Mon cher Poil de Carotte, Les écrivains dont tu me parles étaient des hommes comme toi et moi Ce qu’ils ont fait, tu peux le faire. Écris des livres, tu les liras ensuite. Jules Renard, Poil de Carotte
TEL QU’EN LUI-MÊME L’arbre ne se découvre qu’en hiver dans sa singularité de branches tordues dans sa physionomie de rameaux ébouriffés dans sa nudité débarrassée de tous ses pampres dévêtu de son camouflage de feuilles nettoyé de la masse de vert qui masquait sa silhouette enfin révélé en son être unique et simultanément archétypal De même la personnalité de l’homme n’est visible que lorsque le squelette a été débarbouillé de son maquillage de chair Quand le monde est une prison quand le ciel est un plafond quand l’amour est un puits sans fond quand le corps est une cage quand le crâne est un cercueil le fantôme supplie: libera me! Entre viscères et vis serrée je est un hôte plus importun qu’important poussière mal élevée coincée au coin de l’œil prétendant remplacer le paysage que le vent va emportant
nuit la nuit (haïkus de basse-fosse une demi-grosse)
Les si bourgeois décalés Voici venu le temps des générations réfléchies: calculistes voire cyniques pourtant au vu du résultat – misère généralisée – faut-il regretter le passé et ses générations spontanées? L’alternative Tout notre travail passe par l’utopie pratique d’accomplir l’œuvre sans argent la passion contagieuse, l’enthousiasme collectif, le plaisir partagé suffisent pour réaliser l’impossible la présente crise n’est pas tant économique que de solidarité On n’est pas sortis du moyen-âge Pour beaucoup le travail et l’argent ont été supprimés mais pas comme l’avait prévu Marx on ferme écoles et hôpitaux mais pas comme l’envisageait Ivan Illich la «crise» ne se contente pas d’installer la misère elle caricature l’utopie Poil au menton Ni Dieu, ni saint, ni père Noël, juste barbu si, avant, la longueur des cheveux pouvait symboliquement correspondre à celle des rêves et projets la croissance récente de la pilosité faciale ne saurait être comparée qu’à celle de la fatigue 5
Engagements non tenus Faute de croire à la cause toujours on ne défend plus que la bonne causette parler de «mains sales» ou de «salauds» souillerait le salon on s’en tient à l’idéal du perroquet médiatique qui va de pair avec la polychromie: le bariolage Défraiement (effréné effrayant) La vie de salon – érigée en hédonisme – a son prix pas seulement de futilité, maquillage, représentation, esprit, lâcheté, concurrence le pire est la certitude que d’autres, en misère et souffrance, payent pour notre confort Les nouveaux dieux Aux olympiades de la consommation Champion et Géant tiennent tête à (Super) U et à Dia on dit que Super mène mais peut-être qu’Hyper gagne on court toujours, juste une pause, faste fou: Kiddo dîne et Lidl déjeune La distinction Tandis que le supermarché accueille des consommateurs et la boutique sert des clients le champ de la culture reçoit un public: amateurs, collectionneurs, lecteurs, spectateurs pourtant les règles et buts de leur commerce sont absolument identiques Sécurité Les télécommunications préservent émetteurs et récepteurs de la présence la télévision protège les spectateurs de la réalité le remblai défend les véhicules du paysage 6
Combien sommes-nous? Nous vivons un temps d’inflation culturelle – surproduction et dévalorisation – outre la standardisation plutôt que de consommer par vice d’accumuler par routine il conviendrait d’écrémer l’«art» se faire crible – critique et ciblage – passoire – impliquant passeur – tamis – reposant sur amis Dissipation des malentendus Nous sommes définis par un statut, une fonction, une place dans l’espace physique et social donc individuellement, personnellement, insignifiants et substituables l’ego est une image, une illusion, un conte, une hallucination une piètre consolation L’armure La voiture n’est pas seulement symbole de richesse mais surtout de puissance l’homme qui la pilote se dépouille de sa faiblesse en s’incorporant à la mécanique et dorénavant respecte plus les machines – feux tricolores, carrosseries, etc. – que les piétons L’air des lampions Comme j’envie l’enthousiasme presque puéril de Walser je voudrais l’insuffler à tous ceux dont la joie me paraît forcée personnellement les fêtes ne m’ont jamais inspiré d’autre sentiment que l’exclusion 7
Roue de fortune Haut le cœur haut la main bas la campagne basse la terre haut les mains haut et court bas les pattes bas les masques haut les balais bas les «ollé» De deux maux Mieux vaut l’isolement que la camisole mentale la cécité que la nécessité la surdité que l’absurdité On ne naît pas fille Ce sont les mères qui bien plus qu’une quelconque conformation génétique transmettent aux filles le sentiment viscéral de l’avenir avec dans une société machiste la patience sinon la résignation, voire l’aptitude à la souffrance Athéologie (ni foi ni salut) Au plan des principes les églises chrétiennes n’ont pas été à la hauteur du message de leur messie ni pour promouvoir l’égalité – quitte à donner priorité aux pauvres – fondement de toute justice ni pour attribuer, faute de pouvoir la supprimer, un sens – et non pas une valeur – à la souffrance L’immatériel Dieu a été créé comme négatif ou antithèse de l’imperfection humaine le sens se dégage de sa postulation et de sa quête – voire s’y réduit le je se constitue par jeu d’énonciation et flexion verbale 8
Trois est une foule Le christianisme est passage du monothéisme à la triade obsession du nombre trois: rois mages à la crèche trinité au ciel crucifiés sur le Golgotha croix à trois branches on a même lésiné sur les clous Les leçons mal apprises Pour n’avoir pas résolu le syllogisme: la température baisse à mesure qu’on s’éloigne de la terre et: la température augmente à mesure qu’on s’approche du soleil Icare est mort d’un courant d’air Chiennerie L’homme n’a jamais été «un loup pour l’homme»: plutôt que de manger son prochain il l’a domestiqué Loup pour soi Nous appelons présent ce que du passé notre mémoire fait persister nous appelons avenir ce que nous percevons au présent mais ne savons pas nommer nous vivons anachroniquement parlons du loup quand les mâchoires de la faim bâillent en nos entrailles Bleu aveuglant La vue – la vision – de l’infini rend fou c’est pour la protection des hommes que la terre est ceinte d’une taie de ciel 9
Vieux motard que j’aimais (puzzled) On a beau regarder en arrière chercher comment le passé aboutit au présent les épisodes ne s’enchaînent pas d’impasse en impasse on n’a cessé de bifurquer le point de départ était aléatoire le point d’arrivée résulte d’une suite de hasards Impropriété de l’unique Alors qu’une «première» implique une répétition que les techniques du geste en leur essence nient le temps ne connaît que des «secondes» fugaces et inégales, impossibles à retenir du «tiers» comme du «quart» on s’en fiche, la «dîme» on ne la paie plus, le «centime» on l’arrondit Le prix à payer Nous assumons l’humanité donc l’imperfection et le conséquent inachèvement de l’œuvre nous avons refusé toute compromission accepté la marginalisation comme corollaire de la liberté nous postulons le sens tous les sens et leur «dérèglement» et endossons notre insignifiance Autopsie par l’écriture Mes considérations sur l’âme ne reflètent-elles que l’état de ma clepsydre intestinale maladie de Crohn devenue comme son nom l’indique chronique toutes les idées ne sont-elles que l’image – transposition ou métaphore – des invisibles entrailles? 10
Impairs(yeux) et al(lit)térés De la douleur d’exister au dur désir d’exiter pas la peine de s’exciter Politique de l’autruche La pine caduque qui ne veut pas tomber je la couvre de mon bide la bouche édentée qui ne se souvient plus des baisers je l’enfouis sous ma barbe les pensées inutiles qui fermentent sous mon crâne je les planque dans mes livres La chandelle par les deux bouts J’étais précoce je le suis resté: andropause (ou vieillesse) précoce mort anticipée j’ai confondu passion et patience je n’ai pourtant jamais fait qu’attendre je souhaite à tous (ceux qui vont me survivre) l’amour et le bonheur qui me sont échus Le nouvel Abélard Quand la libido s’est enfin éteinte comme un incendie qui ne renaîtra pas de ses cendres «que tout est gâché, que tout est saccagé, et que l’air pourtant se respire» l’automne se prolonge la mort anticipée prend des couleurs d’«aurore» électrique Le meilleur vient toujours avant Rôle de l’attente tant chez le médecin qu’à un rendez-vous amoureux: permettre d’envisager toutes les hypothèses, de se préparer au meilleur comme au pire modérer les espoirs réduire les déceptions 11
Quand c’est fini Paulo est mort sans avoir vu son dernier film Manoel ne sait s’il pourra même le commencer Boris a compté qu’il ne lui manque désormais que trois plans encore à tourner pour clore son œuvre je ne me rends compte qu’après coup que la mienne est déjà achevée au sentiment de vide En-deçà Je ne serai pas plus mort demain qu’aujourd’hui juste un peu moins présent (un peu moins bavard) ma vie de fantôme a commencé depuis longtemps impalpable et doué d’ubiquité ne vivant que dans le souvenir d’autrui (dans l’amour d’autrui) Proximité du calice Parce que je me refuse à maquiller d’avance mon cadavre qu’on ne me reproche pas de maltraiter mon corps: c’est mon âme que j’ai malmenée mon cœur que je n’ai pas ménagé Cycle vicieux Je me souviens de tout mais dans le désordre sans chronologie: le passé comme un temps immobile le présent me fuit je vis dans un éternel hier je ne suis plus que mémoire c’est le temps qui est fatigué et se déstructure le cosmos sénile qui souffre d’alzheimer 12
Trous de vie Les jours passent et s’oublient comme des rêves soit l’imaginaire onirique est aussi banal que les incidents de la veille qui l’inspirent soit la vie a du songe l’extravagance et l’absurdité (l’une ni l’autre ne méritent d’être mémorisés) L’horloge Le cadran a perdu ses aiguilles en ciseaux et n’affiche plus que le compte à rebours les jours se copient, plagiaires les jours se répètent, gâteux la vie va se mécanisant elle a cessé d’être une aventure Faune étique La valeur de l’âme oscille entre les lèvres et le côlon aussi s’élève de l’antre l’écho long des larmes ravalées conclut l’avaleur de lames qui ignore pourtant aussi bien la poésie que la pholdulogie Recul Bientôt dix ans passés beaucoup de livres quelques films tous inutiles tous insensés je ne regrette rien pas un jour où je n’aie dû commencer par me convaincre de vivre jusqu’au soir L’effort démiurgique Nos vies sont faites de fragments discontinus, répétitifs, souvent contradictoires, rarement éclatants que par le mot et la formule l’écriture tâche de synthétiser et sémantiser que par le raccord le cinéma tente d’enchaîner, mythifier, unifier 13
Le miroir du ciel Nous créons par vice, par passion avec l’unique souci de la beauté, la seule conscience de l’inutile des livres ignorants et ignorés du lecteur, des films oublieux et oubliés du spectateur à l’exemple des nuages Ostracisme La marge à laquelle sont vouées nos œuvres – films, livres, pièces, etc. – ne résulte pas des conditions dans lesquelles elles sont produites mais bel et bien de l’exclusion prononcée par quelques «décideurs» – producteurs, programmateurs, etc. – jaloux de leur pouvoir Les fourmis dans la plume L’écriture est une pratique maladive, compulsive, onaniste (jouissance et frustration indissociables) les écrivains «négatifs» de Vila-Matas ont tous continué secrètement (honteusement) d’écrire et Bartleby reste une référence incompréhensible (un illuminé dans notre atelier de ténèbres) Quel «havre évier tailleur»? Le langage n’est pas un outil fiable: on peut faire dire aux mots n’importe quoi tout comme le «dieu» de Kafka, le sens est personnel il faudrait désarticuler ou se taire Surplus Trop de mots – y a-t-il vraiment tant de choses à dire? trop d’œuvres – vouées aux oubliettes des bibliothèques et des musées ou dématérialisées en réseau trop d’émotions – le bonheur se mesure en secondes mais la vie passe en un éclair 14
Préférer ne pas De Melville que je tiens, avec Kleist Poe Baudelaire et Kafka, pour un des plus grands écrivains me hantent autant que l’ambiguïté des personnages, la force des fictions, la justesse des analogies les années de silence Passé du futur Argentiques, magnétiques ou numériques mes images s’effaceront vite mes écrits ne resteront que pour mieux s’empoussiérer mon ombre n’aura pas noirci le chemin Service non compris Vaine sympathie amour impuissant celles qu’on me voue ou qu’on m’avoue n’empêchent que mes films semblent condamnés à l’obscurité mes mots écrits noir sur noir que personne ne comprendra mon geste de demain plus qu’on n’avait compris celui d’hier Bouche cousue Pour la première fois en bientôt dix ans je n’ai pas écrit une ligne depuis un mois ai-je enfin vaincu la compulsion – l’incontinence – d’écrire? ou de ce que j’avais ou croyais avoir à dire ai-je déjà tout dit? 15
Chair faite verbe Philosophie ou poésie (c’est fondamentalement la même chose) en substituant la nomination à la possession ou à la consommation nous accordent la richesse infinie mais leur plus grande vertu est de nous habituer tôt à la solitude Dilution J’ai changé de nom, j’ai changé de pays, j’ai refusé l’héritage nulle part «chez moi», en exil sur terre, étranger à moi-même le réel comme le je ne sont qu’assemblage de mots – communs, qui appartiennent à tout le monde Diagnostic Le désespoir ne m’a jamais poussé qu’à l’action à la réalisation de l’impossible obstacles, obstructions, trahisons, rejets m’ont permis d’explorer d’autres voies je ne manque pas de forces seulement d’illusions Emportement et vent Je ne renâcle pas à la tâche mais crains que l’agitation fébrile de ceux qui m’entourent ne soit aussi fuite en avant biais pour ne pas se retrouver seul avec soi-même détour pour éviter la confrontation avec le vide que chacun est Subjectivité et aliénation Le moi n’est pas seulement une illusion filtre falsificateur il est l’infranchissable obstacle empêchant d’accéder à une conscience objective le mouton croit choisir le pré où il broute 16
Musée-mausolée Les souvenirs sont matériels qui vont s’accumulant sous forme de papiers, objets, bibelots s’entassant du plancher au plafond, rétrécissant les couloirs, obstruant le passage occupant l’espace appelant la poussière bâtissant le désert ils m’auront bientôt délogé Les vaines explications Je dois avoir en moi plus d’indien caraïbe que de juif attribuant plus de valeur au sens qu’à la survie surtout vous ne m’avez pas donné envie de vieillir Le bout du tunnel Comme ce cheval dont on réduisait chaque jour d’un grain la ration chaque nuit une des innombrables étoiles de mon ciel s’éteint Freud dit que le cheval est mort de faim je sens que l’obscurité gagne Zen Par la seule contention dans l’usage des vaines paroles j’ai commencé de faire le vide en moi dès que je me délesterai de quelques pensées trop lourdes je léviterai Aux heures des désirs de mort Je suis malade d’hiver quand souffrance et impuissance constituent les seules formes de lutte et de résistance j’ai hâte de ne plus vivre que dans la neige des pages, des images et du souvenir 17
L’âne de Buridan À égale distance de l’envie de vivre et de l’envie de mourir le passé se confond avec la passion le présent se morfond en patience l’avenir, je l’ai toujours confié aux suivants (j’ai vécu pour moi, j’ai œuvré pour autrui) Ma belle mort Il n’est de belle mort que celle qu’on s’est choisie de bonne mort que la définitive l’aventure humaine n’a de sens que dans sa chasse au naturel il n’y a pas de «vraie vie» pas plus ailleurs qu’ici juste une épuisante résistance Indice-cible Par l’émotion ou par la grâce: être touché par le vent ou par les doigts: être caressé par la lucidité ou par le poison: être envahi Gratuité La beauté n’a pas de prix ce n’est pas sa beauté qui fait la valeur de l’or plutôt sa rareté son éclat et le sang qu’il a déjà coûté surtout sa facilité à être échangé c’est au contraire son inutilité et son impuissance qui me rendent la beauté si précieuse Le relatif et l’absolu La peur de la mort rend insignifiantes les œuvres humaines, les créatures terrestres je crois plutôt que c’est l’éphémérité qui donne sens aux choses la beauté est immédiate: au-delà du vain effort de durer 18
L’homme de Troie On ne nous a pas appris à grandir on a seulement aliéné en nous l’enfant nous ne faisons que jouer aux grandes personnes qui elles-mêmes singent sérieux, soucis et travaux nous passons de l’anonymat de la vie à celui de la mort sans avoir jamais pratiqué sinon l’imitation Anges gardiens du ciel pénitentiaire La prison est bâtie des briques du connu, du prévu et du deviné nos peurs en sont les gardes vigilants notre lâcheté ou notre confort cimente les barreaux le tour de clé est donné par l’amour de nos amis, de nos parents, de nos enfants et de nos frères Narcissisme de Baudelaire Au vrai, on ne comprend jamais l’«autre» on peut seulement l’aimer ni frère ni semblable car on ne peut justement s’aimer soi-même malgré tous les efforts pour se duper on a beau être hypocrite, on se connaît No future Entre un enfant qui ment et deux enfants qui se battent comment dire la tristesse au spectacle d’un avenir commandé par la rivalité la méfiance même de sa propre chemise la solitude comme seule certitude 19
Pas d’arbitraire Rien n’est abstrait les figures les plus géométriques sont chargées de sens le cercle ouvre sur la métaphysique (la danse des sphères) le triangle pointe l’érotisme (l’agression) le carré renvoie à l’ordre, à la mesure (quadrillage), au fonctionnel et à l’uniforme (la prison) L’unique mis en commun Tout le monde est malheureux – le bonheur est, sinon une illusion, une exception – l’égoïste toutefois est si plein de son malheur qu’il n’a rien d’autre à partager n’a que malheur à répandre à son entour La première et la dernière foi Ce n’est certes pas que je ne crois plus en l’amour je doute seulement de ses bienfaits j’ai aimé femmes hommes et enfants comme un fou comme un phoque comme un pélican il n’en est aucun dont je puisse croire que je l’ai rendu heureux L’amour victorieux Ton arthrose me paralyse ta raison me met en tort ton pardon me condamne Récompense promise T’aimer pourrait se réduire au désir – et au plaisir – de vieillir avec toi et constituer une raison suffisante (de vivre) si te regarder vieillir ne se confondait avec te regarder souffrir 20
L’horizon atteint Mon amour ne m’a pas rendu plus digne ne t’a pas rendue heureuse ton amour s’est nourri d’inquiétudes qui ne t’ont accordé ni repos ni bonheur toutes nos utopies réalisées butent contre cette aporie: ta souffrance Le droit de se contredire Sans doute y a-t-il des absolus inconciliables tu as exigé la vérité et la fidélité j’ai voulu l’amour et la liberté notre amour s’est cimenté d’autant de joies que de renoncements Pas beau de l’air de rien C’est toi qui es ma géante ma muse trop inquiète, trop sérieuse pour l’amusement ma déesse médusant le faune pourchassé par l’inavouable faune de ses forfaits de forfanterie ma colombe noire traçant une île écrite pour m’y recueillir Noé noyé sous le déluge de l’autopunition Ni mort ni vif Le feu d’artifice de l’automne éclate en bouquet plus festif et coloré que le printemps dernier soubresaut de panache flamboyant à l’approche de l’hiver camard ou l’exubérance criarde a-t-elle épuisé la vitalité des feuilles dont l’envol se confond avec la chute?
