Rue des Beaux-Arts n°57 – Octobre/Novembre/Décembre 2016
RUE DES BEAUX ARTS Numéro 57
Octobre/Novembre/Décembre 2016
Rue des Beaux-Arts n°57 – Octobre/Novembre/Décembre 2016
Bulletin trimestriel de la Société Oscar Wilde
RÉDACTRICE : Danielle Guérin-Rose Groupe fondateur : Lou Ferreira, Danielle Guérin-Rose, David Charles Rose, Emmanuel Vernadakis On peut trouver les numéros 1-41 de ce bulletin à l’adresse http://www.oscholars.com/RBA/Rue_des_Beaux_arts.htm et les numéros 42 à 55 ici.
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1 – Éditorial V’la L’expo !
Imaginons Oscar Wilde passant devant le bâtiment du Petit Palais, qui vient d’être construit et inauguré à l’occasion de l’exposition universelle de 1900. S’y est-il attardé ? S’est-il arrêté sous le péristyle du jardin intérieur ? A-t-il admiré les dômes baroques et les façades flambants neufs ? Son regard a-t-il dérivé sur sa droite, vers les magnifiques candélabres de bronze du Pont Alexandre III, tout nouveau, lui aussi ; s’est-il porté rêveusement vers l’horizon des Invalides ? Il n’existe aucune image d’Oscar à l’Exposition Universelle. Dans un film de l’époque, on aperçoit un monsieur corpulent, chic et vêtu de blanc, passer furtivement. Est-ce lui, ce passant éphémère ? On crut un moment que, pendant l’exposition, il avait expérimenté la méthode d’enregistrement de Thomas Edison en gravant sa voix
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récitant une stance de La Ballade de la Geôle de Reading sur des rouleaux de cire. Cela fit illusion quelques temps, puis il fut prouvé récemment que la voix ne lui appartenait pas. Cette voix au velouté de violoncelle s’est à jamais dissoute dans l’éternité. Même les inventions fabuleuses de l’exposition universelle n’ont pas su la capturer, papillon délicat aux ailes frémissantes et froissées. Elle a gardé son secret. On sait très peu de choses, en fait, de ces visites d’Oscar à l’exposition. Qu’il vit Auguste Rodin, son Balzac et sa Porte de l’Enfer, et que le grand sculpteur lui montra lui-même ses « rêves de marbre ». Qu’il assista à des matchs de lutte en compagnie du poète Paul Fort, qui compta parmi les six dernières personnes à assister à la mise en terre de Wilde à Bagneux (partie à treize de l’église Saint Germain des Près, la petite troupe fondit en cours de route pour se réduire à six, dont Robbie Ross et Lord Alfred Douglas, la femme de Stuart Merrill et Paul Fort accompagné de sa première femme, et peut-être Henry Davray)1. La poétesse et romancière Anna de Brémont raconta qu’elle l’avait rencontré au café du pavillon espagnol où elle se trouvait avec des amis américains dont la présence l’incita à ignorer Wilde, attitude qu’elle regretta aussitôt amèrement. On sait, par le témoignage d’Ernest La Jeunesse que Wilde profita pleinement de l’exposition, qu’il s’y rendait tous les jours, assistait aux attractions, s’attablait à ses cafés. Mais il n’en reste, hélas, aucune trace. Ce fut, au moins, pour le Wilde de la dernière année, une source d’intérêt et de divertissement inépuisable. Peut-être même une source de joie. Dans cette effervescence, cette éclosion artistique universelle, il se sentait 1
Selon Paul Fort lui-même dans son enregistrement vocal d’une interview de Paul Médina
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revivre. « Il buvait toute cette joie à même, comme on boit du sang aux abattoirs. Il rebâtissait son palais dans tous les palais. Il récupérait l'univers, la gloire, les richesses, la renommée, le temps et l'immortalité. Ce fut un long et beau rêve pour un mourant. », écrit encore Ernest La Jeunesse.1 Peut-être l’un des derniers privilèges qui fut accordé à Wilde par un destin qui ne lui réservait plus guère alors qu’amertume et désillusion. Imaginons encore Wilde passant devant le Petit Palais, mais transporté, par un coup de baguette magique, 116 années plus tard. L’exposition universelle a disparu, remplacée par une marée de voitures, mais le bâtiment est toujours là. Il n’a pas tellement changé. Et là, en bas des marches majestueuses, que voit-il ? Sa propre photo prise en sa jeunesse par l’américain Napoléon Sarony, avec une légende stupéfiante : « Oscar Wilde, l’impertinent absolu ». À n’en pas croire ses yeux. Se moque-t-on de lui ? Est-il si malade qu’il ait des hallucinations ? A-t-il trop forcé sur l’absinthe ? Lui, le paria, le maudit, l’homme chassé de partout, et sur lequel on crachait, lui dont le nom a été souillé, dont les œuvres ont été enlevées des librairies, dont les pièces ont été jouées anonymement ou ôtées de l’affiche, lui qui va mourir quelques mois plus tard, persuadé qu’il sera oublié par la postérité ou qu’il y restera comme un honteux criminel, voilà que Paris, cette ville qu’il a tant aimée et qui le lui a souvent mal rendu, Paris l’expose et l’honore ? L’impertinence absolue lui plait bien, et aussi d’avoir retrouvé son nom. Exit Sebastian Melmoth : Oscar Wilde, le roi de la vie, le Seigneur du langage est de retour, et célébré par Paris !
1
Ernest La Jeunesse – La Revue Blanche – Décembre 1900.
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Certes, ce n’est pas la première fois qu’on lui accorde ce privilège. Estce Londres qui a commencé ? Les Anglais lui devaient bien ça. C’était pour l’anniversaire de sa mort. Son centenaire. La British Library s’était fendue d’une magnifique rétrospective : « Oscar Wilde, A life in six acts » (10 novembre 2002 – 4 février 2001), qui s’était transportée à New York, à la Morgan Library (14 septembre 2001 – 13 janvier 2002), avec le même succès.
Parallèlement à l’exposition londonienne du centenaire, le Barbican Center avait présenté : “The Wilde Years: Oscar Wilde and the Art of his Time,” tandis qu’une exposition au Geffrye s’attachait à montrer l’influence de Wilde et du mouvement esthétique sur le mobilier et la décoration des demeures victoriennes : « The House Beautiful – Oscar Wilde and the Aesthetic Interior » (18 juillet 2000 – 21 janvier 2001). Victoria n’était plus là, ni aucun de ceux qui l’avaient condamné,
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mais le Royaume de Sa Majesté avait fait fort pour l’ancien enfantchéri lapidé.
Dans les années qui suivirent, d’autres expositions, plus ou moins importantes, lui avaient été consacrées, les dernières en date se tenant à Philadelphie, au Rosenbach Museum : « Everything is going on brillantly : Oscar Wilde and Philadelphia » (23 janvier – 4 mai 2015), à Reading, dans la prison même où il avait été incarcéré : « Oscar Wilde and Reading Gaol » (22 octobre 2014 – 6 février 2015), au Delaware Art Museum : « Oscar Wilde’s Salome : « Illustrating Death and Desire » (7 février – 10 mai 2015), et à Moscou (encore partageait-il l’affiche avec Aubrey Beardsley) : « Oscar Wilde, Aubrey Beardsley,
A
Russian
Perspective »,
septembre – 30 Novembre 2014).
au
musée
Pouchkine
(23
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Mais Paris, sa troisième patrie, était resté timide. A l’occasion du festival « Wilde Days in Paris », organisé par la Société Oscar Wilde, une petite exposition d’œuvres picturales évoquant son univers avait eu lieu au Centre Culturel Irlandais : « Wilde Art » (16 mai au 26 juin 2014), et le Musée d’Orsay avait amorcé quelques pas en sa direction avec son exposition préraphaélite : « Beauté, Morale et Volupté dans l’Angleterre d’Oscar Wilde » (13 septembre 2011 – 15 janvier 2012), qui avait d’abord été présentée au Victoria and Albert Museum de Londres (2 avril au 17 janvier 2011) avant d’émigrer au Fine Art Museum de San Francisco (18 février au 17 juin 2012). Mais cette exposition traitait plus du mouvement esthétique que de Wilde luimême. C’est donc la première fois que la capitale française consacre à Wilde une grande exposition, entièrement dévouée à ses œuvres et à luimême. La reconnaissance parisienne que Wilde avait tant cherché à obtenir en cette année 1891 où il avait été qualifié de « Great Event » des salons parisiens, voici qu’elle lui arrive enfin, 125 ans plus tard, à travers cette exposition, qui proclame aux yeux du monde son talent immortel, et son impertinence absolue. Danielle Guérin-Rose
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2 – Publications Oscar Wilde, l’impertinent absolu Sous la direction de Merlin Holland Préface de Charles Dantzig. Textes de Charles Dantzig, Robert Badinter, Pascal Aquien, etc... Illustrations en noir et en couleurs Paris-Musées, Paris – septembre 2016 ISBN 978-2-7596-0327-5 Oscar Wilde, l’impertinent absolu Connaissance
des
arts,
Paris
–
septembre 2016 Connaissance
des
arts
n°734 ISBN 978-2-7580-0719-7
hors-série
–
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Oscar Wilde – Le Portrait de Dorian Gray – suivi de Salomé. Illustrations de Henri Kean, Aubrey Beardsley, Henriette Stern Majeska. Editions Chêne – Vanves – octobre 2016. ISBN 978-2-8123-1573-2
Lèvres
urbaines
–
Lady
Wilde :
Vanitas et autres poèmes. Traduction : Claude Beausoleil Ecrits
des
Forges,
Trois
Canada Lèvres Urbaines, N° 48 ISBN 978-2-89645-319-1
Rivières
–
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Pierre
Masson,
Jean
Pierre
Prevost : André Gide, Oscar Wilde, deux
immoralistes
à
la
Belle
Époque. Orizons – Rencontres – septembre 2016 ISBN 979-10-309-0092-7
Et ailleurs… Eleanor Fitzsimons - Wilde's Women: How Oscar Wilde Was Shaped by the Women He Knew Gerald Duckworth & Co Ltd, Londres – Septembre 2016 IBSN : 978-0715651193
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Philip E. Smith II - Oscar Wilde's Historical Criticism Notebook OUP Oxford – Septembre 2016 ISBN 978-0199688012
Nos adhérents publient… Monsieur Michel Borel, un des plus fidèles membres de la Société Oscar Wilde, a publié en avril et mai derniers, sur Amazon, deux ouvrages consacrés à Oscar Wilde. Le premier, Oscar Wilde et la prison (format Kindle), rassemble ce que l’on peut appeler « les écrits de prison » dans une nouvelle traduction : « De profundis », les deux lettres écrites au Daily Chronicle, et « La Ballade de la Geôle de Reading ».
