Solaris #08: Bâle, région solaire

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Solaris #08

Série de cahiers thématiques Hochparterre sur l’architecture solaire

Août 2023

Cinq manières de bâtir avec le photovoltaïque page 2 et ss

Les intervenants dans le projet prennent la parole page 5 et ss

Le cadre p olitique et de la planification page 28 et ss

« Bâle veut devenir une ville solaire »

Barbara Sintzel, Haute école spécialisée du nord-ouest de la Suisse, page 32

Éditorial

Bâle, région solaire

Le nouveau bâtiment de l’Office de l’environnement et de l’énergie de Bâle, auquel nous avions consacré un cahier entier avec Solaris #06, témoigne de l’audace de Bâle dans son approche de la technologie solaire. Ce n’est pas le seul. L’édition #08 montre que Bâle et ses environs recèlent d’autres constructions remarquables produisant de l’électricité solaire. Transformations ou bâtiments nouveaux, aux dimensions et usages différents, ils déclinent diversement la technologie solaire, en façade sérieuse, discrète ou rafraîchissante d’originalité, toit solaire emblématique ou façade média futuriste générant elle-même l’énergie dont elle a besoin. Nous présentons cinq réalisations récentes très différentes, dévoilons les processus à l’origine de leur création et discutons avec différents acteurs.

Ces bâtiments et leur technologie photovoltaïque ont été mis en scène par le photographe bâlois Dlovan Shaheri. Un reportage de Rahel Marti met en lumière les bases de ces constructions. Certaines ont reçu des distinctions internationales. Mais la cité rhénane est-elle vraiment un haut lieu de la construction solaire ? Quel cadre régit le développement du photovoltaïque en matière de politique, d’architecture et de planification ? Et qu’en est-il de l’ « offensive solaire » que le Cons eil d’État s’est fixée comme objectif de législature en 2021 ? Tient- elle compte de l’aspect esthétique ? Un architecte s e montre optimiste: à Bâle, l’administration cantonale, la Haute école spécialisée du nord-ouest de la Suisse, des bureaux d’architecture curieux ou des réseaux comme ‹ Countdown 2030 › cré ent un climat propice à l’expérimentation. Axel Simon

Impressum

Maison d’édition Hochparterre SA Adresse Ausstellungsstrasse 25, CH-8005 Zurich, téléphone 044 444 28 88, www.hochparterre.ch, verlag @ ho chparterre.ch, redaktion @ ho chparterre.ch Direction Andres Herzog, Werner Huber, Agnes Schmid

Dire ctrice d’édition Susanne von Arx Conc ept et rédaction Axel Simon Photographie Dlovan Shaheri, Bâle, www.dlovanshaheri.ch

Direction artistique Antje Reineck Mise en page Juliane Wollensack Production Linda Malzacher

Traduction Weiss Traductions Genossenschaft, Zurich Lithographie Team me dia, Gurtnellen Impre ssion Stämpfli SA , Berne Éditeur Hochparterre en cooperation avec Suisse Energie hochparterre.ch / solaris08 Commander le cahier en allemand, français ou italien ( Fr. 15.—, € 12.— ), version électronique ISSN 2571 – 8398

Solaris #08, août 2023 Éditorial 1
Sur les rives du Rhin, on bâtit des tours, mais aussi des bâtiments solaires. Photo: Novartis

Rénovation du siège social de Coop, 2021

Thiersteinerallee 12, Bâle

Maîtrise d’ouvrage:

PSP Swiss Property, Zurich

Architecture:

Burckhardt, Bâle

Type de mandat: mandat direct, 2018

Planification de l’installation photovoltaïque:

BE Netz, Lucerne

Conception de façade: NM Fassadentechnik, Bâle

Fabrication des modules

solaires:

Megasol, Deitingen

Exécution de l’installation: Aepli Metallbau, Gossau ; Agrola, Bâle

Nombre de modules: 629 ( 560 allèges, 69 installations techniques )

Surface des modules: 1628 m2

Puissance de l’installation: 158 kW

Rendement énergétique annuel: 62 MWh

Rafraîchir

Bâti en 1978, le siège social de Coop était le reflet de son époque. Aujourd’hui rénovée, sa façade photovoltaïque couvre environ 10 % des besoins en électricité.

Elle semble d’une régularité toute géométrique, cette tour sur la voie d’accès à la gare de Bâle. Sur chaque face, trois poteaux angulaires dressés à l’extérieur, devant la façade, soutiennent les 13 étages. En réalité, seuls ceux du milieu sont perpendiculaires à la trame du plan. Les poteaux extérieurs dévient légèrement de l’angle droit, suivant la façade dont le tracé s’infléchit lui aussi imperceptiblement. Les angles de la façade d’origine, en verre et acier, étaient en outre coupés selon un angle de 45°. Cet écart par rapport au système orthogonal est-il lié à la « conception anthroposophique » inculquée à l’architecte Wilfried Boos, comme le rapporte l’hommage paru dans ‹ Werk, Bauen + Wohnen › en mars 1996 ? La construction du siège social de Coop et du bâtiment voisin de cinq niveaux a été achevée en 1978. Ce sont les derniers ouvrages que Wilfried Boos a réalisés avec Johannes Gass. Ce duo d’architectes a légué à Bâle des monuments emblématiques comme l’immeuble Anfos, construit en 1970. La tour Coop était le reflet de son époque. Jusqu’à la rénovation de sa façade en 2001, les allèges métalliques arboraient l’orange lumineux du groupe. Ce style ‹ yellow submarine › se retrouvait à l’intérieur, équipé il y a peu encore de toilettes vert vif et de portes d’ascenseur orange. Récemment, le bâtiment a pris le parti du sérieux. Il est resté en service durant tout le chantier. Dès l’été 2019, la tour a été ceinte d’une plateforme de travail qui, en 18 mois, est descendue progressivement du 13e étage au rez-de-chaussée. Au fil de ses cinq étapes, la transformation a été flagrante voir page 32: sous la plateforme, on voyait encore l’ancienne façade compartimentée, tandis qu’au-dessus, la nouvelle, dotée de grandes baies horizontales, témoignait de

l’exigenc e de Coop à être perçue comme un groupe moderne. Les fenêtres ‹ clos ed cavity › pr otégeant les stores à lamelles sont un peu en saillie. Désormais plus sombres, les bandeaux des allèges sont constitués de modules photovoltaïques à surface en verre satinée et imprimée gris foncé. De 1,5 m de haut et jusqu’à 4,3 m de long, ils forment une surface homogène intégrant des cellules photovoltaïques à peine détectables, qui couvrent environ 10 % des besoins d’électricité du bâtiment. L’architecte chef de projet Patrick Flückiger précise: « A posteriori, nous aurions pu choisir une couleur un peu plus sombre pour accroître le rendement, comme pour la centrale en toiture. » Sur le revêtement de cette unité en retrait, les modules photovoltaïques miroitent davantage que sur les allèges à travers la trame colorée.

Les façades rénovées ne présentent plus d’angles chanfreinés à 45°. Si le bâtiment paraît plus spacieux, son caractère s’en trouve modifié. À l’intérieur, les angles aigus et les fenêtres mesurant jusqu’à 4,3 m de large élargissent le champ de vision: les espaces sont plus ouverts et les étages supérieurs offrent une vue sur toute la ville et ses environs. L’absence de piliers est davantage mise en valeur. Le réaménagement, qui se veut confortable, a libéré de l’espace pour près d’un tiers de postes de travail supplémentaires. C’est ici qu’est hébergée la division informatique du groupe. À chaque étage, des kitchenettes doivent encourager les échanges entre collaborateurs et collaboratrices. Le dernier niveau abrite la direction et non plus le restaurant du personnel transféré au rez-dechaussée du bâtiment voisin qui, comme la nouvelle tour Coop, est signé Burckhardt.

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Texte: Axel Simon, Photos: Dlovan Shaheri

Étage standard

On ne se douterait pas que les bandeaux des allèges produisent de l’électricité.

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Rénovation de la tour Coop: malgré des changements notables, elle a gardé son esprit des années 1970. Coupe
0 10 m

« Il n’a jamais été question

de maintenir l’existant »

En quoi consistait le mandat confié à Burckhardt ?