rab (une douzaine de haïkus de sac – et de corde)
L’horreur du vide à Samuel Beckett La création est infinie: tout objet, tout événement – une fleur, un bijou, un nuage, une guerre – est l’incarnation d’un verbe mais sitôt matérialisée, l’idée change de signification sa pesanteur la colle au sol, la rend irreconnaissable: la création est un ratage infini L’insoutenable poids des mots L’activité de l’esprit est de sécréter des mots
calculs et excréments mentaux qu’il doit expulser la plume les sème pour tracer des chemins dans l’infinie forêt des pages n’approchez pas des mares car il en reste toujours au fond des poches qui nous empêchent de voler La perte de l’essence précède celle de l’existence Contrebande d’émotions sous le manteau on vit par imitation
confusion de sentiments sous le mental
on aime par convention
on meurt sans désespoir par manque de conviction parce qu’on s’est fié aux mots, miroirs trompeurs qui nous couvrent de reflets Les faux amis En hébreu, «acide» (hassid) veut dire «fidèle» et «sadique» (tsaddik) «juste» au-delà du calembour, il serait aisé de justifier une telle équivalence le sens n’est pas dans les mots mais dans les mœurs 23
Carnaval Je ne vois autour de moi guère que souffrance et abnégation
masquées sourires dents serrées pour garder bonne contenance, se retenir de pleurer espoirs confettis et tous de vouloir me convaincre que cette fête devrait se prolonger indéfiniment Cynisme Ai-je su transmettre à mon entour combien j’ai joui de la vie? libre de besoins sinon de désirs, tout m’aura été luxe: fleurs, fruits, parfums, saveurs, couleurs, lumière, visions, chaleur, toucher, caresses, baisers L’aura et l’unique Éblouissement ravissement foudroiement sont irrépétables mais on ne peut savourer la merveille
ils ne se produisent que la première fois
– aurore lecture paysage promenade baignade ou baiser – que si s’y mêle la conscience aiguë qu’on y participe pour la dernière fois Ne pas remettre à demain Il est temps de regagner mon pôle originel plutôt que de m’obstiner vainement à jouer les pères Noël – ample barbe blanche, bedon proéminant, sourire sénile – dans un monde où plus personne n’y croit Le froid en est jeté Inutile de me teindre barbe ou cheveux la blancheur des poils n’est que la partie visible de l’iceberg en quoi je me suis changé l’hiver est intérieur les sentiments ont gelé les souvenirs tombent en neige 24
La gaucherie, maladie infantile ou la bouderie dans le boudoir La vie est essentiellement animale
pensée et volonté ne sont guère que réflexes chimiques le seul vrai désir se confond avec le défi tout geste ne vaut que pour son panache comme si l’on craignait que la mort ne nous donne pas l’air assez crâne Langage des fleurs Si j’avais pu choisir mon personnage j’aurais aimé être perce-neige qui éclot au sein de l’environnement le plus hostile sait qu’il ne devra pas durer ne vaut que comme symbole ou exemple ou annonce de la victoire prochaine des autres fleurs À la rigueur Bientôt dix ans que je diffère jour après jour mon suicide – selon Stig Dagerman c’est cela la vie – dix ans que j’écris plus que je ne vis que j’appelle que j’épèle: sang d’encre chair de verbe mort je le suis déjà (ne m’en faut que la rigueur – du raisonnement du châtiment): mort et remords Faute de place Personne ne me nie le droit au suicide mais ne s’agissant pas d’un geste impulsif on discute l’heure: Qui juge quand c’est assez? Qui décide que ça suffit? Sur quels critères? Je peux répondre: la bibliothèque est comble, l’armoire aux cassettes pleine: n’y tiendrait pas un livre ni un film de plus
Quand l’effet se recule Rien ne reste. Si les écrits durent plus longtemps qu’images et monuments, le sens des mots va dérivant, concepts et valeurs deviennent caducs et les idées diffuses qu’ils portaient se diluent. Il n’y a pas, au niveau de la pensée, d’évolution, tout juste une altération des codes, suffisante pour qu’on ne puisse pratiquer qu’une archéologie des croyances plutôt que du «savoir». Qui se souvient que le cœur, avant de symboliser l’amour, signifiait le courage? Le code chevaleresque, moqué déjà par Cervantès, n’est plus qu’un cliché, presque une caricature quand Walter Scott, voire Raymond Chandler, s’y réfère. Des centaines de pages sont à peine suffisantes à Heidegger pour tenter de, sinon comprendre, du moins circonscrire une pensée d’Héraclite. L’idéologie, produite par les conditions matérielles d’un état de société, se modifie au gré des jeux et enjeux économiques et politiques, par rapport auxquels la pensée est toujours en retard. La conscience est, ontologiquement, anachronique, attachée à des fantasmes infantiles, déphasée par rapport au temps social, qui ne connaît que le présent et le futur immédiat anticipé ou planifié, auquel néanmoins elle appartient. En outre, irrationnelle, elle prend appui sur des détails qu’elle élève au rang de symboles, dans sa vaine recherche d’un sens essentiel. Les réflexions qui suivent, à l’heure où le cinéma, technologiquement – pellicule et salles noires –, agonise, cherchent à faire le point non pas tant sur son apport esthétique que sur quelques idées qu’il a, depuis son invention, suscitées. Je les propose en guise de mémoire prospective, inventaire plus que bilan, sans le moindre regret fétichiste. Les formes, les films surtout, que l’invention a permise reflètent plus un état de société, une conjoncture historique, que véritablement des choix esthétiques ou philosophiques; aussi ne seront-ils mentionnés, ponctuellement, qu’à titre d’illustrations, car le propos n’est en aucun cas de retracer une histoire, ni même une «contre-histoire», résumée du cinéma. 27
1 - 1907 Dans un chapitre de L’évolution créatrice intitulé «le mécanisme cinématographique de la pensée», Henri Bergson établit un parallèle entre l’intermittence de la projection des images cinématographiques, dont la continuité et l’illusion de mouvement reposent sur la persistance rétinienne, en quelque sorte une faiblesse de l’œil humain, et le fonctionnement de la conscience qui rétablit rétrospectivement la continuité de ses perceptions et impressions. L’attention est toujours parcellaire, captant des détails d’une situation spatio-temporelle comme autant de pièces d’un puzzle. Le réel est une reconstitution mentale. En décrivant ainsi le travail de structuration de la raison, il pose la discontinuité comme la donnée première de l’expérience, la continuité comme une illusion. Le cinéma aura donné corps à cette illusion, non pas tant par l’effacement de la séparation entre ses photogrammes – avec selon la vitesse de défilement le phénomène de papillotement légèrement hypnotique qui a permis d’associer dès son invention le cinéma au rêve, au point que plusieurs psychiatres émettent l’idée que les rêves se déroulent en noir et blanc – que par le «raccord» entre ses plans. Le cinéma naît, se détache du «cinématographe» originel, en transportant la prémisse mécaniste de son fonctionnement au plan de sa narrativité – le parallélisme d’«Intolérance» repose sur la continuité tant du mouvement que des situations et drames, point d’aboutissement de toute l’expérimentation de montage continu des fictions de Griffith, dont le cinéma hollywoodien hérite, qui modèle toute l’histoire esthétique du cinéma en tant qu’industrie; à ce principe de continuité s’est opposée la notion de «montage», élaborée dans un contexte historique de rupture radicale, à partir des recherches formelles «futuristes» dans d’autres domaines, poétique ou pictural. Cette continuité est essentiellement idéologique, justifiant le présent par le passé revu et corrigé, posant la prévisibilité en principe et s’opposant à l’alternance dialectique. 28
2 – 1935 Walter Benjamin pose, dans son essai fondamental sur «L’œuvre d’art à l’ère de sa reproductibilité technique», les prémisses théoriques de l’évolution esthétique au cours du XXème siècle, où la production matérielle de l’objet artistique, peinture ou sculpture, perdra son primat au profit de la seule conception, avant de disparaître. L’étape cruciale aura été dans l’histoire des images l’invention de la photographie – puis du cinéma qui techniquement en dérive – dont l’original est un négatif sans valeur intrinsèque, d’où sont tirées des reproductions. Or celles-ci sont indéfiniment multipliables – même s’il faut passer par des contretypes – et ne constituent que des copies. Cette caractéristique strictement technique amène l’auteur à réévaluer le domaine pictural en fonction des conditions historiques de sa réception – Jacques Attali renouvellera sur ce modèle l’approche de la composition musicale et son évolution au cours des âges – et à redéfinir le champ artistique. Cette mise en cause de la notion d’œuvre, qui avec son original perd aussi son «aura», entérine à propos de ce qu’on n’a pas encore théorisé comme media et «culture de masse» la révolution accomplie par Duchamp et sa promotion du «ready made». Elle n’est pourtant pas parvenue à détruire le marché de l’art, modèle idéal de tout investissement financier dans la mesure où la valeur n’y dépend que de la demande, indépendamment des coûts de production. Bien que Benjamin se soit trompé dans son assomption que leur reproductibilité assurait la pérennité virtuelle de toutes les œuvres – car les circuits et les coûts de conservation impliquent une sélection qui condamne toute la production moins commerciale à l’oubli, définitif en vertu de l’inflation que le caractère virtuel des ouvrages entraîne –, la notion de copie est passée comme fondement des théories postmodernes: l’art n’imite plus la «nature» – théorie classique – mais se reproduit, se plagie et se commente en circuit fermé. Il n’y a plus que des «remake». 29
3 – 1962 En formulant dans «La galaxie Gutenberg» la précarité des écrits et leur disparition au profit de nouvelles technologies de communication, audiovisuelles au niveau de la forme, virtuelles au niveau de leur mode d’enregistrement et de circulation – bientôt numériques –, Marshall McLuhan a constaté la domination de l’iconique sur le verbal et prévu la codification des images, leur structuration comme langage et leur fonctionnement idéologique. En énonçant l’équivalence entre «message» et «medium», il indique l’évacuation du sens au profit du code. Par exemple, les télévisions, lors de la «guerre du Golfe» n’ont diffusé que des images presque abstraites de trajectoires de missiles, comme dans un jeu vidéo, fournissant le modèle de l’image de guerre du point de vue de l’agresseur, par opposition à l’entassement de cadavres, image traditionnelle du point de vue de l’agressé – selon des paradigmes comparables à la sélection lexicale analysée à la même époque par Noam Chomsky, à propos de l’emploi, vidé de toute dénotation concrète, du mot «terrorisme». L’approche nettement idéaliste du penseur canadien anticipe sur la déréalisation du monde et le développement de produits virtuels – il est probable que le développement d’une spéculation financière boursière ne reposant plus sur une plus-value calculable à partir des coûts réels, traduisant l’apparente victoire des théories économiques libérales sur l’analyse matérialiste marxiste, ait accéléré le processus d’effondrement des régimes dits «socialistes». Le cinéma avait donné une forme concrète à l’imaginaire social et satisfaisait le désir de fiction, la télévision occupe le temps libre et fournit sous forme d’images commentées – l’idéologie ne sait encore se passer du verbe – des informations. La fonction sociale des images a changé: la «société du spectacle» se modelait encore sur des représentations tirées de la tradition dramatique, reconnaissables par le public; l’imaginaire audiovisuel conditionne la réalité et prétend la substituer. 30
Les trois exemples que j’ai tâché d’analyser ont chacun une importante descendance: Gilles Deleuze a renouvelé la critique cinématographique en l’intégrant à une perspective historique et philosophique à partir des thèses d’Henri Bergson sur le mouvement et l’appréhension du temps; André Malraux a conçu son «musée imaginaire» en puisant abondamment dans les propositions de Benjamin; Régis Debray a développé la «médiologie» sur la base des analyses de McLuhan. Dans les trois cas, une caractéristique technique conditionne un fonctionnement sémantique – narration, exposition, «message» – qui à chaque fois reçoit des applications sociales dépassant le champ circonscrit qui l’a engendré – le cinéma – pour imposer une valeur fictionnelle et idéologique au niveau de la conception globale du monde et de l’activité humaine, qu’il s’agisse de l’illusion d’une continuité des événements vécus, de la conviction d’un recyclage permanent des produits et idées à partir d’un archétype inaccessible ou de la soumission du réel à des images manipulables. L’influence du cinéma est, à cette échelle, indépendante des films produits, épiphénomènes conjoncturels ayant historiquement rempli surtout une fonction de propagande plus que de documentation, sans compter celle, occulte, de blanchiment d’argent qui est au fondement de son développement industriel – fonction indépendante elle aussi des films produits, dont le succès commercial reste secondaire, cautionnant tout au plus la façade de frime et de luxe d’un milieu artificiel: Hollywood est un décor. En synthèse, l’histoire du cinéma méprise la valeur des films, leur reconnaissance critique ou leur culte public, tout comme les films ignorent – sinon par des indices de détail, car la superstructure, et les formes qu’elle conçoit, n’est pas autonome de la structure – l’enjeu de leur fabrication. Initialement développé comme élargissement des techniques de prestidigitation, le cinéma aura été l’instrument, l’arme, assurant la victoire de l’illusion sur la raison. 31
Post-scriptum pholdulogique Le cinéma, ni «art» – car avant Canudo, le label avait été utilisé pour la promotion publicitaire de films reconstituant en tableaux vivants les grandes scènes religieuses ou historiques, dans la droite ligne de la peinture «pompier» – ni «industrie» – car l’«usine à rêves» n’était valorisée que pour sa fourniture d’ersatz de produits de luxe, nécessairement artisanaux aux diverses étapes (des décors, costumes et accessoires aux finitions en laboratoire) de leur confection –, forme bâtarde de spectacle où les œuvres et les «auteurs» restent d’infimes exceptions, n’aura pas duré assez pour remplir une fonction sociale véritablement émancipatrice: il n’aura su ni offrir à chacun un «droit à l’image», donc à la fiction, ni une maîtrise de l’illusion, ni une conscience des raccords – il n’aura fait que renforcer l’aliénation plutôt que la combattre en l’éclairant –; et jamais les films n’ont pu être faits «par tous». Août 2013
Un autre trait que partagent Debord et Benjamin se trouve dans leur utilisation intensive des citations, que Debord préférait pour sa part appeler «détournements». On se souvient que Benjamin chérissait le rêve d’écrire un livre uniquement composé de citations. Alexandre Trudel
traite de l’âme 3 l’âme matérielle tráfico da alma 3 a alma material
tradução regina guimarães
Desordem no corpo, erro no espírito, o primeiro a alimentar o segundo, eis o real da imaginação. Coração designa o amor e a coragem [...] e fá-los ambos ascender ao nível do tórax, lugar de riqueza e de distribuição, não-lugar de apetite e de necessidade. O sentimento avarento mora por baixo do diafragma.
O espírito dos corpos traz infelicidade aos melhores espíritos. A alma de um amante vive no corpo de outrem, não no seu. Sim, melhor do que a razão, comanda-nos o estômago. Será então preciso abrir-te a barriga Para te abrir um pouco o espírito? O instante, o instante único em que já não se sabe se é a carne ou a alma que palpita... Logo os moços de cozinha serviram as carnes fartas Dos miolos me sacaram bem assados pensamentos Sonhos lindos nados-mortos em nacos bem sangrentos E um rol de recordações em almôndegas putrefactas. A alma é a essência e o acto de um corpo. Também se compreende porque é que o físico deve debruçar-se sobre esta alma que não existe independentemente da matéria. O corpo é um dos nomes da alma, e não o mais indecente. 36
Désordre dans le corps, erreur dans l’esprit, l’un nourrissant l’autre, voilà le réel de l’imagination. Émile-Auguste Chartier, dit Alain, Système des beaux-arts Cœur désigne à la fois l’amour et le courage [...] et les relève tous deux au niveau du thorax, lieu de richesse et de distribution, non-lieu d’appétit et de besoin. Le sentiment avare habite au-dessous du diaphragme. Émile-Auguste Chartier, dit Alain, «Des idées et des âges: les noms» in Œuvres – Les passions et la sagesse L’esprit des corps porte malheur aux meilleurs esprits. Jean le Rond d’ Alembert, Lettre à Voltaire, 14 juillet 1767 L’âme d’un amant vit au corps d’autrui, non pas au sien. Jacques Amyot, Antonius, 85 Oui, mieux que la raison l’estomac nous dirige. Jacques-François Ancelot, L’important Faut-il donc t’ouvrir le ventre Pour t’ouvrir un peu l’esprit.
Anonyme, Chanson grenadière (1792)
L’instant, l’instant unique où on ne sait plus si c’est la chair ou si c’est l’âme qui palpite... Jean Anouilh, Eurydice Puis les marmitons apportèrent les viandes Des rôtis de pensées mortes dans mon cerveau Mes beaux rêves mort-nés en tranches bien saignantes Et mes souvenirs faisandés en godiveaux. Guillaume Apollinaire, «Palais» in Alcools L’âme est l’essence et l’acte d’un corps.
Aristote, Métaphysique
On comprend aussi pourquoi le physicien doit s’occuper de cette âme qui n’existe pas indépendamment de la matière. Aristote, Métaphysique, livre VI Le corps est un des noms de l’âme, et non pas le plus indécent. Marcel Arland, Où le cœur se partage 37
Utilizamos o nosso corpo como um crivo por onde passam a vontade e o relaxamento da vontade. Desse lugar que escorre o deplorável corpo Em longos fios arranca o elo da sua alma, E dele apartado o coração está solto Entre o vigor dos laços e as mãos da sua dama, Foge da própria vida e mil mortes procura. Se os rubros fados este meu estômago pilhado Para longe levam, as entranhas derramo No caminho pela minha dor gravado. A beleza de Diana como tenaz Puxando um para um lado e para o outro lado A infelicidade que oposição lhe faz. Nascemos entre esterco e urina. A quem, na hora da ressurreição, pertencerá a carne de um homem morto, transformada na de um homem vivo? Com efeito, suponha-se que um infeliz, acossado pela fome, come carne de um homem morto, é uma situação extrema com que nos deparamos por vezes ao longo da história e da qual os nossos miseráveis tempos fornecem também mais de um exemplo, será que se pode sustentar, com alguma razão, que toda essa substância desaparece através das secreções e que nenhuma parte dela é assimilada pela carne daquele que foi alimentado, quando a sua corpulência mostra bem as ruínas que, graças a tão triste recurso, ele restaurou? É a história da tua vida. Cada vez que chegas a um cruzamento de caminhos, o teu corpo desmorona-se, pois que ele sempre soube o que o teu espírito ignorava; e seja qual for o meio que utiliza para rebentar pelas costuras, quer se trate de uma mononucleose, de uma gastrite ou de crises de pânico, é sempre o teu corpo que se encarregou do fardo das tuas batalhas internas. Pedir-lhe-ia que retomasse a vida com ele pois que escrevera e desmembrara as suas setecentas noites e também os seus dias e as suas horas de etilismo, que a «esviscerara», sim dizia-se esviscerar, era a palavra, ouvira-a uma vez, ele transformara-a em morcela, em carne para assar, em tudo o que se quisesse, abatera-a ao longo de trezentas e oitenta e seis páginas de um livro, tais eram os seus pensamentos, dizia também para consigo que ele viria, que de novo tudo ficaria bem, que recomeçaria a sua vida com ela e para sempre, para obliterar esta infâmia: ter sido abatida, ter sido esquartejada e defumada como carne de porco. 38
Nous nous servons de notre corps comme d’un crible où passent la volonté et le relâchement de la volonté. Antonin Artaud, Le théâtre et son double À longs filets de sang ce lamentable corps Tire du lieu qu’il fuit le lien de son âme, Et séparé du cœur qu’il a laissé dehors, Dedans les forts liens et aux mains de sa dame, Il s’enfuit de sa vie et cherche mille morts. Plus les rouges destins arrachent loin du cœur Mon estomac pillé, j’épanche mes entrailles Par le chemin qui est marqué de ma douleur. La beauté de Diane ainsi que des tenailles Tirent l’un d’un côté, l’autre suit le malheur. Nous naissons entre la fiente et l’urine.
Agrippa d’Aubigné, Stances Saint Augustin
À qui, lors de la résurrection, appartiendra la chair d’un homme mort, devenue celle d’un homme vivant? Supposez, en effet, qu’un malheureux, pressé par la faim, mange de la chair d’un homme mort, et c’est là une extrémité que nous rencontrons quelquefois dans l’histoire et dont nos misérables temps fournissent aussi plus d’un exemple, peut-on soutenir avec quelque raison que toute cette substance ait disparu par les sécrétions et qu’il ne s’en soit assimilé aucune partie à la chair de celui qui s’en est nourri, alors que l’embonpoint qu’il a recouvré montre assez quelles ruines il a réparées par ce triste secours? Saint Augustin, La cité de Dieu, livre XXII, chap. 20 C’est l’histoire de ta vie. Chaque fois que tu arrives à une croisée des chemins, ton corps s’effondre, car ton corps a toujours su ce que ton esprit ignorait; et quel que soit le moyen qu’il emploie pour craquer, qu’il s’agisse d’une mononucléose, d’une gastrite ou de crises de panique, c’est toujours ton corps qui a repris à son compte le fardeau de tes batailles internes. Paul Auster, Chronique d’hiver Il lui demanderait de reprendre la vie avec lui parce qu’il avait consigné et dépecé ses sept cents nuits et aussi ses jours et ses heures d’éthylisme, il l’avait «éviscérée», oui, on disait: éviscérer, c’était le mot, elle l’avait entendu une fois, il l’avait transformée en boudin, en viande à rôtir, en tout ce qu’on voulait, il l’avait abattue, elle était abattue sur trois cent quatre-vingt-six pages d’un livre, telles étaient ses pensées, elle se disait aussi qu’il viendrait, que tout irait bien de nouveau, qu’il recommencerait sa vie avec elle et pour toujours, pour recouvrir cette infamie: avoir été abattue, avoir été apprêtée et fumée comme de la viande de porc. 39
Mas também pensava: O porco! Era um porco, só achava essa palavra para o qualificar. Tivera dez anos menos do que ela, continuava a ter dez anos a menos, além, uns quarteirões abaixo, ele continuava a ser dez anos mais novo, o seu carniceiro que ela tratava de porco, apesar de ser ela o animal abatido, um cordeiro, cordeiro de Deus, não, de Deus não, cordeiro simplesmente, fora o seu animal, mas como não era um animal, no máximo um cordeiro, pensava: cordeiro de Deus, e: a minha alma imortal. Mas a alma dela não era imortal, bem o sabia, não passava de uma pobre mulher que limpava cenouras, de noite fazia a cama, comia irregularmente, bebia por vezes de mais, má aguardente ou mau vinho, vinho da Wachau, enquanto o carniceiro, em companhia da outra, a devorava, como chouriça de fumeiro, devorava o sangue cru, a perna do anho, e dela se alimentava. É preciso provar certos livros, engolir outros, mastigar e digerir alguns.
