Entre banque de données et protection du patrimoine

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Cahier thématique de Hochparterre, mars 2022

Entre banque de données et protection du patrimoine Comment le constructeur de stores Kästli met-il son artisanat au profit de nouvelles constructions planifiées numériquement et de bâtiments classés monuments historiques?

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Quartier des Halles à Morges: des stores à ciseaux traditionnels sur une nouvelle construction contemporaine.

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Éditorial

L’avenir a besoin d’une origine

Sommaire

4 Du modèle 3D au montage Les stores de Kästli vont assurer l’ombrage des cours intérieures du nouvel hôpital pédiatrique de Zurich – un aperçu du chantier.

9 « Nous devons faire le lien entre planification numérique et artisanat» Planification avec BIM: Marc Kästli et l’architecte Anne-Marie Kristokat discutent du rôle des méthodes numériques pour la coopération.

12 Positions et points de vue La transformation numérique en pratique: Six fournisseurs et fabricants font part de leurs expériences avec les nouvelles technologies.

14 Éprouvés, d’actualité et d’avenir Les systèmes de protection solaire classiques conservent leur fonction et leur place sur les façades – des bâtiments historiques comme contemporains.

20 Dans le respect du patrimoine historique Des obligations particulières s’appliquent à la rénovation des bâtiments historiques. Une visite de la vieille ville et du Service des monuments historiques de Zurich.

« La planification numérique est l’occasion pour les architectes, les fournisseurs et les fabricants d’établir à nouveau un lien plus direct entre eux », dit l’architecte Anne-Marie Kristokat dans l’interview voir page 9. Mais de nombreux bureaux et entreprises visés sont plutôt éloignés l’un de l’autre. La numérisation croissante, les modèles 3D et les gros volumes de données rendent l’échange complexe et le compliquent. Car la coopération se voit soumise à un dilemme fondamental. Avec leurs solutions conçues pour un projet spécifique, les entreprises contribuent à la qualité de l’architecture. En revanche, la numérisation est censée standardiser les processus pour rendre la construction plus efficace pour tous les participants. Avec l’exemple de la construction du nouvel hôpital pédiatrique de Zurich, le présent cahier thématique illustre la manière dont les fabricants, les fournisseurs et les architectes s’y prennent pour résoudre cette contradiction lors de leur collaboration quotidienne. Dans le cadre du projet phare de Herzog & de Meuron, l’entreprise Kästli a conçu, planifié et installé une protection solaire spéciale. Dans son reportage du chantier en fait hermétiquement fermé au public de la Lenggstrasse à Zurich, Mirjam Kupferschmid montre comment cela fonctionne, voir page 4. La compétence des entreprises pour réaliser des fabrications spéciales intégrées aux projets de nouvelles constructions planifiées avec BIM est également absolument nécessaire lorsqu’il s’agit de la rénovation de bâtiments historiques. « La plupart du temps, les solutions standardisées ne fonctionnent pas », dit Mireille Blatter du Service des monuments historiques de la ville de Zurich, voir page 20. L’exemple d’une façade dans le centre-ville de Zurich montre comment se crée une protection solaire qui répond en même temps aux besoins fonctionnels des utilisateur-trice-s, aux exigences esthétiques de l’architecte et aux prescriptions du Service des monuments historiques. La corrélation qui existe entre tradition et innovation, c’est ce que montrent également des constructions mises en œuvre par les architectes pour la protection solaire, pour des constructions nouvelles d’esprit contemporain aussi bien que pour des biens classés monuments historiques. Avec l’exemple des stores à bras à ciseaux, l’auteur Mathis Remmele explique comment un produit qui date de près d’un siècle contribue à l’architecture, voir page 14. Les photos de la photographe Filipa Peixeiro mettent en scène la diversité des réalisations qui voient le jour entre artisanat et planification numérique, entre culture du bâti historique et contemporain. Urs Honegger

Impressum Édition Hochparterre AG Adresses Ausstellungsstrasse 25, CH-8005 Zürich, Telefon +41 44 444 28 88, www.hochparterre.ch, verlag@hochparterre.ch, redaktion@hochparterre.ch Éditeur Köbi Gantenbein Direction Andres Herzog, Werner Huber, Agnes Schmid Directrice d’édition Susanne von Arx Concept et rédaction Lilia Glanzmann, Urs Honegger Photographie Filipa Peixeiro, www.filipapeixeiro.com Art Direction Antje Reineck Layout Barbara Schrag Production Ursula Trümpy Traduction Annie Jeamart Lithografie Team media, Gurtnellen Impression Stämpfli AG, Berne Éditeur Hochparterre en coopération avec Kästli & Co. AG Commandes shop.hochparterre.ch, Fr. 15.—, € 12.—

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Fabrication Fabricationspéciale spécialepour pourunun bâtiment bâtiment exemplaire exemplaire planifié planifié avec avec BIM:BIM: la protection la protection solaire solairedans danslalacour courintérieure intérieure dudu nouvel nouvel hôpital hôpital pédiatrique pédiatrique de Zurich. de Zurich.

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Les renforcements en V sont soudés au cadre du store.

Du modèle 3D au montage Pour le nouvel hôpital pédiatrique de Zurich, c’est Kästli qui réalise la protection solaire des cours intérieures. Le grand projet de Herzog & de Meuron montre l’importance de la numérisation dans le processus de planification. Texte: Mirjam Kupferschmid

Dès l’arrêt de tram Balgrist, un panneau signalise le chantier de l’hôpital pédiatrique situé dans le district 8 de Zurich. Et on voit déjà de loin la façade concave étirée en longueur du futur hôpital de soins aigus derrière les échafaudages le long de la Lenggstrasse. C’est ici que voit le jour par étapes la nouvelle construction du plus grand hôpital suisse dédié aux soins pour enfants et adolescents. À l’est du bâtiment, l’aménagement intérieur avance à grands pas tandis qu’à l’ouest le gros-œuvre vient juste d’être terminé. Des monteurs travaillent sur les échafaudages, des travailleur-euse-s disparaissent prestement avec leurs outils par le tourniquet. Tout est en mouvement. Une collabo-

ration étroite est une condition fondamentale sur un chantier de cette envergure. Et pourtant, elle fonctionne ici un peu différemment de ce dont on a l’habitude: La nouvelle construction est un projet phare de la planification BIM ; même l’exécution a été réalisée avec l’Open-BIM. Une construction d’exception Sur son ancien site de Zurich-Hottingen, l’hôpital pédiatrique souffrait, dès les années 90, du manque de place. Depuis, le nombre de patient-e-s n’a cessé d’augmenter si bien que cette infrastructure ne répondait plus à des normes élevées. C’est pourquoi, l’organe responsable, →

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→ la fondation Eleonore fondée en 1868, planifie depuis 2006 une nouvelle construction dans la Lenggstrasse. C’est le bureau d’architectes bâlois Herzog & de Meuron qui a remporté le concours à deux degrés en procédure sélective. Il réalisera le projet avec le planificateur général Gruner jusqu’en 2024. Sur la partie nord du site, un édifice circulaire accueillera le laboratoire, la formation et la recherche ; le nouvel hôpital, quant à lui, sera construit au sud. Aux près de 10 000 patient-e-s stationnaires qui y seront suivis chaque année s’ajouteront plus de 40 000 patient-e-s qui seront pris en charge aux urgences. De la rue, on ne voit pas les 16 cours intérieures qui amènent la lumière dans le bâtiment de 200 mètres de long et de plus de 100 mètres de profondeur ; parfois la lumière pénètre jusqu’au rez-de-chaussée, d’autres fois elle ne traverse que les deux étages supérieurs. Des formes rondes et rectangulaires créent des endroits reconnaissables sur la grande surface – les cours intérieures facilitent dès maintenant l’orientation sur le chantier. L’expression architecturale des façades est mise en exergue en dépit de la diversité de leurs formes. Elles sont structurées par du bois de Douglas agencé à la verticale avec une interposition d’éléments blancs finement nervurés. C’est là, entre les étroites parties en bois, que les stores de Kästli sont minutieusement montés. Une esthétique indéniable Au tout début de la phase de conception, on savait à quoi devait ressembler la protection solaire des cours intérieures. En collaboration avec Kästli, Herzog & de Meuron ont développé cette idée pour une mise en œuvre optimale. Des rendus 3D et un mock-up leur servirent de base de travail. En général, la planification part du profilé fabriqué par le constructeur métallique sur lequel on monte ensuite un guidage de store standardisé. Mais les constructeur-euse-s de Kästli voulaient donner une forme plus filigrane au modèle proposé. Il-elle-s recherchèrent des solutions avec l’entreprise de construction métallique von Niederhäusern. Au lieu de deux profilés encastrés l’un dans l’autre, le guidage des stores se compose désormais d’un seul profilé en C. Les cadres métalliques marron foncé avec des renforcements en V sont en acier pour pouvoir souder tous les éléments. La construction qui est légèrement inclinée vers l’avant est fixée à l’embrasure et vissée dans le profilé si bien qu’une fois la protection solaire montée on ne voit plus de vis. Outre l’aspect esthétique, il convenait, lors de l’élaboration, d’être également vigilant quant au déroulement des travaux sur le chantier. La collaboration des monteurs et des constructeurs bois doit être précise pour que les fixations soient montées exactement en dessous des embrasures et que les stores soient installés au bon endroit, également pour garantir qu’il n’y ait jamais plus tard d’accumulation d’eau stagnante sur la construction en bois. C’est le niveau d’esthétique exigé et le déroulement des travaux qui ont fait que c’est l’entreprise Kästli qui a assumé la coordination. Elle a ainsi pu prendre en charge non seulement la prestation de l’appel d’offres mais aussi sa mise en œuvre.

