Un colosse méconnu (version française)

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Un colosse méconnu Une recherche concernant les gros projets, la politique de construction de logements, les ventes de biens immobiliers et les données financières de CFF Immobilier, ainsi que les liens de cette division avec la caisse de pensions des CFF. Résumé en français.


Un colosse méconnu Sans faire de bruit, la division Immobilier des CFF mandatée par le Conseil fédéral est devenue la deuxième entreprise de son secteur d’activité. Il est temps de se demander si cela se justifie. Texte: Niklaus Scherr, Collaboration: Rahel Marti, Illustrations: Patric Sandri

« D es immeubles idéalement situés »: il ne faut que quelques mots à CFF Immobilier – la division immobilière des Chemins de fers fédéraux – pour faire sa publicité. Il y a une quinzaine d’années, les CFF ont commencé à construire des bureaux, des magasins et des logements dans le périmètre d’anciennes gares. Les affaires réalisées avec des parcelles que les CFF ou leurs prédécesseurs avaient obtenues gratuitement ou à bas prix ont permis à leur division immobilière de devenir un colosse dans son domaine. Tout cela sur instructions du Conseil fédéral qui, dans son mandat de prestations, exige que CFF Immobilier utilise ses bénéfices pour soutenir la division Infrastructure et combler le trou de la caisse de pensions des CFF. En 2010, Hochparterre a proposé pour la première fois une vue d’ensemble des projets en cours des CFF et remis en cause le mandat de prestations. En effet, les objectifs de rendement de cette société anonyme ne sont pas toujours compatibles avec ceux de l’urbanisme. Le dilemme est le suivant: des logements chers et des billets bon marché ou des billets chers et des logements bon marché ? Aujourd’hui, en 2018, bon nombre des grandes réalisations de l’époque sont achevées, de nouveaux projets ont été lancés et le trou dans la caisse de pensions s’est réduit. La stratégie de la Confédération fait donc ses

preuves, mais si le trou diminue, ne devrait-on pas réviser le mandat ? Avait-on vraiment pour but de faire des CFF la deuxième société immobilière du pays ? Et si oui, à quelles conditions ? Cette question reste aussi actuelle qu’en 2010. Notre travail de recherche contient sept chapitres: gros projets, construction de logements, politique, secteur d’activité, biens immobiliers, finances et histoire – suivis d’un commentaire. Un aperçu des travaux envisagés et des projets réalisés depuis 2010 complète la publication. CFF Immobilier n’a accordé aucun entretien au sujet de sa politique immobilière et n’a tout d’abord répondu qu’avec réticence aux questions portant sur ses données chiffrées. Seules les dernières réponses obtenues étaient informatives et complètes. Peu de temps après, divers médias ont parlé des objectifs de CFF Immobilier: il s’agissait d’accroître encore la mise en valeur des gares et de construire 10 000 logements, dont un tiers à prix modérés. Cet objectif figurait toutefois déjà dans le rapport de gestion 2014. Nous avons examiné les faits qui nous ont finalement été communiqués, pour constater que les CFF – qui ont fait autrefois œuvre de pionniers dans la construction de logements d’utilité publique – ont multiplié de nos jours leur proportion de logements du marché libre, le plus souvent dans le segment supérieur. L’objectif promis d’un tiers d’habitations bon marché n’est pas encore en vue.

Le journaliste Niklaus Scherr a été secré­ taire de la section zurichoise de l’Asso­ ciation suisse des locataires et membre du législatif de la ville de Zurich avec la Liste alternative. Il siège au comité de l’as­ sociation Noigass.

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Gros projets: bassin lémanique, Bâle et Zurich Ce chapitre se concentre sur trois régions: le bassin lémanique, Bâle, ainsi que Zurich. Cette dernière ville constitue indéniablement le centre de gravité de l’activité de CFF Immobilier: après les projets d’Europaallee, de Westlink, de Letzibach C et de la Zollstrasse, sans oublier deux immeubles de bureaux, des études sont en cours pour les projets de Werkstadt, de Hardfeld et de la Neugasse. En règle générale, la division CFF lance des concours d’architecture, mais tente quand c’est possible de réaliser ses gros projets dans le cadre des règlements sur les constructions existants, donc sans autres concessions politiques. Pour les tours Andreas et Franklin, à la gare d’Oerlikon, elle a transféré des réserves de construction depuis des parcelles CFF voisines, par exemple depuis des bords de voie qui n’auraient pas du tout pu être construits de manière isolée. Elle s’est battue au centimètre près avec les autorités et les instances de recours pour savoir quelle était la distance exacte à respecter par rapport aux chemins de fer – 2,5 mètres ou seulement 1,69 mètre depuis le milieu des voies. Les critiques zurichoises font leur effet à Bâle Cette manière de faire atteint ses limites lorsque les changements de zones et les plans d’aménagement sont inévitables ou que la structure de la propriété foncière contraint à des coopérations. De plus, les logements aux prix surfaits construits à l’Europaallee ont leur prix politique: avec les critiques publiques, les CFF sont sur la défensive par rapport aux organisations d’utilité publique. Ces dernières exigent que les logements de luxe soient compensés, dans les projets suivants, par des logements à prix modérés. Rapidement, 8000 signatures sont récoltées pour une pétition demandant que le secteur de la Neugasse à Zurich soit bâti selon le principe de l’utilité publique. Ces critiques exprimées à Zurich modifient aussi le cours des choses à Bâle pour les CFF, dont la réputation est en jeu. Sur les bords du Rhin, où de gros projets sont en cours, le plan de quartier Volta Nord négocié par la société ferroviaire et le gouvernement cantonal ne prévoyait aucun logement à prix modéré, mais la commission compétente du Grand conseil y a ajouté un tiers de logements de ce type et est parvenue à faire adopter cette idée par le Parlement. Particularités genevoises Depuis 2007, Genève applique sa Nouvelle politique du logement ( NPL ), sur laquelle le canton, les associations de propriétaires et de locataires ainsi que d’autres organisations se sont mis d’accord. Alors qu’auparavant le canton subventionnait surtout la construction de logements sociaux – aux mains d’investisseurs privés – qui

