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Rue des Beaux-Arts n°55 – Avril/Mai/Juin 2016

RUE DES BEAUX ARTS Numéro 55

Avril/Mai/Juin 2016


Rue des Beaux-Arts n°55 – Avril/Mai/Juin 2016

Bulletin trimestriel de la Société Oscar Wilde

RÉDACTRICE : Danielle Guérin-Rose Groupe fondateur : Lou Ferreira, Danielle Guérin-Rose, David Charles Rose, Emmanuel Vernadakis On peut trouver les numéros 1-41 de ce bulletin à l’adresse http://www.oscholars.com/RBA/Rue_des_Beaux_arts.htm et les numéros 42 à 53 ici.


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1 – Éditorial Oscar et les peintres Oscar Wilde aurait-il pu s’orienter vers la peinture plutôt que vers la littérature ? Il semblerait qu’étudiant à Oxford, il se soit aventuré à jeter quelques couleurs sur la toile. L’histoire ne dit pas ce que valaient ces tableaux, timides tentatives vers l’art qui fascinait déjà Wilde, sous toutes ses formes. La carrière picturale d’Oscar tourna court, mais la peinture ne disparut pas pour autant de sa vie.

Oscar Wilde's watercolour impression of the view from his childhood holiday house, Moytura, in County Mayo, Ireland.

Le premier ami avec lequel il partagea un appartement à Londres était peintre. Frank Miles, de deux ans son aîné, était spécialisé dans le portrait des dames de la haute société, les personnalités qui


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fréquentaient l’appartement de Salisbury Street, baptisé « Thames house », en raison de sa vue sur la rivière, puis celui du 1, Tite Street – Chelsea – (« Keats House ») où ils s’installèrent par la suite. C’est grâce à Miles, qui avait déjà acquis une position dans le monde, que Wilde s’immisça dans le milieu fermé de la bonne société, par une porte dérobée, en quelque sorte, parce qu’il était le colocataire et l’ami (certains évoquent, sans preuve, des relations plus intimes) d’un peintre à la mode. C’est par son intermédiaire en particulier qu’il rencontra Lillie Langtry, une des plus jolies femmes de Londres, qui venait y poser pour l’exécution de son portrait.

Lillie Langtry par Frank Miles (1884)

Lorsque Wilde, brouillé avec son ami, après la publication de son sulfureux poème « Charmides », dont l’immoralité avait tant choqué le père de Miles, qu’il avait immédiatement exigé la rupture des liens entre les deux hommes, prit son indépendance, il tourna ses regards vers un autre peintre, beaucoup plus fameux : James Abbott McNeill Whistler.


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Il est possible que Wilde et Whistler se soient déjà rencontrés quand le jeune Wilde, totalement inconnu, vivait encore Salisbury Street, avec Miles. En juillet 1877, alors qu’il était toujours à Oxford, il avait publié dans le Dublin University Magazine un article intitulé «The Grosvenor Gallery », qui relatait l’inauguration, le 30 avril 1877, de cette galerie londonienne, où il s’était fait remarquer en arborant un manteau bronze et rouge invoquant la forme du violoncelle. Il y avait là des toiles des Préraphaélites, de BurneJones et de Whistler, sur lequel Wilde porta un jugement peu aimable, affirmant que les deux œuvres les plus dénigrées de l’exposition étaient « Nocturne en bleu et argent », et « Nocturne en noir et or : la chute de la fusée », ajoutant pour cette dernière œuvre qu’elle « mérite tout juste le temps qu’on accorde à une vraie fusée, c’est-à-dire à peine un quart de minute ».

Whistler – Nocturne en noir et or – La chute de la fusée

Les débuts d’Oscar Wilde comme critique d’art ne s’avéraient pas très concluants. Mais comme ces persiflages étaient adoucis de quelques compliments, Whistler ne s’en formalisa pas trop, (sans


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doute n’en eût-il pas même connaissance) au contraire de ceux de Ruskin qui avait déclaré à propos de ce même tableau : « La mauvaise éducation de monsieur Whistler est une imposture préméditée. Je n’ai jamais entendu un bouffon réclamer 200 guinées pour avoir jeté un pot de peinture à la face du public », ce qui valut à l’un des maîtres préférés de Wilde un dépôt de plainte et un procès en diffamation. C’est à Tite-Street, où ils étaient voisins, que Wilde devint un intime de Whistler dont il fréquentait assidument l’atelier. Son admiration pour le peintre ne connut alors plus de bornes au point qu’il le déclara le plus grand peintre d’Angleterre, auteur d’aquarelles comme jamais dieu n’en contempla. Wilde voyait en Whistler un mentor, et Whistler se plaisait à voir en Wilde un jeune double de lui-même, plein d’ambition, d’esprit et de talent. Certains poèmes d’Oscar, comme Impressions du matin s’ouvrent sur une allusion à l’œuvre du peintre : « La Tamise bleue et dorée, vira en harmonie de gris », vers qui fait poétiquement écho au « Nocturne en bleu et or » de Whistler (Primitivement, « Nocturne en bleu et argent ») que Wilde avait si peu apprécié à la Grosvenor Gallery. Comme on sait, l’amitié des deux hommes finit par se tarir et tourner au vinaigre. Mais Wilde n’en continua pas moins à s’entourer de peintres. On sait quelle influence eut sur son esthétisme le mouvement préraphaélite, et ses théories de L’Art pour l’Art, qu’il porta jusqu’en Amérique. Rossetti, Burne-Jones, font partie de son univers artistique. Plus tard, ce seront les peintures

de

Gustave

Moreau

(décrites

dans

le

roman

de


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Huysmans, « A Rebours ») qui lui inspireront son personnage de Salomé, et plus particulièrement deux d’entre elles : «L’apparition » et « Salomé dansant devant Hérode ».

Le nom d’un autre artiste est lui aussi indissolublement attaché au « Salomé » de Wilde, c’est celui d’Aubrey Beardsley, pas vraiment un peintre, mais un illustrateur, comme l’était aussi Charles Ricketts, excellent ami de Wilde qui illustra plusieurs de ses œuvres, certains de ses poèmes et poèmes en prose, comme « La Maison du Jugement », « La Sphinge » ou « Le Disciple », mais aussi son recueil de contes « Une maison de Grenades » et la couverture originale du « Portrait de Dorian Gray ».


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Charles Ricketts – La Maison du Jugement et Le Disciple.

Si l’on considère les fréquentations de Wilde, on constate qu’elles comptent

encore

d’autres

peintres :

Walter

Sickert,

Graham

Robertson, William Rothenstein, Jacques-Emile Blanche et peutêtre, si leur rencontre est avérée, Henri de Toulouse-Lautrec. S’y ajoutent des artistes comme Charles Conder ou Walter Crane, l’illustrateur du « Prince Heureux » et des contes. On sait aussi qu’il visita Degas et Pissaro dans leur atelier parisien, quoiqu’il restât fort éloigné du mouvement impressionniste et que, sans doute, il n’en vît pas l’importance, même s’il a pu écrire dans « Le déclin du mensonge » : Là où elle (la nature) nous donnait des Corot ou des Daubigny, elle nous donne maintenant des Monet exquis et des Pissarro enchanteurs. Ses conceptions artistiques, Wilde les exposa d’abord dans ses conférences, puis dans ses essais où il essaie de cerner la vérité


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essentielle de l’art, en arrivant par exemple à l’idée que ce sont les poètes et les peintres qui ont inventé les brouillards, et qu’avant Turner, il n’y avait pas de brouillards à Londres : Des brouillards ont pu exister pendant des siècles à Londres. J'ose même dire qu'il y en eut. Mais personne ne les a vus et, ainsi, nous ne savions rien d'eux. Ils n'existèrent qu'au jour où l'art les inventa. Ainsi, ce sont les peintres qui nous ouvrent les yeux et qui nous donnent à voir, parce que Le nature imite l’art bien plus que l’art n’imite la vie. Le rôle du peintre est donc essentiel au regard de Wilde, et ce n’est pas pour rien qu’ils se tiennent au milieu de ses personnages principaux dans plusieurs de ses œuvres : « Le Portrait de Mr. W.H », « Le millionnaire modèle », et, bien sûr, « Le Portrait de Dorian Gray » où Basil Hallward donne à Wilde l’occasion de s’incarner lui-même en peintre, puisqu’il prétendra être chacun de ses trois héros : « Basil Hallward est celui que je pense être, Lord Henry celui que le monde me croit être, et Dorian celui que j’aimerais être. » On peut y ajouter Thomas Wainewright, le héros criminel de sa nouvelle « Plume, pinceau, poison » qui, en plus de ses activités de meurtrier et de faux-monnayeur, pratique aussi celle de peintre. Wilde figura lui-même dans un certain nombre de toiles, comme dans celle de William Powell Frith : A Private view at the Royal Academy (1881), ou dans la toile de Henri de Toulouse-Lautrec, où on le voit de dos à la foire du trône regardant danser La Goulue : « La danse mauresque où les Almées ».


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A private view at the Royal Academy

C’est encore Lautrec qui signe son portrait en 1895, et il sera aussi représenté dans son déclin par le peintre espagnol Ricard Opisso, ou, en dandy esthète, par le tchèque Jan Konupek (1907), et le peintre américain Harper Pennington (1884).

Intérieur de café – Ricard Opisso

Oscar Wilde – Jan Konupek


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Le cadre du tableau contient un monde. Le peintre, par son art, nous révèle l’essence de la réalité, et se révèle lui-même car « tout portrait qu’on peint avec l’âme est un portrait non du modèle, mais de l’artiste. » Danielle Guérin-Rose


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2 - Publications Oscar Wilde – Le Portrait de Mr. WH L’Herne – 20 avril 2016 Carnets de l’Herne IBSN 978 2 85197 823 3 Oscar Wilde – Le modèle millionnaire L’Herne - 20 avril 2016 Carnets de l’Herne ISBN 978-2-85197-822-6

Et ailleurs…


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Igor Zahir – Bosie Edition Portugaise Kindle edition – janvier 2016

CD Audio Lübbe Audio (11 novembre 2016)


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3- Expositions Pre-Raphaelites: Beauty and Rebellion

'In The Grass', (detail) Arthur Hughes © Museums Sheffield

Cette exposition présente plus de 120 peintures qui mettent en lumière le rôle joué par Liverpool dans le mouvement Pré-Raphaélite. À travers l’œuvre de certains Maîtres comme Dante Gabriele Rossetti, Ford Madox Brown, William Holman Hunt et John Everett Millais, l’exposition explore la signification de la Liverpool Academy et des Salons d’Automne qui permirent au mouvement de se développer.

12 février au 5 juin 2016 Walker Art Gallery – Liverpool


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4. Opéra et Concerts The Importance of being Earnest De Gerald Barry

Mise en scène : Ramin Gray Décors : Ben Clarck Costumes : Cristina Cunningham Britten Synfonia Ensemble Direction Musicale : Tim Murray Avec : Benedict Nelson, baryton (Algernon) – Paul Curievici, ténor (Jack) – Claudia Boyle, soprano (Cecily Cardew) – Stephanie Marshall, mezzo-soprano (Gwendolen) – Alan Ewing, basse (Lady Bracknell) – Hilary Summers, contralto (Miss Prism) – Simon Wilding, basse (Lane/Merriman) – Kevin West, tenor (Rev. Chasuble).

29 mars au 3 avril 2016

Barbican Theatre – Londres


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5 – Théâtre Le Portrait de Dorian Gray Au théâtre du Lucernaire

Mise en scène : Thomas Le Douarec Avec : Arnaud Denis (en alternance avec Valentin de Carbonnières) – Lucile Marquis (en alternance avec Caroline Devismes) – Fabrice Scott et Thomas Le Douarec. Du 20 janvier au 3 avril 2016


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– à 20H du mardi au samedi – 17H le dimanche.

Théâtre du Lucernaire – Paris

M

Au théâtre Laurette La Compagnie des Framboisiers Joue…

Le Portrait de Dorian Gray

Avec :

Jonathan Potey, Jean-Baptiste Sieuw, Sonia Sabardeil,

Delphine Thelliez

Du 13 janvier au 27 avril 2016 – le mercredi à 19H30 *


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L’Importance d’être Constant

Avec : Prisca Stiévenard, Jean-Baptiste Sieuw, Manon Delineau, Sonia Sabardeil, Hind Saâd, Jonathan Potey, Delphine Thelliez, Khaled Cheffi

Du 30 janvier au 21 mai 2016 – le samedi à 18H

Théâtre Laurette – Paris

Et ailleurs…


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The Judas Kiss De David Hare

Mise en scène : Neil Armfield Avec : Rupert Everett (Oscar Wilde) – Freddie Fox (Bosie) – Cal McAninch (Robbie), etc… La pièce de David Hare, qui s’est jouée avec un énorme succès au Hamsptead Theatre et au Duke of York de Londres en 2012, est reprise avec la même distribution, au Royal Alexandre Theatre de Toronto, puis au Bam Harvey Lichtenstein Theater de New York . Rupert Everett y est étincelant dans le rôle d’Oscar Wilde avant et après la chute.

