbolo materializado do mal e do horror.» O rato retorque: «Tu és a imagem daquilo que deve precisamente suscitar desconfiança. O teu pêlo aveludado é indício de riqueza e a tua peliça anda associada às pérolas, num cliché de erotismo perverso; mas em matéria de pérolas só tens os teus dentes aguçados a oferecer, e um fio de sangue escorre no canto desse luxo luxurioso. Não te armes em menos ávido e impiedoso do que és!» O furão, em resposta, tenta vazar e arrancar os olhos do rato que se esforça por lhe agarrar a cauda. O combate pode durar uma eternidade pois não há nem juiz nem recompensa, nem árbitro nem prémio, nem gato nem coelhinho nas masmorras do espírito. As formas buscam-se. A vida é essencialmente uma combinatória. Os organismos diferem no seu arranjo, não na sua composição. O genoma de uma simples planta e o de um mamífero dito superior não se distinguem por sua natureza, são, senão idênticos, iguais. Assim, uma célula pode virtualmente engendrar qualquer criatura, do líquen ou da pulga até ao carvalho ou ao elefante. Mas, tendo composto – enroscando-se sobre si mesmo três, sete ou dez vezes, como se dobra a língua na boca – o programa de um dente, de uma carapaça ou de uma folha crenada, logo lança a produção e já não voltará atrás. E ainda assim! Pode haver bloqueios, paragens, hesitações na mecânica da reprodução. A medicina colecciona as curiosidades anatómicas, o feto humano com cabeça de carneiro, o homem-elefante, as irmãs siamesas e outros fenómenos de feira. Os mitos, mas também os relatos dos viajantes, dão-nos conta de monstros de toda a ordem, na configuração dos quais várias espécies se cruzam num mesmo corpo, da sereia ao minotauro. Todos têm algo da esfinge e do enigma. Pois, a cada cissão da célula inicial, há uma mutação, a possibilidade de uma mudança de plano, o esboço de um novo esquisso que se opera, e eis que os dados estão relançados. Aquilo que começou cabeça pode prosseguir como cu, o que rebentava vegetal pode autonomizar-se, articular as raízes até serem patas e acabar por eclodir animal. Nesse processo de génese, a cada instante recomeçada, que é a formação do ser, notável é que o réptil no fundo do homem deixe o seu minúsculo cérebro ser abafado pelo córtex a as suas escamas amolecer até serem pele. O espantoso é que esse paradoxo da física quântica, postulando que só pode existir estabilidade estatística e que toda a unidade é acidental, se traduza por tão poucas aberrações, criações defeituosas ou monstruosas! 94
Que só unhas, dentes e cabelos cresçam! Que não mudemos de cabeça ou de sexo a cada instante! Transportamos em nós toda a criação, uma coroa de louros na testa, um peixe vermelho na boca, um abutre no fígado. Todo o homem deveria encarar, antes de adormecer, a hipótese de acordar no dia seguinte transformado em barata ou em verme. Porque, no fundo, o que vem a ser o homem? No melhor dos casos, se acreditarmos no filósofo, ele distingue-se pela consciência escatológica de ser habitado por um esqueleto. É por estar sempre em contradição consigo mesma que a consciência pode atingir a poesia, à custa de hermetismo, metáforas, cifras e lapsos, para se cegar, se enganar com a própria verdade, ser vítima de seus jogos de enganos e acabar por formular o intraduzível que ultrapassa o seu entendimento. Comparado com ela, o inconsciente é simples, besta um pouco grosseira, ou até violenta, ignorando o verniz, a cortesia ou a diplomacia, avançando sempre em frente, fustigando a linguagem, sua herbicida cavalgadura. A consciência possui todas as infinitas complicações da administração dum império policiado, enquanto o inconsciente bárbaro a sitia e ataca, a invade, como quem não quer a coisa, no ímpeto da sua rota nómada, apoderando-se das jóias lavradas tão-só para as derreter e lhes sacar o ouro, incendiando os palácios, mutilando as estátuas, lacerando as tapeçarias e os brocados, em suma saqueando a linguagem cuidada e guardando apenas algumas bugigangas preciosas ou brilhantes, sem distinguir as gemas das missangas, nem a obra de ourives da pacotilha. O inconsciente é literal, só cria imagens por associação, quase por acaso, por defeito. As