rejoignaient le marché libre après vingt ans, la NPL exige un minimum de 20 % de logements d’utilité publique ( LUP ) sur le territoire cantonal: le loyer de ces logements appartenant au canton, aux communes ou à des organisations sans but lucratif est soumis à un taux d’effort et d’un taux d’occupation. Pour cela, le canton met à disposition chaque année quelque 35 millions de francs. Comme le but de 20 % de LUP visé pour 2016 a été largement manqué – le résultat a été de 9,9 % –, le gouvernement souhaite maintenant élever à 33 % la proportion minimale de LUP à construire dans les zones de développement. Les zones de développement correspondent à des secteurs de densification soumis à un plan localisé de quartier. Celui-ci indique les surfaces à bâtir et les proportions d’affectation respectives, mais il doit aussi prévoir une densité de construction minimale ( art. 2A LGZD ). Les logements locatifs d’une zone de développement doivent répondre, par leur typologie et leur loyer, aux besoins prépondérants de la population. Le canton contrôle les loyers durant les dix premières années au moins. Les logements en propriété sont autorisés sous certaines conditions, mais le canton fixe des prix de vente maximaux, qui s’appliquent pendant dix ans. L’acheteur doit en outre y déplacer son domicile. Toutes ces mesures permettent d’obtenir des prix sensiblement inférieurs à ceux du marché. Par ailleurs, la constitution cantonale mentionne explicitement le droit au logement, qui fonde un intérêt public suffisant pour édicter des droits de préemption et d’expropriation. Toutes ces interventions – qui peuvent sembler excessives vues d’autres cantons – ont été confirmées dans de nombreux arrêts adoptés par le Tribunal fédéral suite à des recours d’associations de propriétaires. Genève mise sur la convergence en matière d’aménagement: plutôt que d’entraver les communes comme c’est parfois le cas à Zurich, le canton met à leur disposition des instruments efficaces pour intervenir sur un marché du logement en surchauffe. Dans les objectifs stratégiques qu’il assigne aux CFF, le Conseil fédéral demande que ces derniers « s e concertent avec les autorités cantonales et communales pour réaliser des projets dans le périmètre des gares. » À Zurich, Genève et Bâle, cette exigence mène à des résultats contrastés. La question de savoir si la zone concernée doit être réaffectée exerce une influence, mais également et surtout le cadre dans lequel se fait l’aménagement du territoire, ainsi que la volonté des autorités locales. Les exemples les plus récents en sont les secteurs de Volta Nord à Bâle et de la Neugasse à Zurich. En d’autres termes: une marge de manœuvre existe lorsqu’on négocie et développe des projets avec CFF Immobilier.

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Construction de logements: des coopératives pionnières au colosse de l’immobilier Autrefois, les CFF se sont montrés novateurs dans la construction de logements pour leurs employés. En effet, comme les transports publics ne fonctionnaient pas avant le début du service et après la fin de celui-ci, les CFF avaient intérêt ou étaient même obligés d’offrir des habitations abordables à proximité des dépôts ou des gares. Elles ont donc soutenu les coopératives d’habitation des cheminots, qui ont de leur côté joué un rôle de pionniers dans le mouvement coopératif. Les premières de celles-ci ont été fondées en 1909 à Saint-Gall et à Rorschach. Ont suivi celles de Bienne, Lucerne et Zurich, Bâle, Brigue et Erstfeld, Berthoud, Rapperswil et Romanshorn. Les chemins de fer aidaient à l’acquisition des parcelles, mettaient du terrain en droit de superficie à disposition et garantissaient des hypothèques de second rang à bas prix. En échange, les coopératives de cheminots n’acceptaient que des employés des CFF. De nos jours, les CFF maintiennent 38 contrats de droit de superficie avec des coopératives de construction, pour un total de 1700 logements. La convention collective de travail en vigueur précise que « les CFF encouragent la construction de logements sociaux ». En 2012, ceux-ci ont vendu toutes les hypothèques des coopératives à la caisse de pensions des CFF pour 641,5 millions de francs, correspondant aux « conditions du marché », avec des taux d’intérêt garantis jusqu’en 2022. « Logements à loyer modéré »: étiquetage trompeur Trois événements ont induit un changement de paradigme: la transformation des CFF en une SA en 1999, la reprise de l’obligation d’assainir pour la caisse de pensions en 2007 et la promotion de CFF Immobilier en tant que division indépendante en 2008. Vache à cash du groupe ferroviaire, CFF Immobilier mène une course au rendement plutôt agressive. Les CFF n’ont pas été épargnés par les critiques à ce sujet: la construction de logements de luxe à l’Europaallee à Zurich en est devenue le symbole emblématique. Mais le rapport de gestion 2014 adoptait soudain un nouveau ton: « À long terme, les CFF construiront entre 3000 et 4000 appartements, dont un tiers environ seront proposés à prix avantageux », pouvait-on y lire. En 2015, CFF Immobilier a publié une prise de position ainsi qu’un dépliant intitulé « L es CFF s’engagent dans la réalisation de logements à loyers modérés. » Ces documents fixaient eux aussi comme objectif un tiers de logements à loyer ou prix modéré. Un petit film de relations publiques affirme pompeusement ce qui suit: « La situation du marché du logement est tendue en Suisse. En particulier en ce qui concerne les logements à

