RUE DES BEAUX ARTS N°56

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Rue des Beaux-Arts n°55 – Avril/Mai/Juin 2016

RUE DES BEAUX ARTS Numéro 56 Juillet/Août/Septembre 2016


Rue des Beaux-Arts n°55 – Avril/Mai/Juin 2016

Bulletin trimestriel de la Société Oscar Wilde

RÉDACTRICE : Danielle Guérin-Rose Groupe fondateur : Lou Ferreira, Danielle Guérin-Rose, David Charles Rose, Emmanuel Vernadakis On peut trouver les numéros 1-41 de ce bulletin à l’adresse http://www.oscholars.com/RBA/Rue_des_Beaux_arts.htm

et les numéros 42 à 55 ici.


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1 – Éditorial William et Oscar

William Shakespeare, dont on vient de célébrer le 400 e anniversaire de la mort, n’est pas absent de l’œuvre et de l’esprit d’Oscar Wilde. À son procès, c’est le grand maître du théâtre élisabéthain qu’il évoque, pour sa défense. Quand, pour prouver sa déviance, le procureur lui demande d’expliciter le vers « The love that dare not speak its name » (L’amour qui n’ose pas dire son nom), extrait d’un poème, « Les deux amours », qui d’ailleurs a été écrit, non par lui, mais par Lord Alfred Douglas, c’est William Shakespeare qu’il appelle à sa rescousse : « L’Amour qui n’ose pas dire son nom, est en ce siècle la grande affection d’un aîné pour un homme plus jeune, comme celle entre David et Jonathan, telle que Platon en fit la base même de sa philosophie et telle que vous la trouverez dans les Sonnets de Shakespeare et de Michel-Ange. C’est une affection profonde, spirituelle, aussi pure qu’elle est parfaite. Elle inspire et pénètre les grandes œuvres d’art comme celles de Shakespeare et de Michel-Ange… »


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Les sonnets de Shakespeare, il y a déjà fait allusion un peu plus tôt dans le cours du procès, quand Carson l’a interrogé à propos du Portrait de Dorian Gray, et de Basil Hallward confessant sa fascination amoureuse pour Dorian Gray. Alors que Carson demandait à Wilde s’il avait jamais éprouvé de tels sentiments pour un jeune homme, Wilde s’était dissimulé derrière Shakespeare en disant : Non. L’idée est entièrement empruntée à Shakespeare, j’ai le regret de le dire, oui, aux sonnets de Shakespeare. Ces sonnets de Shakespeare auxquels Wilde a en effet consacré une œuvre intitulée Le Portrait de Mr. W.H, dans lequel, dit-il, il a cherché à démontrer non pas qu’ils laissent supposer un vice contre-nature, mais qu’au contraire, ils expliquent que l’amour de Shakespeare pour le dédicataire des sonnets était celui d’un artiste pour une personnalité qui (…) faisait partie de son art. Le Portrait de Mr. W.H., paru en juillet 1889, dans le Blackwood’s Edinburgh Magazine, se présente comme une variation sur les Sonnets que Shakespeare composa à l’attention d’un mystérieux dédicataire, Mr. W.H. (To the onlie begetter of these insuing Sonnets). L’identité de celui qui les inspira demeura longtemps une énigme. Certains exégètes avancèrent que les vers ardents de Shakespeare s’adressaient à lord Pembroke (William Herbert, comte de Pembroke) ou à lord Southampton (Henry Wriothesley, comte de Southampton), tous

deux

démonstration

protecteurs littéraire,

du où

poète.

Dans

une

l’argumentation

des

remarquable critiques

est

démontée pièce après pièce, Oscar Wilde s’efforce de prouver qu’il n’en est rien. Selon sa théorie, les Sonnets s’adressent à un être


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particulier, à un jeune homme dont la personnalité semble, pour certaines raisons, avoir empli l’âme de Shakespeare d’une terrible joie et d’un non moins terrible désespoir. Il ne s’agit pas pour lui d’une aventure illicite mais d’une amitié passionnée, liée à la philosophie et à l’art de son époque, telle qu’il en existait entre Michel-Ange et le jeune Tommaso Cavalieri, entre Michel de Montaigne et Étienne de la Boétie. Dans le droit fil de sa logique, Wilde affirme que c’est en adoptant

l’esprit

de

la

Renaissance,

baigné

d’influence

néo-

platonicienne, que nous pouvons comprendre le vrai sens des termes amoureux dans lesquels, en ce temps-là, les amis avaient coutume de s’adresser l’un à l’autre. Bâtissant sa démonstration comme une véritable enquête policière et s’appuyant en particulier sur le fait que le théâtre élisabéthain, comme celui des Grecs, n’admettait pas l’apparition d’actrices sur la scène et que, par conséquent, tous les rôles féminins étaient confiés à de séduisants adolescents, Wilde, à l’issue d’un brillant jeu intellectuel, arrive à la conclusion que les mystérieuses initiales appartiennent en réalité à un jeune acteur d’une stupéfiante beauté, nommé Willie Hughes, celui pour lequel Shakespeare, tombé sous le charme de son inaltérable splendeur, aurait écrit ses plus beaux rôles féminins. La présence de Shakespeare ne se borne pas au Portrait de Mr.W.H. Dans Le Portrait de Dorian Gray, Sybil Vane, la jeune comédienne dont Dorian

est

amoureux,

n’interprète

que

des

héroïnes

Shakespeariennes, imitant en cela la grande comédienne Ellen Terry, amie de Wilde, dont le répertoire comptait les rôles Shakespeariens les plus prestigieux. Quand Dorian la rencontre, elle joue Juliette dans un petit théâtre minable du quartier de Holborn, et c’est en la


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voyant dans ce rôle qu’il tombe sous le charme. Parce qu’elle capture l’essence même de Juliette dans son interprétation inspirée, Dorian tombe follement amoureux de Sybil au premier soir. Le personnage fictif transcendé occulte la jeune fille réelle. Soir après soir, il reviendra la voir jouer Rosalinde (Comme il vous plaira), Ophélie (Hamlet), Imogen (Cymbeline) : “She is Rosalind, and the next evening, she is Imogen. I have seen her die in the gloom of an Italian tomb … I have watched her wandering through the forest of Arden” (Elle est Rosalinde, et la nuit suivante, Imogène. Je l’ai vue mourir dans l’obscurité d’une tombe italienne… Je l’ai regardée errer à travers la forêt d’Arden). Sans ses doubles rêvés, Sybil Vane ne possède aucune réalité pour Dorian (comme il n’en possède pas non plus pour elle puisqu’elle ne le connait que sous son masque fantasque de «Prince charmant »). Ils sont comme deux enfants jouant aux contes de fée, dans la grande illusion du théâtre. Aux yeux de Dorian, elle n’est que le vecteur permettant l’incarnation des personnages féminins de Shakespeare, la voix diffusant sa sublime parole. Sybil, qui a toujours vécu dans l’irréalité du théâtre : «Before I knew you, acting was the one reality of my life » (avant de vous connaitre, jouer était la seule réalité de ma vie), est soudain happée par la vérité de son amour pour Dorian. L’un et l’autre vivaient au sein d’un univers de fantaisie, dans un décor de théâtre.

Dès

qu’elle

y

échappe,

brutalement

arrachée

aux

enchantements du mensonge, elle rejette l’art et la fausseté de l’amour feint qu’elle mime chaque soir pour se livrer à l’amour vrai ; dès lors, elle ne peut plus jouer. Il devient donc impossible à Dorian de continuer à l’aimer puisque celle qu’il avait choisie (l’incarnation


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héroïque et sublimée de la pure jeune fille) n’existe plus. Il n’aimait que le reflet mordoré renvoyé par la magie des projecteurs. Les lampes éteintes, il n’y a plus rien, que la crudité d’une réalité dont la banalité le dégoûte. Pour Dorian, la mort de Sybil ne se situe pas au moment de son suicide, mais en cette soirée funeste où, ayant emmené Lord Harry découvrir l’art et la beauté de la divine fiancée, celle-ci renonce aux faux semblants et se révèle incapable de jouer. Au moment où elle cesse d’être actrice pour devenir femme, au moment où elle se dépouille de ses affèteries, elle se condamne aussi sûrement que si elle s’était tiré un coup de pistolet sur scène en pleine tête, comme le fera Hedda Gabler. L’ombre tutélaire de Shakespeare plane sur l’amour rêvé et tragique de Sybil et Dorian. Plane-t-elle aussi, et de manière beaucoup moins évidente, sur un extrait célèbre de « The importance of being Earnest » ? On peut remarquer dans « Le Songe d’une nuit d’été», une certaine correspondance entre une scène qui se situe en extérieur, au milieu de la forêt enchantée, et une autre de « The importance of being Earnest », qui se déroule dans le jardin d’un manoir de campagne. Même drôlerie absurde pour ces deux scènes parallèles qui se passent au sein de la nature, et opposent Lysandre à Démétrius, du côté des amants shakespeariens, et Jack à Algernon, du côté des soupirants wildiens, tandis que leurs amoureuses dépitées apparaissent sous les traits d’Hermia et d’Helena chez Shakespeare, de Gwendolen et Cecily chez Wilde. La similitude de situation nait d’un quiproquo provoqué soit par un sort mal distribué, soit par une méprise à propos d’un prénom, qui vire à un vif affrontement entre les deux jeunes-filles, pendant lequel les deux


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garçons demeurent plus ou moins en retrait. Dans les deux cas, se croyant aimées et trahies par le même infidèle, les deux rivales (ou qui se croient telles) se disputent férocement le fiancé de l’autre, en ignorant qu’elles se trompent sur leur identité respective. Elles en viennent aux insultes et presque aux mains, avant de se réconcilier et de tomber dans les bras l’une de l’autre quand l’affaire est éclaircie. Le déroulement de l’action est presque la même chez les deux dramaturges et le dénouement est également similaire presqu’il se soldera par un happy end et deux mariages, chacun ayant retrouvé sa chacune. Rien

ne

prouve

qu’Oscar

ait

cherché

son

inspiration

chez

Shakespeare, mais la convergence (peut-être de pur hasard) méritait d’être évoquée. Les références à Shakespeare ne s’arrêtent pas là. Elles truffent le texte d’« Intentions » émaillant la conversation entre Cyril et Ernest. Et l’auteur d’Hamlet est au centre de « La Vérité des masques », l’essai de

Wilde

sur

le

costume.