22 mars au 1er mai 2016

Royal Alexandra Theatre – Toronto


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11 mai au 12 juin 2016

BAM – Brooklin Academy of Music – New York Sherlock Holmes and the case of the Jersey Lily de Katie Forgette


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Mise en scène : Craig Hall Avec : Haysam Kadri (Sherlock Holmes) – Karl Sine (Docteur Watson) – Chantal Perron (Lillie Langtry) - Paul Welch (Oscar Wilde) – Christian Goutsis (Professeur Moriarty)

Quand l’esprit d’Oscar Wilde rencontre la ruse de Sir Arthur Conan Doyle…

14 mai au 12 juin 2016 Vertigo Theatre – Calgari - Canada


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6 - Proust et Wilde

«Mr W.H.» et «Miss Sacripant» : étude de deux portraits imaginaires Par Pascale McGarry

Le Portrait de Mr.WH par Nika Golz

- Miss Sacripant d’après David Richardson

Selon leurs biographes et leur correspondance, Wilde et Proust se sont rencontrés à plusieurs reprises en 1891 et 1894. Plus hypothétiques seraient les visites que Proust aurait rendues à Wilde à la fin de sa vie, et dont parle André Maurois1. Ils avaient aussi un certain nombre d'amis communs et, lorsqu'il était à Paris, Wilde fréquentait des salons comme ceux de Mme Straus ou de Mme Baignières. Parmi ceux qui se lièrent à la fois avec Wilde et Proust, on trouve, bien sûr, Jacques-Emile Blanche2, mais aussi Douglas

André Maurois, A la Recherche de Marcel Proust, Paris, Hachette, 1949, p. 133. II exposa en 1884, à l'Union de Club des artistes un tableau appelé «les poésies d'Oscar Wilde» dont celui-ci le remercie dans une lettre. Letters of Oscar Wilde, London, Rupert Hart-Davis, 1962, p. 144. 1 2


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Ainslie1 dont Proust a fait la connaissance par l'intermédiaire de Robert de Billy et avec qui il parle de Ruskin et Pater, Robert d'Humières2, Regie Lister 3, Lord Lytton4, ou la famille Levenson. 1891 et 1894 sont deux dates importantes dans l'œuvre de Wilde en ce qui concerne les portraits imaginaires, puisque 1891 est l'année de la publication de The Picture of Dorian Gray et qu'en 1894, il tente, en vain, de faire publier une seconde version, plus longue, de sa nouvelle, The Portrait of Mr W.H. Aucun document biographique n'indique que Proust ait lu ces textes, mais on sait avec certitude que Proust a lu les essais esthétiques de Wilde, Intentions, et que son destin l'avait bouleversé. Il admet d'étranges coïncidences entre ses idées et celles de Wilde, et remarque que la formulation en est identique. Henry Bordeaux avait cité ce vers de Reading Gaol, «Yet each man kills the thing he loves». Voici le commentaire de Proust dans la lettre qu'il lui adresse : «Ce mot de Wilde, sans le connaître encore, je l'avais écrit textuellement et l'avais longuement commenté en une page que je vous enverrai, si vous ne la connaissez pas»5. Il fait allusion aux Sentiments Filiaux d'un Parricide6 publié en 1907 dans Le Figaro et où on lisait en effet : «nous tuons tout ce qui nous aime ». Plus connue est la référence de Wilde à Lucien de Rubempré, plusieurs fois évoqué par Proust, que ce soit explicitement, dans le Contre Sainte Beuve7, ou d'une manière plus discrète, dans sa Ibid., p. 188, et George D. Painter, Marcel Proust, Paris, Mercure de France, 1966, 1, p. 324. 2 Letters of Oscar Wilde, op. cit., p. 748 3 Letters of Oscar Wilde, op. cit., p. 358. 4 Letters of Oscar Wilde, op. cit., pp. 293 et 299. 5 Correspondance, éditée par P. Kolb, Paris, Pion, X, pp. 184-185 6 C.S.B., p. 158. 7 «Oscar Wilde, à qui la vie devait hélas apprendre plus tard qu'il est de plus poignantes douleurs que celles que donnent les livres, disait dans sa première époque (...) «Le plus 1


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correspondance1

et

surtout

dans

Sodome

et

Gomorrhe2,

par

l'intermédiaire de M. de Charlus, et où Wilde devient «je ne me rappelle plus quel homme de goût». Proust avait meilleure mémoire dans le prologue de Sodome et Gomorrhe3, où il fait de Wilde le martyr de l'homosexualité, plaçant dans sa bouche la phrase de Vigny qui fait écho à l'exergue expliquant le titre de l'œuvre : «La femme aura Gomorrhe et l'homme aura Sodome». Il évoquait en effet «le poète, la veille fêté dans tous les salons, applaudi dans tous les théâtres de Londres, chassé le lendemain de tous les garnis sans pouvoir trouver un oreiller où reposer sa tête, tournant la meule comme Samson et disant comme lui : « Les deux sexes mourront chacun de son côté » . L'importance indéniable, malgré ou à cause des références à Wilde chez Proust, et des correspondances entre Le Portrait of Mr W.H. et les pages consacrées à Miss Sacripant dans À l’ombre des Jeunes Filles en Fleurs permettent de se demander s'il y a seulement une grand chagrin de ma vie ? La mort de Lucien de Rubempré dans Splendeurs et misères des courtisanes». Une note, qui était aussi un hommage, ajoutait «Il y a d'ailleurs quelque chose de particulièrement dramatique dans cette prédilection d'Oscar Wilde, au temps de sa vie brillante, pour la mort de Lucien de - sans doute, il s'attendrissait pour elle, comme tous les lecteurs, en se plaçant du point de vue de Vautrin, qui est le point de vue de Balzac. Et à ce point de vue il était un lecteur particulièrement choisi et élu pour adopter ce point de vue plus complètement que la plupart des lecteurs. Mais on ne peut pas s'empêcher de penser que, quelques années plus tard, il devait être Lucien de Rubempré à la Conciergerie, voyant toute sa brillante existence mondaine écroulée sur la preuve qui est faite qu'il vivait dans l'intimité d'un forçat, n'était que - inconnue encore de Wilde, il est vrai - de ce qui devait arriver à Wilde» (C.SJB., p. 273). 1 On en retrouve un écho dans une réponse de sa mère : «La mort de Lucien de Rubempré m'a touchée moins que celle d'Esther» op. cit., II, p. 133). Une autre lettre à Robert Dreyfus, cette fois, introduit d'autres nuances (Marcel Proust de 1907 à 1914, Marcel Bonnet, Nizet, pp. 59 et 60). 2 «C'est si beau, le moment où Carlos Herrera demande le nom du château devant lequel passe sa calèche : c'est Rastignac, la demeure du jeune homme qu'il a aimé autrefois. Et l'abbé alors de tomber dans une rêverie que Swann appelait, ce fin était bien spirituel, la Tristesse d'Olympio de la pédérastie. Et la mort de Lucien ! je ne me rappelle plus quel homme de goût avait eu cette réponse, à qui il lui demandait quel événement l'avait le plus affligé dans sa vie : «La mort de Lucien de Rubempré dans Splendeurs et Misères». Il faudra revenir sur la référence à Swann dans ce contexte. (S.G., II, p. 1050). 3 S.G., II, pp. 615 et 616.


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coïncidence entre les deux portraits imaginaires ou si la nouvelle de Wilde a inspiré Proust lorsqu'il décrivait la visite du narrateur à l'atelier d'Elstir. La biographie des deux écrivains semble décourager cette deuxième hypothèse : plusieurs éléments biographiques distincts sont à l'origine des deux textes. En ce qui concerne le portrait de Miss Sacripant, il s'agirait tout d'abord d'une photographie de la demimondaine Clomesnil, rencontrée en 1888 et à laquelle, de l'aveu même de Proust, le personnage d'Odette Swann emprunte d'autres traits1. Il y a d'autre part une photographie de Réjane, travestie en prince de Sagan pour une revue de l'« Épatant» mise en scène par le Marquis de Massa, qu'elle ne lui offre que l'année du Prix Goncourt2 mais qu'il connaissait déjà et désirait posséder, et qui illustrait le feuilleton de son ami Robert Dreyfus dans son ouvrage consacré à la Revue de Fin d'année publié dans Le Figaro en 1908, puis chez Fasquelle l'année suivante. George D. Painter suggère également deux autres sources possibles : lors de la mort de son oncle Louis Weil, Proust retrouve dans une collection de photographies une photo de travesti (comme le narrateur) : «Une certaine Marie Van Sandt (...) en travesti masculin,

Anne Henry, Marcel Proust, théories pour une esthétique, Klincksieek, 1981, p. 292, et George D. Painter, op. cit., I, p. 97. 2 C.S.B., pp. 600 et 946. George D. Painter, op. cit., II, p. 300. Comoedia, 20 janvier 1920. Le Figaro littéraire, 17/23 November 1969. Les termes choisis par Proust pour évoquer la photographie de Réjane correspondent à ceux du portrait imaginaire de Miss Sacripant. 1


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dont le pantalon, garni de ruches, s'arrêtait au genou1. Enfin, Painter pense aussi à Méry Laurent, modèle et maîtresse de Manet2. Symétriquement, une actrice, elle aussi travestie, a inspiré à Wilde le portrait imaginaire de Mr W.H. C'est Lady Archibald Campbell qui met en scène As You Like It en 1884 et 1885 et y interprète le rôle de Rosalinde. Une série d'articles confirment l'importance qu'attacha Wilde à ces représentations, ceux de Lady Archie dans la revue que dirigeait Wilde, Woman's World («The Woodland's Gods» en 1887 et «The Child Players of the Elizabethan Stage» en 1888) et ceux de Wilde lui-même dans la Dramatic Review, «Shakespeare on Scenery» en 1885 et «As You Like It at Coombe House» également en 1885, sans parler de l'essai «The Truth of Masks». L'article que Wilde consacre à As You Like It rend hommage à l'interprétation du rôle de Rosalinde par Lady Archie, signalant cependant la difficulté, pour une femme, à jouer ce rôle écrit pour un homme («the vigour of the lad who stripped up the Duke's wrestler was hardly emphasised») et donc amorçant toute une réflexion sur le travesti et se référant, autre fait sur lequel il faudra revenir, à Mademoiselle de Maupin, via Swinburne : «Lovely as Gautier's description is, the real presentation of the play last week at Coombe seemed to me lovelier still». On sait aussi que Wilde supervisa de près l'illustration de l'article de Lady Archie, «The Woodland's Gods», puisque dans une lettre à Edwin Bale3 il parle de George D. Painter, op. cit., I, p. 252. Ibid., p. 280 3 The Letters of Oscar Wilde, op. cit., p. 205. Un tableau de Whistler, «Note in Green and Brown», fut peint à cette occasion, et selon Frank Harris, Oscar Wilde disait à qui voulait que «Lady Archie était plus séduisante que Rosalinde et que Whistler était un artiste incomparable» (The Paintings of James McNeill Whistler, Text, pp. 155, 156. Plates nos 218 et 420. Yale University Press, 1980). Là encore, le lien avec Proust est ténu, mais il existe, par l'intermédiaire des Propos de Peintre de Jacques Blanche, préfacé par Proust, et dont le chapitre sur Whistler est présenté comme «la perle délicieuse et mélancolique, 1 2


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trois photographies et trois dessins de Lady Archie. Les gravures qui illustrent l'article la montrent dans son travesti de Rosalinde (rôle dans lequel triomphent Cyril Graham et Mr W.H. d'une part, Sybil Vane dans The Picture of Dorian Gray, de l'autre). Les autres gravures ont ceci de particulier que les personnages de Rosalinde en travesti et d'Orlando y sont pratiquement identiques. Il convient enfin de mentionner exactement à la même époque, le 27 juin 1888, et, confirmant ce renouveau d'intérêt pour les acteurs travestis, un article que le maître de Wilde, Walter Pater, publiait dans le Guardian sur l'ouvrage de R. Doran, Their Majesties Servants1. Entre autres détails, une citation faussement attribuée prouve que Wilde a lu de très près cet article et l'a utilisé dans sa documentation pour The Portrait of Mr W.H.2 Il est remarquable, au-delà de la coïncidence qui traduit évidemment une convergence de préoccupations, de constater à quel point les deux écrivains sont proches l'un de l'autre dans leur traitement, leur stylisation, du motif initial. Pour créer l'image autour de laquelle peut se cristalliser l'écriture, un travail d'épuration doit se faire, qui dépouille le théâtre de son rôle initial, et surtout introduit une série de variantes de la visuelle : photographies, gravure, portrait ; dans les deux cas l'écriture ne se préoccupe plus seulement de la dimension théâtrale du personnage travesti, elle l'enferme dans un cadre et fait la verrerie la plus délicatement irisée de la présente collection». (J.E. Blanche, Propos de Peintre, Préface de Marcel Proust, p. VI, Emile-Paul Frères, 1919). 1 Essays from the Guardian, London, Macmillan and Co, 1910. Comparer à ce sujet The Portrait of Mr. W.H., p. 1179, et cette citation de Pater (op. cit., p. 84) : «It has since been disputable among the judicious whether any woman that succeeded him so sensibly touched the cowardice as he». Cette citation de Downes est attribuée par Wilde à Betterton, dont le nom apparaît dans le titre de l'ouvrage de Doran. 2


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son portrait. Ce faisant, elle définit les conditions de sa propre existence comme fiction et comme réflexion théorique. Ces deux textes sont des portraits, ces portraits représentent des acteurs et ces acteurs sont bi-sexuels. Chemin faisant, l'écriture questionne les modes de représentation rivaux (théâtre, peinture/ photographie), preuve de son efficacité, tant comme de la vérité que comme recherche de la vérité. Dans un cas comme dans l'autre, le portrait imaginaire n'est qu'un point de départ. Comme s'il laissait à désirer,

il

appelle

sa

propre

reproduction

et,

simultanément,

fonctionne comme la matrice à partir de laquelle d'autres textes sont créés. Il convient cependant d'introduire ici une distinction entre les deux portraits en ce qui concerne leur reproduction : la reproduction du portrait de Mr W. H., portrait non seulement imaginaire mais «faux», sera publiée dans l'édition des Sonnets dont Cyril rêve : «We then arranged that the picture should be etched or facsimiled, and placed as the frontispiece to Cyril's editions of the sonnets ; and for three months we did nothing but go over each poem line by line...»1. Il est significatif ici que la double représentation, le portrait et sa reproduction, précède tout travail critique sur les Sonnets de Shakespeare, toute véritable découverte de l'identité du destinataire. Si l'on reprend l'opposition formulée par Janine Çhasseguet-Smirgel dans Pour une Psychanalyse de l’art et de la Créativité2 entre fabrication et création, on perçoit mieux la raison pour laquelle Oscar Wilde, Complete Works, Collins, 1980, p. 1159 Voir Chap. VII, p. 182, Payot, 1971, Le rossignol de l'Empereur de Chine, essai psychanalytique sur le «faux». 1 2