Existem em nós várias memórias: o corpo, o espírito, têm cada qual uma; e a nostalgia, por exemplo, é uma doença da memória física. O prazer do texto, é o momento em que o meu corpo desata a seguir as suas próprias ideias – porque o meu corpo não tem as mesmas ideias que eu. Sempre associada ao erotismo, a sexualidade física está para o erotismo como o pensamento está para o cérebro: da mesma maneira, a fisiologia continua a ser o fundamento objectivo do pensamento. A estupidez, o erro, o pecado, a avareza Ocupam nossos espíritos e corpos E nós alimentamos amáveis remorsos Como os mendigos sustentam a sua bicheza. Estas reflexões tinham-se transformado, para mim, numa espécie de obsessão; quis aliviar-me. Aliás, fiz todos os esforços possíveis no sentido de as ordenar um pouco e de tornar assim a sua digestão mais fácil. 40
Mais elle pensait aussi: Le porc! C’était un porc, elle ne trouvait que ce mot pour le qualifier. Il avait eu dix ans de moins qu’elle, il en avait toujours dix de moins, là-bas, quelques arrondissements plus loin, il était toujours de dix ans plus jeune, son boucher qu’elle traitait de porc, bien que ce fût elle l’animal abattu, un agneau, agneau de Dieu, non, pas de Dieu, agneau simplement, elle avait été son animal, mais comme elle n’était pas un animal, tout au plus un agneau, elle pensa: agneau de Dieu, et: mon âme immortelle. Mais son âme n’était pas immortelle, elle le savait, elle n’était qu’une pauvre femme qui nettoyait des carottes, faisait son lit le soir, mangeait irrégulièrement, buvait parfois trop, une mauvaise eau-de-vie ou un mauvais vin, un vin de la Wachau, pendant que le boucher, en compagnie de l’autre, la dévorait, en saucisse fumée, dévorait le sang cru, le gigot, et se nourrissait d’elle. Ingeborg Bachmann, Requiem pour Fanny Goldmann Il faut goûter certains livres, en avaler d’autres, en mâcher et en digérer quelques-uns. Francis Bacon, «Sur l’étude» in Essais de morale et de politique (Sermones fideles) Il existe en nous plusieurs mémoires: le corps, l’esprit, ont chacun la leur; et la nostalgie, par exemple, est une maladie de la mémoire physique. Honoré de Balzac, Splendeurs et Misères des Courtisanes Le plaisir du texte, c’est ce moment où mon corps va suivre ses propres idées – car mon corps n’a pas les mêmes idées que moi. Roland Barthes, Le Plaisir du texte Toujours associée à l’érotisme, la sexualité physique est à l’érotisme ce qu’est à la pensée le cerveau: de la même façon, la physiologie demeure le fondement objectif de la pensée. Georges Bataille, L’érotisme La sottise, l’erreur, le péché, la lésine, Occupent nos esprits et travaillent nos corps, Et nous alimentons nos aimables remords, Comme les mendiants nourrissent leur vermine. Charles Baudelaire, «Au lecteur» in Les Fleurs du Mal Ces réflexions étaient devenues pour moi une espèce d’obsession; j’ai voulu me soulager. J’ai fait, du reste, tous mes efforts pour y mettre un certain ordre et en rendre ainsi la digestion plus facile. Charles Baudelaire, «De l’essence du rire» in Curiosités esthétiques 41
Os órgãos já não suportam o seu pensamento. Donde esse riso gelar e torcer as entranhas. A inspiração obedece, como a fome, como a digestão, como o sono. Voltaire goza com essa alma imortal que residiu, durante nove meses, entre excrementos e urinas. Voltaire, como todos os preguiçosos, odiava o mistério.
O culto do corpo não está em contradição com o da alma: sucede-lhe e herda a sua função ideológica. Imitando os melhores autores gregos, transformando-se neles, devorando-os; e, depois de os ter digerido bem, convertendo-os em sangue e alimento. Como é que se pode amar um intelectual? Os tipos têm uma balança no lugar do coração e um cérebro pequenino na ponta da piça. Quando consegue adensar exteriormente a vida da alma, congelar seu movimento, contrariar finalmente sua graça, a matéria obtém do corpo um efeito cómico. O homem mais não é do que fétido esperma, saco de lixo, alimento para vermes. (...) Depois do homem, o verme. Depois do verme, o fedor e o horror. Assim, todo o homem se transforma em algo que deixa de ser humano. Porquê ornar e pintar esta carne que em escassos dias os vermes devorarão na sepultura já que não ornas a alma! Não comereis a carne com a alma, isto é, com sangue. Boca: No homem, a porta de entrada da alma; na mulher, a saída do coração. 42
Ses organes ne supportent plus sa pensée. C’est pourquoi ce rire glace et tord les entrailles. Charles Baudelaire, «De l’essence du rire» in Curiosités esthétiques L’inspiration obéit, comme la faim, comme la digestion, comme le sommeil. Charles Baudelaire, Conseils aux jeunes littérateurs Voltaire plaisante sur cette âme immortelle qui a résidé, pendant neuf mois, entre des excréments et des urines. Voltaire, comme tous les paresseux, haïssait le mystère. Charles Baudelaire, Mon cœur mis à nu Le culte du corps n’est plus en contradiction avec celui de l’âme: il lui succède et hérite de sa fonction idéologique. Jean Baudrillard, La Société de consommation Comment peut-on aimer un intellectuel? Ils ont une balance à la place du cœur et une petite cervelle au bout de la queue. Simone de Beauvoir, Les Mandarins Imitant les meilleurs auteurs grecs, se transformant en eux, les dévorant; et, après les avoir bien digérés, les convertissant en sang et nourriture. Joachim du Bellay, Défense et illustration de la langue française Là où la matière réussit à épaissir extérieurement la vie de l’âme, à en figer le mouvement, à en contrarier enfin la grâce, elle obtient du corps un effet comique. Henri Bergson, Le Rire L’homme n’est rien d’autre que du sperme fétide, un sac d’ordures, une nourriture pour les vers. (…) Après l’homme, le ver. Après le ver, la puanteur et l’horreur. Ainsi tout homme est transformé en un quelque chose qui n’est plus humain. Pourquoi orner et peindre cette chair qu’en quelques jours les vers dévoreront dans la tombe alors que tu n’ornes pas ton âme! Saint Bernard, Meditationes piissimae de cognitione humanae conditionis (De anima) Vous ne mangerez pas la chair avec son âme, c’est-à-dire le sang. Bible, Genèse, IX, 4 Bouche: Chez l’homme, la porte d’entrée de l’âme; chez la femme, l’issue du cœur. Ambrose Bierce, Le Dictionnaire du Diable 43
Comestível: Susceptível de ser comido e digerido, como um verme por um sapo, um sapo por uma serpente, uma serpente por um porco, um porco pelo homem e o homem pelo verme. Indigestão: Mal que o paciente e os seus amigos misturam frequentemente com convicções de uma fé profunda e com a preocupação de salvar a humanidade. As almas seriam nos corpos organizados o que os pesos, as molas e outras potências são nas máquinas. As almas presidiriam aos movimentos admiráveis da digestão, da circulação, das secreções, do crescimento, das reproduções, etc. Como uma criança preside às maravilhas tecidas pelo tear que a sua mão ignorante acciona. Passo a explicar mais metafisicamente. As ideias mais espirituais saem das ideias sensíveis como de sua matriz. Ligada aos sentidos pelos laços mais estreitos, a alma ignoraria contudo e para sempre a sua existência se a acção dos objectos exteriores não viesse revelar-lha. Do mesmo modo ignoraria a faculdade que possui de mover, se o prazer e a dor não a informassem através do ministério dos sentidos. A alma sente que mexe o braço graças à reacção desencadeada pelo braço sobre o cérebro.
A alma humana, se colocada no cérebro da ostra, será que viria a adquirir noções de moral e de metafísica? A alma, a parte mais cansada do corpo. Mas se o que até aqui hei cagado nenhum abalo em ti faz, as tripas cagar verás, cagar a alma, e o teu amor, a ver se, por tal fedor, compaixão de mim terás.
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Comestible: Susceptible d’être mangé et digéré, comme un ver pour un crapaud, un crapaud pour un serpent, un serpent pour un cochon, un cochon pour l’homme et l’homme pour le ver. Ambrose Bierce, Le Dictionnaire du Diable Indigestion: Mal que le patient et ses amis mélangent fréquemment avec des convictions d’une foi profonde et le souci du salut de l’humanité. Ambrose Bierce, Le Dictionnaire du Diable Les âmes seraient dans les corps organisés ce que les poids, les ressorts et les autres puissances sont dans les machines. Les âmes présideraient aux mouvements admirables de la digestion, de la circulation, des sécrétions, de l’accroissement, des reproductions, etc. Comme un enfant préside aux merveilles qu’enfante le métier que sa main ignorante fait mouvoir. Je m’explique plus métaphysiquement. Les sens sont l’origine de toute connaissance. Les idées les plus spirituelles sortent des idées sensibles comme de leur matrice. Liée aux sens par les nœuds les plus étroits, l’âme ignorerait pourtant à jamais leur existence si l’action des objets extérieurs ne venait la lui découvrir. Elle ignorerait de même la faculté qu’elle a de mouvoir, si le plaisir et la douleur ne l’en instruisaient par le ministère des sens. L’âme sent qu’elle meut son bras, par la réaction du bras sur le cerveau. Charles Bonnet, Essai de psychologie, chap. 41 L’âme humaine placée dans le cerveau de l’huître, y acquerrait-elle jamais des notions de morale et de métaphysique? Charles Bonnet, Essai analytique sur les facultés de l’âme L’âme, la partie la plus lasse du corps. Paul Frederic Bowles, Un thé au Sahara Mais si tout ce que j’ai chié ne t’a nullement bouleversée, tu me trouveras bientôt, vidé de tripes et boyaux, chier mon âme et, ma foi, chier mon amour pour toi pour voir si cette puanteur parvient à troubler ton cœur. Père Braz da Costa de Mendonça in Natália Correia, Antologia da poesia portuguesa erótica e satírica traduit par Regina Guimarães 45
Os animais pastam; o homem come; só o homem de espírito sabe comer. 22. O amor é um amo caprichoso. Vi-o resistir a febres das quais era a primeira causa, mas recuar perante uma constipação, um resfriado, e sobretudo temer uma angina. Nenhuma das doenças nobres e boas o intimidam, mas as indisposições ordinárias deixam-no desamparado. Ele não quer que um espirro suspenda os seus suspiros, nem que os calores ponham vermelhidão nos seus olhos vendados. 23. Mas o pior de tudo é a náusea, ou melhor uma dor da região inferior das entranhas. O amor, que teria a coragem heróica de abrir uma veia, estremece perante a perspectiva de aplicar panos quentes; os purgativos abalam o seu império e o enjoo condena-o à morte. O corpo e a alma são pontos de vista sobre o mesmo objecto que resultam de métodos diferentes. A vida humana começa na noite do espírito. O óvulo, mesmo quando contém potencialmente o génio de Newton, Goethe ou Napoleão, não é muito diferente dos seres unicelulares que, durante a era arqueozoica do pré-câmbrico, representavam o humilde princípio dos vivos à face da terra. O beijo mais não é do que uma expressão da vontade de comer o objecto que se beija. A alma é a vaidade e o prazer do corpo enquanto ele tem saúde, mas também é a vontade de sair, desse corpo, mal ele adoece ou as coisas correm mal.
É mais complicado e penoso do que a defecação o nosso esforço mecânico de conversa. Essa corola de carne inchada, a boca, que se crispa em assobio, aspira e se agita, emite toda a espécie de sons viscosos através da barragem fétida da cárie dental, que castigo! Eis pois aquilo que somos instados a transformar em ideal. É difícil. Uma vez que somos pasto de tripas mornas e imperfeitamente podres, estaremos sempre em dificuldades com o sentimento. 46
Les animaux se repaissent; l’homme mange; l’homme d’esprit seul sait manger. Anthelme Brillat-Savarin, Physiologie du goût 22. L’amour est un maître capricieux. Je l’ai vu résister à des fièvres dont il était la première cause, mais reculer devant un rhume, un refroidissement, et surtout redouter une esquinancie. Toutes les bonnes et nobles maladies ne l’intimident pas, mais les indispositions vulgaires le mettent aux abois. Il ne veut pas qu’un éternuement suspende ses soupirs, ou qu’un échauffement rougisse ses yeux bandés. 23. Mais le pire de tout c’est la nausée, ou bien une douleur dans la région inférieure des entrailles. L’amour, qui aurait le courage héroïque d’ouvrir une veine, tressaillit à l’application des serviettes chaudes; les purgatifs ébranlent son empire, et enfin le mal de mer lui donne la mort. Lord Byron, Don Juan, chant II Le corps et l’âme sont des vues prises du même objet à l’aide de méthodes différentes. Alexis Carrel, L’Homme, cet inconnu La vie humaine commence dans la nuit de l’esprit. L’ovule, même quand il contient en puissance le génie de Newton, de Gœthe, ou de Napoléon, n’est pas très différent des êtres unicellulaires, qui, pendant la période archéozoïque du précambrien, représentaient l’humble début des vivants à la surface de la terre. Alexis Carrel, Réflexions sur la conduite de la vie Le baiser n’est autre chose qu’une expression de l’envie de manger l’objet qu’on baise. Giacomo Casanova, Histoire de ma vie L’âme, c’est la vanité et le plaisir du corps tant qu’il est bien portant, mais c’est aussi l’envie d’en sortir, du corps, dès qu’il est malade ou que les choses tournent mal. Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit C’est plus compliqué et plus pénible que la défécation notre effort mécanique de la conversation. Cette corolle de chair bouffie, la bouche, qui se convulse à siffler, aspire et se démène, pousse toutes espèces de sons visqueux à travers le barrage puant de la carie dentaire, quelle punition! Voilà pourtant ce qu’on nous adjure de transposer en idéal. C’est difficile. Puisque nous sommes des enclos de tripes tièdes et mal pourries nous aurons toujours du mal avec le sentiment. Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit 47
As crianças são uma porção das entranhas dos pais; portanto é preciso amálas, sejam elas boas ou más, como se amam as almas que nos deram a vida.
O espírito do homem é algo que pode apodrecer da mesma maneira que o fígado ou os rins. Deve haver grandes epidemias morais, como há epidemias de peste ou de cólera. O corpo humano forma-se com o tempo, e isto de tal modo que, primeiro são construídas as três mais nobres e heróicas partes, o fígado, o coração, o cérebro, distantes umas das outras e ligadas por juntas que se estreitam e depois engrossam à maneira de uma formiga que ostenta três partes mais grossas e inchadas, articuladas entre si por dois finos troços. Em conformidade com estas três partes principais, considerar-se-ão três andares e regiões no homem (imagem resumida do mundo) que correspondem aos três andares e regiões do universo. A baixa do fígado, raiz das veias, oficina dos espíritos naturais e lugar da alma concupiscível, na qual se incluem o ventrículo, ou o estômago, as tripas, os rins, o baço, e todas as partes genitais, corresponde à região elementar, onde se fazem todas as gerações e corrupções. A do meio, onde impera o coração, o caule das artérias e dos espíritos vitais, e a sede da alma irascível, separada da inferior pela tela esticada do diafragma, e da superior pelo estreito da garganta, na qual também se encontram os pulmões, e que corresponde à região etérea. A de cima, onde está alojado o cérebro esponjoso, fonte dos nervos e dos espíritos animais, do movimento e sentimento, e trono da alma razoável, (...) que corresponde à zona celeste e intelectual. Alguns pensaram que a alma razoável não era de todo orgânica e não precisava, para cumprir as suas funções, de nenhum instrumento, julgando provar assim a imortalidade da alma: mas sem entrar num labirinto de discurso, a experiência ocular e ordinária desmente essa opinião e convence do contrário.
O fatalista é aquele que lava a alma na sua própria urina. Ele fez assim: Pfuiii! Eu achava que ele tinha comido de mais; mas não, estava a vomitar a alma. 48
Les enfants sont une portion des entrailles de leurs parents; il faut donc les aimer, qu’ils soient bons ou mauvais, comme on aime les âmes qui nous donnent la vie. Miguel de Cervantès, Don Quichotte L’esprit de l’homme est quelque chose qui peut pourrir aussi bien que son foie ou ses reins. Il doit y avoir de grandes épidémies morales, comme il y a des épidémies de peste ou de choléra. André Chamson, L’Homme qui marchait devant moi Le corps humain est formé avec le temps, et de tel ordre, que premièrement sont bâties les trois plus nobles et heroïques parties, le foie, le cœur, le cerveau, distantes en long, et se tenant par jointures deliées, qui puis se remplissent tout à la façon d’une fourmi, où y a trois parties plus grosses et enflées, jointes par entre-deux deliées. Selon ces trois parties principales viennent à considerer trois étages en l’homme (image raccourcie du monde) qui répondent aux trois étages et régions de l’univers. La basse du foie, racine des veines, officine des esprits naturels, et le lieu de l’âme concupiscible, en laquelle sont contenus le ventricule, ou l’estomac, les boyaux, les reins, la rate, et toutes les parties génitales, répond à la region élémentaire, où se font toutes les générations et corruptions. Celle du milieu, où maîtrise le cœur, la tige des artères et des esprits vitaux, et le siège de l’âme irascible, séparée de celle d’en-bas par la toile tendue du diaphragme, et de celle d’en-haut par le détroit de la gorge, en laquelle sont aussi les poumons, respond à la region étherée. Celle d’enhaut, où loge le cerveau spongieux, source des nerfs et esprits animaux, du mouvement et sentiment, et le trône de l’âme raisonnable, (…), répond à la région céleste et intellectuelle. Pierre Charron, De la sagesse, livre I, chap. 10 Aucuns ont pensé que l’âme raisonnable n’était point organique, et n’avait besoin, pour faire ses fonctions, d’aucun instrument corporel, pensant par là bien prouver l’immortalité de l’âme: mais sans entrer en un labyrinthe de discours, l’expérience oculaire et ordinaire dément cette opinion, et convainc du contraire. Pierre Charron, De la sagesse, livre I, chap. 15 Le fataliste est celui qui lave son âme dans son urine. Achille Chavée, Décoctions II Il a fait comme ça: Pfuiii ! Moi, je croyais qu’il avait trop mangé; pas du tout, il rendait son âme. Eugène Chavette, Le Rôtisseur dans l’embarras in Les Petites Comédies du vice 49
Só atribuímos uma alma às pessoas quando elas já não têm corpo. Aquele que rouba, ou pede emprestado e não devolve, um livro ao seu proprietário, possa o livro roubado virar cobra em sua mão e picá-lo. Possa ele ficar paralisado, possam todos os seus membros rebentar. Possa ele finar-se de dores, pedir misericórdia a chorar, e não ter remissão dos seus tormentos até ser aniquilado. Possam os vermes roer-lhe as entranhas, em nome do Verme que não perece.