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Société des écrivains – avril 2016
Le second, Oscar Wilde et Shakespeare, regroupe deux essais dans lesquels s’exprime pleinement l’admiration d’Oscar Wilde pour Shakespeare. Il s’agit du « Portrait de M. WH », qui traite des Sonnets et de la mystérieuse dédicace que fit Shakespeare au dédicataire des Sonnets, et « La vérité des masques » où Wilde nous montre toute l’importance apportée par le Grand William aux costumes et aux accessoires.
Rue des Beaux-Arts n°57 – Octobre/Novembre/Décembre 2016 Société des Ecrivains – mai 2016
Nous rappelons également la prochaine sortie du livre de Patrick Chambon, membre d’honneur de la SOW et auteur talentueux de la bande dessinée parue dans « Rue des Beaux Arts » (Histoire de l’Art : Oscar Wilde), et qui publie en septembre un ouvrage très attendu : « Oscar Wilde : Fabu()leux ! »
Hazan Editions – Septembre 2016
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3- Expositions Oscar Wilde, l’impertinent absolu Petit Palais – Paris
Nous en avions déjà parlé dans le numéro précédent, mais nous ne pouvons pas ne pas reparler ici de l’exposition du Petit Palais qui ouvre le 28 septembre et qui va mettre Paris à l’heure Wildienne jusqu’au 15 janvier. Le Petit Palais retracera la vie et l’œuvre de cet ardent francophile à travers un ensemble de plus de 200 pièces, rassemblant documents exceptionnels, dont certains inédits, manuscrits, photographies, dessins, effets personnels, caricatures et tableaux empruntés en Irlande et en Angleterre, mais aussi aux Etats-Unis, au Canada, en
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Italie et dans les musées français, comme Orsay, la BNF), et dans des collections privées. La partie biographique de l’exposition présentera un caractère inédit en rassemblant des portraits jamais encore réunis, notamment celui peint par Harper Pennington et qui se trouve habituellement à la Clark Memorial Library de Los Angeles, ou les 13 portraits photographiques réalisés par Napoleon Sarony pendant la tournée que Wilde fit en Amérique. Le parcours sera également ponctué d’extraits de films, d’interviews de Merlin Holland, petit-fils d’Oscar Wilde, de Robert Badinter, auteur de la pièce C.3.3, consacrée aux procès et à l’incarcération d’Oscar Wilde, et d’enregistrements de textes lus par le comédien britannique Rupert Everett. 28 septembre 2016 au 15 janvier 2017 Petit Palais – 2, avenue Winston Churchill – Paris Des conférences et un Mooc Diverses
manifestations
seront
rattachées
à
l’exposition.
Des
conférences et un Mooc (sigle anglophone pour « Massive Open Online Courses », ou en français : formation massive en ligne pour tous), proposé par la Sorbonne, sous l’égide de Pascal Aquien, spécialiste français d’Oscar Wilde (mi-octobre 2016), en six épisodes d’une heure. Cette série de cours abordera tous les aspects de l’œuvre de Wilde. Elle mettre l’accent en particulier sur la relation forte qui unissait Wilde à la France, à sa langue et à sa littérature.
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En outre, Merlin Holland, petit-fils d’Oscar Wilde, donnera une conférence en Anglais au Centre Culturel Irlandais, le 3 Novembre 2016 à 19H30, sur le thème : « Dorian Gray : a step too far ? ». Il s’efforcera d’y démontrer, en s’appuyant sur le scandale causé par la publication du « Portrait de Dorian Gray » et sur la censure imposée à sa pièce « Salomé », interdite sur scène en Angleterre, que les raisons de
la
chute
d’Oscar
Wilde
n’est
pas
seulement
due
à
son
homosexualité, mais qu’elles sont bien plus complexes qu’il n’y parait.
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Exposition Richard Le Galienne
En 1887, Richard Le Gallienne (1866 – 1947), poète et critique, avait envoyé à Wilde son premier recueil de poèmes : My Ladies’ Sonnets’ qui venait d’être publié. Il l’avait vu pour la première fois à Birkenhead, en 1883, quand son père avait emmené son fils de 17 ans écouter une conférence d’Oscar Wilde sur ses « Impressions personnelles d’Amérique ». Le jeune homme fut envoûté par Wilde qui, à la réception de son recueil, lui adressa une invitation à le visiter à Londres. Ce fut chose faite le 7 juin 1888. Wilde, qui le décrivait
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comme l’incarnation de l’archange Gabriel dans la peinture de la dédicace suivante : « To Richard Le Gallienne, poet and lover, from Oscar Wilde. A summer day in June 88 ». Eurent-ils ensemble une brève liaison ? La question reste posée. La ville de Liverpool consacre une exposition au jeune poète qui fut un des favoris d’Oscar Wilde. Elle marque le 150e anniversaire de sa naissance dans cette ville
5 août – 31 octobre 2016 Hornby Library – Liverpool Central Library William Brown Street – Liverpool
Richard Le Gallienne
Artists and Writers in Reading Prison
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Fermée depuis trois ans, la prison de Reading s’ouvre pour la première fois au grand public en permettant à des artistes, des auteurs et des interprètes de s’exprimer autour de la figure de son plus célèbre détenu : Oscar Wilde. Le régime pénal subi par Wilde est exploré à travers des documents d’archive et l’installation d’œuvres d’artistes tels que Nan Goldin, Marlene
Dumas,
le
réalisateur
et
artiste
contemporain
Steve
McQueen, ou l’artiste indépendant chinois Ai Weiwei.
Une des cellules, semblable à celles où Wilde fut emprisonné
« De Profundis », la lettre longue de 55 000 mots que Wilde écrivit à Reading à son jeune amant Lord Alfred Douglas, sera lue chaque dimanche de septembre et d’octobre par des artistes tels que la rockeuse et écrivain Patty Smith, l’acteur Ralph Fiennes et le romancier irlandais Colm Toibin, dans la chapelle de la prison. Pendant les quatre heures et demie que durera la lecture, on pourra
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admirer la porte en bois de la cellule d’Oscar Wilde, revisitée par le plasticien français Jean-Michel Pancin.
4 septembre au 30 octobre 2016 Prison de Reading – Forbury Road – Berkshire - England
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4. Opéra et Musiques
3 nouvelles productions de Salomé À Dresde 24 septembre au 4 novembre 2016 Sächsische Staatoper - Dresde
À Klagenfurt (Autriche)
Avec : Anna Gabler (Salomé), Jörg Schneider (Hérode), Ursula Hesse von den Steinen (Hérodias), Michael Kupfer-Radecky (Iokanaan), Mathias Frey (Narraboth) Mise en scène : Rebecca Graitl Direction Musicale : Alexander Soddy
16 septembre au 23 Octobre 2016
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Stadttheather – Klagenfurt
À Linz 12 novembre au 29 décembre 1026 Landtheater - Linz
… et des reprises À New-York (Metropolitan Opera – 5 au 28 décembre 2016), à Berlin (Deutschoper – 18 novembre au 2 décembre 2016), à Hambourg ( Staatoper - 8 au 25 novembre 2016), à Pittsburg (Pittsburg Opera – 7 au 13 novembre 2016), à Stockholm (Kunliga Operan – 11 novembre au 7 décembre 2016), à Vienne (Wiener Stattoper – 21 au 24 septembre 2016).
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5 – Théâtre Le Portrait de Dorian Gray
Mise en scène : Thomas Le Douarec Musique originale et direction musicale : Mehdi Bourayou Paroles: Thomas Le Douarec Lumières : Stéphane Balny Costumes : José Gomez d’après les dessins de Frédéric Pineau Avec : en alternance Arnaud Denis ou Valentin de Carbonnières, Lucile Marquis ou Caroline Devismes, Fabrice Scott et Thomas Le Douarec.
Du 14 septembre au 30 décembre 2016–
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du mardi au samedi à 20H30 le samedi à 16H. Studio des Champs-Elysées – Paris M
L’éventail de Lady Windermere Adaptation d’Alexandre Anzo et Pierre Arcan
Mise en scène : Jean-Luc Revol Avec : Alexandra Martines, Julie Cavanna, Olivier Breitman, Annie Vogel, Eric Gueho, Vincent Talon, et Arnaud Denissel.
13 septembre au 19 octobre – et 3 au 12 novembre 2016 Théâtre Tête d’or - Lyon
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Une femme sans importance
Adaptation et mise en scène : Michel Garnier Avec : Patrick Caverivière, Nicolas de Dampierre, Isabelle Garnier, Michel Garnier, Martine Golse, Camille Orsini, Isabelle Paolini.