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l'image fausse autonome peut se reproduire ainsi. Incapable de créer, incapable de trouver le véritable destinataire des Sonnets, le personnage de Wilde en multiplie des images fausses. Ainsi s'explique également l'idolâtrie dont l'objet faux, fétiche, est entouré et pourquoi chez des écrivains comme Gautier ou Wilde la foi dans l'art «va jusqu'à nier les catégories existentielles»1. Le canular de Wilde qui demande à son ami Ricketts de peindre un portrait de Mr W.H. pour une nouvelle édition de sa nouvelle2 doit aussi être pris au sérieux dans la mesure où il indique que pour Wilde les frontières de l'imaginaire et de la réalité sont inexistantes. Par contre la reproduction du portrait de Miss Sacripant a une fonction bien différente. La photographie désirée et non obtenue («j'aurais

beaucoup

aimé,

si

vous

en

possédiez,

avoir

une

photographie du petit portrait de Miss Sacripant»3) rejoint dans la fiction les images de femmes que le caprice ou la mauvaise volonté d'autrui empêchent le narrateur de posséder et qu'il obtient lorsqu'il ne les désire plus : «... j'avais été très étonné de trouver parmi les photographies que lui envoyait son père» (le père de Morel, valet de chambre du grand-oncle du narrateur) «une du portrait de Miss Sacripant (c'est-à-dire Odette) par Elstir»4. La photographie refusée crée une attente qui n'est comblée que trop tard, suivant cette technique fréquente dans le roman proustien qui consiste à abandonner provisoirement un fil de la narration qui sera repris plus loin. Michel Crouzet, Gautier et le problème de créer, RHLF, 2, Juillet- Août 1972. Letters of Oscar Wilde, op. cit., lettre à Ricketts, Automne 1889, p. 250. 24 J.F., I, p. 860. 3 J.F., I, p. 860. 4 C.G., II, p. 267 1 2


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Mais comme la technique romanesque est toujours liée à la réflexion théorique, la photographie de Miss Sacripant remplit une deuxième fonction qui est de poursuivre la réflexion déjà engagée sur le rapport entre la photographie et la peinture1 et plus largement sur les différents modes de représentation. De ce point de vue, les deux portraits imaginaires sont comparables parce que tous deux ne peuvent être examinés seulement pour euxmêmes, ils doivent être replacés dans le musée imaginaire dans lequel leur créateur a décidé de les exposer ; le portrait de Miss Sacripant est entouré de photographies et de tableaux comme bien sûr «le port de Carquethuit» — mais aussi «les fleurs»

2

de l'atelier d'Elstir, le

portrait de Mr W.H. et sa gravure ne prennent tout leur sens qu'au voisinage du portrait de Dorian Gray. L'on comprend déjà mieux pourquoi et comment l'élément biographique incita Proust et Wilde à créer ces deux portraits imaginaires. Situés au point de convergence de la peinture et du théâtre, ils leur permettaient de participer au débat esthétique dont parle Barthes dans S/Z : «les codes de représentation éclatent aujourd'hui au profit d'un espace multiple dont le modèle ne peut plus être la peinture (le «tableau») mais serait plutôt le théâtre (la scène), comme l'avait annoncé, ou du moins désiré, Mallarmé»3. Ici cependant, il s'agit moins de laisser le théâtre comme modèle supplanter la peinture que de faire se jouer les trois

Voir par exemple J.F., I, p. 838. Ibid., p. 847. 3 Barthes, S/Z, Paris, Le Seuil, 1970. p. 62 : chez Mallarmé, voir en particulier Divagations («L'action «Richard Wagner : rêveries d'un poète français») et Crayonné au théâtre. 1 2


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genres, roman, théâtre, peinture, l'un par rapport à l'autre et de les voir se définir l'un au contact de l'autre. Si l'on tente tout d'abord de lire le portrait imaginaire comme tableau, on s'aperçoit très vite que les concepts strictement esthétiques sont insuffisants. Deux questions essentielles se posent à cet égard (sont explicitement posées par les deux écrivains) : quelle est la technique picturale utilisée par le peintre ? Quelle est la nature de la relation entre le peintre et le modèle du portrait ? Dans les deux cas les réponses offertes ou suggérées entraînent le lecteur au-delà du champ esthétique. Lorsqu'il décrit le portrait de Mr W.H., Wilde revient à reprises sur deux caractéristiques, la référence à Clouet1 (également cité dans sa lettre à Ricketts) et l'authenticité2. Chacune de ces indications confirme l'hypothèse déjà formulée, à la suite de Michel Crouzet et de Janine Chasseguet-Smirgel, selon laquelle le portrait imaginaire fonctionne ici comme fétiche, totalement dépendant des modèles qu'il reproduit (Clouet) et niant à tue-tête l'évidence, signalant son inauthenticité par son insistance même à être authentique. Dans une perspective

freudienne,

l'esthétique

du

faux

est

le

produit

caractéristique d'une homosexualité refoulée, ou, pour reprendre les termes de Michel Crouzet, «le producteur de faux a en fait refusé le versant passif de l'Oedipe, l'homosexualité refoulée revient, et celui

«In manner, and especially in the treatment of the hands, the picture reminded one of François Clouet's later work». «Quite in Clouet's style», Complete Works, op. cit., p. 1151. 2 Le coffre où est découvert le portrait est présenté comme «thoroughly authentic» et le portrait ainsi décrit «there was an authentic portrait of Mr W.H....», Complete Works, op. cit., pp. 1158 et 1159. 1


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qui a nié son emprunt est voué à une prétendue originalité factice»1. Wilde brouille les pistes en introduisant la référence à Clouet, on ne sait plus si le portrait est faux parce que c'est un faux Clouet (lettre à Ricketts : («It is an authentic Clouet of the highest authentic value»2) ou parce qu'il prétend reproduire l'image d'un inconnu (le portrait n'est pas celui de Mr W.H.). Ce faisant, il occulte la véritable question posée par le tableau, celle de l'homosexualité. Dans sa description du portrait de Miss Sacripant, Proust se montre infiniment plus explicite dans la manière dont il traduit les catégories esthétiques dans le vocabulaire sexuel. Deux idées essentielles, et bien connues du lecteur de Proust, sont ici exprimées : tout d'abord, l'idée que l'objet représenté existait «déjà dans la nature», «en dehors même de l’interprétation du peintre»3. Certes, mais telle quelle, ou telle que le narrateur a eu l'occasion d'examiner ou d'admirer Mme Swann, l'objet, la personne ne sauraient

révéler

le

secret

de

leur

homosexualité.

Seule

l'interprétation de l'artiste (le peintre ou plutôt l'écrivain décrivant le tableau) le peut. Ensuite, et il s'agit bien sûr de l'idée la plus célèbre de ces pages consacrées au portrait imaginaire de Miss Sacripant4 parce qu'elle reprend ce qui a déjà été établi à propos du port de Carquethuit, c'est-à-dire la circulation métaphorique généralisée à l'intérieur de l'œuvre d'art. Mais contrairement à ce qui se passe dans la description du port de Carquethuit, précédée d'une courte réflexion Michel Crouzet, op. cit., p. 661. The Letters of Oscar Wilde, op. cit., p. 250. 3 J.F., I, pp. 847, 848. 4 Anne Henry, op. cit., p. 297. Cahiers Critiques de la littérature, été 1977. Proust et la Peinture, «L'atelier d'Elstir», J.F. Chevrier et B. Legars, pp. 44 et suivantes. 1 2


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sur la métaphore1, dans la description du portrait de Miss Sacripant, elle n'est pas désignée comme telle. Elle n'en est pas moins, et pour reprendre les termes de Proust à propos d'Elstir «tacitement et inlassablement répétée», verre du porte-bouquet «aussi limpide, presque aussi liquide» que l'eau qu'il enferme, «blancheur du plastron étoile», «des clairs reflets de la chambre» et «nuancé comme des bouquets de fleurs», veston avec chose de hérissé, de déchiqueté et de velu qui faisait penser à l’ébouriffage des œillets dans le vase». Cependant la métaphore ne s'arrête pas là, et c'est ici qu'intervient la seconde différence avec la description du port de Carquethuit. Dans la description du portrait de Miss Sacripant, la métaphore est aussi inversion, coexistence paradoxale du masculin et du féminin (échange entre l'un et l'autre), clairement révélée par le titre du tableau et «inlassablement» répétée par le narrateur fasciné : chapeau melon, cigarette, cheveux courts, veston, plastron ; ruban de soie cerise, chapeau de jardin, cheveux bouffants. Malgré ces «traits d'ambiguïté», c'est le «plus clair des morceaux de peinture » que contemple le narrateur, «demi travesti», «fille un peu garçonnière» devenant finalement un «jeune être» au sexe indéterminé. Chez Wilde comme chez Proust, les concepts esthétiques entraînent le lecteur au-delà du champ esthétique proprement dit. On ne peut regarder le portrait imaginaire en tant que tel sans réfléchir à la bisexualité du modèle.

1

J.F.1, pages 835 et suivantes.


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Parlant du caractère énigmatique de l'image, Jean Baudrillard1 évoque cette «ligne de flottaison de l'imaginaire» selon laquelle «certaines parties sont visibles, et d'autres non, les parties visibles rendant les autres invisibles ; il s'installe une sorte de rythme de l'émergence et du secret». Agaçant le désir, jouant de cette ligne de flottaison, l'auteur du portrait imaginaire rend un mystère visible pour en cacher d'autres, tout en signalant leur présence. L'énigme exhibée par le texte, dès le titre du tableau porte sur l'identité du modèle. Dans la nouvelle de Wilde, y a-t-il coïncidence entre le modèle (inconnu) des Sonnets et le modèle du tableau ? De même pour le narrateur rendant visite à Elstir, se posent des questions auxquelles il doit trouver lui-même la réponse... «Et qu'est devenu le modèle ?»2. «..."Miss Sacripant mais qu'est-ce que c'est ce nom ? — C'est celui d'un personnage que tint le modèle dans une stupide petite opérette —. Mais vous savez que je ne la connais nullement, Monsieur, vous avez l'air de croire le contraire". Elstir se tut. "Ce n'est pourtant pas Mme Swann avant son mariage", dis-je par une de ces brusques rencontres fortuites de la vérité (...). Elstir ne me répondit pas. C'était bien un portrait d'Odette de Crécy»3. Dans chacun des textes également, c'est la femme du peintre qui participe à cette mise en scène de la faute : «Tenez, passez-moi vite cette toile, me dit-il, j'entends Mme Elstir qui arrive» (...). «Et avant de cacher l'aquarelle derrière lui, Elstir qui peut-être ne l'avait pas vue depuis longtemps y attacha un regard attentif»4. De même, le peintre faussaire du portrait de Willie Hughes tente de le cacher : «I suddenly caught sight of a Jean Baudrillard, «Au-delà du vrai et du faux ou le malin génie de l'image», pp. 156 et suivantes. L'Ere du Faux, Revue Autrement, N° 76, janvier 1986. 2 J.F., I, p. 849. 3 J.F., I, p. 860. 4 Ibid. C'est nous qui soulignons. 1


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drawing of the picture of Mr W.H.» (...). He grew rather confused and said — «'Oh, that is nothing, I did not know it was in this portfolio. It is not a thing of any value". "It is what you did for Mr Cyril Graham", exclaimed his wife, "and if this gentleman wishes to buy it, let him have it"»1. Il convient de noter la remarquable identité des deux récits, la dénégation du peintre (le texte ici est identique («Oh, ce n'est rien...» disait Elstir)) et l'intrusion de l'épouse du peintre, son modèle préféré dans un texte comme dans l'autre. Faire cacher le tableau par le peintre avec une telle ostentation est, pour l'écrivain, la plus sûre manière de révéler, mais la révélation porte moins sur l'identité du modèle du portrait imaginaire, objet de l'énigme apparente, que sur son androgynéité et sur la nature de sa relation avec l'artiste qui l'a représenté. Ce que Wilde (par prudence ?) se contente de suggérer («a full length portrait of a young man (...) of quite extraordinary beauty, though evidently somewhat effeminate»)2 . Proust répète jusqu'au pléonasme : curieux, singulier, ambigu, suggérant, fuyant, insaisissable, troublant, suscitant l'hésitation, et pourtant «le plus clair des morceaux de peinture»3, comme si le discours s'épuisait là où la peinture dévoile. Pourtant, en dernier ressort, c'est à l'écrivain qu'appartient le mot de l'énigme. Peu importe désormais le nom du modèle, son sexe. Le véritable enjeu est tout autre. Le modèle est à la fois le double et le bien-aimé. C'est presque une évidence dans la nouvelle de Wilde non seulement par le choix de l'anecdote centrée sur Mr W.H., le Complete Works, op. cit., pp. 1159 et 1160. Complete Works, op. cit., p. 1151 Complete Works, op. cit., p. 1151 3 J.F., I, pp. 848 et 849. 1 2


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destinataire des Sonnets, l'amant de Shakespeare, mais aussi parce que le lecteur rapproche d'autant plus facilement son portrait de celui de Cyril Graham qu'ils sont pratiquement consécutifs. Dans le musée imaginaire en apparaît un troisième, celui de Dorian Gray, reflet idéalisé de l'écrivain. Tout comme la nouvelle, le roman s'ouvre sur la description

du

portrait

en

pied

d'un

jeune

homme

d'une

extraordinaire beauté1 : «Basil Hallward is what I think I am : Lord Henry what the world thinks of me : Dorian what I would like to be — in other ages, perhaps»2. Utilisant de nouveau la technique de la mise en attente, Proust laisse à l'état embryonnaire la réflexion sur le modèle, non sans signaler explicitement que le narrateur est confronté à un mystère qu'il ne peut résoudre pour le moment : «la singularité de ces œuvres tient surtout à ce qu'elles ont été exécutées dans des conditions particulières dont nous ne nous rendons pas clairement compte (...) le caractère ambigu de l'être dont j'avais le portrait sous les yeux tenait sans que je le comprisse, à ce que c'était une jeune actrice d'autrefois en demi- travesti»3. Le lecteur ne trouvera les réponses que beaucoup plus tard, dans Le Temps Retrouvé, non par l'intermédiaire d'un peintre, du peintre, mais grâce à Bergotte, puis au narrateur luimême... La vérité appartient à l'écrivain. Le peintre faussaire ne sait rien de la vérité de Mr W. H. Seuls les écrivains (Shakespeare dans les Complete Works, op. cit., p. 18. Letters of Oscar Wilde, op. cit., lettre à Ralph Payne, p. 352. 3 J.F., I, p. 848. C'est nous qui soulignons. Dans la deuxième édition de sa nouvelle, il semblerait que Wilde ait souhaité rendre plus évidente l'identification entre Cyril Graham et lui-même : tout comme Cyril Graham qui fait dessiner une reproduction du portrait de Willie Hughes (presque un auto-portrait) pour illustrer son édition des Sonne ts, le narrateur écrit : «This curious work of art hangs now in my library, where it is much admired by my artistic friends, one of whom has etched it for me» (C.W., op. cit., p. 1201). 1 2