A gente habituar-se-ia facilmente às mágoas, se a razão ou o fígado a elas não sucumbissem. Chamamos injustamente imaginários aos males que são, bem pelo contrário, demasiado reais, pois provêm do espírito, único regulador do nosso equilíbrio e da nossa saúde. As perturbações dos órgãos determinam a fecundidade do espírito: aquele que não sente o seu corpo nunca estará em condições de conceber um pensamento vivo. Não é o espírito que está no corpo, é o espírito que contém o corpo, e que o envolve completamente. O pensamento bate como os miolos e o coração. Tenho a pele da alma demasiado sensível. Precisava de ensinar à minha alma a caminhar descalça. Para ela ganhar calo. Repetir a máxima chinesa: «Encolhe o coração.» O corpo é um parasita da alma. Mas é o meu corpo que pensa. É mais inteligente do que o meu cérebro. Sente mais subtilmente e mais completamente do que o meu cérebro. Toda a minha pele tem uma alma. 50
Nous n’accordons une âme aux gens que lorsqu’ils n’ont plus de corps. Malcolm de Chazal, Sens Plastique Celui qui vole, ou emprunte et ne rend pas, un livre à son propriétaire, que le livre volé se change en serpent dans sa main et le pique. Qu’il soit frappé de paralysie, que tous ses membres éclatent. Qu’il languisse dans la douleur, qu’il demande grâce en pleurant, et qu’il n’y ait de sursis à ses tourments avant qu’il ne soit anéanti. Que les vers lui rongent les entrailles, au nom du Ver qui ne périt pas. inscription dans la bibliothèque du monastère de San Pedro, Barcelone citée par Albert Cim, Amateurs et voleurs de livres On s’accommoderait aisément des chagrins, si la raison ou le foie n’y succombait. Emil Michel Cioran, Syllogismes de l’amertume On appelle injustement imaginaires des maux qui ne sont que trop réels au contraire, puisqu’ils procèdent de notre esprit, seul régulateur de notre équilibre et de notre santé. Emil Michel Cioran, Le Mauvais Démiurge Les troubles des organes déterminent la fécondité de l’esprit: celui qui ne sent pas son corps ne sera jamais en mesure de concevoir une pensée vivante. Emil Michel Cioran, Précis de décomposition Ce n’est pas l’esprit qui est dans le corps, c’est l’esprit qui contient le corps, et qui l’enveloppe tout entier. Paul Claudel, Le Soulier de satin, Acte I, scène 6 La pensée bat, comme la cervelle et le cœur. Paul Claudel, Positions et propositions J’ai la peau de l’âme trop sensible. Il faudrait apprendre à son âme à marcher pieds nus. S’y faire une corne. Se répéter la sentence chinoise: «Rétrécis ton cœur.» Jean Cocteau, Journal (1942-1945), 9 décembre 1944 Le corps est un parasite de l’âme. Jean Cocteau, La comtesse de Noailles, oui et non Moi, c’est mon corps qui pense. Il est plus intelligent que mon cerveau. Il ressent plus finement, plus complètement que mon cerveau. Toute ma peau a une âme. Colette, La retraite sentimentale 51
Valentin: Lê, lê, maroto! E requinta os teus apetites; aprende a viver de instrução; alimenta a alma e mortifica a carne; lê, e alimenta-te pelos olhos; fecha a boca e rumina a tua ração de compreensão. Criado: Uma pessoa engorda terrivelmente com essa dieta de papel. Não se pode pedir às autoridades oficiais que se inquiram acerca do estado da alma... ou será que deveríamos dizer antes sobre o estado do fígado de um homem. Quais massas, os pensamentos mais banais Como aos gansos nos rechearão Enquanto os nossos estômagos atados Mais estreitamente do que dois sapatos Calidezes figadais espalharão E em alvores intestinais se banharão. Sinto também que a arte de um lutador, no estado misterioso da forma, tem a sua sede mais na barriga do que no cérebro, e é por isso que me exaspero quando estou perante uma tela e vejo, ao evocar o homem, apenas uma cabeça. Onde estão as pernas, o baço e o fígado?
Pela parte que me toca, não percebo as razões que me impediriam de confundir a minha alma com o meu sexo... Em matéria ideológica, a burguesia nunca soube tomar, nem procurar outra que não a regida pela mais grosseira, a mais imediata das necessidades. Assim, Rodin teve razão quando sentou, na postura de pensador, frente ao Panteão das glórias nacionais, um homem de bronze cujo esforço nos dá que pensar que a coisa lhe vai cair das tripas e não jorrar-lhe dos miolos. Tal espectáculo, aliás, evitará que esqueçamos que o Panteão era para ser uma igreja e, em todo o caso, não foi, como deveria ter sido, esvaziado, desinfectado, tendo conservado a sua forma de cruz. Esse éreo brutamontes, sob a sua aparência de obtuso nudista, com a sua anatomia de sargento, é o digno sucessor de Deus, do Imóvel, para quem, dados os seus atributos, a criação só é concebível sob forma de divertimento fecal. Quanto à burguesia, que escolheu para macho este pensador à sua imagem, pretende fruto das suas entranhas, e tão-só das suas entranhas, tudo quanto é espírito. 52
Valentin: L is, lis, maraud! et affine tes appétits; apprends à vivre d’instruction; nourris ton âme et mortifie ta chair; lis, et alimente-toi par les yeux; ferme la bouche et rumine ta pitance de compréhension. valet: Vous engraisserez diablement à ce régime de papier. William Congreve, Love for Love, acte I, scène 1 On ne peut pas demander aux autorités officielles de s’enquérir de l’état de l’âme… ou faut-il dire plutôt de l’état du foie d’un homme. Joseph Conrad, Lord Jim, chap. 6 Pareilles aux pâtes, les pensées banales Nous bourreront comme des oies, Pendant que nos estomacs liés, Plus fort que deux souliers, Tout en répandant la chaleur du foie, Se baigneront dans leurs aurores intestinales. Arthur Cravan, Poète et boxeur, revue «Maintenant» nº5, mars-avril 1915 Je sens également que l’art à l’état mystérieux de la forme chez un lutteur a plutôt son siège dans le ventre que dans le cerveau, et c’est pourquoi je m’exaspère lorsque je suis devant une toile et que je vois, quand j’évoque l’homme, se dresser seulement une tête. Où sont les jambes, la rate et le foie? Arthur Cravan, L’exposition des indépendants, revue «Maintenant» nº4, mars-avril 1914 Pour moi je ne saisis pas les raisons qui m’empêcheraient de confondre mon âme avec mon sexe... René Crevel, Détours De position idéologique, la bourgeoisie ne sut jamais prendre, ni chercher d’autre que celle commandée par le plus grossier, le plus immédiat des besoins. Aussi, Rodin a-t-il eu raison d’asseoir, en fait de penseur, devant le Panthéon des gloires nationales, un homme de bronze dont l’effort nous donne à penser que ça lui tombera des boyaux, plutôt que ça ne lui jaillira de la cervelle. Un tel spectacle, d’ailleurs, nous évitera d’oublier que le Panthéon devait être une église, et, en tout cas, n’a pas été, comme il eût fallu, désaffecté, désinfecté, a conservé sa forme de croix. Cette brute d’airain, sous son apparence de nudiste obtus, avec son anatomie d’adjudant, il est le digne successeur de Dieu, de l’Immobile, pour qui, étant donné ses attributs, la création n’est concevable que sous forme de divertissement fécal. Quant à la bourgeoisie qui s’est donné pour mâle ce penseur à son image, elle prétend fruit de ses entrailles, de ses seules entrailles tout ce qui est esprit. René Crevel, Le Clavecin de Diderot 53
Já disse, ao contar o modo como o conheci, que o crânio de Freud se parecia com um caracol da Borgonha. A consequência disso é óbvia: se uma pessoa quiser comer o pensamento dele, é preciso sacá-lo com uma agulha. E então sai inteirinho de uma só vez. Só o indivíduo é capaz de saber a dose de labor que o seu estômago, o seu cérebro ou a sua mão pode digerir. Mas – velho javali que mais do que porco não sois –, se é verdade, como dizeis, que a mulher não pode dar à luz, nem de seu cérebro nem de seu ventre, sem a ajuda do homem – e isso é verdade –, também é verdade – a coisa é recíproca – que o homem não pode produzir, nem de sua carne nem de sua inteligência, sem a ajuda da mulher. É da ordem da lógica e da lógica como deve ser, mestreMadelon-Proudhon. Durante muito tempo, julguei que, na vida, não se devia arcar com mulheres, nem lornhões, nem corações, e manter o espírito praticamente nu como uma estátua da antiguidade – apenas uma parra na região do cerebelo. Apenas um passo separa o recto do túnel labiríntico da alma. Essa desigualdade dos espíritos também pode provir de várias disposições do coração, do fígado, do estômago, do baço e de todas as outras pequenas partes que contribuem para a sua fabricação. Um grande filósofo situava a alma, a nossa quero eu dizer, na glândula pineal. Se eu atribuísse uma alma às mulheres, sei muito bem onde a situaria. Se acaso um filósofo cego e surdo de nascença fizer um homem à imagem do que Descartes concebeu, atrevo-me a assegurar-vos, senhora, que situará a alma na ponta dos dedos; pois é daí que lhe vêm as principais sensações, e todos os conhecimentos. E quem o convenceria de que a cabeça é a morada dos seus pensamentos? Ao comer, que fazeis? Anulais os obstáculos que se opunham à sensibilidade activa do alimento. Assimilais em vós mesmos esse alimento, fazeis dele carne, estais a animalizá-lo. 54
J’ai déjà dit, en racontant ma rencontre avec lui, que le crâne de Freud ressemblait à un escargot de Bourgogne. La conséquence est évidente: si on veut manger sa pensée il faut la sortir avec une aiguille. Alors elle sort tout entière. Salvador Dali, Les moustaches radar L’individu seul est capable de savoir la dose du labeur que son estomac, son cerveau ou sa main peut digérer. Joseph Déjacque, L’Humanisphère, utopie anarchique Mais – vieux sanglier qui n’êtes qu’un porc –, s’il est vrai, comme vous le dites, que la femme ne peut enfanter du cerveau comme du ventre sans le secours de l’homme – et cela est vrai –, il est également vrai – la chose est réciproque – que l’homme ne peut produire par la chair comme par l’intelligence sans le secours de la femme. C’est de la logique et de la bonne logique, maître-Madelon-Proudhon. Joseph Déjacque, De l’être-humain mâle et femelle, lettre à P.J. Proudhon, mai 1857 J’ai cru longtemps qu’il ne fallait s’embarrasser dans la vie ni de femmes, ni de lorgnons, ni de cœurs, mais avoir l’esprit à peu près nu comme une statue antique — à peine une feuille de vigne dans la région du cervelet. Joseph Delteil, Échec in «Littérature» nouvelle série, nº 10, octobre 1923 Il n’y a qu’un pas du rectum au tunnel labyrinthique de l’âme. Citations de Jean Demélier, Le Sourire de Jonas Cette inégalité des esprits peut aussi procéder des diverses dispositions du cœur, du foie, de l’estomac, de la rate et de toutes les autres parties qui contribuent à leur production. René Descartes, Les passions de l’âme Un grand philosophe plaçait l’âme, la nôtre s’entend, dans la glande pinéale. Si j’en accordais une aux femmes, je sais bien, moi, où je la placerais. Denis Diderot, Les bijoux indiscrets Si jamais un philosophe aveugle et sourd de naissance fait un homme à l’imitation de celui de Descartes, j’ose vous assurer, madame, qu’il placera l’âme au bout des doigts; car c’est de là que lui viennent ses principales sensations, et toutes ses connaissances. Et qui l’avertirait que sa tête est le siège de ses pensées? Denis Diderot, Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient En mangeant, que faites-vous? Vous levez les obstacles qui s’opposaient à la sensibilité active de l’aliment. Vous l’assimilez avec vous-mêmes; vous en faites de la chair; vous l’animalisez. Denis Diderot, Enretien entre d’Alembert et Diderot 55
Se, como Perse diz, ele que chama ao ventre pai da indústria, ingenü largitor venter, as entranhas em jejum dilatam o espírito, tal não é o caso dos escritores.
O caos é o alimento de que é guloso o estômago do pensamento. Onde há psicologia, há fisiologia. Dai-me um nervo e um músculo e eu douvos uma alma. (...) O amor, por muito psíquico que seja, é primeiramente um trabalho de vasos, secreções, glândulas e de movimentos peristálticos. Cada qual sua pança. Além disso, por entre as paixões da alma, algumas dependem mais estreitamente da grosseria do corpo, como sejam o apetite carnal, a necessidade de alimento e de sono, a cólera, o orgulho, a cobiça. Vi-o, sofrendo de cólicas, a querer que lhe arrancassem a barriga. Outra vez, sangrando do nariz, julgava que a alma lhe ia cair no lenço. Pela alma, estais seguro, convencido, persuadido, daríeis o vosso sangue.
Para que a matéria tenha tanto poder, é preciso que contenha um espírito. Os homens de letras são putas que acabam por deixar de ter prazer. Eles tratam a arte como elas os homens, sorriem-lhe enquanto podem, mas já não a amam. E tudo amolece ao mesmo tempo. Alma e estilo, peito e coração. A nossa alma é um bicho feroz; sempre esfomeada, é preciso empanturrá-la até ao tutano para ela não se atirar a nós. 56
Si, comme le dit Perse, qui nomme le ventre le père de l’industrie, ingenü largitor venter, les entrailles à jeûn font croître l’esprit, ce n’est pas aux écrivains. Jean-Baptiste Dubos, Réflexions critiques sur la poésie et la peinture, 2e partie, section 9 Le chaos est l’aliment dont est gourmand l’estomac de la pensée. Jean Dubuffet Là où il y a psychologie il y a physiologie. Donnez-moi un nerf et un muscle et je vous donne une âme. (...) L’amour, pour psychique, est d’abord un travail de vaisseaux, de secrétions, de glandes et de péristaltismes. Renée Dunan, Entre deux caresses À chacun sa panse. Paul Eluard, 152 Proverbes mis au goût du jour En outre, parmi les passions de l’âme, certaines dépendent plus étroitement de la grossièreté du corps, comme l’appétit charnel, le besoin de la nourriture et du sommeil, la colère, l’orgueil, l’envie. Érasme, Éloge de la folie, chap. 66 Je l’ai vu, avec la colique, vouloir qu’on lui ôtât son ventre. Une autre fois, saignant du nez, il croyait que son âme allait sortir dans son mouchoir. François de Salignac de La Mothe-Fénelon, Dialogues des morts, dialogue 1 Pour l’âme, vous en êtes sûr, convaincu, persuadé, vous donneriez votre sang pour elle. Gustave Flaubert, Smarh Pour que la matière ait tant de pouvoir, il faut qu’elle contienne un esprit. Gustave Flaubert, La Tentation de saint Antoine Les gens de lettres sont des putains qui finissent par ne plus jouir. Ils traitent l’art, comme celles-ci les hommes, lui sourient tant qu’ils peuvent, mais ne l’aiment plus. Et tout s’avachit ensemble. Âme et style, poitrine et cœur. Gustave Flaubert, Lettre à Louise Colet, 13 juin 1852 Notre âme est une bête féroce; toujours affamée, il faut la gorger jusqu’à la gueule pour qu’elle ne se jette pas sur nous. Gustave Flaubert, lettre à Mlle Leroyer de Chantepie, 1er mars 1858 57
Quando estava a escrever o envenenamento da Emma Bovary, sentia o travo do arsénico na boca, por isso fiquei tão envenenado que apanhei duas indigestões... muito reais, pois vomitei o jantar todo. Bocejo: É preciso dizer: «Peço perdão, não é do aborrecimento, é do estômago.»
Pesadelo: Vem do estômago. Em regime societário, a gula é fonte de sabedoria. O que é a alma? – É o que se escapa dos olhos, dos cabelos sacudidos, da boca, dos caracóis, do torso, do sexo. De temperamento um pouco seco, o seu coração não fornece ao pensamento alimento suficiente. Não acredito na alma separada do corpo. Acredito que corpo e alma são a mesma coisa, e quando a vida do corpo já lá não está, ambos se finam. Diz-se que torturam as pessoas, que lhes rasgam o corpo aos pedaços e lhes quebram os ossos. Quando penso nisso, tenho medo, Pavel, meu querido... – Trituram a alma e não o corpo... É ainda mais doloroso do que a tortura, quando alguém nos toca na alma com as mãos sujas. É o estômago que pensa em provérbios; tece ourelas para a alma, a fim de melhor poder dirigi-la... É preciso paz à barriga e espaço à alma... A alma sobe por vezes aos lábios. Podemos amar com o nosso espírito, será que só podemos amar com o nosso espírito? O amor espalha-se e cresce sem parar, de tal modo que até as nossas unhas insensíveis são capazes de amar. 58
Quand j’écrivais l’empoisonnement d’Emma Bovary, j’avais si bien le goût d’arsenic dans la bouche, j’étais si bien empoisonné moi-même que je me suis donné deux indigestions... très réelles, car j’ai vomi tout mon dîner. Gustave Flaubert, Lettre à Taine, 1868 Bâillement: Il faut dire: «Excusez-moi, ça ne vient pas de l’ennui, mais de l’estomac.» Gustave Flaubert, Dictionnaire des idées reçues Cauchemar: Vient de l’estomac. Gustave Flaubert, Dictionnaire des idées reçues En régime sociétaire la gourmandise est source de sagesse. Charles Fourier, Le nouveau monde industriel et sociétaire Qu’est-ce que l’âme? – C’est ce qui s’échappe des yeux, des cheveux secoués, de la bouche, des boucles, du torse, du sexe. Jean Genet, Pompes funèbres De tempérament un peu sec, son cœur fournit pas à sa pensée un aliment suffisant. André Gide, La Symphonie pastorale Je ne crois pas à l’âme séparée du corps. Je crois que, corps et âme, c’est même chose, et que lorsque la vie du corps n’est plus là, c’en est fait des deux à la fois. André Gide, Feuillets d’automne, 15 mai 1949 On dit qu’ils torturent les gens, qu’ils leur déchirent le corps en lambeaux et leur brisent les os. Quand j’y pense j’ai peur, Pavel, mon, chéri… − Ils broient l’âme et non le corps… C’est encore plus douloureux que la torture, quand on touche à votre âme avec des mains sales. Maxime Gorki, La mère C’est l’estomac qui pense en proverbes; il en tisse des lisières pour l’âme, afin de mieux pouvoir la diriger… Il faut la paix au ventre et l’espace à l’âme… Maxime Gorki, La mère L’âme monte quelque fois au bord des lèvres.
Julien Gracq, La presqu’île
Nous pouvons aimer avec notre esprit, mais ne pouvons-nous aimer qu’avec notre esprit? L’amour s’étend et grandit sans cesse, de sorte que nos ongles insensibles sont eux-mêmes capables d’aimer. Graham Greene, La fin d’une liaison 59
A alma anídrica é a melhor. Abrasa o corpo como a faísca o firmamento. O homem, na embriaguez (...) cambaleia, sem saber para onde vai a estrada, pois a sua alma é húmida. Ora, que relação imaginar entre rochedos escarpados e a enxaqueca, entre a morfina e visões de animais ferozes, entre a introdução no estômago de um pouco de gordura e a ideia de caminhar na água? Será simples coincidência que, tendo estabelecido uma primeira relação entre alguma sensação mórbida experimentada tal noite, e um sonho qualquer que se teve, por acaso, nessa mesma noite, a lembrança do mesmo sonho tenha como consequência o regresso da mesma sensação? Ou será que existem bizarras analogias de sensações internas, em virtude das quais certas vibrações de nervos, certos movimentos íntimos das nossas vísceras corresponderiam também a impressões aparentemente tão diferentes? No primeiro caso, a correlação que se estabelece entre tal sonho e tal perturbação física seria perfeitamente ocasional e absolutamente particular para cada indivíduo. Na segunda hipótese, pelo contrário, a experiência poderia fazer descobrir constantes e misteriosas afinidades cujo conhecimento poderia dar lugar a uma verdadeira ciência. Há certos sonhos comuns a todos os homens, e cuja causa os fisiologistas em geral situam nas sensações produzidas pelo jogo mais ou menos natural das funções do coração e do estômago, e isso em virtude de uma enganadora apreciação que o espírito faz dessas sensações. Assim são os sonhos em que uma pessoa se sente em ascensão ou em levitação no espaço, a saltar com uma maravilhosa facilidade, a descer escadas nuns poucos pulos, ou, pelo contrário, se vê retida por uma força invisível, incapaz de levar a cabo a mais fácil das tarefas, etc. Fazer uma só refeição emagrece, seca e encolhe a barriga, porque a humidade da barriga e da carne é consumida pelo calor da alma. O calafrio do pavor só pode vir de um impulso urgente do nosso corpo. É o grito de sofrimento do espírito encarcerado que assim se exprime. 60
L’âme anhydre est la meilleure. Elle embrase le corps comme la foudre fait la nuée. Héraclite d’Éphèse, trad. Yves Battistini, Trois présocratiques L’homme, dans l’ivresse (...) titube, sans savoir où va sa route, car son âme est humide. Héraclite d’Éphèse, trad. Yves Battistini, Trois présocratiques Or, quelle relation imaginer entre des rochers escarpés et la migraine, entre la morphine et des visions de bêtes fauves, entre l’introduction dans l’estomac d’un peu de graisse et l’idée de marcher dans l’eau? Serait-ce qu’une simple coïncidence ayant établi un premier rapport entre quelque sensation morbide qu’on éprouvait une telle nuit, et un rêve quelconque que l’on faisait par hasard cette nuit-là même, le rappel du même rêve est la conséquence du retour de la même sensation? Ou bien existerait-il de bizarres analogies de sensations internes, en vertu desquelles certaines vibrations de nerfs, certains mouvements intimes de nos viscères correspondraient également à des impressions en apparence si différentes? Au premier cas, la corrélation qui s’établit entre tel rêve et tel trouble physique serait tout occasionnelle et toute spéciale pour chaque individu. Dans la seconde hypothèse, au contraire, l’expérience pourrait faire découvrir de constantes et mystérieuses affinités dont la connaissance deviendrait une science véritable. Il est de certains rêves communs à tous les hommes, et dont les physiologistes s’accordent généralement à placer la cause dans les sensations produites par le jeu plus ou moins naturel des fonctions du cœur ou de l’estomac, et cela en vertu d’une trompeuse appréciation que fait l’esprit de ces sensations. Tels sont les rêves où l’on croit s’élever ou planer dans l’espace, sauter avec une facilité merveilleuse, descendre des escaliers en quelques bonds, ou bien, au contraire, se sentir retenu par une force invisible, ne pouvoir conduire à bonne fin une entreprise des plus simples, etc. Léon d’Hervey de Saint-Denys, Les rêves et les moyens de les diriger, IIIe partie, chap. 6 Ne faire qu’un repas par jour amaigrit, dessèche et resserre le ventre, parce que l’humidité du ventre et de la chair est consumée par la chaleur de l’âme. Hippocrate, Du régime Le frisson de l’épouvante ne peut venir que d’une pressante impulsion de notre corps. C’est le cri de souffrance de l’esprit emprisonné qui s’exprime ainsi... E.T.A, Hoffmann, Un sinistre visiteur in Contes des frères Sérapion 61
Os esforços da inteligência, as audácias da imaginação e do génio, ele fazia tudo isso depender de certas predisposições do estômago e dos intestinos, e sobre isso proferia mil coisas absurdas; afirmava, por exemplo, muito a sério, que todo o pensamento resultava da cópula de dois filamentos do cérebro. (...) toda a criação deve rasgar a barriga; Pois neste mundo a ideia como a carne Deve sangrar... O eu é o direito ao egoísmo. Ora a primeira coisa que fazem esses seres é maltratar o eu de cada um. Exorbitantes em tudo, em pensamentos, em imagens, em convicções, em emoções, em paixão, em fé, seja qual for o lado do vosso eu a que se dirigem, incomodam-no. A vossa inteligência, ultrapassam-na; a vossa imaginação, magoam-na nos olhos; a vossa consciência, questionam-na e revistam-na; as vossas entranhas, torcem-nas; a vossa alma, arrebatam-na. É preciso que se veja o osso a nu, o músculo em carne viva, a carne em sangue, a rede das veias, as artérias, todos os sombrios elos do organismo, de que maneira o vício se articula com a preguiça, as vísceras abertas, os nervos, as fibras, o estremecimento e a palpitação, as entranhas, o interior do coração. O intestino está aberto, olhai. A análise e a dissecação são dois ensinamentos diferentes, e que se desdobram ao confrontarem-se. O cadinho dá um resultado; o escalpelo dá outro. Nas coisas sociais, onde tudo é doença e pede remédio, a pintura, para ser eficaz, deve, por vezes, ser a de um corpo esfolado. Então tudo se explica. Vê-se a olho nu, cada qual em seu compartimento, a fatalidade e a paixão. O organismo é um facto, a atracção é outro. Em que é que o apetite difere da necessidade, a cobiça difere da fome? Esses matizes, entre os quais há mundos, revelam-se. O estômago e o ventre são duas coisas diversas. O estômago não pode fazer mal. Uma vez tirada a pele, acabou-se o mistério. O interior instrutivo aparece. Os porquês dizem o seu segredo; acham-se as chaves perdidas das velhas fechaduras tenebrosas que não se abriam. Olhar o mal, é vencê-lo.