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louer à prix modérés. Dans ce segment, la demande est en hausse constante. Il faut davantage d’appartements nouveaux à prix abordables pour y répondre. Les CFF sont un élément de la solution. En matière de construction de logements à prix modérés, ils font déjà leur part. » Ces affirmations donnent l’impression que CFF Immobilier s’efforce d’atteindre une proportion accrue de logements bon marché. Or comme le montre le graphi­ que du dépliant, c’est l’inverse qui est le cas. Le parc des CFF compte 1000 logements à loyer modéré, ainsi que 200 logements loués au prix du marché. À long terme, le nombre d’habitations à prix réduit doit passer à 1700, alors que celui des objets à prix du marché doit être multiplié pour atteindre 3500. Alors que les logements du marché libre constituaient un sixième du parc en 2015, leur part doit atteindre deux tiers à long terme. Cela veut dire que la part de logements bon marché ne s’accroît pas, mais recule. S’y rajoutent les 1700 habitations des coopératives de cheminots, que les CFF souhaitent faire passer à 2450. CFF SA se cache derrière son passé Il est difficile de vérifier des chiffres fournis en bloc. À titre de vue d’ensemble des logements à prix modéré prévus, la division CFF Immobilier présente sur son site Internet un mélange d’appartements qu’elle fait construire elle-même et d’objets bâtis sur des parcelles qu’elle a déjà vendues. Si elle refuse de ventiler plus précisément ces données, elle précise tout de même que « loyer modéré » signifie « plus petit ou égal à la médiane des loyers offerts » selon Wüest Partner. Or dans un marché marqué par la pénurie et la surchauffe, cette valeur est toute relative. Pour ce qui est de la promotion des logements d’utilité publique, CFF Immobilier se vante de ses réussites passées. Les deux derniers contrats de droits de superficie connus ont été conclus en 2000 par les anciens CFF, pour la zone de Zurich Nord. Le millier de logements à prix modéré existants sont situés « avant tout dans des gares de taille petite à moyenne », ou des loyers plus élevés ne seraient de toute façon pas possibles. CFF Immobilier fait dans la surenchère Il n’y a pas que l’Europaallee où les loyers des logements CFF du marché libre relèvent du haut de gamme. Pour la tour Westlink de Zurich-Altstetten, les loyers proposés en 2016 étaient de 445 francs par mètre carré et par an, avec des pics à 625 francs. La médiane dans cet arrondissement de la ville était de 290 francs et le 90e

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Les CFF doivent fournir une contribution à la politique du canton

centile de 470 francs. Dans l’intervalle, les loyers ont baissé dans une proportion allant jusqu’à 17 %, en particulier ceux qui étaient supérieurs à 4000 francs par mois, visiblement parce que ces logements ne trouvaient pas preneur. À Schlieren, dans l’agglomération zurichoise, les CFF exigent 2065 à 2370 francs pour un 2½ pièces dans le lotissement ‹ Am Bahnhof ›, alors que le 90e centile est de 1490 francs. On y paie entre 2550 et 2770 francs pour 3½ pièces, et entre 2880 et 2990 francs pour 4½ pièces, alors que les 90es centiles dans les alentours sont respectivement de 1930 et 2350 francs. Enfin, dans la tour Meret-Oppenheim à proximité de la gare CFF de Bâle, les loyers proposés sont en moyenne de 395 francs par mètre carré, avec des pics atteignant 481 francs, cela alors que le 90e centile est de 320 francs par mètre carré ( s ource de tous les chiffres: Immomonitoring Wüest Partner 2018–1 ). L’héritage des coopératives est bradé Même l’image des CFF en tant que protecteurs des coopératives de cheminots a du plomb dans l’aile. En 2000, à la Neufrankengasse de Zurich, les CFF souhaitent profiter d’un élargissement des voies pour démolir les bâtiments locatifs construits en droit de superficie, après avoir exproprié la coopérative Dreispitz. En raison de la résistance des coopérateurs, ils décident finalement de déplacer ces bâtiments à grands frais sur quelques mètres. En 2002, ils rachètent le bâtiment, puis, en 2008, en congédient tous les habitants – principalement des employés CFF actifs dans la construction de voies et le triage. Finalement, en 2011, ils construisent sur ce terrain de nouveaux logements en propriété par étage. À Bâle, la coopérative Nord-West a cherché pendant des années un racheteur pour les 48 logements de cheminots construits en 1891 à la Tellplatz par l’entreprise privée Centralbahn. Ces appartements, qui lui avaient été cédés en droit de superficie par les CFF en 1985, étaient occupés principalement par des employés CFF originaires de la Sicile et de la Sardaigne. Toutefois, les coopératives n’avaient aucune chance de racheter ces immeubles, selon la fondation Habitat, en raison des « attentes exagérées » des CFF pour ce qui était du prix du droit de superficie. En 2012, ceux-ci se sont mis d’accord avec le comité de la coopérative pour vendre le terrain et les bâtiments à la société immobilière cotée en bourse Swiss Finance & Property Investment. L’assemblée géné­ rale de Nord-West a toutefois refusé cette vente à une majorité des deux tiers, puis a ouvert la voie à une solution: Nord-West a fusionné avec la coopérative Gewona, qui avait auparavant elle aussi fait une offre, mais en vain. C’est ainsi que le droit de superficie concédé par les CFF jusqu’en 2074 a pu être maintenu.