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Sonnets, Wilde dans la nouvelle) peuvent tenter de la dire. Les derniers mots du narrateur sont pour «remettre à sa place» le portrait imaginaire : «This curious work of art hangs now in my library». Le tableau devient portrait imaginaire, livre parmi les livres de la bibliothèque. La peinture est tenue soigneusement sous contrôle, ce qui ne sera plus le cas dans The Picture of Dorian Gray, comme l'avait remarqué Mallarmé : «It was the portrait that had done everything». Ce portrait en pied, inquiétant, d'un Dorian Gray, hantera, mais écrit, étant devenu livre lui-même»1. La même volonté de tenir à distance le peintre, de ne lui accorder que la fonction de faire pressentir une vérité plus tard formulée par l'écrivain, apparaît chez Proust. La révélation de cette vérité s'accomplit en trois étapes progressives. Tout d'abord, le lecteur se voit confirmer l'hypothèse selon laquelle la relation artiste-modèle est passionnelle et qu'il s'agit d'une passion : «Mais que l'amant se double d'un peintre comme Elstir et alors le mot de l'énigme est proféré (...)». Le portrait dit : « Ce que j'ai aimé, ce qui m'a fait souffrir (...) c'est ceci»2. Ce thème, central dans toute l'œuvre de Proust, est repris par le narrateur parlant de Bergotte et aussi de lui-même pour ajouter deux autres précisions. L'inspiration qui prend sa source dans la souffrance de l'amour se paie. Le modèle, la/le bien- aimé(e) vendent faveurs et cruautés. «Je dépense plus que des multi-millionnaires pour des fillettes, mais les plaisirs ou les déceptions qu'elles me

1 2

Correspondance, Paris, Gallimard, t. X, lettre du 10 novembre 1891, pp. 327 et 328. F., III, p. 440.


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donnent me font écrire des livres qui me rapportent de l'argent»1, écrit Bergotte, et pratiquement en écho, le narrateur : «Une chose curieuse que cette circulation d'argent que nous donnons à des femmes, qui à cause de cela nous rendent malheureux, c'est-à-dire nous permettent d'écrire des livres»2. Le dernier mot, comme souvent, appartient à Françoise ; on admirera la proximité des deux remarques : «"Ah ! si Monsieur à la place de cette fille qui lui fait perdre tout son temps (Albertine) avait pris un petit secrétaire bien élevé qui aurait classé toutes les paperoles de Monsieur !" J'avais peut-être bien tort de trouver qu'elle parlait sagement. En me faisant perdre mon temps, et me faisant du chagrin, Albertine m'avait peut-être été plus utile, même au point de vue littéraire, qu'un secrétaire qui eût rangé mes paperoles. Mais tout de même, quand un être est si mal conformé (et peut-être dans la nature cet être est-il l'homme) qu'il ne puisse aimer sans souffrir, et qu'il faille souffrir pour apprendre des vérités, la vie d'un tel être finit par être bien lassante»3 et : «l'écrivain ne doit pas s'offenser que l'inverti donne à ses héroïnes un visage masculin. Cette particularité un peu aberrante permet seule à l'inverti de donner ensuite à ce qu'il vit toute sa généralité»4. Les critères pertinents pour analyser le portrait imaginaire sont donc moins esthétiques que sexuels. Là où le peintre se tait, l'écrivain commence à parler. Reste maintenant à interroger le portrait imaginaire comme portrait d'acteur/d'actrice

pour

voir

comment

l'écriture

théâtrale,

paradoxalement chez Wilde, plus logiquement chez Proust, est systématiquement dévalorisée au profit de la poésie (les Sonnets), de

1

P., III, pp. 182-183. T.R., III, p. 908. 51 3 T.R., III, p. 909 2

4

Ibid, p. 910


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la critique littéraire et du roman (Mademoiselle de Maupin). L'écrivain porteur de vérité ne saurait être dramaturge. L'hypothèse de Cyril Graham pour résoudre l'énigme concernant l'identité du destinataire des Sonnets est simple : il s'agit d'un acteur, l'un de ces acteurs spécialisés dans les rôles de femmes que le théâtre élizabethain préférait confier à de très jeunes gens : «he was surely none other than the boy-actor for whom he created Viola and Imogen, Juliet and Rosalind, Portia and Desdemona and Cleopatra herself»1. Il n'est pas de notre propos ici de commenter la théorie, appuyée d'une très abondante documentation, que Wilde fait formuler par son héros. Il convient cependant de remarquer qu'elle n'était pas conforme à la tradition, comme le confirme par exemple le poème de Robert de Montesquiou, «Sugared», publié à la même époque dans son recueil Les Chauves-Souris (1893)2 et consacré lui aussi à Mr W.H., mais qui identifie celui-ci à Henry Wriothesley, Comte de Southampton. Pour prouver que son hypothèse est la bonne, dans le portrait qu'il commande au peintre faussaire, Cyril Graham fait inclure les deux signes allégoriques du théâtre, «the two masks of Tragedy and Comedy that hung somewhat formally from the marble pedestal»3. Symboliquement, lorsque le portrait est dénoncé comme faux par la découverte de l'esquisse chez le peintre, les signes allégoriques sont jetés à terre : «It was a facsimile the only difference being that the two masks of tragedy and comedy were not suspended from the marble

Complete Works, op. cit., p. 1156. Robert de Montesquiou, Les Chauves Souris, p. 301. G. Richard, éd. définitive, 1903. 3 Complete Works, op. cit., p. 1151. 1 2


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table as they are in the picture but were lying on the floor at the young man's feet» 1. La chute des deux masques correspond à la chute de Cyril Graham et à l'effondrement de sa théorie. Pour avoir tenté de jouer avec le faux, commandé le portrait faux d'un acteur, c'est-à-dire d'un artiste de l'illusion, pour avoir voulu créer du faux pour ainsi dire au deuxième degré, Cyril Graham est condamné. Il paie littéralement de son sang d'avoir osé attribuer le nom du destinataire des Sonnets à un acteur imaginaire. «He shot himself with a revolver. Some of the blood splashed upon the frame of the picture, just where the name had been painted»2. Wilde renoncera à ce détail dans la dernière édition de la nouvelle, mais après l'avoir repris et agrandi dans The Picture of Dorian Gray. Jusqu'au bout, Cyril Graham confond illusion et réalité, peinture et sang. De même, et symétriquement, son ami Erskine lui aussi confond les catégories existentielles ; il transforme sa mort en «faux», faisant d'une mort naturelle un suicide. Lorsqu'il analyse cette incapacité mortelle à distinguer la réalité de l'illusion, Wilde en vient immédiatement au narcissisme. Cyril Graham a créé Mr Willie Hughes à son image (on a déjà souligné l'identité des deux descriptions). Acteur amateur triomphant dans les rôles de travestis («However I must tell you about Cyril's acting. You know that no women are allowed to play at the ADC (...) well, of course Cyril was always cast for the girl's parts, and when As You Like It was produced he played Rosalind. It was a marvellous performance. You will laugh at me, but I assure you that Cyril Graham was the only perfect

1 2

Complete Works, op. cit., p. 1159 Complete Shorter Fiction, Oxford University Press, 1979, pp. 151, 152.


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Rosalind I have ever seen»)1, il imagine le destinataire des Sonnets à sa propre image. L'existence réelle d'un «faux» tableau représentant le rêve d'un personnage de fiction, le tableau de Ricketts, nous montre jusqu'où Wilde pouvait aller dans la transgression des frontières de la réalité et de l'illusion. Pourtant, il semble avoir conscience du danger. Cyril Graham en meurt, sans être devenu un véritable acteur, ce qui l'aurait peut-être sauvé («Perhaps, if he had gone on the stage, he would be alive now»2), et sans être devenu un véritable critique littéraire. Cette réflexion, évidemment centrale dans l'œuvre de Wilde, se poursuit, sous forme théorique dans des essais comme The Truth of Masks et sous forme dans The Picture of Dorian Gray où le personnage de Sybil, double de Cyril, connaît le même destin pour les mêmes raisons. Jouant le même répertoire shakespearien que Cyril, Imogène, Juliette et surtout Rosalinde, qu'elle interprète le jour où Dorian lui déclare son amour, Sybil meurt d'avoir découvert l'existence des frontières entre la réalité et l'illusion et, cependant, de laisser la réalité envahir l'illusion.

Les

confondant

une

dernière

fois,

elle

renonce

simultanément au théâtre et à la vie : «"Dorian, Dorian, she cried, before I knew you, acting was the one reality of my life. It was only in the theatre that I lived. I thought that it was all true. I was Rosalind one night, and Portia the other. The joy of Beatrice was my joy, and the sorrows of Cordelia were mine also. I believed in everything. (...) The painted scenes were my world. I knew nothing but shadows, and I thought them real. You came oh, my beautiful love ! and you freed my soul from prison. You taught me what reality really is. Tonight, for 1 2

Complete Works, op. cit., p. 1153. Ibid. 60


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the first time in my life, I saw through the hollowness, the sham, the silliness of the empty pageant in which I always played..."»1. Malgré l'importance de personnages comme Rachel, la maîtresse de Saint Loup, et surtout la Berma dans son œuvre, Proust n'accorde pas au théâtre la même position stratégique que Wilde. Mais dans la distribution des rôles, l'un et l'autre font le même choix. Pour rendre plus visible la dichotomie de la réalité et de l'illusion à l'intérieur de l'acteur, le «paradoxe du comédien », ils choisissent un acteur amateur. Cyril Graham, qui prête ses traits à Willie Hughes ne joue que dans l'ADC théâtre amateur du Collège de Trinity à Cambridge (sans doute aussi en hommage à Lady Archibald Campbell, metteur en scène et actrice amateur de As You Like It en juillet 1884) et la future Mme Swann ne participe qu'à une Revue des Variétés lorsqu'elle joue Miss Sacripant, détail avoué par Elstir et confirmé bien plus tard par M. de Charlus : «Je l'avais trouvée charmante dans son demi-travesti, un soir qu'elle jouait Miss Sacripant»2. Mais ce choix permet aussi aux deux écrivains, après avoir discrédité le tableau («Ce n'est rien, c'est une pochade de jeunesse»3 dit Elstir, et Edward Merton, le peintre-faussaire avait dit la même chose), de discréditer le théâtre. Chez Wilde l'interprétation admirable de l'acteur amateur (Cyril) ou de l'actrice professionnelle (Sybil) rend d'autant plus évidente l'horreur même du lieu, «horrid little theatre»4 et «absurd little theatre, with great flaring gas-jets and gaudy bills», «horrid little private box, with a vulgar drop-scene», «a tawdry affair,

Complete Works, op. cit., p. 75 P., III, p. 299. 3 J.F., I,p.849. 4 Complete Works, op. cit., p. 1153 1 2


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all cupids and cornucopias, like a third rate wedding cake»1 (64). De même Elstir parle à propos de Miss Sacripant de «stupide petite opérette»2. La surabondance des termes péjoratifs indique une condamnation sans appel qui contraste avec la valorisation constante de la figure du poète (les Sonnets) et du critique littéraire, mais surtout du romancier. C'est ainsi que s'explique la prédilection de Wilde pour le personnage de Rosalinde. Au-delà des éléments biographiques déjà mentionnés, au-delà de l'ambiguïté sexuelle du personnage, qu'il soit joué par un homme (Cyril) ou par une femme (Sybil), il tire l'essentiel de sa fascination de Mademoiselle de Maupin où l'héroïne, Madeleine, déguisée en homme, Théodore, révèle son identité véritable en jouant le rôle de Rosalinde pour lequel elle doit se travestir en homme. Travestir un travesti le/la démasque, comme l'avait bien vu Wilde dans The Truth of Masks : «The truths of metaphysics are the truth of masks»3. Mademoiselle Maupin reste la figure idéale, l'énigme inviolée dans sa double dualité, duelle dans la réalité

(Madeleine-Théodore)

comme

dans

l'illusion

(Rosalinde-

Ganymède), contrairement aux deux figures jumelles mais jamais réunies de Cyril et de Sybil. A travers elle, comme plus tard à travers la statue de «contralto» dans Les Émaux et Camées que feuillette Dorian Gray4 est célébrée la figure parfaite de l’hermaphrodite5. C'est

Ibid., pp. 49 et 50. J.F., I, p. 860. 3 Complete Works, op. cit., p. 1078 4 Complete Works, op. cit., p. 12 5 II serait intéressant à cet égard d'étudier la transformation de la figure de l'hermaphrodite chez Gautier, Wilde et Proust. Figure idéale par sa complétude même, beauté païenne, objet d'un discours de type l'hermaphrodite tel que le conçoit Wilde est essentiellement inspiré par Mademoiselle de Maupin. La réflexion que lui accorde Proust, où le discours mythique (Sodome, Gomorrhe) rejoint le scientifique (botanique et zoologie), en diffère radicalement. Comme le remarque Gilles Deleuze «L'hermaphrodite original produit continûment les deux séries homosexuelles divergentes. Il sépare les sexes au lieu de les réunir». Ce qui était le symbole même de la et de la complétude 1 2


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aussi à elle, à sa fantaisiste poésie que pense Proust dans l'ouverture de Sodome et Gomorrhe : «Le jeune homme que nous venons d'essayer de peindre était si évidemment une femme, que les femmes qui le regardaient avec désir» (Rosette dans le roman de Gautier), «étaient vouées (à moins d'un goût particulier) au même désappointement que celles qui, dans les comédies de Shakespeare, sont déçues par une jeune fille déguisée qui se fait passer pour un adolescent. La tromperie est égale, l'inverti même le sait, il devine la désillusion que, le travestissement ôté, la femme éprouvera, et sait combien cette erreur sur le sexe est une source de fantaisiste poésie»1. Après avoir examiné comment le portrait imaginaire permet à l'écrivain de se démarquer par rapport à la peinture et au théâtre, reste à définir ses fonctions spécifiques par rapport à l'écriture. On en distingue au moins deux, le portrait imaginaire illustre, au-delà de la problématique de la réalité et de l'illusion, la position de l'écriture dans la recherche de la vérité et, simultanément, il est la représentation même de l'écriture, sa métaphore. Il est inutile de rappeler ici la fascination de Wilde pour le mensonge, le faux, l'énigmatique ; son théâtre, son œuvre poétique (The Sphynx), ses nouvelles (The Sphynx without a Secret), ses essais (The Decay of Lying, The Truth of Masks), ses romans nous rappellent sans cesse cet axiome : «Lying, the telling of beautiful untrue things, is the proper aim of Art»2. La seule vérité révélée par The Portrait of Mr W.H. est que la

vérité

n'est

pas

révélée,

l'énigme

n'est

pas

résolue.