Um espírito que se pretende eunuco, que frio terrível! Se tem uma fé, ao progresso é obrigada. É a indiferença implacável. A saciedade, eis o fundo da sua serenidade. Horácio faz a sua digestão. Tem o contentamento acabrunhado do sujeito que encheu o bandulho. O intestino-cólon sobe-lhe ao cérebro. 62
Les efforts de l’intelligence, les hardiesses de l’imagination et du génie, il faisait dépendre tout cela de certaines prédispositions de l’estomac et des intestins, et il débitait là-dessus mille absurdités; il prétendait par exemple très sérieusement que toute pensée était le résultat de la copulation de deux filaments du cerveau. E.T.A, Hoffmann, L’Église des Jésuites in Contes nocturnes (...) tout enfantement doit déchirer le ventre; Qu’en ce monde l’idée aussi bien que la chair Doit saigner... Victor Hugo, «Loi de formation du progrès» in L’Année terrible Le moi, c’est le droit à l’égoïsme. Or la première chose que font ces êtres, c’est de rudoyer le moi de chacun. Exorbitants en tout, en pensées, en images, en convictions, en émotions, en passion, en foi, quel que soit le côté de votre moi auquel ils s’adressent, ils le gênent. Votre intelligence, ils la dépassent; votre imagination, ils lui font mal aux yeux; votre conscience, ils la questionnent et la fouillent; vos entrailles, ils les tordent; votre cœur, ils le brisent; votre âme, ils l’emportent. Victor Hugo, William Shakespeare, 2e partie, livre 3 Il faut qu’on voie l’os à nu, le muscle à vif, la chair en sang, le réseau des veines, les artères, toutes les sombres attaches de l’organisme, comment le vice s’articule avec la paresse, les viscères ouverts, les nerfs, les fibres, le tressaillement et la palpitation, les entrailles, le dedans du cœur. L’intestin est ouvert; regardez. L’analyse et la dissection sont deux enseignements différents, et qui se doublent en se confrontant. Le creuset donne un résultat ; le scalpel en donne un autre. Dans les choses sociales, là où tout est maladie et demande remède, la peinture, pour être efficace, doit parfois être un écorché. Alors tout s’explique. On voit à l’œil nu, chacune dans son compartiment, la fatalité et la passion. L’organisme est un fait, l’attraction en est un autre. En quoi l’appétit diffère du besoin, en quoi la convoitise diffère de la faim; ces nuances, entre lesquelles il y a des mondes, se révèlent. L’estomac et le ventre, c’est deux. L’estomac ne peut mal faire. Une fois la peau ôtée, plus de mystère. L’intérieur instructif apparaît. Les pourquoi disent leur secret; les points d’interrogation ôtent leur masque; on trouve les clefs perdues des vieilles serrures ténébreuses qui ne s’ouvraient pas. Regarder le mal, c’est le vaincre. Victor Hugo, Les fleurs in Proses philosophiques Un esprit qui se veut eunuque, quel froid terrible! S’il a une foi, elle est contraire au progrès. C’est l’indifférence implacable. La satiété, voilà le fond de sa sérénité. Horace fait sa digestion. Il a le contentement accablé du repu. L’intestin-colon lui monte au cerveau. Victor Hugo, Utilité du Beau in Proses philosophiques 63
Não é a carne que é real, é a alma. A carne é cinza, a alma é chama. A alma é a amada; a carne é a amante. Calunia-se o demónio. Não foi ele que tentou Eva. Foi Eva que o tentou a ele. Terá a natureza (...) como única função (...) Embalar o leito de uma alma comedora, De um coração pelo ventre complicado De um espírito sublime pelo estômago ornado Que chupa e bebe sangue sonhando com doutrinas Que nas tinas se enche e se esvazia nas latrinas? É comum afirmar-se que nascemos poetas; mas, por vezes, um mero prosaico pode engordar tão impiedosamente, qual ganso de Estrasburgo, com tolices rimadas e dislates contados pelos pés, que todo o seu interior – fígado, estômago e papo –, uma vez saturado, fica totalmente repleto de gordura lírica e de banha retórica. Pensa obcecadamente na alma de seu tio. Mas o que é medonho é que a alma desse tio se associa, justapõe ou confunde (sabemos que este tipo de doentes se exprime muito mal) com um objecto repugnante: excrementos humanos. «Essa alma jaz no fundo das sanitas, sai do traseiro de fulano, etc., etc.». Faz uma data de variações acerca deste lindo tema, solta gritos de horror, bate no peito: «Será concebível uma abominação assim, pensar que a alma do meu tio é m...».
Também se constatou que, no caso dos histéricos, as ideias têm uma importância maior e sobretudo uma maior acção no corpo do que em homens normais. Parecem penetrar mais profundamente no organismo e nele determinar modificações motoras e viscerais. Trata-se de um ponto sobre o qual insistiam, ainda recentemente, os Senhores Mathieu e Roux, no artigo que dedicaram ao vómito histérico. «Aquilo que caracteriza as histéricas, dizem eles, é menos o facto de elas aceitarem uma ideia qualquer do que a acção exercida por essa ideia no seu estômago ou no seu intestino.» A alma é um tique.
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Ce n’est pas la chair qui est le réel, c’est l’âme. La chair est cendre, l’âme est flamme. Victor Hugo, L’homme qui rit L’âme est l’amante; la chair est la maîtresse. On calomnie le démon. Ce n’est pas lui qui a tenté Ève. C’est Ève qui l’a tenté. Victor Hugo, L’homme qui rit La nature (...) n’a pour fonction (...) Que de bercer le lit de cette âme qui mange, De ce cœur compliqué d’un ventre, et le hamac De cet esprit sublime orné d’un estomac, Qui suce et boit du sang en rêvant des doctrines, Et qui s’emplit à l’auge et se vide aux latrines? Victor Hugo, «La haine» in Toute la lyre, III-49 On affirme bien que nous naissons poètes; mais parfois un simple prosaïque peut s’engraisser si impitoyablement, comme une oie de Strasbourg, de fadaises rimées et de radotages métrés, que tout son intérieur, foie, estomac et gésier, quand il est saturé, se trouve tout rempli de graisse lyrique et de saindoux rhétorique. Henrik Ibsen, La Comédie de l’amour Il est obsédé par la pensée de l’âme de son oncle. Mais ce qui est effroyable, c’est que l’âme de son oncle est associée, juxtaposée ou confondue (nous savons que ces malades s’expriment très mal) avec un objet répugnant: des excréments humains. «Cette âme gît au fond des cabinets, elle sort du derrière de M. un tel, etc., etc.». Il fait une foule de variations sur ce joli thème et il pousse des cris d’horreur, se frappe la poitrine: «Peut-on concevoir abomination pareille, penser que l’âme de mon oncle c’est de la m…». Pierre Janet, Les Névroses, chap. I On a constaté également que chez les hystériques les idées ont une plus grande importance et surtout une plus grande action corporelle que chez l’homme normal. Elles semblent pénétrer plus profondément dans l’organisme et y déterminer des modifications motrices et viscérales. C’est un point sur lequel insistaient encore dernièrement MM. Mathieu et Roux dans l’article qu’ils consacraient au vomissement hystérique. «Ce qui caractérise les hystériques, disaient-ils, c’est moins le fait qu’elles acceptent une idée quelconque, que l’action exercée par cette idée sur leur estomac ou sur leur intestin.» Pierre Janet, Les Névroses, chap. III L’âme est un tic. Alfred Jarry, «Du Mimétisme inverse chez les personnages d’Henri de Régnier» in La chandelle verte 65
Não é exactamente o Senhor Thiers, nem o burguês, nem o patife: seria antes o anarquista perfeito, com aquilo que impede que nós possamos transformarnos no anarquista perfeito, pois que se trata de um homem, donde cobardia, sujidade, fealdade, etc. Das três almas que Platão distingue – da cabeça, do coração e da cornupança –, só esta última não é embrionária. Tomei o livro da mão do Anjo e engoli-o; na minha boca, tinha a doçura do mel, mas quando o comi, encheu-me as entranhas de amargura.
Pode-se decretar e sentir a morte própria, sem atentar contra a vida. A morte é um estado de alma. Muito gostaria eu de saber que quadros verdadeiramente geniais de Dali se devem ao seu génio, por assim dizer imaculado, e quais lhe foram inspirados pela sua insaciável bolsa, ligada ao funcionamento dos intestinos e constantemente à espera do momento da defecação. Os psicanalistas são os limpa-esgotos da alma; o fedor activo do seu ofício persegue-os até à própria vida privada. O meu corpo, ó minha irmã, tem dores na sua bela alma. Tenho amigos cuja alma do sangue da minha é Que lêem no meu olho e me ouvem pensar até. O espírito tem a sua puberdade, tal como o corpo. De que precisavam Canus Julius, Séneca e Petrónio para transformar a sua intrepidez em pusilanimidade ou em poltronaria? De uma obstrução do baço, de um estorvo na veia porta hepática. Porquê? Porque a imaginação se entope com as vísceras. 66
Ce n’est pas exactement Monsieur Thiers, ni le bourgeois, ni le mufle: ce serait plutôt l’anarchiste parfait, avec ceci qui empêche que nous devenions jamais anarchiste parfait, que c’est un homme, d’où couardise, saleté, laideur, etc. Des trois âmes que distingue Platon: de la tête, du cœur et de la gidouille, cette dernière seule, en lui, n’est pas embryonnaire. Alfred Jarry, Les paralipomènes d’Ubu Je pris le petit livre de la main de l’Ange et l’avalai; dans ma bouche il avait la douceur du miel, mais quand je l’eus mangé il remplit mes entrailles d’amertume. Saint Jean, Apocalypse, 10-10 On peut décréter et ressentir sa mort, sans attenter à sa vie. La mort est un état d’âme. Marcel Jouhandeau, Réflexions sur la vieillesse et la mort Je serais vraiment curieux de savoir lesquels des tableaux véritablement géniaux de Dalí sont dus à son génie pour ainsi dire immaculé, et lesquels lui ont été inspirés par sa bourse insatiable, liée au fonctionnement de ses intestins et guettant constamment le moment de la défécation. Imre Kertész, «Procès-verbal» in Le drapeau anglais Les psychanalystes sont les égoutiers de l’âme; l’odeur pénétrante de leur profession les suit jusque dans leur vie privée. Arthur Koestler, Un testament espagnol Mon corps, ô ma soeur, a bien mal à sa belle âme. Jules Laforgue, «Dimanches» in Derniers vers J’ai des amis dont l’âme est du sang de mon âme, Qui lisent dans mon œil et m’entendent penser. Alphonse de Lamartine, Adieu L’esprit a sa puberté comme le corps.
Alphonse de Lamartine, Grazellia
Que fallait-il à Canus Julius, à Sénèque, à Pétrone, pour changer leur intrépidité en pusillanimité ou en poltronnerie? Une obstruction dans la rate, dans le foie, un embarras dans la veine porte. Pourquoi? Parce que l’imagination se bouche avec les viscères. Julien Offray de La Mettrie, L’Homme Machine 67
Dir-se-ia, em certos momentos, que a alma mora no estômago, e que, ao colocar a sua sede no piloro, Van Helmont só se teria enganado no ter tomado a parte pelo todo. A que excessos a fome cruel nos pode levar! Mais respeito pelas entranhas às quais devemos ou demos a vida; às dentadas as rasgamos, com elas fazemos horrendos festins; e no ímpeto do furor que nos arrebata, o mais fraco é sempre a presa do mais forte. A força e fraqueza do espírito foram mal nomeadas; com efeito, elas mais não são do que a boa ou a má disposição dos órgãos do corpo. A saúde do espírito tem a sua raiz nos colhões. Todas as ocasiões serviam: expansão, exuberância, depressão, torção ou introspecção, para abrir a caminho a esta última. Pelo que nos deparamos com poemas de decepção, de reflexão, de deglutição, de indigestão. E particularmente qualquer desarranjo psicológico bastava para despoletar a crise de poesia. O carácter e a maneira variavam como o acidente, Um gentleman que jantara demasiado copiosamente podia libertar-se graças a uma curta crise de versalhada lírica, onde «minha alma» e «amante calma» rimavam serenamente. A indigestão da manhã inspirava versos elegíacos cujo peixe se fazia render, nos quais «emborcar» e «suspirar», «morte funesta» e «hora da sesta» se aliavam por obra da tristeza sonora. O amor! Então, ama-se um aparelho respiratório, um tubo digestivo, intestinos, órgãos de evacuação, um nariz que se assoa, uma boca que come, um odor corporal? O corpo responde a todos os pensamentos da alma, razoáveis ou não, e os sonhos deixam tantas marcas no cérebro como os pensamentos de quem está acordado. Continua-se a dizer «alma» como quem diz «florins», quando já se deixou há muito de cunhar florins. Dizia-se a alguém que a alma é um ponto; ao que esse alguém retorquiu: «porque não um ponto e vírgula, assim ela teria cauda.» 68
On dirait en certains moments que l’âme habite dans l’estomac, et que Van Helmont en mettant son siège dans le pylore, ne se serait trompé qu’en prenant la partie pour le tout. A quels excès la faim cruelle peut nous porter! Plus de respect pour les entrailles auxquelles on doit, ou on a donné la vie; on les déchire à belles dents, on s’en fait d’horribles festins; et dans la fureur, dont on est transporté, le plus faible est toujours la proie du plus fort. Julien Offray de La Mettrie, L’Homme Machine La force et la faiblesse de l’esprit sont mal nommées; elles ne sont en effet que la bonne ou la mauvaise disposition des organes du corps. François de La Rochefoucauld, Maximes La santé de l’esprit a sa racine dans les couilles. David Herbert Lawrence, L’amant de Lady Chatterley Toutes les occasions étaient bonnes: expansion, exubérance, dépression, torsion ou introspection, pour donner voie à cette dernière. Si bien que l’on se trouve en présence de poèmes de déception, de réflexion, de déglutition, d’indigestion. N’importe quel dérangement psychologique en particulier suffisait à provoquer l’accès de poésie. Le caractère et la manière variaient avec l’accident. Un gentleman ayant dîné trop généreusement pouvait se libérer en un court accès de mirliton lyrique, où «âme» et «femme» rimaient sereinement. L’indigestion du matin inspirait des vers élégiaques tirés en longueur, où «bière» et «soupir», «mortel» et «hôtel» étaient liés par la tristesse sonore. Stephen Leacock, «La décadence du poète» in Literary lapses L’amour! Alors, on aime un appareil respiratoire, un tube digestif, des intestins, des organes d’évacuation, un nez qu’on mouche, une bouche qui mange, une odeur corporelle? Paul Léautaud, Passe-temps Le corps répond à toutes les pensées de l’âme, raisonnables ou non, et les songes ont aussi bien leurs traces dans le cerveau que les pensées de ceux qui veillent. Gottfried Wilhelm Leibniz, Nouveaux essais sur L’entendement humain On continue de dire: âme, comme on dit florins, alors qu’on a cessé depuis longtemps de frapper les florins. Georg Christoph Lichtenberg, Aphorismes On affirmait à quelqu’un que l’âme était un point; à quoi il rétorqua: «pourquoi pas un point virgule, elle aurait ainsi une queue.» Georg Christoph Lichtenberg, Aphorismes 69
Tem seu lugar fixo no meio do peito: com efeito, é lá que o medo palpita e aperta; é em seu redor que se derrama a doçura e a alegria; é lá portanto que reside o entendimento, o espírito; a outra parte que é a alma, disseminada em todo o corpo, obedece e move-se consoante a ordem e o movimento do espírito. E assim, não se experimentarão desejos outros que não os virados para as coisas do corpo que lhe são necessárias e sem as quais é impossível viver, como foi dito que «O Justo come e sacia a alma». É verdade que quem goza de perfeita saúde faz uma digestão tão impecável que o quilo, ao entrar no coração e, seguidamente, no cérebro, é tão adequado à formação dos espíritos como o sangue ordinário. De tal modo que os seus espíritos animais e, por conseguinte, a sua faculdade de imaginar, quase não recebem modificação.
É preciso saber que o quinto, o sexto e o oitavo par de nervos enviam a maioria das suas ramificações para o peito e para a barriga, onde são de grande utilidade para a conservação do corpo, mas extremamente perigosos para a alma; porque esses nervos não dependem, na sua acção, da vontade dos homens, como aqueles que servem para mexer os braços, as pernas e outras partes exteriores do corpo, e agem muito mais sobre a alma do que a alma age sobre eles.