Du 5 octobre au 5 novembre 2016 Théâtre de Nesle – Grande Salle - Paris
More lives than one – Oscar Wilde and the Black Douglas
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Par Dear Conjunction Mise en scène : Patricia Keller Avec Les Clack 30 septembre et 1er octobre 2016 à 19H00 Théâtre de Nesle - Paris
Le fantôme de Canterville
Spectacle pour enfants Adaptation : Leila Moguez
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Avec Leila Moguez et Antoine Brun 17 septembre au 26 Novembre 2016, Le samedi à 14H30.
Théâtre de la Clarté – Boulogne Billancourt 30 novembre et 1er décembre 2016 à 16H
Théâtre Essaion – Paris 4e
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6 – Dorian Gray et ses doubles : les avatars de la réplication Par Marie-Noëlle Zeender
L’histoire du Portait de Dorian Gray a fait l’objet d’innombrables adaptations au théâtre, au cinéma et a inspiré de nombreuses reprises dans le domaine de la littérature. A cet égard, le roman de Will Self, Dorian, an imitation, publié en 2002 perpétue la tradition, et le retentissement dont l’œuvre bénéficia il y a quelques années fut assez comparable à celui de Wilde quelque cent vingt-deux ans plus tôt dans la mesure où elle fut encensée par la critique, soit sévèrement condamnée. Selon les propres termes de l’auteur, le livre est à la fois une imitation comme l’indique le sous-titre, et un hommage rendu à Oscar Wilde.
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Pour Will Self en effet, il ne fait aucun doute que ce dernier écrivit une œuvre prophétique. Très étrangement, le roman est le double, ou plutôt la réplication de l’original car on y retrouve les personnages, les lieux, les épisodes principaux de l’intrigue, et même les épigrammes de Lord Wotton transposés des années dix-huit cent quatre-vingt aux années dix-neuf cent quatre-vingt et quatre-vingt-dix. L’œuvre devait à l’origine être un scénario, mais l’auteur avoue ne pas être parvenu à se soumettre aux contraintes spécifiques de ce style d’écriture. Aussi se laissa-t-il emporter par son inspiration pour écrire une version à la fois fidèle et très contemporaine de l’histoire. Le roman porte en épigraphe cette citation de Schopenhauer, dont on trouve d’autres échos au cours du récit1, qui donne quelque peu le ton de ce qui va suivre : Il y a une perspicacité inconsciente dans l’emploi du mot personne pour désigner l’individu humain, comme cela se fait dans la plupart des langues européennes : car persona signifie en réalité « masque de théâtre » et il est vrai que nul ne se dévoile tel qu’il est ; tous nous portons un masque et jouons un rôle.2 Comme on le sait, le masque et ses corollaires, l’apparence et l’identité, sont précisément les thèmes de prédilection de Wilde, et à cet égard, Will Self ne trahit en rien son illustre prédécesseur. Toutefois, dès la lecture des premiers paragraphes de son roman, l’auteur introduit d’emblée le lecteur dans un univers glauque très éloigné du cadre raffiné et harmonieux du studio de Basil Hallward. Will Self, Dorian, une imitation, Traduit de l’anglais par Francis Kerline, Paris, Editions de l’Olivier, Le Seuil, 2004. P. 48 , Wotton dit de sa mère : « A l’instar de Schopenhauer, plus elle aime l’humanité, moins elle aime les hommes ». 2 Ibid., Les références au roman de Will Self seront désormais indiquées entre parenthèses. 1
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La résidence de Chelsea où vit le couple Wotton, construite en dix huit cent quatre-vingt-un, est un lieu sinon de laideur, du moins de « non-beauté » (15) où règne un désordre extrême : les mégots de cigarettes et de cigares s’entassent dans les cendriers pour former des « strates géologiques », et les bouteilles et autres verres vides constituent « une sorte d’antibar » (15). Le masque étrange que porte Wotton, est constitué par les deux paires de Ray-Ban Wayfarer qu’il chausse en toute occasion, notamment pour conduire sa Jaguar, véritable poubelle jonchée de « vieux sachets de cocaïne, de paquets de cigarettes cabossés et de flasques vides » (20). Quant à son habillement, il reflète en tous points son image de dandy décadent, car il porte des vêtements élégants avec la négligence étudiée des « gens de la haute » (15). En peu de mots, Wotton est un personnage oisif qui vit aux crochets de sa femme, surnommée Batface, et dont l’unique préoccupation est de satisfaire son désir de jouissance qu’il assouvit à grand renfort de drogues dures et de relations sexuelles de toutes sortes. Cynique et arrogant, il se révèle plus homosexuel que bisexuel, et lorsqu’il va rendre visite régulièrement à son ancien amant Baz (avatar de Basil Hallward), il entretient avec lui des rapports sado-masochistes. Ainsi, il ne s’embarrasse guère de scrupules quand il exprime ses opinions sur les compétences artistiques de son ami. En effet, il considère ce dernier comme un artiste raté, et n’éprouve qu’un mépris affiché envers lui comme envers tout le reste de l’humanité d’ailleurs. À cet égard, les seuls mots qu’il dira à propos de son ancien amant après sa mystérieuse disparition sont éloquents : « C’était un triste Janus : brave gars sur une face, mauvais artiste sur l’autre » (266). Lorsqu’il rencontre le beau Dorian Gray, dont Baz s’est entiché, Wotton n’a aucun mal à
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corrompre ce dernier pour l’entraîner avec lui dans une descente aux enfers qui va introduire le lecteur dans les milieux branchés pseudo artistiques du postmodernisme et de la débauche. Si le roman de Will Self suit étonnamment la trame de l’œuvre originale, ce n’est pas pour autant un simple pastiche mis au goût du jour, d’une part parce que la langue que l’auteur utilise est par trop argotique et même relâchée pour cela. En effet, le mot de quatre lettres qui valut tant d’ennuis à un écrivain comme D.H. Lawrence au début du vingtième siècle, revient régulièrement dans le récit, et ce n’est pas le terme le plus grossier, loin de là. D’autre part, il s’avère que le sexe sous les aspects les plus divers conditionne tous les comportements et même toutes les pensées des personnages. En fidèle émule de Georges Bataille, de Michel Foucault et de William Burroughs entre autres, Will Self considère le sexe en soi comme un langage, et celui de la transgression en particulier. Pour l’auteur en effet, seule la pornographie peut favoriser l’innovation artistique, et ses romans précédents, comme Great Apes, ou How the Dead Live, attestent un semblable postulat. A cet égard, sa version du Portrait de Dorian Gray, ne fait pas exception à cette règle. De toute évidence, Will Self se complaît à décrire les scènes pornographiques et il semble prendre
un
malin
plaisir
à
s’appesantir
sur
les
mœurs
autodestructrices régnant dans le milieu gay de la fin du vingtième siècle, propres au « sexe qui refuse de se taire » (121), pour reprendre l’expression célèbre de William Buckley Junior1. Le narcissisme et l’hédonisme, si chers à Wilde, sont très présents dans le roman, mais ils sont illustrés exclusivement sous l’angle du 1
WFB, auteur et chroniqueur américain réputé, plutôt conservateur
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grotesque, à travers le prisme de l’ironie la plus mordante. Toutefois, les thèmes du double, de la réplication, du masque, du paraître en un mot, sont au cœur de ce récit de la transgression. Dans une certaine mesure,
la
dichotomie
qui
s’opère
entre
le
modèle
et
sa
représentation, ainsi que le devenir de l’œuvre servent de prétexte à l’auteur pour tourner en dérision les mœurs singulières de ses contemporains. En situant l’action dans une autre fin de siècle, de dix-huit cent quatre-vingt-un à dix-huit cent quatre-vingt-onze, c’està-dire au moment de l’éclosion du sida en Grande Bretagne, à Londres en particulier, et de la pandémie qui s’ensuivra, l’auteur se plaît à démontrer au lecteur que désormais le monde dans lequel nous survivons est apocalyptique. Cependant, il serait erroné de croire que dans un semblable univers, l’art ne joue qu’un rôle accessoire. En effet, tout d’abord les figures de l’artiste que Will Self nous présente sont toutes incarnées par des homosexuels, que ce soit Warhol ou Mapplethorpe, et Baz bien sûr. L’humanité que Self met en scène n’est en rien comparable à la société aristocratique qui veut préserver les apparences à tout prix dans le roman original, car elle s’exhibe sans aucune pudeur. La faune qui gravite autour des membres éminents de la société évoque plutôt celle des bas-fonds à peine esquissés par Wilde au chapitre XVI dans lequel Dorian, en quête d’opium, découvre que « la laideur [est] l’unique réalité »1. Les lieux que fréquentent Dorian et Wotton sont les plus sordides du Londres gay, peuplé de prostitués mâles, de mignons, de transsexuels et
de
dealers.
Le
personnage
de
Wotton
est
une
version
contemporaine du dandy branché, certes, mais son addiction aux 1
Oscar Wilde, Oeuvres, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, p. 526.
