No 53

Page 1

Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

RUE DES BEAUX ARTS Numéro 53

Octobre/Novembre/Décembre2015

30 Novembre 2015 : 115e anniversaire de la mort d’Oscar Wilde


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

Bulletin trimestriel de la Société Oscar Wilde

RÉDACTRICE : Danielle Guérin-Rose Groupe fondateur : Lou Ferreira, Danielle Guérin-Rose, David Charles Rose, Emmanuel Vernadakis On peut trouver les numéros 1-41 de ce bulletin à l’adresse http://www.oscholars.com/RBA/Rue_des_Beaux_arts.htm et les numéros 42 à 52 ici.


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

1. Editorial Oscar Wilde est vivant

La scène se passe à Paris, la nuit du vingt-trois mars dix-neuf cent treize : « Je perçus un faible bruit de sonnette, (…) Je me levais lentement et, précipitamment, j’allais ouvrir, joyeux d’une diversion aussi inattendue. Je tirai la porte : un homme immense se tenait devant moi. — Monsieur Lloyd. C’est moi-même, fis-je ; voulez-vous vous donner la peine d’entrer. Et l’étranger foula mon seuil avec des airs magiques de reine ou de pigeon. (…) Amusé, je lui offris un fauteuil, et lui fis vis-à-vis. Aussitôt il commença : — Vos oreilles peuvent-elles entendre des choses inouïes ? (…) Alors, prenant un temps, celui que je croyais un étranger prononça : « Je suis Sébastien Melmoth. » Jamais je ne pourrai rendre ce qui se passa en moi : dans une abnégation subite et totale de moi-même, je voulais lui sauter au cou, l’embrasser comme une maîtresse, lui donner à manger et à boire, le


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

coucher, le vêtir, lui procurer des femmes, enfin, sortir tout mon argent de la banque pour lui en remplir les poches. Les seules paroles que

j’arrivais

à

articuler

afin

de

résumer

mes

sentiments

innombrables, furent : « Oscar Wilde ! Oscar Wilde ! » Celui-ci comprit mon trouble et mon amour, et murmura : « Dear Fabian. » Voici ce que raconte Fabian Lloyd, neveu par alliance d’Oscar Wilde, plus connu sous le pseudonyme d’Arthur Cravan, boxeur, poète et dandy révolté, dans sa revue « Maintenant »1, dont il assumait tous les postes à lui tout seul, et qu’il vendait dans une voiture des quatresaisons, place Clichy, et dans diverses rues de Paris. Donc, la nuit du 23 mars 1913, Arthur Cravan reçut chez lui la visite de son oncle Oscar Wilde, qui était mort douze ans et demi plus tôt. Comme il était pris de boisson, il ne se comporta pas très bien avec lui, si bien qu’Oscar finit par le quitter en lui disant : « You are a terrible boy ». Grand amateur d’injures et d’insanités, Cravan était un génie de la provocation, excentrique et mal élevé qui semait le scandale partout où il allait, et nous laissa le mystère de sa propre mort, jamais clairement établie, dans une dernière pirouette.2 Qu’il ait ressuscité Oscar, dont il se prétendait le fils secret, un soir de mars 1913, n’a rien de particulièrement étonnant. C’était une de ses farces, et aussi une façon de se faire plaisir, cette rencontre qui – si elle avait jamais Cf. Arthur Cravan, Oscar Wilde est vivant !, Revue Maintenant n°3 (octobre-novembre 1913). Il est paru 5 numéros de « Maintenant », de 1912 à 1915. 2 Il aurait disparu au large du Golfe de Tehuantepec en 1918, mais son corps ne fut jamais retrouvé. Les hypothèses les plus fantaisistes courent sur cette disparition inexpliquée, comportant mêmes certains témoignages affirmant qu’il aurait été revu vivant dans divers pays du monde et sous divers travestissements. 1


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

eu lieu – ne l’avait été dans la vraie vie que dans sa tendre enfance, qu’il avait sans doute ardemment désirée, et qu’il s’offrait à présent, par l’intermédiaire d’un texte surprenant dont la grossièreté loufoque n’aurait pas déplu à Alfred Jarry. Quel que fut le délire rabelaisien de Cravan, et son goût pour un imaginaire déjanté, le fils de l’honorable Otho Lloyd, frère aîné de Constance, n’avait pas tout à fait tort. Qui pourrait nier en effet la survivance d’Oscar Wilde ? Qu’il soit vivant maintenant, plus que jamais, non seulement parce que ses œuvres sont lues, ses pièces jouées,

mais

parce

qu’il

ne

cesse

d’inspirer

les

créateurs

contemporains. Des sculpteurs (Maggi Hambling, Danny Osborne, Jacob Epstein), des romanciers

(Gyles Brandreth et sa série des

« murder mysteries », où Wilde mène l’enquête, Walter Satterwaith et son « Wilde West »), des dramaturges (Moises Kaufmann, David Hare, Terry Eagleton, etc…), des musiciens (Gerald Barry, Théodore Morrison, Lowell Liebermann, et leurs opéras respectifs « The Importance of being Earnest », « Oscar », et « The Picture of Dorian Gray »), et bien d’autres encore que je ne saurais tous citer. Si l’on se cantonne aux deux dernières années, et aux artistes de langue française, il est aisé de constater que le cadavre de Wilde bouge encore, qu’il frétille presque, comme au sortir du sarcophage imaginé par Maggi Hambling, où il discourt avec tant d’élégance, en fumant nonchalamment sa cigarette invisible (parce que dérobée plusieurs fois).


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

Au Québec, le poète Claude Beausoleil (auteur, par ailleurs, de l’ouvrage : « Oscar Wilde, pour l’amour du beau », paru en 2000 au Castor Astral) a obtenu en 2014 la médaille de bronze du prix Heredia, octroyé par l’Académie Française, pour son recueil Mystère Wilde,1 où il évoque cet « artiste insoumis » qui ne cessa de rechercher la vérité à travers l’art : Revenu du feu des fêtes des amours et des désillusions Sébastien solitaire harcelé de flèches silencieuses double d’Oscar rêvant de la beauté dont la vérité en son isolement au nom de l’art rutile en ultime joie sous cette pluie à Paris où le poète affronte et le siècle nouveau et l’aura du mystère » À Paris, deux hommes, un musicien (François Irlès) et un librettiste (Paul Keusseyan), travaillent à un drame musical : « Flawless – La beauté du diable », inspiré du Portrait de Dorian Gray. Leur projet est en cours d’élaboration, mais il semble prometteur. En Avignon, en ce mois de Juillet 2015, la cour du musée du Musée Calvet, a vibré des échos de la voix de Constance Wilde, mise à l’honneur par la scénariste Claire Barré, qui restitue l’aventure (supposée) qui aurait lié la femme d’Oscar et l’éditeur Arthur Humphreys.2 Ce n’était que le début, car ce scénario deviendra peutêtre un film. Oscar Wilde sera aussi présent dans les œuvres théâtrales et romanesques de la rentrée. Par la voix de deux de nos amis wildiens Ecrits des Forges, mai 2014. Voir les détails des œuvres de Paul Keusseyan, François Iliès et Claire Barré dans notre rubrique « Works in progress ». 1 2


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

tout d’abord, Danielle et Christian Morris, qui ont imaginé une rencontre entre Wilde et Freud. Des dialogues percutants, une intrigue

imaginative,

de

la

drôlerie

et

de

l’émotion,

rendent

passionnant ce texte intitulé : « Sigmund Freud et le Fantôme d’Oscar Wilde »1 L’année précédente, c’était Lou Ferreira qui s’était intéressée à Wilde dans une pièce intitulée : « Pour l’éternité ».2 Un autre projet théâtral est en cours, imaginant une rencontre entre Wilde et Jean Lorrain à Taormine. Il devrait se concrétiser en 2016 sur une scène parisienne.3 La seconde voix de la rentrée est celle d’Amélie Nothomb. La célèbre écrivaine n’écrit pas à proprement parler sur Wilde, mais son dernier roman s’intitule : « Le crime du comte Neville » et raconte l’histoire d’un aristocrate belge, contraint de commettre un crime pour se soumettre au destin qui lui a été prédit par une voyante. Ça ne vous rappelle pas quelque chose ?4 Esprit d’Oscar, es-tu là ? Je ne m’étendrai pas sur tous les jeunes artistes qui continuent à faire vivre Oscar Wilde dans les théâtres ou sur le papier, et qui, souvent le font avec ferveur et talent. Non plus que sur l’actualité internationale où David Suchet, célèbre Poirot, interprète à Londres la non moins célèbre Lady Bracknell jusqu’à fin novembre ; où Rupert Everett va reprendre, dans « Judas Kiss », à Toronto, ce rôle de Wilde où il se montra magistral quand il le joua à Londres et à Dublin ; où le film qu’Everett vient de consacrer aux dernières années d’Oscar ne devrait pas tarder à sortir. Ou sur la nouvelle pièce de Charles 1 2 3 4

Chez L’Harmattan L’Harmattan, avril 2014 “L’entrevue de Taormine », par Thibaut d’Anthonay et Patrick Tudoret « Le crime du comte Neuville – Albin Michel, août 2015


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

McMahon, qui sera créée à Philadelphie en janvier 2016, et qui met en scène Oscar Wilde dans sa cellule de Reading (From The Depths – 14 janvier au 14 février 2016). Je ne m’attarderai pas sur tous ceux qui, à travers le monde, étudient,

écrivent,

enseignent,

jouent,

peignent,

dessinent,

composent, ou tout simplement lisent, insufflant sans cesse un souffle nouveau à celui qui s’éteignait à Paris il y aura 115 ans, en ce mois de novembre. Ils forment le réseau immense où court encore le sang d’Oscar, régénéré, couleur de pivoine, où vole encore son esprit, léger, acide, étincelant. Ils sont la bibliothèque où fleurit son âme, où sont conservées ses pensées les plus profondes. « Oscar Wilde est mort »1 proclamait un spectacle donné cet été en Avignon. Il aurait tout aussi bien annoncer le contraire et s’appeler : « Oscar Wilde est vivant ». Aussi vivant qu’en cette nuit de mars 1913, où il visita son neveu, et davantage encore, car l’homme de minuit qui frappa à la porte de Cravan, était Sebastian Melmoth le déchu, un corps lourd et déformé par le malheur. Cette disgrâce s’est maintenant transformée en chant de gloire, et Oscar marche désormais la tête haute, avec le beau visage au regard magnétique, rendu célèbre par la photo de Napoleon Sarony, humanisé par les blessures. Mais ce sont les blessures de l’amour, et Oscar a commencé à traverser les siècles de son pas de géant, étonnamment proche, éternellement jeune. Toujours vivant. Danielle Guérin-Rose 1

« Oscar Wilde est mort », d’Oldan.


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

2. Publications Frank Harris – La vie et les confessions d’Oscar Wilde Dernière

Goutte,

8

octobre

2015 ISBN 978-2918619284

Danielle et Christian Morris – Sigmund Freud et le fantôme d’Oscar Wilde L’Harmattan – octobre 2015 ISBN : 978 - 2 - 343 - 06070 – 5 1938: Freud a abandonné Vienne, contraint à l’exil par la montée du nazisme. Dans sa résidence londonienne, il vit ses derniers mois, menant un combat acharné contre son cancer de la mâchoire. Le père de la psychanalyse y reçoit la visite d’un étrange patient qui


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

prétend être le fantôme d’Oscar Wilde.

Jacques Emile Blanche : peintre, écrivain, homme du monde Coordination Laurianne Barban Préface

Marc

Francina,

Yvon

Robert, Sylvain Amic Silvana

Editoriale,

Milan,

juin

2015 ISBN 978-88-366-3093-6

Et ailleurs… Eleanor

Fitzsimons

Wilde’s

Women – How Oscar Wilde was Shaped by the women He knew Gerald

Duckworth

&

octobre 2015 ISBN 978-0715649367

Co

Ltd,


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

James Campbell – Oscar Wilde, Wilfred Owen, and Male Desire Palgrave

Macmillan,

2015 ISBN 978-1137550637

septembre


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

3. OSCAR WILDE ET LA BANDE DESSINEE OSCAR WILDE : LA RESURRECTION Par Dan Pearce Introduction — Deuxième episode — Troisième épisode — Quatrième épisode — Cinquième épisode — Sixième épisode — Septième épisode — Huitième épisode — Neuvième épisode — Dixième épisode — Onzième épisode — Douzième épisode – Treizième épisode — Quatorzième épisode — Quinzième épisode – Seizième épisode – Dix-septième épisode – Dix-huitième épisode – Dix-neuvième épisode -- Vingtième épisode — Vingtième et unième épisode – Vingt-deuxième épisode – Vingt-troisième épisode – Vingt-quatrième épisode – Vingt-cinquième épisode – Vingt-sixième épisode - Vingt-septième épisode – Vingt-huitième épisode – Vingt-neuvième épisode – Trentième épisode – Trente et unième épisode – Trente-deuxième épisode. – Trentetroisième épisode _ Trente_quatrième épisode

Trente-cinquème épisode

À suivre…


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

4. Expositions À Evian-les-Bains Jacques-Emile Blanche, peintre, écrivain, homme du monde

La ville d’Evian consacre une exposition au peintre Jacques-Emile Blanche, qui a bien connu Wilde, et qui avait représenté dans un de ses tableaux une petite fille lisant ses poèmes. C’est la première grande rétrospective consacrée à l’artiste depuis l’exposition de 1997/1998 au musée des Beaux-Arts de Rouen, et celle, plus récente, de la Fondation Pierre Bergé - Yves Saint Laurent et du Château-musée de Dieppe en 2012-2013. L’exposition du Palais Lumière évoque la carrière de Jacques-Émile Blanche dans sa diversité, les moments forts de sa vie de peintre et d’écrivain : depuis son enfance parisienne aisée à ses séjours londoniens, en passant par sa vie mondaine, pour s’achever dans la retraite normande d’Offranville.