Coupe verticale du guidage d’un store

Une mise en œuvre intensive des méthodes BIM Pour le chef d’entreprise Marc Kästli, il était clair dès le début que ce projet serait tout particulièrement exigeant. Certes, Kästli avait déjà réalisé d’autres projets avec Herzog & de Meuron – comme par exemple la clinique de neuroréhabilitation et de paraplégiologie de Bâle – mais ce qui était nouveau, c’est que toutes les phases de la planification et de la réalisation ont → Les renforcements en V en coupe

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Nouvelle construction hôpital pédiatrique de Zurich 2018 – 2024 Lenggstrasse, Zurich Maître d’ouvrage: Fondation Eleonore Zurich Architecture: Herzog & de Meuron, Bâle Planificateur général: Gruner, Bâle Travaux de construction bois: Künzli, Davos Protection solaire cours intérieures: Kästli, Belp Rendering et plans: Herzog & de Meuron

Construction nouvelle de l’hôpital pédiatrique de Zurich: plan du rez-de-chaussée 0

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Coupe transversale Cahier thématique de Hochparterre, mars 2022 — Entre banque de données et protection du patrimoine — Du modèle 3D au montage

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lation ou les défauts. Elles seront disponibles non seulement pendant la période de construction mais également plus tard pour la gestion des infrastructures. Il précise même que le modèle numérique lui facilite, en tant que directeur des travaux, l’orientation et la gestion des points en suspens sur le chantier puisque chaque objet peut être localisé par un numéro dédié. « Les exigences de la gestion de la qualité sur un chantier d’hôpital pourraient difficilement être respectées sans les méthodes BIM », souligne Kscheschinski. Mais en même temps on ne peut pas représenter le quotidien complexe d’un chantier dans un modèle 3D. Tandis qu’il y a de la poussière, du bruit de perceuses et des tolérances de construction sur le chantier, le modèle se caractérise par le vide, l’ordre et des dimensions de l’ordre du millimètre. Pour lui et ses collègues, la tâche principale continue à être de faire face à ces défis et à coordonner les interfaces sur le chantier, surtout pour l’aménagement, ce qui peut prendre la forme, par exemple, d’inspections ou de réunions de chantier hebdomadaires sur place.

Le store est ajusté entre les étroits éléments en bois.

→ été gérées par des standards OpenBIM. « Pour le travail quotidien de mon équipe, ceci signifie en premier lieu que toutes les informations sont échangées par une plateforme numérique », explique Marc Kästli. La gestion des plans, des protocoles et des listes de défauts est centralisée, le système enregistre toutes les mesures et sauvegarde un fichier de plan pour chaque store. L’échange des données est souvent lourd car un grand nombre de personnes sont impliquées dans le projet. « Les architectes, les chefs de travaux et toutes les personnes travaillant sur la planification spécialisée apportent leurs corrections et ce n’est que lorsque tout est ajusté que le plan d’exécution valable juridiquement voit le jour. » C’est celui-ci que les monteurs apportent ensuite sous forme papier au chantier. « Nous décidons individuellement pour chaque entreprise avec quel niveau de numérisation l’exécution sera accompagnée sur le chantier », explique Christian Kscheschinski qui est chargé, pour Gruner Generalplanung, de la direction des travaux de la façade du nouvel hôpital pédiatrique. « La planification de la domotique et la planification détaillée de l’architecture de Herzog & de Meuron ont été entièrement transposées en modèle 3D pour ainsi coordonner, par exemple, les interfaces dans la construction légère ». Kscheschinski dit que la complexité de la planification et les exigences de qualité justifient une mise en œuvre intensive des méthodes BIM. Le modèle BIM est aussi utilisé sur le chantier en plus des plans classiques, ce dont tirent profit surtout les corps de métier qui nécessitent de nombreuses pièces différentes, par exemple pour les systèmes de ventilation. De plus, un QR code est fixé sur chacune des près de 3000 portes ; il permet d’avoir accès à toutes les informations comme le type de porte, les alimentations électroniques, la date d’instal-

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Des défis au-delà du numérique Pour la protection solaire, on utilise un nombre comparativement peu important de pièces différentes. Dans les cours intérieures de l’hôpital pédiatrique, Kästli monte trois produits en tout: les stores à bras articulé pour les étages inférieurs, un nombre restreint de stores à bras latéraux et les stores verticaux spécialement conçus pour les deux étages supérieurs en trois modèles de différente largeur. « Pour nous, le fait de dessiner les composants en trois dimensions jusqu’à la dernière vis n’aurait pas apporté de grande valeur ajoutée », dit Marc Kästli. « Et les interfaces avec les autres entreprises peuvent être plus facilement gérées par l’échange direct avec des plans classiques. » C’est pourquoi, actuellement seuls l’échange de plans, l’élimination des défauts et la documentation finale font l’objet pour Kästli d’une numérisation intégrale. « Nous récupérons avec la documentation finale le temps dont nous avons besoin pour actualiser en continu le modèle numérique » En plus du fait que le mode de travail est en pleine évolution, Marc Kästli est également préoccupé par la part d’influence qu’a la disponibilité au format numérique des données sur ses produits. Qui a accès aux détails élaborés avec minutie et comment protéger de nouveaux développements ? Cependant, il précise que les données et dimensions qui sont enregistrées dans la planification numérique ne sont qu’une partie de l’innovation. « Chez nous, c’est l’artisanat qui a une large place dans le processus de développement. Et il fait l’objet d’une transmission de personne à personne dans notre manufacture. » Pour ou contre la planification numérique: Pour Kästli, le grand projet de l’hôpital pédiatrique de Zurich est un défi. Pour être capable d’être à la hauteur de la tâche, Kästli n’a pris en charge que la protection solaire dans les cours intérieures. La commande demeure certes importante mais le nombre de stores montés reste gérable. Bien avant avoir achevé la planification, Kästli a acheté toutes les pièces nécessaires. « C’était un certain risque mais la planification précise et la bonne collaboration l’ont rendu supportable », dit Marc Kästli.