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drogues les plus dures en a fait avant l’heure un véritable déchet humain, « un satyre junky » (24), « mélange de junky et de dandy » mais aussi de « pédé » (92), comme Dorian croit bon de le préciser au chapitre V. La dignité est devenue une valeur totalement obsolète dans le petit monde qu’il fréquente, et il ne se prive pas d’égratigner le monde qui l’entoure dans son discours. Ainsi, les aphorismes de Wotton sont drôles, même s’ils ne sont pas toujours du meilleur goût, et certains sonnent parfois tout aussi creux que ceux du Lord Henry de la première version. Pour citer quelques exemples : « la monogamie est à l’amour ce que l’idéologie est à la pensée : un manque d’imagination » (114), « un homme peut être heureux avec n’importe quelle femme, du moment qu’il ne l’aime pas » (180) ou encore, alors qu’il se meurt du sida : « une autre reine a dit que 1992 avait été son annus horribilis, eh bien, pour moi le millésime s’est soldé par un anus horribilis » (243). Comme on l’aura compris, Wotton est un esprit à la fois pince-sans-rire et critique qui, lorsqu’il discourt sur l’art, notamment, n’hésite pas à afficher des opinions tranchées. Il apparaît ainsi que bien souvent le personnage semble se faire le porte-parole de l’auteur sur la question. Il raille ainsi l’art décadent, caractéristique du postmodernisme, et se complaît à fustiger Warhol et ses disciples en particulier, la célèbre Factory où Baz a fait son apprentissage. En réalité, par la bouche de son personnage, Will Self prend un malin plaisir à dénigrer un certain art contemporain, comme le montrent les échanges entre Wotton et Baz. Ce dernier est non seulement le découvreur du « sublime » Dorian, dont il s’est entiché, mais il prétend également être le dernier représentant de l’art moderne. Il se
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présente comme le chantre de la fin du postmodernisme, et c’est avec la plus grande amertume qu’il proclame la mort de l’art conceptuel : D’abord il y a eu Nauman, puis Viola et moi, maintenant, c’est fini. Dorénavant, l’art conceptuel va dégénérer vers l’autobiographie pure et simple, une foire de village global, […] et les installations comme celle-ci ne seront plus que des pubs télé (27)1. Ce constat désabusé n’inspire qu’une remarque acerbe de la part de Wotton qui rétorque alors sans ménager son ami : « Oh ! Ah bon ? Avec des offres spéciales sur la pisse en bouteille, la merde en boîte, le sang sous vide… » (27). En tournant l’art moderne en dérision, Wotton entend non seulement dénoncer le côté factice et commercial des créations artistiques, mais aussi les prétentions démesurées des artistes contemporains. Par la suite, il revient sur la question pour affirmer sa haine en ces termes : J’exècre le soi-disant « art » du XXe siècle, je je l’exècre passionnément. Qu’on roule en boule toute cette toile, toute cette peinture…À part quelques exceptions – Balthus, Bacon, Modigliani – les artistes de notre temps ont été à mille lieues de la beauté ou de toute représentation significative de la forme humaine (288). Etrange discours de la part d’un être qui se complaît lui-même dans la déchéance et la laideur. Cependant, le chef d’œuvre de Baz que Wotton découvre au premier chapitre tout en se confectionnant un « fix » de cocaïne, ne le laisse pas indifférent. Sa bouche a un léger frémissement
dès
qu’il
aperçoit
le
premier
moniteur qui
fait
Bruce Nauman (né en 1941) et Bill Viola (né en 1951) sont les artistes vidéastes américains les plus cotés sur le marché de l’art contemporain. En se plaçant au même niveau qu’eux, Baz affirme son désir d’être reconnu mondialement. 1
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apparaître. « […] la silhouette nue d’un beau jeune homme posant dans l’attitude d’un kouros grec de l’âge classique […] Une silhouette nue qui se tournait vers le spectateur pendant que la caméra zoomait » (24). L’artiste
lui-même
demeure
figé
devant
l’installation
vidéo,
littéralement fasciné par sa propre création : Le deuxième moniteur s’éveilla et montra un plan rapproché du même jeune homme tournant. Sur le troisième, le plan était encore plus serré. Quand les neuf écrans fonctionnèrent, la simultanéité produisit une impression de voyeurisme intense, prédateur, carnivore. Le modèle était un bonbon de chair, ou une sucette déballée, parfaitement indifférent à la gueule dévoreuse de la caméra. Le neuvième moniteur ne montrait que sa bouche, mobile et rose (24-25).
Le support de l’œuvre, intitulée Cathode Narcissus, peut nous faire songer aux œuvres de Bruce Nauman et de Bill Viola évoqués précédemment,
cependant
le
titre
de
l’installation
correspond
parfaitement à la démarche de l’artiste et à la personnalité de Dorian, dont le narrateur nous dit qu’il « se mouvait avec l’application d’un acteur qui se sent perpétuellement observé... » (29). En réalité, le jeune homme est prédestiné au métier de modèle ou de mannequin, c’est-àdire à l’activité narcissique par excellence qui se fonde exclusivement sur l’apparence. En se livrant avec un abandon total à l’œil de la caméra, Dorian s’exhibe avec une impudeur doublée d’une jubilation non dissimulée. Au moment où il découvre son double morcelé sur les différents moniteurs, il éprouve un choc foudroyant suivi d’une attirance profonde pour les images qui lui sont renvoyées :
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Les images fluides de Dorian présentaient une cascade de mouvements. Il y avait aussi une bande-son, une voix fluette et essoufflée soutenue par un insistant battement rythmique. Dorian resta figé quelques instants, puis s’approcha des moniteurs et se mit à prendre des poses, reproduisant ses propres images télévisuelles. Neuf Dorian nus, un Dorian habillé. Synchrones, la jeunesse et les images de la jeunesse valsaient au gré de l’éternelle et céleste musique de la vanité. (37-38) Face à ce polyptique à neuf panneaux, la réaction du jeune homme est en tous points semblable à celle du héros de Wilde quand il est confronté
à
son
portrait,
à
la
seule
différence
près
que
la
représentation s’associe ici à un miroir sonore des plus lascifs. Conscient du caractère éphémère de sa beauté, Dorian se déclare : « jaloux de ces images » [parce qu’] elles sont déjà plus jeunes que [lui] de plusieurs heures » (39). Will Self traduit ainsi la même angoisse du héros devant la fuite du temps, la même « relation incestueuse »1 avec sa propre image et il lui fait formuler le même souhait que celui de Dorian Gray, c’est-à-dire que l’œuvre porte les marques du temps à sa place. L’installation vidéo est ostensiblement la réalisation de ce que Basil Hallward n’aurait jamais osé faire, un polyptyque homo-érotique qui dévoile le modèle dans toute la splendeur et même l’arrogance de sa nudité, mais qui l’offre également au regard du spectateur comme objet de désir. A ce stade, le lecteur familier de l’histoire originale retrouve quelque peu ses repères. La suite du roman confirme que Will Self reprend fidèlement les matériaux de base de l’intrigue pour les réutiliser et développer chaque étape de l’évolution du personnage. 1
Jean Baudrillard, De la séduction, Paris, Galilée, 1979, p. 98.
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Ainsi, dans l’œuvre de Wilde, Lord Henry persuade Dorian dès le chapitre deux que « la seule façon de se débarrasser d’une tentation, c’est d’y céder »1, propos qui deviennent dans la version de Self : « Un homme cultivé n’a jamais refusé une nouvelle sensation et un homme inculte ne saura jamais ce qu’est une nouvelle sensation » (95). En réalité, la conversion du jeune Dorian à l’hédonisme de la fin du vingtième siècle, la jouissance immédiate, est tout aussi fulgurante que celle du héros de Wilde, mais le premier stade de son initiation prend une forme bien différente. En effet, il lui suffit de se soumettre à ce que Wotton qualifie de « dépucelage narinien » (46), c’est-à-dire de goûter à sa première ligne de cocaïne et d’héroïne, pour découvrir un monde de plaisir dont il ignorait l’existence jusque-là. Très vite, l’élève dépasse le maître et passe « du stade d’ingénu à celui d’omnivore » (77), pour se muer en jouisseur invétéré et par là même en véritable prédateur sexuel. Ainsi, la courte idylle entre Sibyl Vane et Dorian, est transposée dans une brève aventure homosexuelle qui n’a rien de romantique entre Herman (« Her-man »), jeune « Narcisse noir » (92), sorte de Basquiat californien – « il fait des tableaux inspirés des graffiti du ghetto » (76) – prostitué « accro » à l’héroïne sur lequel Dorian a jeté son dévolu. Après l’avoir vu s’injecter de la drogue dans la veine d’un de ses mollets purulents dans un squat des plus infâmes de Soho, Dorian n’hésite cependant pas à l’inviter chez lui au vernissage de Cathode Narcissus en compagnie de Wotton, de Baz et d’un certain Alan Campbell, médecin australien véreux et fournisseur de drogue. Au moment de partager une seringue au mélange explosif concocté par Campbell, Herman, impatient de combler son manque s’empresse de déclarer : « Je suis clean, mec, je me suis même pas 1
Op., cit, p. 366