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

Jacques-Emile Blanche, André Gide et ses amis, au Café Maure de l’Exposition Universelle de 1900.

Éminemment cultivé, sensible aux arts et aux lettres, Jacques-Emile Blanche se révèle dans le choix de ses modèles, des personnalités telles que Cocteau, Proust, Gide, Barrès, Mauriac, Claudel, Radiguet, Bourdelle et Stravinsky, rencontrées pour la plupart dans les salons mondains du début du siècle.

Évian – Palais Lumière 7 mai au 6 septembre 2015.


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

5. Opéra et Concerts Salomé De Richard Strauss D’après la pièce d’Oscar Wilde

A Vienne

Direction musicale Dennis Russell Davies (7, 10 December 2015) Mikko Franck (16, 19, 21 January 2016) Mise en scène : Boleslaw Barlog Distribution : •

Herwig Pecoraro, Hérode (7, 10 December 2015); Gerhard A. Siegel (16, 19, 21 January 2016)

• Carole Wilson, Herodias (7, 10 December 2015; 16, 19, 21 January 2016) • Lise Lindstrom, Salomé (7, 10 December 2015); Camilla Nylund (16, 19, 21 January 2016)


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

• Tomasz Konieczny, Iokanaan (7, 10 December 2015); Iain Paterson (16, 19, 21 January 2016) 7, 10 décembre 2015 – 16, 19 et 21 janvier 2016

Opéra de Vienne

Der Zwerg (Le Nain) De Zemlinski D’après « L’anniversaire de l’Infante », d’Oscar Wilde Direction musicale : Frank Beermann Mise en scène : Walter Sutcliffe Disribution • Maraike Schröter, l’Infante. • Dan Karlström, Le nain. • Kouta Räsänen, Esteban. • Franziska Krötenheerdt, Ghita 7, 13, 18 novembre – 18 décembre 2015 – 7, 24 janvier 2016 – 27 février – 28 mars- 19 avril 2016

Opernhaus de Chemnitz (Allemagne)


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

6. Théâtre À Aix-en Provence

Un Mari Idéal

Compagnie Interlude Mise en scène : Julien Di Tommaso Avec : Guillaume Dagnas, Philippe Gardio, Karine Sachot, Hélène Lamoureux, Stéphanie Coubronne, Alain Veron, Marylou Da Costa, Christian Grossemy, Gabriel Lapebie, Françoise Rouan

28 et 29 Novembre 2015 Théâtre d’Aix en Provence


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

À Bordeaux

Le Portrait de Dorian Gray

La compagnie le Talent Girondin Avec : Franck Desmedt Adaptation : Yvan Bregon

27 octobre au 1er novembre 2015 Théâtre de l’Inox – Bordeaux


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

À Calais et à Colmar

Le Fantôme de Canterville

Spectacle de marionnettes avec projection animée en 3D, présenté par la Compagnie « Une poignée d’Images » Mise en scène : Jean-Paul Lang Scénario et textes : Natalia Bougaï et Antonin Lang (d’après Oscar Wilde) Scénographie et dessins marionnettes : Natalia Bougaï Construction des marionnettes : Nelu Pitic

29 novembre – 15H Théâtre Municipal de Colmar 16 décembre 2015 – 10H30 et 15H30 Centre culturel Gérard Philippe


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

En Belgique

Salomé et le Maître rêveur

Mise en scène de Boris Bary

9, 10, 11, 16, 17 et 18 octobre 2015 Centre Culturel de BOUSSU, 7300 – BOUSSU (Belgique)

Et à Paris… Nos amis Les Framboisiers continuent à honorer Oscar Wilde

Le Portrait de Dorian Gray Du 16 septembre au 16 décembre 2015


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

Laurette Théâtre

L’Importance d’être Constant Du 10 0ctobre au 19 décembre 2015

Laurette Théâtre


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

7. Entre obsession du beau et hantise de la décomposition dans The Picture of Dorian Gray. Par Elodie Degroisse

Dans The Picture of Dorian Gray, Wilde, tout en s’inspirant des codes du gothique né à la fin du XVIIIe siècle, s’intéresse particulièrement au gothique de la décadence et de la dégénérescence, apparu dans les années 1880. Ce nouveau gothique prend acte d’un questionnement sur l’humain né du séisme provoqué par la publication des théories de Darwin sur l’origine de l’homme, et du sentiment aigu d’une fin-desiècle angoissante qui met à mal les certitudes. Pourtant c’est l’extrême modernité de Wilde que je vais chercher à montrer, dans la mesure où il réinvestit la tradition gothique pour dire l’abject, la présence de l’inhumain dans l’humain. Au sein d’un Empire brillant,


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

triomphant, Wilde questionne le devenir de l’individu, en montre l’instabilité, l’ambivalence, mettant ainsi en danger l’image policée de la civilisation de son temps. C’est la décadence d’une époque que Wilde met en scène quand il décrit la plongée de Dorian Gray dans l’East End et dans l’opium. La véritable apparence de Dorian, à laquelle il échappe grâce au portrait, se reflète en effet sur ses traits lors du trajet qui doit l’amener à une fumerie d’opium. Wilde revisite dans cet extrait la tradition antique du récit de catabase, car la plongée dans l’East End s’apparente à une véritable descente aux Enfers pour Dorian : « The moon hung low in the sky like a yellow skull. From time to time a huge misshapen cloud stretched a long arm across and hid it. The gas-lamps grew fewer, and the streets more narrow and gloomy. » (CW 134) En proie au manque, Dorian est victime d’hallucinations : sous son regard, le décor se fait sinistre, menaçant et s’anthropomorphise. Lune et nuages se font squelettes déformés, les vestiges de la civilisation (« the gas-lamps ») se raréfient. Le dandy au visage parfait se métamorphose alors à mesure qu’il approche de sa destination et que l’addiction à l’opium se fait plus forte. Il est en proie à une mutation, digne des grands récits d’horreur de C.S Lewis, offrant les descriptions de cadavres décomposés : « The hideous hunger for opium began to gnaw at him. His throat burned, and his delicate hands twitched nervously together. He struck at the horse madly with his stick. The driver laughed, and whipped up. He laughed in answer, and the man was silent.

»

(CW

134)

Le

passage rappelle

les

descriptions

de

transformation des lycanthropes sous l’effet de la pleine lune : la dégradation de Dorian est brutale et terrifiante. Wilde décrit la


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

progressive déshumanisation du personnage : son rire est tel qu’il terrifie le conducteur qui se mure dans le silence, ses gestes ne sont plus contrôlés. La décadence associée à l’opium est alors à la fois synonyme de déchéance morale et de décomposition physique. Mais c’est bien sûr le paradoxe du portrait en mouvement qui cristallise le conflit qui agite Dorian entre fascination et répulsion face à la décomposition de son image. Le processus de dissolution et de dégradation très marqué dans Dorian Gray confère en effet sa structure au roman. Tout se passe comme si le portrait et le miroir étaient eux-mêmes des doubles qui auraient inversé leur fonction originale, dans une incessante mise en abyme. Le portrait est donc « témoin » pour user d’un terme issu de la maçonnerie et sur lequel Liliane Louvel dans Le Double miroir de l’âme attire l’attention, marque scellée sensible aux altérations des murs, comme le tableau évolue au gré de la corruption de l’âme du modèle. De nouvelles touches

de

peintures

dissimulent

le

sujet

d’origine

pour

paradoxalement révéler la vraie nature du modèle, comme une photographie qui se révèle dans un bain. Le péché rongeant la peinture est tel la dégradation immonde provoquée par la lèpre, qui transforme le malade en cadavre vivant, perdant sa peau, sa chair, degré ultime du sentiment d’abjection. Ce que le tableau de Dorian montre, c’est la décomposition de son corps jusqu’au devenir cadavre, jusqu’à l’abject : tableau mort-vivant que Dorian ne saurait voir et qu’il place sous un voile-linceul, tel un rite funèbre pour tenter de se soustraire à la hantise du portrait. Il faut couvrir la représentation de soi, du miroir à l’œuvre d’art car on ne saurait la voir : elle est abjecte. Dorian Gray meurt de cette confrontation avec son image


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

ignominieuse et dégradée. Il brise le tableau qui a un savoir, celui de sa dégradation, comme le miroir du laboratoire du docteur Jekyll. La destruction du tableau s’apparente à une défenestration puisqu’elle provoque la mort de Dorian qui en traversant le tableau devient déchet. Détruire le tableau, c’est se confronter au réel pour Dorian qui va au bout de son fantasme narcissique et ne trouve que son anéantissement. C’est en effet particulièrement cette dimension abjecte de l’œuvre d’art, du portrait cadavre qui est exprimée avec force par Wilde. L’abject

envahit

la

représentation

de

soi

jusqu’à

la

rendre

insupportable, comme le définit Julia Kristeva : Il y a dans l’abjection, une de ces violentes et obscures révoltes de l’être contre ce qui le menace et qui lui paraît venir d’un dehors ou d’un dedans exorbitant, jeté à côté du possible, du tolérable, du pensable. C’est là, tout près mais inassimilable. Ça sollicite, inquiète, fascine le désir qui pourtant ne se laisse pas séduire. Apeuré, il se détourne. Ecœuré, il rejette. Un absolu le protège de l’opprobre, il en est fier, il y tient. (Kristeva 9) L’abject, c’est ce qui menace mon identité et que je cherche à expulser hors de moi. En reprenant les termes de cette définition, on peut avancer que le personnage de Dorian Gray se trouve dans un rapport d’abjection à l’égard de sa propre image, d’autant plus brouillée qu’elle est dédoublée. Dorian éprouve horreur et dégoût à la vue du portrait mais se voit protégé de « l’opprobre » grâce à son autre


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

masque social d’éternel jeune homme. Pour reprendre les termes de Kristeva, Dorian est paradoxalement à la fois « fasciné » par son image abjecte absente de son visage et « écœuré » par la présence inacceptable tableau-déchet, s’émerveillant du contraste extrême entre les deux représentations de lui-même que sont le miroir et le tableau : […] with a mirror, in front of the portrait that Basil Hallward had painted of him, looking now at the evil ageing face on the canvas, and now at the fair Young face that laughed back at him from the polished glass. The very sharpness of the contrast used to quicken his sense of pleasure. He grew more and more enamoured of his own beauty, more and more interested in the corruption of his own soul. He would examine with minute care, and sometimes with a monstrous and terrible delight, the hideous lines that seared the wrinkling forehead, or crawled around the heavy sensual mouth, wondering sometimes which were the more horrible, the signs of sin or the signs of age. He would place his white hands beside the coarse bloated hands of the picture, and smile. He mocked the misshapen body and the failing limbs. (CW 98) L’oxymore « monstrous and terrible delight » exprime le sentiment paradoxal de fascination/répulsion qu’éprouve Dorian, la sensation extrême de l’abjection de soi que le dédoublement de son être rend d’autant plus ambigu, entre pulsion narcissique et rejet de son autre image. Le dégoût finit toutefois par l’emporter quand Dorian cherche


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

à expulser l’image immonde en la détruisant par crainte de la menace que l’existence du portrait constitue pour sa couverture en société, mais il ne fait que reconnaître l’identité du moi et de l’abject : il est ce déchet. La force du sentiment de l’abject est maximale lorsque le sujet découvre qu’il est lui-même abject. En lacérant le tableau, Dorian fait l’expérience de l’abjection de soi, il s’autodétruit : « l’abjection est donc une forme de crise narcissique : elle témoigne de l’éphémère de cet état qu’on appelle (…) du ‘narcissisme’. » (Kristeva 22) Quand Basil est confronté à la dégradation du portrait qu’il a peint, il exprime toute l’horreur qu’il ressent en associant ce processus à celui de la décomposition d’un cadavre : The surface seemed to be quite undisturbed, ans as he had left it. It was from within, apparently, that the foulness and horror had come. Through some strange quickening of inner life the leprosies of sin were slowly eating the thing away. The rotting of a corpse in a watery grave was not so fearful. (CW 116) La vue du tableau est même pire que la vue du cadavre : le péché rongeant la peinture est plus insupportable encore. Le processus est encore une fois associé à la dégradation immonde provoquée par la lèpre, qui transforme le malade en cadavre vivant, perdant sa peau, sa chair. La vue du portrait de Dorian Gray représente alors un degré ultime du sentiment d’abjection. Cette association du portrait à un cadavre est explicitement affirmée par le rite funèbre auquel se livre Dorian : il n’a de cesse de recouvrir le tableau d’un drap, acte qui