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«Nous devons faire le lien entre planification numérique et artisanat» Quelles sont les implications des méthodes de planification numérique pour le fournisseur et pour l’architecte? Telle est la question dont débattent l’architecte Anne-Marie Kristokat et le fabricant de stores Marc Kästli. Interview: Mirjam Kupferschmid

Que tirez-vous de vos premières expériences avec la planification BIM ? Anne-Marie Kristokat: C’est pour le Quai Zurich Campus que nous avons été confrontés pour la première fois avec la méthode BIM. Nous l’avons principalement utilisée pour l’échange interne de données, nous n’avons pas fait de planification BIM intégrale. Nous avons pu accumuler de nombreuses expériences même s’il n’était pas clairement défini quels objectifs il aurait fallu atteindre pendant l’ensemble du cycle de vie du bâtiment. Dans le même temps, le maître d’ouvrage a également appris beaucoup dans le processus et a renforcé ses compétences en tant que donneur d’ordre. Marc Kästli: Pour notre part, nous avons découvert pour la première fois comment fonctionne l’ensemble de l’échange de données par une plateforme numérique lors de la nouvelle construction de l’hôpital pédiatrique de Zurich, voir ‹ Du modèle 3D au montage › page 4. Pour assurer un bon déroulement, il a fallu définir en amont de nombreux éléments, par exemple l’exactitude des données et mesures. Je suppose qu’à l’avenir on va de plus en plus travailler de cette manière, surtout pour les grands projets. C’est particulièrement lorsque les appels d’offres émanent des pouvoirs publics que la planification se fait le plus souvent avec BIM. En quoi la planification numérique modifie-t-elle votre rôle respectif dans le processus de construction ? Anne-Marie Kristokat: Lorsque des projets sont menés en ayant recours à des plateformes numériques, pour les architectes la procédure de contrôle est alourdie. Mais le contact direct avec les planificateurs et les entreprises demeure essentiel. Pour le Quai Zurich Campus, nous avons, par exemple, installé des stores dans un bâtiment classé au patrimoine culturel. Avec l’entreprise Kästli, nous avons été à même de développer une solution sur mesure adaptée à la situation. Nous étions toujours en contact direct pour discuter des questions importantes: Comment les stores s’intègrent-ils dans le patrimoine bâti classé ? De quelle couleur est le tissu ? Il est plus facile de discuter et de vérifier sur place avec des échantillons l’aspect visuel, la sensation au toucher et même les processus de fabrication. Pour la planification, nous

sommes obligés d’avoir recours à des spécialistes qui partagent avec nous leur savoir et leur expérience. C’est la seule façon de pouvoir développer ensemble de bonnes solutions et une architecture de qualité. Marc Kästli: Pour nous, la communication directe est primordiale non seulement pour le développement des produits mais aussi pour le montage sur le chantier. Pour l’exécution, la collaboration est essentielle. Dans le cas de l’hôpital pédiatrique, par exemple, je suis très content de bien m’entendre avec le charpentier. Nous discutons des prochaines étapes de travail et c’est ainsi que nous trouvons des solutions peu compliquées. Ce n’est pas évident. De quoi l’architecte et l’entrepreneur ont-ils besoin l’un de l’autre pour que la collaboration fonctionne ? Anne-Marie Kristokat: Tous les participants doivent comprendre que ce n’est pas avec la planification BIM que l’architecture dans le sens de culture du bâti voit le jour. L’architecture réagit toujours à la société et à la culture et se fonde sur le niveau d’expertise élevé dont nous disposons en Suisse. La planification BIM rassemble et communique seulement les informations liées au projet et elles évoluent et se concrétisent au cours du projet. Même si je suis consciente du fait que les maîtres d’ouvrage et les investisseurs ont pour objectif de réduire leur risque, j’apprécie énormément que les projets soient en constante évolution. Pour la planification BIM, il est important d’intégrer très tôt les planificateurs et les entreprises. Dans ce domaine précis de la collaboration avec les entreprises, il nous serait utile d’obtenir d’elles des modèles 3D que nous puissions synchroniser avec notre planification. Lorsqu’il est question, dans une phase précoce du projet, de développer des prototypes, avec la planification BIM nous n’en sommes encore qu’à nos premiers pas. Nous devons nous soutenir réciproquement et développer de nouveaux processus pour intégrer des solutions innovantes dans BIM. Marc Kästli: Je Plus un produit est spécifique, moins il peut être standardisé. Ceci implique également qu’il n’y a alors pas de modèle de données qui convient. Nous essayons toujours de visualiser le produit en 3D pour reconnaître les défauts et y remédier au plus tôt. Mais nous ne communiquons pas ces visualisations aux architectes car elles →

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Anne-Marie Kristokat En tant que directrice de projet et du bureau d’archi­ tecture Adolf Krischanitz à Zurich, elle était respon­ sable du Quai Zurich Campus qui a été achevé l’an dernier. De plus, elle enseigne à l’Institut d’architecture de la Haute école de Lucerne.

Marc Kästli Titulaire d’un diplôme en gestion d’entreprise, il est directeur de Kästli Storen. Il dirige l’entreprise fami­ liale fondée en 1937 dans la troisième génération. En collaboration avec des architectes et des pla­ nificateurs, l’entreprise ins­ talle des systèmes de protection contre le soleil et les intempéries en textile dans toute la Suisse.

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→ ne se prêtent pas à la planification. L’échange de plans reste pour nous un défi. Si nous ne travaillons pas avec les plans actuels, au pire avec des plans incorrects, nous perdons beaucoup de temps. J’ai parfois l’impression que personne n’a de temps pour la coordination. Pour l’hôpital pédiatrique, je dois dire que jusqu’ici cela fonctionne bien. Vous parlez d’obstacles quotidiens. Quelles en sont selon vous les causes et les solutions éventuelles ? Anne-Marie Kristokat: La planification numérique permet un travail extrêmement perfectionniste. Sur le plan, tout paraît vite cohérent. Mais en fin de compte, quelqu’un doit être à même d’installer sur le chantier ce qui a été dessiné. Et c’est pour cette transposition du numérique qu’une étroite collaboration entre les architectes et les entreprises est importante. À mon avis, elle offre l’occasion d’établir à nouveau un lien plus direct entre nous. Marc Kästli: Pour l’hôpital pédiatrique, l’ensemble de la planification a lieu à un niveau: l’architecture, la planification électrique, la planification de la façade. Pour un plan de permis de construire, je reçois le retour de six ou sept planificateurs, ce qui pèse énormément sur le travail. C’est pour cela que nous préférons la collaboration directe avec les architectes. Ce n’est qu’ainsi que nous ressentons l’exigence esthétique. Nous ne proposons pas de solutions standardisées et nous entrons dans le détail pour chaque planification – parfois nous allons même jusqu’à parler de la couleur des vis. Anne-Marie Kristokat: J’apprécie énormément cette coopération attentionnée avec les entreprises et les planificateurs. Des solutions praticables impliquent qu’en tant qu’architectes nous assumions notre mission de direction et de médiation dans le processus de planification – tout parti­ culièrement lorsqu’une entreprise générale ou totale est en charge de l’exécution. Quels avantages la planification numérique vous apporte-t-elle ? Marc Kästli: J’y vois l’opportunité d’utiliser les modèles de données pour notre production. Mais pour le moment ce n’est encore qu’une musique d’avenir. Ce que les architectes font au niveau de l’ensemble de la construction, nous pourrions aussi le faire avec des listes de pièces au niveau de l’entreprise. Mais pour cela il faut un degré élevé de standardisation. Pour une entreprise de notre taille et à cause de l’individualité de nos produits, généralement ce n’est pas le cas. Notre travail a peu à voir avec une fabrication industrielle. Anne-Marie Kristokat: Le fait que de nombreuses entreprises suisses ne veulent tout simplement pas installer de produit standard est la preuve d’un haut niveau de qualité. La planification BIM deviendra à court terme une évidence. Elle simplifie les processus de planification et de travail et procure davantage de sécurité aux maîtres d’ouvrage et aux investisseurs. Mais il serait très dommage de sacrifier l’esprit de pionnier des entreprises en échange de ce sentiment de sécurité. Au sein de la planification, nous devrions nous donner une marge de manœuvre pour permettre de nouvelles solutions et de nouveaux développements. Quels sont les outils numériques qui apportent de nouvelles solutions ? Marc Kästli: Je vois un grand potentiel dans l’impression 3D, en particulier pour les prototypes. Ceci nous permet de visualiser rapidement nos idées et de les discuter sur place. En ce moment, nous montons une protection solaire dans la gare principale de Zurich. Il n’y a que peu de place pour la fixation des stores. Pour la discussion de chantier, j’ai imprimé une console et je l’ai testée sur place. Ceci nous a même permis de discuter avec les architectes de l’esthé-