Tout le long des 5 gares genevoises du Léman Express, CFF immobilier est indéniablement un acteur clef du développement de ces secteurs. Ces nouveaux quartiers qui se construisent autour de cet axe ferroviaire sont une histoire partenariale ; CFF immobilier n’est donc jamais seul. Les autorités cantonales et communales ont défendu une vision intégrée avec des logements, des activités, des infrastructures publiques – comme la nouvelle comédie aux Eaux-Vives – et surtout des espaces publics. D’un point de vue de la planification et de l’aménagement du territoire, notre objectif est que CFF immobilier puisse pleinement jouer son rôle d’acteur immobilier tout en s’inscrivant dans la dynamique de renouveau urbain du canton, qui consiste à construire des logements pour toutes les catégories de la population et à soigner la qualité architecturale des projets. La collaboration avec CFF Immobilier se déroule très bien. Plus globalement, le canton de Genève amorce une mutation urbaine exceptionnelle qui passera par la montée en puissance du ferroviaire. La coopération avec la régie fédérale n’en est qu’à ses débuts et je me réjouis de pouvoir perpétuer nos relations sur les futurs projets. Antonio Hodgers conseiller d’état, département du territoire, république et canton de Genève.

Des logements pour de nombreux ménages Genève a gagné 100 000 nouveaux habitants en 22 ans. La démographie fut particulièrement forte durant les 5 dernières années ( 8000 personnes par an en 2014 et 2015 ). Avec une réserve de 127 hectares liée aux surfaces d’assolement, l’extension urbaine doit se concentrer en ville. Les projets de CFF immobilier s’ancrent dans ce contexte. Cet opérateur dispose de terrains au cœur de secteurs à développer avec le Léman express ( CEVA ). Les CFF donneront le la pour ces quartiers aujourd’hui populaires. La priorité doit donc être de répondre au besoin de la majorité de la population. Or, les CFF priorisent bureaux et logements de standing. Ces choix pèseront sur les habitants actuels et futurs dont les loyers seront soumis à une forte pression. Les CFF poursuivent un objectif de rentabilité maximale en oubliant que leur situation privilégiée découle de leur qualité de service public. Ces terrains leur appartiennent parce qu’ils étaient nécessaires au transport ferroviaire. Ceci justifie que les CFF soient contraints d’en user dans l’intérêt public qui, à Genève comme dans les autres grandes agglomérations, est de réaliser des logements accessibles au plus grand nombre.  Christian Dandrès, Genève, Avocat, Député au Grand Conseil, Membre du comité de

l’ASLOCA Suisse, L’Association suisse des locataires.

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Controversée: la tour d’habitations Opale à Chêne-Bourg ( bureau d’architectes: Lacaton Vassal ).

Des prix souvent plafonnés: le projet ‹ O’Vives › ( bureau d’architectes: Aeby & Perneger ).

À Genève, une nouvelle impulsion grâce au CEVA

être terminés en 2020. En 2017, les CFF ont vendu les 5170 mètres carrés destinés au bâtiment Esplanade 4 à Swiss Prime Site pour 108,4 millions de francs, soit près de 20 970 francs le mètre carré. Les CFF ont aussi l’intention de vendre les trois autres périmètres de l’Esplanade dans le cadre d’un appel d’offres. Le projet de Pont-Rouge a nécessité la réaffectation du secteur concerné, dont le statut est passé de ‹ zone ferroviaire › à ‹ zone de développement ›, ce que l’Asloca Genève a vertement critiqué et que la majorité de la fraction socialiste du Grand conseil genevois a également refusé en 2010. Les critiques portaient sur le déséquilibre créé par l’installation de 4600 emplois contre seulement 600 logements. Afin de restreindre les flux de pendulaires, l’Asloca prône un taux d’un emploi par logement.