Segundo Aristóteles, o olho humano, tal como o camaleão, absorve a cor e mesmo a forma do objecto observado e transmite essa informação, através dos humores oculares, para as entranhas todo-poderosas (splanchna), um conglomerado de órgãos abarcando o coração, o fígado, os pulmões, a bexiga e os vasos sanguíneos, que impera sobre os gesto e os sentidos. O médico romano Antyllus, no século II, escrevera que aqueles que nunca aprenderam versos de cor, e estão por isso condenados a lê-los nos livros, sentem por vezes grandes dificuldades em eliminar, através de uma transpiração abundante, os humores nefastos que, graças à simples respiração, os que possuem uma boa memória dos textos, conseguem eliminar. 70
Il a son siège fixe au milieu de la poitrine: c’est là en effet que palpite et tenaille la peur; dans ses alentours que s’épanche la douceur et la joie; c’est donc là que réside l’entendement, l’esprit; l’autre partie qui est l’âme, disséminée dans tout le corps, obéit et se meut selon l’ordre et le mouvement de l’esprit. Lucrèce, De natura rerum Et ainsi, on n’éprouvera pas de désirs autres que pour les choses du corps qui lui sont nécessaires et sans lesquelles il est impossible de vivre, comme il est dit «Le Juste mange et rassasie son âme». Moïse Maïmonide, Mishne Torah, livre I Sefer Madâ, chap. 2 Halakhot Deôt Il est vrai que ceux qui jouissent d’une santé parfaite font une digestion si achevée, que le chyle entrant dans le cœur, et de là dans le cerveau, est aussi propre à former des esprits que le sang ordinaire. De sorte que leurs esprits animaux, et par conséquent leur faculté d’imaginer, n’en reçoivent presque pas de changement. Nicolas Malebranche, De la recherche de la vérité, Livre II «De l’imagination», chap. 2 Il faut savoir que la cinquième, la sixième, et la huitième paire de nerfs envoient la plupart de leurs rameaux dans la poitrine, et dans le ventre, où ils ont des usages bien utiles pour la conservation du corps, mais extrêmement dangereux pour l’âme; parce que ces nerfs ne dépendent point dans leur action de la volonté des hommes, comme ceux qui servent à remuer les bras, les jambes, et les autres parties extérieures du corps, et qu’ils agissent beaucoup plus sur l’âme, que l’âme n’agit sur eux. Nicolas Malebranche, De la recherche de la vérité, Livre II «De l’imagination», chap. 4 D’après Aristote, l’œil humain, tel un caméléon, absorbait la couleur et même la forme de l’objet observé et transmettait cette information, via les humeurs oculaires, sur les toutes-puissantes entrailles (splanchna), un conglomérat d’organes comprenant le cœur, le foie, les poumons, la vessie et les vaisseaux sanguins, qui exerçait son empire sur le geste et les sens. Alberto Manguel, Une histoire de la lecture Le médecin romain Antyllus, au IIe siècle, avait écrit que ceux qui n’ont jamais appris des vers par cœur et sont donc réduits à les lire dans les livres éprouvent parfois de grandes difficultés à éliminer, par une transpiration abondante, les humeurs néfastes qu’éliminent par la seule respiration ceux qui possèdent une bonne mémoire des textes. Alberto Manguel, Une histoire de la lecture 71
Exactamente como certos escritores falam de cozinhar uma história, colocar um texto em banho-maria, deixar apurar uma ideia, tornar picante uma cena ou rechear a carcaça de um argumento, condimentar uma fatia de vida com alusões que façam salivar o leitor, nós, leitores, falamos de saborear um livro, de o achar alimento do espírito, de o devorar de uma só vez, de ruminar uma página, de deliciar a língua com os versos de um poeta, de fazer um banquete de poesia ou de seguir um regime à base de romances policiais. Tirando algumas célebres e lendárias excepções, os homens até agora alimentaram-se como as formigas, os ratos, os gatos e os bois. Connosco, os futuristas, nasce a primeira cozinha humana, por outras palavras, a arte de comer. Como todas as artes, ela exclui o plágio e exige a originalidade criativa. Muito embora reconhecendo que homens mal ou grosseiramente alimentados conseguiram realizar grandes coisas no passado, proclamamos a seguinte verdade: pensa-se, sonha-se e age-se consoante o que se bebe e o que se come. Quando o físico é adequado para certo ofício, também o é a alma. Não quero mais estar sozinho, de noite. Quero sentir um ser perto de mim, encostado a mim, um ser que possa falar, dizer alguma coisa, seja lá o que for. Quero poder quebrar o seu sono, fazer-lhe bruscamente uma pergunta, uma pergunta estúpida só para ouvir uma voz, para sentir a minha morada habitada, para sentir uma alma em vigília, um raciocínio a trabalhar, para ver, acendendo subitamente a minha vela, uma figura humana a meu lado. A minha alma parecia-se com uma ferida aberta. Tudo o que a tocava provocava nela espasmos de sofrimento, vibrações horríveis e portanto verdadeiros estragos. Não raro, o meu Sonho se juntou à ventosa; A minha alma, do coito material cobiçosa Goteira e ninho de suspiros dela fez. Êxtase de azeitona e pífaro afagado; É tubo donde escorre o bombom francês: Feminino Canaã em seu molho fechado!
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Exactement comme des écrivains parlent de concocter une histoire, de remâcher un texte, de laisser mijoter une idée, d’épicer une scène ou de garnir la carcasse d’un argument, d’assaisonner une tranche de vie d’allusions offrant au lecteur quelque chose à se mettre sous la dent, nous parlons, nous, les lecteurs, de savourer un livre, de le trouver nourrissant, de le dévorer d’une traite, d’en ruminer un passage, de se rouler sur la langue les vers d’un poète, de faire festin de poésie ou de suivre un régime de romans policiers. Alberto Manguel, Une histoire de la lecture À part quelques célèbres et légendaires exceptions, les hommes se sont nourris jusqu’à présent comme les fourmis, les rats, les chats et les bœufs. Avec nous, futuristes, naît la première cuisine humaine, autrement dit l’art de s’alimenter. Comme tous les arts, elle exclut le plagiat et exige l’originalité créatrice. Filippo Tommaso Marinetti & Luigi Colombo (Fillia), La cuisine futuriste Tout en reconnaissant que des hommes mal ou grossièrement nourris ont pu réaliser de grandes choses dans le passé, nous proclamons cette vérité: on pense, on rêve et on agit selon ce qu’on boit et ce qu’on mange. Filippo Tommaso Marinetti & Luigi Colombo (Fillia), La cuisine futuriste Quand on a le physique d’un emploi, on en a l’âme. Guy de Maupassant, Mont-Oriol Je ne veux plus être seul, la nuit. Je veux sentir un être près de moi, contre moi, un être qui peut parler, dire quelque chose, n’importe quoi. Je veux pouvoir briser son sommeil; lui poser une question quelconque brusquement, une question stupide pour entendre une voix, pour sentir habitée ma demeure, pour sentir une âme en éveil, un raisonnement en travail, pour voir, allumant brusquement ma bougie, une figure humaine à mon côté. Guy de Maupassant, «Lui?» in Les soeurs Rondoli Mon âme ressemblait à une plaie vive. Tout ce qui la touchait y produisait des tiraillements de souffrance, des vibrations affreuses et par suite de vrais ravages. Guy de Maupassant, «Après» in Le colporteur Mon Rêve s’aboucha souvent à sa ventouse; Mon âme, du coït matériel jalouse, En fit son larmier fauve et son nid de sanglots. C’est l’olive pâmée, et la flûte câline; C’est le tube où descend la céleste praline: Chanaan féminin dans les moiteurs enclos! Albert Mérat - P(aul) V(erlaine) - A(rthur) R(imbaud), «Sonnet du Trou du Cul» («L’Idole») in Album zutique 73
O cérebro enche-se com a barriga e o optimismo tem sua fonte na beatitude das tripas. Os obesos são frequentemente muito dinâmicos, muito insinuantes, muito encantadores e sedutores. A preguiça e o desleixo deles não passam de falsa aparência. Muitas vezes, o seu cérebro encerra diamantes. E, ao contrário dos magros, é quando se empanturram de comida que o espírito deles fervilha e cintila mais. Não tenho culpa se as almas, de que se arrancam os véus e que se mostram nuas, exalam tão forte fedor a podridão. A bem dizer, não era verdadeiramente uma mulher, nem totalmente um bicho, nem absolutamente um passaroco. Era algo de mais mecânico e de muito peculiar que, pelo ruído, pela inteligência, pelo estouvamento tagarela, pelo capricho inconstante, pela maneira de ser tão distante dos meus gostos, das minhas sensações, do meu amor, se parecia um pouco com tudo isso. O que nela havia de curioso era a alma, uma alma pequenina, uma alminha, uma alma de mosca, traquinas, susceptível e vibrante, sempre a esvoaçar, aos ziguezagues à minha volta, e esbarrava contra tudo, com gritos, risos, uma coisa de enlouquecer. Cícero diz que filosofar mais não é do que preparar-se para a morte. Porque o estudo e a contemplação retiram um pouco a nossa alma para fora de nós e a ocupam fora do corpo, o que constitui uma espécie de aprendizagem ou de simulacro da morte.
De que nos vale ter a pança cheia de carne, se ela não for digerida? se não se transformar em nós? se não nos acrescentar e fortificar? Ora é o corpo a render-se primeiro à velhice, ora, por vezes, a alma; e já vi muitos com o cérebro enfraquecido antes do estômago e das pernas. Ora dou um nome à alma, ora dou outro, conforme o lado de que a deito. 74
Le cerveau s’emplit avec le ventre et l’optimisme a sa source dans la béatitude des tripes. Victor Méric, Les compagnons de l’Escopette Les obèses sont souvent très dynamiques, très engageants, très charmants et séduisants. Leur paresse, leur laisser-aller ne sont que faux-semblant. Leur cerveau renferme souvent des diamants. Et à l’encontre des maigres, c’est quand ils engloutissent à pleine auge la nourriture que leur esprit mousse et scintille le plus. Henry Miller, La Crucifixion en rose, tome 1, Sexus Ce n’est pas de ma faute si les âmes, dont on arrache les voiles et qu’on montre à nu, exhalent une si forte odeur de pourriture. Octave Mirbeau, Journal d’une femme de chambre À vrai dire, ce n’était pas tout à fait une femme, ni tout à fait une bestiole, ni absolument un oiselet. C’était quelque chose de plus mécanique et de très particulier, qui, par le bruit, l’intelligence, l’étourderie bavarde, le caprice virevoltant, la manière d’être si loin de mes goûts, de mes sensations, de mon amour, tenait un peu de tout cela. Ce qu’il y avait de curieux en elle, c’était son âme, une toute petite âme, une âmelette, une âme de mouche, taquine, chatouilleuse et vibrante, qui voletait sans cesse, en zigzags, autour de moi, et se cognait partout, avec des cris, des rires, à rendre fou. Octave Mirbeau, Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique Cicéron dit que philosopher ce n’est pas autre chose que s’apprêter à la mort. C’est parce que l’étude et la contemplation retirent quelque peu notre âme hors de nous et l’occupent à part du corps, ce qui est une sorte d’apprentissage ou de ressemblance de la mort. Michel Eyquem de Montaigne, «Que philosopher, c’est apprendre à mourir» in Essais, I, 20 Que nous sert-il d’avoir la panse pleine de viande, si elle ne se digère? si elle ne se transforme en nous? si elle ne nous augmente et fortifie? Michel Eyquem de Montaigne, «Du pédantisme» in Essais, I, 25 Tantôt c’est le corps qui se rend le premier à la vieillesse; parfois aussi, c’est l’âme; et en ai assez vu qui ont eu la cervelle affaiblie avant l’estomac et les jambes. Michel Eyquem de Montaigne, «De l’âge» in Essais, I, 57 Je donne à mon âme tantôt un visage, tantôt un autre, selon le côté où je la couche. Michel Eyquem de Montaigne, «De l’inconstance de nos actions» in Essais, II, 1 75
Se Deus é, animal é, se é animal, sentidos tem, se tem sentidos, sujeito está à corrupção. Se é sem corpo, sem alma é, e por conseguinte, sem acção: se corpo tem, perecível é. Não faltam dissensões, nem debates quanto ao lugar onde alojá-la. Hipócrates e Herófilo situam-na no ventrículo do cérebro; Demócrito e Aristóteles, pelo corpo inteiro. Ut bona sæpe valetudo cum dicitur esse corporis, Et non est tamen hæc pars ulla valentis. Epicuro no estômago: Hic exultat enim pavor ac metus, hæc loca circùm lætitiæ mulcent. Os Estóicos, em redor e dentro do coração; Erasístrato, junto da membrana do epicrânio; Empédocles, no sangue; bem como Moisés, por isso ele proibiu que se comesse o sangue dos bichos com o qual a alma deles se encontra misturada; Galiano pensou que cada parte do corpo tem a sua alma; Estratão alojou-a entre as duas sobrancelhas. A malícia aspira a maior parte do seu veneno e com ele se intoxica. O vício deixa como que uma úlcera na carne, um arrependimento na alma, que constantemente se esfola e a si mesma se ensanguenta. Poucas ou muito raras são as almas que, ao envelhecer, não cheiram a azedo e a bolorento. Os meus pensamentos dormem se os sentar. O meu espírito não caminha se as minhas pernas o não agitarem. O que é a nossa alma? Um músculo ou uma mucosa. Embora a distinção entre a alma, ou o coração, e o corpo seja interessante, convém manter certos matizes e não fazer dela um sistema. Platão colocou o coração no «posto de sentinela». Com efeito, é ao nível dele que a alma, «que está ligada à coragem», pode ouvir a razão e ajudá-la a «conter pela força a raiva dos desejos». 76
Si Dieu est, il est animal, s’il est animal, il a sens, et s’il a sens, il est sujet à corruption. S’il est sans corps, il est sans âme, et par conséquent sans action: et s’il a corps, il est périssable. Michel Eyquem de Montaigne, «Apologie de Raymond Sebond» in Essais, II, 12 Il n’y a pas moins de dissension, ni de débat à la loger. Hippocrate et Hérophile la mettent au ventricule du cerveau; Démocrite et Aristote, par tout le corps: Ut bona sæpe valetudo cum dicitur esse corporis, Et non est tamen hæc pars ulla valentis. Épicure, en l’estomac: Hic exultat enim pavor ac metus, hæc loca circùm lætitiæ mulcent. Les Stoïciens, autour et dedans le cœur; Érasistrate, joignant la membrane de l’épicrâne; Empédocle, au sang; comme aussi Moïse, qui fut la cause pourquoi il défendit de manger le sang des bêtes, auquel leur âme est jointe; Galien a pensé que chaque partie du corps a son âme; Straton l’a logée entre les deux sourcils. Michel Eyquem de Montaigne, «Apologie de Raymond Sebond» in Essais, II, 12 La malice hume la plupart de son propre venin, et s’en empoisonne. Le vice laisse comme un ulcère en la chair, une repentance en l’âme, qui toujours s’égratigne, et s’ensanglante elle-même. Michel Eyquem de Montaigne, «Du repentir» in Essais, III, 2 Il ne se voit point d’âmes, ou fort rares, qui en vieillissant ne sentent l’aigre et le moisi. Michel Eyquem de Montaigne, «Du repentir» in Essais, III, 2 Mes pensées dorment si je les assieds. Mon esprit ne va, si les jambes ne l’agitent. Michel Eyquem de Montaigne, «De trois commerces» in Essais, III, 3 Qu’est-ce que c’est, notre âme? Un muscle ou une muqueuse. Heiner Müller, Quartett Si la distinction de l’âme, ou du cœur, et du corps est intéressante, il convient de garder des nuances et de ne pas en faire un système. Jean Nagle, La civilisation du cœur Platon a placé le cœur au «poste de sentinelle». En effet, c’est à son niveau que l’âme, «qui participe au courage», peut entendre la raison et l’aider à «contenir par la force la rage des désirs». Jean Nagle, citant le Timée de Platon, in La civilisation du cœur 77
As entranhas, enquanto sede da sensibilidade, e envoltas, tal como o coração, num princípio de generosidade, alicerçam em si o contrário da avareza, nas pessoas boas, «mas as entranhas do mau são cruéis». O corpo é uma grande casa, uma pluralidade com um sentido único, uma guerra e uma paz, um rebanho e um pastor. Também a tua razão pequena é instrumento do teu corpo, essa a que chamas espírito, pequeno instrumento e joguete da tua razão grande. Há uma questão que, essa sim, me interessa, e da qual a «salvação da humanidade» depende muito mais do que de qualquer antiga subtileza de teólogo: é a questão do regime alimentar. O travestimento inconsciente das necessidades fisiológicas sob as máscaras da objectividade, da ideia, da pura intelectualidade, é capaz de tomar proporções assustadoras – e muitas vezes perguntei a mim mesmo se, no fim de contas, a filosofia até então não teria consistido tão-só e absolutamente numa exegese do corpo e num mal-entendido acerca do corpo. Será que se conhecem os efeitos morais dos alimentos? Existe uma filosofia da nutrição? (Basta a agitação que constantemente rebenta por e contra o vegetarianismo para provar que tal filosofia não existe!) A divisão em alma e corpo também está ligada à mais antiga concepção do sonho, tal como a crença num invólucro aparente da alma, e, portanto a origem de toda a crença nos espíritos e, provavelmente, de toda a crença nos deuses. «O morto continua a viver, pois aparece, em sonhos, aos vivos»: era assim que outrora se raciocinava, durante muitos milhares de anos. As minhas críticas contra a música de Wagner são críticas fisiológicas, para quê revestir ainda por cima as minhas críticas de fórmulas estéticas? A estética mais não é do que uma fisiologia aplicada. – O meu facto, «o meu verdadeiro factozinho», é que deixo de respirar facilmente mal essa música age sobre mim; é que logo o meu pé se irrita contra ela e se revolta: sente a necessidade da cadência, da dança, da marcha (...) Mas, será que o meu estômago, o meu coração, a minha circulação pelo seu lado protestam? e as minhas entranhas, será que não sofrem? E, além disso, será que não enrouqueço subitamente?... Para ouvir Wagner, preciso de pastilhas Géraudel... 78
Les entrailles, considérées comme le siège de la sensibilité, et enveloppées, comme le cœur, dans un principe de générosité, fondent en elles le contraire de l’avarice, chez les bons, «mais les entrailles du méchant sont cruelles». Jean Nagle, La civilisation du cœur Le corps est une grande raison, une pluralité avec un sens unique, une guerre et une paix, un troupeau et un pasteur. Instrument de ton corps est aussi ta petite raison, mon frère, que tu nommes esprit, petit instrument et jouet de ta grande raison. Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra Il est une question qui m’intéresse tout autrement, et dont le «salut de l’humanité» dépend beaucoup plus que de n’importe quelle ancienne subtilité de théologien: c’est la question du régime alimentaire. Friedrich Nietzsche, Ecce homo Le travestissement inconscient des besoins physiologiques sous les masques de l’objectivité, de l’idée, de la pure intellectualité, est capable de prendre des proportions effarantes – et je me suis demandé assez souvent si, tout compte fait, la philosophie jusqu’alors n’aurait pas absolument consisté en une exégèse du corps et un malentendu du corps. Friedrich Nietzsche, Le gai savoir Connaît-on les effets moraux des aliments? Existe-t-il une philosophie de la nutrition? (Rien que l’agitation qui éclate sans cesse pour et contre le végétarisme prouve assez que pareille philosophie n’existe pas!) Friedrich Nietzsche, Le gai savoir La division en âme et corps se rattache aussi à la plus ancienne conception du rêve, de même que la croyance à une enveloppe apparente de l’âme, partant l’origine de toute croyance aux esprits, et vraisemblablement aussi de la croyance aux dieux. «Le mort continue à vivre; car il apparaît aux vivants dans le rêve»: c’est ainsi qu’on raisonna jadis, durant beaucoup de milliers d’années. Friedrich Nietzsche, Humain, trop humain Mes critiques contre la musique de Wagner sont des critiques physiologiques, à quoi bon revêtir encore ces critiques de formules esthétiques? L’esthétique n’est pas autre chose qu’une physiologie appliquée. — Mon fait, « mon petit fait vrai », c’est que je ne respire plus facilement dès que cette musique agit sur moi; qu’aussitôt mon pied s’agace contre elle et se révolte: il sent le besoin de la cadence, de la danse, de la marche (...) Mais, est-ce que mon estomac, mon cœur, ma circulation ne protestent pas à leur tour? et mes entrailles ne souffrentelles pas? Et de plus est-ce que je ne deviens pas subitement enroué?… Pour entendre Wagner, il me faut des pastilles Géraudel… Friedrich Nietzsche, Nietzsche contre Wagner 79
O cérebro é constituído essencialmente por gordura. Os mais nobres pensamentos humanos nascem na banha. Deus fez nobre seu corpo, sua alma encantadora O corpo sai da terra e a alma aspira ao céu; O primeiro é amante e a segunda amadora. Talvez Diógenes não tivesse sido um adversário tão decidido da civilização e de seus costumes não fora o seu gosto pelo polvo cru. (...) Rousseau talvez não tivesse feito a apologia da frugalidade se as suas ementas rotineiras não fossem compostas apenas de lacticínios. Alimento do nada e da eternidade, os homens estão condenados a ingerir e a ser ingeridos. Metáfora alimentar, a morte é tão-só uma das inúmeras versões da oralidade. A ciência popular ensina infalivelmente que a realidade mora no intestino delgado. É por isso que a massa exige antes de tudo a satisfação – do esófago até ao ânus – e como complemento, após digestão, concede ainda, a título de graciosa liberalidade, o acto – como o possuidor dá uma esmola. A barriga rege a oscilação barométrica da maioria. Acabo de espirrar, pequenas férias no infinito, agora ouço uma canção longínqua, a canção dos espermatozóides que o isco da minha alma atrai.