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tique du système de fixation. Dans le passé, nous étions obligés de faire fabriquer ce genre de pièces au laser mais il n’était jamais pas possible de n’en fabriquer qu’une seule. L’impression 3D permet une présérie sur l’imprimante du bureau d’études. Anne-Marie Kristokat: Ce processus peut s’appliquer à pres­ que chaque corps de métier. Nous devons trouver un lien entre la planification numérique qui assure une certaine sécurité et le contact direct avec l’artisanat qui permet des solutions de haute qualité. Ceci signifie que la planification se fait à deux niveaux très différents. Je considère que les architectes font preuve d’une grande compétence lorsqu’ils reconnaissent la complexité des divers processus et qu’ils font la jonction entre coordination et communication. La planification numérique peut-elle également aider à construire plus durablement et à préserver les ressources naturelles ? Anne-Marie Kristokat: À mon avis, ce sujet se traite à un autre niveau. Dans ce contexte, il s’agit moins des matériaux de construction que du fait que les maîtres d’ouvrage et les investisseurs veulent construire dans le respect des ressources naturelles et adaptent leurs investissements en conséquence. Dans la planification, les architectes, les planificateurs et les entreprises peuvent faire valoir de nouvelles idées et un savoir précieux concernant l’architecture bioclimatique. Marc Kästli: Je ne peux pas non plus reconnaître d’influ­ ence directe de la planification numérique. Nous examinons naturellement très précisément les différents composants. Par exemple, nous utilisons des tissus qui sont recyclables et qui ne contiennent pas de substances toxiques. Mais nous essayons surtout de construire durable en utilisant des produits qui ont une longue durée de vie grâce à une matérialisation appropriée. Anne-Marie Kristokat: C’est exactement ce que nous devons atteindre. Nous devons nous demander comment quelque chose est construit et produit – et surtout ce qui est absolument nécessaire. Que souhaitez-vous pour l’avenir de la planification numérique ? Anne-Marie Kristokat: En tant qu’architectes, il faut que nous gardions notre visibilité dans le processus. C’est ainsi que nous pouvons surmonter la distance qui est créée par des systèmes intermédiaires. Marc Kästli: Je ne peux que partager cet avis. Il devrait y avoir à nouveau une plus forte imbrication du travail des architectes et des entreprises. Les systèmes peuvent nous y aider. Mais au final ce sont toujours des êtres humains qui travaillent ensemble.

Quai Zurich Campus, 2021 Alfred-Escher-Strasse 45, Mythenquai 2, Zurich Maître d’ouvrage: Zurich Insurance Group Architecture: Adolf Krischanitz, Wien / Zürich Architecture intérieure: Iria Degen, Zurich; Stephan Hürlemann, Zurich Architecture paysagiste: Vogt, Zurich Entreprise totale: Implenia Suisse Protection solaire: Kästli, Belp

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Des stores sur un un bâtiment bâtiment classé classémonument monument historique: Quai Zurich Campus, Mythenquai, Zurich.

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Positions et points de vue Dans quelle mesure la transformation numérique de la planification modifie-t-elle la collaboration des fournisseurs et fabricants avec les bureaux d’architectes? Des professionnels de six secteurs font part des expériences de leurs rapports avec les nouvelles technologies.

« Il nous faut de plus en plus un savoir-faire plus spécifique» Par le passé, on imprimait des catalogues ou on échangeait en va-et-vient des détails de dessins CAO. De nos jours, la collaboration avec les architectes se fait de plus en plus par les plateformes numériques comme ‹ Jansen BIM Cloud ›, ‹ Buildup › ou ‹ Plan.One ›. L’architecte y retire par exemple le composant Jansen souhaité et l’entre dans son CAO ou dans Revit, le traite, l’exporte à nouveau et nous le renvoie. Nous complétons des composants supplémentaires comme des poussoirs ou des poignées de porte avec notre logiciel de calcul JANIsoft et retournons l’ensemble de données au bureau d’architectes. C’est ainsi que des modèles Revit spécifiques au projet voient le jour. Bien évidemment, certaines adaptations continuent à nécessiter l’échange personnel. Même si la numérisation offre de nombreuses possibilités nouvelles pour le domaine de la planification, toutes les questions essentielles concernant chaque composant particulier devraient être tirées au clair avant même l’appel d’offres. Nous sommes souvent impliqués trop tard et nous ne pouvons plus mettre pleinement à profit les possibilités de nos systèmes en acier. Pour que la planification numérique fonctionne, il faudra que tous les participants changent leur mode de pensée. En même temps, nous ne devrions pas oublier la question du sens: Pourquoi utilisons-nous tel ou tel matériau ? Avons-nous fait le bon choix du domaine d’utilisation? Le projet de construction dans son ensemble est-il durable ? Aujourd’hui, grâce à des puissances de calcul accrues, nous avons davantage de possibilités de conception. Nous profitons de ces avantages pour développer de nouveaux produits et de plus en plus aussi pour des solutions personnalisées dans le secteur des grands projets. L’acier permet des géométries complexes et est également très durable du point de vue de l’écologie. Nous voyons de belles opportunités dans ce domaine. Notre défi est qu’il nous faut de plus en plus un savoir-faire plus spécifique. C’est pour cela que nos collaborateurs se perfectionnent en permanence et font progresser leurs carrières de spécialistes pour associer leur expérience du marché à leurs compétences en numérisation. Stefan Röthlin, Chief Technology Officer, Jansen, Oberriet SG

«Le contact analogique demeure au moins aussi important » Aujourd’hui, les architectes téléchargent les données dont ils ont besoin pour leurs projets directement sur notre site internet. Pour eux, l’avantage est qu’elles sont toujours à jour. Vu que nous coopérons avec la banque de données de textures de matériaux ‹ Mtextur ›, ces données sont déjà préparées pour CAO et BIM et peuvent être directement intégrées à la planification numérique. Notre matériau est le plus exclusif dans la famille des stratifiés. Nous devons donc pouvoir argumenter au sujet des avantages de sa mise en œuvre. C’est pourquoi, le contact analogique demeure au moins aussi important. Nous rendons souvent visite aux architectes sur le chantier ou au bureau pour parler du projet dont ils sont actuellement en charge. Dans un premier temps, ils sont en partie quelque peu sceptiques – mais ensuite ils sont contents que nous avons pu les aider, dans le cas d’un projet concret, à trouver une solution. Étant donné que les informations sont toujours accessibles, de nos jours les architectes en savent plus sur les matériaux. Ceci est bien pour nous car finalement les maîtres d’ouvrage doivent être convaincus du choix du matériau. Ils doivent également comprendre notre matériau pour pouvoir lancer correctement l’appel d’offres d’un projet – plus la formulation est claire, plus notre matériau aura de chances d’être utilisé. Nous venons de publier notre premier guide numérique de montage sur YouTube. Cette vidéo a pour objectif de montrer de manière simple comment on peut mettre en œuvre nos produits. Rolf Wermelinger, chef marketing et ventes, Argolite, Willisau LU

« L’avenir appartient à la création en 3D » Je reçois encore souvent des plans d’architectes en PDF. Pour notre part, nous dessinons toutes nos pièces en 3D. Dès le début des années 80, je travaillais sur CAO. En tant que maître tailleur de pierre, lors de la rénovation des tours du Grossmünster, j’ai reconstruit les remplages. Pour cela, j’ai dû construire des rayons jusqu’à quatre mètres avec un compas à verge – autant dire que je n’ai aucun doute sur l’allégement procuré par le CAO. Lorsque je dessine en 3D, je suis sûr que mes pièces sont adaptées à la construction de base. Nous réalisons parfois un relief en scan 3D, puis un modèle numérique qui est utilisé pour la programmation des fraiseuses CNC des fournisseurs. La collaboration sur la base du modèle 3D ne fonctionne que s’il est proprement structuré avec des couches clairement séparées les unes des autres pour que je puisse avoir accès aux informations importantes pour moi et que je puisse désactiver les informations insignifiantes. Ce n’est malheureusement pas toujours le cas, par exemple lorsque des fenêtres et des tuiles sont représentées dans la même couche. Cela me complique le travail et je préfère alors recommencer à zéro et redessiner tout en 3D. Je pense que l’avenir appartient à la création en 3D. Les architectes vont se rendre compte de tout ce qui est possible en matière de langage des formes. Des formes libres fraisées en pierre naturelle et travaillées avec des machines CNC ou même imprimées dans le béton ouvrent de toutes nouvelles perspectives à la conception architecturale. Viktor Häberling, maître tailleur de pierre, Abraxas Natur­ steine, Uerzlikon ZH