À

travers

une

réflexion

sur

le

travestissement au théâtre, son traité d’esthétisme est aussi un hommage au grand Will. En creusant un peu, on trouverait sans doute bien d’autres allusions au maître Elisabéthain dans l’œuvre du dandy Victorien. Terminons seulement par un clin d’œil, sur le personnage de Sébastien dans La Nuit des Rois, frère jumeau de Viola, dont il a été séparé après un naufrage. Le jeune homme, à la fois masculin et féminin, se livre avec sa sœur à un jeu de miroirs qui entretient l’ambiguïté sexuelle, en


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brouillant les codes et les genres. Wilde y a-t-il pensé en choisissant ce prénom quand, en ses dernières années, il s’est caché sous le pseudonyme de Melmoth, l’homme errant, lui qui, esprit ambigu par excellence qui refusait de se couler dans les moules, était aussi une espèce de naufragé, ayant essuyé bien des tempêtes ? Un roi destitué, peu à peu envahi par la nuit. Comme la littérature n’est jamais loin de la vie chez Wilde, on peut toujours l’imaginer, et qu’en plus de la protection du beau Saint Sébastien percé de flèches, il se plut à rechercher dans son exil le patronage de celui qui avait révolutionné la scène de son temps, comme Oscar avait enchanté la sienne. Danielle Guérin-Rose


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2 – Publications Oscar Wilde, l’impertinent absolu Sous la direction de Merlin Holland Préface de Charles Dantzig. Textes de Charles Dantzig, Robert Badinter, Pascal Aquien, etc... Illustrations en noir et en couleurs Paris-Musées, Paris – septembre 2016 ISBN 978-2-7596-0327-5 Oscar Wilde – The Canterville Ghost Harrap’s, Paris – Août 2016 Harrap’s school – Read in english En anglais ISBN : 978-2-8187-0485-1 Oscar Wilde – The Picture of Dorian Gray Harrap’s, Paris – Août 2016 Collection Yes, you can En anglais ISBN : 978-2-8187-0494-3 Oscar Wilde – Le pêcheur et son âme Suivi de L’enfant-étoile et L’ami dévoué Traduit de l’anglais et présentation de François Dupuigrenet Desrousilles Gallimard, Paris – Septembre 2016 Collection : Folio 2 euros


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ISBN : 978-2-07-079400-3 Oscar Wilde – Le Portrait de Dorian Gray non censuré Traduit de l’anglais par Anatole Tomczac Grasset, Paris – septembre 2016 Collection : Les cahiers rouges ISBN : 978-2-246-86235-2

Xavier Giudicelli – Portraits de Dorian Gray : le texte, le livre, l’image. Préface de Pascal Aquien Presses de l’Université Paris-Sorbonne Collection : Histoire de l’imprimé ISBN 979-10-231-0537-7


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Patrick Chambon – Fabuleux Pascal Aquien Hazan – Septembre 2016 ISBN 978-2754109505

Rodolfo

Marcos–Turnbull

Wilde, Aimer jusqu’à déchoir. Epel – Mai 2016 ISBN 978-2-35427-200-5

Oscar


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Yves Landeroin – La critique créative, une autre façon de commenter les œuvres. Honoré Champion, Paris – février 2016 Collection : Le dialogue des arts, n°2 ISBN 978-2-7453-3007-9 En s'appuyant sur le concept de critique créative tel qu'O. Wilde le définissait dans The critic as artist, Y. Landerouin analyse des productions artistiques, littéraires et musicales et

le

travail

de

grands

interprètes

(A.

Rubinstein, G. Gould, P. Sellars, etc.). Il apporte un autre regard sur des mises en scène, des interprétations ou des adaptations audacieuses

Oscar Wilde en Amérique Bartillat – Septembre 2016 ISBN 978-2841006168

Et ailleurs… Emer O’Sullivan – The fall of the House of Wilde : Oscar Wilde and his family. Bloomsbury Publishing PLC – Juin 2016 IBSN : 978-1408880128


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Oscar

Wilde

Fashioning

and

Prefigured: British

Queer

Caricature,

1750-1900 Dominic Janes University of Chicago Press, nov. 2016


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3- Expositions Oscar Wilde, l’impertinent absolu Petit Palais – Paris

La voici ! Elle s’installe au Petit Palais à partir du 28 septembre 2016. Pendant plus de trois mois, Oscar Wilde sera l’hôte du célèbre musée parisien. C’est la première grande exposition qui lui est consacrée à Paris, celle de 2011/21012 au Musée d’Orsay (Beauté, morale et volupté dans l’Angleterre d’Oscar Wilde), étant davantage dédiée au mouvement esthétique qu’à Wilde lui-même. Cette fois, c’est bien à Wilde qu’on rendra hommage, à travers une rétrospective de sa vie et de ses œuvres. L’exposition proposera des manuscrits, des éditions rares,

des

portraits

et

un

choix

de

tableaux

indissociables de l’art wildien. 28 septembre 2016 au 15 janvier 2017 Petit Palais – 2, avenue Winston Churchill – Paris

préraphaélites,


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Frits Thaulow, Landscapist by Nature Musée des Beaux-Arts – Caen Le Musée des Beaux-Arts de Caen a choisi d’éclairer l’itinéraire singulier du peintre norvégien Frits Thaulow avec une rétrospective regroupant 61 œuvres de l’artiste, essentiellement prêtées par le musée d’Oslo et par plusieurs grands musées américains.

Né à Oslo en 1847, Frits Thaulow découvre Paris en 1874, l'année même de la première exposition impressionniste. En 1892, il s'installe durablement en France. Il se trouvait à Dieppe quand Wilde y arriva après avoir quitté l’Angleterre. Un jour que des touristes anglais l’humiliaient et le couvraient d’injures, Thaulow s’était interposé et avait invité Wilde à dîner avec le plus grand respect, assez haut pour être entendu de tous, clouant ainsi le bec des détracteurs d’Oscar. 16 avril au 26 septembre 2016 Musée des Beaux-Arts de Caen


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Frits Thaulow et sa famille par Jacques-Emile Blanche

Del Kathryn Barton : The Nightingale and the Rose

Cette exposition est née de la collaboration entre l’artiste Kathryn Barton et son ami Brendan Fletcher pour un film d’animation qui met en scène le conte d’Oscar Wilde « Le Rossignol et la Rose ».


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L’exposition propose une sélection des peintures les plus évocatives du film.

21 juin au 11 septembre 2016 Australian Centre for the moving image - Melbourne


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4. Opéra et Musiques

Le Portrait de Dorian Gray Comédie Musicale Textes et Musique : Daniele Martini

Direction Artistique : Roberto Basilicati Costumes : Pierre Cardin Avec : Matteo Setti (Dorian Gray) et Thibault Servière (l’âme de Dorian)

6 et 7 Août 2016 Théâtre de la Fenice – Venise Suivi d’une tournée à l’étranger et précédé d’une version réduite au Château de Lacoste.

Salomé À Dresde Direction musicale : Omer Meir Wellber


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Mise en scène : Michael Schulz Avec : Lance Ryan (Hérode) – Jennifer Holloway (Salomé) – Christa Mayer ou Jane Henschel (Herodias) – Markus Marquardt (Iokanaan) – Daniel Johansson ou Stephan Rügamer (Narraboth) – Christina Bock (le page). 24 septembre au 4 novembre 2016 Samperoper – Dresde


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5 – Théâtre Le Portrait de Dorian Gray À la Comédie des Champs-Elysées

Mise en scène : Thomas Le Douarec Musique originale et direction musicale : Mehdi Bourayou Paroles: Thomas Le Douarec Lumières : Stéphane Balny Costumes : José Gomez d’après les dessins de Frédéric Pineau


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Avec : en alternance Arnaud Denis ou Valentin de Carbonnières, Lucile Marquis ou Caroline Devismes, Fabrice Scott et Thomas Le Douarec.

Du 10 mai au 31 juillet 2016 – du mardi au samedi à 20H30 le samedi à 16H.

Comédie des Champs-Elysées – Paris Et à Avignon en Juillet

M

Le Portrait de Dorian Gray à Avignon


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Avec la Compagnie des Framboisiers Mise en scène : Imago 7 au 30 juillet 2016 Le Chapeau Rouge – Avignon

More lives than one – Oscar Wilde and the Black Douglas Par Dear Conjunction Mise en scène : Patricia Keller Avec Les Clack 30 septembre et 1er octobre 2016 Théâtre de Nesle - Paris


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6 – Salomé, reine d’Angleterre : Destins esthétiques de la Salomé d’Oscar Wilde (Aubrey Beardsley, Charles Bryant, Ken Russel) Par Tristan Grünberg

« Il ne faut pas la regarder. Vous la regardez toujours 1! » C’est par ces mots qu’Hérodias met en garde son époux, dont les yeux désirants sont rivés sur sa charmante belle-fille. En effet, chez Oscar Wilde, l’image de Salomé s’impose, envoûtante et fascinante, jusqu’à devenir aussi centrale qu’aveuglante, éclipsant au passage le tétrarque de Judée, sa femme et jusqu’à saint Jean lui-même qui, du fond de sa citerne, devient le pantin impuissant de cette dévoreuse d’hommes. Une omniprésence d’autant plus captivante que, dans les Évangiles, la légende de Salomé ne se résume qu’à quelques lignes, pour le moins elliptiques, au cours desquelles la danseuse infernale n’est même pas nommée. Ainsi lit-on, dans l’Évangile de Matthieu : Hérode avait ordonné d’arrêter Jean, à cause d’Hérodiade ; il avait agi ainsi à cause d’Hérodiade, la femme de son frère Philippe. Car Jean disait à Hérode : « Il ne t’est pas permis d’avoir Hérodiade pour femme ! » Le jour de l’anniversaire d’Hérode, la fille d’Hérodiade dansa devant les invités. Elle plut tellement à Hérode qu’il jura de lui donner tout ce qu’elle demanderait. Sur les conseils de sa mère, elle lui dit : « Donne-moi la tête de JeanBaptiste ! » Le roi en fut attristé ; mais il envoya quelqu’un couper

1

Oscar WILDE, Salomé, Flammarion, Paris, 1993, p. 91.