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shooté » (96), avant de s’injecter la drogue. Dorian se garde bien de contredire ses propos, si bien qu’après être passée de bras en bras, l’aiguille a bientôt contaminé tous les participants à la soirée. Les célèbres vers du poème érotique The Flea de John Donne : « It suck’d me first, and now sucks thee/ And in this flea, our two bloods mingled bee » 1, deviennent dès lors le leitmotiv du roman. Quand les drogues font rapidement leur effet, la soirée dégénère en une conga orgiaque à l’issue de laquelle tous les participants ont contracté le VIH importé des Etats-Unis par Herman. A peine rentré dans son squat, celui-ci se suicide par overdose en s’injectant toute la drogue – « un joli monticule d’héroïne beige » (98) – que Wotton lui a offerte en récompense de ses faveurs. Quand il découvre la mort de son ami, Ginger, avatar du frère de Sibyl Vane, jure de se venger de Dorian qu’il rend responsable de la tragédie et qu’il appelle désormais « prince charmant de mon cul » (88). Au moment où le bel éphèbe noir se meurt, dans son appartement luxueux, Dorian remarque soudain que les visages sur les écrans de Cathode Narcissus ont changé : « une moue exagérée tordait sa bouche naguère parfaitement symétrique – et la distorsion de la perfection produisait un effet pire qu’un bec-de-lièvre sur un visage ordinaire » (99100). C’est là le premier signe du processus de pourrissement de l’œuvre, et si par la suite Dorian conserve malgré tout sa beauté extérieure et sa jeunesse, ses images se corrompent chaque jour sur les neuf moniteurs au gré de ses turpitudes. Désormais « enfermé La puce, « Ayant d'abord sucé mon sang, / Le tien ensuite, elle a mêlé nos sangs en elle », traduit de l’anglais par Robert Ellrodt, in Ellrodt, Robert, Poésie, traduction des poèmes de John Donne, Paris : Collection de l'Imprimerie nationale, 1993, p. 85. P. 68 de l’édition originale, Dorian, an Imitation, London, Viking, 2002. Dans la version française, les vers sont plus explicités que traduits : « la trompe transparente d’un insecte suceur volant de peau en peau pour unir les sangs ». 1
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dans une perception aiguë du moment présent, induite par la cocaïne et l’héroïne » (77), le jeune homme se plonge dans une débauche effrénée. Il est vrai que sa beauté sans tache en fait un « leurre »1 parfait; à la fois objet sexuel et violeur, il séduit tous ceux qui croisent son chemin. Porteur sain du virus, il sillonne le monde, des EtatsUnis à l’Europe, devient l’égérie des milieux artistiques américains, le modèle favori de Mapplethorpe qui le photographie dans des poses obscènes. Il incarne alors une sorte de « Marie Sida, le propagateur malveillant et intentionnel du virus » (154). Sûr de son impunité, il devient un assassin sadique de surcroît, il tue ainsi de sa main Baz, Ginger, Campbell, et d’autres individus dans des bars louches, mais il tue également en contaminant tous ceux et celles qui se laissent séduire par sa belle apparence. Au gré de ses aventures, jour après jour le mal ronge Cathode Narcissus et l’œuvre se transforme alors en un déversoir à immondices, un objet monstrueux et obscène que Dorian contemple avec une fascination malsaine. Bientôt, les écrans de l’installation lui renvoient les reflets de ses neufs doubles que le virus du sida a métamorphosés en ignobles zombies : Ils se mouvaient avec langueur, se figeaient dans des poses stylisées. Leurs yeux montraient une indifférence glaciale, leurs bouches corrompues dessinaient des moues sadiques. Les Narcisse de 1991 étaient des marionnettes passionnées ; ceux-ci étaient des tueurs calculateurs » (271-2)
Jean Baudrillard, op. cit. p. 99 : « séduire, c’est mourir comme réalité et se produire comme leurre ». 1
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Tandis que Dorian accomplit peu à peu son œuvre de mort, les ravages de l’épidémie se font bientôt sentir dans son entourage. Dès la deuxième partie du roman, « Transmission », le lecteur suit les traces de Baz qui évolue dix ans après le vernissage de Cathode Narcissus dans un Londres peuplé de gays plus ou moins en sursis. L’artiste, « émacié, pâle, plutôt mal dans son assiette, mais propre sur lui » (104), rend visite à son ami Wotton au service Broderip de l’hôpital où sont parqués les malades du sida. La vision des patients qui se déplacent péniblement avec leurs perfusions dans les couloirs, évoquent les figures de l’angoisse et de l’horreur absolue, « versions animées et déjantées du Cri de Munch » (108), avec « leurs cages thoraciques type radiateur et leurs yeux type camp de concentration » (109). Parmi eux, Wotton est l’un des plus atteints, il gît sur son lit d’hôpital, à bout de force, et il est presque aveugle, ou du moins, comme il le confie à Baz avec bien des sous-entendus d’un goût douteux : « le vieux cytomégalovirus [lui] offre une vision du monde très vaselinée » (111). Malgré son état, le personnage garde toute sa lucidité et son esprit caustique demeure très affûté. Il trouve même un avantage à sa maladie, notamment lorsqu’il avoue que sa vue dégradée lui fait voir les choses sous un jour différent : « c’est comme si un voile de beauté avait été jeté sur le monde – parce que, soyons francs, plus on regarde quelqu’un de près, plus il est moche » (244). C’est là peut-être une des phrases clefs du roman, parce que Will Self nous présente ses personnages avec des verres si grossissants qu’ils font apparaître les êtres et les choses à travers le prisme déformant du détail, de la laideur et du grotesque. A cet égard, les allusions aux œuvres de Jérôme Bosch ou à celles de Damian Hirst ne sauraient être fortuites.
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Par ailleurs, en associant l’art et le sida, Will Self nous offre une vision à la fois corrompue et caricaturale du monde, une version contemporaine de ce que Dorian contemple au chapitre onze du roman de Wilde quand il s’attarde devant certains portraits de ses ancêtres les plus monstrueux, et par la suite devant le tableau qui le représente. Toutefois, ce qui est subtilement suggéré chez Wilde, est mis au premier plan par Self de manière provocante. Ce dernier semble illustrer ce que Lord Henry dévoile à Dorian Gray au chapitre deux du roman de Wilde, c’est-à-dire que « Le véritable mystère du monde, c’est le visible, et non pas l’invisible… »1 Or, le visible devient si agressif dans le roman de Will Self qu’il en devient obscène et suscite un voyeurisme des plus pervers, comme Cathode Narcissus qui au final ne représente plus que neuf « planches de pathologie animées, neuf à se trémousser lamentablement » (216). Cependant, l’épilogue nous apprend que toute l’histoire de Dorian a été écrite en fait par Wotton quelque temps avant sa mort. L’œuvre serait donc un « roman à clés » dans lequel celui-ci fustige celui qu’il rend responsable de sa maladie, une vengeance posthume en quelque sorte. Lorsque Dorian, qui s’ingénie à incarner l’image d’un homme d’affaires prospère et d’un homosexuel respectable, découvre le tapuscrit que lui confie Batface, il a le plus grand mal à se reconnaître dans le portrait outrancier que son ami a brossé de lui. C’est avec une certaine amertume qu’il constate : « Il fait de moi un type complètement insipide. Et un assassin. Un ridicule petit gandin narcissique, sans rien d’autre dans la tête que sexe et sadisme » (338). A ce stade, le lecteur croit comprendre que la farce grotesque à laquelle il a assisté est le fruit du cerveau malade d’un patient en phase terminale. En d’autres termes, 1
Op., cit., p. 369.
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par un tour de passe-passe, Will Self semble remettre en cause tout le récit qui précède, sans l’annuler pour autant. Dans l’épilogue, Wotton, incarnation d’une étrange Némésis, surgit bientôt de l’au-delà pour hanter Dorian et le poursuivre inexorablement. Au bout du compte, alors que son fantôme prend soudain la forme de Ginger, il l’entraîne dans les toilettes publiques de Hyde Park où il le poignarde avec un cran d’arrêt. Dans la préface du Portrait de Dorian Gray, Wilde affirme : « L’artiste est le créateur de belles choses »1 , or à l’origine le chef d’œuvre de Baz est emblématique d’une semblable démarche. Néanmoins, tout comme le portrait peint par Basil Hallward, Cathode Narcissus échappe bientôt à son créateur et trahit par là-même les nobles desseins de l’artiste. En outre, toujours selon Wilde, « Aucun artiste ne désire prouver quoi que ce soit », ou encore : « C’est le spectateur, et non la vie, que reflète en réalité l’art »2. Will Self ne prouve rien précisément, cependant il « montre » et il n’en demeure pas moins vrai que sa satire des milieux gays et branchés est féroce. Tous les personnages qu’il met en scène sont des homosexuels d’un genre très particulier, des jouisseurs tour-à-tour sadiques et masochistes, tous drogués et obsédés sexuels, et finalement aucun d’entre eux ne sort indemne de son histoire. D’où les reproches que certains critiques ont fait à l’auteur en lui collant l’étiquette d’homophobe. C’est sans doute oublier le goût de Will Self pour la provocation et son sens inné de la dérision. Ainsi, à l’instar de Wotton, celui-ci ne respecte rien, pas même – surtout pas – l’icône gay qu’est devenue Lady Di, que son narrateur s’acharne à ridiculiser tout au long du roman. C’est 1 2
Ibid., p. 347. Idem
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pourquoi
sa
version
de
Dorian
Gray
est
de
toute
évidence
politiquement incorrecte, et la vision de la société qui se dégage de l’ensemble est volontairement et même outrageusement iconoclaste pour le plus grand plaisir du lecteur. Marie-Noëlle Zeender * Marie-Noëlle Zeender est professeur à l’Université de Nice, Sophia Antipolis. Elle a consacré l’essentiel de ses recherches à l’étude de la littérature gothique et fantastique des écrivains anglo-irlandais du XIXe siècle (Maturin, Le Fanu, Wilde et Stoker). En 2000, elle a publié Le triptyque de Dorian Gray : essai sur l’art dans le récit d’Oscar Wilde, et plus récemment « Dorian Gray et ses doubles : les avatars de la réplication » et« Will Self’s Dorian : « in the stinky inky heart of tentacular London». * Ce texte est originellement paru dans Cycnos, volume 25, spécial – 2006. *
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7 – Les justifications de Lord Alfred au Mercure de France
Le 1er février 1929, Le Mercure de France publie dans ses pages un texte que vient de lui envoyer Lord Alfred Douglas, quelques jours avant la parution de son autobiographie. Dans ce texte, très virulent pour Wilde, Douglas essaie de contrer l’accusation de Wilde et de certains de ses amis qui avaient affirmé qu’après avoir reçu sa part d’héritage de son père, il avait refusé de venir en aide à son ancien amant qui lui demandait 2000 livres. Le Mercure de France tient alors à préciser que cette somme devait être placée en viager, ce qui permettrait à Wilde de disposer de ressources suffisantes pour vivre sans s’inquiéter du lendemain.