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« Nous pouvons mieux contrôler les données » À notre avis, la planification numérique n’apporte que des avantages à toutes les parties impliquées. De la continuité des données, nous espérons tout particulièrement une augmentation de l’efficacité et une réduction des sources d’erreurs: Nous pouvons mieux contrôler les données et faire un meilleur suivi des modifications. Et nous savons toujours où en est chaque détail. Le grand avantage est que les données ne sont collectées et entrées dans le système qu’une seule fois. Toutes les parties impliquées peuvent ensuite les utiliser. C’est sur la base de ces données 3D que nous élaborons les programmes pour nos machines de production. Actuellement, environ un tiers de nos projets est géré entièrement de manière numérique. Le travail de coordination et de planification dans la collaboration avec les architectes est ainsi réduit. Lorsque nous recevons un modèle 3D et non plus des plans en deux dimensions, nous ne devons plus faire de reproduction numérique du bâtiment. Nous constatons également que de plus en plus de bureaux d’architecture appliquent des méthodes agiles. De ce fait, un échange étroit et continu s’est mis en place avec les architectes et les maîtres d’ouvrage, ce qui n’est possible que lorsque tous travaillent ensemble sur les mêmes modèles. Pour que la chaîne numérique soit continue, il faut que toutes les parties impliquées se mettent d’accord au début d’un projet sur la manière dont les modèles doivent être élaborés et dont le travail avec ces modèles doit se dérouler. Nous sommes persuadés que la numérisation, la collaboration et l’échange intensif de données avec nos clients et nos partenaires accélère la réalisation des ouvrages. Marcel Wenzin, responsable façades, Ernst Schweizer, Hedingen ZH

« Notre meilleur outil est le mock-up  » La numérisation et l’automatisation sont à la fois malédiction et bénédiction pour la construction. Malédiction parce qu’elles compliquent les procédures. Pour que la planification numérique fonctionne, il faut que le processus soit divisé en étapes dans lesquelles chaque participant utilise les outils avec lesquels il est à l’aise. Si l’on parvient à représenter le système complexe dans une chaîne numérique cohérente, une bonne collaboration et une production rapide et irréprochable sont possibles. La planification numérique modifie surtout les processus de décision et la rapidité de la construction. Dans la construction bois, nous ne travaillons quasiment plus qu’en préfabrication. Aujourd’hui, on peut par exemple construire un bâtiment scolaire en construction modulaire en seulement quatre jours. Par contre, les architectes aiment laisser en suspens les décisions le plus longtemps possible. Or, le fait de décider le plus tôt possible est un garant de la sécurité de planification et apporte un gain de temps ainsi que des avantages financiers au niveau de la production. Nous essayons de définir dès le début d’un projet quel planificateur doit recevoir et fournir quelles données. Pour ce faire, notre meilleur outil est le mock-up. Nous le construisons avec les architectes et pouvons ainsi prendre très tôt des décisions fondamentales et anticiper les problèmes. Le travail commun sur le mockup instaure une confiance mutuelle pour l’ensemble du projet. Kai Strehlke, directeur des processus numériques, Blumer

« La plupart du temps, nous avons recours à la procédure qui a fait ses preuves» La numérisation et BIM sont des sujets très en vogue. Mais dans notre quotidien ils restent plutôt l’exception. La plupart du temps, nous avons recours à la procédure qui a fait ses preuves, c’est-à-dire que nous échangeons les données par e-mail en va-et-vient. Il est important pour nous de savoir quand quelles propriétés des composants sont déterminées pour pouvoir nous occuper très tôt des études de faisabilité et des homologations de protection incendie. Pour les grandes commandes, nous travaillons de plus en plus avec la plateforme de projet du donneur d’ordre. C’est ainsi que nous venons de recevoir une commande qui sera explicitement traitée de manière entièrement numérique et tout à fait dématérialisée. Nous ne nous énervons pas mais, pour nous, ceci implique un surcroît de travail. Nous mettons à disposition des chefs de projets expérimentés un collaborateur plus jeune branché en technologie informatique qui les aide au besoin. Toutefois, notre objectif est que même des chefs de projets chevronnés puissent réaliser de manière autonome des projets entièrement dématérialisés. Pour les architectes, je vois une contradiction fondamentale: Pendant leur formation ils apprennent à trouver pour chaque projet une solution en adéquation avec la situation. Or, avec la numérisation, les processus et solutions doivent être uniformisés. C’est pour cela que la numérisation progresse si lentement. Toutefois, l’uniformisation est également contraire à notre positionnement. Nous recherchons des solutions non standardisées pour pouvoir proposer des portes et portails dans le respect des plans. Par exemple pour l’extension du Kunsthaus de Zurich, les portes sont un élément décoratif clairement défini: Elles sont entièrement plaquées de laiton à arêtes vives, surdimensionnées et divers composants électri­ ques y sont intégrés. Vu qu’elles ne comportent aucun élément standard, la porte est unique – et conçue sans aucune méthode BIM. Marcel Frank, propriétaire de l’entreprise Frank Türen, Buochs NW

Lehmann, Gossau SG

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Éprouvés, d’actualité et d’avenir Depuis plus d’un siècle, les systèmes de protection solaire classiques conservent leur place et jouissent même d’un regain de popularité croissante – dans le domaine des bâtiments historiques tout comme pour les bâtiments contemporains. Texte: Mathias Remmele

Il existe une sorte de ‹ déformation professionnelle › qui est la passion de nombreux architectes, hommes et femmes, pour des constructions qui se caractérisent par leur simplicité, leur clarté et leur efficacité. Pour des constructions qui ont fait leurs preuves depuis longtemps et qui défendent leur place en dépit d’alternatives modernes. Pour des constructions qui associent de manière exemplaire fonctionnalité et esthétique. L’élégance d’un classique en milieu contemporain Dans la vaste gamme des systèmes de protection solaire qui doivent répondre aux exigences en matière de protection des bâtiments historiques, ce sont surtout les stores à bras ciseaux que l’on trouve dans cette catégorie. Les stores à bras ciseaux sont et demeurent les classiques des solutions d’ombrage de qualité. Il est peu surprenant que ceci en fait le choix de référence lorsqu’il s’agit de bâtiments historiques et classés au patrimoine culturel. Mais ce qui est remarquable c’est que les stores à bras ciseaux sont également utilisés pour des nouvelles constructions au caractère résolument contemporain. Le Quartier des Halles à Morges au bord du lac Léman, construit ces dernières années selon les plans du bureau Aeby Perneger & Associés, en est un bon exemple. Situé à proximité immédiate de la gare, ce vaste quartier comprend plusieurs blocs de bâtiments. En plus de nombreux appartements et bureaux, la situation en plein centre-ville a favorisé la création de locaux pour des commerces de détail et des restaurants, en particulier en rez-de-chaussée, dont les grandes baies vitrées rendaient indispensable une solution de protection solaire. C’est pour de bonnes raisons que Aeby Perneger ont opté dans ce cas pour des stores à bras ciseaux. Avec cette protection solaire textile, la façade qui est d’une plasticité affirmée avec son alternance résolue de piliers et de baies vitrées se voit dotée d’un complément linéaire harmonieux. Lorsqu’elles sont rentrées, les toiles des stores disparaissent en dessous des dalles en porte-à-faux tandis que les ciseaux repliés, qui sont fixés aux cadres des fenêtres, se font discrets et sont à peine visibles à distance. En outre, il convient de ne pas sous-estimer l’effet des stores sur l’atmosphère dégagée par les lieux. Leur

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aspect uniforme et leur élégance classique donnent aux nouvelles constructions une touche de charme citadin, augmentent l’attrait du nouveau quartier et favorisent son intégration dans l’espace urbain. C’est un effet comparable que l’on peut observer sur l’immeuble résidentiel et commercial conçu par Caruso St John Architects, situé à Zurich sur la Europaallee, qui a été achevé en 2013. À la différence de leurs confrères de Suisse occidentale, les architectes britanniques ont mis à profit les stores en tissu pour conférer à l’immeuble une note fortement colorée. La protection solaire gagne en visibilité en tant qu’élément de la conception de la façade. Lorsqu’ils sont repliés, les stores à bras ciseaux s’effacent toutefois très discrètement en arrière-plan comme à Morges. Le store à bras ciseaux est le classique éprouvé sur le long terme de la protection solaire textile qui, comme le montrent les exemples cités, a également sa place dans l’architecture contemporaine. Et pourtant, en Suisse comme dans d’autres pays européens, il n’y a de nos jours que peu d’entreprises dont la gamme standard comporte ce classique et qui possèdent le savoir-faire nécessaire pour leur fabrication. Une image de marque valorisée Kästli Storen figure parmi ces quelques entreprises de tradition. Depuis sa fondation en 1937, l’entreprise n’a cessé de fabriquer des stores à bras ciseaux à Berne. Même dans les périodes pendant lesquelles nombreux étaient ceux à qui ce type de protection solaire semblait obsolète, elle demeura persuadée de leur qualité toute particulière et n’en abandonna pas la production. Tandis que la concurrence mise sur l’industrialisation et la standardisation et recourt de nos jours, pour la fabrication de stores, presque exclusivement à des constructions composées de profilés en aluminium, Kästli s’en tient fermement au savoir technique et aux capacités artisanales requises pour l’usinage de profilés en acier – dont sont également constitués les bras à ciseaux. « L’usinage de l’acier est certes un processus assez lourd mais en revanche le matériau est malléable. De plus, les profilés en acier sont beaucoup plus filigranes et plus élégants →

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Une construction historique dans le contexte contemporain: un store avec des bras à levier à la Zollhaus de Zurich.