Markus Schwarz: Il ne s’agissait au départ que d’un diagnostic de l’état. Il a fait apparaître différents besoins de rénovation, de la technique du bâtiment aux mesures de protection contre les incendies et aux installations sanitaires. De plus, la façade rénovée en 2001 ne satisfait plus à l’exigence énergétique de Coop. Ainsi, quand pour des raisons d’organisation, nous avons voulu intégrer le personnel de notre site de Wangen au siège social de Bâle, nous avons choisi une rénovation générale. Notre exigence était de permettre, pour les 30 à 40 années à venir, un fonctionnement moderne avec des postes de travail confortables et une élégante façade intemporelle, équipée de panneaux solaires: un défi technique, en 2018, dans la construction de tours ! Burckhardt vous a proposé trois variantes: une remise à neuf de la façade, un brise-soleil à panneaux solaires à chaque étage pour former un avant-toit ou une façade lisse à plis. Vous avez opté pour cette dernière. Pourquoi ?

La façade de 1978 rénovée en 2001 n’était plus viable. Le brise-soleil était une solution certes brillante, qui offrait une grande surface pour le photovoltaïque, mais sa maintenance aurait été compliquée. Les plis nous ont paru une approche architecturale intéressante.

La Commission d’esthétique urbaine l’a trouvée moins intéressante. Il a fallu plusieurs séances avant l’approbation. Pourquoi ?

Il y a eu quatre lectures jusqu’au mock-up. L’aménagement de la façade doit s’inspirer de l’existant, tel est le credo de la Commission d’esthétique urbaine. Toujours ouverte à l’intégration du photovoltaïque, sa réticence concernait plutôt l’aspect architectural. Après avoir renoncé en deuxième lecture au pliage de la façade, nous avons voulu créer un contraste marqué par rapport à l’existant, avec des fenêtres panoramiques en saillie. La commission voulait au contraire placer les allèges sur le même plan que les fenêtres. Nous avons maintenu l’option inverse, pour renforcer aussi l’effet panoramique à l’intérieur. Notre choix de ne pas conserver l’angle à 45° n’a pas eu non plus de succès. Une fois le choc initial passé, nous avons fini par trouver un terrain d’entente.

Qui a été choqué ?

Les deux parties ( rire ). Co op a lancé, avec enthousiasme et conviction, un projet réfléchi et rafraîchissant. Nous voulions faire entrer un bâtiment de la fin des années 1970 dans la décennie 2020, avec respect certes, mais aussi l’envie de faire autre chose. Il n’a jamais été question de maintenir l’existant dans une optique de conservation du patrimoine. Un bâtiment rénové avec une technologie de pointe, mais affublé d’un look années 1970 aurait été une erreur. Au début, la philosophie de la Commission d’esthétique urbaine ne correspondait pas à la nôtre. Nous avons dû faire des compromis des deux côtés, sans renier notre vision. Quelle était cette vision ?

Nous voulions surtout avoir une sensation d’espace accrue à l’intérieur, un effet spectaculaire grâce aux fenêtres panoramiques. Nous trouvions un peu étriqué le cloisonnement de l’ancienne tour. En dialoguant avec la commission, nous avons fini par renoncer aux plis, mais cette déconvenue a été vite oubliée. Nous tenions cependant à souligner la nouveauté de la façade.

À chaque lecture, la commission réclamait de prendre l’aspect d’origine comme référence. N’avez-vous pas trouvé cela aberrant ?

Non, nous avons compris son point de vue. Nous avons également examiné cette approche lors de nombreux entretiens internes avec les architectes. Si l’on compare l’ancienne façade avec la nouvelle, on voit que le compartimentage accentuait davantage la verticalité de la tour que les nouvelles baies horizontales. Mais comme je l’ai dit, nous avons choisi de ne pas maintenir l’existant. Les architectes doivent être autorisés et encouragés à moderniser l’allure des bâtiments urbains pour les générations à venir. Il a fallu arbitrer entre esthétique et rendement lors de la conception des modules photovoltaïques. Comment cela s’est-il passé ?

Pour le revêtement des allèges, nous avons testé différents verres, plus clairs, plus foncés, plus gris ou plus transparents en nous demandant: quel est le verre le plus beau vu de loin ? Comment rendre la technologie intégré e indétectable ? Chos e étonnante, pour la Commission d’esthétique urbaine, autant montrer le photovoltaïque, puisqu’on l’utilise. Mais nous ne voulions pas, ce qui s’est avéré judicieux. Markus Schwarz est architecte et représentant de la maîtrise d’ouvrage Coop Immobilier. ●

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0 40 c m
Coupe de la façade. Plan: BUK ETHZ

Pavillon Novartis, 2022

St. Johanns-Hafen-Weg 5, Bâle

Maîtrise d’ouvrage:

Novartis Pharma, Bâle

Architecture: AMDL Circle, Michele De Lucchi, Milan

Type de mandat: concours

international, 2019

Planification générale:

Blaser Buts cher, Bâle

Façade média:

iart, Münchenstein

Coût: n. c.

Envoûter

Planification et exécution de la façade photovoltaïque: iart, Münchenstein

Fabrication des modules

solaires: Asca, Nantes ( F )

Nombre de modules

solaires: 10 680

Surface des modules: 1333 m2

Puissance de l’installation: 36 kW

Rendement énergétique

annuel: 20 MWh

Dans le parc devant le campus Novartis se dresse un pavillon qui est accessible au public, comme le site depuis peu. Le soir venu, sa façade média se pare de couleurs et s’anime.

‹ Pavillon Novartis › est un doux euphémisme désignant le bâtiment en forme d’anneau de près de 50 m de diamètre qui se dresse dans le parc devant le campus éponyme, et rayonne au nord de Bâle. Une façade média aux scintillements psychédéliques est tendue comme une seconde peau sur la construction. Le pavillon est entouré d’un bandeau qui diffuse sobrement des informations sur les événements qu’il héberge. Le soir, la Voltastrasse prend des airs de Las Vegas: des œuvres d’art conçues spécialement pour le lieu transforment le pavillon en serpent lumineux lové sur lui-même, bleu, vert, rouge ou multicolore, dans une animation constante.

Nouvelle carte de visite de Novartis, le pavillon est un symbole de l’« ouvertur e sur la société », explique le groupe pharmaceutique. Probablement une réaction aux critiques répétées contre le campus, estampillé ‹ cité interdite › à ses débuts. Depuis l’automne dernier, le public peut pénétrer sur le campus, et notamment dans le pavillon destiné à devenir un « lieu de rencontre ». Il abrite un café, un espace événementiel, un ‹ Scho olLab › et surtout une exposition multimédia à l’étage supérieur tout en hauteur et clos en anneau. De retour au rez-de-chaussée,

la vue donne sur le Rhin, le parc verdoyant ou le cercle formé par la cour. Le chemin du parc passe sous le bâtiment, qui semble avoir été déposé par hasard sur quelques collines argileuses.

Par les grandes fenêtres, l’œil traverse un treillis de fines barres métalliques qui porte la façade média. Avec leurs deux boutons LED semblables à des yeux, les modules rhombiques semblent nous rendre notre regard. Ils s’insèrent dans le tableau, dessinant une bordure transparente dentelée sur le cadre supérieur des fenêtres. Novartis parle avec fierté de « façade média à énergie zéro »: plus de 10 00 0 losanges en polycarbonate flexibles sont suspendus entre les barres diagonales en acier. Leurs cellules solaires laminées et transparentes produisent l’énergie nécessaire aux jeux de lumière, grâce à la combinaison de 30 00 0 LED. Elles rayonnent sous forme de points vers l’extérieur et déversent à l’intérieur, via le dôme métallique, des taches lumineuses qui se fraient un chemin au-dehors à travers les modules solaires semi-transparents. Ceux-ci doivent produire suffisamment d’électricité pour faire fonctionner la façade durant au moins deux heures une fois la nuit tombée.