Un nouveau train régional express est en construction sur le trajet Cornavin–Eaux-Vives–Annemasse ( CEVA ). Le canton en paie le tiers, la Confédération et les CFF les deux tiers restants. Le Léman Express roulera en grande partie sous la terre, la partie existante entre les Eaux-Vives et Chêne-Bourg sera enterrée ultérieurement. Les alentours des nouveaux arrêts sont aménagés par des sociétés ad hoc constituées des CFF, du canton et de la commune concernée, sur la base d’une déclaration d’intention signée en 2002 par le canton, la Confédération et les CFF. Pour les trois stations qui ne sont pas enterrées, des parcelles ont été réaffectées de la zone ferroviaire à la zone de développement et le canton s’est dit disposé à développer ce secteur en collaboration avec les CFF – ce qui laisse Quelque 640 logements à loyer modéré supposer qu’il compte utiliser son cofinancement comme Changement de décor. Sur une bande de terrain levier pour obtenir une compensation de la plus-value. s’étendant au sud-ouest des voies, toujours dans la commune de Lancy, le canton disposait d’un droit de préempPont-Rouge: un quartier de bureaux très rentable tion en vertu d’un accord datant de 2002. C’est ainsi que la Le secteur le plus important se situe à la gare mar- Fondation cantonale pour la promotion du logement bon chandises de La Praille, où a été construit le nouvel arrêt marché et de l’habitat coopératif ( FPLC ) a pu acquérir ces de Lancy–Pont-Rouge. L’accord conclu en 2002 contraint 62 572 mètres carrés pour 51,3 millions de francs, dont les CFF à reverser au canton un tiers de la plus-value réali- 17,3 millions à titre de participation au coût du démantèsée grâce au changement d’affectation, parce que celui-ci lement des voies ferrées. Le prix payé était donc très bas avait assumé en son temps un tiers des coûts d’achat. Pour puisqu’il atteignait à peine 820 francs par mètre carré. l’aire des CFF qui borde l’arrêt de train sur la commune L’indice d’utilisation est de 134 %. Une partie du quartier de Lancy, la société de projet Sovalp a établi deux plans Adret Pont-Rouge est déjà en construction: d’ici à 2021, il d’aménagement. Cette surface se situe à deux bons kilo- doit accueillir 640 logements. Les quinze immeubles sont mètres du centre-ville, mesure 9,7 hectares et fait partie bâtis par la FPLC et la commune ainsi que par des fondade l’énorme zone de développement de La Praille-Aca- tions et des coopératives, sur la base d’un droit de superficie. Au total, 80 % des logements sont d’utilité publique, cias-Vernets. Le quartier de bureaux qui est en construction des ce qui veut dire qu’ils appartiennent durablement à des deux côtés de l’arrêt de Lancy–Pont-Rouge doit compter maîtres d’ouvrage d’utilité publique et que leurs loyers, 103 500 mètres carrés de surface brute au sol, pour un contrôlés par l’État, doivent respecter un taux d’effort et indice d’utilisation de 368 % ! Par son style et sa densité, un taux d’occupation. Certains appartements sont aussi la construction rappelle l’Europaallee de Zurich. Maître vendus en propriétés par étage à des prix plafonnés par d’ouvrage de ce complexe, CFF Immobilier en assure l’État, avec l’obligation pour l’acheteur d’y établir son doégalement le développement de projet. Au total, 4600 micile. Une école et des installations sportives sont par emplois sont prévus et quatre des six bâtiments doivent ailleurs prévues, de même que de vastes espaces verts.

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Une densité élevée : le quartier de bureaux de Pont-Rouge à Lancy ( bureau d’architectes: Pont 12 ). Images: CFF.

Refusé par la population: le projet ‹ Places Reller › à la gare marchandises de Vevey.

Eaux-Vives: sport, culture et logements bon marché La société Sovagev a établi un plan d’aménagement pour cinq hectares de terrain qui bordent l’arrêt des EauxVives, un secteur qui a été transféré de la zone ferroviaire à la zone de développement en 2010. Dans le cadre d’un contrat d’échange, le canton – qui en est le propriétaire – a transféré 27 % des droits de jouissance aux CFF et 58 % à la Ville de Genève. Le plan d’aménagement prévoit la construction d’environ 340 logements. Outre la construction du théâtre de la Nouvelle Comédie et d’un centre sportif, la Ville prévoit de bâtir 145 logements d’utilité publique en octroyant un droit de superficie à une fondation municipale. Le projet ‹ O’Vives › des CFF comprend quant à lui, au sous-sol et en surface, un centre commercial, des bureaux et 88 logements dont les loyers seront contrôlés durant dix ans. Le reste des habitations seront bâties par le canton et vendues comme logements en propriété par étage à des prix plafonnés.

Un revers à Vevey

Chêne-Bourg: une tour mal accueillie Actuellement en surface, l’arrêt de Chêne-Bourg va lui aussi être enterré. Pour une partie du secteur de la gare, qui a également été transférée de la zone ferroviaire à la zone de développement en 2012, la société de projet Sovacb dispose d’un plan d’aménagement. Celui-ci prévoit deux barres et une tour de vingt étages. La population a certes manifesté son opposition à cette réalisation, mais le plan est désormais en vigueur du point de vue juridique et CFF Immobilier a démarré la construction de la tour Opale. Celle-ci comprendra 101 logements et 4600 mètres carrés de surfaces destinées aux entreprises. Des maîtres d’ouvrage privés au bénéfice d’un droit de superficie doivent bâtir 160 habitations supplémentaires sur un terrain cantonal: des appartements locatifs subventionnés ou non y côtoieront des logements en propriété par étage. Un autre plan d’aménagement doit permettre la construction de 100 habitations supplémentaires sur le côté nord de la gare.