figuras que o habitam têm simultaneamente que dissimular a sua avidez e que saciá-la, ocultá-la para melhor a satisfazer. Como assaltantes, os seres do inconsciente usam disfarce para não serem reconhecidos, mas denunciam-se precisamente devido à mascarilha que arvoram, como as stars atrás dos seus óculos escuros. A mascarilha sobre a cara desvenda mais do que venda. Além disso, o inconsciente traduz o carácter anormal, selvagem quimérico, suficientemente raro e escandaloso para que alguns nem acreditem nisso, dos sentimentos que segrega através do atributo do licorne com o qual orna a testa das suas criaturas: um longo espeto ósseo, uma agressiva espada craniana. Portanto, quando os desejos penetram, por arrombamento ou arroubo, na consciência, parecem afivelar máscaras fabulosas, sair de algum Baile de Entrudo ou Carnaval de Veneza. Mas essa primeira impressão, perturbante como a aparição, num romance de cavalaria medieval, de uma virgem no meio da floresta, misteriosa mas inofensiva, não dura. Pois as mascarilhas colam à pele, os rostos alongam-se até se tornarem focinhos, prolongam-se na agudez dos cornos e a ronda festiva transforma-se em matilha furiosa. A imagem inicial, um tanto anacrónica, como que tirada da iluminura dum pergaminho, é rasgada pelos espetos, chifres, garras e dentes, e a ferocidade do instinto precipita-se uivando até esbarrar contra as grades do espírito. 95
A viajante deteve-se. Apesar de levar bagagem leve, a sua mala é difícil de carregar. Sente as pernas pesadas e os pés doridos. Não vai chegar à estalagem antes da noite cair. A estrela do pastor já brilha, farol para a guiar ou holofote para a vigiar, isso ela não sabe. Quando foi expulsa, foi condenada a dar à luz entre dores, não a errar pela terra hostil. Julgou escapar ao castigo separando-se do seu macho, mas começa a achar que ele era um mal menor. O olho estelar, no centro do céu, incomoda-a pela sua fixidez. Prefere o perigo das sombras à inquisição daquela luz e refugia-se sob as ramagens da floresta. A senda sob as copas parece uma corrente de leite derramado por contraste com a escuridão reinante. Ela percebe que o bosque é um lugar mental onde são convocados os medos e os fantasmas materializados sob forma de animais ferozes, anões e elfos, ogrezas e bruxas, presenças não necessariamente malévolas mas sempre inquietantes. Ora, as mais assustadoras não passam de perversões do desejo entendido literalmente: Quem saberia apreciar a nossa carne melhor do que um ogre? Quem poderia embalar-nos e proteger-nos melhor do que um gigante? Quem melhor do que um duende poderia introduzir-se nos recantos mais escondidos do nosso corpo? A que confidente mais seguro e discreto do que um pequeno animal confiar os nossos segredos? A serpente, rastejante e viscosa é, obviamente, uma ameaça puramente simbólica. O temor que a floresta nos inspira é, no fundo, um receio de nós mesmos, pois o desconhecido que em nós transportamos é certamente mais profundo e arriscado do que os perigos naturais ou os monstros míticos que povoam os bosques. Extenuada, a viajante penetra no mato, abre a mala, estende um lenço no chão para se deitar, prepara-se para passar a noite ao relento, debaixo das estrelas doravante invisíveis, mas sem deixar de espiar a aparição de visitantes, ao mesmo tempo temidos e esperados. O bosque é habitado e, entre rãs coaxando e corvos crocitando, entre estridências de insectos e trinados de passarinhos, rebenta um verdadeiro concerto mal ela se deita, alvorada de boas vindas aparentemente executada em sua honra, como se até à sua chegada a floresta tivesse retido a respiração. À essa massa sonora juntam-se ruídos furtivos e a viajante, naquele estado um pouco comatoso que antecede o sono, distingue no crepúsculo as silhuetas ofegantes dos lobos que acorreram em alcateia respondendo ao seu chamamento inconsciente. E adormece confiante, parindo sem dor o cordeiro dentro de si. Se deres de caras com o lobo, mais vale ficares mudo e quedo do que desatares a correr. O viajante decorou esses conselhos recebidos desde a infância, mas todos esses avisos não impedem que, ao encontrar o lobo no meio da floresta, ele entre em pânico. E no entanto, o viajante possui uma vantagem decisiva sobre o seu agressor: ele sabe ou adivinha que o lobo não passa de um fantasma, enquanto o lobo ignora isso. Em contrapartida, o homem desconhece a sua própria natureza e tem todas as razões para duvidar tanto dos seus sentidos 96