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Texte: Axel Simon, Photos: Dlovan Shaheri
0 10 m →
Coupe

Rez-de-chaussée

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Tout aussi remarquable vu de jour: le Pavillon Novartis devant le campus éponyme. 1er étage Sous-sol

« Il fallait faire vite »

La façade média du Pavillon Novartis de Bâle produit elle-même l’énergie qu’elle consomme. S’agit-il de la première installation de ce type que vous réalisez ?

Valentin Spiess: Notre première façade solaire date d’avant 2010, avec les architectes Buchner Bründler, pour le pavillon suisse de l’Expo de Shanghai. Le bâtiment était enveloppé d’une membrane résille parsemée d’éléments rouges de la taille d’une assiette et équipés de photovoltaïques et de LED. Ils clignotaient et communiquaient entre eux par essaimage, sans être câblés. Mis aux enchères après l’Expo, ils fonctionnent toujours chez les acquéreurs. Depuis, nous travaillons à l’autonomie des façades médias. Techniquement, comment fonctionne la façade Novartis ?

Nous avons repris l’idée de la membrane: les éléments rhombiques émettent une lumière vers l’intérieur, sur la peau métallique et vers l’extérieur, dans l’espace urbain. Les losanges sont équipés de cellules photovoltaïques organiques imprimées sur film PET et scellées dans du polycarbonate. Elles ont une énergie grise très faible, mais leur efficacité est plus réduite que les cellules solaires en silicium. Elles sont en revanche très sensibles à la lumière. Le rendement est accru en cas de lumière diffuse. Les utiliser n’est donc judicieux que pour les façades à l’orientation peu optimale. Modules photovoltaïques et LED sont connectés ensemble au réseau basse tension. Les onduleurs sont bidirectionnels: l’électricité produite est directement consommée ou injectée sur le réseau si excédentaire. Le soir, le réseau fournit l’électricité.

Les cellules organiques ont une durée de vie de 10 ans. Et ensuite ?

Mystère. Nous manquons d’expérience en la matière. Mais il est certain que leur efficacité va nettement progresser. Au Pavillon Novartis, il est probable qu’elles soient remplacées au bout de 10 ans.

Comment la façade est-elle utilisée ?

Nous avons traduit des thèmes de Novartis en œuvres d’art. Les œuvres traitent de données climatiques ( Daniel Canogar ), de croiss ance cellulaire ( Semic onductor ) ou

de macrocosme et microcosme ( Esther Hunziker ). Cette dernière est une vidéo 3D, les deux autres s’animent en fonction de l’heure de la journée, de la météo et de la lumière. De nouvelles œuvres devraient venir enrichir régulièrement le fonds. Sabine Himmelsbach, directrice de la Maison des Arts Électroniques de Bâle, a prêté mainforte pour la curation de la façade. Il est essentiel de traiter les contenus des façades médias comme une partie intégrante du processus de conception et de développer un concept qui fonctionne sur le long terme. Par ailleurs, chaque façade a ses formes d’expression. Ainsi la façade du musée M + à Hong Kong, que nous avons conçue avec Herzog & de Meuron, mesure 66 m sur 110 et s’ins ère dans la ligne d’horizon de la ville. Le musée l’exploite comme une fenêtre ouverte sur le monde artistique. Il s’est adjoint les services d’une commissaire d’exposition et a créé des ateliers pour tester les projections. À l’occasion de l’édition 2023 d’Art Basel à Hong Kong, le musée a commandé à Pipilotti Rist une œuvre pour sa façade.

Comment avez-vous conçu la façade pour Novartis ?

La façade média a été insérée tardivement dans le processus. Novartis nous a demandé d’élaborer une proposition. Le projet des architectes AMDL Circle et de Michele De Lucchi prévoyait initialement une façade en tôle, trop terne en termes de communication. Il fallait faire vite. En une semaine, nous avons conçu cette membrane rapportée avec les architectes. D’abord une résille comme à Shanghai, puis un treillis clipsé sur les joints debout. Conception, fabrication: nous avons tout supervisé.

Le Pavillon Novartis est une expérimentation de haut vol. Peut-il inspirer des applications plus larges ?

C’est bien notre intention. Nous recherchons aussi des solutions pour d’autres projets combinant photovoltaïque et projections. La thématique énergétique est aujourd’hui primordiale. Si nous pouvons allier capacité de communication et efficacité énergétique, nous avons là une formidable opportunité. Valentin Spiess est ingénieur en électronique et fondateur de iart, ‹ studio d’architectures médias › à Münchenstein ( BL ). ●

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La façade média investie par les artistes. Crédits photo sur cette page double: Novartis L’œuvre des artistes londoniens Semiconductor s’intitule ‹ Morphogenetic Movements ›.

Coupe

1 Peau du toit

2 M odules photovoltaïques

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Le revêtement en tôle sous les modules reflète la couleur des LED sur le verso.
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Elle transforme l’enveloppe du Pavillon en un système auto-organisé.

Rénovation de la façade de l’immeuble Oberwilerstrasse, 2022 Oberwilerstrasse 133 et 135, Bâle

Maître d’ouvrage: Jardin zoologique de Bâle

Architecture: Salathé, Bâle Type de mandat: mandat d’étude, 2020 Conduite des travaux: Glaser Baupartner, Bâle

Physique du bâtiment: Gartenmann Engineering, Bâle

Protection anti-incendie: Peter Deubelbeiss, Obermumpf ; Holzprojekt , Bâle

Coût total ( CFC 2 ): 3,79 millions de francs

Coûts ( CFC 2 / m3 ): 500 francs

Planification de l’installation photovoltaïque: Energiebüro, Zurich

Conception de façade: Christoph Etter, Bâle Fabrication des modules solaires: Megasol, Deitingen

Exécution de l’installation: Planeco, Münchenstein

Toiture

Nombre de modules

solaires: 95

Surface des modules: env. 190 m2

Puissance de l’installation: 38 kW

Rendement énergétique

annuel: env 36 MWh

Façade

Nombre de modules

solaires: 323

Surface des modules: env 378 m2

Puissance de l’installation: 51 kW

Rendement énergétique

annuel: 34 MWh

Métamorphoser

Avec sa nouvelle façade solaire, un immeuble de l’Oberwilerstrasse illustre la liberté de conception qu’offre le photovoltaïque et dégage une impression de légèreté.

La façade photovoltaïque confère à cet immeuble des années 1960 un nouveau visage, « vert Zolli » pré cise l’architecte Dominique Salathé, comme le surnom donné au zoo de Bâle dont il fait partie et qui se déploie à l’arrière. Au rez-de-chaussée, le zoo exploite des ateliers. Aux étages supérieurs, 20 appartements en position légèrement surélevé e jouissent d’une belle vue sur le parc d’où s’échappent des bruits d’animaux. Tout près, la voie ferrée passe sous la large Oberwilerstrasse, direction la France. Le vaste espace devant le bâtiment lui confère de la prestance ainsi qu’un bel ensoleillement pour la production d’électricité. L’architecte avait des exigences esthétiques certes élevées, mais sans rigidité ni dogmatisme. Dans les joints de largeurs différentes, il voit toute la « po ésie du pragmatisme » et trouve la tôle noire des embrasures « sans prétention ». Le manque d’homogénéité de la façade ne lui pose pas de problème: tournée vers le zoo du côté est, elle a été bardée de bois, car des balcons compliquaient son déroulé. Le côté étroit au nord n’a pas non plus de panneaux solaires, puisqu’il sera recouvert d’une construction du même architecte.

L’appel d’offres pour la rénovation de la façade mentionnait une « fonction d’exemplarité » et la « plus grande surface possible » de panne aux solaires. En effet, les lions, les pingouins et les autres animaux réclament beaucoup d’énergie: selon ses propres données, le zoo de Bâle consomme environ 2 GWh par an. Le maître d’ouvrage est donc disposé à « investir davantage pour une démarche plus durable » tout en appelant à r especter le budget.