Les CFF ont subi un revers politique à Vevey. Sur environ 2,5 hectares de la Cour des Marchandises, utilisés de nos jours comme parking, ils comptaient réaliser leur projet ‹ Places Reller › pour 130 millions de francs. Un total de 55 700 mètres carrés de surface brute au sol étaient prévus, dont 40 % au maximum pour des bureaux et des commerces, avec 350 logements. En février 2017, le projet a été coulé en votation populaire par un comité référendaire réunissant des Verts, le groupement Décroissance-Alternative, ainsi qu’une partie du PS, avec 53 % de non. Principales critiques: pas assez de verdure, seulement 20 % de logements d’utilité publique ( avec des loyers maximaux de 250 francs par mètre carré et par an ), trop de places de stationnement. Les Places Reller ont été le troisième grand projet de construction à échouer dans les urnes à Vevey, une commune dans laquelle les voix critiquant la croissance sont nombreuses. Suite à la votation, l’exécutif a décidé d’octroyer à la ville une période de réflexion et a ordonné l’arrêt des constructions dans certains secteurs. De son côté, les CFF ont menacé de laisser ces terrains en friche pendant des décennies.

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Finances: le trou rétrécit, les intérêts baissent, les dettes augmentent Que devient le rendement que CFF Immobilier tire des locations et des ventes ? À première vue, la réponse est simple: selon les objectifs stratégiques assignés aux CFF par le Conseil fédéral, 150 millions de francs sont versés chaque année à la division Infrastructure à titre de paiements compensatoires. Il s’agit en effet de contrebalancer les pertes de recettes subies depuis 2002 en raison de la séparation de la division immobilière. Le reste des revenus sert à assainir et stabiliser la caisse de pensions. Il vaut toutefois la peine de regarder les choses plus précisément: le développement immobilier à tout-va et l’obsession du rendement maximal constituent-ils vraiment la seule possibilité ? Contributions d’assainissement et de stabilisation Insuffisamment financée par la Confédération, la caisse de pensions des CFF s’est retrouvée en très fort découvert dès que CFF SA a été sortie de l’Administration fédérale ( 1999 ), avec l’éclatement de la bulle technologique en 2001 puis la crise financière de 2008. Par moments, son taux de couverture a été inférieur à 80 %. Son assainissement était d’autant plus difficile qu’elle comptait, jusqu’à il y a quelques années, plus de rentiers que d’actifs. D’entente avec la Confédération, deux trains d’assainissement ont été ficelés. En 2016, le conseil d’administration a encore approuvé une contribution de stabilisation. Les contributions d’assainissement se sont faites sous deux formes distinctes: en tant que paiements directs, d’une part, et d’autre part sous la forme de prêts à long terme que la caisse de pensions elle-même accorde à la société mère des CFF. Les paiements directs sont

tout d’abord financés par des crédits externes obtenus aux conditions du marché, notamment de la Confédération, puis amortis avec les bénéfices de l’entreprise – généralement à l’intérieur du groupe, grâce aux revenus des ventes effectuées par CFF Immobilier. Pour ses prêts à long terme, la caisse de pensions reçoit des intérêts de la société mère, et ces prêts sont eux aussi amortis. Voici à quoi cela ressemble dans le détail: – Contribution d’assainissement I: en 2007, les CFF ont fourni une première contribution de 1,493 milliard de francs à la caisse de pensions. De ce montant, 293 millions ont été virés directement, mais la plus grande partie ( 1,2 milliard ) a pris la forme d’un prêt de la caisse de pensions accordé aux CFF pour une durée de 25 ans, à un taux de 4 %. Depuis 2011, ce prêt est progressivement amorti. – Contribution d’assainissement II: en 2010, les CFF ont octroyé une deuxième contribution d’assainissement de 938 millions de francs. À côté des 138 millions versés directement, on a inscrit un autre prêt de 800 millions accordé par la caisse de pensions aux CFF pour 25 ans, à un taux de 4 %. – Contribution de stabilisation: en 2016, les CFF ont injecté 690 millions de francs dans leur caisse de pensions, parce que l’abaissement du taux d’intérêt technique faisait craindre des réductions de rentes pour les employés sur le point de prendre leur retraite. Ce montant permet de financer une réglementation transitoire. Ainsi, les CFF ont cédé en deux tranches à leur caisse de pensions une créance d’un total de deux milliards de francs entre 2007 et 2010, et injecté des fonds à trois reprises pour un total de 1,121 milliard.