Os autores da nossa espécie previram qual seria a nossa intemperança para com o beber e o comer e que, por gula, consumiríamos muito mais do que a medida e a necessidade exigem. Assim, para evitar que as doenças destruam rapidamente a raça mortal e que ela desapareça já, antes de atingir a sua perfeição, os deuses previdentes dispuseram aquilo a que chamamos baixo ventre a fim de que sirva de receptáculo do excesso de bebida e de comida, e enrolaram lá dentro os intestinos sobre si mesmos, com medo de que o alimento, ao passar velozmente, forçasse o corpo, tornando-o insaciável, a reclamar depressa mais sustento e impedisse toda a espécie humana de cultivar a filosofia e as musas. 80
Le cerveau est constitué essentiellement de graisse. Les plus nobles pensées humaines naissent dans le gras. Amélie Nothomb, Biographie de la faim Dieu fit votre corps noble et votre âme charmante. Le corps sort de la terre et l’âme aspire aux cieux; L’un est un amoureux et l’autre est une amante. Germain Nouveau, «Le corps et l’âme» in La doctrine de l’amour Peut-être Diogène n’aurait pas été un adversaire aussi résolu de la civilisation et de ses usages sans son goût pour le poulpe cru. (...) Rousseau n’aurait peut-être pas fait l’apologie de la frugalité si ses menus ordinaires ne s’étaient composés que de laitages. Michel Onfray, Le ventre des philosophes Nourriture pour le néant et l’éternité, les hommes sont voués à ingérer et à être ingérés. Métaphore alimentaire, la mort n’est qu’une des nombreuses versions de l’oralité. Michel Onfray, Le ventre des philosophes La science populaire enseigne infailliblement que la réalité habite l’intestin grêle. C’est pourquoi la masse exige avant tout la satisfaction – de l’œsophage jusqu’à l’anus – et comme complémentaire, après digestion, accorde encore, en gracieuse libéralité, l’acte – comme le possesseur donne l’aumône. Le ventre régit l’oscillation barométrique de la majorité. Clément Pansaers, Orangoutangisme Je viens d’éternuer, petites vacances dans l’infini, maintenant j’écoute une chanson lointaine, la chanson des spermatozoaires que l’appât de mon âme attire. Francis Picabia, Dactylocoque, in «Littérature» nouvelle série, nº 7, décembre 1922 Les auteurs de notre espèce avaient prévu quelle serait notre intempérance à l’égard du boire et du manger et que, par gourmandise, nous consommerions beaucoup plus que la mesure et le besoin ne l’exigeraient. Aussi, pour éviter que les maladies ne détruisissent rapidement la race mortelle et qu’elle ne finît tout de suite, avant d’atteindre sa perfection, les dieux prévoyants disposèrent ce qu’on appelle le bas-ventre pour servir de réceptacle au surplus de la boisson et de la nourriture, et ils y enroulèrent les intestins sur eux-mêmes, de peur que la nourriture, en passant rapidement, ne forçât le corps à réclamer rapidement aussi d’autres aliments, et, le rendant insatiable, n’empêchât toute l’espèce humaine de cultiver la philosophie et les muses. Platon, Timée 81
A potência vegetativa presente no corpo inteiro faz penetrar nele, e por toda a parte, um vestígio da alma. É pois ao corpo inteiro que estão ligados o sofrimento, a volúpia e o desejo de alimentos. Embora não haja nada de determinado em matéria de amor físico, admitamos que ele tenha sede nos órgãos destinados a satisfazê-lo. Admitamos também que o fígado seja a sede da Concupiscência, porque é sobretudo lá que age a consciência vegetativa que imprime ao fígado e ao corpo todo um vestígio de alma e finalmente porque é do fígado que parte a acção que ela exerce. Não se deve procurar fora da alma a origem do mal; ela deve ser situada na própria alma: o mal consiste nela em ausência de bem. Mas se admitirmos que a privação da forma é um acidente do ser que deseja recebê-la, e que, por conseguinte, a privação do bem é um acidente da alma, e que, por fim, ela produz em si mesma a maldade devido à sua razão [seminal], daí resulta que ela nada deve ter de bom. Daí resulta também que ela não terá vida, que será uma alma inanimada; e isso lava-nos à seguinte contradição: a alma não é alma. Era costume generalizado no Egipto, antes de embalsamar um cadáver, tirarlhe os intestinos e o cérebro; a raça dos Escaravelhos era a única que escapava a este costume. Portanto, não fora eu um Escaravelho, teria sido privado das minhas tripas e dos meus miolos; ora, sem essas duas vísceras, viver não é coisa cómoda.
Deixara de respirar. A pulsação parara. O coração já não batia. A volição não desaparecera, mas não tinha a menor eficácia. Os meus sentidos gozavam de uma actividade insólita, embora exercendo-a de modo irregular e usurpando reciprocamente as suas funções ao calhas. O paladar e o cheiro misturavamse numa confusão inextricável e passavam a ser um único sentido anormal e intenso. [...] Todas as minhas percepções eram puramente sensuais. Quanto aos materiais fornecidos pelos sentidos ao cérebro passivo, a inteligência morta, inapta a torná-los operantes, não lhes dava nenhuma forma. Em tudo isso havia uma pequena parte de dor e muita volúpia; mas nem sombra de mágoa ou de prazer morais.
Ter um corpo, grande ameaça para o espírito. 82
La puissance végétative présente dans tout le corps y fait pénétrer partout un vestige de l’âme. C’est donc au corps entier que se rapportent la souffrance, la volupté, et le désir des aliments. Quoiqu’il n’y ait rien de déterminé au sujet de l’amour physique, admettons qu’il ait son siège dans les organes destinés à le satisfaire. Admettons aussi que le foie soit le siège de la Concupiscence, parce que c’est là surtout qu’agit la puissance végétative qui imprime au foie et au corps entier un vestige de l’âme, enfin parce que c’est du foie que part l’action qu’elle exerce. Plotin, Ennéade, livre IV Il ne faut pas chercher hors de l’âme l’origine du mal; il faut la placer dans l’âme même: le mal y consiste dans l’absence du bien. Mais si l’on admet que la privation de la forme soit un accident de l’être qui désire recevoir la forme, que par conséquent la privation du bien soit un accident de l’âme, qu’enfin celleci produise en elle-même la méchanceté par sa raison [séminale], il en résulte qu’elle ne doit avoir rien de bien. II en résulte encore qu’elle n’aura pas de vie, qu’elle sera une âme inanimée; ce qui conduit à cette contradiction: l’âme n’est pas âme. Plotin, Ennéade, livre VIII C’était la coutume générale en Égypte, avant d’embaumer un cadavre, de lui enlever les intestins et la cervelle; la race des Scarabées seule n’était pas sujette à cette coutume. Si donc je n’avais pas été un Scarabée, j’eusse été privé de mes boyaux et de ma cervelle, et sans ces deux viscères vivre n’est pas chose commode. Edgar Allan Poe, «Petite discussion avec une momie» in Nouvelles histoires extraordinaires Je ne respirais plus. Le pouls était immobile. Le cœur avait cessé de battre. La volition n’avait point disparu, mais elle était sans efficacité. Mes sens jouissaient d’une activité insolite, quoique l’exerçant d’une manière irrégulière et usurpant réciproquement leurs fonctions au hasard. Le goût et l’odorat se mêlaient dans une confusion inextricable et ne formaient plus qu’un seul sens anormal et intense. [...] Toutes mes perceptions étaient purement sensuelles. Quant aux matériaux fournis par les sens au cerveau passif, l’intelligence morte, inhabile à les mettre en œuvre, ne leur donnait aucune forme. Il entrait dans tout cela un peu de douleur et beaucoup de volupté; mais de peine ou de plaisir moraux, pas l’ombre. Edgar Allan Poe, «Colloque entre Monos et Una» in Nouvelles histoires extraordinaires Avoir un corps, c’est la grande menace pour l’esprit. Marcel Proust, Le temps retrouvé 83
A alma alimenta-se do sangue. Pelo canto do olho, examino-o dos pés à cabeça. Lá para meio do corpo, constato que a sua espiritualidade se manifesta de tal maneira que, seguramente, poderia utilizá-la como pau de conduzir cabritas. Contudo, a fim que fim eu ponha a este prólogo, do mesmo modo que seja eu entregue, de corpo e alma, tripa e bandulho, a uma hoste de mil diabretes, caso minta uma só vez nesta história, possa o fogo de Santo António queimar-vos, o pequeno mal derrubar-vos, a faísca fulminar-vos, a chaga comer-vos a perna, a caganeira fazer-vos esvair em sangue, Mazela de erisipela Fino pelo de vitela De mercúrio revestido Vos enrabe ao comprido e como Sodoma e Gomorra, finai-vos em chão de enxofre, nos abismos inflamados, se não acreditardes piamente em tudo o que eu vos contar nesta presente Crónica! Não se pode dizer que a doutrina inuíta faça da bexiga o único receptáculo do espírito. O fígado, «o imortal fígado» para empregar uma expressão de Virgílio, também é sede dos destinos. Veja-se pois o honesto embaraço de um honesto apóstolo a expor a doutrina da Ressurreição, numa língua onde a ideia de alma só tem como equivalente a palavra «tripa»! Para fazer compreender a esses selvagens que possuem uma «alma imortal», era obrigado a explicar-lhes que têm na barriga uma «tripa que não apodrece». O amor mata a inteligência. O cérebro forma uma ampulheta com o coração. O primeiro só se enche para esvaziar o segundo. No mundo restava o meu sexo, sem nome, e a sua vontade de mijar... O único lugar onde a minha alma se refugiara, concentrada, o único onde eu existia, à maneira de um átomo, errando entre céu e erva, entre verde e azul. 84
L’âme se nourrit du sang.
Pythagore
Je l’examine du coin de l’oeil des pieds à la tête. Vers le milieu du corps, je constate que sa spiritualité se manifeste à tel point que, pour sûr, il pourrait s’en servir comme trique pour biquette. Raymond Queneau, Le Journal intime de Sally Mara Pourtant, afin que je fasse fin à ce prologue, tout ainsi comme je me donne à cent mille paniers de beaux diables, corps et âme, tripes et boyaux, en cas que j’en mente en toute l’histoire d’un seul mot, pareillement le feu saint Antoine vous arde, mal de terre vous vire, le lancy, le maulubec vous trousse, la caquesangue vous vienne, Le mal fin feu de ricqueracque, Aussi menu que poil de vache, Tout renforcé de vif argent, Vous puisse entrer au fondement, et comme Sodome et Gomorrhe puissiez tomber en soufre, en feu et en abîme, en cas que vous ne croyez fermement tout ce que je vous raconterai en cette présente Chronique! François Rabelais, Pantagruel, prologue de l’auteur Ce n’est pas à dire que la doctrine inoïte fasse de la vessie l’unique réceptacle de l’esprit. Le foie, «l’immortel foie», pour emprunter une expression de Virgile, est aussi un siège des destins. Élie Reclus «Les hyperboréens» in Les primitifs Voyez donc l’embarras d’un honnête apôtre exposant la doctrine de la Résurrection, dans une langue où l’idée d’âme n’a d’autre équivalent que le mot « boyau » ! Pour faire comprendre à ces sauvages qu’ils possèdent une « âme immortelle », il était obligé d’expliquer qu’ils ont dans le ventre une « tripe qui ne pourrit pas ». Élie Reclus «Les apaches» in Les primitifs L’amour tue l’intelligence. Le cerveau fait sablier avec le cœur. L’un ne se remplit que pour vider l’autre. Jules Renard, Journal, 23 mars 1901 Au monde restait mon sexe, sans nom, et son envie de pisser. Le seul endroit où mon âme s’était réfugiée, concentrée, le seul où j’existais, à la manière d’un atome, errant entre ciel et herbe, entre vert et bleu. Alina Reyes, Le boucher 85
O cérebro não tarda a estar cansado da vida (...) Mais tarde o estômago toma o lugar do coração, então deseja-se viver muito tempo. A doença, ela mesma, amiúde trabalha em prol de um livro; uma cólica pode derrubar os andaimes de um optimista; um estômago enfartado produz declamações ardentes contra o luxo, e o amargor do sangue aguça as flechas da sátira. O amor morre de indigestão. Barriga vazia ouvidos não tem E barriga cheia é surda também. Um duplo queixo, um certo relaxamento das carnes e do espírito e sabe Deus que queda dos miolos ao nível do traseiro, não ficam mal a um alto funcionário.
Ora tu, sejas quem fores, por aqui passando Nesta fossa derramarás de vez em quando Taças de vinho que devolvam brilho e viço Acompanhadas de presunto e de chouriço, Pois se debaixo desta terra onde repousa A sua alma ainda sente qualquer cousa, Certamente prefere aos lírios esse vício. A única coisa de que estou mesmo certo é que somos feitos da mesma matéria que os outros bichos; e se temos uma alma imortal, também tem de haver uma nos infusórios que moram no reto das rãs. A alma de um guloso mora toda ela no palato. Para aprender a pensar, é preciso pois exercer os nossos membros, os nossos sentidos, os nossos órgãos, que são os instrumentos da nossa inteligência. 86
Le cœur est bientôt las de la vie. (...) Plus tard l’estomac prend la place du cœur, et on désire vivre longuement. Johann Paul Friedrich Richter dit Jean-Paul La maladie travaille souvent elle-même à un livre; une colique peut renverser tout l’échafaudage d’un optimiste; un estomac embarrassé produit des déclamations brûlantes contre le luxe; et l’âcreté du sang aiguise les traits de la satire. Johann Paul Friedrich Richter dit Jean-Paul L’amour meurt d’indigestion. Johann Paul Friedrich Richter, dit Jean-Paul, La Vie de Quintus Fixlein Ventre affamé n’a pas d’oreilles Et les vent’s pleins n’en ont pas plus ! Jehan-Rictus, Le revenant XI, in Les Soliloques du Pauvre Un peu d’embonpoint, un certain avachissement de la chair et de l’esprit, je ne sais quelle descente de la cervelle dans les fesses, ne messiéent pas à un haut fonctionnaire. Louis Farigoule, dit Jules Romains, Les Copains Or toi quiconque sois qui passes Sur sa fosse répands des tasses, Répands du bril, et des flacons, Des cervelas et des jambons, Car si encor dessous la lame Quelque sentiment a son âme, Il les aime mieux que les lys. Pierre de Ronsard, «Épitaphe de François Rabelais» in Le Bocage La seule chose dont je sois vraiment sûr, c’est que nous sommes de la même étoffe que les autres bêtes; et si nous avons une âme immortelle, il faut qu’il y en ait une aussi dans les infusoires qui habitent le rectum des grenouilles. Jean Rostand, Pensées d’un biologiste L’âme d’un gourmand est toute dans son palais. Jean-Jacques Rousseau, Émile, ou De l’éducation, Livre II Pour apprendre à penser, il faut donc exercer nos membres, nos sens, nos organes, qui sont les instruments de notre intelligence. Jean-Jacques Rousseau, Emile, ou De l’éducation 87
A liberdade é um alimento de bom suco, mas de forte digestão. São precisos estômagos bem sadios para a suportar. É frequente podermos encontrar algum indício do carácter das pessoas na escolha dos alimentos que elas preferem. Os Italianos, que vivem muito de ervas, são efeminados, e vós, os Ingleses, grandes comedores de carne, tendes nas vossas inflexíveis virtudes algo de duro que tem a ver com a barbárie. O Suíço, naturalmente frio, tranquilo e simples, mas violento e arrebatado na ira, gosta ao mesmo tempo de um e de outro alimento, e bebe lacticínios e vinho. O Francês, maleável e inconstante, vive de todos os manjares e verga-se a todos os temperamentos. A minha alma ofuscada, obstruída pelos meus órgãos, prostra-se dia após dia. A minha alma é uma fábrica estranha Onde água e fogo lutando estão Deus sabe que cozinha tamanha Seus fabulosos fornos não farão. Quando o nosso corpo souber tão bem como a nossa alma a bondade do pão e da água, poderemos avançar mais. Só pelos nossos sentidos os seres nos são conhecidos, ou produzem ideias em nós; só em consequência dos movimentos imprimidos no nosso corpo o cérebro se modifica ou a alma pensa, quer e age. Será que o nosso espírito pode exercerse sobre algo a não ser o que conhece? e será que pode conhecer algo a não ser o que sentiu? Tudo nos prova, da maneira mais convincente, que a alma age e se move segundo as mesmas leis que as dos outros seres da natureza; que ela não se distingue do corpo; que ela nasce, cresce e se modifica conforme os progressos que ele faz e, por conseguinte, morre com ele.
Não vemos nós, ao longo de toda a nossa vida, que a alma é alterada, transtornada, perturbada por todas as mudanças que os nossos órgãos sofrem? e temos a extravagância de imaginar que é preciso que a alma aja, pense, subsista, quando esses mesmos órgãos tiverem desaparecido completamente!
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La liberté est un aliment de bon suc, mais de forte digestion. Il faut des estomacs bien sains pour la supporter. Jean-Jacques Rousseau, Considérations sur le gouvernement de Pologne On pourrait souvent trouver quelque indice du caractère des gens dans le choix des aliments qu’ils préfèrent. Les Italiens qui vivent beaucoup d’herbages sont efféminés et vous tous, autres Anglais, grands mangeurs de viande, avez dans vos inflexibles vertus quelque chose de dur et qui tient de la barbarie. Le Suisse, naturellement froid, paisible et simple, mais violent et emporté dans la colère, aime à la fois l’un et l’autre aliment, et boit du laitage et du vin. Le Français, souple et changeant, vit de tous les mets et se plie à tous les caractères. Jean-Jacques Rousseau, La nouvelle Héloïse Mon âme, offusquée, obstruée par mes organes, s’affaisse de jour en jour. Jean-Jacques Rousseau, Les Rêveries du promeneur solitaire Mon âme est une étrange usine Où se battent le feu, les eaux... Dieu sait la fantasque cuisine Que font ses immenses fourneaux.
Raymond Roussel, L’âme de Victor Hugo
Quand notre corps saura aussi bien que notre âme la bonté du pain et de l’eau: nous pourrons avancer davantage. Han Ryner, Petit manuel individualiste Ce n’est jamais que par nos sens que les êtres nous sont connus, ou produisent des idées en nous; ce n’est qu’en conséquence des mouvements imprimés à notre corps que notre cerveau se modifie ou que notre âme pense, veut et agit. Notre esprit pourrait-il donc s’exercer sur autre chose que ce qu’il connaît? et peut-il connaître autre chose que ce qu’il a senti? Tout nous prouve, de la manière la plus convaincante, que l’âme agit et se meut d’après les mêmes lois que celles des autres êtres de la nature: qu’elle ne peut être distinguée du corps; qu’elle naît, s’accroît, se modifie dans les mêmes progressions que lui et que, par conséquent, elle périt avec lui. Donatien Alphonse François de Sade, La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu Ne voyons-nous pas, durant tout le cours de notre vie, que cette âme est altérée, dérangée, troublée par tous les changements qu’éprouvent nos organes? et l’on a l’extravagance d’imaginer qu’il faut que cette âme agisse, pense, subsiste, lorsque ces mêmes organes auront entièrement disparu! Donatien Alphonse François de Sade, La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu 89
Rimos da simplicidade de alguns povos cujo costume é enterrar víveres com os mortos: será mais absurdo acreditar que os homens comerão após a morte do que imaginar que pensarão, terão ideias agradáveis ou lastimáveis, terão prazer, sofrerão, terão arrependimento ou alegria, quando os órgãos que lhes proporcionam sensações ou ideias se encontrarão dissolvidos ou reduzidos a pó? Dizer que as almas humanas serão felizes ou infelizes depois da morte, é pretender que os homens possam ver sem olhos, ouvir sem orelhas, saborear sem palato, cheirar sem nariz, tocar sem mãos, etc.
Convençamo-nos de que somos apenas matéria, de que não existe absolutamente nada para além de nós; de que tudo quanto atribuímos à alma não passa de um mero efeito da matéria; e isso, a despeito do orgulho dos homens, que nos distingue da besta.