como da sua consciência. E a sua intuição clarividente poderá não valer de nada frente ao instinto cego da fera. Paralisado, incapaz de agir, ainda mais de fugir, mas repelindo a ideia de antecipar a sua própria morte, ainda que sabendo-a fingida, o viajante encurralado abandona a camuflagem camaleónica e passa a recorrer à metamorfose. De errante perdido, meio turista meio peregrino, passa a rapariga frívola e, tentando ignorar a presença do lobo, começa a apanhar flores. O lobo fica atónito. Então os pais não avisaram esta inconsciente? Como conceber que não a tenham alertado para os encontros perigosos? E mais perigoso do que todos, o encontro com o lobo? Ei-la a cantarolar, uma verdadeira provocação! O lobo está habituado a que tentem escapar-lhe. Nenhuma presa jamais se lhe ofereceu assim. De vestidinho curto e chapéu de palha, ela deve imaginar que está num jardim público e não num recanto da floresta. O lobo aclara a voz, tosse secamente para chamar a atenção. Sorrindo como que para partilhar a sua alegria, ela estende-lhe o ramo recém colhido como se o julgasse sensível ao perfume das flores, qual zangão, qual borboleta. O lobo sente-se desconcertado. Precisa do reflexo da sua própria ferocidade nos olhos arregalados de terror das suas vítimas, de farejar a sua crueldade e empanturrar-se com ela antes de se deleitar com a carne das presas. A despreocupação e a desenvoltura da miúda desarmam-no e, por sua vez, transformam-no, sem que ele se aperceba da sua mudança de estado, em cão. Inofensivo totó. Quando ela lhe põe o ramalhete debaixo do nariz, ele ladra, alérgico. Ela atira o chapéu de palha para que ele vá apanhá-lo sem o rasgar. Acaricia-lhe o focinho sem lhe permitir sequer mordiscá-la. Depois, agarrando nele pelas patas dianteiras, põe-no a valsar e logo toda a terra começa a girar. Mal o larga, ele rebola pelo chão, tomado de vertigens. Quando a paisagem pára de dançar, ele está sozinho e doravante duvida da sua condição, canina ou lupina. Independentemente dos laços biológicos entre primos que as unem, existem duas espécies de lobos: os lobos exteriores e as feras interiores. Os primeiros são carnívoros, vorazes, violentos mas domesticáveis, perigosos apenas quando a fome os cega e lhes faz perder todo o controlo de si. O homem sabe defender-se deles e conseguiu praticamente exterminá-los. Os lobos internos são incomparavelmente mais ferozes e difíceis de combater. Os lobos fabulosos das histórias de matrona, que desafiam meninas imprudentes para brincarem às corridas, se disfarçam de avozinhas, mostram a pata branca, são vítimas da raposa trocista e se vingam no cordeiro, pertencem obviamente à segunda categoria. Mas trata-se, nesses casos, de lobos-palhaços, mais ridículos do que assustadores, quase sempre perdedores, encarnações dos nossos instintos mais baixos de dominação bruta, bestial e malvada. A moral social, paterna e hipócrita, reprova-os, pinta-os negros ou cornudos, faz deles cabeças-de-turco ou bodes expiatórios. Todavia, por detrás desses lobos de circo espreita a alcateia dos verdadeiros predadores, totens dos 97
instintos recalcados, dos vícios escondidos, das vinganças em banhomaria, dos desejos devastadores, das insatisfações, dos ressentimentos, dos ódios, das ofensas e das humilhações. Por muito que a consciência queira mantê-los afastados, eles aproveitam o menor lapso, o mais insignificante acto falhado para mostrar a ponta do focinho. As barreiras psicológicas, os obstáculos éticos que lhes são contrapostos só conseguem excitar a sua raiva e o seu desespero. Perante a impossibilidade se exteriorizarem, de irem espetar a dentuça em genuína chicha de carneiro ou em carne fresca de criança, percorrem as entranhas, dilaceram as vísceras, regam-se com sangue impuro e roem o fígado com mais avidez do que um abutre. Querem mal, muito mal