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Or, contrairement à l’opinion couramment répandue, Douglas affirme ici avoir secouru Wilde à plusieurs reprises. Reste à savoir qui dit vrai. Nous présentons ici la version que Lord Alfred donne des évènements, et qui diffère, bien sûr, considérablement de celle de Wilde. « Alors que ce livre était chez l'imprimeur, et comme je venais de recevoir les premières épreuves, MM. Dulau, les libraires d'Old Bond Street, annoncèrent une vente d'un certain nombre de lettres d’Oscar
Wilde
et
m'envoyèrent
un
exemplaire
de
leur édition spéciale (limitée à 5 ex.) du catalogue contenant de copieux extraits de ces lettres. Quelques semaines auparavant, ils m'avaient dépêché notre ami commun M. A-J. Symons, afin d'obtenir (ce que j'accordai en effet) l'autorisation d'ajouter à cette vente de nombreuses lettres de Wilde qui contenaient des allusions (dont plusieurs injurieuses et scandaleuses) à ma propre personne. Je donnai cette permission sous cette condition seulement que le catalogue de MM. Dulau serait préfacé par la note suivante, qui
est
en
effet
imprimée
à
la
page
V
du
catalogue :
Nous avons communiqué tes lettres indiquées dans ce catalogue à Lord Alfred Douglas. Lord Alfred ne formule aucune objection à leur dispersion à cause de leur intérêt historique et psychologique et il juge que son consentement suffit à faire connaître l'attitude qu'il prend vis-à-vis des allusions à lui-même contenues dans ces lettres.
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Cette attitude, évidemment, ne peut être interprétée que comme celle d'une indifférence méprisante. J'aurais pu empêcher la vente de ces lettres, avec leurs mensonges et leurs diffamations, et surtout les
omissions
perfides
de
la
vérité
en
ce
qui
me
concerne
mais je n'ai pas essayé de le faire. Il est probablement heureux que j'eusse fini d'écrire ce livre. dans lequel j'ai essayé d’être partout aussi bienveillant et aussi généreux que possible pour la mémoire de Wilde, avant d'avoir lu les lettres qu'il écrivit à Ross, de Paris, pendant la dernière année de sa vie. En tout cas, le manuscrit qui est en ce moment au British Museum1 m'appartient de toute évidence et je compte maintenant que les conservateurs me le remettront. Ce serait les insulter que de supposer qu'ils l'auraient jamais accepté comme un don de Ross (après qu'il l'eut utilisé contre moi dans le procès Ransome) s'ils
avaient
su
que
Ross
n'avait
ni
droit
légal,
ni
droit
moral à l'avoir en sa possession. La
perfidie
moi-même
et
dans
la ces
méchanceté lettres,
sont
de fort
ses
difficiles
allusions à
à
pardonner.
Voici un passage de l'une d'elles, datée seulement « mai-juin », mais évidemment écrite vers le mois de mars « Frank Harris est ici, ainsi que Bosie. J'ai demandé à Bosie ce que vous m'avez conseillé, sans spécifier aucune somme, après dîner– il venait de gagner 4oo livres aux courses et 8oo livres quelques jours auparavant, de sorte qu'il était de très bonne humeur. Quand je lui 1
Il s’agit de « De Profundis »
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parlai, il tomba dans une crise de rage, que suivit un ricanement sarcastique et il me dit que c'était l'idée la plus monstrueuse qu'il eut jamais entendue qu'il ne ferait rien de ce genre qu'il était stupéfait de me voir lui proposer pareille chose. »1 Il n'y a pas un mot dans cette lettre pour rappeler qu'au moment où il me
fit
cette
proposition,
je
lui
avais
déjà
donné
de
grosses sommes d'argent et que j'avais exprimé mon intention de continuer à l'aider financièrement aussi longtemps que j'aurais de l'argent à lui donner. I1 s'agit dans cette lettre d'une demande (à laquelle il est fait allusion ci-dessus dans mon livre) de deux mille livres sterling et je lui dis alors que je n'avais encore reçu en héritage de mon père que 8.000 livres, et ne pouvais compter sur plus de 6.000 autres livres encore comme part d'héritage et que c'était là tout l'argent sur lequel je pouvais compter pour le reste de ma vie et que par suite il m'était impossible de lui donner d'un seul coup une somme aussi forte. Avant qu’il ne me demandât la modeste somme de 2.000 livres, je lui avais donné déjà, peu avant, deux mille francs (80 livres). En fait. c'est ce don qui détermina sa demande, ou plutôt son exigence. Il dit en effet « Je vous remercie beaucoup de ces deux mille francs, mais ne pensez-vous pas que, puisque vous avez maintenant tant d'argent, vous devriez faire pour moi quelque chose de sérieux ? Je pense que vous devriez me donner au moins une couple de mille livres. » Il s’agit de la scène qui eut lieu au Café de la Paix, à l’issue de laquelle Lord Alfred aurait accusé Wilde de se conduire « comme une vieille putain ». 1
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Je fus suffoqué de cette impudence et je lui dis franchement que cette proposition était extravagante, que je ne voyais aucune raison de lui reconnaitre le droit, comme il semblait le croire, de me regarder comme son soutien financier, mais que j'étais tout de même prêt, en qualité d'ami, à l'aider raisonnablement, toutes les fois que je le pourrais, comme je l'avais déjà fait. Lors de cet incident, je lui avais déjà donné au moins 200 livres depuis le début de l'année. Dans les lettres qui suivent celle-ci (…) pas une seule fois Wilde ne mentionne que je lui avais donné de l'argent et que je lui en donnais à intervalles réguliers, comme je le fis à partir du moment où j'héritai de ma petite fortune, jusqu'au jour même de sa mort. Lorsque
j'intentai
Ransome,
je
me
un
procès
en
diffamation
fis
donner
par
l'agence
de
à
M.
Arthur
Piccadilly
de
la National Provincial Bank, qui était ma banque pendant la dernière année
de
la
vie
de
Wilde,
une
copie
légalisée
de
mon
compte. Il s'y trouvait de nombreuses indications de chèques payables à Wilde sous le pseudonyme, qu'il avait à ce moment, de Sebastian Melmoth. Tout compris, la somme que j'envoyai à Wilde cette même année en chèques (y compris 20 livres que je donnai à Ross deux jours après la mort de Wilde pour ses funé railles) se monta à 390 livres. Les inscriptions à mon compte en banque furent invoquées en ma faveur une par une par mon avocat, et naturellement l'avocat de l'autre partie ne put même pas
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essayer d'en discuter l'exactitude. Le premier chèque adressé à Wilde sous le nom de Melmoth est daté de février 1900, le dernier est de novembre de la même année, quelques jours avant sa mort. Ces chèques ne représentent que l'argent que je lui envoyai en dix mois par la poste. Mais, en plus, je lui donnai beaucoup d'argent liquide. Pendant cette année, je vécus le plus souvent à Chantilly, où j'avais mon écurie de courses mais je venais sans cesse à Paris, pour une nuit où deux, et à cette occasion je demandais chaque fois à Wilde de dîner avec moi, et invariablement, je lui donnais de l'argent. Le moins que je lui donnais en argent liquide était cinq cents francs (20 livres) mais plus souvent je lui donnais mille ou deux mille francs. Il est extrêmement heureux pour moi que j'aie vécu à Chantilly et non pas
à
Paris
pendant
cette
période,
de
sorte
qu'une
bonne partie de l'argent que je donnai à Wilde dut lui être envoyée par chèque.
Sinon,
il
n'existerait
aucune
preuve
que
je
lui
aie jamais donné quelque chose, et ses mensonges, ainsi que ses suppressions perfides de la vérité, dans ses lettres à Ross, n'auraient pas pu être contrôlés. (…) Malheureusement, après le procès Ransome, je perdis la copie légalisée de mon compte en banque et, bien que les dates et le montant de mes chèques à Wilde puissent être retrouvés dans les notes sténographiées officielles du procès, je me rendis une fois de plus à la banque, il y a quelques jours, et demandai au directeur
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de
faire
des
recherches
dans
les
anciens
registres
afin
de
relever tous les chèques tirés par moi en faveur de Melmoth. J'arrivai juste à temps car le directeur me dit que les registres ne sont conservés que trente ans, puis détruits et il m'envoya la liste suivante de mes chèques, avec leurs dates. La variation du nom, écrit Melmott; Melmoth et Meinotte, est seulement le résultat de l'inattention de l'employé qui copia les indications dans le registre. On remarquera que le montant est de 330 livres, et non pas de 390 livres. Je suis parfaitement certain que ceci est seulement dû à ce qu’un chèque de 50 livres a été passé par l’employé en consultant le vieux registre car, lorsque j’écrivis mon livre « Oscar Wilde et moi » en collaboration avec feu T.W.H Crosland, nous arrivâmes tous deux au total de 390 livres, chiffre qui fut imprimé dans notre livre. En tout cas, ce n’est pas un détail de grande importance, le fait principal étant que j’envoyai continuellement de l’argent à Wilde, en plus des sommes plus considérables encore que je lui donnai de la main à la main, alors que dans toutes ses lettres à Ross, non seulement il ne fait aucune allusion à ce fait, mais de plus, se plaint de ma « pingrerie » et laisse entendre (comme l’ont compris tous ses biographes, y compris Frank Harris, Ross, Sherard, André Gide et d’autres) que je ne lui ai jamais rien donné, fût-ce même un billet de cinq livres après sa sortie de prison. Alfred Douglas Lettre envoyée au Mercure de France et publiée le 1er février 1929.
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8 – Poème Dédicace - À l’Irlande ! De Lady Wilde Pour la première fois en France, vient de paraître une traduction de certains poèmes de Lady Wilde (Speranza), la flamboyante mère d’Oscar, dans un recueil intitulé « Lèvres Urbaines ». Nous avons choisi, avec la permission du poète canadien Claude Beausoleil, qui en a assuré la présentation, de reproduire ici la première et la dernière strophe du poème intitulé ; « Dédicace – À l’Irlande », qui reflète bien l’engagement de la jeune Speranza aux côtés des nationalistes Irlandais.