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la tête de Jean-Baptiste dans la prison. La tête fut apportée à la jeune fille, qui la remit à sa mère 2. Ce qui pourrait être une malédiction pour le destin esthétique de cette fable se révèle au contraire une bénédiction, offrant aux auteurs qui s’en emparent toute licence de lever, chacun leur tour et comme il leur chante, un des coins des sept voiles de la belle. Force est de constater qu’il n’est pas une autre femme fatale, dont les mythes nous content l’histoire, dont s’emparent peintres et romanciers, à connaître au

XIXe

siècle une telle gloire. Ni Pandore, la première d’entre toutes,

ni Méduse, la plus meurtrière d’entre elles, ne lui arrivent à la cheville, qu’elle a, par ailleurs, de fort jolie. L’Ancien Testament, pourtant riche de femmes lascives, traîtresses ou héroïques, de Dalila à Judith, n’offre pas de créature si fascinante. C’est à peine si Ève, la tentatrice par excellence, parvient à rivaliser avec la danseuse orientale. Seule figure féminine du Nouveau Testament à ne pas offrir la promesse d’une rédemption, Salomé porte son aura démoniaque comme une auréole. Véritable condensation en image, elle semble en effet emprunter à toutes ses aînées leurs traits les plus évidemment diaboliques, troublant de sa grâce animale les représentations et les regards. Après avoir investi la peinture renaissante et symboliste, obsédant Cranach autant que Gustave Moreau, Caravage autant que Gustav Mossa, Salomé trouve en France une nouvelle fortune littéraire à la fin du

XIXe

siècle : Flaubert, Mallarmé, Jean Lorrain,

Théodore de Banville, Marcel Schwob, Huysmans ou Pierre Louÿs 2

La Bible, Évangile de Matthieu, XIV, 1-12, Reader’s Digest, Paris, 1989, p. 522.


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ressuscitent et raniment la danseuse, forgeant autant d’images littéraires qui sont un nouvel écrin à sa beauté. Ajoutant une pierre à l’édifice construit à sa gloire, Oscar Wilde, en 1891, lors de son séjour à Paris, écrit d’ailleurs sa Salomé dans la langue de Molière. Il est saisissant d’observer à quel point, voguant de rivage en rivage, d’époque en époque, l’effeuilleuse se fait créature du temps et du lieu qui l’accueillent, tout en témoignant sans cesse de ses énigmatiques origines. Ainsi, bien qu’inscrivant sa pièce dans la tradition littéraire française, Wilde semble prendre un malin plaisir à faire de son héroïne une anglaise pure souche, dont les contours mouvants sont tirés du récit biblique comme des chroniques historiques des Tudors, du théâtre shakespearien ou de la littérature fantastique telle qu’elle émerge sous la plume de Sheridan Le Fanu ou de Bram Stoker. En effet, figure transgressive par excellence, Salomé trouve en Angleterre un second royaume sur lequel elle peut étendre son empire. Dès que, sur les terres d’Albion, l’érotisme le dispute au sadisme, que la beauté, ainsi que l’écrit Rilke dans sa première Élégie, devient ce « seuil du terrible qu’encore nous supportons 1», Salomé réapparait, faisant le lien entre des temps disparates, ravivant le mythe au cœur de la modernité, s’affirmant en définitive comme l’incarnation même des principes de l’esthétisme britannique. Salomé et Henry VIII : Yet each man kills the thing he loves C’est ainsi qu’au début du

XVIe

siècle, le roi Henry VIII invoque les

prédications de saint Jean-Baptiste pour tenter d’annuler son union 1

Cité par Jean CLAIR in Méduse, Gallimard, Paris, 1989, p. 92


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avec Catherine d’Aragon. Dans son incapacité à fournir un héritier mâle à la couronne, il prétend voir le signe de la colère d’un Dieu punissant un mariage incestueux. Wilde, jouant de la confusion temporelle, ravive le souvenir de cet épisode historique au cours d’un dialogue entre le tétrarque et Hérodias, où ce dernier accuse sa femme, pourtant déjà mère, d’être stérile : « Taisez-vous. Je vous dis que vous êtes stérile. Vous ne m’avez pas donné d’enfant, et le prophète dit que notre mariage n’est pas un vrai mariage. Il dit que c’est

un

mariage

incestueux,

un

mariage

qui

apportera

des

malheurs... » (p. 131.) Ces protestations sont précisément celles que formule Henry VIII en 1523, parvenant, au terme d’un schisme avec l’Église Romaine, à faire annuler son union avec l’infante d’Aragon et de Castille. Il épouse alors Anne Boleyn et, après avoir endossé le costume du roi trompé, change de masque pour revêtir celui de Salomé, ordonnant en 1536 la décapitation de l’objet de son désir. Il révèle par ce geste l’une des mélopées les plus entêtantes de la poésie wildienne : Yet each man kills the thing he loves By each let this be heard, Some do it with a bitter look, Some with a flattering word, The coward does it with a kiss, The brave man with a sword1 !

1

Oscar WILDE, The Ballad of Reading Goal, Flammarion, Paris, 2008, p. 192.


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Quelque chose de pourri au royaume de Judée Oscar Wilde n’est d’ailleurs pas le premier dramaturge à trouver matière

théâtrale

dans

les

amours

incestueuses

d’Hérode

et

d’Hérodias. Shakespeare lui-même semble y puiser certains des motifs qui nourrissent son Hamlet : en effet, comment ne pas voir dans le couple régnant sur la Judée une préfiguration de Claudius et Gertrude ? Ainsi s’exprime le jeune prince du Danemark, à propos de l’union précipitée entre sa mère et son oncle : Frailty, thy name is woman ! —A little month ; or ere those shoes were old

with

which

she

follow’d

my

poor

father’s

body

like Niobe, all tears ; — why she, even she — O, God ! a beast, that wants discourse of reason, would have mourn’d longer, — married with mine uncle, my father’s brother ; but no more like my father than I to Hercules : within a month ; Ere yet the salt of most unrighteous tears had left the flushing in her galled eyes, she married 1 (...). À cet écho narratif en succède un autre : le spectre du roi d’Elseneur arme le bras vengeur de son fils de la même manière qu’Hérodias use de son influence sur Salomé pour faire perdre la tête à Hérode puis au Baptiste. Cette capacité de Shakespeare à retravailler le matériau mythique pour le rendre contemporain, Oscar Wilde la met d’ailleurs en valeur lorsqu’il écrit, à propos des œuvres du barde : « une grande œuvre dramatique ne doit pas se borner à exprimer la passion moderne au moyen seulement de l’acteur ; elle doit nous être présentée dans la forme qui convient le mieux à l’esprit moderne 2. » 1

William SHAKESPEARE, Hamlet in The Complete Works of William Shakespeare, Spring Books,

Feltham, 1970, p. 948. 2

Oscar WILDE, La Vérité des masques, Payot, Paris, 2002, p. 310.


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C’est ainsi avec une malice certaine que Wilde s’empare de la trame shakespearienne, la confondant un instant avec le récit évangélique. En Judée comme au Danemark, les spectres royaux peuvent revenir d’entre les morts, à la grande crainte du tétrarque. Ainsi, Hérode écoute, émerveillé, le récit des miracles réalisés par un prophète du nom de Jésus, jusqu’au moment où il apprend que ce dernier ressuscite aussi les défunts. S’ensuit ce dialogue, où la terreur du souverain est palpable : « Je ne veux pas qu’il fasse cela. Je lui défends de faire cela. Je ne permets pas qu’on ressuscite les morts. Il faut chercher cet homme et lui dire que je ne lui permets pas de ressusciter les morts. (...) Ce serait terrible, si les morts reviennent. » (p. 115-117) Mais, malgré ces protestations, il règne sur la pièce une atmosphère hautement fantastique, propice aux apparitions et aux révélations. Il y a définitivement quelque chose de pourri au royaume de Judée. Un chromatisme vampirique À ce titre, les auspices lunaires s’imposent, éclairant de leurs rayons d’argent un palais et des jardins d’où la couleur fuit, ne laissant place qu’au combat des valeurs opposées, entre noir et blanc. Car la tragédie de Salomé se déroule précisément pendant cette « heure du loup » dont Ingmar Bergman

1

nous rappelle qu’elle est non seulement

ce moment où tout s’indiffère, mais aussi l’instant propice aux métamorphoses, quand la beauté devient terreur. Ainsi s’exprime le page d’Hérodias, à l’ouverture de la pièce : « Regardez la lune. La lune a l’air très étrange. On dirait une femme qui sort d’un tombeau. Elle ressemble à une femme morte. On dirait qu’elle cherche des morts. » 1

Ingmar BERGMAN, L’Heure du loup (Vargtimmen), Suède, 1968.


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(p. 45) Véritable revenante, anémiée et vengeresse, la lune prend les traits d’Hécate, la déesse à trois visages ; son ascension et son déclin font écho à ceux de Salomé, la danseuse assoiffée de sang. Oscar Wilde joue d’ailleurs un temps du contraste entre le noir et le blanc, les ténèbres et la lumière, toile de fond sur laquelle s’impose peu à peu le rouge des fleurs, du vin et du sang. La couleur est d’ailleurs le moyen pour le dramaturge d’imposer l’ambivalence comme mode de représentation. L’exemple le plus frappant à cet égard est la scène de séduction du Baptiste par Salomé. La jeune femme, décrivant le corps d’Iokanaan, rejoue à sa manière les envolées érotiques du Cantique des Cantiques. SALOMÉ Iokanaan ! Je suis amoureuse de ton corps. Ton corps est blanc comme le lis d’un pré que le faucheur n’a jamais fauché. Ton corps est blanc comme les neiges qui couchent sur les montagnes, comme les neiges qui couchent sur les montagnes de Judée, et descendent dans les vallées. (...) Laisse-moi toucher ton corps ! (p. 83) Mais, peu à peu, les caresses se changent en coups, les baisers en morsure tandis que l’écran noir de cette nuit blanche se teinte d’un rouge érotique. Si le texte de l’Ancien Testament jouait des pulsions orales par le biais des métaphores savoureuses, Wilde pousse peu à peu le scénario biblique du côté du sadisme. SALOMÉ Tes cheveux sont horribles. Ils sont couverts de boue et de poussière. On dirait une couronne d’épines qu’on a placée sur ton front. On dirait un nœud de serpents noirs qui se tortillent autour de ton cou. Je n’aime