ao espírito que lhes proíbe os seus domínios e os impede de subirem à cabeça. Conspiram contra o cérebro, preparam a insurreição das tripas. Para além das garras e dos dentes, armam-se com sabres, machetes e facas que afiam esfregando os gumes nas grades das costelas flutuantes. Devoram toda a literatura que trata de pirataria e julgam-se corsários. No entanto, têm mais veleidades que bravura e uivam mais do que mordem. Mas galopam dentro das veias, ralham dentro do estômago, assaltam sem dar tréguas a garganta, e o espírito, sempre à coca, tentando dissimular o seu impiedoso assédio, acaba por se trair através de um ambíguo rubor, um arreganhar os dentes e uma risada demasiado rouca. Toda a mãe é uma loba. Que não hesitará em fazer em fanicos qualquer criatura que ataque as suas crias. Os seus filhos são uma parte de si própria, cresceram no seio dela, acreditaram nela: «Ela ama-me!» Entranhas exteriorizadas, estômagos com patas e dentes, que ela chocou, alimentou, que mamaram nela, a morderam, a beijaram. A loba não ataca por fome, a sua ferocidade é tão-só preocupação com a barriga vazia dos filhotes, a sua voracidade amor materno. Toda a mulher foi amante antes de ser mãe. E toda a amante é uma mãe de antemão. Toda a amante é uma loba, que sente bulir no seu regaço o desejo das crias vindouras, que afaga no corpo do amante as formas da criança futura. Dilaceraria todo aquele que pretendesse separá-la desse fantasma de filho encarnado em pai, que a agarra como um órfão abraça o ar. A sua fome é reivindicação do ventre que aspira a inchar como balão. O seu apetite está grávido de futuro. Todo o homem foi pequeno e cria. E torna a sê-lo quando se enrosca na sua amante, quando nela se envolve, quando a fode por já não poder mamar nela e saciar o bicho que o rói. Toda a mãe é rival da amante de seu filho, esse que ela acariciou e saciou primeiro. Toda a amante é rival da mãe do seu amante pois ela é a prova viva de que o rebento cresceu e que a sua progenitora já não lhe basta, encarnação da ingratidão da idade. Toda a amante é rival de qualquer outra amante do seu homem, que lhe retira o seu estatuto de ser único, substituto da insubstituível mãe. A ideia de já não chegar para o seu macho, de que ele possa amar mais de uma, aterroriza-a. As lobas não se devoram entre si. O 98
seu conflito nunca poderia resolver-se num combate singular. Na floresta simbólica do desejo, onde são guardiãs e da qual asseguram a manutenção e o incêndio, lançam um desafio de lenhadoras: lutarão como moças dos bosques, desportiva e indirectamente, sem arranhadelas, nem mordidelas, numa competição de abate. A sua arma será a serra eléctrica. O duelo começa. Desatam a debitar árvores sem dó nem piedade. Podam ramos, cortam troncos, serram todos os toros que a sua raiva apanha pelo caminho. Os carvalhos centenários tombam como quilhas, as faias são reduzidas a fósforos, os sobreiros resignam-se a não sobrar. Na cegueira do seu amor furioso, vão devastando a floresta. A clareira inicial vai crescendo, turbilhão aspirando o mar de folhagem, a arena depressa se alarga até ser deserto. E toda esta chacina porque o lobito tinha demasiado cordeiro dentro de si. O que é um lobo? Como reconhecê-lo? Se lhe pedes para mostrar a patinha, ele come-te por lorpa, é trigo limpo, farinha amparo. Basta-lhe vestir casaco de tweed e calça aos quadrados, roubados ao primeiro espantalho, para que tu só vejas os trapinhos e apertes a mão à besta. Sem olhar ao focinho e à dentuça. Só apreendemos o que queremos ver; ou seja, não vemos népia. Todavia, apesar de extremamente limitados, entre o infra e o ultra nos espectros sonoros e luminosos, apesar de regulados tão-só pelo princípio infantil do prazer entre o doce e o amargo em termos de paladar e de olfacto, apesar de mais tacteantes do que de tácteis ao nível do reconhecimento digital, os nossos sentidos são de confiança. Não é a percepção que sofre de deficiência, é a decifração do visível que não é eficiente. É o cérebro, a sua faculdade de raciocinar e a sua actividade interpretativa que são em duvidosas. Nem a essência, nem o sentido são captados pelos sentidos, antes resultam