La

produit des êtres voués au malheur, à la jalousie, au mensonge et à l'insatisfaction de leurs désirs (Gilles Deleuze, op. cit., pp. 98 et suivantes). 1 S.G., II, p. 621 2 The Decay of Lying, Complete Works, op. cit., p. 992.


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représentation (le portrait imaginaire) n'a pas pour fonction de représenter la vérité (le «vrai» Mr W.H.), mais le faux. Il est significatif à cet égard qu'Erskine et le narrateur ne fondent leur recherche sur les Sonnets qu'à partir du portrait faux (et sachant qu'il l'est) pour corroborer l'hypothèse séduisante mais erronée qu'il illustre. Leur choix est parfaitement logique puisque c'est sur la fiction (les Sonnets) que porte leur commentaire critique. Ce portrait imaginaire désigné comme faux et cependant porteur d'une vérité d'un autre ordre est la représentation parfaite de ce que devrait être l'écriture mixte, à la fois critique littéraire et fiction. Il est à la fois faux (œuvre de faussaire peint à la fin du XIXème siècle et prétendant être de la période élizabethaine, faux Clouet, et même, selon la première édition où Wilde joue encore plus sur le vertige, faux Ouvry1, mais surtout prétendant représenter un personnage dont l'identité reste inconnue) et vrai (fidèle à la vérité des Sonnets et même authentifié par eux : «It is quite clear from sonnet XVLVII that Shakespeare had a portrait of Mr W.H. in his possession»). De même, le texte, The Portrait of Mr W.H. se lit comme une nouvelle et comme un essai critique sur les Sonnets. Wilde y met donc en pratique la théorie formulée dans The Critic as an Artist qui donne à la critique une définition nouvelle, un statut autonome («Criticism is itself an art (...) Criticism is, in fact, both creative and independent (...) criticism is no more to be judged by any low standard of imitation or resemblance than is the work of the poet or sculptor»2) et qui affirme son caractère autobiographique («the highest criticism is the

1 2

Complete Shorter Fiction, op. cit., p. 169. The Critic as Artist, Complete Works, op. cit., p. 1026.


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record of one's own soul»)1. Ainsi s'explique, au-delà du narcissisme obligé du héros wildien, la raison pour laquelle le portrait de Willie Hughes est un portrait de Cyril Graham. Mais il est plus utile de rappeler ici, avec Anne Henry2, que chacune des idées-clefs de The Critic as an Artist ont été soigneusement méditée par Proust qui les intégrera à sa propre théorie esthétique en particulier dans Contre Sainte Beuve. La recherche menée par le narrateur s'inscrit dans la dialectique de la vérité et du mensonge mais avec le désir de résoudre l'énigme. Pour qui apprend à déchiffrer les signes3, le portrait imaginaire offre davantage qu'une représentation fascinante et dangereuse (Cyril Graham et Erskine meurent de n'avoir pas su trouver la bonne réponse et le portrait parvient au narrateur taché de leur sang), il est une des étapes essentielles de la quête. Comme chacun des autres signes, il se révèle en tant que tel par sa duplicité, il fait plaisir mais laisse à désirer, il comble et déçoit, il s'exhibe en tant que mensonge et laisse entrevoir la vérité. Tel est le portrait de Miss Sacripant, causant au narrateur «cette sorte particulière d'enchantement que dispensent les œuvres, non seulement d'une exécution délicieuse, mais aussi d'un sujet si singulier et si séduisant que c'est à lui que nous attribuons une partie de leur charme»4 et le décevant, lorsque le peintre refuse de lui en donner une photographie ; rendant évident le mensonge involontaire du narrateur (qui s'était présenté à Elstir comme ami de son ami Swann et ne reconnaît pas le modèle, d'où « l’étonnement» d'Elstir et la réponse embarrassée du narrateur : «Mais vous savez que je ne la connais nullement,

Ibid., p. 1027 Anne Henry, op. cit., pp. 227 et suivantes. 3 Dans la perspective de Gilles Deleuze. 4 J.F., I, p. 847. 1 2


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Monsieur, vous avez l'air de croire le contraire»1) et laissant deviner une vérité profonde, l'identité du paraître et de l'être, du déguisement et de la nature réelle du modèle : «le plus clair des morceaux de peinture » est celui, pour reprendre la comparaison même de Proust, où un vieillard qui semble déguisé par le peintre revêt en réalité «sa robe de professeur ou de conseiller, ou son camail de cardinal 2. Le masque démasque, le demi-travesti d'Odette révèle au narrateur sa dualité sexuelle. La révèle ? Il serait plus exact de dire qu'elle la confirme et que le portrait imaginaire est intégré à une chaîne de signes.

Il

est

précédé

d'une

autre

image,

similaire

dans

sa

concentration et sa cristallisation, ayant le même pouvoir de révélation, mais dont la drôlerie empêche le lecteur de la prendre suffisamment au sérieux : «Mme Swann, dans le sexe masculin et la condition de maître baigneur (...). Seulement elle ne pouvait pas m'être de plus d'utilité, entourée de sa ceinture rouge et hissant, à la moindre houle, le drapeau qui interdit les bains (car les maîtres baigneurs sont prudents, sachant rarement nager), qu'elle ne l'eût pu dans la fresque de La Vie de Moïse où Swann l'avait reconnue jadis»3. Par idolâtrie, Swann s'attarde auprès de Botticelli qui ne peut rien lui apprendre sur Odette (ou ne peut confirmer ce qu'il sait) alors qu'Elstir son ancien amant le pourrait. Il est également offert à la perspicacité du narrateur en même temps qu'un autre signe qu'il néglige provisoirement et qui s'avère essentiel. Il s'agit du tableau qu'Elstir termine lors de la visite du narrateur à son atelier : «C'était des fleurs, mais pas de celles dont j'eusse mieux aimé lui commander le portrait que celui d'une personne afin d'apprendre par la révélation Ibid., p. 860. Ibid., p. 848. 3 Ibid., p. 685 1 2


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de son génie ce que j'avais si souvent cherché en vain devant elles, épines roses, bluets, fleurs de pommiers. Elstir, tout en peignant, me parlait de botanique, mais je ne l'écoutais guère»1. Une multitude de vérités sont ici concentrées. Le narrateur doit trouver lui-même la vérité des fleurs de son enfance, les fleurs que peint Elstir sont aussi un portrait, et si le narrateur écoutait la leçon de botanique, il apprendrait l'essentiel sur les jeunes filles à cause desquelles il néglige le peintre comme n'étant qu'un «intermédiaire». Ainsi peut-on comprendre l'ironie rétrospective de la phrase suivante : «Il venait enfin de donner un dernier coup à ses fleurs ; je perdis un instant à les regarder ; je n'avais pas de mérite à le faire, puisque je savais que les jeunes filles ne se trouveraient plus sur la plage ; mais j'aurais su qu'elles y étaient encore et que ces minutes perdues me les faisaient manquer, que j'aurais regardé tout de même, car je me serais dit qu'Elstir s'intéressait plus à ses fleurs qu'à ma rencontre avec les jeunes filles»2. Le temps perdu ne l'est pas à écouter ce qu'en dit le peintre, à ne pas percevoir dès maintenant que fleurs et jeunes filles en fleurs sont la même chose, mais telle est la loi de la recherche de la vérité, on ne peut l'apprendre d'autrui (et gagner du temps), il faut la découvrir soimême. Les fleurs d'Elstir réapparaissent donc plus tard dans le salon de Mme de Guermantes («Je reconnus une plante de l'espèce de celles qu'Elstir avait peintes devant moi»3) et suscitent une conversation sur la reproduction botanique et la pollénisation. Ce qui se met en place ici, illustré par l'exemple de la plante d'Elstir, de l'arbre de la cour et Ibid., p. 847. Ibid., p. 852. 3 C.G., II, p. 515. 1 2


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du vanillier cité par M. de Bréauté, c'est la théorie reprise et développée dans le prologue de Sodome et Gomorrhe1. La botanique est alors liée à la zoologie, le bourdon au propre et au figuré (M. de Charlus) entrant dans la cour. Un peu plus loin, une autre image botanique est choisie, pour traduire l'entêtement de l'homme-femme dans sa passion, celle du volubilis2. Pour le lecteur de Wilde, cette pollénisation en rappelle une autre, celle de Dorian par Lord Henry, moment de terrifiante beauté et de terrifiante vérité : «Dorian Gray listened, open-eyed and wondering. The spray of lilac fell from his hand upon the gravel. A furry bee came and buzzed round for a moment. Then it began to scramble all over the oval stellated globe of tiny blossoms. He watched it with that strange interest in trivial things that we try to develop when things of high import make us afraid, or when we are stirred by some new emotion for which we cannot find expression, or when some thought that terrifies us lays suddenly siege to the brain and calls on us to yield. After a time the bee flew away. He saw it creeping into the stained trumpet of a Tyrian Convolvulus. The flower seemed to quiver, and then swayed gently to and fro»3. Une fleur, un bourdon, un volubilis, une correspondance absolue entre la scène qui se joue entre deux hommes et celle qui se joue entre la fleur et l'insecte : les deux textes ici sont absolument identiques, à cette nuance près que l'homosexualité, implicite chez Wilde devient explicite dans le commentaire que fait Proust du double incident.

S.G., II, p. 601. Ibid., II, p. 622. Cette image suit immédiatement une allusion à Rosalinde. 3 Complete Works, op. cit., p. 32. 1 2


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A lui seul, le portrait imaginaire ne saurait révéler la vérité. Mais il en est le commencement, signe parmi les signes de la recherche. Énigmatique, mais incluant des éléments de sa propre résolution, donnant du plaisir et laissant à désirer, masculin et féminin, ou plutôt «demi-travesti», objet lisible des deux côtés (Elstir le retourne, comme on développe une photographie, comme on regarde aussi de dos la statue d'Hermaphrodite à Rome en espérant qu'elle livrera son secret), contenu et contenant de l'eau et du verre), le portrait imaginaire est, par métaphore de la métaphore, l'écriture même telle que la définit Proust dans ces lignes célèbres : «la vérité ne commencera qu'au moment où l'écrivain prendra deux objets différents, posera leur rapport, analogue dans le monde de l'art à celui qu'est le rapport unique de la loi causale dans le monde des sciences, et les enfermera dans les anneaux nécessaires d'un beau style»1. Sous les mots, des images. Des images qui sont à leur tour métaphores de ces mots. Evoquant Bergotte, Proust écrit : «C'était un homme qui au fond n'aimait vraiment que certaines images et (comme une miniature au fond d'un coffret) que les composer et les peindre sous les mots (...). Et s'il avait eu à se défendre devant un tribunal, malgré lui il aurait choisi ses paroles, non selon l'effet qu'elle pouvait produire sur le juge, mais en vue d'images que le juge n'aurait certainement pas aperçues»2. La miniature représentant Mr W.H. avait été découverte dans un coffre ; pendant son procès, Wilde avait préféré l'élégance des paradoxes et la beauté des images à un système de défense efficace. 1 2

T.R., III, p. 889. J.F., I, p. 559.


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Pascale McGarry Abréviations utilisées dans les notes : C.S.B. Contre Sainte-Beuve, Pléiade, Gallimard, 1954. J.F. A l'Ombre des Jeunes Filles en Fleurs, Pléiade, Gallimard, 1954. C.G. Du Côté de Guermantes, Pléiade, Gallimard, 1954. S.G. Sodome et Gomorrhe, Pléiade, Gallimard, 1954. P. La Prisonnière, Pléiade, Gallimard, 1954. F. La Fugitive, Pléiade, Gallimard, 1954. T.R. Le Temps Retrouvé, Pléiade, Gallimard, 1954. Le texte a été originellement publié dans Etudes Irlandaises, 1987, Vol.12, n°2, pp 45-64. L’auteur Pascale McGarry Pascale McGarry, ancienne élève de l’ENS de Fontenay-aux-Roses et agrégée de lettres modernes, a enseigné une trentaine d’années à University College Dublin. Ses recherches portent sur le texte et l’image du XIXème siècle à nos jours dans les cultures françaises et anglophones et comprennent plusieurs études sur Oscar Wilde. Elle travaille aussi sur l’histoire des mentalités et à l’occasion du centenaire de la Grande Guerre elle a consacré trois essais à l’été 14.


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7 - Oscar Wilde et l’art de Rue Les murs aussi célèbrent Oscar. Il arrive qu’il s’y illustre en images et en graffitis. En voici quelques exemples.

Oscar Wilde Street Art – Portland


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Bristol

Londres - The Importance of Being Earnest—Art by Trevor Skempton


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Dublin – Street Art

Chelsea - Londres

Finissons cette courte rétrospective par une grande fresque qui a été exécutée sur le mur arrière de l’Opéra de Cork en Irlande, et qui représente les portraits des plus grands écrivains Irlandais, parmi lesquels Shaw, C.S Lewis, Joyce, Beckett, Stocker, et Wilde, bien sûr !