Comment, dans le cas de modules solaires, réduire le travail et le prix ? Grâc e à des formats standards. Hormis quelques panneaux de raccordement, un seul format de module a été utilisé sur les 350 m2 de l’installation. La « rigueur » de la façade a favorisé ce choix, explique l’architecte, qui n’a pas voulu gommer entièrement le style années 1960. Si la hauteur des fenêtres-bandeaux correspondait à la longueur des modules, le côté court de ceux-ci était un peu plus haut que l’allège. C’est justement cet écart qui a apporté une touche d’originalité: les concepteurs ont légèrement basculé les panneaux des allèges pour les enchâsser. Leur inclinaison protège les stores roulants en bois des intempéries, insufflant plus de gaieté à l’immeuble. Alors que les bâtiments solaires sont souvent d’un abord revêche, celui-ci donne une impression de légèreté.

La rénovation technique a été exécutée sans déménagements et presque sans modifications: les fenêtres ont été remplacées et les balcons, deux fois plus grands, habillés d’un ‹ bar dage bois › et de par e-soleil en toile. Les stores roulants en bois de la façade sur rue atténuent la dureté des surfaces en verre et cultivent le lien avec le quartier. Il a fallu faire des compromis: pour exploiter l’ensoleillement, impossible de faire pousser des arbres devant l’immeuble, au grand dam de l’architecte. De plus, la couleur verte absorbe environ 30 % du rendement énergétique escompté. Malgré tout, sous une apparence surprenante, la façade montre comment on peut concevoir sans idées préconçues avec cette technologie. Un exemple résolument inspirant.

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Texte: Axel Simon, Photos: Dlovan Shaheri
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La façade fraîchement rénovée apporte de la légèreté à l’immeuble de l’Oberwilerstrasse.
Étage
10 m
Coupe transversale 0

« Les fabricants contribuent grandement à la conception »

Vous avez conçu l’installation photovoltaïque de l’Oberwilerstrasse. Quand avez­vous rejoint le projet ?

Roland Jakober: Tôt, c’est l’idéal. Le mandat d’étude exigeait un concepteur photovoltaïque. Quand les architectes de Salathé sont venus nous trouver avec une ébauche, nous les avons conseillés sur les possibilités et les limites du solaire: sur quelle façade le photovoltaïque est-il pertinent ? À quoi doit- on veiller lors de l’aménagement ? Quels chiffres mentionner pour la soumission au concours ?

Quels sont les coloris et les verres frontaux possibles ? Il s’agit d’avoir un maximum de formats de modules identiques, sans perte de cellules.

Quand valide ­t­ on cela avec le fabricant de modules, ici Megasol ?

C’est un enchaînement. Nous avons apporté les premiers modèles. Aujourd’hui, certains fabricants offrent un large éventail d’échantillons manuels. Puis nous avons commandé des échantillons concrets. Les architectes ont été les chefs de file et le résultat est là, devant nos yeux. Nous nous sommes surtout intéressés à la perte de rendement du verre et de la couleur ainsi qu’aux coûts.

Qui développe une gamme de modules ? Cela se fait­il uniquement sur la base de projets concrets ?

C’était encore le cas il y a quelques années. Les bureaux d’architecture entraient en lice avec une idée et développaient les modules avec une entreprise. Les choses ont un peu changé. Aujourd’hui, les fabricants comme Megasol ont étoffé leur assortiment de coloris et de verres frontaux différents, comme le verre ‹ Wave › utilisé dans l’Oberwilerstrasse. Bien sûr, il y a toujours des évolutions dues à des projets concrets, mais même là, les fabricants contribuent grandement à la conception.

Concepteurs de façades, concepteurs de panneaux photovoltaïques: y a ­t­ il des re coupements entre ces deux métiers ?

La conceptrice de façades s’occupe de l’isolation et de la structure primaire, le concepteur de panneaux photovoltaïques des modules, sous-structure et câblage inclus. Mais pour les projets d’envergure, la conceptrice de façades dessine souvent la sous-structure complète, la planification de détail liée aux raccords et aux finitions de façade étant plus complexe. Ingénieur en génie mécanique, Roland Jakober est responsable Photovoltaïque chez Energiebüro à Zurich. Il conçoit de grandes installations et des solutions intégrées aux bâtiments.

Coupe de la façade

1 Huisserie ( aluminium )

2 Maç onnerie

3 Is olation ( laine de roche )

4 Mo dule PV Megasol

5 Sous-structure

6 M embrane d’étanch éité à l’air

7 Stores roulants en bois ( m élèze )

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1 2 3 4 5 6 7

Selon le site Internet de Planeco, l’énergie solaire n’a jamais été aussi rentable, pertinente et essentielle. Pourquoi n’est­ elle pas encore la norme ?

Claudius Bösiger: La plupart des toits nouveaux sont exploités pour le solaire. Pour les façades, la règle est: plus le bâtiment est élevé, plus l’utilisation de la technologie solaire est pertinente. Le secteur de la construction doit très vite réduire son empreinte carbone. La technologie solaire permet d’amortir l’énergie grise inhérente aux bâtiments. Les architectes et les maîtres d’ouvrage l’ont­ils intégré ?

Les maîtres d’ouvrage doivent eux aussi s’impliquer. Et ils le font. Cela oblige les architectes à se colleter au problème. Bâtir avec un faible impact climatique n’est pas forcément plus coûteux. Des investissements sont peut-être nécessaires au départ, mais rentables à terme, même financièrement. Comparée à d’autres revêtements de qualité, une façade photovoltaïque est totalement compétitive. Planeco a installé les façades de l’immeuble de l’Oberwilerstrasse et de l’ensemble Heuwinkel voir page 24 En quoi les installations diffèrent­ elles ?

L’une est une rénovation et l’autre, une construction nouvelle. La rénovation affiche moins de formats de panneaux. Dans les deux projets, le souhait de réaliser une installation photovoltaïque est venu du maître d’ouvrage. Pour Heuwinkel, son intervention dans le processus de planification est néanmoins plus tardive. Les plans et les façades perforées étant déjà établis, les formats de panneaux sont plus nombreux.

Quel impact un nombre réduit de formats a­t­il sur le prix ?

Le levier n’est pas énorme. La production devient un peu plus abordable, la planification et l’exécution aussi, soit une différence d’environ 50 francs du m 2. Il faut compenser l’aspect répétitif des formats par des détails, notamment aux embrasures de fenêtres. L’aspect positif ?

Il est plus facile de stocker des modules en prévision de futurs dysfonctionnements, un problème qui concerne aussi d’autres matériaux, comme l’Eternit. Au bout de quelques années, l’aspect des panneaux s’altère et diffère de celui des nouveaux.

Dans les deux projets, les cellules solaires se cachent derrière une couche de couleur. Dans l’Oberwilerstrasse, les modules jouent avec la lumière et affichent leur faible épaisseur. Est­il plus agréable d’installer ce type de modules ?

Les deux m’ont plu. Les jeux de lumière dans l’Oberwilerstrasse sont beaux, mais synonymes d’efforts et de coûts. J’aime la couleur verte des modules associée aux volets roulants en bois brun clair. Les verres texturés et la manière dont ils sont utilisés ici sont très prisés. Inconvénient au montage: les ventouses n’adhèrent pas. Si les modules ont une surface inférieure à un mètre carré, pas de problème. S’ils sont plus grands, c’est un paramètre à intégrer dès la planification. Il existe des sous-structures dotées de modules pliables pour permettre leur montage ou leur remplacement plus tard.

Quel impact ont le type de verre et l’impression couleur ?

La base est toujours un module noir. La colorisation coûte environ 80 francs au m2 et entraîne une perte de rendement de 10 à 30 %. Plus la couleur est foncée, plus la perte est limitée. Les fabricants travaillent sur de nouveaux procédés de revêtement diminuant les pertes et renforçant l’intensité des couleurs.

Quels sont les facteurs décisifs dans la conception d’une façade photovoltaïque ?