Dédicace – À l’Irlande ! I MON PAYS, meurtri jusques au cœur, Que ne puis-je faire passer en ton âme Un puissant courant capable de déchirer Les nuages d’orage qui t’encerclent, Et par mes mots brûlants ramener Ta vie du courant glacial de la Mort, Jusqu’à ce que la magnificence de notre temps présent Fasse resplendir ton passé glorieux – Comme Myriam sur les rives de la Mer Rouge Faisait fièrement résonner ses cymbales, ainsi ma main
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Pincerait les cordes de ta harpe, Irlande bien-aimée ! IV Car je ne peux sonner de la trompette, Pour faire se lever l’âme qui sommeille ; Je ne fais que soulever le linceul, Afin que la lumière de Dieu puisse toucher tes yeux, Et fasse tinter clair la clochette d’argent, Pour te réveiller de cette peur qui te paralyse ; Pourtant, si ton cœur puissant a tressailli, Ne serait-ce que d’un battement à ma parole, Alors ma main de femme n’aura pas en vain Pincé les cordes de ta harpe d’or, moi suis là À attendre ton éveil Irlande bien-aimée !
Traduction : Monique Petiton, Margarita Billard et Béatrice Inzani. Lèvres Urbaines n°48 – Vanitas et autres poèmes. Présentation Claude Beausoleil
- Trois-Rivières, Québec, 2e trimestre 2016.
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9 – Les expos Wilde Par D.C. Rose
Exposition Lieu La Ballade de la geôle de Galerie Reading Charpentier Paris The Artists of the Yellow Clarendon Book & the Circle of Gallery / Oscar Wilde Parkin Gallery Londres Reading Wilde, Elmer Holmes Querying Spaces: An Bobst Library, Exhibition NYU Commemorating the New-York 100th anniversary of the Trials of Oscar Wilde Oscar Wilde – a Writer Princeton for the Nineties University Princeton
Dates Artiste 24 oct. au 8 Jean Georges nov. 1927 Cornélius
Oscar Wilde: Contemporary Irish
Eté 1996
Arts Centre Bray, Co
Curateur
1993
1995
Carolyn Dever
30 avril/1er sept.1995
Michael Cadden & Mary Ann Jensen Sylvia Hill
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Artists Respond The Ballad of Reading Gaol: Thirty-Four Woodcuts by Brian Lalor Oscar Wilde: On the Importance of being Published Oscar Wilde: the Apostle of Beauty
The Picture of Dorian Gray
The Picture of Dorian Gray
House beautiful : Oscar Wilde and the aesthetic interior The Wilde Years: Oscar Wilde and the Art of His Time Go Wilde
Flights of Fancy: The Decorated Books of Oscar Wilde and his Circle from the James G. Nelson Collection
Oscar Wilde: A Life in Six Acts
Wicklow Kilmainham Gaol Dublin Golda Meir Library Milwaukee, Wisconsin Haggerty Museum of Art Milwaukee, Wisconsin Milwaukee Art Museum Milwaukee, Wisconsin Milwaukee Public Library Milwaukee, Wisconsin Geffrye Museum Londres Barbican Centre Londres Barbican Centre Londres Special Collections, Memorial Library, University of WisconsinMadison Madison British Library, Londres
25 Sept/25 Brian Lalor Octobre1997
Brian Lalor, David Rose
15 janv/15 février 1999
28 janv/14 Mars 1999
22 janv/ 21 février 1999
18 déc/14 mars 1999
18 juil 2000/21 janv. 2001 2 Oct 2000/ 14 Janv. 2001 27 Sept 2000/14 Janv. 2001 20 Nov 2000/28 fév. 2001
14 Nov 2000/4 fév. 2001
Charlotte Gere
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Lovers of Beauty: Oscar Vigo Country Wilde and the Arts of Public his Time. Library, Main Branch Terre Haute, Indiana Arthur Cravan Musée d’Art Moderne et Contemporain Strasbourg Dorian Gray Galerie Daniel Maghen, Paris Beauté, morale et Musée volupté dans d’Orsay, l'Angleterre d'Oscar Paris Wilde Oscar Wilde's Legacy Drew University Madison, NJ Madison
Février 2001
De Profundis
Galerie art LIGRE Paris Centre Culturel Irlandais Paris Berkshire Record Office Reading Pushkin Museum Moscou Rosenbach Museum and Library Philadelphie
15 au 23 mai 2012
Residence Club
25 fév/25 Mark avril 2015 McFadden
Wilde Art
Oscar Wilde and Reading Gaol Oscar Wilde. Aubrey Beardsley. A Russian Perspective ‘Everything is Going On Brilliantly’: Oscar Wilde in Philadelphia
Literary Great
11 nov 2005/26 fév 2006 2011
Enrique Corominas
13 Sept 2011/15 janv 2012 2 Mai/2 juin 2012
Mark Samuels Lasner & Margaret Stetz Thierry Esther
16 Mai au 28 juin 2014
ChristaMaria LermHayes
22 Oct 2014/6 fév 2015 23 sept/ 20 nov 2014 23 janv/ 16 Avril 2015
Mark Samuels Lasner & Margaret Stetz
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Dublin Oscar Wilde’s Salomé: Delaware Art Illustrating Death and Museum Desire Delaware
Wilde at the Falls: Castellan Art Touring the Falls with Museum, Oscar Wilde Niagara University Niagara 'Something Sensational Old Library, to Read on the Train’: Magdalen Oscar Wilde College manuscripts, letters and Oxford books The Nightingale and the Australian Rose Centre for the Moving Image Melbourne Richard Le Gallienne, Hornby Liverpool’s Wild(e) Poet Library, Liverpool Central Library Liverpool Artists and writers in Prison de the Reading Prison Reading Oscar Wilde, l’impertinent absolu
Petit Palais Paris
7 fév/10 Mai 2015
Mark Samuels Lasner & Margaret Stetz
27 mars/18 juillet 2016
Eté et automne 2016
21 juin/ 11Sept 2016 5 août au 31 octobre 2016
4 septembre au 30 octobre 2016 28 sept 2016 au 15 janv 2017
Sophie Duncan
Del Kathryn Barton Mark Samuels Lasner & Margaret Stetz
Dominique Morel Merlin Holland
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10 – Colloque Figures du dandy, de Van Dyck à Oscar Wilde En prémisse à l’exposition Oscar Wilde qui ouvrira au Petit Palais à la fin du mois de septembre, ce colloque réunissant de grands spécialistes
internationaux
d’histoire
de
la
peinture analysera
l’évolution de la figure du dandy à travers le portrait masculin du XVIIe à la fin du XIXe siècle. MARDI 13 SEPTEMBRE 2016 DE 14H À 18H PETIT PALAIS, PARIS 8e PROGRAMME Alexis Merle du Bourg, Historien de l’art Van Dyck peintre des dandys : Correspondances et discordances Guillaume Kientz, Conservateur au département des Peintures, Musée du Louvre Grands peintres et « petimetres » Le dandysme dans le portrait espagnol de Velázquez à Goya Hugh Belsey, Senior Research Fellow, Paul Mellon Centre for Studies in British Art, London Sans le moindre soupçon de barbarisme : l’Angleterre de la fin du XVIIIe siècle adopte des manières étrangères.
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11 - Mad Scarlet Music Par Tine Englebert
Un nouveau ballet sur Salomé en Allemagne Salomé a inspiré non seulement le célèbre opéra de Richard Strauss, mais aussi de nombreuses adaptations cinématographiques et musicales et des spectacles de danse. Ce printemps, le chorégraphe argentin Demis Volpi a créé pour le Ballet de Stuttgart une performance inspirée par le drame de Wilde. La première du nouveau ballet Salomé a eu lieu le 10 Juin 2016 à l’Opéra de Stuttgart. Il a couru pour dix représentations.
Salome est la deuxième grande pièce que le chorégraphe en résidence (depuis 2013) du Ballet de Stuttgart, Demis Volpi, a adaptée pour la compagnie de ballet. Krabat, en 2013, était sa première tentative
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prometteuse. L’Histoire du Soldat, l’année dernière, partie d’un tryptique dédié à Stravinsky, fut jugé assez faible. Pour Salomé, ballet en un acte de quatre-vingt-dix minutes, Volpi a retrouvé l’équipe de Krabat. Vivian Arnold, la directrice de presse, des communications et de la dramaturgie de la compagnie, était en charge du livret et de la direction dramatique. Décors et costumes étaient créés par Katharina Schlipf, l’éclairage était de Bonnie Beecher.
Lors de la première, Demis Volpi a présenté un spectacle vivant qui a malheureusement déçu beaucoup de commentateurs, spécialistes de la danse. Salomé apparaîtrait comme une femme-enfant poussée par sa libido qui satisfait son désir sexuel avec la tête coupée d’Iokanaan. Vêtue de cuir noir elle se présente comme un antidote à toute opulence orientale. La danseuse principale, Elisa Badenes, méritait quand même le respect. L’objet de son désir, dansé par David Moore, était relégué par le chorégraphe au soubassement de la scène, où le
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potentiel du danseur principal était inactif pendant la plus grande moitié du ballet. Cela vaut également pour Roman Novitzky, qui jouait Hérode, condamné au fauteuil roulant. En même temps, Volpi a dégradé la société de cour antique de l’original Wildien en la représentant comme un ensemble de figurants sexualisés. Une tache lumineuse de danse était incarnée par Alicia Amatriain qui figurait la lune.
