L’invention du jeu et autres inventions - François Bégaudeau

l’invention du et autres inventions

Pour la présente édition : © hélium / Actes Sud, 2014 Pour L’Invention du jeu : © hélium, 2009 Loi no 49 956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse helium-editions.fr/ No d’édition : JE 096 ISBN : 978-2-33002-711-7 Dépôt légal : premier semestre 2014 Illustration de couverture : Pascal Lemaître Maquette de couverture : Katie Fechtmann Imprimé par Jouve en mars 2014

L’INVENTION L’INVENTION DU DU ETAUTRES AUTRES INVENTIONS INVENTIONS ET

1 Quand une masse imposante se dressa sur son lent chemin, Gilles eut d’abord la sage idée de la contourner. Puis il s’en voulut de son manque de curiosité, et choisit de préférer quelque chose à rien.

S’engageant sur la masse, il se rendit compte d’une part qu’elle était sphérique, d’autre part qu’il y adhérait et donc pouvait la gravir.

Ce qu’il fit.

En trois longueurs et cinquante-six secondes, Gilles fut au sommet, et pas mécontent de lui.

La sphère sous lui sentait la vache, mais ce n’était pas une vache, car il n’avait pas entendu meugler, ni une queue battre dans le vide.

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Qu’était-ce donc que cette chose au sommet de quoi Gilles maintenant se reposait ? Impossible de le savoir. La vérité était qu’il n’y voyait pas plus loin que le bout de ses antennes.

Alors il prêta attention aux sons. Il perçut le tendre murmure d’une brise de printemps, le chant en espagnol d’un rouge-gorge toréador, puis, tout près, une voix pleine d’assurance.

– Que fais-tu donc sur cette sphère, escargot ?

Qui avait parlé ? En attendant de le comprendre, Gilles décida de répondre.

– Plutôt qu’escargot, appelle-moi Gilles.

– Pourtant, tu es un escargot, je le vois avec tous les yeux dont m’ont pourvu les créateurs. Je le vois avec l’œil gauche, je le vois avec l’œil droit, je le verrais avec l’œil du milieu si j’en avais un.

– Alors appelle-moi comme tu le souhaites, mais dis-moi aussi le nom de la sphère qui s’est mise en travers de ma route comme un destin.

– N’as-tu pas deviné, escargot ?

– Comment l’aurais-je pu ? Je ne connais d’elle que la forme ronde et l’odeur de vache.

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– Cela devrait suffire à te faire deviner, escargot.

Si je mentionne une forme cylindrique et une odeur de salsifis, tu sauras que je te parle de salsifis en boîte.

Si je mentionne une forme pyramidale et une odeur de pharaon, tu sauras que je te parle…

– … des pyramides d’Égypte. D’accord, d’accord.

Mais une sphère qui sent la vache, je ne vois pas.

– Ce n’est pas exactement de vache qu’il s’agit, escargot. Plutôt qu’à la vache, pense à ce qui vient d’elle.

– Suis-je perché sur une sphère de lait ?

– Comment donc le lait pourrait-il s’arrondir ? se moqua la voix en frétillant des moustaches.

– Pardonne ma bêtise, mais issu de la vache, je ne vois que le lait.

– Le cuir ne vient-il pas de la peau dure de la vache, escargot ?

– Le cuir peut-il être rond ?

– Il le peut. Les créateurs appellent cela un ballon.

Et s’il s’est posé au milieu de ce pré, c’est parce que le cuir a besoin de l’herbe qu’aime ruminer la vache dont il vient.

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L’escargot Gilles venait donc d’escalader un ballon.

Quant à l’usage qu’il pourrait en faire, il jugea utile de le demander à la voix pleine d’assurance qui l’informait depuis tout à l’heure.

– À vrai dire je ne sais pas, répondit la voix en se léchant une patte. Peut-être pourrais-je y attacher un moteur et l’enfourcher pour foncer vers l’horizon ?

– Si le ballon devait servir à cela, les créateurs l’auraient pourvu de roues et appelé moto, objecta Gilles. Or le ballon s’appelle ballon, pas moto.

Bien qu’ayant peu de doigts, l’escargot avait pris les choses en main. Il ajouta qu’une sphère n’était pas faite pour préparer un sorbet à la banane ou vendre des aspirateurs, mais pour rouler. Puis : – As-tu des doigts, toi qui me parles et que je ne distingue pas ?

– Je n’ai pas de bras puisque je suis un chat et qu’on m’appelle Jean-Luc. – Si tu es un chat, tes parents ont joint des pattes au cadeau de ta naissance.

– Quatre, escargot. Quatre pattes. Deux de plus qu’un homme et quatre de plus qu’une cuillère à soupe.

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– Alors serait-il possible à l’une de ces quatre pattes de donner une pichenette à ce ballon de cuir, de sorte qu’il pivote sur lui-même et roule ?

– Mais s’il roule, escargot, son sommet deviendra sa base, et toi qui pour l’instant es à son sommet, tu te retrouveras à sa base, aplati entre l’herbe et le cuir comme une crêpe sans sucre.

– Alors j’ai besoin de toi.

Aussitôt Jean-Luc vit comment soutenir son nouveau camarade. Il colla son museau contre le ballon, de sorte que le haut de sa tête et le cuir forment une surface assez plane pour que l’escargot puisse glisser jusqu’entre les oreilles du chat, où il se sentit bien.

Parfois les créatures s’infligent bosses et bleus.

Parfois elles se soutiennent pour inventer le jeu.

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oici donc L’Invention du jeu, une histoire complète consacrée à la création du foot par des animaux (un chat malin, un escargot perché sur sa tête, une sublime gazelle, une mouche qui se fait les ongles…), pour la beauté du geste, du collectif, de l’amour, de l’action !

Puis nous apprendrons comment furent inventés la carotte, les majorettes, l’ampoule, mais aussi les congés payés, la bassine d’eau chaude, et tant d’autres choses.

Un livre totalement fantaisiste et libre.

Un plaisir de littérature pour tous signé François Bégaudeau. (Ça ne s’invente pas.)

9,90 €

ISBN : 978-2-33003-285-2

Illustration de couverture : Pascal Lemaître

Maquette de couverture : Katie Fechtmann

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