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

pourrait être anodin s’il visait à protéger le portrait de la poussière, mais qui prend un tour résolument morbide : His eye fell on a large purple satin coverlet heavily embroidered

with

gold,

a

splendid

piece

of

the

late

seventeenth-century Venetian work that his grandfather had found in a convent near Bologna. Yes, that would serve to wrap the dreadful thing in. It had perhaps served often as a pall for the dead. Now it was to hide something that had a corruption of its own, worse than the corruption of death itself - something that would breed horrors and yet would never die. What the worm was to the corpse, his sins would be to the painted image on the canvas. They would mar its beauty, and eat away its grace. They would defile it, and make it shameful. And yet the thing would still live on. It would always be alive. (CW 92) Ici encore, l’image est très concrète et donc très perturbante. Le processus

de

décomposition

est

explicitement

décrit :

pas

d’euphémisme ou de métaphore. L’horreur du portrait est plus grande encore que celle de la mort car si la mort constitue une fin pour l’individu qui, une fois décomposé, disparaît, le portrait, lui, ne peut être détruit : « It would always be alive.» En effet quand Dorian va chercher à poignarder le tableau, il ne provoquera que sa propre mort. Le portrait est donc abject : Dorian ne saurait le voir. Il décide donc ironiquement d’utiliser une autre œuvre d’art, un drap en satin brodé du XVIIe siècle, pour recouvrir le tableau qui se dégrade. Ce drap, s’imagine Dorian, a dû servir de linceul (« a pall for the dead ») :


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

il reprend cette fonction pour dissimuler le portrait abject que Dorian ne veut pas voir. On pourrait alors avancer que l’esthétique wildienne du corps célébré puis honni, de la Beauté absolue violemment dégradée, constitue une étape essentielle menant à l’esthétique beckettienne du corps-déchet. Il faut ici faire appel à la notion de « grotesque » pour mieux le comprendre. Le terme « grotesque » apparaît à la fin du XVe siècle pour désigner les peintures retrouvées sur les parois du sous-sol de la « Domus Aurea » (Maison Dorée) de l’Empereur Néron, peintures dont les figures représentées mêlaient le végétal, l’animal et l’humain jusqu’à la distorsion des corps. On peut également penser à la fontaine du petit Bacchus dans les jardins de Boboli à Florence qui représente un nain difforme. La tradition grotesque se trouve particulièrement dans les œuvres de Rabelais : le corps y est représenté dans toute sa trivialité, trivialité d’autant plus exagérée que les héros y sont des géants. En commençant par analyser un passage de L’Œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen- Âge et sous la Renaissance, texte dans lequel Mikhaïl Bakhtine définit le corps grotesque, je vais montrer comment la tradition grotesque fait retour chez Wilde et avec quelle évolution. Bakhtine évoque ainsi le détachement possible de parties du corps du corps lui-même : Elles peuvent même se séparer du corps, mener une vie indépendante, car elles évincent le restant du corps relégué au second rang (…). Tous ces excroissances et orifices sont caractérisés par le fait qu’ils sont le lieu où sont surmontées


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

les frontières entre deux corps et entre le corps et le monde, où s’effectuent les échanges et les orientations réciproques. C’est la raison pour laquelle les événements principaux, qui affectent le corps grotesque, les actes du drame corporel […] s’effectuent aux limites du corps et du monde ou à celles du corps ancien et du nouveau; dans tous ces événements du drame

corporel,

indissolublement

le

début

et

imbriqués.

la

fin

(Bakhtine

de

la

vie

315-316,

sont C’est

Bakhtine qui souligne) Le corps de Dorian Gray apparaît comme une forme étrange du corps grotesque ainsi défini. On peut en effet considérer qu’au début du texte, une partie de lui-même est détachée de son corps : le tableau serait alors l’excroissance dont parle Bakhtine. Au départ, le corps de Dorian est le corps classique par excellence, puis il subit une transformation

radicale

au

point

de

devenir

grotesque.

Paradoxalement, Wilde donne au corps beau classique de Dorian un double grotesque par le biais du portrait. Les marques de la déchéance affectent en effet Dorian par le truchement du tableau : « les actes de son drame corporel » s’effectuent à la limite entre lui et son tableau, entre son corps qui ne s’altère pas et l’excroissance qu’est le tableau, double de lui-même. Dorian retient la vie, porte les marques de l’éternelle jeunesse, tandis que le travail de la mort, le pourrissement s’effectue sur le tableau. Dans le roman, les deux corps de Dorian sont distincts mais en étroite connexion car les actes de Dorian affectent l’aspect du tableau et la vue du tableau affecte l’esprit de Dorian : « the horrible sympathy that existed between him and the picture. » (CW 84) Le « corps ancien » de Dorian, son corps


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

humain soumis aux lois de la nature, est en fait le tableau, tandis que son « corps nouveau », le corps fantastique est son corps de chair qui paradoxalement ne s’altère pas, ne vieillit pas pendant le temps du pacte faustien. Le rapport de Dorian au monde est médiatisé par le tableau qui lui permet d’échapper un temps à la corruption physique générée par l’évolution du jeune homme dans la société décadente de l’East End. La déformation des traits de Dorian lors du trajet vers la fumerie d’opium est en effet de courte durée. Très vite, il retrouve le visage de ses vingt ans, celui que Basil Hallward a figé à jamais, paradoxalement non pas sur la toile mais sur le corps de son modèle. Dorian échappe en effet à la mort grâce à son apparence puisque James Vane renonce à l’assassiner lorsqu’il voit son visage, qui ne peut être celui d’un homme de quarante ans puisqu’il a conservé toute sa jeunesse et sa beauté : Dim and wavering as was the wind-blown light, yet it served to show him the hideous error, as it seemed, into which he had fallen, for the face of the man he had sought to kill had all the bloom of boyhood, all the unstained purity of youth. (CW 138) La clé du passage est dans le « as it seemed» : c’est l’apparence de Dorian qui le sauve, non sa nature. Dorian est bien cet être grotesque, immonde, dégradé que cherche le frère de Sybil mais le Beau s’attarde sur le corps de Dorian, tandis que le tableau se déforme jusqu’à devenir déchet. La dégradation du tableau est d’autant plus violente que Wilde s’attache dès le premier chapitre à le décrire comme le chef d’œuvre classique du peintre Basil Hallward :


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

In the centre of the room, clamped to an upright easel, stood the full-length portrait of

a young man of extraordinary

personal beauty […] this young Adonis, who looks as if he was made out of ivory and rose-leaves. (CW 18-19) La beauté exceptionnelle du sujet est mise en scène et en valeur par sa position centrale dans l’atelier du peintre. Dorian est associé à Adonis, personnage mythologique, et comparé à une statue faite d’ivoire et de roses. Le peintre ne cesse en effet d’associer le portrait et le visage de Dorian au classicisme : « What the invention of oilpainting was to the Venetians, the face of Antinoüs was to late Greek sculpture, and the face of Dorian Gray will some day be to me.» (CW 23)

Les traits du jeune homme sont gouvernés par l’harmonie, sa

beauté répond parfaitement aux exigences des canons classiques, mais il est habité par un souffle romantique si fort que cette perfection ne pourra demeurer : « Unconsciously he defines for me the lines of a fresh school, a school that is to have in it all the passion of the romantic spirit, all the perfection of the spirit that is Greek. » (CW 24)

Le

corps

de

Dorian

est

parcouru

de

deux

influences

contradictoires : beauté figée classique, violence passionnelle. Or, progressivement, la violence de Dorian va venir détruire la perfection de ses traits, les dégrader inexorablement sur la toile à défaut du visage. Le portrait si classique bascule alors dans l’esthétique grotesque, comme le constate le peintre avec horreur quand Dorian le lui dévoile juste avant de l’assassiner : An exclamation of horror broke from the painter’s lips as he saw in the dim light the hideous face on the canvas grinning


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

at him. […] The horror, whatever it was, had not yet entirely spoiled that marvellous beauty. There was still some gold in the thinning hair and some scarlet on the sensual mouth. The sodden eyes had kept something of the loveliness of their blue, the noble curves had not yet completely passed away from chiselled nostrils and from plastic throat. Yes, it was Dorian himself. But who had done it ? […] It was some foul parody, some infamous, ignoble satire. (CW 115) On remarque ici dans le choix des adjectifs (« thinning », « foul », « infamous », « ignoble ») l’apparition de l’esthétique grotesque qui contamine le classicisme du tableau initial (« marvellous », « noble », « chiselled », « plastic ») à tel point que Basil doit voir sa signature sur la toile pour accepter que ce portrait ait bien été peint de sa main. La transformation qui s’opère sur le tableau qualifié de « parodie » et de « satire » se lit comme une mise en abime du travail artistique de Wilde qui part des conventions classiques qu’il maitrise parfaitement pour mieux les détourner, les attaquer et les plier à sa propre vision artistique. À l’ouverture du roman, il donne à son lecteur l’illusion rassurante de suivre la tradition en célébrant la beauté formelle, pour ensuite en dévoiler l’artifice, comme si Basil avait dissimulé un repenti sous le tableau visible, et que le vernis de la beauté classique s’écaillait pour dévoiler l’horreur plus authentique et grotesque de l’âme humaine. L’échange final s’opère toutefois quand le tableau retrouve son apparence première, figeant la jeunesse de Dorian dans la peinture, et que Dorian vieillit d’un seul coup, porte les marques physiques de sa


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

corruption morale : son corps devient déchet, si immonde qu’il n’est plus identifiable. Dorian n’est plus lui-même, son corps cadavre marque le triomphe de la mort et l’impossibilité d’échapper au pourrissement : Lying on the floor was a dead man, in evening dress, with a knife in his heart. He was withered, wrinkled, and loathsome of visage. It was not till they had examined the rings that they recognized who it was. (CW 159) On pourrait donc avancer que cette image terrifiante du double corps grotesque de Dorian constitue un jalon entre le corps grotesque du Moyen- Âge et la représentation du corps cadavérisé par Beckett. Beckett radicalise la position de Wilde dans la mesure où il n’y a plus d’échappatoire possible : pas de tableau médiateur pour porter les marques du pourrissement à la place du personnage qui peut rester esthétiquement le même. Même sur scène le corps vivant se fait cadavre immédiatement. Wilde laisse, lui, un répit à son personnage grâce au pacte faustien mais n’en est pas moins impitoyable : la condition de l’homme est de devenir déchet et Dorian se le voit rappeler à chaque fois qu’il pose les yeux sur son double. Le pourrissement intérieur du personnage sans que son apparence ne le reflète métaphorise l’hypocrisie du jeu social : A cry of pain and indignation broke from him. He could see no change save that in the eyes there was a look of cunning, and in the mouth the curved wrinkled of the true hypocrite. (CW 158)


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

Pour Wilde, le corps devient déchet lorsque le masque social ne tient plus et la mort reprend alors brusquement ses droits. L’angoisse est en revanche totale chez Beckett car le Beau est définitivement absent. Chez Wilde, on ressent la présence/absence du Beau qui reste une trace, un souvenir, une possibilité qui s’éloigne jusqu’à disparaître chez Beckett. Wilde garde le goût de la célébration esthétique du corps en gloire, au moins au début de Dorian Gray, mais il sait que cela ne peut être qu’un moment. Le corps est voué à se dégrader. Mais l’œuvre dit encore la difficulté à assumer cet état de vieillissement et de dégradation, car Wilde a le culte de la jeunesse et du beau. Il ne peut donc qu’imposer une transformation soudaine et totale du corps beau : la dégradation de la mort s’abat d’un coup sur le personnage alors que toute l’œuvre de Beckett consiste à décrire cette dégénérescence de corps sans cesse rongés par la mort qui les démembre, les disloque, les dégrade. Beckett creuse l’esthétique wildienne de la décomposition, de la déchéance. Chacun peut voir la mort à l’œuvre : vivre, c’est commencer à mourir. L’horreur absolue étant que la mort ne vient jamais mettre fin au pourrissement : le corps

ne

redevient

pas

poussière

mais

demeure

chair

en

décomposition. Le beau n’a plus sa place : il n’y a plus que des corps mutilés, incontinents, affamés. Trois étapes donc. Au Moyen-Âge, la représentation du corps grotesque par Rabelais vise à célébrer la vie, les appétits humains. Le corps se décompose pour mieux renaître : toute mort implique une renaissance, toute destruction, une création : « tout ce qui est achevé,


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

quasi éternel, limité et périmé se précipite dans le « bas » terrestre et corporel

pour

y

mourir

et

y

renaître. »

(Bakhtine

368)