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pas tes cheveux... C’est de ta bouche que je suis amoureuse, Iokanaan. Ta bouche est comme une bande d’écarlate sur une tour d’ivoire. Elle est comme une pomme de grenade coupée par un couteau d’ivoire. (...) Laisse-moi baiser ta bouche. (p. 85) Un conflit que Ken Russel met remarquablement en scène dans son adaptation cinématographique de la pièce, sortie en 1988. Le film, intitulé Salomé’s Last Dance1, suit Oscar Wilde, escorté d’Alfred Douglas, se rendant après la première de Lady Windermere’s Fan dans un bordel où tenanciers et personnels lui réservent une surprise de taille. Grimés pour l’occasion, ils installent le poète d’Oxford devant une scène qui devient, au lever de rideau, le décor de la première représentation de Salomé. Les frontières entre la salle et la scène se révèlent cependant hautement perméables. La lumière bleutée de la lune inonde de ses teintes froides le palais du tétrarque ; Jean-Baptiste

lui-même, incarné

par

Bosey,

est intégralement

recouvert de ce bleu glacé qui lui confère l’allure d’un personnage mythique, à mi-chemin entre le saint et le vampire. Le contrechamp révèle le boudoir baroque d’où Wilde contemple la représentation, caractérisé par la chaleur d’une lueur orangée. Cette complémentarité chromatique, associée au jeu du champ/contrechamp, unit en les confrontant ces espaces a priori antagonistes. Ainsi, les oppositions chromatiques, dont Wilde use à loisir dans Salomé, prennent ici une importance fondamentale, qui conduit le film sur les terres du fantastique. Dans la séquence où Salomé tente de séduire le prophète, le montage visuel et sonore organise une valse-hésitation au cours de laquelle pulsions et couleurs se 1

Ken RUSSELL, Salomé’s Last Dance, UK, 1988.


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renversent. Tandis que Salomé déverse dans l’oreille du Baptiste mots d’amour et de haine, que sur la bande-son les coups de fouet succèdent aux sanglots des violons, un jeune page, recouvert d’or, se fraie un chemin jusqu’à la couche d’Oscar Wilde, où il entame à son tour une parade amoureuse qui trouve un écho sur scène. L’excès, motif essentiel de l’esthétisme britannique, s’exprime ici par un jeu d’opposition et de complémentarité tellement flagrant qu’il en devient parodique. L’ambivalence chromatique est pour Ken Russell le moyen d’illustrer l’ambivalence érotique qui ne cesse de mouvoir l’héroïne de Wilde. En effet, chez le dramaturge irlandais comme devant la caméra du réalisateur anglais, Salomé assume son désir mortifère, se faisant véritable bourreau et première vamp de tous les temps. Ainsi que le souligne

Murielle

Gagnebin,

« bondissante,

hirsute,

féroce

et

enthousiaste, presque cannibale, Salomé est devenue le symbole de la femme fatale1 ». À la fois Sphinge, Sirène, Méduse et Lorelei, elle suit les traces de ces autres vamps irlandaises qu’ont immortalisées Sheridan Le Fanu et Bram Stoker. Ainsi s’exprime-t-elle, lorsque se présente à ses yeux la tête décollée du Baptiste : « Ah ! tu n’as pas voulu me laisser baiser ta bouche, Iokanaan. Eh bien ! je la baiserai maintenant. Je la mordrai avec mes dents comme on mord un fruit mûr. » (p. 161.) Puis, une fois le festin achevé, Salomé se fait presque critique gastronomique : « Il y avait une âcre saveur sur tes lèvres. Était-ce la saveur du sang ?... Mais, peutêtre est-ce la saveur de l’amour. On dit que l’amour a une âcre saveur... Mais, qu’importe ? Qu’importe ? J’ai baisé ta bouche, Iokanaan, j’ai 1

Murielle GAGNEBIN, Pour une esthétique psychanalytique, PUF, Paris, 1994, p. 39.


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baisé ta bouche. » (p. 165.) Chez Russell, la métaphore se fait littérale : de sa geôle à la cour du palais, Jean-Baptiste est conduit dans un monte-plats qui laisse préfigurer les futurs délices cannibales auxquels se livrera Salomé. Aubrey Beardsley, qui réalise en 1894 les illustrations pour la version anglaise de la pièce, met en scène cette emprise vampirique et cannibale de Salomé sur le martyr, par le biais d’un étonnant montage

les

valeurs

chromatiques

se transforment

et se

condensent. Les deux derniers dessins, intitulés La Récompense de la danseuse et L’Apothéose1, représentent le face-à-face ultime entre la victime et son bourreau. Dans la première, la tête tranchée du baptiste repose sur un plateau lui-même posé sur un pilier à michemin entre règne animal et végétal, contorsionné de douleur ou de plaisir. Salomé se saisit de sa chevelure noire qui se confond avec le sang d’encre qui, figuralement, s’écoule sur la toile blanche du fond monochrome. Mais, dans l’intervalle qui conduit à l’illustration suivante, tous les motifs se déplacent et toutes les valeurs s’inversent, révélant le jeu de la transfusion et de la contamination vampirique. Dans

The Climax, Salomé, empruntant

à Iokanaan la teinte

charbonneuse de sa chevelure, s’élève dans les airs, portant entre ses mains la tête anémiée et décolorée du martyr. Et, tandis que l’étreinte macabre se poursuit, une coulée ténébreuse s’impose à l’arrière-plan, contaminant la surface d’une image qui, à son tour, se fait aussi cannibale que son héroïne. Tissant en un même motif les fils des mythes grecs et de l’histoire britannique, de l’Ancien et du Nouveau Testament, du théâtre 1

Aubrey BEARDSLEY, La Récompense de la danseuse et L’Apothéose, illustrations pour la traduction anglaise de Salomé d’Oscar Wilde, Angleterre, 1893.


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shakespearien et de la littérature fantastique, la fable de Salomé, sous la plume de Wilde, se colore de nuances aussi archaïques que résolument modernes. Figures survivantes et temps condensés donnent ainsi à la pièce une saveur onirique qui, peu à peu, glisse irrémédiablement vers le cauchemar. Un cauchemar qu’Aubrey Beardsley et Ken Russell donnent à voir de façon extrêmement sensible, transcrivant en images aussi fascinantes qu’excessives la Salomé fantasmatique à laquelle Oscar Wilde donne naissance. Devenant la figure de proue de l’esthétisme britannique, Salomé condense en effet les différents visages d’une féminité sacrée, angélique autant que démoniaque. La Danse des sept voiles : ellipses et répétitions Tout le paradoxe — et le génie — de la pièce d’Oscar Wilde tient en ce qu’elle joue dans le même temps de l’extrême éloquence et du mutisme,

de

l’importance

du

regard

et

de

la

nécessité

de

l’aveuglement. Ainsi, aux multiples répétitions de phrases (« Il ne faut pas la regarder », « Laisse-moi baiser ta bouche », « Comme il a l’air sombre, le tétrarque ») succède un étonnant silence. En effet, pour décrire cet élément central et capital qu’est la danse de Salomé, Wilde use soudain de l’ellipse. Une simple didascalie nous renseigne sur l’événement qui se déroule : « Salomé danse la danse des sept voiles. » (p. 141) S’ensuit un calme assourdissant, au cours duquel le temps et l’espace semblent être comme suspendus. L’auteur perpétue ainsi la tradition évangélique, laissant aux exégètes le soin de donner à cette chorégraphie un visage en constante métamorphose. Excès de visibilité qu’accompagne l’absence de parole, la danse est l’exact


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contrepoint de l’exécution du baptiste, invisible mais hautement commentée par Salomé. Ce paradoxe s’affirme avec bonheur dans les représentations picturales et cinématographiques de la danse de Salomé. Dans l’illustration de Beardsley intitulée La Danse des sept voiles1, Salomé, affrontant le regard du spectateur, poitrine dénudée et sexe voilé par un pantalon transparent, s’élève dans les airs au son du luth dont une créature fantastique et difforme pince les cordes. À l’allure statique des personnages vient s’opposer l’extrême mobilité des accessoires, étoffes et chevelures. Si la danseuse, sur la pointe des pieds, s’affranchit de la pesanteur, elle est entourée d’arabesques qui mettent en valeur les courbes de son corps désirable et le mouvement qui l’agite jusqu’au dévoilement final. Doué d’autonomie, le voile qui recouvrait sa nudité se déploie le long de son corps comme une caresse à distance, s’enroulant autour de son épaule avant d’effleurer son bras, de se lover entre ses cuisses et de s’enfuir hors-cadre. Suivant la même trajectoire, les cheveux noirs de la belle se développent en ornements savants, prennent l’allure de flammes et de serpents, et auréolent d’infamie la séductrice infernale. Le joueur de luth, aux allures de satyre ou de leprechaun, détourne le regard. Pourtant, sa figure est agitée des mêmes mouvements arabesques et enflammés, qui révèlent l’émergence d’un désir tout entier dirigé vers l’effeuillage de Salomé. Cette ambigüité du regard, moyen de l’excitation et de sa retenue, ranime l’ambivalence figurale de l’esthétisme britannique et se fraie un chemin au cœur des adaptations cinématographiques de la pièce. 1

Aubrey BEARDSLEY, La Danse des sept voiles, Angleterre, 1893.