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Des flux financiers opaques Les flux financiers entre les CFF, sa division immobilière et la caisse de pensions sont tout sauf transparents. Des affirmations contradictoires sont faites quant au montant des contributions accordées par CFF Immobilier à la caisse de pensions. À l’occasion de la contribution d’assainissement I, le Conseil fédéral a défini les conditions suivantes: « Les CFF assurent le service des intérêts et l’amortissement du crédit consenti par la CP CFF sur 25 ans au moyen des flux de trésorerie provenant de leur parc immobilier. Les investissements immobiliers doivent dégager un rendement de 5 % au minimum, soit plus que les 4 % dus sur le crédit de la caisse de pensions. Pour payer les intérêts et rembourser le financement initial à moyen terme [on entend par là le montant de 293 millions versé directement], les CFF comptent utiliser le produit attendu de la vente d’immeubles d’ici à 2012. » Pour la contribution de stabilisation accordée en 2016, le conseil d’administration des CFF a décidé par lui-même qu’elle devait elle aussi être refinancée par les recettes de CFF Immobilier. En ce qui concerne la contribution d’assainissement II, le message du Conseil fédéral est en revanche explicite: « À la différence du premier apport d’assainissement des CFF, les intérêts et l’amortissement du prêt ne sont pas assumés de manière centralisée par le domaine immobilier, mais passés à la charge des différents champs d’activité. » Concrètement, cela signifie que cette contribution provient aussi de domaines subventionnés comme les divisions Infrastructure ou Voyageurs. Or contrairement à cette exigence, « diverses créances résultant de contrats de location actuels ou futurs concernant certaines grandes gares CFF et assorties de droits accessoires et préférentiels ont été cédées à la Caisse de pensions CFF afin de garantir ces prêts ». Les dettes de la caisse de pensions réduites À la fin 2017, deux choses sont claires: depuis 2007, CFF Immobilier a fourni à la caisse de pensions 1,699 milliard de francs de paiements de compensation pour l’amortissement et les intérêts ; la dette résiduelle pour l’emprunt de deux milliards de francs contracté auprès de la caisse de pensions se monte ainsi à 1,327 milliard. Il n’a toutefois pas été possible d’obtenir des informations détaillées de CFF SA. On peut toutefois partir de l’idée qu’avec une durée de prêt convenue de 25 ans – jusqu’en 2031 – pour l’amortissement et les intérêts de la contribution d’assainissement I, les annuités dues se montent à 79 millions. On peut également admettre que les versements directs de 2007 et 2010 ont été depuis entièrement refinancés et amortis. Entre 2014 et 2017, CFF Immobilier a en effet fourni bien plus que les 79 millions de francs d’annuités dues, avec des paiements compensatoires de 240 millions par an versés à la caisse de pensions. La contribution de stabilisation de 2016 devrait donc aussi être déjà en bonne partie amortie.

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Avec quatre pour cent d’intérêts, le prêt accordé par la caisse de pensions fait plutôt tache dans le paysage actuel et pèse sur le groupe ferroviaire comme une hypothèque fixe conclue au mauvais moment. Près d’un demi-milliard de francs d’intérêts devront encore être payés pour la période résiduelle allant jusqu’en 2031. À l’époque, dans le message du Conseil fédéral, ces quatre pour cent avaient été justifiés comme étant le taux dont la caisse de pensions « [avait] besoin pour équilibrer ses comptes ». Le fait est toutefois que depuis 2007, la caisse de pensions a réduit en trois étapes son taux d’intérêt technique ( soit le rendement minimal qu’elle doit obtenir pour payer les pensions ), le faisant passer de quatre à deux pour cent, et qu’elle prévoit une nouvelle réduction à 1,5 % pour 2019. Le remboursement anticipé du prêt de la caisse de pensions et un refinancement à un taux plus favorable ne sont pas possibles selon le contrat, d’après les CFF. Ces derniers refusent aussi de renégocier le niveau des intérêts, parce que « les contrats négociés doivent être respectés ». En outre, ces dix dernières années, la situation financière de la caisse de pensions CFF s’est très fortement améliorée: depuis 2013, elle n’est plus à découvert, et bien qu’elle calcule déjà avec un taux technique réduit, son degré de couverture est de 107,1 %, soit un niveau similaire à celui de la caisse de pensions de la Confédération et plus élevé que celui de la caisse de la Poste. Ne pourrait-on pas faire autrement ? En résumé: ces prochaines années, comme participation à l’assainissement de la caisse de pensions, CFF Immobilier devra encore s’acquitter du reste de la contribution de stabilisation de 2016 et verser 79 millions de francs d’annuités jusqu’en 2031 pour la contribution d’assainissement I. S’y ajoutent les 150 millions de francs de paiements compensatoires versés à la division Infrastructure. L’un dans l’autre, cela fait entre 230 et 250 millions de francs par an. Or avec son portefeuille actuel, CFF Immobilier a réalisé un résultat opérationnel moyen de 212 millions de francs de 2014 à 2017, sans les bénéfices liés aux ventes. En appliquant une politique de vente prudente, il serait possible de dégager les montants nécessaires aux paiements compensatoires et versements d’intérêts dus à la division Infrastructure et à la caisse de pensions. On est donc en droit de se poser la question: la politique de développement et de vente à tout-va, de même que l’optimisation agressive du rendement, doivent-elles à tout prix être maintenues à leur niveau actuel ? S’y ajoute le fait que la cadence record des investissements n’est possible qu’au prix d’un endettement en forte hausse. Entre 2007 et 2017, les prêts commerciaux de la Confédération à CFF SA sont passés de zéro à 3,570 milliards de francs ; dans le même temps, les engagements financiers de CFF Immobilier ont crû de 75 % à 4,462 milliards. Enfin, la préférence unilatérale accordée au segment locatif haut de gamme n’est pas sans risque non plus à moyen et long termes.