La

représentation du corps grotesque, qui montre la coexistence de la vie et de la mort au sein du même corps, vise à domestiquer l’angoisse de la mort au Moyen-Âge, période marquée par les épidémies et les guerres. Rabelais émaille ainsi ses textes de scènes de ripailles et de procréation, mêlées à des scènes de dégradation du corps, dans une dialectique entre vie et mort. Chez Wilde en revanche, le grotesque est toujours associé à la mort, celle du peintre Basil Hallward en particulier : « There was a stifled groan, and the horrible sound of someone choking with blood. Three times the outstretched arms shot up convulsively, waving grotesque stiff-fingered hands in the air. » (CW 117) Dans The Picture of Dorian Gray, Wilde ne célèbre plus le corps : il partage son texte entre une sublimation de la beauté parfaite de l’éternellement jeune Dorian et la description

sans

concession

d’un

Dorian

s’enfonçant

dans

la

déchéance de l’East End, les différentes apparitions du tableau, de plus en plus immonde, venant relayer ces passages montrant la dégradation de Dorian. Le personnage oscille donc entre le Beau et l’Immonde, sans demi-mesure : son corps se dédouble pour montrer le conflit entre la Vie (le corps charnel) et la Mort (le corps pictural). Le conflit est résolu quand Dorian enfonce le couteau dans son deuxième corps : le pacte est rompu, la Mort triomphe et le processus de dégradation saisit brutalement Dorian. Wilde s’accroche encore à un classicisme qui n’a plus court : le paradoxe du corps de Dorian, à la fois classiquement beau et absolument abject, montre la transition entre le classicisme et le modernisme. L’œuvre de Wilde constitue une


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

transition entre ces deux moments, et donc un jalon menant vers Beckett. Le temps wildien est le temps de l’ironie par rapport à l’esthétique classique : l’expression parfaite du beau classique devient en effet l’image sans concession du corps grotesque. L’illusion ne dure qu’un temps, celui où Dorian est lié au tableau qui l’épargne de la dégradation du temps. Mais ce n’est qu’une illusion, comme l’est tout tableau classique. Certes la peinture de ce corps en gloire va demeurer belle, mais la beauté charnelle, elle, va se dégrader. Le temps de l’ironie est révolu quand Beckett écrit : c’est le moment moderne. Il y a une rupture épistémologique. Vie et mort cohabitent dans le corps du personnage beckettien. Aucune renaissance n’est possible, aucune procréation n’est souhaitable, elle est au contraire source d’angoisse, une angoisse qui ne quitte pas le personnage et le lecteur/spectateur. Si celui-ci était encore indécis, fasciné par l’ambigüité qui émane de Dorian, insolemment beau et en vie, horriblement en décomposition physique et morale, il ne peut qu’être saisi d’horreur à la vue du personnage-revenant, du corps cadavre qui lui est présenté. L’angoisse d’une vie-mort est la condition humaine que dépeint Beckett, quand Wilde décrit la décadence séduisante et répugnante à la fois de son monde. Chez Beckett, la vie ne revient jamais, alors qu’un sursis est accordé chez Wilde : la mort progresse lentement mais surement quand elle fait un retour définitif chez Wilde. Le moi se dédouble puis se réunifie chez Wilde, il demeure à jamais fragmentaire chez Beckett : la destruction entamée par Wilde devient irrémédiable pour Beckett.


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

Que reste-t-il alors si ce n’est la curiosité dont la présence miroite entre vide et plein, deux concepts dont on a vu l’importance dans leurs œuvres : monstrueuse monstration d’êtres anormaux. Ainsi Dorian Gray, en collectionneur, se crée un cabinet de curiosités au chapitre XI. Il accumule les objets rares sans se rendre compte qu’il en est la pièce maîtresse, la plus grande des curiosités, des bizarreries, des anomalies. Chez Beckett ensuite, on entre dans le cabinet de curiosités, il n’y a plus rien d’autre. Les pièces beckettiennes se situent à l’intérieur du cabinet de curiosité, à l’instar du salon d’Endgame peuplé de personnages/bêtes curieuses et d’objets insolites, tels le télescope ou le chien. Etant irrémédiablement seul, car seul à ne pas vieillir, à ne pas évoluer, Dorian est lui curieux de tout face à l’éternité qui, le croit-il, s’annonce devant lui. Aussi cherche-t-il par ce trop plein d’objets à meubler le vide, à échapper à la peur du vide. De même Winnie, dans la pièce Happy Days, se réfugie dans l’exploration de son cabinet de curiosités miniature qu’est son sac à main, se noyant dans le trop-plein d’accessoires pour ne pas voir le vide qui l’engouffre, vide émotionnel d’un mari qui ne lui répond plus, vide physique d’un espace réduit à un monticule. Mais là est le paradoxe car par ce trop-plein d’objets visant à peupler le néant, Dorian et Winnie ne font qu’aviver l’angoisse du vide puisque la curiosité est insatiable. Si Dorian parcourt Londres en vain afin d’assouvir ce besoin de plénitude, Winnie se trouve bornée à l’horizon de son monticule. Mais cette quête est vaine car la curiosité porte en elle-même l’inachevé, l’insatisfaction : la curiosité est vouée à n’être jamais satisfaite : la collection demeure un tout inachevé. Le fantasme de


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

l’œuvre complète est inatteignable. C’est le mauvais infini : il faut répéter ce qu’on l’on atteindra jamais. À savoir la fin, la mort, la disparition. Alors il faut jouer encore, se donner l’illusion qu’il y a une finalité, un but, une issue. Le processus est préféré à la finalité dans les œuvres de Wilde. Il n’y a plus que vanité : le portrait de Dorian Gray en montre le processus, donnant à voir le pourrissement, la décomposition, par la médiation du portrait de Dorian. La curiosité pousse Dorian à regarder le tableau qui se fait vanité : d’abord d’une beauté classique parfaite, le tableau donne à voir le surgissement de la mort qui est sa vérité. De la quête de curiosité de Dorian surgit la mort, dans la sidération de l’instant où il plante le couteau dans le tableau et achève de se détruire. Cet achèvement n’est plus permis chez Beckett : le processus de la décomposition y est aussi représenté mais celui-ci ne trouve pas d’issue. La mort n’advient pas, elle est toujours en train d’advenir. L’œuvre met en scène la dégénérescence de l’humain : la représentation est en décomposition pour exprimer les fêlures de l’être. Les traditions littéraires du double et du masque sont convoquées par Wilde puis par Beckett, certes chacun en lien avec les problématiques de leur époque mais nourries par une même angoisse identitaire. La présence se fragmente alors dans la dualité. Le motif du double s’ajoute à celui du masque pour représenter le paradoxe d’un être qui se décompose en se démultipliant : la schize du moi n’est pas une rencontre avec soi mais un redoublement du manque (d’identité, d’être, de sens). Il faut masquer encore et toujours pour ne pas voir le vide. L’œuvre devient alors une somme en équilibre toujours précaire de contraires : le plein, le rire, le beau, laissent voir la tentation du vide, du désespoir et de la déchéance. La destruction est la condition de la création comme l’absence est la


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

condition

de

la

présence.

Toute

une

œuvre

jaillit

de

ce

questionnement sur la présence aux prises avec l’absence, toute une poétique émane du spectacle de la vie rongée par la mort, tout un texte naît avec d’autant plus de force qu’il émane du rien : la parole surgit si présente qu’elle n’est bientôt plus que tout ce qui demeure face au vide.

Le vide est plein : il faut savoir l’orchestrer. Il faut

accepter la présence des fantômes. L’œuvre wildienne est moderne en cela qu’elle réinvestit les clichés gothiques pour dire l’abject, la présence de l’inhumain dans l’humain, pour interroger le devenir de l’individu, en montrer l’instabilité. Peuplée de figures tourmentées autodestructrices, en fin de lignée, dédoublées, déchirées, elle constitue le creuset de l’esthétique de la décadence et de la dégénérescence qui structure l’œuvre beckettienne. Le texte se déploie dans un entre-deux spectral jusqu’à créer une esthétique du voile qui dit avec force l’impossibilité de délimiter la frontière entre la vie et la mort. Plongé dans un univers crépusculaire, un paysage d’absence lunaire, où la grisaille dissout les barrières entre les êtres, les lieux, les temps, ce personnage spectre est piégé, ni totalement absent à la vie, ni absolument présent dans la mort, ni vraiment là, ni complètement disparu. The Picture of Dorian Gray représente le paradoxe d’une présence dans la disparition, d’une présence qui n’affleure qu’en figurant son envers. Le personnage est un mort-vivant, un fantôme en suspension, en hésitation constante quant à son identité, cadavre vivant qui échoue à mourir, figure de mort en voie d’effacement, fantôme qui s’évanouit, objet immobile, toujours déjà plus là, fossilisé, réifié ou en voie de pourrissement. Sa présence est vacillante : il est là et n’est pas là, il est quelqu’un et un


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

autre, on le voit sans le voir vraiment, pris dans un entre-deux entre vie et mort, en apparence vivant mais obsédé par la mort, encore physiquement présent mais déjà absent au monde. La présence, c’est aussi le magnétisme, le charisme, la force que l’on ressent, la vie. Dorian Gray apparaît dans la disparition, se dissout dans la rémanence, est là ailleurs. Sa présence est dans le vacillement, le scintillement, l’éclair lumineux qui déchire l’obscurité dans la fulgurance d’un instant. Élodie Degroisse

Élodie Degroisse, spécialiste de littérature irlandaise est professeur en Hypokhâgne à Arras. elle est aussi chargée de cours à l’université de Paris IV et à l’Ecole Normale Supérieure de Cachan. elle est l’auteur d’une thèse intitulée Présences paradoxales chez Oscar Wilde et Samuel Beckett et de l’ouvrage The Paradox of Identity: Oscar Wilde’s The Importance of Being Earnest (Paris, PUF/CNED, 2014).

Bibliographie Aquien, Pascal. The Picture of Dorian Gray, Pour une Poétique du roman. Nantes : Éditions du Temps, 2004. Bakhtine, Mikhaïl. L’Œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen-Âge et sous la Renaissance. Trad. Andrée Robel. Paris : Gallimard, « Tel », 1970.


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

Beckett, Samuel. The Complete Dramatic Works. London : Faber and Faber, 2006. Kristeva, Julia. Pouvoirs de l’horreur. Essai sur l’abjection. Paris : Seuil, 1980. Louvel, Liliane. The Picture of Dorian Gray, Oscar Wilde : le double miroir de l'art. Paris : Ellipses-Marketing, 2000. Pittock, Murray G. H. Spectrum of decadence. The literature of the 1890s. London : Routledge, 1993. Wilde, Oscar. The Complete Works. London : Harper Collins, 2003. Ouvrage désigné dans le texte sous l’abréviation CW


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

8. Works in Progress Deux artistes sont actuellement en train de travailler sur des œuvres inspirées par la vie d’Oscar Wilde pour l’une (ou plus exactement par celle de sa femme Constance), par son œuvre pour l’autre (en l’occurrence, Le Portrait de Dorian Gray)

Claire Barré – Madame Wilde Claire Barré est une jeune scénariste. Après une formation de comédienne, elle s’est essayée à l’écriture pour le café-théâtre, la télévision et le théâtre, avant de se diriger vers le scénario et de recevoir en 2014 le prix Sopadin de la meilleure scénariste pour son texte : « Madame Wilde » où elle retrace la liaison qui aurait uni Constance à l’éditeur Arthur Humphreys. Son scénario a été lu le 18 juillet dernier, au Musée Calvé d’Avignon, pendant le festival. Il était interprété par Julie Gayet et Xavier Gallais.


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

Le spectacle a été enregistré par France-Culture et diffusé le dimanche 13 septembre de 21H à 23H.

Les comédiens

Claire Barré


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

Claire Barré nous a fait l’amitié de nous transmettre un court extrait du texte que nous reproduisons ici avec sa permission : 16. INT. TITE STREET/ENTRÉE - JOUR De la porte du salon, Constance voit son mari discuter avec LORD ALFRED DOUGLAS, DIT "BOSIE", un jeune homme extrêmement beau et particulièrement élégant. Quelques mots de leur conversation lui parviennent: "chantage", "scandale", mais les deux hommes s'arrêtent de parler quand ils l'aperçoivent. Oscar prend un sourire de façade. OSCAR Constance, laisse-moi te présenter un jeune poète très prometteur: Lord Alfred Douglas. Constance salue Bosie d'un geste de la tête, mais il lui attrape la main avec chaleur. BOSIE S'il vous plaît, appelez-moi Bosie! (La détaillant.) Oscar n'a pas menti, vous êtes une beauté. Constance baisse le visage, confuse. BOSIE (SUITE) Et puis-je ajouter que vous avez un goût parfait en matière d'homme? Votre mari est exquis. Les deux hommes échangent un bref regard que Constance ne semble pas décrypter. Oscar attrape son chapeau et son manteau. OSCAR Ma chérie, je ne vais pas pouvoir rentrer dîner, finalement. A bientôt. Il s'en va avec Bosie, sous le regard déçu de Constance.


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

Nos remerciements à l’auteur, dont le scénario est bien entendu destiné à devenir un film. Il est en ce moment en cours de traduction en anglais.

Le public à Avignon


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

Paul Keusseyan, (livret) – François Irlès (Musique) – Flawless – La beauté du diable.