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Ainsi, en 1923, Charles Bryant s’inspire des illustrations de Beardsley pour mettre en scène sa Salomé1. Alla Nazimova, qui interprète la danseuse orientale, se présente d’abord comme une jeune enfant, androgyne et asexuée. La séquence de la danse des sept voiles renverse cette donnée et métamorphose la jeune fille en femme fatale. Ici, le noir et blanc de la pellicule autorise le réalisateur à rejouer, en mouvements, les oppositions et les inversions de valeurs chères au dessinateur. Devant la geôle vide du baptiste, six nains musiciens se pressent, arborant une coiffe à mi-chemin entre flammes et bois de cerf, littéralement empruntée au joueur de luth de Beardsley. Puis, des esclaves entourent Salomé et la dissimulent derrière leur cape monogrammée. Lorsqu’ils s’écartent, les ténèbres de son vêtement et de sa chevelure ont laissé place à une robe et une coiffure aussi virginales que translucides. Le contrechamp sur le visage d’Hérode révèle l’effet érotique provoqué par cette apparition épiphanique. Salomé, comme prise dans une transe dionysiaque, traverse alors le cadre d’une extrémité à l’autre, éveillant la convoitise chez les spectateurs et imposant aux prêtres juifs de se couvrir les yeux. Histoire de regards sans paroles, la danse de Salomé culmine lorsque la jeune femme disparaît sous un immense voile blanc qui laisse deviner les soubresauts et les reliefs de son corps. Soudain, elle soulève le tissu et les bras en l’air, offre sa silhouette aux regards. Un cut violent met en rapport cette image à celle de Jean-Baptiste qui, plongé dans l’obscurité de sa geôle, est inondé d’une lumière divine. Ce montage oppose en un instant nudité profane et sacrée, érotique et édénique, condensant malgré tout le corps de ces deux personnages à la tragique destinée. Comme enragée, Salomé reprend de plus belle. Le cadre se resserre sur son visage possédé, auquel le voile mouvant 1

Charles BRYANT, Salomé, USA, 1923.


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fait écrin. Finalement, elle se recouvre de cette toile qui prend l’aspect d’un suaire et se met à tourner frénétiquement sur elle-même, de plus en plus vite, avant de s’effondrer, comme morte. L’œil est ici l’organe qui autorise la jouissance et mène à la mort, qu’elle soit petite ou grande. Murielle Gagnebin l’affirme, lorsqu’elle écrit : « Lors d’un banquet d’anniversaire, un saint est décapité, victime d’une chorégraphie séduisante. Autrement dit, une danse, une création en acte, disons-le, une œuvre d’art a le pouvoir de tuer1. »

Ici,

cette

chorégraphie

cinématographique

aux

accents

hystériques, d’une étonnante modernité, condense en actes les courants artistiques qu’elle traverse : de l’esthétisme britannique à la Sécession viennoise, de l’Art Nouveau à l’expressionnisme allemand. Et l’on croit voir se manifester, sous la gaze, le spectre de Loïe Fuller, cette danseuse américaine du début du siècle qui fit des voiles un attribut à la fois onirique et érotique, moyen de la fulgurance et de la disparition, de la métamorphose et de la réapparition. Isadora Duncan décrit ainsi les volutes de la Salomé américaine : Devant nos yeux, elle se métamorphosait en orchidées multicolores, en fleurs de mer ondoyantes, en lys qui s’élevaient comme des spirales. C’était toute la magie de Merlin, une féerie de lumières, de couleurs, de formes fluides. Quel extraordinaire génie ! (...) Elle personnifiait les couleurs innombrables et les formes flottantes de la liberté. Cette extraordinaire créature devenait fluide, devenait lumière, couleur et flamme et finissait en une miraculeuse spirale de feu qui s’élevait vers l’infini2.

1 2

Murielle GAGNEBIN, op. cit., p. 45. Isadora DUNCAN, Ma Vie, Gallimard, Paris, 1932, p. 34.


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Si elle s’avère avant-gardiste, la danse de Nazimova, comme celles de Fuller ou de Duncan, s’affirme pourtant comme le moment d’une survivance. En effet, soudain, comme étrangère à elle-même, emportée dans cette bacchanale, Salomé prend les traits d’une de ces ménades des bas-reliefs dont les voiles, soufflés par le mouvement de la danse, dissimulent et découvrent un corps d’autant plus érotique qu’il se dévoile devant nos yeux médusés. Ceci nous rappelle, si nous l’avions oublié, que Salomé est avant tout l’histoire d’un désir, au destin tragique parce qu’ambivalent. Si Salomé est désirée par tous les hommes, elle ne sait cependant attirer les regards du seul qui compte à ses yeux, le chaste et méprisant Iokanaan. Mais cette ronde amoureuse, mortifère et sanglante, dissimule en son sein une ardeur plus subtile, et d’autant plus profonde : celle qui attache Hérode au baptiste et qui lui ferait presque manquer à sa parole royale. Ainsi que le note Murielle Gagnebin, « Jean-Baptiste, poète et moraliste, jouit d’une aura qui fascine Hérode1. » Elle ajoute : « Au drame opposant la raison et l’Idéal du Moi s’ajoute l’ambivalence du désir (Hérode est attiré par Salomé et par saint Jean), que renforce, à son tour, le conflit inhérent à la sexualité d’Hérode : c’est en effet par les yeux qu’il s’est épris de Salomé2. » Une ambivalence sexuelle que Ken Russell se charge d’immortaliser en mettant en scène une inoubliable danse des sept voiles, laquelle trouble la vue du tétrarque et du spectateur, dévoilant la puissance d’un désir sublimé. Au cours de cette chorégraphie, dansée sur l’air

1 2

Murielle GAGNEBIN, op. cit., p. 42. Op. cit., p. 43. Op. cit., p. 43.


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de L’Antre du roi de la montagne3, Salomé se dédouble, s’hystérise, frôlant Hérode que l’envie paralyse. Et, soudain, alors qu’elle retire le dernier voile qui couvre sa pudeur, le tétrarque voit s’imposer, à la place du corps attendu, celui, dénudé, du baptiste. À nouveau, comme chez Charles Bryant, l’objet du désir, qu’il soit obscur ou lumineux, se métamorphose et se révèle. De l’androgynie d’Alla Nazimova à l’hermaphrodisme de la Salomé de Russell, les pulsions homosexuelles avancent masquées sur cette scène entièrement consacrée à la transgression esthétique. La scène transgressive Après avoir joué de l’ambivalence des valeurs, qu’elles soient chromatiques ou morales, l’image de Salomé s’affirme donc comme hautement transgressive, occupant la place du seuil, entre la scène et la salle, le Jeu et la Réalité, l’Art et la Vie. Et c’est de nouveau à Ken Russel que l’on doit de travailler en profondeur la question fondamentale du reflet et de la mise en abîme dans l’œuvre de Wilde. Ici, l’auteur et les personnages habitent le même espace et le même temps, le cadre cinématographique s’affirmant comme une pellicule magique, capable de réunir créateurs et créatures en une même image. Tour à tour Hérode, Salomé et Iokanaan, quittant parfois sa place de spectateur pour flirter avec les figurants dans les coulisses, Oscar Wilde endosse ici toutes les identités et tous les masques, démiurge confronté à ses personnages incarnés. Les coulisses, ce hors-scène invisible, sont dévoilées à de nombreuses reprises, révélant l’artifice théâtral et cinématographique. Un grondement de tonnerre perd ainsi de sa superbe lorsqu’un contrechamp montre un 3

Edvard GRIEG, « L’Antre du roi de la montagne », Peer Gynt, 1876.


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technicien en train d’agiter une plaque de tôle, tandis qu’un flash d’appareil photo sert d’éclair. Seulement, à pousser aussi loin la transgression, rien d’étonnant à ce que la scène réclame un ultime sacrifice, au-delà de toute illusion. Ainsi que l’écrit Georges Bataille dans L’Érotisme : « La mise à nu, envisagée dans les civilisations où elle a un sens plein, est, sinon un simulacre, du moins une équivalence sans gravité de la mise à mort1 ». Ici, comme le décolleté de Salomé préludait à la décollation de Jean, l’effeuillage de la danseuse n’est que le prologue à son sacrifice rituel. Alors qu’Hérode prononce la sentence qui condamne Salomé, un javelot surgit des coulisses, qui assassine dans le même temps le personnage et l’actrice. Les masques s’échangent alors à vive allure : Iokanaan s’anime, rendant ses traits à Bosey, tandis que Salomé expire hors-scène. Menant la représentation à son terme, Scotland Yard fait irruption dans le bordel, rappelant la Loi au cœur d’un sanctuaire qu’elle avait fui. Wilde, perdu par son amant comme le baptiste par la danseuse, est alors placé en état d’arrestation pour indécence et corruption de mineur, prouvant ainsi la véracité d’un de ses fameux aphorismes : la Vie imite l’Art bien plus que l’Art n’imite la Vie. Condensant temps et espaces, préfigurant et défigurant fables et légendes, le mythe de Salomé, sous la plume d’Oscar Wilde, se fait aussi mythe de l’Esthétisme britannique, tendant à ses apôtres un miroir qui, à l’image de sa danse, s’avère aussi illusoire que révélateur. Les contours de Salomé, qu’à la suite du dramaturge saisissent Aubrey Beardsley, Charles Bryant et Ken Russell, révèlent 1

Georges BATAILLE, L’Érotisme, éditions de Minuit, Paris, 1957, p. 25. Georges BATAILLE, L’Érotisme, éditions de Minuit, Paris, 1957, p. 25.


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cette ambivalence, pétrie de modernité et d’archaïsme, promettant la danseuse à un éternel retour. Et c’est avec une aisance toute naturelle

que

le

cinéma,

cet

art

des

survivances

et

des

métamorphoses, des figures en mouvement que découpent le cadre et le montage, accueille tout au long de son histoire la terrible Salomé, nouvelle icône des salles obscures Tristan Grünberg

Bibliographie BATAILLE, Georges, L’Érotisme, éditions de Minuit, Paris, 1957. La Bible, Évangile de Matthieu, Reader’s Digest, Paris, 1989. CLAIR, Jean, Méduse, Gallimard, Paris, 1989. DUNCAN, Isadora, Ma Vie, Gallimard, Paris, 1932. GAGNEBIN, Murielle, Pour une esthétique psychanalytique, PUF, Paris, 1994. SHAKESPEARE, William, Hamlet in The Complete Works of William Shakespeare, Spring Books, Feltham, 1970. WILDE, Oscar, La Vérité des masques, Payot, Paris, 2002. WILDE, Oscar, Salomé, Flammarion, Paris, 1993. WILDE, Oscar, The Ballad of Reading Goal, Flammarion, Paris, 2008.

Tristan Grünberg, « Salomé, reine d’Angleterre : destins esthétiques de la Salomé d’Oscar Wilde (Aubrey Beardsley, Charles Bryant, Ken


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Russell) », Cahiers victoriens et édouardiens, 73 Printemps | 2011, 165-178.