Quelques critiques de la presse ont souligné les insuffisances du chorégraphe Demis Volpi et de son équipe. Dans l’ensemble, ils n’étaient pas tendres pour la production. Sur son blog « Landgraf of Dance », Ilona Landgraf a surnommé le ballet “Dull Orgy”, D’autres , au contraire, ont évoqué le caractère explicite et franc de l’adaptation. Frankfurter Rundschau a écrit : “Klare, drastische Gesten: Demis Volpis Ballettfassung von Oscar Wildes “Salome” in Stuttgart nimmt kein Blatt vor den Mund”, Stuttgarter Zeitung: “Ballett brutal: “Salome” als rockige Horrorshow in Stuttgart” et Süddeutsche
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Zeitung: “Lust und Frust, schleierlos. Demis Volpi choreografiert Oscar Wildes “Salome” in Stuttgart - und verrät den Stoff an den Kitsch.” D’autres ont dit: “Verdienter großer Jubel für einen inhaltsschweren, begeisternden Abend.” Il est clair que cette nouvelle nouvelle Salomé a inspiré des sentiments mitigés. La musique, quant à elle, était frappante et a été appréciée. Volpi n’avait rien emprunté à l’opéra de Richard Strauss. Une nouvelle partition avait été commandée à l’américain Tracy Silverman, pionnier du violon électronique, et aux musiciens Philippe Ohl et Thomas Höfs. Des morceaux existants de John Adams, Vladimir Martynov et Christos Hatzis ont été mariés aux sons inquiétants, aigus et nerveux de Tracy Silverman et son violon électrique. Le résultat était une partition où des bruits dramatiques et ampoulés succédaient à des répétitions monotones, mais aussi une partition qui exacerbait toutes les émotions du ballet.
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Les
deux
œuvres
du
compositeur
américain
de
musique
contemporaine John Adams étaient The Dharma at Big Sur et le Concerto pour violon. Avec son énergie dynamique et sa transparence thématique, la musique de John Adams est très populaire chez les danseurs et chorégraphes. Demis Volpi s’est laissé inspirer par l’élan rythmique et la distance spirituelle d’Adams. The Dharma at Big Sur (2003) avec ses paysages sonores magiques correspond à l’ambiance exotique-érotique de la cour royale de Salomé. Le Concerto pour violon (1993) est une des œuvres les plus réussies et les plus jouées d’Adams. Pour la composition, il a reçu le prestigieux Grawemeyer Award. Le concerto a également été utilisé à plusieurs reprises pour la danse, entre autres par Peter Martins au New York City Ballet, Per Isberg à Göteborg, Katherine Posin et Tarek Asam. Dans les deux mouvements paraphrasant le Quintette à cordes de Schubert (2009, inachevée), le célèbre compositeur russe Vladimir Martynov mélange les thèmes du grand quintette avec d’autres thèmes de l’œuvre du compositeur allemand. Comme Arvo Pärt, Giya Kancheli et Valentin Silvestrov, Martynov appartient à la génération de compositeurs qui ont grandi sous l’influence de l’ex-Union soviétique et qui ont délaissé le modernisme de leur jeunesse pour embrasser une langue tonale avec une simplicité qui se rehausse d’un caractère spirituel et esthétique. La musique de Christos Hatzis, un compositeur canadien d’origine grecque, est partiellement basée sur son Fertility Rites (1990) pour marimba et des chants de gorge inuit. Avec cette partition passionnante, pleine de couleurs extrêmes et brillamment jouée par le Staatsorchester Stuttgart sous la direction
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de James Tuggle, Volpi montrait sa Salomé sanguinaire. Volpi n’essaie pas de dissimuler l’énormité du désir de Salomé, mais, de façon démonstrative, il laisse Elisa Badenes enlever ses chaussons de pointe avant qu’elle ne s’empare de la tête sanglante de Iokanaan et la pousse, en transe, simulant presque un orgasme, entre ses deux jambes. Elle utilise ici la tête comme une sorte d’objet sexuel dont elle s’excitait jusqu’à l’orgasme. Seulement trois mots sont prononcés à cette soirée de ballet, mais plusieurs fois, avec véhémence et colère : “Tötet diese Frau”. (« Tuez cette femme ! »).
L’interprétation de Salomé par Volpi, son expression du caractère ou de l’âme par la danse, ne sont pas toujours exactement subtils. Néanmoins, ce ballet possède des images impressionnantes et puissantes qui ne laissent pas indifférent. Toutes les photos © Stuttgart Ballet 2016
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Extrait sur Youtube: https://www.youtube.com/watch?v=haqFvMiLV3U Quelques critiques (en allemand): http://www.ilona-landgraf.com/2016/06/dull-orgy/ http://www.fr-online.de/theater/-salome--in-stuttgart-sie-wirft-sichihm-an-die-huefte,1473346,34377982.html http://www.stuttgarter-zeitung.de/inhalt.ballett-ballett-brutalsalome-als-rockige-horrorshow-in-stuttgart.c4443444-9fcb-46338e53-a3966be847e4.html http://www.tanznetz.de/blog/27609/abgrunde-des-verlangens http://www.sueddeutsche.de/kultur/ballett-lust-und-frustschleierlos-1.3031580
Tine Englebert, septembre 2016
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12 – Wilde au théâtre Feasting with Panthers De Adrian Hall et Richard Cumming La pièce « Feasting with Panthers », qui se focalise en particulier sur les procès d’Oscar Wilde, a été écrite par Adrian Hall (1927 -
) et par Richard Cumming (1928 –
2009). Elle dure 1H27’ et met en scène 16 personnages (13 hommes et 3 femmes). Elle a été créée en avril 1973, au Trinity Square Theatre de Providence avec la distribution suivante : • Oscar Wilde
Richard Kneeland
• George Martin
Colonel Isaacson
• David Kenneth
Sir Edward Clarke
• Richard Jenkins
Le gardien
• Robert J. Colonna
Le marquis de Queensberry
• Richard Kavanaugh
Dorian Gray
• T. Richard Mason
Lord Alfred Douglas
• Jobeth Williams
Constance Wilde
• William Damkoelher
Robert Ross
• Marguerite Lenert
Lady Wilde
• Barbara Orson
Ada Leverson
• Timothy Crowe
Frank Harris
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• Daniel Von Bargen
Wooldridge
• Robert Black
Un prisonnier
• James Eichel Berger
Un prisonnier
• David James
Justice Willis
Richard Kneeland (Oscar Wilde) et T. Richard Mason (Lord Alfred Douglas)
La production était placée sous la direction d’Adrian Hope et de Rick Hauser.
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La pièce fit l’objet d’un enregistrement pour la télévision, et fut diffusée à deux reprises sur WNET Theater in America. Elle existe en VHS et en DVD.
VHS Tape – 2003
DVD – avril 2003
Feasting with Panthers fut reprise en 1981 dans le cadre du Chichester Festival Theatre, sous la direction de Peter Coe. L’assistant à la mise en scène était Christpher Selbie. Les décors étaient de Peter Rice et les lumières de Mark Henderson.
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Les principaux rôles étaient les suivants : • Tom Baker
Oscar Wilde
• John Higginson
Lord Alfred Douglas
• Frank Shelley
Marquis de Queensberry
• Donald Houston
Sir Edward Clarke
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13 - Cinéma Des nouvelles du “Prince Heureux”, le film que Rupert Everett consacre aux dernières années d’Oscar Wilde. Les premiers tours de manivelle ont été donnés au début de l’année et l’équipe du film vient de s’installer dans la valleuse du Tilleul, à l’ouest d’Etretat, en Haute-Normandie, afin de poursuivre le tournage. Celui-ci transitera par l’Allemagne, la Belgique, l’Italie. En France, c’est principalement la Seine-Maritime et le Calvados qui serviront de toile de fond. En novembre, l’équipe de tournage se transportera en Belgique (Binche). Un certain nombre de figurants sont recherchés : http://www.lanouvellegazette.be/1668164/article/2016-0913/voulez-vous-tourner-avec-rupert-everett-a-binche Débuté le 20 janvier en Allemagne, le tournage devait se terminer le 23 novembre. Ensuite, il ne nous restera plus qu’à attendre sa sortie en salle dans le courant de l’année 2017. Rappelons que c’est Rupert Everett lui-même qui interprétera le rôle d’Oscar Wilde.
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14 – The Oscholars www.oscholars.com abritait un groupe de journaux consacrés aux artistes et mouvements fin-de-siècle.
Le rédacteur en chef en était
David Charles Rose (Université d’Oxford). Depuis 2012, les membres du groupe sont indépendants, et le site, délaissé par son webmaster, ne reste plus sous le contrôle de M. Rose. THE OSCHOLARS est un journal international en ligne publié par D.C. Rose, consacré à Wilde et à ses cercles. Il compte plusieurs milliers de lecteurs à travers le monde dont un grand nombre d’universitaires. On pourra y trouver les numéros de juin 2001 à mai 2002 (archives), et tous les numéros réalisées depuis février 2007. Les numéros de juin 2002 à octobre 2003, et d’octobre 2006 à décembre 2007 sont abrités par le site www.irishdiaspora.net. Vous y découvrirez une variété d’articles, de nouvelles et de critiques : bibliographies,
chronologies,
liens
etc.
L’appendice
‘LIBRARY’
contient des articles sur Wilde republiés des journaux. Les numéros jusqu’à mars 2010 sont en ligne ici, mais quelques pages ont été détruites par le ci-devant webmaster. Depuis l’automne 2012, on peut trouver THE OSCHOLARS sous cette adresse : http://oscholars-oscholars.com/
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15. Signé Oscar Wilde C’était là un portrait authentique de Mr.W.H., la main posée sur la page de dédicace des Sonnets, et dans un coin du tableau on pouvait déchiffrer le nom du jeune homme lui-même, écrit en lettres onciales dorées sur le fond fané bleu de paon, Master Will Hews. (Le portrait de Mr. W.H)
Here was an authentic portrait of Mr.W.H with his hand resting on the dedicatory page of the Sonnets, and on the corner of the picture could be faintly seen the name of the young man himself written in gold uncial letters on the faded bleu de paon ground, Master Will Hews. (The Portrait of Mr. W.H)