Paul Keusseyan a commencé sa carrière en 2004. Passionné de danse et du spectacle sous toutes ses formes, il s’investit dans des projets très différents (théâtre, spectacle musical, cinéma) qui lui permettent de collaborer notamment avec le danseur étoile Patrick Dupond, avec le coach vocal Isabelle Charles ou encore avec le metteur-en-scène Christian Pélissier. Il se lance aujourd’hui dans l’écriture, avec plusieurs projets en cours, tout spécialement le drame musical « Flawless », adaptation du célèbre roman d’Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray. Avec François Irlès, auteur, compositeur et musicien, qui compose pour l’image depuis trente ans, il travaille pour nous présenter, dans un futur proche, une œuvre musicale digne d’Oscar Wilde. Paul Keusseyan déclare vouloir aborder « Le Portrait de Dorian Gray » humblement,

sans

prétention,

connaissance

affirmée

de

l’être

avec

l’esprit

humain

qui

ouvert

et

une

permettra

d’en

comprendre toutes les subtilités. Voici le pitch de ce drame musical qui se déroule de nos jours, à Paris : Pendant la Fashion week, le célèbre créateur de mode


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

britannique Henry Wotton est invité à montrer son premier défilé de haute-couture. Dorian Gray, un jeune et beau mannequin, venu de Londres à Paris pour faire carrière, doit défiler pour lui. Mais, conscient du caractère éphémère de la jeunesse, il forme le vœu qu’une photo de lui, prise par le photographe de mode Basil Hallward, vieillisse à sa place. C’est le début d’un diabolique engrenage, qui transformera Dorian en être maléfique et cruel, dissimulé derrière sa radieuse jeunesse et son éternelle beauté.

Paul Keusseyan et François Irlès

Nous avons le plaisir de vous en proposer un extrait, aimablement communiqué par les auteurs. Il s’agit de la scène 6 et 7 de l’acte III. C’est une scène ajoutée, celle du bal masqué, inspirée du fameux bal masqué du Fantôme de l’Opéra d’Andrew Lloyd Weber. Dorian Gray qui a alors 50 ans, invite sous un faux nom (car plus personne ne souhaite plus le fréquenter depuis longtemps) tout ce


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

que la haute société parisienne compte de personnalités. Après avoir dévoilé sa véritable identité, par mépris pour ces gens qui l’ont rejeté, mais qui ont accepté son invitation sans le connaître par simple vanité, Dorian Gray va dévoiler les secrets les plus sordides et les plus inavoués de certains d’entre eux. En clin d’œil à Oscar, figurent dans l’assistance Lord and Lady Windermere, et Alfred « Bosie » Douglas. Un autre clin d’œil à la littérature anglaise, c’est la présence, parmi les convives, de la Duchesse d’Amalfi, personnage central de la pièce éponyme de John Webster publiée en 1623.

Flawless - Scène 6 Quelques jours plus tard, au grand bal masqué d’Hubert de Bélial en son hôtel particulier. La salle de bal est somptueusement décorée de tentures rouges, de roses noires et d’orchidées blanches. Les invités arrivent peu à peu. Toutes et tous sont richement déguisés et masqués. Ils entrent dans la salle de bal par un triple escalier monumental et par des portes situées sous ce même escalier. Des valets perruqués en tenue du XVIIIème siècle, masqués eux-aussi, sont en haut et aux pieds de chaque escalier pour accueillir les invités. LES INVITES

COUPLET I Qui est donc cet inconnu Que nous ne connaissons pas ? Que nous n’avons jamais vu Et dont on ne parle pas Sur qui aucune rumeur Ne circule dans Paris


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015 Qui nous convie en sa demeure Qui nous invite aujourd’hui En son hôtel particulier Comme un palais imaginaire Qui est ce noble étranger ? Pourquoi faire tant de mystères ?

REFRAIN I Il est peut être parmi nous Derrière ces masques et ces loups Peut se cacher n’importe qui HENRY WOTTON Devinez donc qui je suis ! TOUS

COUPLET II Colombine Arlequin Une princesse de conte de fées Scaramouche Pantalon Un héros de l’Antiquité Sganarelle Cendrillon Une reine maléfique Le Roi Lear Gulliver Un personnage fantastique

COUPLETS III


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015 Un sorcier terrifiant Un vampire, un titan Un seigneur, un courtisan Ou un prince charmant Un demi-dieu, un empereur Un général, un sénateur Un chevalier, un gladiateur La dame de pique ou l’as de cœur Un Don Juan amoureux Angélique ou monstrueux Dracula ou Barbe-Bleue On devient ce que l’on veut

REFRAIN II Derrière ces masques et ces loups Nous pouvons vivre une autre vie Nous pouvons être n’importe où Nous pouvons être n’importe qui Où est le maître de ces lieux ? Peu importe, amusons-nous ! Oui ! Peu importe, amusons nous ! Les valets font entrer deux longues tables nappées de blanc avec des mets et des boissons à profusion. Ils se font servir un verre et se mettent à danser. Il est peut être parmi nous Derrière ces masques et ces loups Peut se cacher n’importe qui


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015 HUBERT DE BELIAL Devinez donc qui je suis !

Scène 7 Hubert de Bélial, entièrement vêtu de noir tel un lord anglais de l`ère victorienne, gilet parsemé de pierreries, long manteau de velours, ganté, canne à pommeau d’argent et avec un masque lui couvrant entièrement le visage

apparait

en

haut

de

l’escalier

central

du

grand

escalier

monumental. Tous les invités se retournent pour découvrir enfin leur hôte. LES INVITES Ooooohhhhh…….

Les invités chuchotent entre eux, se posant mille et une questions quant à son identité. HUBERT DE BELIAL (Descendant majestueusement le grand escalier.) Mesdames et Messieurs, je vous souhaite la bienvenue chez moi et j’espère vraiment que tout est à votre goût. J’ai fait en sorte que vous ne manquiez de rien et je peux vous assurer que cette soirée sera mémorable. En bas des escaliers, Hubert de Bélial s’approche d’une femme et tourne autour d’elle comme un loup autour de sa proie. Elle frissonne. HUBERT DE BELIAL Vous frissonnez Madame ? Craignez-vous quelque chose ? LA FEMME (Inquiète.) Non… Ce n’est rien, Monsieur… J’ai juste un peu froid… un courant d’air, certainement…


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015 HUBERT DE BELIAL (Aux valets.) Nous allons remédier à cela. Allons, Messieurs ! Fermez-donc les portes ! Je ne voudrais pas que Madame soit malade en quittant ma maison. Les valets s’exécutent et ferment les portes qui claquent lourdement. Les invités sursautent. Hubert de Bélial se dirige vers Henry Wotton pour le saluer. HUBERT DE BELIAL Henry Wotton ! Quel honneur vous me faîtes de vous être libéré pour me rendre visite ! Je vous en remercie infiniment. Que seraient la mode et l’esthétique sans vous ! HENRY WOTTON (Ayant reconnu Dorian Gray. Un sourire complice.) Elles seraient bien des choses sans moi mais certainement pas ce qu’elles sont aujourd’hui. Monsieur, votre demeure est un véritable enchantement et sachez que j’éprouve un réel plaisir à être là ce soir en votre compagnie. HUBERT DE BELIAL Je le sais, mon cher. Je le sais. A Basil Hallward. Monsieur Hallward. Le grand Basil Hallward ! Vous avez trouvé le temps d’être là ce soir ? C’est très aimable à vous, surtout quand on sait que vous vous rendez rarement disponible. BASIL HALLWARD Il ne faut point trop écouter les rumeurs. Je suis toujours disponible pour ceux qui me sont chers et ceux qui m’en font la demande. HUBERT DE BELIAL Ceux qui vous sont chers, dîtes-vous ? C’est charmant… Tout Paris parle de la prochaine rétrospective de votre travail qui sera présentée à Londres ; trente ans


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015 de photographie, c’est impressionnant. Je vous en félicite. Vous allez bientôt quitter la France ? BASIL HALLWARD Monsieur… je dois partir dès demain et c’est pour cela que je devrais malheureusement vous quitter assez tôt. Mais je vous remercie de m’avoir invité et si vous le souhaitez, ce serait un honneur pour moi que de vous photographier. HUBERT DE BELIAL Ne vous donnez pas cette peine. Il existe bien trop de photos de moi. Une de plus serait inutile. (Survolant du regard toute l’assemblée.) C’est étrange, je ne vois pas Monsieur Gray. Pourtant, il a dû recevoir mon invitation. Monsieur Hallward, je crois savoir que vous êtes l’un de ses intimes. Savez-vous s’il viendra ? Je serai terriblement navré de ne pas le rencontrer. BASIL HALLWARD (Un soupçon de tristesse passe dans ses yeux.) Cela fait bien longtemps que nous ne nous voyons plus et je n’ai plus de nouvelles de lui depuis des années. HUBERT DE BELIAL (Feignant le dépit.) Comme c’est triste. Je me faisais une telle joie. Cette nuit sera moins belle sans lui. LA FEMME (Celle qui frissonnait.) Il a plu à Dieu qu’il ne soit pas ici parmi nous et tant mieux. Personne ne souhaite plus sa compagnie et tout Paris l’a banni de ses mondanités. Nous n’avons nul besoin de la présence de ce mécréant et de ce débauché. LES INVITES Oooohhhh….


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015 HUBERT DE BELIAL (Se retournant.) Croyez-vous Madame ? Il retire alors son masque. Reconnaissant Dorian Gray, elle pousse un cri d’effroi et faillit s’évanouir dans les bras de son mari. Les autres invités reculent de quelques pas. GRAY (Riant avec dédain.) Regardez-vous ! Vous êtes si prévisibles. Il suffit seulement de flatter votre vanité pour que vous en oubliiez votre fierté et vos principes. S’approchant de la femme qui faillit s’évanouir et qui s’évente avec son éventail afin de reprendre ses esprits. Lady Windermere, comment vous sentez-vous ? LADY WINDERMERE (Avec froideur.) Très bien merci. DORIAN GRAY Dîtes-moi Milady, on dit que vous avez voulu fuir votre époux avec ce cher Lord Darlington… LORD WINDERMERE (Déguisé en général napoléonien, dégainant son épée.) Monsieur, je vous interdis… Dorian Gray pare l’épée de Lord Windermere avec sa canne. Et en appuyant sur un bouton caché dans le pommeau, une fine lame surgit de son extrémité. DORIAN GRAY Soyez prudent milord. Si vous voulez être aveugle sur l’infidélité de votre femme soit, mais je ne voudrais pas vous crever les yeux pour cela. Sachez que votre épouse vous est restée fidèle seulement pour conserver son rang. Il aurait suffi qu’il ait votre fortune et elle vous aurait quitté pour le jeune Darlington. Elle vous


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015 a sauvé du scandale non pas par amour mais par lâcheté ! (Abaissant l’épée de Lord Windermere avec sa canne.) Vous devriez me remercier Monsieur ! Le mari étant toujours le dernier à soupçonner l'infidélité de sa femme, considérez que je vous ai rendu service : maintenant vous le savez. Lady Windermere s’évanouit pour de bon dans les bras de son époux. UNE FEMME DANS L’ASSEMBLEE Que nous voulez-vous enfin ? Dorian Gray se dirige vers la femme qui a parlé, déguisée en dame d’honneur de la Reine Marie-Antoinette. DORIAN GRAY Cette chère duchesse d’Amalfi ! Quelle beauté ne trouvez-vous pas ? Regardez ces formes généreuses, ces lèvres pareilles à des cerises, si savoureuses, qu’on éprouve le désir d’y goûter et ce décolleté à faire déserter une légion entière… LA DUCHESSE D’AMALFI Monsieur, je vous en prie !! DORIAN GRAY C’est ce que vous dîtes à votre frère Ferdinand, quand il s’invite sous vos draps ? La duchesse, rouge de honte et de colère, gifle violemment Dorian Gray. Dorian Gray saisit la duchesse par les cheveux à l’arrière de la tête qui pousse un cri, effrayée.

Madame, ne vous cachez pas derrière le masque de la femme outragée, cela vous va si mal. Il repousse brutalement la duchesse, qui s’effondre à terre.


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015 DORIAN GRAY Saviez-vous ma chère, que ce cher Ferdinand était si obsédé par vous, qu’il est venu un soir chez moi me demander conseil. Lorsqu’il a frappé à ma porte, il tremblait de tous ses membres comme s’il était sous l’emprise d’une drogue ; il tremblait tant et si fort que cela a pris un temps infini à le calmer. Mais son désir de vous posséder était si grand, qu’il m’a offert la seule fierté qui lui restait : sa virilité. Afin de taire sa honte et son déshonneur, je lui ai demandé d’intercéder pour moi auprès de vous lors d’une des absences répétées d’Antonio, votre mari. Fou de jalousie, voyant que vous cédiez à mon bon plaisir, il vous a menacé de tout dévoiler à votre époux, alors vous vous êtes donnée à lui sans retenue. LA DUCHESSE D’AMALFI Vous êtes ignoble ! Vous nous avez dupés ! DORIAN GRAY Allons Madame, chacun de nous porte en soi le Ciel et l’Enfer et à chacun de nous, la liberté de choisir lequel aura notre préférence. Maintenant, relevez-vous ! Vous vous ridiculisez. La duchesse d’Amalfi, désemparée, se relève avec l’aide de certains des invités et se met à l’écart à l’abri des regards. UN HOMME DANS L’ASSEMBLEE (Une voix jeune mais puissante.) Cela suffit, Monsieur Gray ! DORIAN GRAY Et bien Monsieur ! Montrez-vous ! L’homme s’avance vers Dorian Gray et se démasque. C’est un jeune homme au physique très agréable, assez musclé dont le visage a encore les traits de la jeunesse sans avoir totalement les traits d’adultes. Dorian Gray reconnait immédiatement son ancien amant, l’amour de sa vie, Alfred Douglas dit « Bosie ».