Tristan Grünberg est docteur en études cinématographiques (Paris III) et diplômé d’un Master 2 en Histoire de l’Art (Paris I). Il enseigne l’histoire et l’esthétique du cinéma à la Sorbonne Nouvelle. Ses recherches le conduisent à interroger les rapports complexes et ambivalents entre littérature, peinture et cinéma.


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7 – Tirer sur le pianiste Par David Charles Rose (Traduction : Danielle Guérin-Rose) Dans sa conférence ‘Impressions of America’, Wilde inclut une de ses histoires les plus connues. À Leadville, Colorado, les mineurs « m’emmenèrent dans un saloon où je fus confronté à la seule méthode de critique artistique que j’eus jamais rencontrée. Audessus du piano était affiché un avis sur lequel on lisait :

Merci de ne pas tirer sur le pianiste. Il fait ce qu’il peut. La mortalité des pianistes dans cet endroit est merveilleuse. » Aussi frappante que soit cette anecdote, elle semble n’avoir inspiré aucun réalisateur de western1, même si d’innombrables scènes de ces films se déroulent dans des saloons. Elle est constamment citée, mais Wilde a-t-il réellement vu cette note ? Il se trouvait à Leadville en avril 1882, plus de deux ans après que Harper’s Bazaar ait imprimé ceci: « Un homme qui voyageait récemment en Californie a qualifié la condition sociale de ce pays de légèrement anarchique. Non seulement chacun agit selon sa propre loi, mais il exprime de manière forte (et généralement avec des balles) ce qu’il considère être son droit, contre quiconque se Même si Francois Truffaut l’a reprise en renversant la proposition : « Tirez sur le pianiste » - 1960 1


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conduit d’une façon qu’il juge déplaisante. Dans une église – parce qu’il y a des églises -

que notre voyageur avait eu

l’opportunité de visiter, il remarqua cette affiche, en gros caractères, sur la tribune d’orgue: “Vous êtes prié de ne pas tirer sur l’organiste. Il fait ce qu’il peut.”

1

Il semble que ce soit là la première apparition de cette anecdote. Mais, le 3 octobre 1882, le Atchison (Kansas) Globe, pg. 2, col. 5, rapportait : « qu’un pasteur texan a affiché l’avertissement suivant dans son église : « Vous êtes prié de ne pas tirer sur l’organiste ; il fait ce qu’il peut. » Quand Wilde raconta sa propre version dans un discours d’aprèsdîner au Pen and Pencil Club à Paris, en 1883, elle fut qualifiée par la presse américaine d’une « entreprise de résurrection d’une tradition d’almanach antédiluvienne ». Finalement,

le

website

http://www.barrypopik.com/,

d’où

cette

information est tirée, résume l’affaire ainsi : “Vous êtes prié de ne pas tirer sur le pianiste. Il fait ce qu’il peut” était un panneau qu’on voyait dans des salons de l’Ouest américain et dans les églises à partir des années 1870. Oscar Wilde a rendu ces phrases célèbres quand il l’a vue dans un saloon de Leadville.

1

Harper’s Bazaar, 20 décembre 1879, p. 815.


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Il semble donc que ce soit là un nouvel exemple de la magie d’Oscar Wilde, collectant une anecdote et y ajoutant ses propres ornements.


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8 – Témoignage d’époque Pierre Louÿs à propos du procès d’Oscar Wilde

Lettre à son frère, Georges Louis

1

Paris, vendredi Saint 12 avril (18)95 … Tu ne peux pas te figurer dans quel affolement je vis depuis quinze jours à cause du 1845.7007 (procès Londres) 2. Je n’ai plus ni sommeil, ni repos, et pourtant il faut que je sorte tous les jours, tous les soirs et que je voie tout le monde afin d’observer quelle mine on me fait. (…) Quelle abomination ! Et comme je me suis trompé ! – Heureusement tout ce que j’ai écrit, toute ma vie sauf cela, et tous mes goûts démentent ce qu’on pourrait penser, mais cela suffit-il ? Et que disent derrière moi ceux qui ne me connaissent pas ! Je me vois poursuivi jusqu’à la fin de ma vie par cette histoire. C’est à devenir fou. » 1

Pierre Louÿs – Georges Louis – Correspondance croisée 1890 – 1917 – tome 1 – Honoré Champion - 2015 2 Il s’agit du procès d’Oscar Wilde pendant lequel un poème de Louÿs intitulé « Hyacinthe », traduction en vers français d’une lettre amoureuse de Wilde à Bosie, avait été lu aux membres du jury.


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9 - Bibliographie Oscar et William Par David Charles Rose

“La première fois que je vis Oscar Wilde, c’était en mai 1888, lors d’une garden-party donnée par Lady Archibald Campbell . . . Je vis un

homme lymphatique, large et gros, dans des vêtements

inhabituels, assis sous un sapin et entouré d’admirateurs. Il était en train d’expliquer pourquoi il pensait qu’il ressemblait à Shakespeare; et il acheva son brillant monologue en disant qu’il avait bien l’intention d’avoir un médaillon de bronze frappé de son propre profil et de celui de Shakespeare. Ce à quoi Lady Archie Campbell répondit à mi-voix “Et je suppose, Mr Wilde, que votre profil sera au premier plan, devant celui de Shakespeare !” ‘ — Margot Asquith: More Memories. London: Cassell 1933 p.116. Études sur Wilde et Shakespeare John A. Bertolini

Horst Breuer

Noreen Doody

Anne Fogarty

Wilde and Shakespeare in Shaw's You Never Can Tell Oscar Wilde's Dorian Gray and Shakespeare's Sonnets William Shakespeare, Oscar Wilde and the Art of Appeal

Shaw The Annual of Bernard Shaw Studies

27

2007 pp.156-64

English Language Notes

42 : 2

2004 pp.59-68

Dublin: UCD Press

2010

Esplanade Hotel, Bray

26th Octobre 1997

Chapter VIII of Janet Clare and Stephen O'Neill (editors): Shakespeare and the Irish Writer Revisionary Days Profundis: Identities: Shaw, The 4th Oscar


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Paul Franssen

Anthony Holden R.B. Kershner

Richard Meek

Adrian Peever

Ruth Vanita

Oscar Wilde Oscar Wilde

Wilde and the Reception of Shakespeare Portraits of Mr W.S.: The Myth of Sweet Master Shakespeare in Asimov, Wilde and Burgess Oscar Wilde and Shakespeare's Sonnets Artist, Critic and Performer: Wilde and Joyce on Shakespeare "Lips that Shakespeare taught to speak": Wilde, Shakespeare, and the Question of Influence Love’s Brand New Fired: Shakespeare’s Sonnets, Oscar Wilde and the Structure of Joyce’s ‘Ulysses’ Wilde's Will: Shakespeare as Model in In Carcere et Vinculis Shakespeare on Scenery Henry IV at Oxford

Wilde Autumn School Rodopi

Amsterdam 1994

The Wildean 10

Londres

Texas Studies in Language & Literature 20 : 2

été 1978 pp.216-29

Chapter IX of Janet Clare and Stephen O'Neill (editors): Shakespeare and the Irish Writer.

Dublin

UCD Press 2010

Dissertation Abstracts International 56 : 2

Ann Arbor MI

1995

The Wildean 47

Londres

Juin 2015

Dramatic Review

Londres

14 Mars 1885

Dramatic Review

Londres

23 Mai 1885

Publications du Portrait de Mr. W.H. The Portrait of Mr W.H. 1889

Janvier 1997

Blackwoods Magazine, Edinburgh Juillet


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The Portrait of Mr W.H. [as ‘Das Sonnettenproblem des Herrn W.H.’ + ‘Lord Arthur Saviles Verbrechen’], Max Spohr. Leipzig 1902 The Portrait of Mr W.H. Wright & Jones. Londres 1904 The Portrait of Mr W.H. + Lord Arthur Savile’s Crime [as ‘Das Bildnis des Mr W.H.’ + ‘Lord Arthur Saviles Verbrechen’]. J.C.C. Bruns. Minden 1904. 1908. Le Portrait de Mr. W.H. Stock Paris 1906 Lord Arthur Savile’s Crime + The Portrait of Mr W.H. + Poems in Prose Methuen as volume XI in the 13 volume collected edition. Londres 1908 The Portrait of Mr W.H. + Lord Arthur Savile’s Crime [as ‘Das Bildnis des Mr W.H.’ + ‘Lord Arthur Saviles Verbrechen’]/

J.C.C. Bruns.

Minden 1908. Voir aussi

1904 Lord Arthur Savile’s Crime, The Portrait of Mr W.H. and Other Stories. Methuen 3rd edition, Londres 1909 The Portrait of Mr W.H. Mitchell Kennerley, limité à 1000 copies. New York 1921 The Portrait of Mr W.H. Duckworth, limité à dix copies. Londres 1921 The Portrait of Mr W.H. Mitchell Kennerley 1925 Le Portrait de Monsieur W.H.’ + Le fantôme de Canterville, Le Sphinx qui n'a pas de secret, Le modèle millionnaire, Poèmes en prose et L'âme de l'homme sous le régime socialiste].

Stock, Bibliothèque Cosmopolite No 20. Paris 1925

Lord Arthur Savile’s Crime / The Canterville Ghost/ Sphinx / Model Millionaire / Portrait of Mr W.H. [as 'Le Crime de Lord Arthur Savile et Autres Contes']. Preface de Léo Lack. Mercure de France 2nd edition, Paris 1939 The Portrait of Mr W.H. edited by Vyvyan Holland Methuen 1st complete & unlimited edition published separately. Londres 1958 The Portrait of Mr W.H. Milan 1961 Le Portrait de Mr. W.H.

Edition complète’. Jean-Jacques Pauvert. Paris 1973


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Septembre. Voir aussi 1997 The Portait of Mr W.H. [as ‘O Retrato de Sr. W.H.’]. Lisbonne 1984 The Portait of Mr W.H.

[as ‘O Retrato de Sr. W.H.’].

Relógio d’Água. Lisbonne

1990 The Portrait of Mr W.H. [as ‘Le Portrait de Mr. W.H.’]. Maren Sell. Paris 1992 The Portrait of Mr W.H.

+ The Ballad of Reading Gaol. Penguin, Penguin 60.