de uma construção e de uma projecção por parte do espírito. Mas o nosso idealismo odeia o abstracto: no arranjo de formas e cores de um quadro, ele reconstitui figuras e atribui-lhes um significado com base em signos convencionais ou simbólicos, cujo semantismo se altera ao correr do tempo e que reflectem, antes de tudo, uma ideologia dominante. O hábito não faz o monge mas caracteriza eventualmente o burguês. Portanto, basta o lobo vestir-se de príncipe para que lhe sirvam perna de carneiro, basta o escroque fazer-se banqueiro para os seus negócios escuros terem um lugar ao sol. Para que servem os carneiros se não for para serem tosquiados? Para os tranquilizar, confiámos a cães seleccionados nos quais despertámos a fera ancestral, degenerada por excesso de cruzamentos, a tarefa de os guardar. A esses molossos bem treinados, ensinámos a identificar o suspeito pelas feições, pelas roupas, pela tez, pelos pêlos. Só o terror que esses guardas inspiram pode justificar a submissão do rebanho que aceita adoptar como «lares» construções dotadas de todas as características da prisão, como «cidade» o labirinto onde se encontra aparcado e como «natureza» os magros bosques que substituíram as florestas devastadas. Porque nomear 99
chega para cegar. Cães de polícia, cães ferozes, constituem mais uma ameaça do que uma protecção, a não ser contra os bichanos. Talvez fosse bom confiar nos sentidos, que sabem quando o cinzento sufoca o verde, que o betão e o bastão são duros, que os gases saídos dos tubos de escape não são perfumes e são demasiado obtusos para confundir medo e segurança. Nunca se está satisfeito com a imagem que se tem. Nem mesmo com a silhueta. Todos os espelhos são, por natureza, deformantes. A aparência que nos devolve o espelho caracteriza-se sempre pela discrepância: se os traços exibem a sua singularidade, a diferença em relação ao modelo socializado, ideal fantasmático e publicitário, consideramo-nos defeituosos, falhados, de antemão marginalizados, condenados ao claustro onde se refugiam os feios, destinados a nunca sermos amados; mas se, pelo contrário, à custa de retoques e de maquilhagem, conseguimos obter o look standard, condizente com as capas das revistas, sentimo-nos literalmente alienados, estranhos a nós mesmos, com a impressão de termos sepultado a nossa identidade debaixo dos cosméticos, de nos termos traído, apagado aniquilado. Cada manhã, a escolha da roupa enfrenta insolúveis contradições: convém dar nas vistas, mas sem ir até à provocação, seduzir permanecendo discreto, não ter aquele ar de obedecer à moda, efémera por definição, renunciando à personalidade própria, mas nem por isso parecer piroso ao ostentar um estilo em desuso. Toda a roupa é disfarce, todo o aspecto é representação. No teatro do mundo, tememos ficar no escuro, simples espectadores confundidos na massa do público, sem outra participação a não ser os aplausos da praxe, ou talvez meros figurantes, porventura mesmo duplos eventuais, relegados para os bastidores; mas também temos medo de enfrentar as luzes da ribalta, vulneráveis perante impiedosos e invisíveis olhares. Cada projector, conforme o ângulo, derrama uma sombra diferente na qual hesitamos em reconhecernos e cada uma solicita a nossa adesão sem reservas, e todas nos assediam como harpias. Observamos os nossos duplos com repugnância, como parentes demasiado afastados para reclamarem legitimamente a sua parcela de herança fisionómica. Esses monstros que usam o nosso nome assaltam-nos com a sua fealdade. Constatamos os estragos: ombros curvados, costas corcundas, nádegas flácidas, barriga inchada. A única excepção aberta durante o serviço obrigatório da imagem é, para a mulher, a gravidez, deformação tolerada em nome do futuro, prova do sucesso da sua sedução, promoção a responsabilidades acrescidas. A mulher grávida está isenta das medidas impostas à silhueta e à cintura. A sua visível, evidente, fecundidade é sinal de eleição: tocada pela graça, ela está, senão em pedestal de santa, em maré de plenitude. A sua rotundidade ubuesca deita por terra os padrões de beleza. Todos participaram na fraude, e logo à cabeça os poetas, com o seu lirismo sentimental, entre o bucólico e o cor-de-rosa. Houve um consenso tácito com 100