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015 Bosie ? C’est bien toi ? Que fais-tu ici ? Je te croyais encore à Naples… BOSIE Un de mes amis – oui mon cher, j’en ai encore quelques-uns, malgré tout tes efforts – un de mes amis disais-je, m’avait informé qu’un certain Hubert de Bélial organisait une soirée apparemment somptueuse pour ses cinquante ans. Tu le sais mieux que personne, tout le monde se connait dans ce qu’on appelle le «Grand Monde » qui est finalement si petit. Mais personne n’avait jamais entendu parler de ce gentleman. Et immédiatement, j’ai compris qu’il n’y avait que toi qui pouvais être capable de t’approprier le nom d’un démon pour tromper tes invités et les attirer entre tes griffes. Je dois bien reconnaître que tu es très fort et que j’ai failli m’y laisser prendre. Tu as choisi le démon qui te va comme un gant : beau dans l’apparence mais le cœur monstrueux et l’âme avilie. DORIAN GRAY (Riant.) Je suis flatté et je peux dire, ému, que tu reconnaisses mon talent et toutes mes qualités. (S’approchant très près de Bosie, jusqu’à l’effleurer de sa bouche.) N’oublies pas que ce sont ces qualités même qui t’ont attirées irrésistiblement à moi. (Redevenant sérieux et grave.) Je t’ai aimé follement mais tu as été plus lâche et ingrat que toutes celles et ceux réunis dans cette salle. J’ai fait de toi ce que tu es aujourd’hui et ta réussite fut mon cadeau pour toi mais au lieu de m’en remercier, tu me l’as jeté à la figure et tu m’as repoussé comme un vulgaire manant. Dis-moi Alfred, tu es rentré de Naples seulement pour me dire cela ou peut-être as-tu une chose à me demander ? BOSIE (ALFRED) Rien de tout cela. Rassure-toi, je ne m’attarderai pas plus longtemps sous ton toit mais je suis seulement venu pour te dire que tu es la plus grande force pour le Mal qui soit apparue en Europe au cours des quatre siècles passés. Je me suis sauvé à temps mais je regretterai toute ma vie d’avoir croisé ton chemin.


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015 DORIAN GRAY (S’approchant de nouveau très près de Bosie et souriant cruellement.) Tu n’as absolument aucune idée de ce que peuvent être les forces du mal. Mais puisque tu es venu de si loin pour cela, je vais te les présenter. BASIL HALLWARD (S’approchant de Dorian Gray.) Dorian, je t’en conjure ! Dis-moi ce qu’il se passe ici ! DORIAN GRAY Ouvre bien grand grands les yeux mon cher Basil, tu vas vite le savoir. Mesdames et Messieurs ! Que la fête commence !

Nos remerciements aux auteurs.


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

9 – The critic as artist Le crime du comte Neville Par Amélie Nothomb Le dernier roman d’Amélie Nothomb, écrivaine Belge bien connue, adresse un clin d’œil à Oscar Wilde. Son titre, « Le crime du comte Neville » annonce tout de suite la couleur. Il reproduit presque mot à mot celui de la nouvelle de Wilde : « Le crime de Lord Arthur Savile ». Un comte au lieu d’un lord (les lords ne fleurissent pas en Belgique), et Savile devient Neville en un petit jeu sur l’euphonie du nom. La ressemblance ne s’arrête pas là. Regardons un peu l’intrigue : un aristocrate va se voir contraint de tuer un de ses invités pendant la réception qu’il doit donner en son château, pour se conformer au destin qu’une voyante lui a prédit. Par devoir, en quelque sorte. Ça ne vous rappelle rien ? (la nouvelle d’Oscar Wilde est sous-titrée : « Étude sur le devoir »). Chez Wilde, le voyant s’appelle Septimus Podgers. Chez Nothomb, il a changé de sexe et se nomme Rosalba Portenduère1. Seules, les deux premières lettres du nom sont communes, mais la prophétie est la même, et la réaction des deux hommes désignés par le destin, presque similaire. Lord Arthur commence par établir une liste des personnes qu’il pourrait supprimer. Henri Neville fait la même chose : « Henri s’installa à son bureau et compulsa la liste des invités du 4 octobre (…) Il cocha au On trouve ce patronyme chez Balzac (Gobseck, ou Ursule Mirouet, où celle-ci est amoureuse du vicomte de Portenduère), Balzac est un des auteurs favoris de Wilde, au point qu’il aura pu dire « La mort de Lucien de Rubempré est le plus grand drame de ma vie. C’est un deuil dont je n’ai jamais pu complètement me remettre ». 1


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

crayon chaque nom qu’il exécrait » (p.55). Malheureusement, comme pour Arthur, les candidats choisis ne font pas l’affaire, et voici le malheureux Henri, contraint à assassiner… ? C’est là qu’Amélie Nothomb fait prendre à son intrigue une orientation différente de celle de Wilde, auquel elle avoue d’ailleurs ouvertement son emprunt : « Neville préféra se rendre à la librairie du village. Sur le catalogue Folio, il repéra le titre d’Oscar Wilde ; « Le Crime de lord Arthur Savile. Le libraire en possédait un exemplaire. De retour chez lui, Henri s’isola avec le livre qu’il dévora. Dans sa jeunesse, il l’avait lu avec hilarité : il comprenait à présent la gravité de cette affaire. ». Autre référence codée, l’héroïne de cette œuvre courte s’appelle « Sérieuse ». Drôle de prénom pour une jeune fille ? Oui, mais… Wilde est passé par là (Earnest ? Vous avez dit « Earnest » ?). Le dernier roman d’Amélie Nothomb – à mon avis, bien inférieur à celui qui l’a inspiré - n’est certes pas un plagiat de la nouvelle de Wilde, même si le point de départ est le même. Il est assurément un hommage à un auteur que Nothomb apprécie grandement, si l’on en croit cette déclaration à un journal belge : « Oscar Wilde est pour moi le plus grand écrivain qui soit. C’est comme un suprême devin de l’art. Je me disais que ce devait être intéressant d’entrer dans sa structure narrative et de voir ce qu'il en ressortirait. Mon pari était en quelque sorte de tomber enceinte d’Oscar Wilde ! » Danielle Guérin-Rose Amélie Nothomb – Le crime du comte Neville – Albin Michel – août 2015


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

10 – Le Roi et le Chevalier, un conte irlando-suédois Par David Charles Rose (traduction Danielle Guérin)

Ce qui suit est destiné à trouver un semblant de vérité dans le folklore wildien. I. ‘… Les parents d’Oscar Wilde rencontrèrent pour la première fois le roi Oscar de Suède, alors Duc d’Östergötland, pendant un voyage en Suède. C’était quelques temps avant la mort d’Oscar, et l’extraordinaire impression produite sur la poétesse irlandaise, Speranza, par le prince poète qui allait devenir roi de Suède, trouve un écho dans la ressemblance qu’on peut remarquer entre le fils qui allait naître et son bienveillant parrain. Dans une biographie de lui-même que le Roi Oscar m’envoya pendant mon séjour à Stockholm, je trouvai, parmi d’autres portraits, un de lui jeune-homme, qui ressemblait beaucoup à Oscar Wilde, à peu près au même âge. L’ouvrage en question est Konung Oscar, du Dr Josef Linck, publié par Adolf Bonnier, Stockholm, et le portrait auquel je me réfère se trouve à la page 39 de ce volume.’ Robert Harborough Sherard: Twenty Years in Paris, being Some Recollections of a Literary Life. London: Hutchinson 1905 p.452n.

La

version

est

assez

séduisante,

mais

peu

claire.

Le

Duc

d’Östergötland succéda à son frère Charles XV (né en 1826), quand celui-ci mourut le 18 septembre 1872, comme Roi de Suède et de Norvège, sous le titre d’Oscar II. Le père de Charles (ou Carl) et d’Oscar II, était Oscar 1er, qui régna de 1844 à 1859. Il semble que Sherard confonde les deux Oscars. II - Sir William Wilde [...] fut l’inventeur de l’opération de la cataracte qu’il pratiqua sur le Roi Oscar de Suède, ce pour quoi il reçut l’Ordre de l’Étoile Polaire.’


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015 Vyvyan Holland: Introduction to the 1966 edition of Oscar Wilde: The Complete Works, reprinted in the Centenary edition, Glasgow: HarperCollins 1994 p.7 et cité par Melissa Knox: Oscar Wilde, A Long and Lovely Suicide. New Haven & London: Yale University Press 1994 p.4.

La référence porte ici sur Oscar Ier, et c’est une version condensée de ce que Holland avait écrit dans Son of Oscar Wilde (London: Rupert Hart-Davis 1954 pp.19-20):1 ‘En 1854, mon grand-père lut dans une revue médicale que le roi Oscar 1er de Suède était aveugle depuis quelques années. On décrivait les symptômes de son mal : s’il ne pouvait discerner la moindre forme, il pouvait non seulement distinguer la différence entre la lumière et l’obscurité, mais aussi certaines couleurs. Il ne s’agissait donc pas là d’une affection du nerf optique, et obéissant à une de ces impulsions dont il était coutumier, le Dr. Wilde écrivit au roi, lui laissant entrevoir qu’il pourrait peut-être faire quelque chose pour lui. Le Roi de Suède, désespéré par sa cécité, devait naturellement s’intéresser à tout ce qui pouvait lui permettre le moindre espoir de guérison. Mon grand-père se rendit donc à Stockholm, où il diagnostiqua immédiatement une cataracte et pratiqua l’opération. Lorsque les pansements furent enlevés et que le roi constata qu’il avait recouvré la vue, il en éprouva, bien entendu, une immense gratitude. Puis, on en vint à la question des honoraires. À contre-cœur, sans doute, mon grand-père refusa d’en accepter sous prétexte que toute l’expédition avait été entreprise sur sa propre suggestion. Ne sachant alors comment montrer sa reconnaissance de façon effective, le roi demanda au docteur s’il pouvait faire quelque chose pour lui, à quoi mon grand-père répondit : « Je viens tout juste d’apprendre que ma femme a donné naissance à un fils et je serais très honoré si Votre Majesté voulait consentir à être son parrain. » C’est ainsi que le Dr. Wilde regagna l’Irlande, n’en rapportant qu’un nom à donner à son fils. Trois ans plus tard, le roi Oscar conféra à mon grand-père l’ordre suédois de l’Étoile Polaire’.

1

En français : « Fils d’Oscar Wilde », Flammarion, 1955.


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

Il existe de nombreuses confusions entre les deux narrations. Quelles qu’aient

été

l’habilité

personnelle

du

docteur

Wilde,

ou

les

améliorations apportées par ses soins à l’opération de la cataracte, il n’en est certainement pas l’inventeur. Celle-ci est le fait de Jacques Daviel (1696–1762), qui la pratiqua pour la première fois en France, en 1747. En outre, il semble assez étrange que Wilde se soit rendu en Suède à une date si proche de l’accouchement de sa femme (16 Octobre). La mention ‘trois ans plus tard’ est aussi sujette à caution. Oscar est mort le 8 juillet 1859, et en réalité, l’Ordre de l’Étoile Polaire a été conférée à Wilde en 1862, par Charles XV. Plus encore, il semble n’y avoir aucune évidence d’une visite de William Wilde en Suède, en 1854. Il se peut que Vyvyan Holland ait consulté l’ouvrage de Patrick Byrne : The Wildes of Merrion Square (London: Staples), qui a été publié avant Son of Oscar Wilde. Byrne situe la visite à Stockholm (en compagnie de William et Jane Wilde) en Août/Septembre 1858; le couple se rendit à Uppsala où William reçut un diplôme honorifique. Nulle mention n’est faite d’une opération sur le roi. Curieusement, un biographe antérieur, Horace Wyndham, date cette même visite scandinave, intégrant l’Étoile Polaire et le diplôme d’honneur, mais non pas le Roi, de l’année 1851, ou du début 1852, la décrivant comme une lune de miel tardive – Les Wilde s’étaient mariés le 21 novembre 1851 (Speranza.

London: T.V. Boardman

1951 p.46). Un livre plus substantiel sur Speranza, Mother of Oscar: The Life of Jane Francesca Wilde (London: John Murray 1994), de Joy Melville, offre une version plus étayée. Melville recherche les contacts suédois


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

de Speranza et mentionne qu’elle a visité la Suède ‘à plusieurs reprises’ (p.69), replaçant la première de ces visites à l’automne (et non pas en Août) 1858, et ajoutant que ‘le renom de William comme archéologue transforma leur voyage en tournée royale. On le couvrit d’honneurs [...]’ (p.72).

Sans doute s’agit-il ici d’une exagération

Wildienne. Une autre visite eut lieu en 1859, puis encore en octobre 1861. C’est là la dernière visite enregistrée par Melville qui ne prête pas foi à l’histoire de l’opération du roi. Melville confirme aussi que c’est en 1862 que William reçut sa distinction, probablement in absentia. (Un livre encore plus documenté sur Speranza, l’ouvrage de Sasha Tipper : A Critical Biography of Lady Jane Wilde, 1821?-1896, Irish Revolutionist, Humanist, Scholar and Poet. (Lampeter: Edwin Mellen Press 2002) ne mentionne pas la Suède du tout.) Parmi les biographies d’Oscar Wilde auxquelles Vyvyan Holland pourrait avoir eu recours, figurent par exemple celles de Frank Harris (Oscar Wilde: His Life & Confessions. New York: The Author 1916), Hesketh Pearson (The Life of Oscar Wilde. London: Methuen 1946), Lewis Broad (The Friendships and Follies of Oscar Wilde.