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→ que les profilés en aluminium », explique Marc Kästli, qui dirige aujourd’hui dans la troisième génération l’entreprise familiale fondée par son grand-père. Grâce au savoir-faire entretenu et renforcé pendant des décennies ainsi que la production dans sa propre manufacture, Kästli est à même de développer et de mettre en œuvre des solutions personnalisées en coopération avec les clients. « Pour les productions spéciales liées à un projet défini, en tant qu’entreprise de taille relativement modeste, notre flexibilité est bien sûr tout autre que ce n’est le cas de gros fournisseurs », dit Marc Kästli. Perpétuer des constructions éprouvées et cultiver la tradition des produits sont des engagements qui lui tiennent tout particulièrement à cœur – et lui permettent de renforcer l’image de marque de l’entreprise.

C’est dans ce contexte que Kästli s’est récemment décidé à relancer la construction d’un store qui faisait partie du portefeuille de l’entreprise dans les premières années et qui avait probablement été développé par son grand-père: une version très simplifiée du store à bras ciseaux qui apparaît dans d’anciens prospectus comme étant le ‹ store à bras de levier › et qui est commercialisé de nos jours sous le nom de produit ‹ Sunline 6450 Passage ›. C’est une construction passionnante, même d’un point de vue purement formel, qui convient particulièrement là où les stores ont une partie en porte-à-faux qui est plutôt de faible envergure. Grâce à sa géométrie claire qui lui donne une allure tout à fait intemporelle, ce store se prête non seulement à des projets historiques mais aussi à des réalisations dans un contexte contemporain. C’est ce que prouve de manière exemplaire la Zollhaus de Zurich, construite en 2020 d’après des plans du bureau Enz­mann Fischer Partner. Grâce notamment à leur matérialisation avec des profilés en acier zingué, ces stores montés sur les devantures elles-mêmes dotées d’un bardage en zinc s’affichent comme des composants participant de manière évidente et résolument contemporaine à la conception architecturale. Un marché en pleine expansion La restauration des bâtiments historiques, en particulier lorsqu’il s’agit de biens classés monuments historiques, est un domaine d’utilisation quasi ‹ naturel › des systèmes de protection solaire traditionnels. Pour Kästli Storen, c’est un important marché en croissance depuis des années. Dans ce domaine, la mise en valeur de l’expertise de l’entreprise, en matière de technologie et de

Nouvelle construction lotissement résidentiel et commercial Zollhaus, 2021 Zollstrasse 109–121, Zurich Maître d’ouvrage: coopérative Kalkbreite, Zurich Architecture: Enzmann Fischer Partner, Zurich Architecture paysagiste: Koepflipartner, Lucerne Planification des structures: HKP Bau­ingenieure, Zurich Ingénieurs en construction bois: Josef Kolb Ingenieure & Planer, Romanshorn Direction des travaux: FFBK, Zurich Développement durable: Durable, Zurich Physique du bâtiment: Bakus, Zurich Protection solaire: Kästli, Belp

Store à bras ciseaux de construction simplifiée.

Photo: Annett Landsmann Des profilés en acier zingué sur les devantures bardées de zinc.

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Nouvelle construction Quartier des Halles, 2020 Place de la Gare 2, Morges VD Maître d’ouvrage: CFF Immobilier Architecture: Aeby Perneger & Associés, Carouge Entreprise totale: HRS Real Estate, Frauenfeld Architecture paysagiste: Oxalis, Carouge Ingénieurs en génie civil: T ingénierie, Genève Physique du bâtiment: Sorane, Ecublens Protection solaire: Kästli, Belp Photo: Giorgio Marafioti

Des stores à bras ciseaux déployés.

Les stores à bras ciseaux se distinguent par une grande projection avec des profilés filigranes.

construction, est tout aussi probante que ses possibilités de fabrication sur mesure ou en petite série liée à un projet spécifique. En effet, la mise en place de solutions standard dans des constructions anciennes est en règle générale absolument inconcevable. Les biens classés monuments historiques sont principalement des édifices qui ont été construits entre la fin du 19è et le milieu du 20è siècle. À cette époque, les systèmes de protection solaire en toile étaient généralisés. Les architectes les intégraient à leur planification de façade. C’est ainsi qu’ils étaient fréquemment un élément essentiel des concepts de couleur d’origine. « C’est principalement dans les années 70 que ces stores en toile furent très souvent remplacés par des stores à lamelles », rapporte Marc Kästli. Aujourd’hui, en cas de projet de rénovation, ce type de mesures de modernisation indélicate sont la plupart du temps retirées – no-

tamment sous la pression des Services des monuments historiques. Ceci concerne les hôtels et les édifices commerciaux aussi bien que les bâtiments scolaires. Les stores mis en place sur les bâtiments historiques sont surtout des stores à bras latéraux et des stores à projection avec guidage par tige ronde. Le store à bras latéraux a été développé vers le milieu du 18è siècle et est considéré comme l’archétype du store en toile. Sa construction est d’une extrême simplicité: La longueur des bras latéraux définit, en interaction avec les dimensions de la toile, l’angle de projection et le porte-à-faux de la protection solaire. Ce store est fréquemment utilisé pour des hôtels et pour l’ombrage de vitrines. Des exemples du rôle déterminant de ces stores pour le look estival de nombreux vénérables hôtels sont indéniablement le ‹ Royal Savoy › de Lausanne et le ‹ Réserve Eden au Lac › de Zurich. →

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Plan de construction d’un store à projection.

Transformation et rénovation Complexe scolaire Gubel B, 2021 Regensbergstrasse 153, Zurich Maître d’ouvrage: ville de Zurich Architecture: Nik Biedermann, Zurich Réalisation de la construction: b + p Baurealisation, Zurich Protection solaire: Kästli, Belp Photo: Wolf-Bender’s Erben / Archives d’histoire de l’architecture Zurich

Modèle classique avec construction filigrane en acier.

→ Les stores à projection, que l’on désigne également de marquisolettes, ont été créés au 19è siècle. C’est une combinaison de stores à descente verticale et de stores à bras latéraux. Lorsque l’on déploie le store, la partie inférieure est automatiquement en projection si bien qu’il est possible, à partir de la partie basse de la surface ombragée de la fenêtre, d’avoir une vue dégagée sur les alentours. Les stores à projection sont particulièrement appréciés pour les immeubles de bureaux et les bâtiments scolaires. Pour les bâtiments historiques, on utilise le modèle classique avec une construction filigrane en acier. Un maillon de chaîne, soudé sur le bras de projection, enserre les tiges de guidage latéral des stores dont les extrémités inférieures sont recourbées vers l’arrière comme des crochets. Lorsque l’on déploie le store, le bras de projection bascule dès qu’il atteint la partie recourbée en suivant le poids vers le devant et entraîne la toile avec lui. C’est exactement ce modèle qui a été mis en œuvre dernièrement lors de la transformation et de la rénovation du complexe scolaire Gubel à Zurich-Oerlikon ; la planification a été confiée à l’architecte Nik Biedermann. Dans le cadre de cet ensemble de bâtiments érigés à différentes époques, Kästli a livré les stores pour la salle de sport, construite en 1910, ainsi que pour l’ancienne maison du gardien et pour le bâtiment scolaire B qui date de 1933. Nik Biedermann, qui s’est consacré à ce projet de rénovation avec beaucoup d’engagement et un sens inné pour le détail, s’est montré convaincu de la qualité de la protection solaire textile – au-delà des prescriptions du

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Plan de construction d’un store à projection.