Não é (...) de todo indiferente gostar de amêijoas ou de ostras, de caracóis ou de camarões, por pouco que saibamos destrinçar o significado existencial desses alimentos. De um modo geral, não há gosto ou inclinação irredutíveis. Todas essas tendências representam uma certa escolha aproximativa do ser. Cabe à psicanálise existencial compará-las e classificá-las. Terão outros corpos, logo outras ideias. Assim, as pessoas que desconfiam do estômago, antes de empreenderem algo de importante e difícil, temperam, ingerindo algum alimento, a bílis que, sobretudo o cansaço, aquece, seja porque o vazio do estômago nela concentra o calor, inflama o sangue e detém o seu curso nas veias abatidas, seja porque o esgotamento e a debilidade do corpo tornam a alma pesada. A alma, enredada na embriaguez, já não cabe em si: da mesma maneira que, ao sair do lagar, o vinho rebenta as pipas e fermenta com tanta força que toda a borra do fundo emerge à superfície, assim a efervescência da bebedeira arranca e põe cá para fora tudo aquilo que a alma escondeu nas profundezas de si; o homem que tem o estômago sobrecarregado de ondas de vinho não pode reter nem comida nem segredos – seus ou dos outros –, tudo transborda, a esmo. 90
Nous rions de la simplicité de quelques peuples dont l’usage est d’enterrer des provisions avec les morts: est-il donc plus absurde de croire que les hommes mangeront après la mort, que de s’imaginer qu’ils penseront, qu’ils auront des idées agréables ou fâcheuses, qu’ils jouiront, qu’ils souffriront, qu’ils éprouveront du repentir ou de la joie, lorsque les organes, propres à leur porter des sensations ou des idées, seront une fois dissous et réduits en poussière? Dire que les âmes humaines seront heureuses ou malheureuses après la mort, c’est prétendre que les hommes pourront voir sans yeux, entendre sans oreilles, goûter sans palais, flairer sans nez, toucher sans mains, etc. Donatien Alphonse François de Sade, Histoire de Juliette, ou les prospérités du vice Persuadons-nous que nous ne sommes que matière, qu’il n’existe absolument rien hors de nous; que tout ce que nous attribuons à l’âme n’est qu’un effet tout simple de la matière; et cela, en dépit de l’orgueil des hommes, qui nous distingue de la bête. Donatien Alphonse François de Sade, Histoire de Juliette, ou les prospérités du vice Il n’est (...) nullement indifférent d’aimer les huîtres ou les palourdes, les escargots ou les crevettes, pour peu que nous sachions démêler la signification existentielle de ces nourritures. D’une façon générale, il n’y a pas de goût ou d’inclination irréductibles. Ils représentent tous un certain choix approximatif de l’être. C’est à la psychanalyse existentielle de les comparer et de les classer. Jean-Paul Sartre, L’être et le néant Ils auront d’autres corps, donc d’autres idées. Jean-Paul Sartre, Les séquestrés d’Altona, acte II, scène I Aussi les gens qui se défient de leur estomac, avant de rien entreprendre d’important et de difficile, tempèrent, par quelque nourriture, leur bile qu’échauffe surtout la lassitude, soit que le vide de l’estomac y concentre la chaleur, enflamme le sang et en arrête le cours dans les veines affaissées, soit que l’épuisement et la débilité du corps appesantissent l’âme. Sénèque, De la colère, livre III L’âme, dans les liens de l’ivresse, ne s’appartient plus: de même qu’au sortir du pressoir le vin fait éclater les tonneaux et fermente avec tant de force que toute la lie du fond jaillit à la surface, ainsi les bouillonnements de l’ivresse soulèvent et portent au dehors tout ce que l’âme cache au plus profond d’elle-même; l’homme qui a l’estomac surchargé de flots de vin ne peut retenir ni sa nourriture ni ses secrets: les siens comme ceux des autres, tout déborde pèle-mêle. Sénèque, Lettres à Lucilius, lettre 83 91
Um grão de pó basta para turvar o olho do espírito. (...) mais do que o teu ventre, mulher, É o teu seio paciente que nos dá a alma. A beleza de um estilo, o ritmo de uma frase decorrem tanto da finura da inteligência como da vivacidade dos músculos, da saúde das entranhas. Comecei a percepcionar, mais intensamente do nunca ninguém, a instável imaterialidade, a fugacidade nebulosa, desse corpo aparentemente tão sólido de que somos revestidos. Descobri que certos agentes têm o poder de atacar esse invólucro de carne e arrancá-lo [...] depois de ter reconhecido no meu corpo natural a simples auréola, como que a emanação de certas forças que constituem o meu espírito, e consegui compor um produto graças ao qual essas forças podiam ser despojadas da sua supremacia, para dar lugar a uma segunda forma aparente, não menos representativa do meu eu, já que era expressão e suporte de elementos inferiores da minha alma. Essa víscera, tal como a que bate sob os flancos dos bichos, reconhece em vós o dono – ama-vos! Mas a minha alma, será que ela vos ama? Não creio; não sei; temo interrogá-la. Todavia, quando me faláveis, os vossos discursos vinham da alma; é a minha alma que desejais – é pela minha alma que quereis tomar-me. – Ui ui, disse eu, a alma e o corpo são uma só coisa, sobretudo no amor.
Se a Hierarquia não fosse tão profundamente enraizada no coração do homem, a ponto de lhe tirar toda a coragem de prosseguir pensamentos livres, ou seja porventura desagradáveis a Deus, «liberdade de pensar» seria uma expressão tão vazia como, por exemplo, «liberdade de digerir». A marcha apazigua. A marcha encerra uma energia benéfica. Essa maneira de colocar regularmente um pé diante do outro, remando ao mesmo ritmo com os braços, a frequência acelerada da respiração, a ligeira estimulação da pulsação, as actividades oculares e auriculares indispensáveis para determinar o rumo e preservar o equilíbrio, a sensação de que o ar roça a epiderme – eis um leque de fenómenos que, de uma maneira absolutamente irresistível, chamam e conectam o corpo ao espírito, e fazem com que a alma, por muito estiolada e estropiada que se encontre, se dilata e se engrandece. 92
Une poussière suffit à troubler l’œil de l’esprit. William Shakespeare, La Tragique Histoire d’Hamlet, prince de Danemark (...) mieux que ton ventre, ô femme, C’est ton sein patient qui nous donne notre âme. Armand Silvestre, «La nourrice» in Les renaissances La beauté d’un style, le rythme d’une phrase relèvent autant de la finesse de l’intelligence que de la vivacité des muscles, de la santé des entrailles. Morgan Sportès, Solitudes Je commençai à percevoir, plus vivement qu’on ne l’a jamais fait, l’instable immatérialité, la fugacité nébuleuse, de ce corps en apparence si solide dont nous sommes revêtus. Je découvris que certains agents ont le pouvoir d’attaquer cette enveloppe de chair et de l’arracher [...] après avoir reconnu dans mon corps naturel la simple auréole et comme l’émanation de certaines des forces qui constituent mon esprit, je réussis à composer un produit grâce auquel ces forces pouvaient être dépouillées de leur suprématie, pour faire place à une seconde forme apparente, non moins représentative de mon moi, puisque étant l’expression et portant la marque d’éléments inférieurs de mon âme. Robert Louis Stevenson, Le cas étrange du Dr Jekyll et de M. Hyde Ce viscère, tel celui qui bat sous les flancs des bêtes, reconnaît en vous son maître: − il vous aime! Mais mon âme, mon âme! est-ce qu’elle vous aime? Je ne crois pas; je ne sais pas; je redoute de l’interroger. Pourtant, lorsque vous me parliez, vos discours venaient de l’âme; c’est mon âme que vous désirez, − c’est par mon âme seulement que vous voulez me prendre. − Olalla, dis-je, l’âme et le corps ne font qu’un, et surtout en amour. Robert Louis Stevenson, Olalla Si la Hiérarchie n’était pas aussi profondément enracinée dans le cœur de l’homme, au point de lui enlever tout courage de poursuivre des pensées libres, c’est-à-dire peut-être déplaisantes à Dieu, «liberté de penser» serait une expression aussi vide de sens que, par exemple, «liberté de digérer». Max Stirner, L’Unique et sa propriété, 2e partie, «Moi» La marche apaise. La marche recèle une énergie bénéfique. Cette façon de poser régulièrement un pied devant l’autre tout en ramant au même rythme avec ses bras, la fréquence accrue de la respiration, la légère stimulation du pouls, les activités oculaires et auriculaires indispensables pour déterminer sa direction et préserver son équilibre, la sensation de l’air qui vous frôle l’épiderme: autant de phénomènes qui, d’une manière tout à fait irrésistible, rameutent et rattachent le corps à l’esprit, et font que l’âme, si étiolée et estropiée qu’elle soit, prend de l’ampleur et grandit. Patrick Süskind, Le pigeon 93
Os Espíritos e as sociedades de Espíritos aos quais corresponde a urina, sobretudo a urina fétida, são infernais (...) trata-se de um caminho comum que conduz aos infernos, sendo os Intestinos o outro caminho, pois cada um desses caminhos acaba nos infernos; com efeito, aqueles que estão nos infernos correspondem a essas coisas que são expelidas pelos intestinos e pela bexiga, já que as falsidades e as maldades em que se encontram mais não são do que a urina e os excrementos no sentido espiritual. Todo o espírito vem do sangue. Um outro académico mostrou-me um escrito que continha um método curioso para descobrir as conspirações e as cabalas contra o governo. Aconselhavame a examinar os alimentos das pessoas suspeitas, o horário das suas refeições, o lado para o qual se deitavam na cama; a considerar os seus excrementos, e a julgar, consoante o cheiro e a cor, pensamentos e projectos do homem, tanto mais que, no seu entender, os pensamentos mais graves e o mais sério recolhimento do espírito ocorrem quando se está na sanita; coisa que ele próprio experimentara. Acrescentou que, numa altura em que estava a fazer tão-só experiências, pensara, por vezes, na maneira mais segura de matar o rei, e tinha então achado os seus excrementos esverdeados; quando projectara simplesmente sublevar o povo e queimar a capital, eles tinham um ar completamente diferente. Não poderei eu empanturrar-te de febre, de fome, de sede, convulsionar com espasmos perfeitos de tortura a tua boca perfeita, fazer vibrar a vida em ti, fazê-la arder de novo e arrancar-te a alma pela carne!
Aquilo que distingue o verdadeiro sabor dos seus alimentos jamais pode ser um glutão; aquele que não o distingue não pode ser outra coisa. Um puritano pode atacar o seu naco de pão escuro com um apetite tão grosseiro como um vereador municipal a sua sopa de tartaruga. Não que a comida que entra na boca suje o homem, mas o apetite com que se come sim. Não se trata nem de qualidade, nem de quantidade, mas de devoção aos sabores sensuais; pois o que se ingere não é carne chamada a sustentar a nossa animalidade ou a inspirar a nossa vida espiritual, mas sim um alimento para os vermes que nos possuem. 94
Les Esprits et les sociétés d’Esprits auxquels correspond l’urine elle-même, surtout l’urine fétide, sont infernaux (...) c’est là un chemin commun vers les enfers, l’autre chemin est par les Intestins, car chacun de ces deux chemins finit dans les enfers; en effet, ceux qui sont dans les enfers correspondent à ces choses qui sont rendues par les intestins et par la vessie, car les faux et les maux, dans lesquels ils sont, ne sont que de l’urine et des excréments dans le sens spirituel. Emmanuel Swedenborg, Traité des représentations et des correspondances Tout esprit vient du sang.
Stefan Sweig, La Confusion des sentiments
Un autre académicien me fit voir un écrit contenant une méthode curieuse pour découvrir les complots et les cabales contre le gouvernement. Il conseillait d’examiner la nourriture des personnes suspectes, les heures de leurs repas, le côté sur lequel elles se couchent dans leur lit; de considérer leurs excréments, et de juger, par leur odeur et leur couleur, des pensées et des projets de l’homme, d’autant que, selon lui, les pensées ne sont jamais plus sérieuses et l’esprit n’est jamais si recueilli que lorsqu’on est à la selle; ce qu’il avait éprouvé lui-même. Il ajoutait que, lorsque, pour faire seulement des expériences, il avait songé parfois à la plus sûre manière de tuer le roi, il avait alors trouvé ses excréments verdâtres, et qu’ils étaient tout à fait différents lorsqu’il avait pensé simplement à soulever le peuple et à brûler la capitale. Jonathan Swift, Les voyages de Gulliver, 3e partie Voyage à Laputa, chap. VI Ne saurais-je pas te repaître de fièvre, de famine, de soif, convulser de spasmes de torture parfaits ta bouche parfaite, faire frissonner en toi la vie, l’y faire brûler à nouveau et arracher ton âme à travers ta chair! Algernon Charles Swinburne, Anactoria (trad. Gabriel Sarrazin, cité par Villiers de l’Isle-Adam, «Le sadisme anglais» in Histoires insolites) Celui qui distingue la vraie saveur de ses aliments ne peut jamais être un glouton; celui qui ne la distingue pas ne peut être autre chose. Un puritain peut aller à sa croûte de pain bis avec un aussi grossier appétit que jamais un alderman à sa soupe à la tortue. Non que la nourriture qui entre dans la bouche souille l’homme, mais l’appétit avec lequel on la mange. Ce n’est ni la qualité ni la quantité, mais la dévotion aux saveurs sensuelles; lorsque ce qui est mangé n’est pas une viande appelée à soutenir notre animal ou à inspirer notre vie spirituelle, mais un aliment pour les vers qui nous possèdent. Henry David Thoreau, Walden ou la vie dans les bois, chap. 11 95
Dir-se-ia que a dor dá a certas almas uma espécie de consciência. Como o limão às ostras. A nudez é pior que indecente, é bestial! A roupa é a alma humana. Um espírito capaz de captar a complicação do seu próprio cérebro seria pois mais complexo do que aquilo que o faz ser o que é, já que, a cada pensamento, teria de acrescentar a ideia dessa maquinaria, a actualidade totalmente diferente que o seu pensamento é a cada instante. Tudo o que distingue os homens parece coisa pouca. O que é que faz a beleza ou a fealdade, a saúde ou a enfermidade, o espírito ou a estupidez? Uma ligeira diferença de órgãos, um bocadinho mais ou um bocadinho menos de bílis, etc. Um homem que digere mal e que é voraz, eis talvez uma imagem bastante fiel da natureza do espírito da maioria dos sábios. Os mais vivos prazeres da alma são os que se atribuem ao corpo; pois o corpo não deve sentir, ou então passa a ser alma. O Sistema vivo, interior, que compreende o Equilíbrio, o Andar, a Voz, o Gestos, os Sentidos, as Expressões-futuras do rosto, o Movimento-regulador íntimo, ou, melhor dizendo, a «Alma». Se eu carregar com o polegar num lóbulo do cérebro, se tocar numa parte qualquer da polpa cerebral, paraliso instantaneamente a vontade, ou a discernimento, ou a memória, ou uma outra faculdade daquilo a que chamais alma. Donde concluo que a alma não passa de uma secreção do cérebro, um pouco de fósforo essencial, e que o ideal é uma doença do organismo, nada mais. Essa doença incurável e congénita a que chamam alma. É coisa cómica o pensamento depender absolutamente do estômago e, apesar disso, os melhores estômagos não serem os melhores pensadores. 96
On dirait que la douleur donne à certaines âmes une espèce de conscience. – C’est comme aux huîtres le citron. Paul-Jean Toulet, Les trois impostures La nudité, c’est pire qu’indécent, c’est bestial! Le vêtement, c’est l’âme humaine. Michel Tournier, Le fétichiste Un esprit capable de saisir la complication de son cerveau serait donc plus complexe que ce qui le fait être ce qu’il est, puisqu’à chaque pensée il devrait joindre l’idée de cette machinerie, l’actualité toute différente que sa pensée est à chaque instant. Paul Valéry, Tel Quel Tout ce qui distingue les hommes paraît peu de chose. Qu’est-ce qui fait la beauté ou la laideur, la santé ou l’infirmité, l’esprit ou la stupidité? Une légère différence des organes, un peu plus ou un peu moins de bile, etc. Luc de Clapiers, marquis de Vauvenargues, Réflexions et Maximes Un homme qui digère mal, et qui est vorace, est peut-être une image assez fidèle du caractère d’esprit de la plupart des savants. Luc de Clapiers, marquis de Vauvenargues, Réflexions et Maximes Les plus vifs plaisirs de l’âme sont ceux qu’on attribue au corps; car le corps ne doit point sentir, ou il est âme. Luc de Clapiers, marquis de Vauvenargues, Réflexions et Maximes Le Système vivant, intérieur, qui comprend l’Équilibre, la Démarche, la Voix, le Geste, les Sens, les Expressions-futures du visage, le Mouvement-régulateur intime, ou, pour mieux dire, l’«Âme». Villiers de l’Isle-Adam, L’Ève future Si j’appuie mon pouce sur un lobe du cerveau, si je touche une partie quelconque de la pulpe cérébrale, je paralyse instantanément soit la volonté, soit le discernement, soit la mémoire, soit quelque autre faculté de ce que vous appelez l’âme. D’où je conclus que l’âme n’est qu’une sécrétion du cerveau, un peu de phosphore essentiel, et que l’idéal est une maladie de l’organisme, rien de plus. Villiers de l’Isle-Adam, Tribulat Bonhomet Cette maladie incurable et natale qu’on appelle l’âme. Villiers de l’Isle-Adam, «L’amour sublime» in Derniers contes C’est une plaisante chose que la pensée dépende absolument de l’estomac, et malgré cela les meilleurs estomacs ne soient pas les meilleurs penseurs. François Marie Arouet, dit Voltaire, Lettre à Jean le Rond d’Alembert, 20 août 1770 97
Tentei descobrir através dela se as mesmas molas que me fazem digerir, que me fazem andar, são aquelas graças às quais tenho ideias. Nunca consegui conceber de que modo e por que motivo essas ideias fugiam quando a fome fazia o meu corpo impacientar-se, e como renasciam quando eu já comera. Vi uma tão grande diferença entre os pensamentos e os alimentos, sem os quais não pensaria, que supus haver em mim uma substância que raciocinava e uma outra substância que digeria. Todavia, continuando a esforçar-me por provar a mim mesmo que somos dois, senti grosseiramente que sou um só; e essa contradição sempre me causou uma pena extrema. Diz-se que gostos não se discutem, e com razão, quando se trata apenas do gosto sensual, da repugnância que se tem relativamente a uma certa comida, da preferência que se dá a uma outra: não se discutem esses gostos porque um defeito de órgãos não pode ser corrigido. O mesmo não acontece na área das artes: como elas encerram belezas reais, existe um bom gosto capaz de as discernir, e um mau gosto que as ignora; e amiúde se corrige um defeito do espírito que se traduz por um gosto deplorável. Também há almas frias, espíritos falsos, que não podem ser estimulados nem corrigidos. É com esses e essas que não se devem discutir os gostos, porque os não têm. Da mesma maneira que o dentro é o fundo e a condição do fora, e que o interior só se manifesta clara e exactamente através do exterior, também a harmonia e o ritmo são os órgãos plásticos, a melodia é a forma real da música. Harmonia e ritmo constituem o sangue, a carne, os nervos e os ossos e todas as vísceras que são invisíveis ao olho fixado sobre o homem acabado e vivo; a melodia, pelo contrário, é o próprio homem acabado, tal como se apresenta aos nossos olhos.
Os nossos corpos são, em grande parte, compostos por glândulas, tubos e órgãos constantemente ocupados a converter alimentos heterogéneos em sangue. As operações digestivas e a sua reacção no sistema nervoso minam a nossa força e atormentam o nosso espírito. Os homens são felizes ou miseráveis consoante têm o fígado mais ou menos saudável ou as glândulas gástricas mais ou menos sãs. Num homem que quer transformar a vida numa arte, o cérebro faz as vezes de coração. Frequentemente, a alma parece-me ser uma simples respiração do corpo. 98
J’ai essayé de découvrir par elle si les mêmes ressorts qui me font digérer, qui me font marcher, sont ceux par lesquels j’ai des idées. Je n’ai jamais pu concevoir comment et pourquoi ces idées s’enfuyaient quand la faim faisait languir mon corps, et comment elles renaissaient quand j’avais mangé. J’ai vu une si grande différence entre des pensées et la nourriture, sans laquelle je ne penserais point, que j’ai cru qu’il y avait en moi une substance qui raisonnait, et une autre substance qui digérait. Cependant, en cherchant toujours à me prouver que nous sommes deux, j’ai senti grossièrement que je suis un seul; et cette contradiction m’a toujours fait une extrême peine. François Marie Arouet, dit Voltaire, Le philosophe ignorant On dit qu’il ne faut point disputer des goûts, et on a raison, quand il n’est question que du goût sensuel, de la répugnance qu’on a pour une certaine nourriture, de la préférence qu’on donne à une autre: on n’en dispute point, parce qu’on ne peut corriger un défaut d’organes. Il n’en est pas de même dans les arts: comme ils ont des beautés réelles, il y a un bon goût qui les discerne, et un mauvais goût qui les ignore; et on corrige souvent le défaut d’esprit qui donne un goût de travers. Il y a aussi des âmes froides, des esprits faux, qu’on ne peut ni échauffer, ni redresser. C’est avec eux qu’il ne faut point disputer des goûts, parce qu’ils n’en ont point. François Marie Arouet, dit Voltaire, Dictionnaire philosophique De même que le dedans est le fond et la condition du dehors, et que l’intérieur ne se manifeste clairement et exactement que par l’extérieur, de même l’harmonie et le rythme sont les organes plastiques, la mélodie est la forme réelle de la musique. Harmonie et rythme constituent le sang, la chair, les nerfs et les os et tous les viscères qui restent invisibles à l’œil qui se fixe sur l’homme fini et vivant; la mélodie, au contraire, est cet homme fini lui même, tel qu’il se représente à nos yeux. Richard Wagner, Opéra et drame Nos corps sont en grande partie composés de glandes, de tubes et d’organes occupés sans cesse à convertir en sang une nourriture hétérogène. Les opérations digestives et leur réaction sur le système nerveux sapent notre force et tourmentent notre esprit. Les hommes sont heureux ou misérables selon qu’ils ont le foie plus ou moins bien portant ou des glandes gastriques plus ou moins saines. Herbert George Wells, La guerre des mondes À l’homme qui veut faire de la vie un art, le cerveau tient lieu de cœur. Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray L’âme ne me paraît souvent qu’une simple respiration du corps. Marguerite Yourcenar, Alexis ou le Traité du vain combat 99
table des matières
Portique
Tel qu’en lui-même....................................... 3
nuit la nuit...................................................... 5 rab...................................................................... 22
Quand l’effet se recule........................... 27 traite de l’âme 3 / l’âme matérielle...... 37 tráfico da alma 3 / a alma material............ 36