vista a propagar esta ideia tranquilizadora de que o amor pode calhar a todos como recompensa antecipada de uma vida útil e bem preenchida, de que o amor é normal, adjuvante psíquico da função natural de reprodução, compatível com a carreira social e profissional, higiénico e terapêutico. Todos em coro e em uníssono, do médico à avó, passando pelo jornalista, alimentaram a fábula do amor feliz, prometido e fecundo. Por conseguinte, geração após geração, raparigas e rapazes cresceram refreando a sua impaciência de encontrar o príncipe ou a princesa dos seus sonhos, acalmando o seu desejo com jogos eróticos, parceiros efémeros ou mesmo venais, acabando por procurar satisfações de substituição nos doces, nas compras compulsivas, no consumo indiscriminado, e resignando-se a trocar a sua quimera por um emprego estável, um amável e fortuito cônjuge, um contrato matrimonial, uma rotina sem sobressalto nem arrebato. E alguns medicamentos. Não são verdadeiramente infelizes, resignam-se à sorte que têm, apreciam o conforto, temem a loucura ainda que, por prudência, já tenham escolhido o enclausuramento voluntário. Guardam no fundo do coração a nostalgia de uma atracção passional que ignora todas as regras e galga todos os obstáculos. Mas compreenderam que o amor é uma doença, felizmente rara, quase exótica, e sem cura. O veneno aloja-se nas entranhas. O amor faz arder a barriga como se a pessoa tivesse engolido fósforo. A febre toma conta dos corpos. Os beijos loucos são apenas tentativas desesperadas de estancar a sede que seca a garganta dos amantes. Mutuamente se amordaçam para não cuspirem chamas. Queimam-se com os olhos. Não é preciso decretar a quarentena, os amantes malditos juntam-se por instinto, alimentam com os seus corpos ardentes a fogueira da paixão herética e imolam-se em nome do sentimento que os fulmina por dentro. Então a sua carne acende-se e eles contemplam sem arrependimento o peito e o ventre carbonizados a esvaíremse em fumo, revelando o esqueleto nu da sua fé pelo fogo purificada. Novos cátaros, os amantes desafiam os deuses e os homens, semeiam – porque se amam – o raio que fulmina para colherem a tempestades. A chama negra do amor agasalha as suas ossadas como um abutre íntimo e benevolente. Contrariamente às teorias biológicas e genéticas consensualmente admitidas, o instinto primordial é Tanatos, a pulsão de morte. O nosso único desejo profundo é dissolvermo-nos, decompormo-nos, pulverizarmo-nos, conhecermos finalmente a paz da inconsistência, apagarmos o fogo que corre nas veias e as cimenta, não termos mais que esticar todos os músculos para nos mantermos intactos, íntegros, sólidos, não termos que endurecer para forçar a fraqueza da carne e sua brandura espontânea. Assim, o primeiro desejo dos amantes não é seguramente o de se reproduzirem, mas antes o de se fundirem, de fusionarem, de fazerem com dois corpos um apenas, de abolirem a identidade que é separação, de passarem da solidão sexuada à confusão dos membros e das peles, à embriaguez orgíaca do andrógino. 101
Ora, os amantes acham-se sós quando despertam ao cabo de uma noite de abraços, com um par a seu lado que dorme como uma estátua jacente, possuídos pela fatal certeza de que a ressurreição será a realização dessa maldição que os condena a recomeçar sempre. Eros, princípio da vida e do prazer, só intervém depois porque, do mal, o menos: a experiência da dissolução falhou, os amantes têm de enfrentar a sua irremediável diferença, a sua simetria porventura complementar embora dissonante, forjar contra o instinto que os juntou um ilusório sentimento amoroso, frágil, eivado de ciúme, capaz a cada instante de se transformar no seu contrário. A experiência traumática do amor é a dessa derrota inicial, corpos campos de batalha juncados de cadáveres de membros entre rios de suor e tripas fumegantes. O programa reprodutor é apenas gestão do fracasso, apagamento diferido, adiamento, suspensão da pena, transmissão das responsabilidades à geração seguinte. A gente procria como se fizesse uma aposta, confiando que os descendentes