Rencontrer très tôt des conceptrices spécialisées ou des installateurs. Les architectes connaissent ainsi les points qu’ils doivent respecter. S’ils interviennent alors que le projet est presque bouclé, la moindre modification fait grimper la facture, notamment car tous les acteurs de la chaîne de planification devront remettre la main à la pâte. Expert en sciences de l’environnement, Claudius Bösiger est l’un des fondateurs de Planeco, société spécialisée dans les installations photovoltaïques en Suisse. ●

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« Une façade photovoltaïque est totalement compétitive »
L’immeuble des années 1960 avant la rénovation de la façade. Photo: Roman Weyeneth

Vestiaires Schorenmatte, 2020

Schorenweg 119, Bâle

Maîtrise d’ouvrage: canton de Bâle -Ville

Architecture: Felippi Wyssen, Bâle Type de mandat: offre d’honoraires avec section idées, 2017 Conception de la structure

porteuse: Zeuggin, Bâle

Technique du bâtiment: Beat Joss & Partner, Bâle ; Swissplan, Bâle

Coût total ( CFC 1 – 9 ): 4,05 millions de francs

Coûts ( CFC 2 / m3 ): 2051 francs

Planification de l’installation photovoltaïque: Plattner Engineering, Bubendorf

Fabrication des modules

solaires:

3S, Gwatt ( Thoune )

Exécution de l’installation: BE Netz, Lucerne

Nombre de modules

solaires: 240

Surface des modules: 256 m2

Puissance de l’installation: 45,6 kW

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Les nouveaux vestiaires de Schorenmatte sont construits sur un seul niveau. Mais avec le toit de leur coursive, ils prennent une dimension surprenante.

Vu de l’allée, le bâtiment semble coiffé d’un toit en bâtière. 50 m de modules photovoltaïques affleurants noirs, avec en toile de fond le vert des arbres et le bleu du ciel. Pourtant en s’approchant, le regard traverse subitement le toit. Celui-ci se révèle être une sorte de bouclier qui tend vers le soleil tout en protégeant l’espace en dessous, et avec lui le public encourageant son club, l’équipe de foot se rendant aux vestiaires ou les visiteurs dégustant leur bière. Au-delà de ces aspects pratiques, le toit est aussi un attribut esthétique qui donne un élan à ce long bâtiment de plain-pied et le hisse au rang d’architecture. Une architecture solaire. Son histoire a débuté il y a cinq ans, avec la modernisation de l’installation sportive Schorenmatte dans la zone de loisirs Lange Erlen. Un nouveau terrain de jeu a été ajouté, l’ancien rénové et agrandi de nouveaux vestiaires, utilisés avant tout par le club VFR Kleinhüningen, une véritable institution sociale dans le quartier. La disposition obstinément linéaire des locaux a permis de respecter les restrictions à la fois financières et matérielles: la partie avant, spacieuse, abrite le club de foot-

ball, les toilettes et les locaux techniques. Dans la partie médiane, plus étroite, on trouve huit vestiaires, puis à son extrémité plus étroite encore, des locaux réservés au gardien et au matériel. L’élément fédérateur est une coursive de 3 m de profondeur, au-dessus de laquelle se déploie la structure bois ouverte du toit. Le coffrage de la façade, brut de sciage, est peint en noir tirant sur le vert. Des filets suspendus protègent des ballons perdus. Dans les vestiaires, la lumière pénètre par des lanterneaux arrondis, tandis que le local du club s’ouvre sur la coursive par de grandes baies. Le haut degré de pragmatisme se décline tout autant à l’intérieur qu’à l’extérieur: les refends en contreplaqué sont sobrement lasurés blanc, les douches en béton coulé sur place et les WC habillés de carreaux vert foncé. De gros conduits de ventilation courent discrètement sur le toit tout en restant accessibles. Du fait des standards élevés fixés par la ville, l’effort technique a été assez important. Quoi qu’il en soit, l’exigence concernant la production d’électricité a eu un impact positif sur le caractère du bâtiment.

Rendement énergétique annuel: 41,5 MWh →

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Texte: Axel Simon, Photos: Dlovan Shaheri

Rez-de-chaussée

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Coupe transversale
Toit banal ou élément emblématique ? Le bâtiment des vestiaires dans la zone de loisirs de Lange Erlen.
0 10 m

L’installation solaire des vestiaires Schorenmatte est un toit, mais aussi un élément séparé et décollé du bâtiment. Comment est-elle née?

Fabio Felippi: Le premier projet était très différent. Il était fait de deux bâtiments, une longue barre pour les vestiaires et un club-house. Nous avons simplifié pour des raisons de coûts. Nous tenions à créer une terrasse, une sorte de tribune pour le public. Les références que nous avions vues avaient toutes un avant-toit rapporté. Nous nous sommes demandé si nous ne pouvions pas aller plus loin. En inclinant le toit, la lumière venant de l’arrière tombe sur la terrasse et l’angle favorise aussi l’utilisation des panneaux solaires. Il y a deux lectures possibles. L’une pragmatique: le toit protège de la pluie et produit de l’électricité. Ou l’autre architecturale: un bouclier emblématique qui tend vers le soleil. Laquelle choisir?

La fonction est une chose, mais le toit capte aussi le soleil, il s’agit de l’élément emblématique du bâtiment. C’est un petit point de divergence avec mon associé Thomas. Lui le voit plutôt comme un élément de construction. Quels ont été vos modèles?

Nous avons étudié le toit protecteur du kiosque à fleurs de Sigurd Lewerentz à Malmö et les bâtiments de Francis Kéré. Pour le photovoltaïque, c’est la maison individuelle conçue par Valentin Bearth, Andrea Deplazes et Daniel Ladner à Tamins qui nous a inspirés. En 2019, nous avons bâti notre propre référence, la maison individuelle du Moosweg à Riehen. Son toit solaire est lui aussi un élément un peu à part. Enfin, les vestiaires de Schorenmatte ont longtemps été logés dans les locaux d’exploitation d’une ferme voisine dont le toit en porte-à-faux nous a aussi servi de référence. L’effort technique a été plus important que vous l’auriez souhaité pour de simples vestiaires de football.

Alors que la technologie solaire s’affiche délibérément sur ce toit-ci, de gros conduits de ventilation se dissimulent sur le toit plat. N’est-ce pas contradictoire?

Nous voulions d’abord construire un bâtiment low-tech, mais la ville a imposé une ventilation contrôlée. Nous avons donc imaginé de faire de la technique un thème architectural. Nos anciens croquis montrent de grands monoblocs et des conduits visibles, un peu dans la veine de Richard Rogers. L’idée nous plaisait beaucoup. Mais les installations en toiture étaient moins volumineuses et ne le permettaient pas.

Vous avez fait vos premières armes avec le solaire pour la maison individuelle du Moosweg. Pouvez-vous nous en parler?

Nous avons beaucoup appris avec ce projet. De petits détails techniques, mais aussi les fondamentaux, comme l’étude des tailles standards des modules avant de calculer les dimensions d’un toit. Nous avons pris contact assez tôt avec les entreprises photovoltaïques pour discuter des détails de construction tels que le bord de toit. Elles ont été agréablement surprises, car le plus souvent elles ne montent que des installations basiques.

Vous avez obtenu un Prix Solaire Suisse pour cette maison. A-t-il été suivi de nombreuses demandes?

Les médias en ont beaucoup parlé, nous pensions que les maîtres d’ouvrage afflueraient, mais non. Il y a eu un écho important, surtout de collègues qui voulaient des conseils. Envisagez-vous d’autres projets photovoltaïques?