Service de la protection des bâtiments historiques. Il s’est déclaré « très heureux qu’il existe encore en Suisse une entreprise comme Kästli qui a les types de stores traditionnels dans sa gamme de produits ». Lors de la collaboration, il a également été impressionné par la volonté de Kästli de réaliser spécialement pour ce projet des stores avec des bras de projection d’une longueur inhabituelle en dépit de réserves du point de vue technique. Pour lui, un autre aspect du système d’ombrage en toile est essentiel: la longévité de la mécanique en acier. Les stores qui dataient de la construction du bâtiment B ont accompli leur service pendant de nombreuses décennies avant de devoir être en­tièrement remplacés. C’est sûr qu’il en sera exactement de même avec les stores mis en place.

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Des stores traditionnels sur un bâtiment historique: les stores à projection du bâtiment scolaire Gubel à Zurich.

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Dans le respect du patrimoine historique Les bâtiments historiques imposent des exigences toutes particulières à l’interaction entre les architectes, les artisans et les Services de protection des monuments historiques. Nous nous sommes rendus sur place, dans le centre de Zurich, pour un état des lieux. Texte: Urs Honegger

Nous avons rendez-vous avec Alessandro Vassella sur la place de l’église Fraumünster dans le centre de Zurich. C’est un homme d’un certain âge, élégamment vêtu de noir, foulard rouge autour du cou, barbe blanche. Son regard glisse sur les façades de la Fraumünsterstrasse, puis descend jusqu’à la Bürkliplatz avec vue sur le lac de Zurich et en toile de fond les Alpes d’un blanc étincelant. Mais il se pose juste en face, sur l’immeuble d’angle du Zentralhof qui se situe au croisement Fraumünsterstrasse 29 / Poststras­se 1. L’année dernière, Vassella en a rénové la façade. En visite dans le quartier de Kratz Alessandro Vassella connaît bien le quartier qu’il appelle le « Kratz » ; c’est ainsi qu’il était désigné jusqu’à la fin du 19è siècle à cause de sa forme en « Kratten », c’est-àdire en panier, entre la Limmat, le lac et le Fröschengraben. Il est architecte spécialisé dans la réhabilitation des bâtiments historiques et est en charge de différents édifices. Nous prenons la Storchengasse en direction de la Weinplatz, remontons la Strehlgasse puis descendons la Rennweg. Des touristes dont l’attention se porte surtout sur les vitrines illuminées des rez-de-chaussée flânent à nos côtés. À maintes reprises, Vassella nous signale des détails sur les façades: entre autres, une garniture en bois dont la matérialité ne correspond pas au cadre historique, un immeuble d’angle qui s’écarte de l’alignement avec une saillie d’un demi-mètre au-dessus de la ruelle. L’immeuble à l’angle de la Fraumünsterstrasse 29 et de la Poststrasse 1 a vécu une histoire mouvementée. Il a été inauguré en 1838 en tant que partie du Posthof, conçu par l’architecte Hans Conrad Stadler sur mandat de la ville. « Autour de 1830, la circulation de et vers Zurich était devenue si dense que la situation de la poste dans le dédale des coins de la vieille ville, le Niederdorf, était devenue insupportable » – c’est ainsi que la NZZ décrivait la situation de départ dans son édition du soir du 11 mars 1969. La Poststrasse vit alors le jour, dans le prolongement du nouveau Münsterbrücke comme voie de sortie en direction de Baden et de la rive gauche du lac. « Le ‹ Posthof › devint rapidement le centre de la Zurich touristique », poursuit le journal, « l’hôtelier Baur y érigea à côté son hôtel ‹Baur en ville › et peu après il construisit également son hôtel ‹Baur au lac › à proximité. » Vers 1870, la poste emménagea dans un nouvel édifice sur la Bahnhofstrasse. Les architectes Adolf et Fritz Brunner agrandirent et transformèrent le Posthof en complexe résidentiel et commercial, le Zentralhof.

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Dans un environnement autant chargé d’histoire, il va de soi que la rénovation de la façade est soumise aux prescriptions du Service des bâtiments historiques. – De quoi a-t-on donc besoin pour que l’interaction maître d’ouvrage, architecte et Service des bâtiments historiques fonctionne? « Les bons artisans sont monnaie rare », répond Vassella de manière évasive. C’est pourquoi il travaille la plupart du temps avec les mêmes personnes qui ont fait leurs preuves et également avec les mêmes entreprises. Avec Kästli, par exemple, dans le domaine de la protection solaire ou avec le tailleur de pierre Abraxas pour les travaux en pierre naturelle. Ce sont des entreprises et des artisans qui maîtrisent le moindre détail de l’exécution, qui réalisent des fabrications spéciales comme celles exigées par les bâtiments historiques et les prescriptions du Service des monuments historiques. C’est avec joie et admiration qu’il raconte connaître un constructeur de fenêtres qui peut réparer les renvois d’eau des vantaux sans démonter les vitres. Mais ce sont également les conditions-cadres spécifiques des bâtiments historiques qui impliquent que les appels d’offres lancés par les architectes soient précis. « Il arrive même parfois que j’apprends des choses aux artisans », dit Vassella. C’est ainsi que je leur explique, par exemple, pourquoi il est exigé de manière explicite pour les fenêtres l’utilisation de carrelets à lamelle continue – parce qu’ils sont plus justement plus durables et nécessitent moins d’entretien. Mais ceci ne fonctionne que lorsque le maître d’ouvrage accepte le surcoût supplémentaire. Un compromis pour le concept de couleur Les prescriptions en matière de protection des bâtiments historiques s’appliquent également dans le domaine de la protection solaire. Voici ce qu’écrit à ce sujet Alessandro Vassella dans une documentation: « En matière d’aménagement, il s’agit, en cas de remplacement, de créer une solution esthétique pour chaque état d’utilisation qui s’inscrit harmonieusement dans la conception visuelle globale [ ... ] tout en étant simple à utiliser et dont l’entretien est optimisé technologiquement. » C’est en collaboration avec l’entreprise Kästli Storen et en concertation régulière avec le Service des monuments historiques de la ville de Zurich que les concepts de couleur pour les fenêtres et les lambrequins, le type de store et le tissu ont été déterminés. Le choix s’est porté sur un store filigrane à projection doté d’une toile beige assortie au grès du →

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Façade sur la Fraumünsterstrasse. Plan: Alessandro Vassella

Construction en coupe verticale.

Des stores à projection filigranes avec un tissu de couleur beige. Photos: Caroline Krajcir

Rénovation de façade Fraumünster­strasse 29 / Poststrasse 1, 2021, 1ère phase de construction Maître d’ouvrage: privé Architecture: Alessandro Vassella, Zurich Protection des bâtiments historiques: Service des monuments historiques de la ville de Zurich Fabricant de lambrequins: Hans-Ulrich Sigerist Spenglerei & Metalldrückerei, Schöftland Protection solaire: Kästli, Belp

Les tôles de recouvrement à encoche marquent l’aspect de la façade.