London:

Hutchinson 1954). Aucune d’entre elles ne parle de l’épisode Suédois mentionné par Vyvyan Holland en 1954. On peut donc supposer que Holland s’est appuyé sur les enjolivements de Sherard. L’histoire a été néanmoins reprise, en 1976, par H. Montgomery Hyde: On a longtemps cru à Dublin que le choix d’Oscar comme premier de ses noms de baptême, avait été dicté par le fait que Sir William Wilde était intervenu professionnellement auprès du Roi Oscar Ier de Suède, sur lequel il pratiqua l’opération de la cataracte, et qui devint le parrain de son fils cadet. (London: Eyre Methuen 1976 p.6.)


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

En tant qu’originaire d’Ulster, Hyde était bien placé pour savoir que les potins de Dublin se basent souvent sur des « on dit », et le « fait » en question n’est même pas repris par Frank Harris. Tournons-nous donc vers Ellmann.

Nous trouvons ici un mélange

éclectique. Ellmann affirme que les Wilde se sont rendu une seule fois en Suède, en 1862, à l’invitation du Gouverneur d’Uppsala, et c’est là que l’Ordre de l’Etoile Polaire fut conférée par le gouverneur à son hôte. (p.11). Ceci, comme je l’ai montré, n’est confirmé par aucune des autorités citées plus haut. Ellmann introduit une variation entièrement nouvelle : Des rumeurs circulèrent selon lesquelles, pendant son séjour en Suède, Wilde avait opéré l’œil du roi Oscar, et profité de la cécité temporaire du souverain pour séduire la reine. Cette rumeur digne de Boccace fut assez largement répandue pour que le prince héritier Gustave, en visite à Dublin, prétendît en badinant être le demi-frère d’Oscar Wilde. (p.11n) Dans l’édition française d’Ellmann (p.26), cette note de bas de page est intégrée au corps du texte, lui conférant plus de poids. Il faudrait réécrire la définition que le dictionnaire donne du mot « badin » pour l’appliquer à quelqu’un qui annonce que son père est un mari trompé et sa mère une femme adultère. Dans tous les cas, en rattachant cette histoire à la visite de 1862, Ellmann a posé plus de questions qu’il n’a donné de réponses. Le roi Oscar Ier, comme je l’ai dit, est mort en 1859; et le prince héritier Gustave (qui devint par la suite le roi Gustave V) était le fils d’Oscar II, non d’Oscar Ier. Bien plus, il était né en 1858, et une visite à Dublin avant son accession au trône en 1907 semble improbable. Oscar Ier avait aussi un fils


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

nommé Gustave, mais il ne fut jamais prince héritier et mourut en 1852. Si l’on s’adresse aux sources Suédoises, la connexion Wilde a été pleinement explorée par Walter Nelson (Oscar Wilde in Sweden. Dublin: Dublin University Press 1965; Oscar Wilde and Sweden, A Summing Up. Lund: Bloms i Lund Tryckeri 2000). Nelson confirme seulement la visite de 1859 et la publication de la nomination au journal official du 16 Janvier 1862. Sur quelles bases reposent ces narrations ? Ellmann maintient son conte ridicule, se contentant d’ajouter : Les Wilde rencontrèrent une fois la famille royale à Uppsala31, mais les archives royales n’offrent aucune preuve que Wilde ait opéré le roi. Ni que celui-ci ait accepté d’être le parrain d’Oscar Wilde’ (ibidem). 31

fait référence à la source d’Ellmann – note de bas de page p.556 –

lettre de Speranza à Lotten von Kraemer, datée sans aucun doute de 1862 et, moins certainement de Novembre – Copie de the National Library of Ireland. Les biographes postérieurs, comme Barbara Belford (Oscar Wilde: a certain genius. New York: Random House 2000) et Neil McKenna (The Secret Life of Oscar Wilde. London: Century/Random House 2003) ne font aucune référence à ce méli-mélo. Pareillement, en France, avant Ellmann, ni Jullian (Oscar Wilde.

Paris: Perrin 1956) ni Langlade

(Oscar Wilde, ou La Vérité des Masques. Paris: Mazarine 1987) ne s’en font l’écho; pas davantage Maud de Belleroche (Oscar Wilde, ou, L’Amour qui n’ose dire son nom. Lausanne: Pierre Marcel Favre 1987).


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

L’exception qui confirme la règle est celle de Léo Lack qui affirma rondement qu’Oscar doit son premier prénom au roi de Suède Oscar 1er : « il doit son nom au roi de Suède Oscar 1er » (‘Wilde, le Proscrit’, avant-propos

au

Fantôme

de

Canterville

et

autres

moralités

fantastiques. Paris: Bibliothèque Marabout 1972 p.7). Pascal Aquien, pour sa part, (Oscar Wilde, Les mots et les songes; Croissy-Beaubourg: Éditions Aden 2006) cite le passage puisé dans Vyvyan Holland, avec une addition en guise d’avertissement : ‘La fin de l’histoire est belle; il n’est pas sûr qu’elle soit authentique’. David Charles Rose


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

11. Bibliographie Le sphinx sans secret, Eau forte. « Le Sphinx sans secret » parut pour la première fois en mai 1887, sous le titre de « Lady Alroy ». Titre

Éditeur

Date

En français Le sphinx sans secret

Le sphinx sans secret

A. Fayard

Editions De Saint Mont

1961

2012

En anglais The Sphinx without a secret – The Model Millionaire – The Canterville Ghost

Privately printed

1904

The Sphinx whitout a secret

Red door audiobooks (narrateur Cathy Dobson)

2004


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

The Sphinx without a secret

HarperCollins

2009

The Sphinx without a Secret

Naxos Audio Books

2013

The Sphinx without a secret

Harper Perennial Classics

2014

En allemand

Die Sphinx ohne Geheimnis

Diogènes Verlag

1970


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

Diogenes

1981

En Espagnol

La esfinge sin secreto

La esfinge sin secreto 1891

1945

Create Space

En Italien

2014


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

La sfinge senza segreti

Alphaville Edizioni

Illustration : Robert Geary

2011

Illustration : David Roberts


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

12. Personnages secondaires Stewart Headlam

Prêtre anglican, pionnier du socialisme chrétien, Stewart Headlam joua dans la vie d’Oscar Wilde un rôle limité dans le temps, mais qui n’en est pas moins remarquable. Né à Liverpool le 12 janvier 1847, Headlam était le fils d’un évangéliste chrétien. Après des études à Eton, il rejoignit Cambridge où il reçut l’enseignement du prêcheur radical Frederick Maurice, qui croyait que Dieu remplacerait « une société compétitive et injuste par un ordre social coopératif et égalitaire. » Inspiré par la philosophie de Maurice, Headlam était déterminé à agir pour réduire la souffrance des classes prolétariennes. En 1873, il devint curé de l’église St Matthews, à Bethnal Green, un quartier défavorisé de l’est londonien. Ses sermons s’en prenaient toujours au fossé qui séparait les riches et les pauvres. À ses yeux, Jésus-Christ était un révolutionnaire. En 1877, il fonda la Guilde de St Matthews, qui est considérée comme la première

société

socialiste

anglaise.

Ses

théories

subversives


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

déplaisaient bien sûr à sa hiérarchie qui le renvoya de sa cure l’année suivante. Privé de paroisse, il n’en continua pas moins sa campagne contre la richesse, qu’il considérait comme un vol incompatible avec le christianisme. Il prit un malin plaisir à choquer les conservateurs anglicans en pratiquant tout ce qu’ils détestaient, en particulier, la révolution sociale, la danse et le théâtre. C’est cet homme qui, en 1895, se rangea aux côtés d’Oscar Wilde en se portant volontaire pour payer la moitié de sa caution. Il ne l’avait jamais rencontré, mais il avait suivi sa carrière avec intérêt et sympathie. En outre, il connaissait plusieurs des artistes appartenant au cercle Wilde. Il les côtoyait au Crown Pub, sur Charing Cross Road, qu’il fréquentait avec son ami Selwyn Image, où il jouissait de la compagnie de ballerines et de poètes comme Ernest Dowson, Arthur

Symons,

ou

Lionel

Johnson.

Ces

intellectuels

étaient

fréquemment invités dans les parties qu’il donnait dans son élégant appartement de Bloomsbury, réunions qui, selon Edgar Jepson, marque

les

débuts

du

célèbre

Bloomsbury

Group,

auquel

appartinrent Virginia Woolf et sa sœur Vanessa Bell. C’est Image qui lui suggéra d’aider Wilde en payant une partie de sa caution, soit £ 1250,1 la seconde moitié étant réglée par Lord Douglas de Hawick, le frère aîné de Bosie. Headlam avait été indigné par la violence des attaques portées contre Wilde dans la presse. Il éprouvait de la compassion pour lui, et son comportement dans le box des accusés l’avait impressionné.

La totalité de la caution avait été fixée par le Baron Pollock, Baron de la Cour de l’Echiquier, à £5000. Wilde devait en fournir personnellement 2500 et trouver deux sûretés de £ 1250. 1


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

« Je me suis porté caution, non pour son personnage, mais pour sa comparution devant la Cour pour affronter son procès. Ma confiance en son honneur et en sa virilité a été pleinement justifiée par ce fait : il est resté en Angleterre et a fait face à son procès, malgré toutes les incitations contraires. » 1 Headlam était bien conscient que son soutien à Wilde l’exposerait à des critiques. Il ne s’attendait pas cependant à la violence des réactions de certains excités qui s’attaquèrent à son logement du 31, Upper Bedford Place, à coup de pierres. Cette agression ne détourna pas Headlam de ses nobles intentions à l’égard de Wilde. Avec More Adey, c’est lui qui alla le chercher chez les Leverson, où Oscar avait trouvé refuge, pour l’accompagner au tribunal au moment du dernier procès. Il continua à soutenir Wilde sans défaillir pendant son emprisonnement en signant la pétition initiée par Shaw pour demander une libération anticipée. Il signa toutefois sans se faire d’illusions sur leurs chances de succès : « Shaw et moi la signeront, dit-il, mais nous sommes deux originaux notoires, et nos noms suffiront à réduire la pétition à une absurdité, et à faire à Oscar plus de mal que de bien ». Le 19 Mai 1897, Wilde va enfin être libéré après deux ans de prison. Headlam l’attend à la porte de Pentonville avec More Adey, dans un fiacre aux rideaux tirés, pour l’emmener jusqu’à son appartement de Bloomsbury. Il y passera six heures, avec les Leverson, avant de quitter l’Angleterre pour toujours. Il a pu changer de vêtements et se restaurer. À Headlam, il a parlé de Dante et des religions dont il dit Il exprima cette opinion dans le journal « Church Reformer » du 1er juin 1895, dont il était l’éditeur. 1


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

les avoir toutes examinées, concluant : « Le catholicisme Romain est la plus grande et la plus romantique de toutes. » Puis il quitta la maison de Headlam en compagnie de More Adey, pour gagner Newhaven et prendre le bateau de 16H pour Dieppe. Il ne semble pas qu’il y ait eu un échange de lettres entre les deux hommes, ni qu’ils se soient revus par la suite. Mais Wilde lui fit parvenir une copie de « La Ballade de la Geôle de Reading ».1

Sur la vie de Stewart Headlam, on peut consulter : Stewart Headlam : a biography, par F.G Bettany, J. Murray, 1926. 1


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

13 Mad Scarlet Music Oh, Ernest! de Robert Hood Bowers et Francis DeWitt Par Tine Englebert

Oh, Ernest! a été la première de plusieurs adaptions de The Importance of Being Earnest (1895) sous la forme de “comédie musicale”. Cette œuvre en deux actes, sur une musique de Robert Hood Bowers et lyrics et livret par Francis DeWitt a été produite à New York, le 9 mai 1927 au Royale Theatre. L’adaptation musicale recueillit une presse désastreuse dès le lendemain. Les critiques n’apprécièrent pas l’adaptation de Francis DeWitt. Justin Brooks Atkinson, le plus influent critique de théâtre de son temps selon le Times, écrivait dans le New York Times: “From almost any point of view it seems to be below the average of musical comedies.” [À presque tout point de vue, cela semble en-dessous de la moyenne des comédies musicales]. Il a comparé l’œuvre à une danse de mort sur le couvercle d’un cercueil. The Brooklyn Daily Eagle ne fut pas tendre non plus avec cette adaptation. Sous le titre “A Silk Purse and a Sow’s Ear” (Un sac à main en soie, et l’oreille d’une truie) Arthur Pollock en soulignait les lacunes par rapport à l’original, dans lequel il voyait une comédie délicate et pleine d’esprit. Mais ce n’était pas le cas d’Oh, Ernest! La différence entre la comédie musicale et son original était incommensurable. La plupart des phrases de Wilde étaient

intactes. Mais elles avaient perdu leur éclat comme un


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

champagne éventé qui a perdu ses bulles. Au contraire Pollock aimait la bonne musique conventionnelle de Robert Hood Bowers, un compositeur pour le théâtre musical dans la première partie du vingtième siècle.