Oui, lorsqu’il s’agit d’une réelle préoccupation, nous intégrons l’énergie solaire dès l’aménagement. En revanche, si le projet général n’est pas pertinent, du fait du mode de construction par exemple, on frise l’écoblanchiment. Cela dépend beaucoup du maître d’ouvrage. Lors des premières réunions, nous abordons systématiquement les thèmes de durabilité. En tant qu’architectes, nous avons une influence notable et nous souhaitons nous en servir. Ce n’est pas toujours facile. Quand il est question d’argent, les choses souvent se compliquent. Mais dans l’ensemble, nous sentons grandir la sensibilité à ces questions. Fabio Felippi est architecte ETH. En 2009, il a fondé à Bâle le bureau Felippi Wyssen Architekten avec Thomas Wyssen. ●

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« C’est un petit point de divergence entre nous »
Le toit protège le public, les visiteurs dégustant leur bière et les équipes sur le chemin des vestiaires.
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Vestiaire en bois et béton. Photos de l’intérieur: Adriano A. Biondo Un mur aux tuyaux apparents. Coupe transversale

Ensemble Heuwinkel, 2021

Pappelstrasse / Heuwinkelstrasse, Allschwil ( BL )

Maîtrise d’ouvrage: Coopérative d’habitation et de construction Graphis, Berne

Architecture: Jakob Steib, Zurich ( Jakob Steib, Andrea Jeger, Silvia Burgermeister )

Type de mandat: concours de projet, 2018

Gestion de la construction: FF BK, Münchenstein

Architecture du paysage: Albiez de Tomasi, Zurich

Coût total ( CFC 1 – 5 ): 28,74 millions de francs Coûts ( CFC 2 / m2 ): 5624 francs

Certification: Minergie -AEco et Minergie-P-Eco

Masquer

Planification de l’installation photovoltaïque: CIPV, Matthias Roos, Zurich

Conception et fabrication de la façade: GFT, Saint-Gall

Fabrication des modules solaires: Megasol, Deitingen

Exécution de l’installation: Planeco, Münchenstein

Toiture

Nombre de modules

solaires: 218

Surface des modules: 370 m2

Puissance de l’installation: 74 kW

Rendement énergétique

annuel: 65 MWh

Façade

Nombre de modules

solaires: 1933

Nombre de formats de modules différents: 38

Surface des modules: 2510 m2

Puissance de l’installation: 338 kW

Rendement énergétique

annuel: 147 MWh

Le maître d’ouvrage de l’ensemble Heuwinkel à Allschwil souhaitait une façade photovoltaïque. Une première pour l’architecte chargé du projet.

Texte: Axel Simon, Photos: Dlovan Shaheri

Trois barres d’immeubles datant de l’après-guerre, nombreuses à Allschwil, se dressaient sur le site. Elles ont été remplacées par deux grands bâtiments comprenant 48 appartements contre 65 jadis, la plupart réservés aux familles. L’un est petit et rectiligne, l’autre, un S anguleux, forme deux coudes. L’architecte Jakob Steib entame la présentation de son projet par le volet urbanistique. Selon lui, le problème de ces immeubles réside dans l’uniformité des espaces extérieurs. Son S crée une place sur la rue où tout est réuni: les trois entrées et le passage vers le jardin, l’abri à vélos et l’accès au parking souterrain, la salle commune haute et une fontaine sur les pavés. Ces constructions introduisent une nouvelle échelle dans le quartier, passant de trois étages surmontés d’un toit à cinq étages coiffés d’un attique. Elles ajoutent un élément de valeur: un espace public. La plupart des arbres et des buissons ont été conservés.

Quand l’architecte remporte le concours en 2018, son bureau porte encore le nom de Jakob Steib Architekten. Depuis 2020, il dirige le bureau Steib Gmür Geschwentner Kyburz avec Patrick Gmür, Michael Geschwentner et Matthias Kyburz. Les plans reflètent toute l’expérience de cet architecte de 63 ans: la plupart des pièces à vivre sont un peu plus basses à une extrémité et la largeur des chambres à coucher toujours supérieure à 3 m, ce qui facilite l’ameublement. L’entrée comprend une penderie et la cuisine souvent peut accueillir une table. Les loggias sont concentrées sur les façades ouest et sud côté jardin, seules deux sont en vis-à-vis sur la rue et font de cette exception un thème urbanistique.

Dans la description de Jakob Steib, la façade solaire n’est abordée qu’à la fin, elle serait venue « par has ard ». Le projet de concours lauréat prévoyait une façade métallique. La maîtrise d’ouvrage en a fait un bardage en ardoise, puis une façade photovoltaïque, au grand dam de l’architecte. « Le temp s donne du caractère aux façades. Les façades en verre, elles, ne peuvent pas vieillir. » L’inconvénient s’est mué en défi, puis en exigence de bâtir un modèle du genre.

Les panneaux de façade sont d’un gris bleu sombre. Bien qu’ils soient mats, ils brillent au soleil et passent pour du verre ordinaire. Ce n’est que de très près que l’on détecte les cellules solaires masquées derrière le verre imprimé d’un minuscule motif damier. La couleur réduit la production d’électricité de seulement 15 %. Sup erposées, les fenêtres à hauteur de plafond sont regroupées en bandes verticales qui atténuent l’impression de hauteur du bâtiment pour le voisinage. Les embrasures de fenêtres s’alignent de haut en bas, formant des lésènes qui encadrent aussi les bandes de la façade dans l’intervalle. « Les lésènes nous permettent d’intégrer les modules solaires en évitant l’effet de pièce rapportée ». Le contraste entre les lésènes blanches et les panne aux sombres se répète au niveau du soubassement en béton fibré clair. Concernant son utilisation récente de la technologie solaire, Jakob Steib explique: « Nous devrions concevoir des façades de ce type, parce que nous n’avons plus le choix. Mais sans exagérer ni oublier qu’elles représentent aussi une perte. »

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Étage standard

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0 10 m
Devant les entrées, les deux nouveaux bâtiments de l’ensemble Heuwinkel forment une place publique.
Rez-de-chaussée

« Regardez et faites de même ! »

Pourquoi en tant que maître d’ouvrage, avez-vous opté pour une façade photovoltaïque ?

Mike Tschofen: À mon arrivé e à la Commission des constructions il y a 14 ans, nous avons décidé de bâtir des constructions durables et écologiques. Selon Minergie-A-Eco par exemple, comme pour Heuwinkel. Nous avons aussi prêté attention à l’origine et à la durée de vie des matériaux. Rénovés ou non, tous nos toits plats accueillent dans la mesure du possible des installations solaires. À Allschwil, nous avons bâti notre première façade photovoltaïque. Nous voulions montrer que le projet était viable en termes de budget et de conception, même avec un loyer basé sur les coûts. La commune d’Allschwil impose 50 % d’énergies renouvelables au minimum pour les nouvelles constructions. Est-ce que cela a joué un rôle ?

Non, l’époque s’y prêtait, tout simplement, et nous étions disposés à intégrer cette technologie. L’installation photovoltaïque sur le toit aurait suffi à atteindre le rendement exigé. Pour le concours, c’était une façade en tôle qui était prévue. Pourquoi ce changement ?

La façade métallique proposée par Jakob Steib a évolué vers l’ardoise, puis le photovoltaïque. L’architecte était sceptique au début, mais les nombreux formats récurrents nous ont encouragés à poursuivre. D’après nos calculs, l’installation solaire sera amortie d’ici 30 à 35 ans. Les modules solaires ont coûté 3,5 fois le prix du revêtement en ardoise. Mais nous rentrerons dans nos frais grâce aux économies sur les coûts d’électricité, sans devoir les facturer aux locataires.

Comment s’est déroulé le processus de conception ?

Nous avons beaucoup appris. Nous avions de bons spécialistes qui, avant les travaux, ont lancé des appels d’offres pour tous les mandats, c’était crucial. Une planification trop rigide, c’est fatal pour un chantier. Nous avons pu réagir aux ruptures d’approvisionnement. Les entrepreneurs se sont concertés avant le début de la production. Pour une façade hybride de 2500 m2, il est important d’harmoniser les tolérances. À l’intérieur, le concepteur bois a des tolérances qui diffèrent de celles du concepteur de façades, à l’extérieur. C’est un processus itératif.

La technologie solaire sur toiture et en façade crée-t-elle des bâtiments à énergie positive ?

Les installations photovoltaïques produisent autant d’électricité que la pompe à chaleur géothermique en consomme par an pour le chauffage et l’eau chaude. En cas d’écarts de production, le fournisseur local d’électricité verte prend le relais. Les façades situées à l’est et au nord ont l’avantage de produire aussi en cas de lumière diffuse. L’ensemble des façades fournit plus de deux fois plus de courant que les toits et l’installation photovoltaïque complète couvre 86 % des b esoins en électricité des deux bâtiments.

Que feriez-vous différemment aujourd’hui ?