poderão ser bem sucedidos onde se falhou, esperando que a história não se repita, rezando para que um pecado original não determine uma condição. Os amantes condenados à singularidade já não podem olharse olhos nos olhos. Estendem os braços mas viram costas. Continuarão daí em diante a procurar-se mas apenas para chocarem. Enlaçar-se-ão mas só abarcarão o vazio. Abraçar-se-ão desesperadamente sabendo que acabarão por se largar. Suportar-se-ão com a má consciência de sobreviver ao seu amor. Farão muitos filhos, por distracção, por falta de precauções, por medo ou simples tédio. Viverão muito tempo. E não serão felizes. Não se pode verdadeiramente amar alguém, amar alguém totalmente, antes da sua morte. Enquanto é vivo, o amor não consegue cegar-nos suficientemente para que não acabemos por reparar nos seus defeitos, manias, preconceitos, imperfeições minúsculas mas rastejantes que viram verme e envenenam o fruto proibido do desejo, viscosos embriões de cobras impossíveis de engolir. O corpo do ser amado, por muito apetecível que seja, revela-se um estorvo; embora a estabilidade tranquilize, não evita a monotonia. O amor supõe a idealização do parceiro e desenvolve-se numa dimensão fantasmática. O outro é apenas a encarnação de um sonho superior, o invólucro humano, demasiado humano, que é preciso sacrificar antes que as contradições passionais nos crucifiquem. O amor só pode cumprir-se uma vez liberto da fraqueza tanto da carne como do espírito, das avidezes e deficiências do sexo e da imaginação, do carácter perecível, putrescível dos órgãos, tripas e miolos, das necessidades corporais, da existência escatológica em suma. Só se pode amar profundamente um esqueleto. É a morte, não o amor, que nos reconcilia, nos une. Só quando os ossos se oferecem na sua virginal alvura, já despidos das falsas aparências, pele ou maquilhagem, cabelos ou peruca, pestanas ou postiços, quando o corpo se mostra definitivamente nu, despojado da carne que é vestimenta, limpo da veias e pêlos que são travestimento, 102
é que a sedução age sinceramente, é que a paixão atinge o plano místico e o amor acede ao patamar do desenvolvimento sustentável, para além da mundaneidade e da temporalidade humana. Pois a vida, não apenas social mas em si mesma, não é favorável ao amor. Demasiado agitada, pressionada pelas constantes solicitações, as censuras do inconsciente, as tentações da publicidade, a distracção e o assédio, a vida, contrariamente ao amor que tenta parar o tempo, embriaga-se de velocidade, está constantemente a acelerar. O domínio dela é o efémero, que justifica a reprodução e a renovação. Enquanto que o amor inventou a eternidade, e talvez mesmo as divindades, o paraíso e o angelismo. O vivo mais não faz do que passar. Os seus sentimentos também. A sua condição, segundo o filósofo, é o divórcio. É preciso começar por morrer para poder amar. Fazer o luto das ilusões, enterrar a vaidade. Ultrapassar o pulular vital, soltar-se do que é vão, instalar-se na duração e na dura pureza óssea, craniana, dos amantes que, finalmente iguais, próximos, já não precisam de esconder nem de encantar. Julga-se que o verbo do princípio se perdeu. Sabe-se que ele rebentou em big bang, que se desmoronou babeliano, que se acendeu espontaneamente em sarça e que o eco ígneo das suas espinhosas vogais apareceu, já indecifrável, no Pentecostes. Depois disso, o seu rasto desaparece, volatilizado, aniquilado, como que subido ao céu. Desde então, gnósticos e cabalistas têm vindo a esforçar-se por reconstituir o som e o sentido perdidos, por tradução, cálculo ou metáfora, a partir de textos livrescos. Ora, o verbo original pulverizado continua ainda a envolver-nos, imemorial, vaga reminiscência, melodia obcecante. Sendo a própria forma da matéria de que o visível é o traçado caligráfico, ele está por toda a parte. O auxiliar demiúrgico disseminou-se, as suas componentes dividiram-se no alfabeto infinito dos seres e das coisas, e desdobraram-se em múltiplos reflexos movediços repetindo incansavelmente confusas palavras que ninguém tenta compreender. Por um lado, se o poder criador que possui continua a ser evidente no eterno