Robert Hood Bowers & George Gershwin Robert Hood Bowers (Chambersburg, Pennsylvania, le 24 mai 1877 – New York, le 29 décembre 1941) était un compositeur américain, chef d’orchestre et directeur musical d’opérettes, comédies musicales, et directeur musical pour la radio. Bowers a étudié au Franklin & Marshall College à Lancaster, en Pennsylvanie et a reçu une éducation musicale approfondie. En 1903, il a collaboré avec le librettiste et parolier Raymond Peck sur la partition de Rubes And Roses, qui a brièvement été joué à La Salle Theatre de Chicago. L’année suivante, il fait ses débuts à Broadway, en collaboration avec Richard Carle pour The Maid And The Mummy. Dès lors, il a contribué à plusieurs partitions, ou à des chansons occasionnelles, à un certain nombre de spectacles de qualité variable, y compris The Vanderbilt Cup (1906), The Hoyden (1907), Mary’s Lamb (1908), The Silver Star


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

(1909), The Wife Tamers (1910, Chicago), A Certain Party (1911), The Red Rose (1911), The Spring Maid (1911), The Rose Maid (1912), East is West (1919) et A Lonely Romeo (1919). Sa chanson la plus célèbre, The Moon Shines On The Moonshine (écrit avec Francis DeWitt), a été interprétée par une ancienne vedette des Ziegfeld Follies, Bert Williams, lors de sa dernière apparition à Broadway dans la revue Broadway Brevities Of 1920. Après une absence de quelques années, Bowers connut son dernier spectacle à Broadway avec Oh, Ernest!. Il a composé la musique de quelques films muets populaires, parmi lesquels A Daughter of the Gods (1916) d’Herbert Brenon et Aloma of the South Seas (1926) de Maurice Tourneur. La musique qu’il composa pour A Daughter of the Gods, qui était le film le plus onéreux produit jusqu’alors, a été écrite spécialement pour le film, ce qui était inhabituel à cette époque. La partition a été explicitement mentionnée dans les publicités pour le film et a été décrite en 1921 comme la plus mémorable jamais écrite jusqu'alors, et comme un moment fort de la bande sonore. Bowers a également dirigé des orchestres à la radio et dans les studios d’enregistrement. Pendant les cinq dernières années de sa vie, Bowers a été employé à The School of Radio Technique au Rockefeller Center, à la tête du département de musique. Il est mort à New York en 1941. En dépit des mauvaises critiques, la version musicale de la comédie théâtrale d’Oscar Wilde a connu cinquante-six représentations à Broadway en 1927, du 9 mai au 25 juin 1927 (au Royale Theatre jusqu’au juin; et au Earl Carroll Theatre, du 6 jusqu’au 25 juin. La distribution de la première était: Flavia Arcaro

Lady Bracknell


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

Phyllis Austin Jessica Esmond Dorothy Dilley Cecily Cardew Hal Ford Hon. John Worthing, J.P. Marjorie Gateson Hon. Gwendolen Fairfax William Jordan Sir Percy Middowshire Dorothea Mabie Evelyn Stuart Vivian Marlowe Jane Jane Harry McNaughton Algernon Moncrieff Barbara Newberry Pollyanna Montague Dimples Riede Claric Chitworth Ralph Riggs James Lane Jethro Warner Rev. Canon Chasuble, D.D. Sonia Winfield Miss Prism Katherine Witchie Martha Edith Mae Wright Anne Aubrey Patricia Wynne Peggy Vernon Mae Bligh, Erma Chase, ) Dorothy Dawn, Florence ) Des amis Gunther, Anita Loring, ) Margot Miller, Virginia Myers et Wilma Roeloff


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

14. Le personnage d’Oscar Wilde au théâtre Nous nous intéresserons ici à quelques pièces invoquant la rencontre

d’Oscar Wilde avec Sarah Bernhardt Oscar and Sarah at work De Terry Quinn Pièce en un acte – 3 personnages Avec Charles Turner, Duvall O'Steen et Ariel Polanco Mise en scène Ben Levit Appalachian Summer Festival, Boone, NC, 2003 St. Francis College Theater, New York 2004

Charles Turner and Duvall O'Steen. Photo by Michael Gyory

Wilde Nights De Terry Quinn Cette pièce en deux actes met en scène les relations entre Oscar Wilde, Sarah Bernhardt, avant la première de Salomé, puis, dans une deuxième partie, avec Lord Alfred Douglas et un gardien de la prison de Reading.


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

Elle a été interprétée par T.L Reilly, Duvall O’Steen et Chris Thompson, à la Mercantile Library – New York – 2001

Elle a été redonnée en avril 2015, au Maroney Theatre, New-York, par E. James Ford (Oscar), Marie-Christine Katz (Sarah) et Trenton Clark (Bosie). Mise en scène : Deborah Wright Houston.


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

E. James Ford (Oscar)

M. Christine Katz (Sarah)

Trenton Clark (Bosie)

Wilde and Divine De Robert W. Cabell

La pièce en un acte s’attache à décrire vingt ans d’amitié entre Oscar Wilde et la célèbre comédienne française Sarah Bernhardt, qu’il avait surnommée « La Divine ». Elle s’inscrit dans une trilogie consacrée à Sarah Bernhardt : Divine Rising Star (partie 1), Wilde and Divine (partie 2), Divine Golden Years (partie 3).


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

Les interprètes en sont Peter McLean et Terria Joseph, dans une mise en scène de l’auteur.

Sarah et le cri de la langouste De John Murrell Cette pièce de John Murrel, écrite en 1977 sous le titre « Memoir», et traduite en français comme « Sarah et le cri de la langouste » n’offre qu’un rôle secondaire, mais non négligeable à Oscar Wilde. Il apparait dans les souvenirs de Sarah, à Belle-Ile en mer, au crépuscule de sa


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

vie, et s’incarne sous les traits de Titou, le sécrétaire de la grande comédienne, chargé d’évoquer pour elle son passé. En France, la pièce a été créée en 1982, au théâtre de l’Œuvre, dans une adaptation et mise en scène de Georges Wilson. Elle était interprétée par Delphine Seyrig (qui reçut pour ce rôle le prix de la meilleure comédienne, du Syndicat de la critique, en 1983)

Elle a été reprise dans le même théâtre, et toujours dans une mise en scène de Georges Wilson, en 1984, avec cette fois Maria Mauban de Jacques Dufilho. La pièce s’est transportée à Lyon, au théâtre des Célestins, en avril 1985.


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

Une nouvelle version a été donnée en 2012 au théâtre Edouard VII, dans une traduction d’Eric-Emmanuel Schmitt et une mise en scène de Bernard Murat. Avec Fanny Ardant dans le rôle de Sarah et Robert Hirsch dans celui de Georges Pitou. Anny Duperey reprendra le rôle de Fanny Ardant la saison suivante.


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

En 2012, on retrouve la pièce au Festival d’Avignon off – théâtre du Balcon – Elle est reprise dans l’adaptation de George Wilson, et mise en scène par Christian Brendel. Avec Maria Naudin et Sylvain Savard.

Après Tournai, en 2011 (avec Jacqueline Bir et Alexandre Von Sivers), Sarah et le cri de la Langouste sera donnée une nouvelle fois en Belgique, au théâtre de La Valette, en Octobre, Novembre 2015, dans une mise en scène d’Adrian Brine


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

Nous nous en tiendrons à quelques-unes des représentations principales en langue française. Mais la pièce a été reprise de nombreuses

fois,

et

dans

de

nombreux

reproduisons ci-dessous quelques affiches.

théâtres.

Nous

en


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

La pièce de J. Murrell a été traduite dans plus de 15 langues. Elle a été créée en 1990, dans l’Ontario, au cours du Stratford Festival.

John Murrell

Notons

encore

une

pièce

d’Ed

Dixon,

qui

réunit

plusieurs

personnages, dont Oscar Wilde et Sarah Bernhardt (en compagnie de Victor Hugo, Jim Morrison, Gioachino Rossini, Isadora Duncan)


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

Hormis Hugo, toutes ces célébrités du monde artistique sont enterrés au Père Lachaise, mais leur esprit hante un grand hôtel parisien . La pièce s’intitule « L’Hotel » (S’agirait-il de « L’Hôtel », où Oscar mourut, Rue des Beaux-Arts ?). Mise en scène par Ted Pappas, elle a été créée à l’O’Reilly Theater de Pittsburgh en décembre 2014. Avec : Brent Harris (Oscar Wilde), Deanne Lorette (Sarah Bernhardt), Sam Tsoutsouvas (Victor Hugo), Kati Brazda (Isadora Duncan), Tony Triano (Gioachino Rossini), Daniel Hartley (Jim Morrison), Erika Cuenca (une jeune femme).

Brent Harris (Oscar Wilde)


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

15. WWW.OSCHOLARS.COM www.oscholars.com abritait un groupe de journaux consacrés aux artistes et mouvements fin-de-siècle.

Le rédacteur en chef en était

David Charles Rose (Université d’Oxford). Depuis 2012, les membres du groupe sont indépendants, et le site, délaissé par son webmaster ne reste plus sous le contrôle de M. Rose. THE OSCHOLARS est un journal international en ligne publié par D.C. Rose et son équipe de rédacteurs, consacré à Wilde et à ses cercles. Il compte plusieurs mille lecteurs à travers le monde dont un grand nombre d’universitaires. On pourra y trouver les numéros de juin 2001 à mai 2002 (archives), et tous les numéros réalisées depuis février 2007. Les numéros de juin 2002 à octobre 2003, et d’octobre 2006 à décembre 2007 sont abrités par le site www.irishdiaspora.net. Vous y découvrirez une variété d’articles, de nouvelles et de critiques : bibliographies,

chronologies,

liens

etc.

L’appendice

‘LIBRARY’

contient des articles sur Wilde republiés des journaux. Les numéros jusqu’à mars 2010 sont en ligne ici. Depuis l’automne 2012, on peut trouver THE OSCHOLARS sous cette adresse : http://oscholars-oscholars.com/ THE EIGHTH LAMP : Ruskin studies to-day – rédactrices Anuradha Chatterjee (Sushant School of Art and Architecture New Delhi) et Laurence Roussillon-Constanty (Université de Toulouse).

On peut

trouver no 3 ici — no 4 ici — no 5 ici — no. 6 ici — no 7 ici — no.8 ici — no. 9 ici.


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

THE LATCHKEY est consacré à ‘The New Woman’. Les rédactrices sont Petra Dierkes-Thrun (Stanford University), Sharon Bickle (University of Queensland) et Joellen Masters (Boston University). Le numéro le plus récent en ligne est daté de l’été 2013. MELMOTH était un bulletin consacré à la littérature victorienne gothique, décadente et sensationnelle. La rédactrice était Sondeep Kandola, Université de Liverpool John Moores. Le numéro 3 etait en ligne, mais le lien a été coupé par le ci-devant webmaster. RAVENNA effectue une exploration des liens anglo-italiens à la fin de siècle. Les rédacteurs sont Elisa Bizzotto (Université de Venise) et Luca Caddia (University of Rome ‘La Sapienza’). Le numéro 3 en ligne est celui de fin mai 2010, mais le lien a été coupé par le ci-devant webmaster.

On

peut

le

retrouver

chez

http://oscholars-

oscholars.com/our-sister-journals/ravenna/ mais pour le moment d’autres éditions ne sont pas prévues. Shavings était un bulletin consacré à George Bernard Shaw.

Le

numéro 28 (juin 2008) est en ligne ; désormais on le trouvera dans les pages de UpSTAGE. The Sibyl

(commencé au printemps 2007) explore le monde de

Vernon Lee, écrivaine anglaise, née le 14 octobre 1856 au Château St Léonard, à Boulogne sur Mer; décédée à Florence, le 13 février 1935. La rédactrice est Sophie Geoffroy (Université de La Réunion). Le numéro 4 (hiver 2008/printemps 2009) est en ligne. Actuellement, on le reprend ici.


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

UpSTAGE est consacré au théâtre du fin de siècle, rédactrice Michelle Paull (St Mary’s University College, Twickenham). Le numéro 5 est en ligne. VISIONS (deux ou trois fois par an) était consacré aux arts visuels de la fin de siècle. Les rédactrices associées sont Anne Anderson (University of Exeter), Isa Bickmann, Tricia Cusack (University of Birmingham), Síghle Bhreathnach-Lynch (anciennement National Gallery of Ireland), Charlotte Ribeyrol (Université de Paris–Sorbonne) et Sarah Turner (University of York). Le numéro 8 était en ligne, mais le lien a été coupé par le ci-devant webmaster et pour le moment d’autres éditions ne sont pas prévues.


Rue des Beaux-Arts - Numéro 53 – Octobre/Novembre/Décembre 2015

16. Signé Oscar Wilde Il avait fait de son mieux pour commettre ce meurtre, mais il avait échoué à deux reprises sans que ce fût sa faute. Il avait essayé de faire son devoir, mais le Destin lui-même semblait s’acharner à le trahir. (Le Crime de Lord Arthur Savile)

He had done his best to commit this murder, but on both occasions, he had failed, and through no fault of his own. He has tried to do his duty, but it seems as if Destiny herself had turned traitor. (Lord Arthur Savile’s Crime)


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.