Je ne saurais pas vous dire. Outre l’environnement, nous tenons à la collaboration avec les autorités locales et au respect du voisinage. À Allschwil, nous voulions envoyer un signal, « Regardez et faites de même ! » Aujourd’hui, la commune aussi vante l’ensemble urbain comme un projet phare et Jakob Steib s’est converti à la technologie solaire. Une réussite de A à Z ! Mike Tschofen est architecte, directeur adjoint et responsable de la construction au sein de la coopérative de construction et d’habitation Graphis. ●

Coupe de la façade au niveau de l’attique

1 Mo dule photovoltaïque

2 Lé sène ( aluminium )

3 Fenêtre ( b ois-métal )

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La cuisine reprend la teinte de la façade.
1 2 3
Photo: Johannes Marburg

Production d’électricité photovoltaïque dans le canton de Bâle-Ville

Production 2010:

3 G Wh / a

Production 2020*:

26,1 GWh / a *

Potentiel de production

toits: 63 4 GWh / a

Potentiel de production toits et façades:

83 1 GWh / a

Consommation d’électricité, total:

13 48 GWh / a

* La production exacte n’est pas connue, étant donné que la consommation propre n’est pas mesurée. En se basant sur la puissance installée de 37 MW, les Services industriels de Bâle ( IWB ) estiment que la quantité produite en 2022 se situe entre 35 et 40 GWh ( facteur d’approximation 1000 ).

10 installations photovoltaïques

Garder le cap

Volonté politique forte, loi sur l’énergie stricte: Bâle est réputée exemplaire en matière de solaire. Étonnamment, le lien avec son architecture solaire primée est ténu.

Texte: Rahel Marti, Infographies: Barbara Schrag, Hochparterre

« Bâle, une ville solaire ? Cela me surprend un peu », ré agit Dominique Salathé avec une hésitation dans la voix. Architecte et professeur d’architecture à la Haute école spécialisée du nord-ouest de la Suisse ( FHNW ), il a récemment conçu sa première façade solaire lors de la rénovation d’un immeuble dans l’Oberwilerstrasse voir ‹ Transformer ›, page 12. « On est souvent critique envers sa propre ville », conc ède-t-il, « il est vrai que Bâle compte maintenant quelques bâtiments solaires prestigieux ». Notamment le nouveau bâtiment de l’Office cantonal de l’environnement et de l’énergie voir Solaris #06, mars 2022, dont la façade a nécessité plusieurs années de planification acharnée de la part de Jessenvollenweider, et qui a suscité l’enthousiasme par son alliance d’architecture et de photovoltaïque. Commande des pouvoirs publics, ce bâtiment pionnier a obtenu une série de prix, dont le ‹ Prix d’architecture international pour la technologie solaire intégrée dans le bâtiment › en 2022. La façade photovoltaïque de la tour Coop, rénovée, s’est placée au deuxième rang voir ‹ Rafraîchir ›, page 2, et le Pavillon Novartis a également été distingué voir ‹ Envoûter ›, page 6

En 2011, la Commission d’esthétique urbaine ( SBK ) a été révoquée après avoir interdit des modules photovoltaïques sur l’élégante tour Lonza. Sous l’effet de la pression politique dans cette ville soucieuse de l’environnement, le directeur du service des constructions, Hans-Peter Wessels, avait annulé la décision, sans autre forme de procès. L’installation n’a pas été réalisée, mais deux nouveaux bâtiments dotés de panneaux photovoltaïques verront bientôt le jour près de la tour. Pour la rénovation de la tour Coop en revanche, la SBK a discuté des détails avec le bureau Burckhardt en s’aidant de maquettes à l’échelle 1 : 1. Burckhardt a également conçu la tour Grosspeter, située de l’autre côté des voies ferrées. Les façades sombres revêtues de 6000 m2 de modules solaires couvrent depuis 2017 les besoins de la tour en électricité. Le stade SaintJacques sera lui aussi bientôt habillé de modules solaires par Herzog & de Meuron. « Peut- être qu’à Bâle, un climat propice à l’architecture solaire est en train de naître », réfléchit Dominique Salathé. « Dans l’administration cantonale, à la FHNW, grâce à des bureaux d’architecture curieux ou aux réseaux comme ‹ Countdown 2030 ›, →

Solaris #08, août 2023 Garder le cap 28

Puissance potentielle ensemble de la Suisse

9 1,3 GW

Puissance installée en valeur absolue ensemble de la Suisse

3,8 GW

Un canton urbain avec des immeubles d’habitation compte plus de personnes logées sous un toit photovoltaïque que des régions caractérisées par l’habitat individuel.

ZH BS AI UR

Les unités watt ( W ), megawatt ( MW ) ou gigawatt ( GW ) désignent la puissance délivrée par des modules solaires dans des conditions de test standards. Pour comparaison, un module solaire a une puissance d’environ 400 watts.

Puissance installée par rapport à la puissance potentielle ( en pour-cent )

Puissance installée par habitant ( en watt )

Sources: Office fédéral de l’énergie, Office de statistique du canton de Bâle-Ville, Association des producteurs d’énergie indépendants ( VESE )

Solaris #08, août 202 3 Garder le cap 29 CH
BS
AI
UR 2,8 2010 2020 CH 439 BS 189 ZH 239 AI 994 UR 297 ZH BS AI UR
4,2
4, 2 ZH 3,6
6,6

peut-être la ville est-elle vraiment, plus que d’autres, un vivier de projets. Mais vu les discussions professionnelles et politiques », ajoute -t-il, « il est étonnant qu’il n’y ait pas plus d’exemples pertinents. »

Promotion de longue date mais impact modeste

La promotion du solaire dans le canton et la législation progressiste en matière d’énergie sont plus anciennes que la construction d’immeubles photovoltaïques convaincants. Depuis 1998, la loi cantonale sur l’énergie permet de soutenir la production d’électricité d’origine renouvelable et depuis 1995, un tarif de reprise s’applique pour les installations photovoltaïques privées. La rétribution bâloise a longtemps compté parmi les plus élevées de Suisse. À Bâle-Campagne, Primeo Energie rétribue 24,5 centimes par kWh d’après l’Association des producteurs d’énergie indépendants ( VESE ), nettement plus que les S ervices industriels de Bâle ( IWB ). Pourtant, les prix de l’électricité fluctuent. Les IWB appliquent une sorte de modèle d’hypothèque fixe, garantissant un tarif de 14 centimes par kWh sur 12 ans. Avec l’‹ Action Toit solaire ›, le canton de BâleVille a par ailleurs doublé la contribution fédérale aux installations privées quand elles couvrent 75 % d’un toit adapté. Mais les subventions sont épuisées. Le canton étudie s’il poursuit l’action et si à l’avenir, 90 % du toit doit être couvert.

Détail intéressant, la promotion de première heure n’a pas encore hissé le canton en tête du classement de la production photovoltaïque suisse. Si l’on prend comme ré -

férence la puissance installée par rapport à la puissance photovoltaïque potentielle, elle est à 4,2 % à Bâle -Ville et, d’après les données de la VESE, exactement dans la moyenne suisse. Bâle-Ville se place donc à l’avant-dernière place avec 205 W par habitant, devant Genève. La moyenne suisse est, elle, de 550 W par habitant voir infographies, page 29. Ces deux cantons sont à la traîne, ce qui montre bien que l’expansion du photovoltaïque dans les zones urbaines densément bâties est plus compliquée qu’ailleurs. Le retard n’est pas lié aux conditions d’aide, affirme Matthias Nabholz, directeur de l’Office cantonal de l’environnement et de l’énergie: « Depuis longtemps, il est possible d’exploiter des installations photovoltaïques de manière rentable à Bâle-Ville. Mais il faut des maîtres d’ouvrage et des bureaux d’architecture qui creusent le sujet, utilisent les bonnes bases et veulent réellement utiliser le photovoltaïque. » Condition sine qua non pour faire émerger une architecture solaire de qualité capable de hisser le photovoltaïque sur la scène culturelle, de captiver le public et de faire en sorte qu’il accepte davantage d’installations solaires, de plus grandes dimensions.