W.B. Yeats

Oscar Wilde

Theo Dorgan

Samuel Beckett


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Yeats et Wilde

Wilde et Theo Dorgan


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8 – Témoignage d’époque En 1932, Léon Lemonnier publie dans la « Revue Anglo-américaine », un article sur la pièce la plus fameuse de Wilde, qu’il nomme « L’importance d’être sévère », un titre qui, à ma connaissance n’a pas été repris depuis. Nous verrons que tout en manifestant sa sympathie pour Wilde et sa pièce, il sous-estime largement le génie de l’œuvre et sa verve éblouissante. OSCAR WILDE L'IMPORTANCE D'ÊTRE SÉVÈRE Il semble que l'on ait un peu négligé le théâtre d'Oscar Wilde ; on l'écarta bien souvent avec des épithètes où le dédain se déguise mal : facile, brillant. Or, toutes ses pièces ont une importance, non seulement parce que leur succès révèle la mentalité du public contemporain, mais encore parce que chacune d'elles, sous des dehors légers, est une confession à l'accent quelquefois tragique. La dernière est L’Importance d'être sévère ; elle semble au premier abord un simple vaudeville, un enchaînement de jeux de mots sans résonance. Or, elle précède de quelques mois la catastrophe que Wilde provoqua lui-même, et elle apparaît, si on l'examine attentivement, comme le terme d'une évolution, au-delà de laquelle il n'était plus rien. Les attaques contre tout ce qui passe pour respectable, à commencer par l'Angleterre, s'exaspèrent ici jusqu'à la maladresse. Wilde place, dans la bouche de ses personnages des phrases terribles, dans le


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genre de celle-ci : « Mon devoir d'honnête homme ne m'a jamais le moins du monde gêné dans mes plaisirs. » Il traite l'amour comme une bouffonnerie : Gwendolen aime le jeune homme parce qu'il s'appelle Ernest, avant même de le connaître, et elle explique ce caprice avec une verve et une conviction dignes d'une meilleure cause. Les femmes sont cinglées avec plus de mépris que jamais ; Wilde avait dit précédemment : « Parlez à chaque femme comme si vous étiez amoureux d'elle. » Il reprend et aggrave la même proposition : « La seule façon de se conduire envers une femme, c'est de lui faire la cour si elle est jolie, et de la faire à quelqu'un d'autre si elle est laide. » Il fonce sur le mariage avec plus de férocité que jamais. Il prétend qu'il est indécent de voir un mari et une femme flirter ensemble. Il attaque avec impudence — ô crime, ô folie — la pureté du foyer anglais. « Dans le mariage, il faut être trois et non pas deux. C'est la théorie que le théâtre français avance depuis cinquante ans. — Oui, et que l'heureux foyer anglais a prouvée en la moitié de ce temps. » Voici une définition de la famille : « C'est une bande de gens ennuyeux qui n'ont pas la plus vague idée de la manière dont il faut vivre ou le plus faible instinct du moment où il faut mourir. » Tous les événements ou les cérémonies qui jalonnent la vie humaine sont tournés en dérision. On oublie un nouveau-né dans un sac, on baptise pour rire des adultes; une dame affirme à son futur gendre qu'elle espère bien lui trouver quelques vices. Et à quelqu'un qui


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déclare avoir perdu son père et sa mère, on répond avec esprit : « L'un et l'autre ? Cela ressemble à de la négligence. » Ne croyez pas que ce soit là manière de parler et de rire. Wilde veut braver l'opinion publique. Il ne cherche plus à séduire, mais à blesser. Ce n'est pas un jeu, mais bien une attaque systématique, une façon de provoquer les gens mêmes qui le jugeront : « Laissez la critique aux gens qui n'ont jamais été dans les Universités. Ils la font si bien dans les quotidiens. » Aussi ne faut-il pas voir seulement, dans l'humour déployé tout au long de la pièce, un exercice verbal sans portée. Certes, Wilde n'est pas toujours profond. Certains de ses mots sont de simples coq-à1'âne, de simples boulettes irlandaises. Par exemple : « Si vous n'êtes pas trop long, je vous attendrai toute ma vie. » Certains méritent à peine un commentaire : « J'aime à regarder les êtres de génie et à écouter les gens beaux. » La phrase résulte d'un simple mécanisme verbal, d'une simple transposition de mots. Elle singe la profondeur sans y atteindre. Tout au plus entrevoit-on que, s'il faut écouter les gens beaux et regarder les êtres de génie, c'est que le génie et la beauté ne sont rien, et que l'homme intelligent ne peut que se délecter de leur vanité. Quand le même procédé de renversement verbal s'applique à des objets moins ambitieux, il a des chances de toucher plus juste, de montrer ingénieusement la complexité des sentiments et le mal fondé des opinions reçues : « Je n'aime pas les romans qui finissent bien, ils sont si déprimants !»


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Voilà qui ressemble fort à une fine remarque littéraire : un dénouement trop heureux paraît faux, on y sent la main de l'arrangeur ; on est amené à refaire soi-même le dénouement probable, à constater que, dans la vie, tout ne s'arrange pas comme dans les romans ; et on a ainsi de grandes chances de se trouver, momentanément et malgré l'auteur, poussé au pessimisme. Plus subtil, mais également courant dans l'humour de Wilde, est le procédé de définir une chose par son contraire : « La mémoire rapporte généralement des choses qui ne sont jamais arrivées et qui ne pourraient, en aucun cas, être arrivées. » Mais cette phrase est une excellente définition de l'imagination ? Certes ; pourtant, en l'appliquant à la mémoire, Wilde, s'il n'atteint pas la profondeur, accomplit tout de même une manière de dissociation ; il montre la vanité des distinctions entre nos différentes facultés, ou mieux encore, il illustre l'irréalité du réel et suggère que la vie n'est peut-être qu'un rêve incohérent. Il a l'esprit si souple qu'il réussit même, avec cette constante inversion des termes et des valeurs, à imiter le bon sens. « C'est un dur travail que de ne rien faire. » Voilà une remarque que, malgré son absurdité apparente, bien peu de gens, songeraient à contester. Elle montre l'inanité de tout but que l'on peut se proposer dans la vie. Si l'oisiveté est aussi pénible que le travail, celui-ci n'est plus un rachat ; et l'oisiveté à son tour ne peut point paraître enviable. Ce ne sont pas seulement les mots et les idées que Wilde intervertit, mais les sentiments eux-mêmes. Ici encore, il lui arrive de ne pas


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dépasser la boulette irlandaise, de faire une simple cabriole. Il faudrait dépenser beaucoup d'ingéniosité, et de la plus vaine, pour justifier la remarque suivante : «Bien peu de parents de nos jours font attention à ce que leurs enfants leur disent. Le respect que l'on avait autrefois pour les jeunes s'en va. » Il n'y a ici rien de plus que le parti pris de tourner en ridicule une remarque si courante que ceux-là même qui la répètent n'en sentent plus la justesse, et diraient aussi bien tout le contraire. Il ne faudrait point croire cependant que nous avons, tout à l'heure, montré une ingéniosité spécieuse pour expliquer des jeux de mots auxquels Wilde lui-même n'attachait pas grande importance. C'est plutôt dans l'excès contraire que l'on risque de tomber. Voici une phrase que, à la première lecture, nous avons été tenté de prendre pour un simple coq-à-1'âne, pour un simple désir de provoquer une surprise verbale chez l'auditeur : « Je suis obligé de partir par le premier train lundi matin. J'ai un rendez-vous d'affaire que je désire... manquer. » Or, c'est Wilde lui-même qui explique : « Je sais, naturellement, combien il est important de ne pas se rendre à un rendez-vous d'affaire, si l'on veut garder quelque sens de la beauté de la vie. » Nous voici donc prévenus. En intervertissant les sentiments, c'est toute une philosophie de la vie que Wilde prétend insinuer; Méditons donc sur ses remarques les plus légères : « L'absence des vieux amis peut se supporter d'une âme égale ; mais une simple séparation momentanée de quelqu'un à qui on vient d'être présenté est presque insupportable. » Ce que Wilde illustre ici, ne serait-ce point


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l'inconstance de l'être humain, l'impossibilité de la fidélité dans l'absence ? Une passion d'une minute, un coup de foudre peut l'emporter sur une longue amitié. Doit-on dès lors s'attrister ? La remarque passe si vite dans le dialogue que toute amertume en est absente. Il faut prendre les sentiments humains tels qu'ils sont, ne pas établir de hiérarchie entre eux, les traiter tous avec le sourire, et les rejeter tous l'un après l'autre après les avoir fait miroiter entre ses mains. Nous rejoignons l'immoralisme que Wilde a exprimé partout, mais il se trouve ici sous sa seule forme acceptable et sous sa forme la plus spécifiquement caractéristique de ...Wilde : l'immoralisme plaisant, qui ne prend même pas au sérieux le contre-pied de la morale courante. Autant certaines théories d'Intentions paraissaient puériles en leur prétention, autant Lord Illingworth semblait odieux parce qu'il évoluait dans un monde sincère, autant cette fantaisie est aimable parce qu'elle ne s'attaque pas de front aux réalités. La vanité de la morale est pourtant en jeu. « J'espère que vous ne menez pas une vie double, prétendant être une canaille et étant en vérité bon tout le temps. Ce serait de l'hypocrisie. » Ici encore, c'est la même façon de définir une chose par son contraire, d'appeler hypocrisie ce que tous nous appelons cynisme. Mais tout à l'heure, Wilde n'avait d'autre but qu'une dissociation d'idées. Il semblait se contenter

de

dire

:

les

contraires

se

ressemblent

puisqu'ils

appartiennent à la même série où ils occupent chacun la place extrême. Ici, en confondant l'hypocrisie et le cynisme, ce qui singe le bien avec ce qui singe le mal, il tend à confondre le bien et le mal.


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Veut-on une remarque voisine : « Je n'ai jamais vu personne de vraiment canaille auparavant. Je me sens vraiment effrayé. J'ai peur qu'il ait l'air... comme tout le monde. » Et ce serait véritablement effrayant en effet, car on pourrait croire que toutes les honnêtes gens sont des canailles et que rien ne ressemble plus au mal que le bien. Ou veut-on prétendre au contraire que cette remarque de Wilde est une de ses moins profondes et qu'elle répète, comme telle autre phrase de notre auteur, une simple remarque de bon sens : il ne faut pas se fier aux apparences, l'habit ne fait pas le moine ? Écoutez encore ceci : « Savez-vous qu'il est presque sept heures ? -—II est toujours presque sept heures. » Est-ce que cela ne veut rien dire ? Ou cela ne signifierait-il pas que, quel que soit le chiffre, les heures se ressemblent toutes ? Ou bien, si le mot important est, non pas toujours, mais presque, faut-il comprendre que notre attention porte régulièrement à faux, que nous remarquons l'heure alors qu'elle n'est pas accomplie et que tout en ce bas-monde est à peu-près et déception ? Si, chez Wilde, le paradoxe a des allures de bon sens et le bon sens de paradoxe, si la futilité peut se prendre pour la profondeur, si la pensée a toujours le même vêtement, qu'elle soit banale ou absurde, c'est que les mots humains ne veulent rien dire, que les choses n'ont pas de sens, et que rien n'est rien. On a le vertige devant cette danse perpétuelle des mots et des idées. Le difficile peut-être, la gageure certainement, consistait, avec un tel dialogue et un tel humour destructeurs, à ne pas détruire sa propre


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pièce ; le talent était de faire une comédie qui ne fût pas une simple suite de mots. Wilde y a réussi. Il semble, à première vue, que l'on se trouve en présence d'un gros vaudeville. Toute l'intrigue, en effet, repose sur un quiproquo. Jack, pour s'amuser commodément à Londres, se fait passer pour son propre frère, et il prend le prénom d'Ernest, — (ou celui de Sévère, si l'on veut garder le calembour sur earnest). Il est aimé par Gwendolen. Cependant, à la campagne, une jeune fille aime de tout son cœur cet Ernest qu'elle ne connaît pas et dont elle entend conter les frasques. Voici que se présente à elle Algernon, un ami de Jack, qui, à son tour, se fait passer pour Ernest ; elle est naturellement prête à se fiancer à lui. Mais Jack, résolu à devenir sage et sévère, paraît tout à coup en deuil, en prétendant que son frère est mort. Or, ce deuil est doublement absurde : d'abord, parce que le frère n'a jamais existé et ensuite parce que ce frère s'est, aux yeux de nos campagnards, incarné en un homme vivant. Gwendolen arrive à son tour, et nous sommes au point culminant de l’imbroglio. Elle et la jeune provinciale se croient fiancées au même Ernest, qui est un personnage inexistant et qui, cependant, s'est incarné dans deux hommes distincts. Elles sont rivales, puisqu'elles aiment toutes deux Ernest; elles sont en grand danger de ne l'obtenir ni l'une ni l'autre puisqu'Ernest n'existe pas ; mais elles l'obtiendront l'une et l'autre puisqu'Ernest, c'est Jack et aussi l'ami de Jack. On croirait un vaudeville. Mais Wilde nous a habitués à ne chercher la profondeur que dans ses créations en apparence les plus légères. Il était intelligent, et uniquement intelligent. Dès qu'il voulait forcer son


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talent, comme dans la poésie, aussitôt, il devenait plat. Il ne pouvait éviter la banalité que dans les choses banales. Il ne pouvait être profond, et profondément artiste, que dans un vaudeville. Il a composé là une œuvre d'art, où la fantaisie ailée le dispute à l'intelligence aiguë et destructrice. Cette farce ne manque point de grandeur, car elle comporte un sens qui la dépasse. Ernest, c'est tour à tour deux hommes, et en fin de compte un troisième qui n'existe pas. Personne n'est jamais personne, comme rien n'est jamais rien. Il n'y a d'ailleurs pas seulement des mots cruels et une intrigue légère dans l'Importance d'être Sévère. Wilde a repris un caractère qu'il avait esquissé ailleurs : la jeune fille. Celle-ci est charmante de fraîcheur et de naïveté. Comme elle a entendu parler de cet Ernest qui se conduisait si mal, elle s'est éprise de lui en petite fille romanesque. Elle note ses émotions dans son journal, elle s'écrit des lettres comme si elles venaient de lui, et auxquelles elle répond ; elle se fiance à Lui, elle rompt les fiançailles et s'écrit alors, de la part du jeune homme, des lettres si émouvantes qu'elle en pleure. Est-elle si loin de la réalité, cette petite fille amoureuse de l'amour, qui l'attend avec impatience, qui trompe sa faim comme elle peut et remplit le vide de sa vie avec un roman imaginaire ? N'avons-nous pas le droit, d'ailleurs, de croire que son aventure est symbolique et que, dans tout amour, chacun est toujours seul et se joue à soi-même la comédie de la passion et de la rupture ? Et quel accord subtil, profondément artistique, avec l'ensemble de cette pièce où tout est fantaisie ! Ce qu'un homme a créé par désir de débauche, une jeune fille l'accueille en sa pureté ; le mauvais rêve devient un beau rêve,