Londres 1995 The Decay of Lying; Pen, Pencil & Poison; The Critic as Artist; The Truth of Masks, The Soul of Man under Socialism; The Portrait of Mr W.H.; Maxims for the use of the Over-Educated; Phrases and Philosophies for the Use of the Young [as ‘Intenzione, e altri saggi’]. Introduction de Franco Buffone; Notes de Marcella Dallatore. Biblioteca Universale Rizzoli, I Classici della BUR. Milan mars 1995 Le Portrait de Mr. W.H.

Suivi de quelques poèmes en prose. Jean-Jacques

Pauvert. Paris 1997. Voir aussi 1973 Le Portrait de Mr W.H. Pauvert. Présentation et notes de Jean-Pierre Naugrette. Livre de Poche Classiques d’Aujourd’hui. Paris 1997 Le Portrait de Mr. W.H.; ‘La Plume, le crayon et le poison’]. Traduit de l’anglais par Albert Savine et J. Joseph-Renaud - Introduction, notes et bibliographies de Pascal Aquien. Flammarion 1007. Paris avril 1999 Le Portrait de Mr. W.H. The Portrait of Mr. W.H – Traduit de l’anglais et annoté par Jean Gattegno – preface de Julie Pujos.

Gallimard folio bilingue 91. Paris

2000 Le crime de Lord Arthur Savile et autres nouvelles – Le spectre des Canterville – Le sphinx sans secret – Le millionaire modèle – Le portrait de Mr.W.H. La longue vue – Contes de Londres et d’ailleurs n° 1 – Paris juillet 2000 The Decay of Lying; Pen, Pencil & Poison; Critic as Artist; Truth of Masks; Soul of Man under Socialism; Portrait of Mr W.H.; Maxims for the use of the OverEducated; Phrases and Philosophies for the Use of the Young [as ‘La vérité des masques,

Essais

et

aphorismes’].

Introduction

de

François

Dupuigrenet

Desroussilles. Payot et Rivages Rivages poche / Petite Bibliothèque. Paris mai


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2001 Le Portrait de Mr. W.H. Gallimard folio 4920.

Paris mai 2009 – Traduit de

l’anglais et annoté par Jean Gattegno. Le Portrait de Mr.W.H. Le livre de poche. Paris mai 2011 Le Portrait de Mr.W.H. Herne. Cahiers de l’Herne. Paris mai 2016


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10 – The critic as artist Oscar Wilde’s Elegant Republic Transformation, Dislocation and Fantasy in fin-desiècle Paris. De David Charles Rose Cambridge Scholars Publishing 2016.

Par Peter Dunwoodie

Les multiples visites et séjours d’Oscar Wilde à Paris sont bien connus, grace aux ouvrages de Sherard (1905), Ellmann (1988) ou Lottman (2007) par exemple. Et ces études ont été centrales dans notre perception de la place qu’occupait Wilde dans la culture européenne d’alors, inconnu (1874), célèbre (1883,1891), ou déchu (1897, 1899-1900). Ce qui était moins clair, pour beaucoup de lecteurs, c’est de quel(s) Paris il était question – réalité et clichés ou fantasmes touristiques et littéraires ne faisant pas toujours bon ménage, que ce soit dans Paris ‘Ville Lumière’ ou Paris à la ‘vulgarité triomphante’ (Jules Ferry). Avec Oscar Wilde’s Elegant Republic David


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Charles Rose cherche à y remédier en proposant une cartographie socio-culturelle

élaborée

à

partir

de

trois

grands

axes :

transformation, dislocation, et fantaisie. L’objectif déclaré est bien ‘d’influencer notre compréhension aussi bien de la créativité de Wilde que de sa position sociale’ (175), et l’ouvrage permet en effet de mieux cerner les multiples facettes du milieu et de mieux comprendre la pertinence du célèbre contraste entre œuvre de talent et vie de génie. Les territoires explorés sont le théâtre, le cirque, le cinéma ou l’opéra, les marionnettes, les cafés et boulevards, les salons littéraires ou les bals masqués, et les arts plastiques. Des mondes et demi-mondes, aux frontières floues (et à l’impact évidemment variable), faits d’échanges permanents et qui, du début jusqu’au chapitre 9, sont explorés comme des espaces interstitiels fréquentés par des êtres ‘ni dedans ni dehors’ (212). Chacun de ces territoires – fréquentés ou traversés, en effet, bien plus qu’habités - Rose cherche systématiquement à l‘ancrer dans le réel des noms ou des lieux, et si parfois la liste de noms cités peut paraître fastidieuse (surtout quand il s’agit de simples figurantsconsommateurs

inconnus,

de

simples

statistiques

prouvant

l’attractivité de Paris), peupler ainsi les espaces permet de mieux en évaluer l’influence lorsque Rose les resitue à l’intérieur d’un des trois axes interprétatifs de ‘Paris as Parade’ (212). Ainsi, par exemple, le monde

des

marionnettes

et

des

masques

lieu

proprement

carnavalesque à l’insubstantialité et à l’artifice affichés - prend tout son sens en tant que ‘rejet du Réalisme qui bloquait tout retour au Romantisme. Les marionnettes et les masques étaient au cœur des explorations intellectuelles de la période, et ils sont par conséquent


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au cœur du Paris des transformations et des métamorphoses’ (113). Si, dans leur ensemble, ces territoires sont présentés comme constitutifs de ‘Paris’ (‘a negotiated concept’, 78), ils n’avaient pas tous, bien sûr, la même importance pour Wilde. C’est ainsi, par exemple, qu’un chapitre fouillé sur le théâtre fin-de-siècle (Ch.6), présenté comme étant au centre de la vie culturelle parisienne et de l’expérimentation (y compris dans les débuts du cinéma), conclut assez platement que ‘le théâtre aurait dû être un véritable aimant pour Wilde’ (98). Lui consacrer néanmoins un chapitre, c’est rappeler, en effet, qu’en dehors du chapitre 14 qui change radicalement de perspective (Salomé, Bernhardt, Wilde), il s’agit de Paris à l’époque de Wilde, et non pas de la vie et des activités de Wilde à Paris, où, d’ailleurs, il fait avant tout figure d’observateur. Pour Rose, en effet, ‘c’est en jugeant Wilde comme observateur plutôt que comme sujet observé que l’on commence à comprendre non seulement la place qu’il occupe à Paris mais sa place dans le monde de l’esthétique, de la sensibilité et du modernisme’ (243). La grille d’interprétation retenue par Rose pour cerner ces trois caractéristiques de ‘l‘élégante république’, nourrie par les thèmes clé de l’artifice et de la métamorphose, ouvre d’intéressantes perspectives sur des pratiques et des milieux aussi importants que le décadent et le

dandy,

la

Bohême

(parade

à

l’embourgeoisement,

240),

l’homosexualité ou la flânerie (clé de ’l’esprit de Paris’, 196). Ici, comme ailleurs, en faisant s’entre-pénétrer mœurs, société civile et mondes artistiques, Rose réussit à évoquer l’instabilité des frontières, voire le flottement incessant de ‘la vie sur les boulevards (qui) indique le lieu où le beau monde glisse vers le demi-monde, le flâneur vers le


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rastaquouère, les chansons de Fauré vers celles de Paulus ou d’Aristide Bruant’ (316) ; où ‘la Parisienne elle-même fait partie de la définition de Paris’ (327), mais où son identité conventionnelle se désagrège dans le transvestisme et, surtout, le saphisme – ajoutant ainsi, utilement, à l’idée de Paris en tant que ‘topos féminisé’ (308). Etant donné l’importance de la question de la sexualité dans le contexte wildien, on peut néanmoins regretter que le chapitre 13, ‘A question of gender’, privilégie ‘Paris is a Lady’, Paris Lesbos’ et ‘A Woman’s place’, et nous renseigne peu sur l’homosexualité ou la prostitution masculines, bien que Paris constituait alors une ‘étrange symbiose entre licence et littérature’ (131). L’appareil critique, d’une étendue impressionnante (une bibliographie de quarante pages et 3091 notes qui, souvent, enrichissent encore le champ d’étude), est révélateur du parti-pris choisi par Rose pour cette vue d’ensemble : parti-pris du vécu, de l’ancrage dans le concret urbain et social. D’où les souvenirs, mémoires, ‘vies’, réminiscences, journaux

intimes,

correspondances

et

autres

formes

(auto)biographiques qui nourrissent l’œuvre. On ne peut donc que regretter qu’il ne se soit pas attardé plus longuement sur des figuresclé comme celle du flâneur (à la lumière de Benjamin, par exemple), du décadent (autour du symbolisme et de Marcel Schwob, par exemple) ou des bouleversements, des ruptures et de la reconstitution de camps, cliques etc., pendant l’affaire Dreyfus. Le dernier chapitre revient longuement sur le dernier séjour de Wilde à Paris, passant en revue les témoignages et légendes sur Wilde qui s’y greffent, concluant ‘qu’une fois encore, Oscar disparaît dans un


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brouillard de paroles’ (382). Axer ce livre sur Paris, c’était éviter d’épaissir ce brouillard et chercher à faire renaître, au contraire, pour le lecteur d’aujourd’hui, un lieu synonyme à l’époque de diversité et de fragmentation (423), c’est-à-dire en harmonie avec les multiples facettes de la personnalité de Wilde. Si dans Le Gaulois de juin 1892, Wilde, ulcéré par la censure de Salomé outre-Manche, eut recours luimême à un simple cliché sur Paris – ‘c’est la ville des artistes, je dirais volontiers : c’est la ville artiste’ – le livre de Rose nous prouve combien, de 1883 à 1900, ‘l’esprit de Paris’ convenait à celui que Gide, dans In Memoriam (1904), appelle ‘un grand viveur, si l’on permet au mot de prendre son plein sens’. Espace vital, en effet, devenu dans cette deuxième moitié du XIXè siècle, pour le plus grand bonheur d’artistes transgressifs comme Oscar Wilde, ‘le lieu où les grands récits du modernisme – sexe, temps, espace, identité – [étaient] dans l’air’ (29). Peter Dunwoodie Peter Dunwoodie Professeur

émérite

spécialiste

de

notamment

à

l’Université

littérature

'Une

Histoire

de

française

et

ambivalente

Londres

comparée, :

Le

Goldsmiths, il

a

dialogue

publié Camus-

Dostoievski' (Nizet 1996), 'Writing French Algeria' (Blackwell 1998), 'Francophone Writing in Transition: Algeria 1900-1945' (Peter Lang, 2005); ainsi que de nombreux articles sur le roman antillais, Albert Camus,

Louis-Ferdinand

d'expression française.