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Qui en a décidé ainsi ? Sans faire de bruit, une division des CFF a crû pour devenir la deuxième société immobilière du pays. Entre 2007 et 2017, elle a investi 4,5 milliards de francs, et s’apprête à continuer à hauteur de 400 à 600 millions par an. CFF Immobilier compte construire 10 000 logements et accroître encore la fréquentation des gares transformées en centres commerciaux. Ses revenus locatifs dépassent déjà ceux de Swiss Prime Site, sa grande concurrente cotée en bourse. La division CFF Immobilier remplit son mandat. Ses résultats sont « normaux pour son secteur d’activités », voire meilleurs. Les paiements compensatoires financent l’infrastructure. Le trou de la caisse de pensions diminue. Jusqu’en 2031, 250 millions de francs par an sont encore nécessaires, mais le portefeuille actuel rapporte déjà 212 millions chaque année. Le trou de la caisse de pensions ne peut donc plus justifier le taux de rendement souvent agressif visé jusqu’ici. Plus personne ne peut prétendre que le développement immobilier intensif et l’obsession du rendement élevé sont indispensables. Les CFF ont certes retenu la leçon: les critiques zurichoises concernant leurs logements de luxe ont eu des effets à Bâle, et portent aussi leurs fruits à Lucerne, où un groupe d’intérêts lié à l’urbanisme s’est constitué. Les CFF mettent désormais sur pied des procédures de participation et veulent construire un tiers de logements à loyers

modérés, ou même plus dans le cas de la Neugasse de Zurich. Très bien ! Mais si l’on y regarde de plus près, il s’agit là plutôt d’un pas en arrière: jusqu’en 2014, le portefeuille des CFF contenait 83 % de logements bon marché. Pour s’en rendre compte, il faut se pencher sur les chiffres. Et qui le fait ? Qui a décidé que l’entreprise deviendrait un géant du secteur immobilier ? Qui l’a autorisée à remplacer l’endettement de la caisse de pensions par un endettement lié à des prêts immobiliers ? Cela relèverait de la compétence du Conseil fédéral, mais ce dernier a clairement lâché la bride à CFF Immobilier. L’avenir de la division immobilière des CFF ne doit pas déboucher sur une débâcle comparable à celle de CarPostal. Le Conseil fédéral ne bougera pas par lui-même: il faut la pression des médias et de la politique locale. Voici trois suggestions pour nourrir le débat. Tout d’abord, le rythme devrait être ralenti. Qu’un endettement en remplace un autre ne peut que faire froncer les sourcils. Deuxièmement, les CFF ont autrefois obtenu leurs parcelles à bon marché ou même gratuitement. En contrepartie et à titre de compensation pour les logements de luxe, ils devraient à l’avenir surtout proposer des surfaces d’utilité publique ou à prix modérés. Enfin, les CFF ne devraient pas prendre le pas sur le développement urbain des collectivités publiques. Ils doivent coopérer avec les communes et ancrer solidement la participation dans leur programme, avec sincérité et sans arrangements préalables.  Rahel Marti

Impressum Edition Hochparterre AG,  Ausstellungsstrasse 25, 8005 Zürich, Téléphone 044 444 28 88, www.hochparterre.ch, verlag@hochparterre.ch, redaktion@hochparterre.ch Editeur et rédacteur en chef:  Köbi Gantenbein Directrice des éditions:  Susanne von Arx Conception et rédaction:  Rahel Marti Texte:  Niklaus Scherr Illustration:  Patric Sandri Graphique:  Barbara Schrag Production:  René Hornung Traduction:  Stéphane Cuennet

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Un colosse méconnu Les Chemins de fer fédéraux (CFF) ne sont pas seulement le second propriétaire foncier de Suisse : ils sont aussi la deuxième société imobilière du pays. C’est ce que montre un tra­ vail de recherche de la revue Hochparterre, qui se penche sur les gros projets, la construc­ tion de logements, la politique, le secteur d’activité, les propriétés et les finances de la divi­ sion CFF Immobilier, ainsi que sur les flux financiers qui la lient à la caisse de pensions des CFF et à leur division Infrastructure. Certaines parties de ce travail ont été traduites en français dans le présent document PDF. La publication complète en allemand est dispo­ nible sur www.hochparterre.ch Avec le soutien de –A ssociation suisse des locataires, canton de Zurich –A ssociation suisse des locataires, groupe de la ville de Zurich –A ssociation Noigass, Zurich –C oopérative Kalkbreite, Zurich –C oopérative Kraftwerk1 –C oopératives d’habitation Suisse, association régionale de Zurich –A llgemeine Baugenossenschaft Zürich –L iste alternative Zurich –V ille de Winterthour, Département des constructions –A ssociation suisse des locataires, canton de Bâle-Ville –W ohnbaugenossenschaften Nordwestschweiz –A llgemeine Baugenossenschaft Luzern –A ssociation suisse des locataires, section Suisse orientale –A ssociation suisse des locataires, Suisse alémanique –A ssociation suisse des locataires


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