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parce que le bien est le mal, et le mal le bien. Cette aventure d'imagination et de réalité sordide, de mensonge et d'amour vrai, finira par un solide mariage, car le réel est l'imaginaire, et l'imaginaire le réel. Toutes les valeurs morales, psychologiques ou sociales sont ici renversées, ou plutôt confondues. Le simple mécanisme verbal imite la profondeur, le paradoxe rejoint le bon sens. On ne sait point si telle remarque est sublime ou stupide, si l'auteur montre le sens de la vie ou son absurdité, ou si le sens de la vie, ce ne serait pas précisément son absurdité, Cette pièce fait table rase de tout : sentiments ou préjugés, hiérarchie morale ou intellectuelle. Le vrai et le faux, le bien et le mal, le possible et l'impossible, tout tourne, tout saute et voltige en une ronde gracieuse. C'est une féerie de l'esprit, des réflexions qui obligent à sourire, des plaisanteries qui forcent à penser, un cosmos d'incohérence, un chaos souriant de mots et de réalités. Wilde a atteint ici le point extrême de son art, de sa philosophie et de son évolution. Dans ses essais, il avait détruit le bien au profit du beau. Ici, le beau à son tour est annihilé au profit de l'amusant. Wilde est las d'être grave. Toutes les choses sérieuses lui paraissent ennuyeuses, à commencer par l'esthétisme et l'immoralisme. Telle remarque où il semble sincère ne se distingue plus dans cette bouffonnerie générale. Il dit encore : « Dans les sujets de grande importance, c'est le style et non pas la sincérité qui est important. » Mais on ne le croit plus.


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Il a dépassé l'inconscience morale et la foi en l'art, pour atteindre à la fantaisie qui ne connaît d'autre règle que soi-même, à l'humour qui renverse tout, qui ramène tout au niveau de l'absurde et au néant. Il considère que l'imprévu doit arriver et que l'impossible est le vraisemblable. Il prend le contre-pied des idées reçues et dédaigne les sentiments que l'on croit naturels. Il traite les liens de famille comme un prétexte à imbroglio, il résout l'énigme de la vie et l'énigme de la mort avec un sourire nonchalant. Et l'on se demande avec angoisse : où va donc cet homme ? Comme l'a dit André Gide, le théâtre de Wilde, pour qui sait l'entendre, rend une note sinistre et prophétique. Cet homme court-il à sa perte et à la folie ? Atteint-il au salut et à la conversion ? Il ne peut pas aller plus loin, il ne peut pas éternellement danser sur la corde raide. A moins que, unique et paradoxal jusqu'au bout, il ne devienne le martyr imprévu d'un vice répugnant. A moins que sa religion du plaisir ne le mène à la souffrance ; et que tout, plaisir ou souffrance, vie splendide de débauche ou mort lente dans la prison, que tout ne finisse par n'être plus rien ; qu'il ne continue à vivre encore que pour mourir à lui-même ; et ne meure que pour se voir considérer par les uns comme un génie, par les autres comme un charlatan. Tant qu'enfin il soit impossible de le juger et que l'on en vienne à commenter gravement un vaudeville où il s'est moqué de tout le monde et de ses futurs commentateurs. Léon Lemonnier Revue Anglo-Américaine – Presse universitaire de France - 1932


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9 – Conférences – Appel à proposition Figures du Dandysme

Paris, 18 novembre 2016

Les développements, non seulement de nouveaux champs dans les études culturelles et littéraires mais également de nouvelles perspectives comme les études de genre ou les théories queer, invitent à reprendre la réflexion sur des paradigmes et des références identitaires, comme le dandy et le dandysme, en les réexaminant dans ce contexte universitaire et épistémologique renouvelé. Le Centre d’Études et de Recherches Comparatistes (CERC, Sorbonne Nouvelle), le Centre de recherche PLEIADE (Paris 13) et l’Institut de Philologie Romane de l’Université Catholique de Lublin JP II (Pologne) organisent donc, le 18 novembre 2016, à Paris, une journée d’étude sur « Figures du dandysme », consacrée aux représentations de ce phénomène du XIXe siècle jusqu’à nos jours ainsi qu’aux survivances possibles


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du dandysme au-delà de son contexte propre d’émergence (début du dix-neuvième siècle, voire bien plus tôt si l’on tire une filiation avec des personnages comme le beau, le buck, le talon rouge...). Cette rencontre permettra notamment de faire le point sur la recherche actuelle, tout en mettant l’accent sur les avancées dans les champs récemment autonomisés de la recherche et les spécificités locales du phénomène et de son étude. Conférence inaugurale : Marie-Christine Natta, Centre

de

Recherches

des

Littératures

Modernes

et

Contemporaine (CRLMC) de l'université Blaise Pascal de ClermontFerrand) « Le Dandysme d'Eugène Delacroix » On pourra en particulier explorer les pistes suivantes, qui sont des suggestions non exhaustives. - Géographie du dandysme / géopolitique du dandysme - Dandysme au féminin - Entre l’androgyne et le misogyne - Crise de la masculinité - Dandysme et genre - Mythe du dandy - Dandysme et décadence - Métamorphose(s) du dandysme - Philosophie du dandysme - Modernité du dandy


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Les propositions (250 mots maximum) sont à envoyer avant le 15 mai 2016 sous forme de fichier joint (Word ou équivalent) aux quatre organisateurs :

- Anne Isabelle François, Université Sorbonne Nouvelle – CERC, anne-isabelle.francois@univ-paris3.fr - Edyta Kociubi ska, Université Catholique de Lublin JP II,

ekociub@kul.lublin.pl Gilbert Pham-Thanh, Université Paris 13 - CENEL, gilbert.pham-thanh@wanadoo.fr -

Pierre Zoberman, Université Paris 13 – CERC (Sorbonne

Nouvelle - Paris 3), ZPParis13@aol.com.


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10. Bibliographie Dorian Gray et ses illustrateurs (de A à L …) Illustrateur Chris Allen

Nationalité Américaine

Editions Magic Wagon 2009

Reynold Arnould

Française

Paris Stock 1946 (12 eaux fortes)

Agostino Arrivabene

Italienne

Milan -2004

Michael Ayrton

Anglaise

Castle Press, London, 1948


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Friederike Bussejahn

Allemande

2000 Francfort et Vienne

Graham Byfield

Anglaise

le cercle du bibliophile Rencontre Levallois Perret 1968

Coralie Bickford Smith Miguel Cardenas

Anglaise

Penguin Group USA 2009 Bogota Colombie Editorial Norma 2002

Camille Cauti

Américaine

Colombienne

Barnes and Noble Classics New York 2003


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Emma Chichester Clark

Anglaise

Folio Press London, 2009

Lucille Corcos

Américaine

Easton Press, Norwalk, Ct, 1957

Enrique Corominas

Espagnole

Daniel Maghen 2011

Ian Culbard

Anglaise

Sterling Publishing 2009 (BD)

David Cuzik

AnglaiseM

Penguin Readers 1994

James M.Dignon

Mason Hill Press, 1974


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Jim Dine

Américaine

London Petersburg Press 1968

Sebastian Fiumara

Argentine

Marvel Enterprises 2008

Elvira Gascon

Espagnole

Editorial Leyenda Mexico 1946

Giuseppe Giannini

Italienne

Nuages Milan 1989

Denis Gordeev

Russe

2004


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Stanislas Gros

Française

Editions Delcourt 2008 (BD)

Håkon Gullvåg

Norvégienne

Den Norske Bokklubben 2000

Nick Harris

Anglaise

Oxford University Press 1989 et 2000

Heinrich Heuer

Allemande

Gütersloh. Kelen oJ. 317

Enrique Herreros

Espagnole

Ed. Afrodisio Aguado 1951


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Mark Hess

Américaine

Pocket Books 2005 (couverture)

André Hofer

Française

Paris, Stock, coll. "Les grands Etrangers", 1924 (1 lithographie originale)

Javier de Isusi

Teresa Johnston

Gareth Jones Henry Keen

Espagnole

Astiberry ediciones, 2012

Necropololis Press 2011

Sud Africaine Four Corners Books 2007 Britannique Londres : John Lane, The Bodley Head, 1925 New York : Dodd, Mead and Co 1925 (11 illustrations et 1 frontispice)


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Jean Emile Laboureur

Française

Paris: Le Livre, Émile Chamontin, 1928

Agustin Lambii

Espagnole

Coleccion Aventuras 1947

Annabel Large

Française

Macmillan Education 1993


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11 - Personnages secondaires Charles Conder

Né le 24 octobre 1868 à Tottenham, dans le Middlesex, fils d’un ingénieur civil, l’aquarelliste Charles Conder appartenait à la petite troupe gravitant autour du Yellow Book, la célèbre revue esthétique victorienne évoquée par Wilde dans son « Dorian Gray », auquel il confia sept de ses œuvres, et de la Carfax Gallery, deux noms associés à l’univers wildien. Dans sa jeunesse, il vécut en Australie, travaillant comme illustrateur à l’Illustrated Sydney News, puis fréquentant la National Gallery School de Melbourne. Il regagna ensuite l’Europe, et passa plusieurs années à Paris où il étudia à l’Académie Julian. C’est là, en 1890, qu’il rencontra William Rothenstein, autre familier du cercle Wilde, avec lequel il se lia d’amitié. Conder mena là une vie bohémienne assez dissolue, habitué des bordels et des cabarets de Montmartre où


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il rencontra Henri de Toulouse-Lautrec et Louis Anquetin, univers qu’il immortalisera dans sa toile « Le Moulin Rouge » et dans son dessin « A Dream in Absinthe ».

Le Moulin Rouge – 1890

Le point culminant de ces années parisiennes fut sans doute l’exposition

qu’il

partagea

avec

Rothenstein

au

Père

Thomas,

Boulevard Malesherbes, en 1891. À partir de 1893, Conder devait se partager entre Londres, Dieppe et Paris. S’il n’appartint pas au cercle de plus rapproché des amis d’Oscar

Wilde,

il

en

faisait

néanmoins

partie,

partageant

de

nombreuses fréquentations, comme Aubrey Beardsley ou William Rothenstein, et même Charles Ricketts et Charles Shannon, pour lesquels il collabora au magazine « The Pageant ». Dans le courant des années 1890, Conder modifia son style. Il se mit à travailler sur de la soie, et commença à peindre une série d’éventails où il créait un monde poétique de fêtes galantes exquises. Malgré le succès remporté par ces éventails, Conder, qui menait une vie instable, dédaigneuse


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du quotidien, qui abîmait sa santé dans l’alcool, connaissait sans cesse des difficultés financières, n’ayant aucun sens des affaires : « Cher Conder, disait Wilde, quelle exquise subtilité il déploie pour vendre cent francs un éventail à quelqu’un qui lui en aurait volontiers donné trois cents ! » Il existe une réelle dichotomie entre la vie matérielle difficile que menait Conder et son univers pictural, ses œuvres délicates et lumineuses, d’une beauté exquise. Le vrai succès ne devait venir que plus tard, neuf ans avant sa mort, quand il revint à la peinture à l’huile et montra ses œuvres dans une série d’expositions à la Carfax Gallery, dans le quartier St James de Londres.

Caricature de Max Beerbohm : de gauche à droite : Richard Le Galienne Walter Sickert, Arthur Symons, George Moore, Henry Harland, John Davidson, Charles Conder, Oscar Wilde, Will Rothenstein, Max Beerbohm, W.B. Yeats, Aubrey Beardsley, Enoch Soames


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Entre 1895 et 1898, Conder passa beaucoup de temps à Dieppe, où il travaillait énormément « avec quelque chose de fiévreux dans l’urgence de sa création », disait Jacques-Emile Blanche. Il s’y trouvait en même temps que Wilde qui sortait de prison, familier d’une petite bande qui comptait Aubrey Beardsley, Jacques-Emile Blanche, le poète Ernest Dowson, le musicien Dalhousie Young.

Charles Conder - Dieppe

Pendant l’été 1897, Wilde croisa quatre d’entre eux : Walter Sickert, Charles Conder, Aubrey Beardsley et Jacques-Emile Blanche, qui le snobèrent en faisant semblant de ne l’avoir pas vu. Seul d’entre eux, Conder manifesta son désir d’aller à la rencontre de l’écrivain déshonoré et de le traiter en vieil ami. Wilde devait plus tard l’inviter à dîner à Berneval avec deux autres compagnons, peu après s’y être installé. « Ernest Dowson, Conder et Dal Young viennent cet aprèsmidi pour dîner et dormir, écrit-il à Robert Ross le 3 juin 1897. Je sais du moins qu’ils dînent, mais je crois qu’ils ne dorment jamais ». Et le lendemain, à Lord Alfred Douglas : « Je viens de recevoir votre lettre, mais Ernest Dowson, Dal Young et Conder sont ici, de sorte que je n’ai pu en lire que les trois dernières lignes. (…) Les amis qui


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sont venus me voir ont été des plus charmants pour moi et j’ai beaucoup d’affection pour eux tous. » Ils se revirent à plusieurs reprises cet été-là. Wilde, qui admirait ses œuvres le comparait à « une sorte de Corot de la lumière ». Conder n’était pas un brillant conversationniste. Il restait souvent silencieux et aimait écouter les autres. C’était donc un excellent auditeur pour le brillant causeur qu’était Wilde. Ils se rencontrèrent encore à Paris en mai 1898, où Wilde le définit dans une lettre à Robert Ross comme « très vague et brumeux », puis en août 1898 à la Roche-Guyon, en Seine-et-Oise, où Oscar résidait pour quelques jours dans un hôtel/Café/restaurant nommé La Maison Rouge.