Céline,

et

la

littérature

algérienne


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Dernière publication: (L'Harmattan, 2016).

'Louis

Bertrand:

"Le

Sang

des races"

'


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11 - Mad Scarlet Music Par Tine Englebert

Ernest in Love

Ernest in Love est une comédie musicale, originellement créée “OffBroadway” le 4 mai 1960 au Gramercy Arts Theatre de New York. Ce spectacle, avec une musique originale de Lee Pockriss et un livret d’Anne Croswell, s’inspirait de la comédie éponyme d’Oscar Wilde. L’œuvre en deux actes est une version élargie de la comédie musicale Who's Earnest?, diffusée dans “The United States Steel Hour” en 1957. La saison 1959-1960 “Off-Broadway” comprenait une douzaine de comédies musicales et revues dont Little Mary Sunshine, The Fantasticks (basé sur la comédie Les Romanesques de 1894 d’Edmond Rostand) et Ernest in Love. La production était dirigée par Harold Stone et chorégraphiée par Frank Derbas. La comédie musicale fut chaleureusement accueillie par la critique et resta à l’affiche pour 111 représentations. Ayant attiré l’attention de Columbia Masterworks, l’œuvre a été enregistrée. En 2003, cet enregistrement de la


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distribution originale a été réédité sous la forme d’un disque compact par DRG. Dans ses notes pour la réédition de 2003 (première réédition depuis la version initiale de l’album en 1960), la parolière et librettiste Anne Croswell retraçait la genèse du spectacle à partir du moment où elle vit une adaptation télévisée de The Importance of Being Earnest en 1956. Elle ne savait pas que la comédie était si célèbre: “Had I known it was a classic, I wouldn’t have touched it.” (si j’avais su que c’était un classique, je n’y aurais pas touché). En collaboration avec le compositeur de musicals et de chansons populaires, Lee Pockriss, (auteur de “Catch a Falling Star” pour Perry Como et de “Itsy Bitsy Teenie Weenie Yellow Polkadot Bikini” pour Brian Hyland), elle s’est attaqué en 1957 à une adaptation musicale TV (Who’s Earnest?), et sur sa lancée, l’a utilisé comme base pour une comédie musicale version longue. Les comédiens de la première distribution étaient Louis Edmonds (Algernon), John Irving (Jack), Leila Martin (Gwendolen), Gerrianne Raphael (Cecily), Sara Seegar (Lady Bracknell), Lucy Landau (Miss Prism), George Hall (Dr. Chasuble), Christina Gillespie (Effie), et Alan Shayne (Lane). Depuis, la comédie musicale a été produite dans des théâtres, des écoles, des églises, des tentes et des maisons d’opéra à travers le États-Unis et à l'étranger (en traduction allemande en 2007 par Neue Studiobühne à Vienne (extrait) et en 2010 par l’Irish Repertory Theatre). Rien d’étonnant à cela parce que, comme la pièce originale, la comédie musicale est charmante et pleine d’esprit. On ne peut pas s’empêcher de penser que le grand succès remporté en 1956


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par My Fair Lady, adapté de Pygmalion de George Bernard Shaw, a grandement inspiré l’œuvre.

La troupe Moon en 2005

En 2005, la compagnie théâtrale japonaise Takarazuka Revue a mis en scène la comédie musicale dans deux productions, l’une par la troupe Moon et l’autre par la troupe Flower. Takarazuka

est

un

phénomène

difficilement

La compagnie

explicable

à

un

occidental moyen. Créée en 1914, elle présente la particularité de n’être composée que de femmes, à qui l’on apprend longuement leur art avant qu’elles puissent se produire sur scène. La compagnie (subdivisée

en

plusieurs

troupes

dénommées

“Fleur”,

“Lune”,

“Cosmos”, etc.) donne de grands spectacles musicaux relevant soit de la comédie musicale, soit de la revue, genre qu’elle a introduit au Japon en 1927 avec un spectacle intitulé Mon Paris. Bien que le répertoire des Takarazuka soit très majoritairement japonais, la compagnie a également présenté au Japon des œuvres occidentales. Depuis quelques années, certains spectacles donnent lieu à une


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captation vidéo, et c’est ainsi que l’on peut visionner un petit bijou comme Ernest in Love. Très récemment, en avril 2016, Ernest in Love a été présenté dans deux théâtres aux États-Unis, l’In Tandem Theatre et le Milwaukee Opera Theatre. “A successful marriage of Wilde and musical theater,” écrivait Dominique Paul Noth dans sa critique parue dans Urban Milwaukee le 25 avril 2016. “A howling success,” ajoutait Dave Begel dans son article du On Milwaukee: “It is a frothy bit of charm that had an opening night audience howling with laughter and smiling over songs they had probably never heard before.” Bien que The Importance of Being Earnest soit populaire pour de nouvelles adaptations musicales, il est bon de voir que l’intérêt pour les anciennes adaptations musicales, vieilles de plus de cinquante ans, reste bien vivant!

Zachary Thomas Woods (Jack), Peyton Oseth (Cecily), Doug Clemons (Algernon), Kristin Hammargren (Gwendolen), Angela Iannone (Lady Bracknell). Photo Ryan Blomquist Photography

Tine Englebert


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12 – Wilde au théâtre Stephen and Mr.Wilde De Jim Bartley La pièce de Jim Bartley, Stephen et Mr. Wilde, se déroule sur vingtquatre heures, à Toronto, à la fin du printemps 1882, pendant la tournée américaine d’Oscar Wilde. Elle met en scène l’apôtre de l’esthétisme et son valet noir américain, Stephen Davenport, un ancien esclave au passé turbulent. Personnages :      

Oscar Wilde, 27 ans Stephen Davenport, valet, 39 ans Hawthorne, Edouard, reporter au Toronto Chronicle, 37 ans Sweet, William, reporter au Toronto Chronicle, 30 ans Louise, propriétaire d’un bordel local, dans la trentaine Nancy, 17 ans, employée du bordel

La pièce a été créée au Persephone Theatre, Saskatoon, puis s’est produite dans plusieurs villes du Canada. La distribution originale est la suivante :       

Wilde Stephen Hawthorne Louise Sweet Nancy Mise en scène

Donald Carrier Philip Akin John Ralston Shannon Lawson Alphonse Gaudet Sarah Gordon Bill Glassco


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En 1995, elle est reprise à Toronto, dans une mise en scène de Martin Hunter, avant d’être jouée en 2003 au Stratford Festival, en collaboration avec la Canadian Broadcasting Corporation.

Sa dernière reprise en date se situe en 2008, du 28 février au 8 mars, au Hart House Theatre, à Toronto, toujours dans une mise en scène de Martin Hunter.


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     

Jonathan Schuster Drew Ngomba Thomas Gough Luke Slade Roxann Lee Anna Wiesen

Oscar Wilde Stephen Hawthorne Sweet Louise Nancy

L’œuvre de Jim Bartley a été éditée en 1994 par Blizzard Publishing, Winnipeg.

Les représentations de la pièce se sont limitées à la scène canadienne.


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13 - CD – DVD – Cinéma - TV L’enregistrement de l’opéra de Gerald Barry, “The Importance of being Earnest”, effectué par la BBC Radio 3 au Barbican Hall, est nommé pour

les

Grammy

Award

2016

dans

la

catégorie

composition classique contemporaine.”

Barbara Hannigan soprano

Cecily Cardew

Peter Tantsits tenor

Jack Worthing

Joshua Bloom baritone

Algernon Moncrieff

Katalin Károlyi mezzo-soprano Gwendolen Fairfax Hilary Summers contralto

Miss Prism

Alan Ewing bass

Lady Bracknell

Benjamin Bevan bass

Lane/Merriman

Joshua Hart speaker

Dr Chasuble

“Meilleure


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Birmingham Contemporary Music Group Thomas Adès conductor

Connaissez-vous la série TV “Penny Dreadful”, un conte victorien gothique dont l’un des personnages principaux n’est autre que Dorian Gray ?

Reeves Carney (Dorian Gray)

Des nouvelles du prochain film que Rupert Everett doit consacrer aux dernières années de la vie d’Oscar Wilde. Après bien des péripéties et des délais multiples, il semble que « Le Prince Heureux » verra son premier tour de manivelle en septembre prochain (avec Rupert Everett, Colin Firth, Emily Watson, Tom Wilkinson). On l’attend impatiemment !


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14 – The Oscholars www.oscholars.com abritait un groupe de journaux consacrés aux artistes et mouvements fin-de-siècle.

Le rédacteur en chef en était

David Charles Rose (Université d’Oxford). Depuis 2012, les membres du groupe sont indépendants, et le site, délaissé par son webmaster, ne reste plus sous le contrôle de M. Rose. THE OSCHOLARS est un journal international en ligne publié par D.C. Rose et son équipe de rédacteurs, consacré à Wilde et à ses cercles. Il compte plusieurs mille lecteurs à travers le monde dont un grand nombre d’universitaires. On pourra y trouver les numéros de juin 2001 à mai 2002 (archives), et tous les numéros réalisées depuis février 2007. Les numéros de juin 2002 à octobre 2003, et d’octobre 2006 à décembre 2007 sont abrités par le site www.irishdiaspora.net. Vous y découvrirez une variété d’articles, de nouvelles et de critiques : bibliographies,

chronologies,

liens

etc.

L’appendice

‘LIBRARY’

contient des articles sur Wilde republiés des journaux. Les numéros jusqu’à mars 2010 sont en ligne

ici,

mais quelques pages ont été

détruites par le ci-devant webmaster. Depuis l’automne 2012, on peut trouver THE OSCHOLARS sous cette adresse : http://oscholars-oscholars.com/


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15. Signé Oscar Wilde En somme, il n’y a pas d’Hamlet de Shakespeare. Si Hamlet possède un peu de la netteté de l’œuvre d’art, il comporte aussi toute l’obscurité propre à la vie. Il y a autant d’Hamlets que de mélancolies. (La critique est un art)

In point of fact, there is no such thing as Shakespeare’s Hamlet. If Hamlet has something of the definiteness of a work of art, he as also all the obscurity that belongs to life. There are as many Hamlets as there are melancholies.” (The Critic as artist)


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