recomeço dos seus arranjos gráficos, sejam eles compostos de nuvens, de viveiros de pó ou de engarrafamentos de automóveis, é preciso reconhecer que os enfeitiçamentos e as fórmulas mágicas de que guarda o segredo são actualmente aleatórias e os seus efeitos descontrolados: da mesma maneira que o voo de uma borboleta pode, por ricochete, provocar um tremor de terra, as inúmeras vítimas dum sismo ou duma bomba já não arrancam uma lágrima, nem sequer um franzir de sobrolho. Por outro lado, as palavras divinas não são negociáveis ou convertíveis em vil metal e os habitantes de uma sociedade liberal não vêem utilidade nos conselhos que não dão dinheiro. O vento cansa-se a espalhálas, o mar evapora-se à custa de as rabiscar na areia, as plantas murcham tal é o esforço de as escrever em arabescos de folhas e caules, os animais teimam em inscrevê-las no ar através de saltos e voos, em imprimi-las no chão sob a forma de pistas, passos ou pegadas garatujadas. Todo o corpo é hieroglífico. 103
Nós próprios, involuntariamente, copiamos em cada um dos nossos gestos, em todas as nossas posturas, no entrelaçado da patinagem e nas figuras da dança, esses caracteres que já não conseguimos soletrar mas, ainda assim, nos interpelam. Agora que o seu sentido se desvaneceu, ocultado, enterrado sob camadas de interpretações sórdidas ou delirantes – pois as sentenças de Eros são impenetráveis –, uma enigmática beleza permanece: a curva dum braço, o arredondar duma nádega, o arqueado dumas costas, a linha duma anca, o arco dum pescoço, o acento duma sobrancelha ou dum sorriso. Não há «autores». Um escritor não sabe o que escreve. Julga-se só frente a uma folha virgem, mas isso é puro orgulho e vã ilusão. A página já está prenha de todos os textos que algum dia ele leu, acotovelando-se em palimpsesto sob a falsa brancura imaculada. Até a sua caneta conserva a obscura memória das palavras que ele traçou. Não é simples ferramenta, não é neutro, tem as suas preferências, as suas manias, os seus tiques de linguagem, as suas formulações habituais, os seus determinismos caligráficos. Além disso, as condições condicionam: a hora, a luz segredam-lhe ideias, ou, pelo menos tonalidades. É mais ele, escritor que, sem querer, se coloca ao serviço de forças que não controla e que guiam a sua mão. Há o inconsciente, especialista do anagrama e do malabarismo fonético, que manipula a matéria sonora das palavras, perverte o seu sentido e a sua lógica, substitui a indução pela associação e introduz subrepticiamente no discurso lapsos em catadupa. Há o daimon a quem ele também deve tanto as suas intuições mais fulgurantes como os seus erros mais extravagantes, que critica todas as fórmulas que lhe ocorrem à mente, as trata como tropos, pretende decapitar os seus mais nobres pensamentos e passar as suas mais firmes certezas pelo crivo da dúvida sistemática. Há ainda o olhar fantasmático do pai severo e zeloso que o paralisa, o impede de perseverar, julga todas as suas propostas indigentes e o seu próprio filho indigno. E depois há todos os espectros que lêem por cima do seu ombro, fantasmas respeitáveis de escritores que ele admira mas que disputam entre si a sua presa, cada qual querendo fazer dele seu discípulo, sugerindo-lhe correcções, retoques, rasuras, supressões, cada qual procurando impor-lhe um estilo, um parentesco. Todos escrevem ao mesmo tempo através da sua pena, como se, à imagem das divindades indianas, ele fosse dotado de dez braços, e todos se insinuam furtivamente no texto. Todo o escrito é caos, ao mesmo tempo feira, bairro de putas e pensão onde só se come o farnel que se trouxe. As palavras cintilam, piscam os olhos, brincam de frase em frase, camuflam trocadilhos, chamam-se e respondem umas às outras, afiam-se, embotam-se, ambiguizam-se, equivocam-se, etimologizamse, atravancam-se arcando com significações segundas, deslocam o sentido entre as linhas, sobrecarregam semanticamente a expressão mais inocente e fazem pouco do «autor». Não há «boa» concepção nem claro enunciado. Todo o texto é um pacto, um compromisso resultante de negociações, uma rendição, um rol das perdas, um campo de batalha, uma ruína. 104