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→ bâtiment. Le montage des tiges de guidage en acier in­ oxydable dans l’ouverture des fenêtres les rend discrètes; de l’extérieur, on ne voit que quelques éléments en métal. L’architecte a vu, sur de vieilles photos, qu’à l’origine les immeubles d’habitation n’étaient pas équipés de protection solaire. Les ouvertures de fenêtres avaient été construites sans caissons de volets roulants. Il n’y avait donc pas de modèle historique pour une protection solaire extérieure. Pour que la solution soit peu voyante, Alessandro Vassella aurait volontiers opté pour une marquise à projection sans lambrequin. « Toutefois, si l’on relève les stores à des hauteurs différentes, en particulier manuellement, l’aspect obtenu est peu uniforme. » C’est pourquoi l’architecte s’est décidé pour un lambrequin qui cache la tige et ses éléments de fixation. Ce n’est pas la première fois que des stores de Kästli et des lambrequins ont été mis en place dans cette rue. Au 29 de la Fraumünsterstrasse, c’est le même lambrequin qui a été choisi que pour la transformation d’un bâtiment de la Banque Nationale Suisse, quelques immeubles plus loin en direction du lac. La manufacture Sigerist à Schöft­ land a pu utiliser une deuxième fois l’outil qu’elle avait spécialement conçu à l’époque à la demande de Kästli. Elle a gaufré une encoche rectangulaire dans la tôle qui marque la structure de la façade. Lors de la rénovation, c’est surtout le concept de couleur qui fit parler de lui. Plutôt que le vert proposé par Vassella pour les châssis de fenêtres et les lambrequins, le Service des monuments historiques avait voulu un anthracite avec une faible proportion de couleur. « J’ai alors fait un peu pression », raconte Vassella. Le bâtiment administratif qui abrite les bureaux du Service des monuments historiques a finalement, lui aussi, des fenêtres vertes. Les participants ont trouvé un compromis: les cadres des fenêtres et les lambrequins sont désormais vert foncé. « La plupart du temps, ce ne sont pas des architectes qui travaillent dans les Services des monuments historiques mais des historiens de l’art », dit laconiquement Vassella. Entre empathie et souveraineté Deuxième rendez-vous, peu éloigné de la Fraumünsterstrasse. C’est directement en contrebas du Lindenhof que se trouve le bâtiment administratif IV qui abrite le Service des monuments historiques. Mireille Blatter y dirige le département de conseils en construction. Elle nous reçoit dans la salle de réunion dont les fenêtres donnent sur les façades historiques qui s’alignent le long de la Limmatquai. « L’intérêt pour la protection des bâtiments historiques vient par vagues; c’est intimement lié à des thèmes d’actualité politique et sociétale », dit Mireille Blatter. En ce moment, on y prête à nouveau davantage d’attention. Dans son travail, elle est partagée entre deux sensibilités. « D’une part, nous essayons de trouver une solution amiable avec les propriétaires de biens classés au patrimoine, donc de faire preuve d’empathie pour leurs besoins. » Finalement, les bâtiments historiques devraient remplir leur fonction pour les gens d’aujourd’hui. « D’autre part, j’ai une tâche qui relève de la puissance publique et j’aimerais répondre aux exigences des bâtiments historiques. » Entre les deux, il s’agit toujours de trouver une solution qui convient à toutes les parties impliquées. « Dans nos décisions, nous essayons toujours de garder à l’esprit l’ensemble de la réalisation architecturale. » C’est ainsi que Mireille Blatter se souvient aussi de la rénovation de la façade du 29 de la Fraumünsterstrasse. Le Service des monuments historiques avait pour tâche d’approuver le concept de couleur qui lui avait été soumis. « Nous avions voulu garder la couleur plus proche de

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l’original et en même temps renforcer l’unité du bloc d’immeubles. » Et puisque les fenêtres de l’immeuble voisin sont presque noires, on a examiné plusieurs variantes et finalement on a approuvé une autre couleur, le vert. « Les fenêtres sont les yeux de l’immeuble », dit Mireille Blatter. Elles ont une importance cruciale pour l’aspect caractéristique d’un bâtiment historique. C’est pourquoi, la ville met un guide à disposition des urbanistes et des architectes pour une « approche des fenêtres dans le respect du patrimoine historique des centres-villes et à proximité de biens classés bâtiments historiques ». On peut y lire: « Les fenêtres et leurs éléments comme les embrasures, les appuis de fenêtres, les cadres, les ferrures, les vitres et la protection solaire font partie intégrante de l’architecture et sont donc essentielles pour l’aspect extérieur des biens inventoriés ou classés. » C’est surtout en été, lorsqu’elles restent fermées pendant des semaines, que cela fait une grande différence pour les façades si ce sont des stores à lamelles, des marquises en tissu ou des volets battants qui assurent la protection solaire. De plus, les prescriptions en matière de protection de la santé et de l’environnement de Zurich ( UGZ ) doivent être respectées. On peut lire dans le guide que « lorsque les pièces sont climatisées, la protection solaire extérieure doit absolument être automatisée ». Ce n’est par exemple pas possible avec les volets battants traditionnels. Il faut alors monter une protection solaire supplémentaire. Dans les centres-villes et pour les biens inventoriés et classés, il faut donc une « solution au cas par cas ». Mireille Blatter ajoute qu’une bonne collaboration présuppose la compréhension par le maître d’ouvrage des conditions spécifiques de chaque bien, l’expertise des architectes et le savoir-faire des artisans. Pour son travail, elle est tributaire de spécialistes, également en matière de protection solaire. Elle pense qu’il est important qu’ils aient leur propre atelier « parce que la plupart du temps les solutions standardisées ne fonctionnent pas ». Petites interventions et gros efforts La promenade avec Alessandro Vassella se termine de l’autre côté de la Limmat, dans la Niederdorfstrasse. Ici, un droguiste a besoin de marquises pour que ses produits ne souffrent pas trop de la chaleur derrière la vitrine. Les marquises se trouvent au-dessus du domaine public et nécessitent donc, en plus du permis de construire, une autorisation du Service des ponts et chaussées. Pour cet immeuble, Vassella a conçu une protection solaire avec Marc Kästli: Trois marquises à projection sont montées entre la corniche en grès et les vitrines. Certes, la hauteur est prescrite par le Service des ponts et chaussées pour que les véhicules de nettoyage de la ville puissent passer en dessous de la protection mais la hauteur de la corniche et du mécanisme de projection est inférieure à ce qui est prescrit. « Grâce au soutien du Service des bâtiments historiques, nous avons eu l’accord préalable du Service des ponts et chaussées pour la trop faible hauteur », raconte l’architecte. Avec les échantillons du fournisseur de Kästli, les parties impliquées ont pu choisir les tissus adéquats de manière simple et rapide. Il pense que les plans d’archives sont dangereux si l’on n’examine pas la réalité sur l’ouvrage lui-même. « Pour les dessins d’atelier de Kästli, nous avons pris les mesures ensemble et les tiges fabriquées ont été modifiées par rapport au standard. » L’exemple le montre: Même de petites interventions impliquent, dans la vieille ville historique, d’importants efforts et beaucoup de minutie. Car seule cette manière conduit à des solutions qui, en fin de compte, satisfont tout le monde.

Cahier thématique de Hochparterre, mars 2022 — Entre banque de données et protection du patrimoine — Dans le respect du patrimoine historique

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Discrètementintégrée Discrètement intégréeààlalafaçade façade historique: historique: la protection solaire auprotection la 29 de la Fraumünsterstrasse solaire au 29 de laàFraumünsterstrasse Zurich. à Zurich.

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Entre banque de données et protection du patrimoine Que signifie la planification numérique pour les fabricants et les fournisseurs dans le secteur de la construction? Ce cahier thématique montre comment l’entreprise Kästli met en œuvre une protection solaire sur mesure pour la construction planifiée avec BIM du nouvel hôpital pédiatrique de Zurich, comment les fabrications spéciales pour des bâtiments historiques doivent répondre aux exigences du Service des bâtiments historiques et comment des modèles de stores traditionnels font leurs preuves sur des façades contemporaines. www.kaestlistoren.ch

Rénovation et transformation Märthof, 2017 – 2021 ( recto ) Marktgasse 19, Bâle Maître d’ouvrage: Coop Immobilien AG, Bâle Architecture: Burckhardt + Partner, Bâle Travaux de menuiserie: Bach Heiden, Heiden AR Tailleur de pierre: Mesmer AG, Muttenz Protection solaire: Kästli, Belp

Nouvelle construction siège de l’OKB-Hauptsitz, 2021 ( verso ) Im Feld 2, Sarnen OW Maître d’ouvrage: Obwaldner Kantonalbank Architecture: Seiler Linhart, Lucerne / Sarnen Planification des coûts, accompagnement du maître d’ouvrage: Büro für Bauökonomie, Lucerne Direction des travaux: Eggimann Architekten, Sarnen Ingénieurs construction bois, protection contre les incendies, Physique du bâtiment: Pirmin Jung, Rain Ingénieurs civils: CES, Sarnen Architecture paysagiste: Freiraumarchitektur, Lucerne Construction bois: Holzbautechnik Burch, Sarnen, et Küng Holzbau, Alpnach Protection solaire: Kästli, Belp

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