Conder le visita dans sa villégiature et trouva Wilde très différent de l’homme qu’il avait quitté à Berneval, beaucoup plus grave et très déprimé. « J’ai ramé dans le bateau de Blunt1, écrivit Wilde à William 1

Arthur Cadogan Blunt, artiste, fils du Rev. Gerald Blunt, Recteur de Chelsea.


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Rothenstein, Madame Richard est venue déjeuner, et Conder et Blunt sont repartis pour faire une partie du chemin avec elle ». Le nom de Conder figurait sur une des couronnes qui avaient été déposées sur le cercueil de Wilde. Il devait mourir un peu plus de 8 ans après lui, le 9 février 1909, dans un asile, la syphilis l’ayant jeté dans la démence. Il avait 40 ans.

Max Beerbohm - A Recollection: Conder, Max, Rothenstein And Wilde At The Cafe Royal (1929)

Charles Conder circa 1900


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12 - Mad Scarlet Music Musique de scène pour Salomé par Paul Bowles Par Tine Englebert Le drame Salomé a incité nombre de compositeurs à créer une musique de scène originale pour de nouveaux spectacles. En 1993, le compositeur, écrivain et voyageur américain Paul Bowles (1910-1999) écrivit une partition de musique pour synthétiseur destinée aux représentations du Salomé

qui allait être donnée à ‘The American

School of Tangier’.

Paul Bowles

L’écrivain Paul Bowles est assez unique dans les annales de la littérature américaine, en ce que, pendant une grande partie de sa vie, il a mené parallèlement une carrière réussie d’écrivain et de compositeur de musique. En effet, jusqu’à la publication de The Sheltering Sky (Un thé au Sahara) en 1949, il a été probablement plus connu pour sa musique que pour son écriture, et même au sommet


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de sa renommée en tant qu’écrivain, il acceptait encore des commissions pour composer de la musique pour le théâtre.

The Sheltering Sky (Un thé au Sahara)

Dans l’adaptation cinématographique de Bernardo Bertolucci (1990), la narration est confiée à Paul Bowles lui-même (version anglophone)

Bowles a manifesté un intérêt pour la musique dès son enfance, mais c’est sa rencontre avec le compositeur Aaron Copland en 1929 qui a marqué le vrai début de sa carrière musicale. Copland est devenu son professeur et Bowles a beaucoup voyagé en Europe avec lui, rencontrant

des

figures

littéraires

telles

que

Jean

Cocteau,

Christopher Isherwood, Ezra Pound et Gertrude Stein. C’est Stein qui a conseillé à Bowles de visiter Tanger, et il a d’abord voyagé au Maroc, avec Copland, en 1931. En 1947, Bowles s’établit définitivement à Tanger, où son épouse, l’écrivain et dramaturge Jane Auer, vint le rejoindre en 1949. Le couple devint rapidement incontournable dans le milieu américano-européen de Tanger. Dès la fin des années 1940, ils y reçurent la visite de plusieurs célébrités littéraires. Dès son installation au Maroc, Bowles se consacra à l’écriture de romans, de


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nouvelles et de récits de voyages, mais également à la musique, en particulier celle de neuf pièces représentées à ‘The American School of Tangier’. Tout au long de sa vie, Paul Bowles nourrit une fascination pour la musique des autres cultures, intensifiée par ses voyages en Amérique latine et en Afrique du Nord, puis, plus tard en Extrême-Orient. Il voyagea à travers le Maroc pour enregistrer la musique autochtone. En 1972, une sélection de ces enregistrements a été éditée par la division de musique de “The Library of Congress”. À la fin des années 1960, l’énergie créatrice de Paul Bowles se concentra sur l’écriture, délaissant plus ou moins la musique. L’intérêt pour cet art commença à décliner dans les années 1970 et son travail de compositeur fut alors largement oublié. Au cours des années 1980, cependant, il y eut un regain d’intérêt pour les compositions de Bowles, une nouvelle génération de compositeurs, musiciens et musicologues ayant découvert sa musique. Au moment de sa mort en Novembre 1999, Paul Bowles avait regagné sa place de compositeur américain significatif. Les 14, 15, 16 et 17 juin 1993, L’école Américaine de Tanger présentait Salomé d’Oscar Wilde au Palais du Marshan. Créée en 1950 – et par-là même, la plus ancienne école américaine au Maroc The

American

School

of

Tangier

montait

annuellement

des

productions théâtrales élaborées. Salomé d’Oscar Wilde fut produite et réalisée par Joseph A. McPhillips III (1937-2007), directeur de l’école et ami de longue date de Paul et Jane Bowles. À ses talents


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d’enseignant et d’administrateur rigoureux et passionné, McPhillips ajoutait celui de metteur en scène. Ses pièces scolaires américaines annuelles devinrent une tradition à Tanger. À partir de 1964, il en dirigea personnellement plus d’une vingtaine. L’artiste Marguerite McBey, veuve du peintre James McBay, elle aussi résidente à Tanger, conçut le programme et l’affiche de Salomé.

La musique de scène pour Salomé était la deuxième composition de Paul Bowles pour synthétiseur. Elle fait référence au premier mouvement de la Suite pour petit orchestre, datant de 1932-1933. La suite

comptait

trois

mouvements :

Pastorale,

Havanaise

et

Divertissement. La Pastorale se composait de mélodies d’Afrique du Nord simples et répétitives, souvenir d’un voyage effectué par Bowles en Algérie en 1933. Elles sont lyriques et très brèves. Ces mélodies


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rendent un son exotique aux oreilles occidentales et Bowles utilisa exactement les mêmes mélodies pour la musique de scène de Salomé.

Paul Bowles composant la musique de scène de Salomé avec un synthétiseur Les trois dernières partitions de musique de théâtre (Hippolytus, Salomé et The Royal Hunt of the Sun) pour ‘L’école américaine’ ont été créées directement sur synthétiseur. Elles survivent seulement sur bande, n’ayant jamais été écrites. Hippolytus d’Euripide (chanté et exécuté en anglais et en arabe au Palais du Marshawn, 15-18 Juin 1992) fut la première composition de Bowles pour synthétiseur. The Royal Hunt of the Sun par Peter Shaffer et adapté par Joseph A. McPhillips, III (mis en scène 18 et 19 Juin 1997 au Palais du Marsan) constitua la dernière participation de Paul Bowles à des productions scolaires. Tine Englebert


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13 – Wilde au théâtre Saint Oscar De Terry Eagleton

Actuellement littéraires

du

considéré monde

comme

le

britannique,

plus Terry

influent Eagleton

des fut

critiques d’abord

professeur à l’Université d’Oxford, puis à l’Université de Manchester. Sa pièce «Saint Oscar » est créée par le Field Day Theatre Company au Guildhall, Derry, le 25 septembre 1989.


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Dans une mise en scène de Trevor Griffiths, la distibution s’établissait comme suit : Stephen Rea (Oscar Wilde)- Eileen Pollock (Lady Wilde) Peter Hanly (Lord Alfred) - Stanley Townsend (Edward Carson) Seamus Morgan (Richard Wallace) La pièce s’interroge sur les paradoxes sexuels, sociaux et d’identité nationale, qui caractérisent Wilde. Elle est centrée sur la vie de Wilde à l’époque de son procès, et le dépeint débattant des mérites du socialisme avec son ami Richard Wallace, et du nationalisme irlandais avec sa mère, Lady Wilde. L’œuvre fut éditée en 1989 par Field Day, et réimprimée l’année suivante

En 1990, elle fut jouée à Londres, à l’Hampstead Theatre, du 19 février au 19 mars, dans la même mise en scène.


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Une nouvelle publication de la pièce intervint en 1997, cher Blackwell Publishing.

« Saint Oscar » fut repris à Dublin, à l’Andrew Lane Studio, du 12 au 20 janvier 2000, dans une production amateur dirigée par Karen Brosman, puis à Dun Laghoaire, du 2 au 5 juillet 2003, au Pavilion theatre Dun, sous la forme d’un one man show avec Seamus Moran dans le rôle d’Oscar Wilde (mise en scène Maureen Collender). Il y eut


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aussi une production italienne, à Bologne, sous la direction de Gianfranco Rimondi (Teatro Dispersi). Une dernière édition de la pièce est parue en 2004, chez Bookmarks. Il existe aussi une édition italienne, parue en 2000 chez Panozzo editore, ainsi qu’une édition suédoise, plus récente – 2014 – Oscar den helige, chez Ramus.


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14 – Cinéma – Vidéo En

avril

prochain

est

annoncée

la

sortie

d’une

adaptation

cinématographique française du Fantôme de Canterville. Comme nous ne l’avons pas vu, il est difficile d’émettre un jugement. Cependant, le nom de Michael Youn, comique généralement gras et dépourvu de subtilité, dans le rôle du fantôme, est loin de nous rassurer. Et la bande-annonce pas davantage. Il reste vraisemblablement peu de l’humour grinçant et de la mélancolie douce de la nouvelle d’Oscar Wilde dans cette adaptation qui semble bien peu s’inspirer de l’original (on peut remarquer que le nom d’Oscar Wilde ne figure même pas sur l’affiche … ou alors en si petites lettres que je ne l’ai pas vu).


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Vidéos « Wilde », le film de Brian Gilbert, avec Stephen Fry et Jude Law dans les rôles principaux, est sorti en Blu-ray en langue anglaise fin 2015.


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15 – The Oscholars www.oscholars.com abritait un groupe de journaux consacrés aux artistes et mouvements fin-de-siècle.

Le rédacteur en chef en était

David Charles Rose (Université d’Oxford). Depuis 2012, les membres du groupe sont indépendants, et le site, délaissé par son webmaster, ne reste plus sous le contrôle de M. Rose. THE OSCHOLARS est un journal international en ligne publié par D.C. Rose et son équipe de rédacteurs, consacré à Wilde et à ses cercles. Il compte plusieurs mille lecteurs à travers le monde dont un grand nombre d’universitaires. On pourra y trouver les numéros de juin 2001 à mai 2002 (archives), et tous les numéros réalisées depuis février 2007. Les numéros de juin 2002 à octobre 2003, et d’octobre 2006 à décembre 2007 sont abrités par le site www.irishdiaspora.net. Vous y découvrirez une variété d’articles, de nouvelles et de critiques : bibliographies,

chronologies,

liens

etc.

L’appendice

‘LIBRARY’

contient des articles sur Wilde republiés des journaux. Les numéros jusqu’à mars 2010 sont en ligne ici, mais quelques pages ont été détruites par le ci-devant webmaster. Depuis l’automne 2012, on peut trouver THE OSCHOLARS sous cette adresse : http://oscholars-oscholars.com/ THE EIGHTH LAMP : Ruskin studies to-day – rédactrices Anuradha Chatterjee (Sushant School of Art and Architecture New Delhi) et Laurence Roussillon-Constanty (Université de Toulouse). Nos 1 et 2 étaient sur le site orignal de THE OSCHOLARS, mais le lien a été


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coupé par le ci-devant webmaster. On peut trouver no 3 ici — no 4 ici — no 5 ici — no. 6 ici — no 7 ici — no.8 ici — no. 9 ici. THE LATCHKEY est consacré à ‘The New Woman’. Les rédactrices sont Sharon Bickle (University of Queensland), Joellen Masters (Boston University) et Kirsty Bunting (Manchester Metropolitan University). Le numéro le plus récent en ligne est daté de l’hiver 201. MELMOTH était un bulletin consacré à la littérature victorienne gothique, décadente et sensationnelle. La rédactrice était Sondeep Kandola, Université de Liverpool John Moores. Le numéro 3 était en ligne, mais le lien a été coupé par le ci-devant webmaster. RAVENNA effectue une exploration des liens anglo-italiens à la fin de siècle. Les rédacteurs sont Elisa Bizzotto (Université de Venise) et Luca Caddia (University of Rome ‘La Sapienza’). Le numéro 3 en ligne est celui de fin mai 2010, mais le lien a été coupé par le ci-devant webmaster.

On

peut

le

retrouver

chez

http://oscholars-

oscholars.com/our-sister-journals/ravenna/ mais pour le moment d’autres éditions ne sont pas prévues. Shavings était un bulletin consacré à George Bernard Shaw.

Le

numéro 28 (juin 2008) est en ligne ; désormais on le trouvera dans les pages de UpSTAGE. The Sibyl

(commencé au printemps 2007) explore le monde de

Vernon Lee, écrivaine anglaise, née le 14 octobre 1856 au Château St Léonard, à Boulogne sur Mer; décédée à Florence, le 13 février 1935. La rédactrice est Sophie Geoffroy (Université de La Réunion). Le


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numéro 4 (hiver 2008/printemps 2009) est en ligne. Actuellement, on le reprend ici. UpSTAGE était consacré au théâtre du fin de siècle, rédactrice Michelle Paull (St Mary’s University College, Twickenham). Le dernier numéro (6, de 2013) est en ligne. VISIONS (deux ou trois fois par an) était consacré aux arts visuels de la fin de siècle. Les rédactrices associées étaient Anne Anderson (University of Exeter), Isa Bickmann, Tricia Cusack (University of Birmingham), Síghle Bhreathnach-Lynch (anciennement National Gallery of Ireland), Charlotte Ribeyrol (Université de Paris–Sorbonne) et Sarah Turner (University of York). Le numéro 8 était en ligne, mais le lien a été coupé par le ci-devant webmaster et d’autres éditions ne sont pas prévues.


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16. Signé Oscar Wilde Tout art étant, jusqu’à un certain point une forme de théâtre, un effort pour réaliser sa personnalité sur le plan de l’imagination, sans se laisser entraver par les accidents et les limitations de la vie réelle, censurer un artiste pour un faux reviendrait à confondre un problème moral avec un problème esthétique. Le Portrait de Mr. W.H.

All art being to a certain degree a mode of acting, an attempt to realise one’s own personality of some imaginative plane out of reach of the trammelling accidents and limitations of real life, to censure an artist for a forgery was to confuse an ethical with and æsthétical problem. The Portrait of Mr. W.H.


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