Offensive, risques et effets collatéraux

L’obligation d’équiper les bâtiments neufs de photovoltaïque existe à Bâle-Ville depuis 2017 déjà. La loi sur l’énergie entrée en vigueur la même année et très avancée par rapport aux autres cantons impose de réduire les émissions de CO2 à une tonne par an et par habitant

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Depuis 2017, la tour Grosspeter se dresse au bord des voies. La tour Coop lui fait face. Photo: Susanne Hefti Le stade Saint-Jacques sera lui aussi bientôt enveloppé d’une centrale solaire.
Visualisation: Herzog & de Meuron

d’ici 2050 et de fournir au moins 90 % d’énergies renouvelables au canton. Elle oblige aussi l’administration à équiper les bâtiments publics. Depuis 2021, le terme d’« offensive solaire » est inscrit dans les objectifs de législature fixés par le Conseil d’État. La population a déjà révisé les standards actuels. En novembre 2022, les électeurs ont décidé que le canton devait abaisser les émissions de gaz à effet de serre à zéro émission nette d’ici 2037. D’où une adaptation nécessaire de la loi. Une intervention parlementaire accentue aussi la pression: Jürg Stöcklin, élu Verts, a exigé que la totalité des toits soit équipée en photovoltaïque d’ici 15 ans.

Mais on ignore la finalité concrète de l’offensive solaire. Clarifier les aspects techniques et juridiques prend du temps. Nous en sommes réduits aux suppositions: le canton veut-il aussi introduire l’obligation du photovoltaïque pour les rénovations importantes de toits et de façades ? Ou, comme d’autres, limiter l’obligation de permis de construire pour les installations photovoltaïques ( sauf pour les zones et objets protégés ) à une procédure d’annonce ? En termes de p aysage urbain, cela signifierait que le photovoltaïque ne serait pas seulement intégré aux façades de nouvelles constructions étudiées, mais aussi superposé à l’ensemble hétérogène et coloré des bâtiments existants.

Un problème d’actualité pousse l’Association bâloise des locataires ( MV Basel ) à s’inviter dans le débat. Sa directrice Patrizia Bernasconi est députée au Grand Conseil

de Bâle-Ville et membre de la Commission cantonale de l’énergie. Représentante des locataires, elle incarne, ditelle, « une sorte de conscience sociale ». Favorable à l’offensive solaire, elle souligne que la MV Basel a allié protection du logement et mesures écologiques dès la première initiative sur la protection du logement en 2008. Des dispositions de protection du logement qui visent à n’autoriser que les rénovations douces conformes à un standard écologique élevé sont appliquées depuis mai 2022. La mise en œuvre cohérente de la stratégie solaire en fait partie. Ce dispositif doit empêcher « l’é coblanchiment des rénovations dans un but lucratif ». La loi liste aussi expressément l’énergie grise dans les critères permettant de privilégier les rénovations écologiques aux démolitions. « Protection du logement et protection du climat, même combat », déclare Patrizia Bernasconi. C’est aussi l’intitulé de la campagne lancée par la MV pour porter le volet social de l’offensive solaire et des pénuries d’énergie devant les acteurs politiques et la population résidente.

Énergie et esthétique

Bâle est-elle une ville solaire ? Barbara Sintzel prend elle aussi le temps de réfléchir. Professeure, elle dirige l’Institut Durabilité et énergie dans la construction à la FHNW et siège avec Patrizia Bernasconi au sein de la Commission cantonale de l’énergie. « En matière de photovoltaïque, le canton de Bâle-Ville possède l’une des législations les plus strictes et promeut les énergies →

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Le nouveau bâtiment de l’Office cantonal de l’environnement et de l’énergie ( OEE ) et sa belle façade sont situés au cœur de Bâle. Photo: Daisuke Hirabayashi

renouvelables depuis de nombreuses années. » Elle juge les nouveaux bâtiments solaires dignes d’intérêt, soulignant au passage la rénovation de la tour Coop ou de l’immeuble d’habitation de l’Oberwilerstrasse. « Bâle n’est pas encore une ville solaire, mais elle s’est fixé pour objectif de le devenir », nuance-t-elle. La FHNW veut soutenir l’action par la recherche et les conseils. « En collaboration avec les bureaux d’architecture, nous souhaitons étudier et développer l’esthétique, mais aussi des thèmes comme la durée de vie du photovoltaïque », détaille Barbara Sintzel.

Personne n’y trouvera à redire. Mais ni la conscience écologique élevée de la population ni la loi stricte sur l’énergie n’ont encore créé à Bâle un contexte qui considère l’architecture de qualité comme partie intégrante de la promotion du solaire et de son expansion. Si le zéro émission nette doit s’appliquer dès 2027, la conversion indispensable aux énergies renouvelables devra être doublée d’une expansion prodigieuse. La plupart des installations devraient être mises en place sur les toits. Toutefois, croire que le paysage urbain ne sera pas modifié parce que les toits sont moins visibles, comme certains l’affirment pour rassurer, est une illusion.

Dans le vacarme politique actuel, des voix laissent entendre que même les toits des églises seraient équipés. Beat Aeberhard, chef des services cantonaux des constructions, ne peut s’empêcher de soupirer. « Des milliers de mètres carrés de toits attendent dans les zones portuaires et industrielles. Faisons-en une priorité avant de vouloir couvrir des surfaces limitées sur des objets protégés. » Le service Urbanisme et architecture que dirige Beat Aeberhard depuis 2015 n’a, en ce moment, pas d’autre solution que d’encourager une architecture solaire de qualité dans le cadre des projets publics et de stimuler

en amont, par le biais de concours, l’inventivité des bureaux d’architecture. « Encadrer l’offensive solaire prévue par la conception est irréaliste dans le contexte politique et social actuel », obs erve Beat Aeberhard, lucide. Peutêtre en arrivera-t-on à des excès comme pour la protection contre le bruit, avant que le public n’exige une conception de qualité pour le photovoltaïque. Et de conclure, très confiant: « Tôt ou tard, nous pourrons travailler à une vision de Bâle, ville solaire. »

Mais qu’est-ce qu’une ville solaire ? Pour mieux cerner cette appellation, on peut utiliser différents critères: la ville apporte-t-elle une contribution maximale à la protection du climat grâce à l’énergie solaire ? A-t- elle une compréhension aussi complète que possible de cette évolution ? Veille-t-elle à son paysage urbain non pas en s’opposant à l’expansion solaire, mais en l’encourageant ? La population apprécie-t-elle cette ville non seulement pour la production d’électricité, mais aussi pour ses qualités spatiales, esthétiques et fonctionnelles ? En bref, la ville solaire ne se résume pas au dilemme énergie ou esthétique, elle est la somme des deux. Dans Solaris #07 ( mai 2023 ), nous nous demandions comment envisager et modeler l’énergie solaire comme forme urbaine de production d’énergie. Comment donner une identité urbaine à l’énergie solaire ? Et dans cette logique, où et dans quelle mesure rendre perceptible la production solaire en ville et en agglomération ?

À la différence du chauffage urbain, l’énergie solaire est palpable et ses installations visibles. Des questions susceptibles d’intéresser un canton comme Bâle-Ville, avancé dans ce domaine. Mais à l’heure actuelle, Bâle-Ville montre plutôt que la promotion active de l’énergie solaire et l’architecture solaire de qualité sont des vases non communicants tant qu’on ne les solidarise pas. ●

Solaris #08, août 2023 Garder le cap 32
Lors de la rénovation du siège social de Coop, une tour datant de 1978, on a pu suivre de près les modifications de la façade, du haut jusqu’en bas. Photos: Mark Niedermann

Bâle, région solaire

Nichée dans le coude du Rhin, la ville surprend. On y trouve des bâtiments remarquables produisant de l’électricité solaire: façade discrète ou rafraîchissante d’originalité, toit solaire emblématique ou façade média futuriste générant elle-même l’énergie dont elle a besoin. Ce cahier présente cinq d’entre eux, interroge ceux qui ont participé à leur construction et met en lumière le cadre sous-jacent en matière de politique, d’architecture et de planification.

Burckhardt + Partner AG Jakob Steib Architekten AG

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